Catégorie : Maroc

  • L’échange automatique d’informations en matière fiscale : le cas du Maroc

    Par Nathalie Aflalo, Avocate

    Le Maroc devient la 89ème juridiction signataire de la convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales.

    Les 20 dirigeants des plus grandes puissances économiques se sont engagés en septembre 2013 à tout mettre en œuvre afin de lutter contre ce qu’ils nomment « un fléau pour la planète » et que l’année 2015 marque le passage à l’échange automatique de données à des fins fiscales.

    Presqu’une décennie plus tard, la fiscalité internationale connaît une véritable révolution. Transparence semble être le maître mot en la matière.

    2014 : date initiatrice de ce mouvement, les Etats-Unis d’Amérique introduisent la loi FATCA (Foreign Account Tax Compliance act). Dorénavant, les établissements financiers seront tenus de communiquer les avoirs et revenus des contribuables américains au niveau mondial.

    Les pays Européens ont emboité le pas, en établissant le CRS (Common Reporting Standard). Ainsi, l’échange automatique d’informations est encadré par une norme commune de déclaration (NCD ou CRS pour Common Reporting Standard) fixée par l’accord multilatéral de Berlin du 29 octobre 2014 conclu au entre autorités compétentes.

    En termes clairs, jusqu’en 2009, l’essentiel des échanges d’informations entre administrations fiscales se faisait sur demande.

    Les conventions fiscales internationales signées entre les Etats dont la France, ont également pour objet de lutter contre l’évasion et la fraude fiscales internationales et prévoient une assistance entre les administrations.

    Dorénavant, les informations seront automatiquement échangées entre les Etats signataires de ces normes et désireuses de s’engager dans le processus.

    L’échange automatique trouve son fondement dans la convention multilatérale concernant l’assistance mutuelle en matière fiscale. Pour permettre la mise en œuvre effective de l’échange automatique entre les signataires de la convention, cette dernière doit être complétée par un accord spécifique entre autorités compétentes des Etats signataires (MCAA – Mutual Competent Authorities Agreement).

    Les Etats signataires de l’Accord s’engagent à contraindre leurs banques et institutions financières à collecter un certain nombre d’informations précisément définies auprès de leurs clients non-résidents.

    Les informations recueillies sont ensuite transmises aux administrations fiscales des pays concernés.

    C’est ainsi que les administrations fiscales se trouvent détenir les informations suivantes :
    – Identité et coordonnées complètes du bénéficiaire, TIN ;
    – numéro des comptes ;
    – nom et numéro d’identification de l’institution financière déclarante ;
    – solde du compte/valeur de rachat des contrats ;
    – revenus qu’il génère.

    Le 25 juin 2019, le Maroc a signé la convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales, devenant ainsi, la 89ème juridiction à adhérer à la Convention, qui couvre maintenant presque 1530 conventions fiscales.

    Ce faisant le Maroc s’engage dans ce processus d’échange automatique d’informations avec les autres Etats, la date exacte du début des opérations n’est pas encore fixée.

    Etant entendu, que le calendrier serait susceptible d’évoluer si le dispositif n’était pas opérationnel.

    Quoiqu’il en soit et quel que soit la date effective de cet échange automatique, le Maroc rejoint la liste des pays qui depuis déjà quatre années échangent ces données.

    Concrètement, qui est concerné et que doit-on déclarer ?

    Tout résident fiscal français, au sens de l’article 4B du Code Général des Impôts qui détient un compte bancaire dans une institution financière au Maroc.

    En effet, au visa des articles 4A et 1649A et 1649AA du Code Général des Impôts, les personnes qui ont en France le domicile fiscal sont passibles de l’impôt en raison de l’ensemble de leurs revenus y compris ceux de source étrangère. Ces personnes sont également tenues de déclarer en même temps que leur déclaration de revenus, les références des comptes ouverts, utilisés ou clos à l’étranger et des contrats d’assurance vie souscrits auprès d’organismes établis hors de France.

    Chaque année, au moment de déclarer ses revenus via le la déclaration de revenus globale n°2042, le contribuable doit souscrire, un formulaire 3916 et éventuellement selon les cas souscrire une déclaration n°2047 en indiquant les revenus perçus à l’étranger.

    Dans le cadre d’une régularisation spontanée, le dossier à remettre à l’autorité fiscale compétente, doit comprendre obligatoirement, outre un descriptif détaillé et assorti de justificatifs, les déclarations de revenus rectificatives si les comptes ont été productifs de revenus, tels que dividendes, de plus-values, intérêts. Eventuellement, l’ISF si la réintégration des montants des comptes bancaires rend éligible le contribuable à l’ISF et pour les années où cet impôt était en vigueur.

    Il doit également comprendre de manière non exhaustive, l’attestation de titularité du compte ou contrat d’ouverture de compte l’ensemble des documents bancaires, les relevés de comptes, les états de fortune, les états annuels des revenus, les états annuels de gains ou de pertes…

    Les montants dus au titre de cette régularisation seront assortis d’intérêts de retard, de majorations et d’amendes.

    Ne pas déclarer son compte à l’étranger, expose le contribuable a des sanctions fiscales, mais également pénales, ainsi aux termes de l’article 1741 du CGI, la fraude fiscale est ainsi définie :

    « Sans préjudice des dispositions particulières relatées dans la présente codification, quiconque s’est frauduleusement soustrait ou a tenté de se soustraire frauduleusement à l’établissement ou au paiement total ou partiel des impôts visés dans la présente codification, soit qu’il ait volontairement omis de faire sa déclaration dans les délais prescrits, soit qu’il ait volontairement dissimulé une part des sommes sujettes à l’impôt, soit qu’il ait organisé son insolvabilité ou mis obstacle par d’autres manœuvres au recouvrement de l’impôt, soit en agissant de toute autre manière frauduleuse, est passible, indépendamment des sanctions fiscales applicables, d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 500 000 euros, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l’infraction. Les peines sont portées à sept ans d’emprisonnement et à une amende de 3 000 000 euros, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l’infraction, lorsque les faits ont été commis en bande organisée ou réalisés ou facilités au moyen :
    1° Soit de comptes ouverts ou de contrats souscrits auprès d’organismes établis à l’étranger ».

    Dès lors, les éléments constitutifs du délit de fraude fiscale doivent réunir :
    – d’une part, l’existence de faits matériels tendant à permettre au contribuable de se soustraire totalement ou partiellement au paiement de l’impôt ;
    – d’autre part, une intention délibérée de fraude.

    Dès lors, il est vivement recommandé aux résidents fiscaux français de se mettre en règle.

    Village de la justice, 26 mars 2021

    Tags : Maroc, fisc, échange d’information, fraude fiscale,

  • « Le cannabis au Maroc: une fois de plus, le royaume entre dans l’histoire » (Fred Rocafort)

    Fred Rocafort*

    Le 11 mars, le cabinet marocain a approuvé un projet de loi visant à légaliser le cannabis médical. Le projet de loi va maintenant être soumis au parlement marocain pour examen. Si le projet de loi aboutit finalement, le Maroc deviendra un véritable pionnier, en tant que deuxième pays du monde arabe à légaliser toute forme de cannabis.

    Aux termes du projet de loi, la culture du cannabis ne sera autorisée que dans certains secteurs des montagnes du Rif. Cela reflète les préoccupations du gouvernement concernant l’augmentation des revenus des agriculteurs dans une région qui a «connu des manifestations contre les inégalités économiques».

    Ce qui va se passer au Parlement est une hypothèse. Le plus grand parti de la coalition au pouvoir, le Parti de la justice et du développement (PJD), est divisé sur la question. Comme l’a démontré l’approbation du cabinet, la direction du PJD soutient le projet de loi. Cependant, il existe une dissidence au sein de la base, ce qui, selon certains, pourrait conduire à une division au sein du parti. Un ancien secrétaire général du PJD, Abdelilah Benkirane , a «gelé» son appartenance à son parti sur le projet de loi, déclarant que le cannabis était «mauvais» et incompatible avec l’islam.

    En plus des désaccords sur le cannabis, l’acrimonie reflète également le mécontentement des extrémistes du PJD face aux relations chaleureuses du gouvernement avec Israël . De plus, l’ Algérie a exprimé sa préoccupation quant à l’impact potentiel de la légalisation au-delà de la frontière marocaine. La perspective d’intensifier les tensions existantes avec son voisin – y compris au sujet d’Israël – peut refroidir davantage les attitudes à l’égard du projet de loi.

    En fin de compte, le fait qu’il existe au moins un certain soutien pour la légalisation du cannabis au sein du PJD est remarquable. Il n’y a pas si longtemps, le parti a exprimé son «refus catégorique» d’envisager des initiatives de légalisation.

    Alors que les conflits au sein du PJD pourraient compliquer l’approbation du projet de loi, les principaux partis d’opposition, le Parti de l’authenticité et de la modernité ( PAM ) et le Parti de l’indépendance ( Istiqlal ), soutiennent depuis longtemps la légalisation du cannabis médical. À eux deux, le PAM et l’Istiqlal détiennent 148 des 395 sièges de la Chambre des représentants. Cela signifie que le projet de loi pourrait vider la chambre basse même si plus de la moitié de la délégation du PJD vote contre. À la Chambre des conseillers, les deux partis contrôlent 48 sièges sur 120. En supposant que le projet de loi bénéficie du soutien d’au moins quelques conseillers du PJD, son adoption pourrait être obtenue avec une poignée de votes de la myriade d’autres partis représentés à la chambre haute.

    L’accord de normalisation historique du Maroc avec Israël en décembre dernier a mérité à juste titre des éloges. Maintenant, le royaume a une autre chance de faire l’histoire.

    *Fred est un ancien diplomate qui a rejoint Harris Bricken après plus d’une décennie d’expérience juridique internationale, principalement en Chine, au Vietnam et en Thaïlande. Son large éventail d’expériences comprend le démarrage et l’exploitation de sa propre entreprise en Asie, en tant que conseiller juridique interne pour une multinationale basée à Hong Kong, ainsi que de nombreuses années en tant que fonctionnaire du département d’État, offrant une perspective centrée sur le client à son service juridique. travailler. Fred co-anime le podcast hebdomadaire Global Law and Business de Harris Bricken, qui couvre les développements juridiques et économiques dans des régions du monde entier pour déchiffrer les tendances mondiales du droit et des affaires avec l’aide d’invités internationaux.

    Harris Bricken, 24 mars 2021

    Tags : Maroc, cannabis, Algérie, Haschich, PJD,



  • Le Musée Mohammed VI pour la civilisation de l’eau et le bureau de la FAO au Maroc s’associent pour la première fois pour célébrer la journée mondiale de l’eau

    « L’importance de l’eau pour notre confort et pour notre survie »

    Lorsque vous vous êtes réveillé.e.s ce matin, vous vous êtes probablement dirigé.e.s vers la salle de bain, pour vous laver les mains, le visage et vous brosser les dents.

    Vous avez certainement tout de suite enchaîné avec votre cafetière, en la remplissant d’eau qui coule en abondance du robinet de votre cuisine. Après avoir bu votre première tasse, peut-être avez-vous également laisser votre douche chauffer pendant quelques minutes pour atténuer l’air du début du printemps.

    Cela fait déjà énormément d’eau, et la journée ne fait que commencer !

    Pour beaucoup de personnes dans le monde, c’est une autre histoire. 1 personne sur 3 n’a pas accès à l’eau salubre et d’ici à 2050, jusqu’à 5,7 milliards de personnes pourraient vivre dans des zones en pénurie d’eau au moins un mois par an.

    L’un des principaux objectifs de la Journée mondiale de l’eau, qui est célébrée tous les ans le 22 mars, est de réfléchir à l’importance de l’eau non seulement pour notre confort mais aussi pour notre survie et prendre conscience que, pour des millions de personnes, l’accès peut être une lutte quotidienne.

    Conscient des enjeux stratégiques liés au secteur de l’eau, le Musée Mohammed VI pour la civilisation de l’eau -AMAN- et le bureau de la FAO au Maroc se sont associés pour la première fois pour célébrer cette journée qui a pour objectif de sensibiliser les populations aux différents enjeux liés à l’eau.

    Dans l’esprit avant-gardiste de cet établissement unique ont été projetés durant toute la journée du 22 mars 2020, le spot vidéo et les affiches de la journée mondiale de l’eau sur les écrans moniteurs de la première structure muséographique dédiée à l’histoire et la civilisation de l’eau au Maroc. Cette opération à travers laquelle le public a répondu présent malgré le contexte sanitaire engendré par la Covid-19, a permis d’attirer l’attention d’un certain nombre de visiteurs et a marqué le début d’une collaboration fructueuse entre les deux institutions.

    Pour rappel, le Musée Mohammed VI pour la Civilisation de l’Eau au Maroc – AMAN a été créé par le Ministère des Habous et des Affaires Islamiques en hommage au génie marocain dans la gestion de l’eau, au rôle historique des Habous dans la régie de l’eau, et en hommage à l’œuvre contemporaine de feu sa majesté Hassan II et sa majesté Mohammed VI dans la politique et les réalisations hydrauliques du royaume.

    Nations Unies au Maroc, 24 mars 2021

    Tags : Nations Unies au Maroc, Maroc, eau, Musée Mohammed VI pour la civilisation de l’eau, bureau de la FAO au Maroc,

  • Le Maroc pourrait venger la population de Figuig en coupant le « Gazoduc Maghreb-Europe »

    Suite à l’expulsion des agriculteurs marocains de la localité de Laaroda par les autorités algériennes, l’affrontement est à son comble entre les deux voisins maghrébins. Dans cet affrontement, toutes les armes sont, apparemment, valables.

    Selon un média marocain, les autorités marocaines auraient l’intention de mettre fin aux revenus souttirés du Gazoduc Maghreb-Europe par la non reconduction des accords signés entre le Maroc et l’Algérie à ce sujet. Ces accords prendront fin en 2021 après 25 ans d’exploitation permettant à Alger d’acheminer son gaz vers le contienent européen.

    D’une longueur de plus de 1300 km, dont 540 km sur le territoire marocain, le Gazoduc Maghreb-Europe permet le transit d’un volume annuel de plus de 10 milliards de m³ de gaz naturel.

    Tags : Algérie, Maroc, Gazoduc Maghreb-Europe, exportations de gaz, Figuig, El Arja, Laaroda,

  • RTBF : Ali Aarrass dénonce les tortures au Maroc : « Avec ces techniques, ils finiront toujours pour avoir gain de cause »

    Ali Aarrass nous a donné rendez-vous dans son petit appartement, à Bruxelles.

    C’est là qu’à 59 ans désormais, l’homme refait petit à petit sa vie, auprès de sa femme Houria, et de sa fille Amina. Une reconstruction pas à pas, après 12 années de privations, d’emprisonnement, et d’épisodes de torture affirme-t-il. Douze années passées à purger sa peine dans les prisons marocaines.

    Hanté par ses souvenirs, Ali Aarrass ressasse encore sa disparition au monde.

    « Les conditions de détention en isolement sont très très dures à accepter surtout pour un innocent, dit-il. Et le plus dur, c’est d’être entre ces quatre murs, je vous parle surtout du Maroc, et toutes vos doléances, toutes vos demandes, sont bafouées ; là vous vous sentez abandonné. »

    Car Ali Aarrass clame surtout son innocence, et cela depuis son arrestation en Espagne.

    Son histoire judiciaire débute pour le grand public le 1er avril 2008. En vacances chez son père qui habite dans l’enclave espagnole de Melilla, il est arrêté à la demande des autorités marocaines. Ce Belgo-marocain est accusé de trafic d’armes, pour le compte d’une organisation terroriste djihadiste. Il va être extradé, puis condamné au Maroc 15 ans de prison, ramenés à 12 ans en 2012.

    Extradé, malgré un non-lieu

    Il passera plus d’un an et demi en prison à Madrid. La justice espagnole va enquêter sur ses activités présumées, et le juge Baltasar Garzon va conclure à un non-lieu… Ali Aarrass va tout de même être extradé, les autorités marocaines modifiant leurs charges à son encontre.

    Amer, Ali Aarrass sait bien aujourd’hui que c’est cette décision du gouvernement espagnol de répondre positivement à la demande d’extradition, qui déterminera le reste de sa vie : « S’il y a quelqu’un à qui je devrais en vouloir, c’est le gouvernement espagnol et à José Luis Zapatero (premier ministre socialiste espagnol à cette époque, ndlr), un gouvernement complice avec le Maroc, ajoute Ali Aarrass : « Et quand on parle du Maroc, on parle du Roi Mohamed VI, et le directeur général de la sûreté marocaine, Abdellatif Hammouchi. Ils sont les responsables de ce massacre, et des tortures abjectes qui m’ont été faites. »

    Absence de soins médicaux, de nourriture comestible, « on était dans un zoo », raconte-t-il.

    Mais surtout, Ali Aarrass dénonce : les aveux sur lesquels s’est basée sa condamnation au Maroc, les seuls éléments fournis publiquement, auraient été forcés, obtenus sous la torture.

    Aveux et tortures

    Il raconte avoir subi des maltraitances pendant quatre jours, à son arrivée dans un centre de détention de la DST (Direction générale de la surveillance du territoire) , le centre de Temara. « Ils ont l’habitude de torturer, de massacrer, et ce n’est qu’après qu’ils te posent des questions. Les scènes de tortures sont horribles, abominables, inhumaines. On ne peut pas dire que ce sont des aveux, parce qu’à force de torture, après quatre jours, quand je n’ai pas cessé de leur dire que je n’avais rien à voir avec ces accusations, et ces armes qu’ils cherchaient, je me suis dit il faut que j’invente quelque chose. Ce ne sont pas des aveux… C’est impossible de résister, avec ces techniques, ils finiront toujours pour avoir gain de cause. »

    A ces souvenirs, Ali Aarrass faiblit, ses yeux s’emplissent de larmes. « Temara, c’est un centre secret, un centre pénitentiaire secret qui est là spécialement pour torturer les citoyens et les citoyennes marocaines. Au moment où j’étais sous la torture, j’ai entendu les cris d’une femme… C’était horrible… C’était horrible de voir une femme crier et eux, ils étaient en train de rigoler. Pour moi ils étaient en train de la violer… C’est connu ils font ça avec plein de gens, d’innocent pour en tirer des aveux. Le centre de Témara c’est un centre où l’on torture… Est-ce qu’on peut dire que c’est un Etat de droit, un Etat démocratique ? »

    Plus tard, d’autres éléments vont être interpellants dans ce dossier. Une vidéo montrera Ali Aarras, le dos marqué de coups, dans une cellule de la prison marocaine de Salé 2. Cette vidéo aurait été tournée par un gardien, en 2012, elle sera diffusée par la famille et les avocats d’Ali Aarras en 2015.

    RTBF, 24 mars 2021

    Tags : Maroc, Belgique, Ali Aarrass, torture, terrorisme,

  • Offensive diplomatique marocaine contre l’Allemagne

    En ouvrant une crise avec l’Allemagne, la diplomatie marocaine vise le principal pays de l’Union européenne. Un partenaire économique important, mais qui refuse de se plier à la vision de Rabat concernant le conflit du Sahara occidental.

    Khadija Mohsen Finan, Aboubakr Jamai

    Le 2 mars, Nasser Bourita, le ministre marocain des affaires étrangères a adressé un communiqué au chef du gouvernement, mentionnant que du fait de « malentendus profonds avec la République fédérale d’Allemagne, les départements ministériels, et les organismes relevant de leurs tutelles doivent suspendre tout contact, interaction ou action de coopération ». Cette position inhabituelle reflète l’ampleur des différends qui se sont accumulés au cours des années entre les deux pays, et d’abord autour de la question du Sahara occidental.

    Dans son rapport de mars 2021 [Réengager des efforts internationaux au Sahara occidental, Briefing no. 2, 11 mars 2021.]] consacré au conflit du Sahara occidental, International Crisis Group révèle que le Maroc a émis des conditions à la nomination de l’envoyé spécial du secrétaire général des Nations unies en remplacement de Horst Köhler qui avait démissionné en mai 2019. Réalisant au cours du mandat de l’ancien président allemand qu’il était difficile de « contrer Berlin », Rabat ne voulait plus d’un émissaire allemand. L’intransigeance de Berlin avait déjà fait grincer les dents des diplomates marocains. Elle allait bientôt les exaspérer un peu plus : l’Allemagne a refusé d’emboiter le pas aux États-Unis sur le dossier du Sahara après l’annonce du président américain Donald Trump, le 11 décembre 2020, de la reconnaissance de la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental.

    Quelques jours plus tard, les Allemands réaffirmaient leur détermination « à parvenir à une solution juste, durable et mutuellement acceptable sous la médiation des Nations unies », avant de demander, une semaine plus tard, une réunion d’urgence du conseil de sécurité de l’ONU pour discuter de ce dossier. Le communiqué1 du représentant allemand à l’ONU Christoph Heusgen à l’issue de cette réunion d’urgence réaffirme la centralité du processus onusien et se démarque de l’initiative américaine. Il va même plus loin en faisant endosser au Maroc l’échec du processus référendaire mis en place par l’ONU au début des années 1990, quand il affirme que « 10 000 colons ont été transférés par le Maroc dans la région qu’il occupait ». Pour Berlin, les transferts de Marocains vers le Sahara occidental pour venir grossir le corps électoral sont à l’origine de l’enlisement du processus référendaire.

    L’Allemagne rend le Maroc responsable de l’échec de l’organisation d’un référendum, mais n’en continue pas moins d’entretenir une coopération très active avec le Maroc. Elle répète à l’envi que le Maroc est son meilleur allié dans la région, et qu’il s’agit d’un pays ami avec lequel elle ne manque pas de se montrer généreuse et solidaire. Pour preuve, le 2 décembre 2020 — soit 20 jours seulement avant la publication du communiqué précité —, Berlin débloquait une enveloppe de 1,387 milliard d’euros d’appui financier dont 202,6 millions d’euros sous forme de dons, et le reste sous forme de prêts bonifiés, en soutien aux réformes du système financier marocain et en aide à la lutte contre la Covid-19.

    AMBIGUÏTÉ AMÉRICAINE ET RÉTICENCE EUROPÉENNE

    Si la tension était déjà grande entre les deux pays à la fin 2020, pourquoi les autorités marocaines ont-elles attendu plus de deux mois pour réagir ? Était-ce un effet de la lettre ouverte qu’adressaient au président Joe Biden, le 17 février 2021, 27 sénateurs américains emmenés par le républicain James Inhofe et le démocrate Patrick Leahy pour l’inciter à revenir sur la décision de Donald Trump de reconnaître la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental ? « Nous vous exhortons respectueusement à revenir sur cette décision malheureuse et à réengager les États-Unis dans l’organisation d’un référendum d’autodétermination pour le peuple du Sahara occidental. »

    La réponse ambiguë du porte-parole du département d’État Ned Price, le 22 février, à une question sur le sujet révèle une possible prise de distance avec la position de l’équipe Trump. Après avoir exprimé l’appui et la satisfaction de l’administration Biden pour la normalisation des relations entre le Maroc et Israël, Ned Price s’est empressé d’ajouter que les États-Unis « soutiennent le processus onusien pour trouver une solution juste et durable au conflit ».

    L’échange montre que si l’administration Biden n’est pas revenue sur la décision de l’administration Trump sur le Sahara occidental, elle ne le proclame pas haut et fort pour autant. Et que pour les États-Unis, l’ONU et la Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (Minurso) restent des acteurs centraux dans le processus de résolution du conflit.

    Un mois plus tôt, le Maroc mesurait déjà les limites de l’effet d’entrainement de l’initiative Trump. Ce 15 janvier 2021, Il espérait capitaliser sur celle-ci et organisait conjointement avec l’administration américaine en fin de course une conférence virtuelle de soutien au plan d’autonomie. Le succès de l’événement dépendait du nombre de pays participants, et surtout de leur importance géostratégique. Le moins qu’on puisse dire est que la montagne a accouché d’une souris, puisque la France était le seul pays occidental à y prendre part. Et la participation africaine était également en deçà des attentes. Par sa politique économique offensive et son adhésion à l’Union africaine en 2017, le Maroc espérait gagner des pays à sa cause saharienne. Or l’Afrique du Sud, le Nigeria, l’Éthiopie et même le Kenya étaient absents de cette conférence.

    Concernant l’autonomie du Sahara, la diplomatie allemande tient un discours bien plus nuancé que les autres pays européens qui entretiennent de très bonnes relations avec le Maroc. Dans un entretien du 12 janvier 2021 diffusé sur YouTube2, l’ambassadeur d’Allemagne au Maroc Götz Schmidt-Bremme explique que le confit du Sahara « n’a que trop duré », et qu’une solution juridique est nécessaire pour que Berlin puisse encourager et soutenir les entreprises allemandes à investir dans le Sahara sans s’exposer à des plaintes déposées par le Front Polisario auprès de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). Le diplomate prend soin d’expliquer que le Front Polisario doit « obtenir quelque chose » et que la solution devrait être acceptée par les deux parties.

    Si Berlin considère que le plan d’autonomie proposé par Rabat constitue une solution « réaliste et pratique », le diplomate précise toutefois qu’elle ne satisfait pas pleinement son pays. Et c’est peut-être la conclusion de l’interview qui a cristallisé le mécontentement de Rabat. L’ambassadeur y qualifie en des termes peu diplomatiques les insuffisances de la politique de régionalisation. « Il y a des voix ici au Maroc, qui disent qu’avec la régionalisation avancée nous avons le modèle pour les régions du Sud. Ça ne marche pas. »

    Cet argument met le doigt sur la principale faiblesse de la proposition d’autonomie. Le Maroc ne veut pas seulement que la communauté internationale accepte le principe d’autonomie comme unique solution au conflit. Il insiste pour que son plan d’autonomie soit accepté sans discussion. Et c’est là que le bât blesse, car même si la diplomatie marocaine parvenait à faire accepter le principe d’autonomie à la communauté internationale, il lui sera difficile d’appliquer aux Sahraouis ses institutions autoritaires. Accepteraient-ils sans sourciller la multiplication des violations des droits humains, un appareil sécuritaire qui ne rend compte qu’au roi, et une justice rendue au nom du seul souverain et qui n’est en rien indépendante du pouvoir exécutif ? Certains parlent même d’une « benalisation » du régime.

    UNE DIPLOMATIE « SÉCURITAIRE » MISE À MAL

    C’est une affaire de violation des droits humains qui a contribué à la récente crise : l’affaire Mohamed Hajib. Arrêté par les autorités marocaines, ce militant islamiste maroco-allemand a été condamné en 2010 à sept ans de prison pour terrorisme. Libéré en 2017, il est retourné en Allemagne d’où sont diffusées sur YouTube des vidéos3 dans lesquelles il dénonce des violations des droits humains au Maroc. Sa présence en Allemagne fait craindre aux autorités marocaines une seconde affaire Zakaria Moumni, du nom de cet ancien champion de kick-boxing qui, en France, avait déposé plainte pour torture contre Abdelatif Hammouchi, le directeur de la Direction générale de la sécurité du territoire (DGST). L’affaire avait conduit un juge d’instruction français à convoquer Hammouchi, provoquant une immense colère des dirigeants marocains et une crise entre Paris et Rabat. Après une année d’arrêt de la coopération judiciaire entre les deux pays, la France finira par accéder à la signature d’un accord remettant en cause la compétence universelle des tribunaux français à l’égard du Maroc.

    Les craintes du Palais sont d’autant plus fondées que le dossier Mohamed Hajib pourrait être plus épineux encore. En effet, en alléguant que ses vidéos incitaient au terrorisme, la justice marocaine a demandé à Interpol, l’organisation policière intergouvernementale, d’émettre une « notice rouge » pour l’arrestation de Mohamed Hajib. La requête a été rejetée, Interpol s’appuyant sur l’avis du comité de l’ONU contre la torture de 2012. Pour le comité onusien, qui prend en compte les rapports du personnel consulaire allemand, les plaintes pour torture déposées par Hajib lors de sa détention au Maroc étaient crédibles.

    Plus grave encore : dans ses vidéos, Mohamed Hajib promet la prison aux responsables sécuritaires marocains et évoque des poursuites contre Abdelatif Hammouchi en Allemagne. Ces paroles pouvaient passer pour de la forfanterie, jusqu’à la condamnation le 24 février 2021 d’un ancien membre des services secrets syriens par la Haute Cour régionale de Coblence en Allemagne pour complicité de crime contre l’humanité. Cette condamnation souligne la volonté des tribunaux allemands de faire jouer la compétence universelle dans les cas de crimes contre l’humanité.

    Le Maroc redoute aussi que l’affaire porte atteinte à l’image de sa diplomatie « sécuritaire ». La presse favorable au régime ne cesse de mettre en avant la perspicacité des services de renseignement, dont les informations communiquées aux pays amis ont été d’une grande utilité. C’est donc la crédibilité même du renseignement marocain qui est en jeu, dans la mesure où cette presse est instrumentalisée par Rabat pour donner un caractère politique à certaines enquêtes. Le journaliste Ignacio Cembrero avait révélé dans son ouvrage La España de Ala comment les services de renseignement marocains signalaient comme terroristes islamistes des militants de la cause sahraouie.

    En donnant consigne à l’administration marocaine de bouder l’Allemagne et ses institutions présentes au Maroc, Nasser Bourita adopte une attitude conforme à la diplomatie de Mohamed VI. Une approche qui a porté ses fruits notamment avec la France et l’Espagne. Avec l’Allemagne, il est possible que le Maroc soit tombé sur un État qui refuse de considérer ce que le régime marocain appelle un « partenariat global », qui inclut la coopération économique et sécuritaire, et naturellement la reconnaissance de la marocanité du Sahara.

    Khadija Mohsen-Finan

    Politologue, enseignante (université de Paris 1) et chercheuse associée au laboratoire Sirice (Identités, relations internationales et civilisations de l’Europe). Dernière publication (avec Pierre Vermeren) : Dissidents du Maghreb (Belin, 2018). Membre de la rédaction d’Orient XXI.

    Aboubakr Jamai

    Journaliste marocain, directeur du programme des relations internationales à l’Institut américain universitaire (IAU College) d’Aix-en-Provence. Il a fondé et dirigé les hebdomadaires marocains Le Journal Hebdomadaire et Assahifa Al Ousbouiya.

    Orient XXI, 24 mars 2021

    Tags : Maroc, Allemagne, Sahara Occidental, Front Polisario, ONU, MINURSO, Union Européenne,

  • Maroc : RSF exprime « sa joie et son soulagement » après la libération de Maati Monjib

    Maroc : Maâti Monjib enfin libre après 20 jours de grève de la faim !

    Reporters sans frontières (RSF) exprime sa joie et son soulagement après la libération du journaliste franco-marocain Maâti Monjib qui observait, au péril de sa vie, une grève de la faim depuis près de trois semaines.
    Alors que son état de santé se dégradait dangereusement après 20 jours de grève de la faim, le journaliste et historien franco-marocain Maâti Monjib a été libéré ce mardi 23 mars.

    “Nous sommes tellement heureux d’apprendre la libération de Maâti Monjib, déclare le secrétaire général de RSF, Christophe Deloire. L’iniquité évidente de la procédure et son état de santé le réclamaient. Toutes les poursuites engagées contre lui et contre les autres journalistes marocains accusés à tort doivent être abandonnées au plus vite, avant que d’autres vies ne soient mises en danger.”

    Cette libération survient quatre jours après l’opération de soutien menée par les équipes de RSF devant les grilles de l’ambassade du Maroc à Paris. Visiblement amaigri, Maâti Monjib est sorti peu avant 20 heures (heure locale) de la prison d’Al Arjat 2 près de Rabat, où il était incarcéré depuis le 29 décembre 2020. A ce stade, selon les informations recueillies par RSF, sa libération ne serait pas assortie d’une interdiction de sortie de territoire.

    Maâti Monjib avait cessé de s’alimenter depuis le 4 mars 2021 afin de dénoncer sa condamnation à un an de prison ferme et à une amende de quinze mille dirhams (1400 euros) pour « atteinte à la sécurité de l’Etat » et « fraude ». Ses avocats et son comité de soutien avaient dénoncé ce jugement rendu le 27 janvier dernier par le tribunal de première instance de Rabat en son absence, et sans que ses avocats n’aient été ni convoqués, ni même prévenus. L’audience d’appel aura lieu le 6 avril prochain. La justice doit aussi se prononcer dans les prochains jours sur l’opportunité ou non de donner suite à une autre affaire de “blanchiment d’argent” pour laquelle il est poursuivi et qui lui avait valu son arrestation fin décembre.

    Figure du combat pour les droits de l’homme au Maroc, Maâti Monjib, âgé de 59 ans, est aussi un journaliste et éditorialiste reconnu. Membre du comité de rédaction du magazine papier et en ligne Zamane, il signait jusqu’à son arrestation un éditorial bimensuel sur le journal Alquds Alarabi, publié à Londres. Maâti Monjib est également le fondateur du Centre Ibn Rochd d’études et de communication et de l’Association marocaine pour le journalisme d’investigation (AMJI) et a, à ce titre, contribué à la formation de plus de 450 journalistes marocains.

    Ses activités en faveur de la liberté de la presse au Maroc et des droits de l’homme ont fait de lui une cible du régime marocain depuis plusieurs années. En octobre 2015, Maâti Monjib avait déjà observé une grève de la faim de 21 jours pour protester contre son interdiction de quitter le territoire pour se rendre à des colloques internationaux.

    Le Maroc occupe le 133e rang sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse de RSF.

    RSF, 24 mars 2021

    Tags : Maroc, Maati Monjib, RSF,

  • Maroc : Les RME contraints de dévoiler leurs avois financières


    À partir de cette année, en septembre, le Maroc va partager les données financières de ses propres citoyens avec les autorités fiscales étrangères. Les autorités fiscales néerlandaises pourront ainsi demander les coordonnées bancaires et autres biens des citoyens marocains et néerlandais. C’est un souhait du gouvernement néerlandais depuis un certain temps. Sur les médias sociaux à l’intérieur et à l’extérieur du pays d’Afrique du Nord, les Marocains ont fait beaucoup de bruit.

    Agitation

    Pour de nombreux Marocains, également ici aux Pays-Bas, la nouvelle était inattendue. Sur les groupes Facebook, certaines personnes ont réagi avec déception.

    Après les reportages dans les médias marocains, il y a eu beaucoup de confusion. Les gens ont été choqués par les amendes importantes, mais dans ces articles, des exemples français ont été mentionnés », déclare la correspondante au Maroc Samira Jadir au Bureau des Etrangers.

    Convention fiscale internationale

    Le gouvernement de Rabat a déjà accepté, il y a deux ans, des accords internationaux visant à rendre possible l’échange d’informations entre les services fiscaux. Mais les nouvelles règles ne seront appliquées qu’après l’été.  »Le Maroc a adopté une loi au début de l’année qui rendra la chose possible maintenant », explique le correspondant au Maroc.  »Les Marocains résidant à l’étranger devront alors également déclarer leurs avoirs au Maroc dans le pays où ils vivent. Cela s’applique déjà aux Marocains français, qui ont déjà signé un traité avec le Maroc. Il existe déjà une obligation légale de remplir une déclaration aussi complète que possible, mais jusqu’à présent, les autorités fiscales néerlandaises n’étaient jamais en mesure de la vérifier.

    Investissements au Maroc

    La diaspora marocaine contribue de manière significative à l’économie du pays. Même en 2020, année coronaire, les Marocains de l’étranger ont transféré plus de sept milliards d’euros vers leur pays d’origine. Le Maroc est également une destination de vacances populaire pour de nombreux Marocains européens. Il est donc extrêmement important pour Rabat de maintenir l’engagement de la communauté d’outre-mer, qui représente, selon les estimations, plus de 10 % de la population totale. Il existe même un ministre responsable des ressortissants hors des frontières marocaines. On a donc longtemps pensé que le royaume d’Afrique du Nord ne signerait jamais un traité fiscal international permettant de partager les informations de ses propres citoyens avec d’autres pays.

    Selon M. Jadir, il n’est pas certain que le Maroc perde beaucoup de recettes pour le trésor public, car les gens transféreront moins d’argent à partir de cette année. Le Maroc s’attend à ce que ses propres recettes fiscales augmentent également. Dans l’autre sens, il est également intéressant pour le Maroc de prélever des impôts sur l’épargne des Marocains de l’étranger.

    NPO Radio1, 23 mars 2021

    Tags : Maroc, Pays Bas, Europe, Union Eur

  • Espagne : Député Vox accuse le Maroc de « faire du chantage avec la vie » de ses citoyens

    Ortega Smith accuse le Maroc de « faire du chantage avec la vie » de ses citoyens

    Santa Cruz de Tenerife, 23 mars (EFE) – Le secrétaire général de Vox et membre du Congrès, Javier Ortega Smith, a accusé mardi le Maroc de « faire chanter » l’Espagne « avec la vie et l’avenir » de ses citoyens.

    Dans des déclarations aux médias, Ortega Smith a reproché au gouvernement marocain de négocier avec le gouvernement espagnol chaque fois qu’il y a des rapatriements et d’exiger en retour que le marché espagnol soit « envahi » de tomates et de légumes.

    Ortega Smith a déclaré qu’il s’agissait d’un « chantage à la vie et à l’avenir de leurs propres compatriotes » et a ajouté que si quelqu’un « ose » le critiquer, il est taxé de « xénophobe et raciste ».

    « Fichus racistes qui permettent à leurs propres compatriotes de risquer leur vie en mer alors qu’ils vivent au palais », a déclaré le leader de Vox en référence aux autorités marocaines.

    Dans ce sens, il s’est demandé s’ »il est tolérable » que le roi du Maroc « vive dans des palais et jouisse de yachts », alors que ses jeunes quittent les frontières du pays au péril de leur vie pour le faire.

    M. Ortega Smith, qui a fait ces déclarations après avoir visité le centre pour immigrants de Las Canteras, à Tenerife, a indiqué que plus de 50 % des personnes qui s’y trouvent sont d’origine marocaine.

    Selon elle, il est « triste, regrettable et scandaleux de voir ces jeunes Africains qui ont été trompés et sont utilisés ».

    Il a également critiqué le fait qu’il existe sur les îles de « fausses » ONG qui font payer plus de 100 euros par jour à chacun des immigrants « illégaux » présents aux Canaries.

    Personne n’a dit à ces ONG que 75% des jeunes des îles Canaries n’ont aucune chance d’avenir, a-t-il averti. Selon lui, les jeunes Canariens auraient besoin de cette aide pour pouvoir construire un avenir qu’ils transmettent aux jeunes Africains.

    Il a détaillé que, selon ses calculs, l’immigration irrégulière coûte plus de 2 millions d’euros, alors qu’il a défendu l’immigration légale, qui à l’origine sélectionne ceux qui peuvent venir parce qu’ils ont un emploi garanti.

    Il a également exprimé sa crainte que l’Espagne se dirige vers cinq millions de chômeurs parce que le gouvernement a été « incapable » de protéger les Espagnols.

    Ce qu’a fait le gouvernement espagnol, selon lui, c’est promouvoir un « effet d’appel » irresponsable aux immigrants à qui il a « livré sur un plateau » toutes les ressources sanitaires et sociales.

    Ortega Smith a dénoncé en ce sens « le maudit manque de solidarité » qui oublie les Espagnols qui ne parviennent pas à joindre les deux bouts, ce à quoi elle a répondu que nous devons dire « assez, sans complexes ».

    El Diario.es, 23 mars 2021

    Tags : Espagne, Maroc, migration, Vox Ortega Smith, Canaries,

  • Pourquoi le Maroc veut légaliser le cannabis à usage médical – International

    Le 2 décembre 2020, le Maroc, l’un des principaux producteurs de cannabis au monde, a voté en faveur d’une proposition visant à retirer le cannabis de la liste des substances les plus dangereuses, et donc soumises à des contrôles plus stricts, en tant que membre de la Commission des stupéfiants des Nations unies. Après ce vote, le gouvernement de Rabat a approuvé le 11 mars un projet de loi ouvrant la voie à la légalisation du cannabis à des fins médicales, relançant ainsi un débat de longue date dans le pays.

    Que signifie pour le Maroc la légalisation du cannabis à usage médical ? Dans une interview sur Skype, l’anthropologue Khalid Mouna de l’Université Moulay Ismail de Meknès, actuellement à l’Institut universitaire de l’Iae de Nantes, grand spécialiste des questions liées au cannabis, parle d’une “révolution”, qui cependant “se fera très lentement”.

    Le texte de loi, actuellement examiné par le Parlement, prévoit la création d’une agence nationale de régulation, qui devra faire pousser un circuit agricole et industriel où les paramètres sont respectés, avec des “coopératives d’agriculteurs disposant d’autorisations” qui cultivent des “variétés de plantes certifiées”. L’objectif du gouvernement, selon le projet de loi, est de “convertir les cultures illégales qui détruisent l’environnement en activités légales durables qui créent de la valeur et des emplois.”

    L’ouverture souhaitée par l’exécutif a relancé des débats qui durent depuis un siècle dans le pays. Dans une édition récente, l’hebdomadaire Tel Quel, soutenant avec enthousiasme la décriminalisation partielle, titrait “Let us get high all way”, faisant un jeu de mots avec kiffer (aimer, jouir) et kifCe terme désigne un dérivé du haschisch, très populaire au Maroc. Radio 2Mm a ouvert ses micros à Khalid Tinasti, secrétaire général de la Global commission on drug policy, pour expliquer les avantages de la légalisation.. Noonpost publie un rapport sur les agriculteurs appauvris, tandis que sur le site Medias24, un panel d’experts discute des effets sociaux et économiques positifs du projet de loi.

    Un débat ancien

    Hors du chœur, même au sein de son propre parti, Abdelillah Benkirane, chef du Parti de la justice et du développement (PJD, islamiste) crie à l’immoralité et menace de démissionner. En réponse, des médias comme le site Article19 rappellent que le cannabis a toujours été utilisé dans la médecine traditionnelle arabe. Ibn Sina, connu en Europe sous le nom d’Avicenne, inclut cette plante dans sa Canon de la médecine. “Faire à nouveau du cannabis une ressource médicale, que la science islamique utilise et promeut depuis des siècles, sert également à décoloniser le prohibitionnisme marocain, qui est influencé par la prohibition occidentale”, peut-on lire sur le site web marocain.

    La question remonte en fait à la période coloniale, durant laquelle un prohibitionnisme a été introduit dans le pays, à l’image de celui de l’Europe, explique l’anthropologue Khalid Mouna dans une interview sur Skype. ” À l’époque du protectorat, les Français ont d’abord fait pression sur le sultan pour qu’il libère le marché et le… “. kif pour financer leur campagne coloniale. En 1934, les Français ont mis en place une réglementation sur la vente de cette substance. Les produits du cannabis provenant de la partie du Maroc occupée par les Espagnols étaient considérés comme de la contrebande.” L’ère de la prohibition n’a pas commencé avant 1954 avec une dahir (Décision du sultan) promue par la France, sous la pression de l’Égypte. “À cette époque, le pays était le plus grand producteur de cannabis”, note Mouna. “Aujourd’hui, nous sommes confrontés à une situation similaire. Les pays du Nord ont été les premiers à légaliser. La Californie a commencé dès 1996. Il y a un net déséquilibre avec les pays producteurs, qui sont au sud.”

    Le cannabis est la substance psychotrope la plus répandue dans le monde et son marché est terriblement inégal, explique Mouna : si l’on parle de chiffres – mais ce ne sont que des estimations faites à partir des données sur les saisies de drogues – en 2014, le marché légal valait 14 milliards de dollars contre un chiffre d’affaires illégal de 140 milliards de dollars. Il est également important de souligner la rapidité avec laquelle “le marché juridique se développe”. Et même dans ce Maroc vient très tard”.

    Le marché mondial connaît en effet une croissance annuelle de 30 %, tandis que le marché européen connaît une croissance de 60 %, indique une note du ministère marocain de l’intérieur, selon laquelle la légalisation partielle du cannabis permettra “d’améliorer les conditions de vie des agriculteurs et de les protéger des réseaux de trafic de drogue”.

    Une étude de la société Grand View Research a estimé que le chiffre d’affaires mondial de la marijuana légale pourrait atteindre 55,8 milliards de dollars en 2025 (environ 50 milliards d’euros), soit cinq fois plus qu’en 2015.

    La culture du cannabis a en fait retardé l’exode rural dans une région montagneuse et isolée

    La légalisation pourrait changer l’horizon de vie d’environ 90 mille familles – c’est l’estimation du gouvernement de Rabat – qui vivent dans le Rif, une région du nord du pays, et qui dépendent pour leur subsistance de la production illégale de cannabis. Sur le plan social, cette culture a en quelque sorte freiné l’exode d’une région rurale montagneuse et isolée, où l’on trouve aujourd’hui une densité assez élevée – environ deux cents habitants au kilomètre carré – notamment dans les provinces de Taounate, Al Hoceima, Chefchaouen, Ouazzane et Tétouan.

    Khalid Mouna, auteur du livre. Le bled du kif, a mené de nombreuses recherches dans le Rif. Selon lui, la proposition de loi découle également d’années d’échec dans les tentatives de diversification des cultures dans cette région. Le terrain montagneux n’est pas propice à d’autres cultures, comme les pommes, qui se sont révélées être un échec il y a quelques années. Selon Mouna, dans cette région reculée, “le cannabis est un facteur de stabilité sociale depuis des décennies”. Il est donc naturel que la nouvelle ait été accueillie avec prudence par les habitants du Rif, qui ont peur de s’engager dans un circuit dont ils ne connaissent pas les règles. Les anciens vendeurs illégaux devront signer des contrats avec l’État. Tout le monde devra apprendre lentement de nouveaux codes”.

    Avec la légalisation, d’anciens litiges non résolus liés à des divisions foncières ou à des questions environnementales seront également mis en lumière. La production de cannabis repose aujourd’hui sur une exploitation très intensive des ressources en terre et en eau, dans une région qui souffre de pénurie d’eau. L’utilisation d’engrais potentiellement toxiques et la déforestation pourraient endommager l’écosystème à jamais, a déclaré Mouna. Là encore, les autorités devront établir des règles “qui tiennent compte de l’environnement, puisqu’elles auront le monopole du type de semences que les agriculteurs pourront utiliser.”

    Il s’agit également de savoir dans quelle mesure les agriculteurs seront intéressés par la transformation de leurs cultures de cannabis récréatif en cannabis médical.

    L’anthropologue rappelle que sur le marché illégal, “la plupart des exportateurs sont des étrangers et les gains réels sont réalisés par eux, et non par les paysans. Le rêve de rencontrer le bon intermédiaire est très profondément ancré dans l’imaginaire de ces paysans. Chacun espère rencontrer le vendeur international qui le rendra riche”.

    Un autre piège de la légalisation, comme on l’a vu en Colombie ou au Népal, est que pour les petits agriculteurs “les grandes entreprises pharmaceutiques pourraient prendre la place des barons de la drogue”. Il est donc essentiel de rappeler que le cannabis au Maroc a également des usages traditionnels, et que dans certains pays africains, cette plante est utilisée dans l’herboristerie traditionnelle, au même titre que la menthe. “Il faut valoriser l’usage cosmétique et médicinal de ce produit dans l’industrie marocaine, un usage qui n’a pas encore disparu, comme cela s’est produit en Europe”, poursuit Mouna.

    Malgré toutes ces questions, conclut l’anthropologue, la diversification du marché est certainement une très bonne nouvelle, attendue depuis longtemps : des pays comme le Liban ou Israël avaient déjà légalisé le cannabis médical, sans attendre la décision de l’ONU. Aujourd’hui, Israël est très intéressé par ce qui se passe au Maroc, où un nouveau marché pour ses semences pourrait s’ouvrir.

    Le Maroc se positionne comme un leader en Afrique, conclut Mouna : “Il y a déjà des entreprises pharmaceutiques très dynamiques dans le pays. La légalisation pourrait leur permettre de faire un nouveau bond en avant.”

    Développement personnel, 23 mars 2021

    Tags : Maroc, cannabis, haschich, légalisation, drogue, trafic,