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  • Point Zéro du printemps arabe est de retour dans les rues. Cette fois, pour boucler la révolution

    La jeunesse tunisienne et de nombreux militants du printemps arabe sont de retour avec les slogans et les pancartes, exigeant la fin de l’Etat policier et la chute du régime. Mais quelque chose est différent cette fois.

    SHREYA PARIKH 31 janvier 2021, 11 h 34 IST

    Raghda Fhoula, 9 ans, est de retour à la manifestation, 10 ans après avoir crié à pleins poumons avec des slogans contre le régime tunisien d’alors au point zéro du mouvement du Printemps arabe. Le 23 janvier 2021, elle était en première ligne dans la capitale Tunis, appelant à la chute du régime de Hichem Mechichi et Rached Ghannouchi, et au «travail, liberté et dignité nationale». Parce que la «révolution» était incomplète.

    La Tunisie en attend toujours un, dit Raghda. «Le système (alors président Zine el-Abidine) Ben Ali n’est pas parti», me dit-elle. Outre elle, de nombreux militants du printemps arabe sont de retour dans les rues après une décennie. Il y a une certaine controverse, cependant, sur la description des manifestations passées. Certains sont d’accord pour appeler cela une «révolution», car elle a entraîné la chute de la dictature; certains l’appelaient la «révolution du jasmin», du nom de la fleur nationale de la Tunisie, qui a été critiquée comme répondant à un «imaginaire exotique» – l’appellent la «révolution de la dignité et de la liberté», ont-ils proposé. D’autres encore l’ont qualifiée de «révolution Facebook», en clin d’œil à l’utilisation populaire des médias sociaux pendant les manifestations. Mais Raghda l’appelle «intifada» – un soulèvement.

    Le 17 décembre 2010, dans le gouvernorat de Sidi Bouzid, à environ 300 km au sud de Tunis, Mohamed Bouazizi, dont la charrette de légumes avait été confisquée par la police, s’est immolé. Son acte désespéré a inspiré des manifestations de masse, qui se sont rapidement répandues dans tout le pays, pour être violemment réprimées. À l’époque, personne n’imaginait que le gouvernement de Ben Ali tomberait ou qu’il quitterait le pays, ce qu’il a fait dans la nuit du 14 janvier 2011, marquant la fin de 23 ans de son régime autoritaire.

    Le visage de Raghda s’illumine alors qu’elle se souvient du moment où elle a entendu la nouvelle. «Nous avions l’impression d’avoir gagné», me dit-elle, une fin heureuse pour elle et ses camarades, depuis 2005, pour organiser des manifestations, des radios alternatives et d’autres actes de résistance.

    Le succès surprenant des Tunisiens dans la chute d’une dictature a inspiré des manifestations de masse similaires dans la région, notamment en Égypte, en Libye, en Syrie et au Yémen. Ensemble, ils sont devenus le printemps arabe. Les slogans de protestation de la Tunisie ont été adaptés et moulés dans les cultures locales, criés ou chantés en musique. Chaque pays a suivi une trajectoire distincte. Alors que la dictature de longue date de l’Égypte prenait fin, la Syrie a connu une augmentation de la répression étatique par des moyens plus violents. Mais à travers tout cela, l’histoire tunisienne de la démocratie a continué d’être saluée comme un « modèle » pour la région, faisant du pays d’Afrique du Nord le point zéro du printemps arabe.

    Le verrouillage imposé par le gouvernement à partir du jour du 10e anniversaire du départ de Ben Ali pour supprimer la célébration de cette date importante, et les affrontements nocturnes qui ont suivi entre jeunes hommes et policiers dans les quartiers populaires des villes tunisiennes remettre en question cette rhétorique de «démocratie modèle». Comme l’ écrit le spécialiste Olfa Lamloum , «les successeurs de Ben Ali ont trahi la promesse de dignité de la révolution. Dans un signe des temps, le terme «révolution» a été remplacé par l’expression «transition démocratique», qui est une manière subtile de nier la légitimité politique à ceux qui ont mené les manifestations. »

    Un état policier
    L’infrastructure de sécurité avec une police toujours présente cherchant à écraser tout acte de résistance a de nouveau fait sortir les Tunisiens de la rue. Alors que l’État policier avait momentanément disparu après 2011, le pays dirigé par le Premier ministre Hichem Mechichi et le président Kaïs Saïed revient lentement aux mêmes formes de régime répressif qui existaient sous Ben Ali.

    Pour Raghda et beaucoup d’autres, qui ont été témoins de violences policières avant et après 2011, peu de choses ont changé. En 2008, alors qu’elle était encore mineure, Raghda a été interrogée par la police pendant plus de quatre heures pour son activisme contre le régime de Ben Ali. En 2016 , elle et son groupe d’amis ont été arrêtés pour avoir joué de la musique dans les rues de Tunis. Les interrogatoires sévères, la violence policière et les arrestations sont courants.

    Il n’est donc pas surprenant que les récentes manifestations appellent à la fin de l’État policier. Environ 23 000 personnes en Tunisie sont actuellement en prison, selon des estimations récentes de l’association Avocats sans frontières. Ces chiffres n’ont pas radicalement changé au fil des ans. L’emprisonnement continue d’être un aspect important dans la vie des Tunisiens à travers le pays, et les transferts fréquents de prison obligent les familles à parcourir de longues distances pour voir leurs proches.

    Depuis le début des affrontements nocturnes du 14 janvier 2021, date qui coïncidait avec le 10e anniversaire de la chute du régime de Ben Ali ainsi que le début d’un verrouillage de quatre jours, plus de 1600 personnes ont été arrêtées, dont des militants. Environ 600 d’entre eux sont des mineurs.

    La violence et la torture sont courantes dans les prisons tunisiennes. Comme Zakia Yaakoubi, mère d’un jeune de 16 ans détenu récemment, a témoigné : «Quand je me suis précipité après [mon fils] au poste de police, il était tout couvert de boue et ils lui donnaient des coups de pied comme une balle.»

    Mais le gouvernement tunisien et son appareil médiatique ne définissent pas les affrontements nocturnes comme des «  manifestations  » et les qualifient plutôt d ‘ les jeunes hommes des quartiers populaires qui «volent» et «vandalisent». Beaucoup de mes amis non tunisiens qui continuent de critiquer le gouvernement qualifient ces affrontements nocturnes d’actes «non structurés» qui ne mèneraient les manifestants «nulle part». Mais ce qui est clair, c’est que, plus que les manifestations dites «pacifiques», ce sont les actes de vol qui retiennent le plus l’attention du gouvernement.

    Jeune et agité
    Les inégalités croissantes et les expériences de perte de dignité sont des histoires que j’entends partout. Raghda dit que même si elle est employée par une institution publique, elle n’a pas de «  contrat  » officiel, ce qui la rend inéligible aux soins de santé gratuits, une précarité qu’elle porte comme un fardeau au milieu de la pandémie de Covid. En tant qu’enseignante auprès d’enfants autistes, Raghda gagne 500 dinars tunisiens par mois (environ Rs 13 500), dont la moitié va à son loyer.

    L’éducation continue d’être saluée comme une voie vers la mobilité sociale. Raghda possède une maîtrise en philosophie et termine un diplôme de premier cycle en musique. Mais les diplômes ne se traduisent plus par des emplois stables. Cela a conduit de nombreux étudiants à perdre la motivation d’étudier, dit Houda (nom changé), professeur d’anglais à Tabarka sur la côte nord de la Tunisie.

    Beaucoup se plaignent que la jeune génération d’aujourd’hui est le problème. Mais Mhamed M., enseignant dans les écoles publiques du gouvernorat de Sidi Bouzid depuis plus de deux décennies, me dit que le système éducatif reste ce qu’il était dans les années 50-60, sans changements structurels pour répondre à l’évolution des besoins du marché du travail. .

    Les histoires de marginalisation correspondent aux conclusions des études quantitatives sur les inégalités économiques et sociales en Tunisie. Aujourd’hui, le chômage dans le pays reste élevé (environ 16% depuis 2013), principalement concentré parmi les jeunes – environ 37% des personnes âgées de 15 à 24 ans étaient au chômage en 2020 (Banque mondiale). Le développement de la Tunisie n’a pas été uniformément réparti géographiquement; la marginalisation des régions du sud et du centre (comme Sidi Bouzid) est importante bien qu’elles soient riches en ressources naturelles.

    Nostalgique du passé
    L’aggravation de la situation économique, notamment à la lumière de la pandémie de Covid, a rendu certaines personnes nostalgiques de l’ère Ben Ali, reflétée également par la montée en puissance de politiciens proches de l’ancien président, comme Abir Moussi. Avec l’augmentation de l’incertitude économique, la règle de Ben Ali a été repensée comme étant «beaucoup plus fiable qu’aujourd’hui», déclare Michaël Bechir Ayari, analyste senior au think tank International Crisis Group.

    Pour les nostalgiques, les événements de 2010-11 ont marqué la chute de la société tunisienne. Abir Jlassi, un étudiant en droit de 27 ans , déclare : «Ce qui s’est passé n’était pas une révolution, ce qui s’est passé était un coup d’État. Le parlementaire Mohammed Krifa du Parti du Destourien Libre a déclaré : «Si vous nous donnez la liberté d’expression et que nous sommes affamés, qu’est-ce que cela signifie?» La liberté d’expression a été saluée comme l’une des plus grandes réalisations de la chute du régime de Ben Ali; le remettre en question remet également en question la signification des événements de 2010-11 et leurs retombées.

    Depuis le départ de Ben Ali, une multitude de partis politiques ont vu le jour en Tunisie, notamment Ennahdha – un « parti islamiste modéré » – dirigé par Rached Ghannouchi, interdit sous Ben Ali mais qui reste aujourd’hui une voix forte. Les résultats des élections indiquent une polarisation croissante entre les partis islamiques et laïques, entraînant une fracture des structures de gouvernement.

    Une révolution pour toujours
    Pour Raghda et d’autres, cependant, la «révolution» continue. Les slogans qui ont marqué les manifestations il y a 10 ans sont revenus, surtout: «Le peuple veut la chute du régime». Alors qu’est-ce qui a changé cette fois? Selon la chercheuse Hela Yousfi , les dix dernières années ont vu la création d’un «nouvel imaginaire politique par les citoyens qui résistent et d’où émergent de nouvelles relations sociales». Ces relations sont basées sur un nouveau concept de pouvoir – autonome, séparé du pouvoir institutionnel classique et qui rejette l’oppression étatique.

    Ce refus de se soumettre aux caprices et aux désirs de l’Etat, c’est ce que je vois en marchant avec la jeunesse tunisienne protestante. Venir sur un site de protestation, en pleine pandémie, en sachant que l’on pourrait subir des violences policières, est un acte de résistance et de rejet du pouvoir de l’État. Des groupes se rassemblent loin du site de manifestation alors que la police tire des gaz lacrymogènes; ils me disent de ne pas utiliser d’eau pour nettoyer mes yeux. Ils partagent des cartons de lait pour se laver le visage et presser des citrons sur leur masque facial. La révolution continue, avec le lait et les citrons.

    L’auteur est un doctorant étudiant la sociologie politique. Ses recherches portent sur l’étude du racisme, de la religion et des contestations d’identité en Tunisie et en France. Elle tweete @shreya_parikh. Les opinions sont personnelles.

    The Print, 31 jan 2021

    Tags : Tunisie, Maroc, Algérie, Libye, Egypte, Syrie, Yémen,

  • Répercussions du printemps arabe

    Une rétrospective de 10 ans

    Il y a dix ans, ce qu’on a appelé le printemps arabe a commencé. Cela a commencé en Tunisie avec d’énormes manifestations qui se sont propagées dans toute la région. Ils ont fait tomber les autocrates, ce qui a conduit à une situation de guerre. Il est probablement logique qu’à l’occasion du 10 e anniversaire du printemps arabe, nous devrions voir comment un acte de désespoir extrême a tout déclenché.

    Cela a commencé en Tunisie en décembre 2010. Muhammad Bouazizi a vendu des fruits dans la rue. Il avait 26 ans, soutenait toute sa famille et gagnait difficilement sa vie. Un jour, la police a tenté de confisquer sa charrette. Selon la police, il n’avait pas de permis mais cette allégation a été rejetée par Bouazizi catégoriquement. En fait, a-t-il affirmé, la police voulait être soudoyée. Une policière l’a même giflé. Lorsqu’il a tenté de se plaindre aux autorités locales, il a été ignoré. Il s’est donc immolé par le feu devant un bâtiment gouvernemental. Muhammad est mort quelques semaines plus tard. En quelques semaines, une énorme réaction a éclaté qui a conduit à des manifestations de masse en Tunisie. Le sort de Muhammad a résonné avec tant de gens parce qu’ils souffraient également de certaines frustrations. Selon Al-Jazeera,

    Au cours des deux dernières années, il y a eu plus de manifestations dans des endroits comme le Soudan, l’Algérie et le Liban. La barrière de la peur qui a été brisée il y a 10 ans a encouragé un si grand nombre à continuer d’appeler leurs gouvernements. Le printemps arabe n’est pas terminé à bien des égards

    Les gens du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord se sont sentis inspirés d’exiger des changements dans leurs pays également. Ils ont exigé la chute des régimes autocratiques. Ils appelaient ces gouvernements à être tenus responsables des injustices sociales dont ils avaient été victimes pendant des décennies. Sans doute, c’était le moment révolutionnaire à une échelle telle que nous n’avions pas vraiment observé depuis les luttes pour l’indépendance de la domination coloniale. Un bref rappel aidera à comprendre les effets de la révolution tunisienne sur les autres parties du monde.

    En Tunisie, le président était au pouvoir depuis 23 ans mais son pouvoir a été renversé après seulement un mois de manifestations. En Égypte, il n’a fallu que 18 jours pour se débarrasser d’Hosni Moubarak après 30 ans de règne. L’Égypte a ensuite obtenu son premier président élu démocratiquement, Mohammad Morsi, mais son gouvernement a été renversé par l’armée. Il est axiomatique d’admettre que l’armée est toujours aux commandes.

    En Libye, le président Mouammar Kadhafi a été capturé et tué après 42 ans au pouvoir. Cette situation particulière a créé un vide de pouvoir qui a conduit à une guerre civile toujours en cours. Le président du Yémen, Ali Abdullah Saleh, a également été expulsé après 33 ans au pouvoir. Mais depuis, le pays est plus divisé que jamais. Le combat entre les rebelles Houthis et la coalition militaire dirigée par l’Arabie saoudite a créé l’une des pires catastrophes humanitaires au monde. D’un autre côté, la Syrie est une sorte d’exception parce que Bachar al-Assad n’est pas parti. Ce qui a commencé comme des manifestations pacifiques est devenu l’un des pires conflits de notre temps. Avec le gouvernement d’Assad, des groupes tels que l’EIIL et des puissances étrangères se battent tous pour le contrôle.

    D’autres pays ont également connu des soulèvements, le plus grave étant à Bahreïn. Mais l’Arabie saoudite a envoyé des troupes de l’autre côté de la frontière pour y sauver la monarchie. Ainsi, dans la plupart des pays, le printemps arabe n’a pas abouti à ce que de nombreux manifestants voulaient. Certains diraient même que les choses ont régressé. Ils croient qu’un autoritarisme renouvelé a eu lieu, qui a exacerbé l’oppression encore pire qu’elle ne l’était avant le printemps arabe dans certains de ces cas.

    Dans l’ombre de la tourmente du monde arabe, il y a un pays qui semble avoir bien fait les choses. En tant que jeune démocratie, la Tunisie a beaucoup à offrir. Il a obtenu une nouvelle constitution, tenant plusieurs élections. Les médias sont considérés comme libres et les gens peuvent également manifester. La Tunisie a pu subir une transition politique relativement pacifique.

    La Tunisie a également fait quelque chose de remarquable en créant la Commission vérité et dignité. Il a été créé pour enquêter sur des choses comme les violations des droits de l’homme et la corruption sous l’ancien régime. Il y a eu plus de 62 000 plaintes de victimes. Certaines des audiences ont même été télévisées. Ils demandent des comptes ou des réparations.

    Il n’est pas hors de propos de dire que le processus même est un processus politique et controversé par nature, car il creuse vraiment profondément les racines de la laideur du régime autoritaire et de l’oppression. Il n’est donc pas étonnant qu’il y ait eu une résistance et que les politiciens de l’ancien régime soient de retour au pouvoir. Ils sont accusés d’avoir tenté d’arrêter les travaux de la commission. Ils ont même adopté une loi qui accorde l’amnistie aux fonctionnaires accusés de corruption à l’époque de Bin Ali.

    Il y a également eu des problèmes de sécurité. Des combattants ont traversé de Libye et des civils ont été attaqués. L’économie a également connu des difficultés. Les prêteurs internationaux comme le FMI ont offert des renflouements, mais les réductions de dépenses qu’ils exigeaient étaient impopulaires. Les gens n’ont pas pu acheter les produits de base. Par conséquent, il est difficile de qualifier la Tunisie de succès, mais aussi d’ignorer qu’elle fait mieux que les autres. 10 ans, ce n’est pas long pour transformer un pays et encore moins une région entière.

    Au cours des deux dernières années, il y a eu plus de manifestations dans des endroits comme le Soudan, l’Algérie et le Liban. La barrière de la peur qui a été brisée il y a 10 ans a encouragé un si grand nombre à continuer d’appeler leurs gouvernements. Le printemps arabe n’est pas terminé à bien des égards. La Tunisie est loin d’être un exemple parfait mais les gens là-bas ont la liberté d’élire qui les amène à exiger le changement. Les voix de centaines d’innocents sont entendues. C’est ce que voulait Muhammad Bouazizi. C’est ce que des millions de personnes voulaient, lorsqu’elles se sont levées il y a 10 ans.

    PakistanToday, 30 jan 2021

    Tags : Printemps arabe, démocratie, révolution,

  • Analyse : Dix ans après, le printemps arabe pourrait-il à nouveau fleurir?

    Si vous pensez que vous avez mal en cette saison d’obscurité, de maladie et de division, prenez un moment pour réfléchir à l’agonie des gens du Moyen-Orient.

    Il y a dix ans, la nouvelle année 2011 a suscité de grands espoirs de liberté, de progrès et de vie meilleure pour les populations extrêmement jeunes de la région. En décembre dernier, un jeune vendeur de fruits du nom de Mohamed Bouazizi – marre de l’humiliation de payer des pots-de-vin à des fonctionnaires locaux corrompus pour avoir le privilège de gagner une bouchée de pain pour nourrir sa famille – s’était aspergé de diluant à peinture et s’était brûlé vif dans une ville poussiéreuse. place en Tunisie.

    Son acte désespéré a ouvert une vague de frustration et de colère parmi des millions de ses compatriotes arabes. Ils sont descendus dans les rues en Tunisie, en Égypte, en Libye, au Yémen, à Bahreïn, en Syrie et dans d’autres pays. Ils ont exigé la libération des gouvernements tyranniques, la liberté de la corruption omniprésente, la liberté de vivre leur vie sans peur et sans oppression de la part de l’État ou de la mosquée. Les gouvernements et les dictateurs sont tombés – en Tunisie, puis dans une Egypte bien plus grande, puis en Libye et au Yémen. Un changement de régime semblait également imminent en Syrie, longtemps dirigée par les brutaux Assad.

    Il ne s’agissait pas seulement de jeunes agités, d’étudiants et de pauvres sans emploi; les commerçants, les ouvriers de la classe moyenne et les retraités se sont joints aux demandes de changement. Les plus de 400 millions de personnes du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord semblaient enfin disposées à tout risquer pour quelque chose de mieux.

    Évaluer ce qui a changé
    Et qu’ont-ils obtenu pour leurs douleurs?

    Balles et barils bombes en Syrie. Le dictateur Bashar al-Assad continue de mener une guerre d’usure apparemment sans fin, massacrant et terrorisant les civils pour vaincre les groupes insurgés en déclin (certains démocrates, certains djihadistes) parmi eux. Cinq millions de réfugiés ont fui vers les pays voisins et vers l’Europe.

    En Égypte, les puissants Frères musulmans ont profité de la chute du président de longue date Hosni Moubarak en 2011 pour remporter des élections libres. Ils ont commencé à gouverner si mal qu’une grande partie du public a soutenu le coup d’État militaire sanglant qui a suivi en 2013. Aujourd’hui, le général devenu président Abdel Fattah el-Sissi gouverne d’un poing plus dur que Moubarak ne l’a jamais fait. Des milliers de manifestants et de militants pour la démocratie sont morts – ou croupissent en prison.

    La guerre civile en Libye a mis fin à la vie et à la longue tyrannie de Mouammar Kadhafi en 2011, mais le partage chaotique du pouvoir règne désormais dans l’État en faillite. La révolution prometteuse du Yémen a pris fin lorsque les puissances régionales, l’Arabie saoudite et l’Iran, ont commencé à utiliser la nation la plus pauvre du Moyen-Orient comme indicateur de leur lutte. Aujourd’hui, les Yéménites meurent de faim alors que les bombes saoudiennes continuent de pleuvoir sur eux; ils souffrent de ce que les Nations Unies appellent la pire crise humanitaire au monde. Le Liban, envahi par les réfugiés syriens et étranglé par des décennies de régime corrompu, est un autre État qui a failli échouer; la force la plus puissante qui soit est le Hezbollah soutenu par l’Iran. La monarchie fragile de la Jordanie s’accroche pour la vie chère.

    Au niveau régional, les autocrates semblent à nouveau fermement en contrôle. Seule la Tunisie, où le printemps arabe a commencé, a encore une démocratie qui fonctionne – et sa survie est tout sauf assurée. La montée de l’Etat islamique a répandu la terreur dans plusieurs pays ces dernières années a causé des souffrances incalculables à des millions de personnes avant sa défaite militaire éventuelle. Il reste cependant une menace, avec Al-Qaïda et d’autres groupes extrémistes.

    Les États-Unis se sont retirés de l’influence dans la région à la suite de l’aventure ratée de George W. Bush en Irak, de la réticence hésitante de Barack Obama à agir et du refus de Donald Trump d’affronter les tyrans où que ce soit. La Russie et l’Iran sont désormais les acteurs les plus puissants de la région. Le dirigeant de facto de l’Arabie saoudite, le prince héritier Mohammed ben Salmane, prétend être un réformateur, mais emprisonne quiconque cherche réellement de nouvelles libertés chez lui. À l’étranger, il se trompe avec empressement dans tout conflit régional qui lui donne une excuse pour affronter l’Iran (voir: Yémen).

    Dans le même ordre d’idées, les musulmans sunnites et les musulmans chiites se méprisent toujours, ce qui explique une grande partie du conflit sous-jacent au Moyen-Orient au-delà de son dysfonctionnement politique perpétuel. Pendant ce temps, la persécution des chrétiens par les musulmans semble être pire presque partout, avec la persistance de certains anciens groupes chrétiens maintenant menacés par les attaques extrémistes en cours.

    Être là
    J’ai couvert le printemps arabe et ses premières conséquences, d’abord à distance, puis sur le terrain en Égypte, en Tunisie, en Jordanie et au Liban. J’ai arpenté les rues de Sidi Bouzid en Tunisie, où Mohamed Bouazizi s’est incendié, et j’ai visité sa tombe à l’extérieur de la ville. J’ai marché sur la place Tahrir du Caire, là où la révolution a commencé. J’ai parlé avec des musulmans et des chrétiens au Caire et à Tunis, à Beyrouth et à Amman, le long des frontières de la Syrie avec la Jordanie et le Liban, dans des appartements délabrés loués à des prix élevés à des réfugiés syriens à Beyrouth et dans l’énorme camp de réfugiés de Zaatari au nord de la Jordanie.

    J’ai été témoin du travail héroïque des chrétiens libanais qui apportent de l’aide et de l’amour du Christ – malgré les objections de certaines de leurs propres congrégations – aux réfugiés musulmans traversant la frontière depuis la Syrie. J’ai vu le ministère désintéressé de Munif *, un pasteur local dans une ville frontalière jordanienne, qui a transformé son église en un centre d’aide polyvalent pour les réfugiés syriens épuisés et terrifiés qui traversaient la ligne. Lui et sa congrégation les ont aidés à trouver de la nourriture, du travail, des lieux de vie et des études pour leurs enfants. (Je lui ai rendu visite à nouveau en 2018, et il y est toujours, soutenu par l’aide de nombreux bénévoles du monde entier).

    Un père et une mère syriens avaient trébuché à travers la frontière avec leurs cinq enfants après avoir survécu à une embuscade de l’armée syrienne. Ils ont dit que leur fils adolescent, Hassan *, avait reçu une balle dans la tête. Alors qu’il saignait dans les bras de sa mère, un soldat s’est approché, son arme pointée. Leur fils de 4 ans, Wafik *, qui parlait rarement, se leva et leva les bras. «Je vous en supplie, mon oncle, ne nous blesse plus. Ayez pitié de nous », a-t-il lancé. Le soldat, apparemment déplacé, a emmené Hassan à l’hôpital. Plus tard, ils ont trouvé des amis à l’église de Munif. Quand je les ai rencontrés, Hassan marchait avec hésitation. Il avait besoin d’une thérapie physique continue.

    Je me demande ce qui est arrivé à cette famille. Ont-ils trouvé une maison permanente en Jordanie? Rentreront-ils un jour chez eux en Syrie?

    Je m’interroge aussi sur Amani *, une jeune femme intelligente et instruite que j’ai interviewée en 2012 dans un quartier à la mode d’Amman, en Jordanie. Au cours d’un cappuccino avec des amis dans un café, elle a parlé avec un peu de chance des nouvelles opportunités que le printemps arabe pourrait lui apporter en tant que femme musulmane. Elle voulait une famille, mais elle voulait aussi une vraie carrière professionnelle et avait travaillé dur pour cela.

    «Au début, c’était un choc, et quand cela a continué, c’était comme si vous regardiez une série à la télévision», a-t-elle déclaré à propos des révolutions arabes qui explosaient autour d’elle. «J’espère que c’est une bonne étape pour obtenir la liberté et avoir un bel avenir, car il y a beaucoup de corruption dans les gouvernements partout au Moyen-Orient. Rien ne peut changer soudainement. Je pense que cela prendra du temps. Combien de temps, je ne sais pas. Cela peut prendre 10 ans, 20 ans, 50 ans, mais c’est la première étape pour changer l’avenir. »

    Le feu la prochaine fois
    Je pense qu’Amani était sur quelque chose. La sagesse conventionnelle est que le printemps arabe a complètement échoué et ne se reproduira pas de sitôt. Mais tout le monde n’est pas d’accord avec cette sombre évaluation.

    D’une part, les récentes manifestations et soulèvements ont secoué ou renversé des régimes en Irak, au Liban, en Algérie et, peut-être plus surprenant, au Soudan, qui a vu le renversement en 2019 du dictateur islamiste brutal Omar el-Béchir. Les manifestants qui ont forcé le changement là-bas étaient des chrétiens soudanais.

    La population du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord a augmenté de 70 millions depuis le début du printemps arabe et en ajoutera environ 120 millions de plus d’ici 2030. La pauvreté et le chômage ont augmenté avec lui, car des économies mal gérées ne parviennent pas à fournir des emplois à des vagues de jeunes à la recherche de travail. La répression politique moderne a tendance à ne fonctionner que tant que les gens ont suffisamment à manger.

    «Je ne pense pas que nous verrons une stabilité tant que les dictateurs et les agences de renseignement militaires continueront d’étouffer la société», a averti Fawaz Gerges de la London School of Economics dans une interview au Washington Post . «Le statu quo est intenable et la prochaine explosion sera catastrophique.»

    Alors ne pariez pas que la «rue arabe» reste silencieuse trop longtemps. Les moteurs de l’oppression au Moyen-Orient ne fonctionnent pas aussi efficacement qu’en Chine. Ils n’offrent pas non plus les incitations économiques à se taire comme le fait la Chine.

    «Malgré la nécrologie prématurée et l’héritage sombre du soulèvement arabe, la vague révolutionnaire de 2011 n’a pas été un mirage passager», écrit le politologue Marc Lynch aux Affaires étrangères . «En réalité, ce qui ressemblait à une fin n’était qu’un autre tournant d’un cycle implacable. Les régimes censés offrir la stabilité étaient, en fait, les principales causes de l’instabilité. Ce sont leur corruption, leur autocratie, leur gouvernance défaillante, leur rejet de la démocratie et les violations des droits humains qui ont poussé les gens à se révolter. … D’autres éruptions de manifestations de masse semblent désormais inévitables.

    Signes d’espoir
    C’est la perspective politique. Sous la surface, des courants plus profonds coulent.

    Je me souviens de Shamal *, un Tunisien de 27 ans que j’ai rencontré en Tunisie en 2012. Il est devenu un disciple du Christ après avoir vu le Christ dans une vision, vêtu de blanc. Des milliers de croyants d’origine musulmane racontent des histoires similaires de leur première rencontre avec Jésus. Shamal avait déjà été menacé et emprisonné pour sa foi, mais il ne l’avait pas abandonné. Il était devenu un faiseur de disciples.

    Alors que nous marchions dans les rues de Sidi Bouzid, Shamal a montré une sculpture commémorative de la charrette de fruits du martyr de la liberté Mohamed Bouazizi. Il était orné de ces mots dans les graffitis arabes: «Pour ceux qui aspirent à être libres.»

    «Je ne savais pas ce que c’était d’être libre, parce que je ne l’avais jamais vécu», a déclaré Shamal à propos de sa vie antérieure.

    Maintenant il sait. Personne ne peut enlever cela.

    * Noms modifiés pour protéger les identités

    Ponts Erich
    Ponts Erich

    Eric Bridges , journaliste baptiste depuis plus de 40 ans, a pris sa retraite en 2016 en tant que correspondant mondial pour l’International Mission Board de la Southern Baptist Convention. Il vit à Richmond, en Virginie.

    Baptiste News, 29 jan 2021

    Tags : Tunisie, Algérie, Maroc, Libye, Syrie, Egypte, Printemps Arabe,

  • Voyageurs entrant en France : les ‘’21 commandements’’ de Jean Castex, le test PCR négatif en plus

    Le Premier ministre, Jean Castex (Photo- DR), a annoncé, hier vendredi, de nouvelles restrictions face à l’épidémie de Covid-19, dont la fermeture des frontières aux pays hors-UE, «sauf motif impérieux», rapporte, samedi, ‘’franceinfo’’, soulignant qu’en plus d’une telle justification, un test PCR négatif sera demandé pour toute entrée en France en provenance d’un pays de l’UE, à l’exception des travailleurs transfrontaliers.

    Ces mesures, drastiques, ont pour objectif, selon le PM français, de se donner «encore une chance d’éviter le confinement» dans l’Hexagone.

    ‘’franceinfo’’ met également en exergue, Selon l’attestation de déplacement mise en ligne par le ministère des Affaires étrangères, que les voyageurs en provenance du Royaume-Uni ou d’un pays situé hors de l’Union européenne classé en zone de circulation de l’infection du virus Sars-CoV-2 doivent déjà certifier que leur motif de déplacement correspond à l’une des 21 catégories suivantes :

    • Ressortissant de nationalité française, ainsi que son conjoint (marié, pacsé, concubin sur présentation de justificatifs de communauté de vie) et ses enfants

    • Ressortissant de l’Union européenne ou ressortissant andorran, islandais, liechtensteinois, monégasque, norvégien, de Saint-Marin, suisse et du Vatican, ainsi que son conjoint (marié, pacsé, concubin sur présentation de justificatifs de communauté de vie) et ses enfants

    • Ressortissant britannique et membres de sa famille bénéficiaires de l’accord de retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord de l’Union européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique

    • Ressortissant de pays tiers, titulaire d’un titre de séjour ou d’un visa de long séjour français ou européen en cours de validité, ayant sa résidence principale en France ou qui rejoint, en transit par la France, sa résidence principale dans un pays de l’Union européenne ou assimilé

    • Ressortissant de pays tiers, en transit de moins de 24 heures en zone internationale

    • Titulaire de passeport officiel

    • Ressortissant étranger en fonctions dans une mission diplomatique ou consulaire, ou une organisation internationale ayant son siège ou un bureau en France, de même que son conjoint et ses enfants

    • Ressortissant étranger de pays tiers séjournant en France pour motif professionnel impérieux sous couvert d’un ordre de mission émis par l’État d’appartenance

    • Ressortissant étranger séjournant en France sur invitation des autorités françaises dans le cadre d’une action de coopération

    • Professionnel de santé étranger concourant à la lutte contre la Covid-19 ou recruté en qualité de stagiaire associé

    • Équipage ou personnel étranger exploitant des vols passagers et cargo, ou voyageant comme passager pour se positionner sur sa base de départ ou se former

    • Ressortissant étranger qui assure le transport international de marchandises

    • Conducteur ou équipier d’autocar ou de train de passagers

    • Membre d’équipage ou personne exploitant un navire de commerce, y compris de croisière, ou de pêche

    • Étudiant titulaire d’un visa de long séjour (VLS), d’un visa de court séjour (VCS) pour études ou pour stages (hors VCS Concours), ou venant pour moins de 90 jours en provenance d’un pays dispensé de VCS, ou mineur scolarisé, justifiant d’un lieu d’hébergement en France

    • Professeur ou chercheur employé ou invité par un établissement d’enseignement ou un laboratoire de recherche français qui se déplace à des fins d’études et d’enseignement

    • Ressortissant de pays tiers disposant d’un VLS « passeport Talent » ou d’un VLS « salarié détaché ICT » ainsi que son conjoint et ses enfants

    • Ressortissant de pays tiers se rendant en France pour recevoir des soins dans un établissement hospitalier public ou privé

    •Ressortissant étranger se déplaçant en France dans le cadre de l’exercice d’un droit de garde reconnu par décision de justice

    • Ressortissant d’un pays tiers travailleur humanitaire ou volontaire international

    • Ressortissant de pays tiers titulaire d’un visa de long séjour délivré au titre du regroupement familial ou de la réunification familiale des réfugiés, bénéficiaires de la protection subsidiaire et apatrides

    La même source a fait savoir, enfin, que le Quai d’Orsay a exclu plusieurs pays de la zone de circulation de l’infection du virus Sars-CoV-2. Il s’agit de l’Australie, de la Corée du Sud, du Japon, de la Nouvelle-Zélande, du Rwanda, de Singapour et de la Thaïlande. Les voyageurs en provenance de ces pays sont donc autorisés à entrer sur le territoire métropolitain. Cette autorisation prévaut également pour Andorre, l’Islande, le Liechtenstein, Monaco, la Norvège, Saint-Marin, la Suisse et le Vatican.

    Un test PCR négatif sera par ailleurs demandé pour toute entrée en France en provenance d’un pays de l’UE, « à l’exception des travailleurs transfrontaliers ». Cette mesure, déjà en vigueur pour le transport maritime et aérien, doit donc être étendue au terrestre.

    Tous les déplacements en provenance et en direction des territoires ultramarins seront également soumis à des attestations de motifs impérieux.

    Algérie1, 30 jan 2021

    Tags : France, Macron Castaner, confinement, fermeture des frontières, coronavirus, covid 19,

  • Guerre froide au Maghreb (Diario de Noticias)

    La question sahraouie est définitivement et encore au centre de l’agenda est-ouest. Les changements à la Maison Blanche, au Congrès américain et au Sénat permettent aux Algériens et sahraouis de tendre la corde, dans le sens de signaler devant la nouvelle administration l’existence du différend qu’ils entretiennent depuis 46 ans avec le Maroc.

    C’est en ce sens que s’explique la décision algérienne de lancer des exercices militaires dans la région de Tindouf, avec de vrais tirs, les 17 et 18 janvier. Cette zone est frontière et point de refuge sahraoui, raison pour laquelle les populations indépendantistes sahraouies et les soldats en auront fait partie. Dans le même temps, trois navires de guerre russes ont fait une escale technique commode au port d’Alger. Le week-end dernier, des rumeurs ont circulé sur une attaque sahraouie dans le «détroit de Guerguerat» avec trois ou quatre missiles, selon la source. Cependant, les Marocains ont fait ce qu’ils savent le mieux, «poker face» et ont tout nié, notamment le passage au poste frontière de Guerguerat, s’assurant que le flux de trafic n’était pas altéré, ce qui en soi a nié toute attaque ennemie.

    L’Algérie, confrontée à la liste des éventuelles abrogations présidentielles américaines aux décisions prises par Trump, comme leur retour aux accords de Paris dans l’environnement et au sein de l’Organisation mondiale de la santé, déjà prise, fait donc pression sur l’inclusion dans cette liste, et non sur les accords d’Abraham, mais du gain marocain en les rejoignant, qui a été guidé par la reconnaissance américaine de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, la transformant en Sara marocaine.

    L’administration Biden, mais surtout le nouveau président, voudra faire la différence entre «l’eau et le vin», par rapport à son prédécesseur, en se démarquant de la «tour d’ivoire d’or» que Twitter représentait pour Trump comme un bouclier de protection, qui lui a permis la distance et le sang-froid d’un juste impartial. Biden voudra certainement s’impliquer personnellement, donnant à la politique un côté humain perdu aux nouvelles technologies. En ce sens, cette nouvelle administration a déjà fait signe au siège des Nations Unies, qui soutient une solution à deux États dans le contexte de la question palestinienne, rompant avec le soutien total et inconditionnel de Trump à Israël jusqu’à présent.

    Au vu de cela, plus la tension entre l’Algérie et le Maroc est grande, dans la perspective de la vieille garde bipolaire de « guerre improbable, paix impossible », plus la tendance de Biden à vouloir une solution négociée à la question sahraouie est grande, voyant cela certainement une des solutions dans la tenue du référendum déjà oublié. Et cela, si cela se produit, pourrait retourner le jeu à l’envers.

    En ce moment, la «guerre des sables» se déroule à Washington et à New York, entre le maintien du statu quo et le changement, dans lequel António Guterres, apparemment docile et bureaucratique, aura également son mot à dire.

    Politologue / Arabiste. Ecrire selon l’ancienne orthographe

    www.maghreb-machrek.pt

    Diario de Noticias, 29 jan 2021

    Tags : Sahara Occidental, Maroc, Algérie, Maghreb,

  • L’ère Merkel : clap de fin

    L’élection d’Armin Laschet à la tête de la CDU (parti chrétien-démocrate) la semaine dernière a rappelé l’imminence de la fin de « l’ère Merkel ». Après quinze années à la tête du pays , les élections du Bundestag en septembre prochain détermineront l’héritier ou l’héritière à la chancellerie allemand. Se pose maintenant la question du « bilan Merkel » et de l’avenir du pays.

    L’ère Merkel : quel bilan ?

    Si les bilans des présidences françaises sont souvent synonymes de critiques acerbes de la part des citoyens et de l’opposition, outre-Rhin, Merkel, avec plus de 70% de popularité à l’heure actuelle et un départ volontaire de la chancellerie, semble terminer en bonne posture. Son mandat a été marqué par de nombreuses crises : économique d’abord en 2008 mais également migratoire à partir de 2015, crise en Ukraine, crise du Covid… Malgré les difficultés que celles-ci représentent, A. Merkel est apparue à la hauteur. Si la critique met en avant son indécision sur certaines questions (notamment au moment de la crise grecque, sur l’avenir de la Grèce dans l’UE), sa position au moment de la crise de 2008 (elle est alors surnommée « Madame Nein ») , la même critique vante ses qualités de gestionnaire de crises. Pour autant, elle ne serait pas visionnaire n’ayant pas proposé des réformes de fond.

    Quoi qu’il en soit, son bilan au plan intérieur, est très positif : l’application de l’Agenda 2010 élaboré par son prédécesseur, Schröder, série de réformes visant à réduire le chômage de masse et à favoriser la croissance économique, a permis au pays de redresser sa situation économique, qui était au plus mal depuis la réunification. Les fameuses « lois Hartz » ont permis une réforme en profondeur du marché du travail et du système social, notamment concernant les allocations chômages. Des réformes sociétales majeures ont également été mises en œuvre :la légalisation du mariage homosexuel en 2017, l’introduction d’une politique familiale nouvelle dans un pays marqué par un vieillissement de sa population.

    Et si le bilan intérieur est positif, le bilan sur les questions internationales semble l’être également : en 2015, pour répondre aux défis de la crise migratoire, Merkel combat la xénophobie par sa « culture de bienvenue » qui permet à plus d’un million de migrants d’être accueillis en Allemagne. Au moment des négociations du plan de relance européen post- Covid « Next Generation EU », c’est encore l’Allemagne qui impose à tous les pays membres des mécanismes de solidarité communs.

    Une femme à la tête d’un Etat, oui mais…

    Alors que la France dispose d’un régime semi-présidentiel avec un exécutif fort, l’Allemagne, elle, s’accommode d’ un système de type parlementaire avec un mode de scrutin proportionnel. Le « bilan Merkel » n’est donc pas celui de la chancelière seulement, mais le résultat d’un travail collectif mené de pair avec des coalitions : sur trois de ses quatre mandats, Merkel a dû composer avec le parti social-démocrate (SPD) au sein d’une grande coalition, et durant un mandat avec son allié le FDP, parti libéral. Sa capacité à créer un consensus au-delà des divergences politiques semble avoir réussi au pays et à replacer son parti, la CDU, plus vers le centre sur l’échiquier politique.

    Néanmoins, il convient de noter la continuité de sa politique avec celle de ses prédécesseurs : en matière économique, elle est restée sur la ligne politique économe de l’Etat fédéral, et dans le domaine des relations extérieures, elle a veillé à entretenir ses relations transatlantiques (quoique l’arrivée de D. Trump au pouvoir les ait un temps dégradées) et à maintenir le couple franco-allemand moteur de l’UE.

    Un départ… mais peut-être un Merkelien pour successeur ?

    Dans la course à la présidence de la CDU, les adhérents ont préférés un Merkelien convaincu à un Merz conservateur, flirtant avec l’aile droite de la CDU, et à un Röttgen assez « outsider » se présentant comme un « modernisateur » du parti.

    C’est donc la continuité des politiques entreprises par la chancelière qui semble séduire :le nouvel élu, A. Laschet, ministre-président de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, est en effet un Merkelien convaincu, un des seuls à avoir soutenu la chancelière au moment de la crise migratoire. Un homme de compromis qui entend marcher dans les pas de sa prédécesseur bien que le contraste entre les deux personnalités soit criant : l’une est divorcée sans enfant , protestante, fille de pasteur, originaire de l’Est ; lui est catholique, trois enfants, originaire de l’Ouest. L’une est souvent décriée pour sa lenteur à prendre des décisions, lui est dynamique et sûr de lui.

    Et cependant : une victoire à ces élections ne signifie pas que le candidat de la CDU sera élu chancelier. Ni même que le chef de la CDU sera le candidat investi par son parti dans la course à la chancellerie.

    Söder comme candidat favori

    Selon toutes vraisemblances, et si on en croit le quotidien du Spiegel dans un article intitulé « Söder et les trois nains (en référence aux trois candidats en lice pour les élections de chef de la CDU), il semblerait que Laschet ne soit pas le candidat favori pour être investi par son parti. On lui préfère un certain Markus Söder, chef de la CSU ( la branche bavaroise de la CDU), très populaire aussi bien en Bavière que dans le reste du pays. Malgré les chiffres Covid de sa région, (les plus élevés d’Allemagne), celui-ci semble s’affirmer comme l’homme fort, avec une certaine autorité politique en imposant par exemple le port du masque chirurgical dans les magasins, là où Laschet a plaidé dans son Land pour un assouplissement des règles anti-Covid.

    Pire encore, dans un sondage du 25 janvier dernier, à la question posée aux sympathisants CDU, « pensez-vous que Laschet puisse être le bon candidat CDU dans la course à la chancellerie, le Spiegel recense 45% des voix déclarant « non pas du tout », et 23% « plutôt non ».

    Une élection, mais beaucoup de questions en suspens

    L’élection à la présidence de la CDU ne débouche pas nécessairement sur une victoire en septembre prochain. Laschet sera-t-il finalement candidat investi par son parti dans la course à la chancellerie ? Quelle pourrait-être la ligne politique défendue par Söder ?Là-dessus, les élections régionales du Landstag en Baden Württemberg et en Rhénanie du Nord Westphalie en mars prochain pourront assurer Laschet dans une posture de candidat officiel si son parti remporte les élections. Pour le reste (notamment la question des coalitions menées entre le futur chancelier investi et les autres partis), un grand point d’interrogation demeure…

    Marie-Victoire CAMBRAY

    Source : Courrier d’Europe, 28 jan 2021

    Tags : Angela Merkel, Europe, Union Européenne, Allemagne, UE,

  • Transparency International: Grand écart de corruption entre les pays à faible et à haut rendement en Europe

    Transparency International a publié cette semaine son indice annuel de perception de la corruption (IPC) couvrant 180 pays. Une majorité de pays montrent peu ou pas d’amélioration en 2020 dans la lutte contre la corruption.

    L’année dernière, juste avant le déclenchement de la crise des coronavirus, l’organisation a souligné que la corruption est plus répandue dans les pays où les gros fonds peuvent couler librement dans les campagnes électorales et où les gouvernements n’écoutent que les voix d’individus riches ou bien connectés. Cette fois, Transparency International (TI) se concentre sur l’impact de la corruption sur la lutte contre le COVID-19 .

    La corruption persistante mine les systèmes de soins de santé et contribue au recul démocratique au milieu de la pandémie du COVID-19. Les pays qui obtiennent de bons résultats dans l’indice investissent davantage dans les soins de santé, sont mieux à même de fournir une couverture sanitaire universelle et sont moins susceptibles de violer les normes et institutions démocratiques ou l’état de droit.

    « La pandémie a mis à l’épreuve les limites de la réponse d’urgence de l’Europe et, dans de nombreux cas, les pays n’ont pas été pleinement transparents et responsables », a déclaré un porte-parole du bureau européen de TI au Brussels Times. Basée à Berlin, TI vise à lutter contre la corruption dans le monde et possède des succursales dans le monde entier.

    «En Hongrie par exemple, qui est l’un des pays les moins performants de l’UE, le gouvernement a été appelé à plusieurs reprises pour avoir tenté de« saisir le pouvoir »pendant la crise. Ces «mesures d’urgence» étaient également une grande préoccupation pour la société civile en Hongrie. »

    Parmi les pays de Visegrád, la performance anti-corruption de la Hongrie s’est le plus détériorée depuis 2012. On s’attend toujours à ce que vous payiez sous la table pour les soins médicaux mais cette forme de petite corruption pourrait disparaître avec les augmentations de salaire des médecins nouvellement annoncées, l’une des rares Remarques.

    L’ indice classe les pays en fonction de leur niveau perçu de corruption dans le secteur public, selon des experts et des hommes d’affaires. Il utilise une échelle de zéro à 100, où zéro est hautement corrompu et 100 est très propre. Un score inférieur à 50 indique un problème grave.

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    Le Danemark et la Nouvelle-Zélande arrivent en tête de l’indice, avec 88 points. Les pays déchirés par la guerre et les pays souffrant de crises politico-économiques prolongées, comme l’Afghanistan, l’Irak, la Libye, la Syrie, la Somalie, le Soudan, le Soudan du Sud, le Yémen et le Venezuela arrivent en dernier, avec des points allant de 12 à 21.

    Près de la moitié des pays stagnent sur l’indice depuis près d’une décennie, ce qui indique un blocage des efforts gouvernementaux pour s’attaquer aux causes profondes de la corruption. Plus des deux tiers obtiennent un score inférieur à 50.

    Les pays avec un IPC inférieur à 50 sont-ils corrompus ou simplement les pays avec plus de corruption que ceux supérieurs à 50? «L’IPC ne classe pas les pays comme« corrompus »ou« propres », mais les met plutôt à l’échelle», a répondu un porte-parole du bureau de TI à Berlin.

    Avec un score moyen de 64 (une diminution de deux points par rapport à 2019), l’Union européenne (UE) fait partie des régions les plus performantes sur l’IPC, mais est soumise à d’énormes tensions en raison du COVID-19 et des crises de l’état de droit. Le Danemark (88) occupe la première place, suivi de la Finlande (85) et de la Suède (85). À l’inverse, les pays les moins performants de la région sont la Roumanie (44), la Hongrie (44) et la Bulgarie (44).

    Le pays le plus performant parmi les États membres qui ont rejoint l’UE en 2004 est l’Estonie avec un score de 75 points, bien avant les États membres plus anciens tels que la Grèce (50), l’Italie (53), le Portugal (61) et l’Espagne (62).

    Pays en haut et en bas

    Les pays ayant les scores les plus élevés du classement ne sont pas à l’abri de la corruption. Certains d’entre eux ont été secoués par des scandales de blanchiment d’argent et d’autres actes de corruption du secteur privé dans le commerce avec des pays tiers.

    «Il existe des lacunes majeures dans la surveillance du secteur financier dans les pays les mieux notés», selon TI. «Les scandales des dernières années ont montré que les banques au Danemark, en Norvège et en Suède sont devenues des cibles faciles d’acteurs corrompus du monde entier.»

    Le scandale de blanchiment d’argent concernait la succursale estonienne de Danske Bank, le plus grand prêteur du Danemark. De nouvelles preuves qui ont été mises au jour l’année dernière ont également révélé des lacunes flagrantes dans la surveillance des banques nordiques, y compris en Suède.

    Les lacunes de la supervision du secteur financier sont un problème auquel de nombreux pays les plus performants sont confrontés. En Allemagne, à la suite du scandale Wirecard, par exemple, les autorités n’ont pas pu décider qui aurait dû être responsable de la supervision de la fintech. «Aucun pays n’est à l’abri de la corruption, et nous devons poursuivre la lutte contre celle-ci pour éviter une rechute».

    En ce qui concerne les pays candidats, la Turquie et les Balkans occidentaux, la situation est encore pire. Outre le Monténégro (45) et la Turquie (40), tous ont des scores inférieurs à 40. Les faibles scores en Albanie (36) et en Macédoine du Nord (35) qui devraient bientôt entamer les négociations d’adhésion avec l’UE sont préoccupants.

    La lutte contre la corruption a-t-elle été négligée pendant la pandémie?

    « Avec un score moyen de 36, l’Europe de l’Est et l’Asie centrale sont la deuxième région la moins performante sur l’IPC et vulnérable à la corruption aggravée par le COVID-19″, a répondu le bureau européen de TI.  » Avec un score de 38, Serbi a obtenu son score le plus bas depuis 2012. Les plus grands défis de corruption du pays incluent de graves problèmes d’état de droit, une érosion démocratique continue et des efforts pour faire taire les voix critiques.

    Une chose intéressante à noter est que certains pays de cette région obtiennent de meilleurs résultats que les États membres de l’UE. La Géorgie (56), l’Arménie (49) et la Biélorussie (47) ont toutes des scores plus élevés que la Hongrie, la Bulgarie et la Roumanie (44).

    Il est vrai que la validité du classement pour une année et un pays donnés peut être remise en question. Cependant, le manque d’amélioration au fil du temps, malgré le soutien de l’UE, donne lieu à un débat utile sur les facteurs occasionnels sous-jacents et les cas réels de corruption.

    L’indice de perception ne peut être facilement rejeté comme subjectif. L’indice est basé sur plusieurs évaluations effectuées par des banques et des instituts de notation. La perception compte. Si un gouvernement ou une administration publique est perçu comme corrompu, les citoyens auront moins confiance en eux et les investisseurs étrangers peuvent rester à l’écart.

    M. Apelblat

    The Brussels Times, 29 jan 2021

    Tags : Transparency International, corruption,



  • Maroc-Israël : Les folies de Trump à l’étude

    États-Unis : Les promesses de Trump liées à la normalisation avec l’entité sioniste sont à l’étude

    L’administration Biden examine actuellement les engagements pris durant ces derniers mois dans le cadre de la normalisation des relations entre les pays arabes et l’entité sioniste, a déclaré mercredi le nouveau chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, lors d’une conférence de presse animée à Washington.

    Le secrétaire d’Etat répondait à une question relative aux promesses faites par l’ancien président américain, Donald Trump, aux pays ayant accepté de normaliser leurs relations avec l’entité sioniste. «Nous sommes actuellement en train de nous assurer que nous avons une parfaite compréhension des engagements qui auraient pu être pris pour garantir le succès de ces accords», a-t-il expliqué. Depuis la fin de l’été dernier, quatre pays arabes ont normalisés leurs relations avec l’entité sioniste.
    Les accords dits d’Abraham signés en septembre dernier entre l’entité sioniste, les Émirats arabes unis (EAU) et Bahreïn sont considérés officiellement comme des traités de paix. En octobre, le Soudan avait fait part de sa volonté de franchir le pas de la normalisation suivi, deux mois plus tard, par le Maroc. Trump avait promis aux Émirats arabes unis de leur vendre des équipements militaires sophistiqués dont des chasseurs furtifs F-35, peu de temps après l’accord d’Abraham. Interrogé au sujet de cette transaction, Antony Blinken a expliqué que la question était également à l’étude. «De manière générale, lorsqu’il s’agit de ventes d’armes, il est normal qu’une nouvelle administration examine les transactions en attente pour s’assurer que cela sert les objectifs stratégiques» des États-Unis, a-t-il signalé.

    Des promesses de ventes d’armes faites par l’ancienne administration américaine à l’Arabie saoudite sont également à l’étude, selon le conférencier. Blinken avait déclaré, il y a quelques jours, que certaines des incitations incluses dans les accords «d’Abraham» méritaient de faire l’objet d’un «examen attentif», en référence implicite aux avantages accordés par Trump, dont la reconnaissance de la prétendue souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental.

    Source : Horizons, 29 jan 2021

    Tags : Sahara Occidental, Front Polisario, Maroc, Western Sahara, Etats-Unis, Donald Trump, Joe Biden,

  • Politique américaine au Moyen-Orient: «Tout se joue autour de l’Iran»

    Les États-Unis vont repenser leur politique au Moyen-Orient, c’était l’une des promesses du nouveau président Joe Biden. À peine en poste, son chef de la diplomatie Antony Blinken a annoncé notamment, le « réexamen » du soutien militaire aux monarchies du Golfe et poser les premiers pas vers une reprise progressive du dialogue avec l’Iran. RFI a posé trois questions à Bertrand Badie, spécialiste des relations internationales et professeur émérite à Sciences Po Paris.

    Ces annonces correspondent parfaitement à ce que Joe Biden avait lui-même annoncé avant d’être élu, à savoir la nécessité de réinventer la politique étrangère. Les premières mesures qui ont été annoncées autant par Biden lui-même que par Blinken vont précisément dans ce sens. Il y a donc un changement de forme, un changement de grammaire, ça ne veut pas dire pour autant qu’il faille s’attendre à des virages spectaculaires, la marge de manœuvre de Joe Biden reste limitée. Il y a un nationalisme très profond dans la politique étrangère américaine qui est enraciné dans un comportement protectionniste très perceptible au sein de la population américaine.

    RFI : L’une des premières annonces est celle de suspendre temporairement les ventes d’armes en cours vers les monarchies du Golfe. Est-ce qu’on peut sérieusement imaginer qu’elle soit annulée après réexamen ?

    Bertrand Badie : Il y a d’abord un effet d’annonce. C’est une façon de marquer sa méfiance à l’égard de régimes qui ne sont pas vraiment conformes à l’idéal des droits de l’homme – c’est le moins qu’on puisse dire. Notamment le régime des Émirats arabes unis du fameux MBZ et celui de l’Arabie saoudite de MBS. Pour les modalités, évidemment, les choses seront beaucoup plus compliquées, mais ça suffit aujourd’hui pour rassurer l’électorat et la communauté internationale, pour lancer une sorte d’avertissement aux partenaires de la péninsule arabique, et pour envoyer un discret message à l’Iran. Parce que je pense que tout se joue là.

    L’idée de Joe Biden est de pouvoir renouer les fils avec l’Iran tout en obtenant très vite de Téhéran un engagement d’arrêter sa politique d’enrichissement de l’uranium. L’Iran, de son côté, affirme qu’il n’est pas question de changer tant que les États-Unis n’auront pas réintégré l’accord sur le nucléaire de 2015. La formule intermédiaire qui semble être tentée par l’administration Biden, c’est d’envoyer des signaux positifs pour que ceux-ci enclenchent en Iran des réactions positives et que peu à peu on se remette dans les conditions d’une négociation.

    Le problème est de ne pas perdre la face. Donc, il y a une sorte de partie de cache-cache, une partie où chacun se tient par la barbichette. L’idée semblerait être de trouver dans les marges de cet accord les éléments qui puissent dénouer la situation et mettre en marche un mouvement positif.

    Dans les marges de la relations Iran-États-Unis il y a notamment le conflit yéménite. L’Iran soutient les rebelles houthis alors que l’Arabie saoudite, grand allié des Américains, mène la coalition internationale qui les combat. Le chef de la diplomatie américaine a pris plusieurs décisions à ce sujet; est-ce à nouveau un message vers l’Iran ?

    La structure du discours d’Antony Blinken à ce sujet était très intéressante parce qu’il a essayé de renvoyer les deux parties dos à dos en disant : « Les Houthis ont commis l’erreur de prendre la ville de Sanaa et donc de commettre un acte d’agression. Ils ont en quelque sorte renversé le  » gouvernement légal  » qui était installé. Mais, ajoute Blinken, ce qu’a fait la coalition n’est pas très propre non plus, puisque cela a créé une crise humanitaire extrêmement grave. »

    Les États-Unis, eux, n’étaient pas directement engagés dans la guerre du Yémen, donc ils n’ont pas besoin de gestes concrets. Mais c’est une façon de dire « nous n’acceptons pas systématiquement la politique menée par l’Arabie saoudite et par ses alliés du Golfe. Nous avons une politique indépendante par rapport au conflit qui se développe dans la région. » C’est une manière de dire à l’Iran : « Vous ne pouvez pas nous reprocher d’intervenir dans cette affaire et de ne pas être neutre. Mais à vous aussi, Iraniens, de montrer également un certain recul par rapport à ce conflit. »

    C’est aussi une façon subtile d’ouvrir le dossier très complexe des interventions de l’Iran dans la région. Puisque vous savez qu’à côté du nucléaire à proprement parler, il y a deux dossiers brûlants que sont le programme balistique iranien et les interventions de l’Iran dans la région. Les États-Unis voudraient que l’Iran bouge sur ces deux dossiers. L’Iran ne veut pas en entendre parler. En revanche, si les États-Unis expliquent qu’eux ne sont pas partie prenante dans ce conflit, c’est une manière très discrète de dire, nous attendons que l’Iran fasse la preuve qu’elle n’est pas partie prenante directe dans ce type d’affrontement régional.

    Autre dossier en réexamen, les engagements offerts par Washington en échange d’un rapprochement de quatre pays arabes avec Israël. Est que l’on peut, là aussi, imaginer un retour en arrière sur ce dossier ?

    Biden lui-même a dit qu’il n’entendait pas remettre en cause cette politique de reconnaissance bilatérale de quatre États arabes (Émirats, Bahreïn, Maroc et Soudan) de l’État d’Israël. Donc, il n’y aura pas de rupture à attendre puisque Biden a dit qu’il approuvait cette diplomatie un peu étrange de troc par laquelle les États-Unis consentaient un certain nombre d’avantages à des pays arabes qui, en échange, reconnaissaient l’État d’Israël.

    Mais, il y a un deuxième point qui est peut-être encore plus important, c’est que Biden brûle d’envie bien entendu de pouvoir avancer sur le dossier iranien. Et donc il va se mettre Benyamin Netanyahu à dos. On sent bien qu’il y a en Israël une très grande méfiance à l’égard des intentions prêtées au nouveau locataire de la Maison Blanche. Donc, on ne peut pas blesser Netanyahu deux fois. Les concessions que les États-Unis feront peut-être en direction de l’Iran l’empêchent d’avancer sur le dossier palestinien et de mettre à nouveau à mal les relations entre Washington et Tel Aviv. Donc, il n’y a pas grand-chose à attendre du côté de ce dossier. Peut-être que les F35 promis aux Émirats ne seront pas livrés aussi facilement que prévu. Peut-être que la reconnaissance par les États-Unis de la souveraineté marocaine sur le Sahara Occidental ne sera pas aussi formalisée qu’on pouvait l’espérer à Rabat. Il y aura probablement des corrections à la marge, mais il n’y aura certainement pas de modification profonde dans la politique à l’égard d’Israël et de la Palestine. Encore une fois, ce sont les Palestiniens qui feront les frais de tous ces deals.

    Press From, 28 jan 2021

    Tags : Sahara Occidental, Maroc, Arabie Saoudite, Emirats Arabes Unis, Soudan, israël, Normalisation,

  • Bob Menendez, l’un des pires faucons des Démocrates, est maintenant président de la Commission des Affaires étrangères du Sénat US

    Stephen Zunes

    Disposant maintenant d’un une majorité de travail, les Démocrates ont nommé le sénateur Robert Menendez DU New Jersey) à la présidence de la Commission des Affaires étrangères du Sénat. Cela a sonné l’alarme pour les défenseurs de la paix, des droits humains et du droit international, étant donné que Menendez s’est opposé à l’accord nucléaire avec l’Iran, a attaqué à plusieurs reprises les Nations unies et la Cour internationale de justice, a soutenu l’aide militaire inconditionnelle aux gouvernements qui ont utilisé ces armes pour commettre des crimes de guerre et a adopté d’autres positions bien plus proches de celles des Républicains que des Démocrates de base.

    Les initiatives de politique intérieure prises par le président Joe Biden dans les premiers temps de son mandat ont été étonnamment positives du point de vue de la plupart des progressistes, ce qui laisse espérer que l’influence croissante de la gauche du Parti Démocrate et les conditions désastreuses auxquelles le pays est confronté conduiront à une administration plus progressiste que beaucoup n’avaient osé l’imaginer. Les principales préoccupations concernent l’arène de la politique étrangère, où Biden s’est souvent rangé du côté de l’aile la plus militariste du parti, entre autres par son important soutien à l’invasion de l’Irak, sa défense du gouvernement de droite d’Israël, son plaidoyer en faveur de dépenses militaires élevées et son soutien aux dictatures alliées.

    Il y avait l’espoir qu’une majorité démocrate au Sénat pourrait freiner les impulsions bellicistes de Biden, qui n’ont été que renforcées que par sa sélection d’Anthony Blinken, de Jake Sullivan, de Victoria Nuland et d’autres partisans de la ligne dure à des postes clés de la politique étrangère. En effet, pendant la majeure partie des 60 dernières années, les présidents démocrates de la Commission sénatoriale des Affaires étrangères – tels que J. William Fulbright, Frank Church et Claiborne Pell – ont eu tendance à être plus critiques à l’égard de l’intervention militaire usaméricaine et du soutien aux alliés répressifs que leurs contemporains présidents de l’autre parti. Malheureusement, les Démocrates du Sénat ont maintenant choisi l’un de leurs membres les plus bellicistes pour occuper la position de politique étrangère la plus visible du parti.

    Roger Noriega, un analyste politique de droite qui a occupé le poste de secrétaire d’État adjoint aux affaires de l’hémisphère occidental sous le président George W. Bush, a exprimé son enthousiasme à l’idée que Menendez devienne président, en faisant remarquer : « On ne peut pas contourner le président de la commission sénatoriale des affaires étrangères quand il est prêt prendre à bras le corps des questions importantes ».

    Noriega a été particulièrement satisfait de la forte opposition de Menendez aux efforts d’Obama pour normaliser les relations avec Cuba, que le sénateur qualifie de « régime totalitaire », même s’il soutient l’aide militaire inconditionnelle des USA au régime beaucoup plus répressif de Sissi en Égypte et à d’autres dictatures alliées. En 2018, Menendez a été l’un des dix sénateurs démocrates à présenter une résolution bipartite visant à mettre fin au soutien usaméricain à la guerre saoudienne dévastatrice contre le Yémen.

    Menendez avait auparavant présidé la commission pendant deux ans sous l’administration Obama, se joignant fréquemment aux Républicains pour critiquer le président. Lorsqu’il siégeait à la Chambre des représentants, Menendez était connu pour avoir même attaqué le président George W. Bush depuis la droite. Par exemple, en 2003, il a envoyé une lettre à Bush pour lui dire qu’il était « profondément consterné » par les critiques de Bush sur la politique israélienne d’assassinats ciblés de Palestiniens, affirmant que le meurtre d’un leader du Hamas « était clairement justifié comme une application du droit d’Israël à la légitime défense » et que la politique d’assassinat d’Israël – qui incluait également les opposants non violents à l’occupation israélienne – devait avoir « le soutien total des USA ». Il a également critiqué Trump à partir de positions droitières, décriant ses efforts pour retirer certaines forces usaméricaines de Syrie et d’Afghanistan et prétendant que le faire serait en quelque sorte une menace pour la sécurité nationale des USA.

    Concernant l’Iran, le sénateur Menendez a tenté de saper les négociations qui ont conduit à l’accord nucléaire et a exagéré la capacité nucléaire de l’Iran. Il a été l’un des deux seuls sénateurs Démocrates à se joindre aux Républicains pour s’opposer à l’accord nucléaire d’Obama. Lorsque les dirigeants républicains ont invité le Premier ministre israélien de droite Benjamin Netanyahou à s’adresser à une session conjointe du Congrès pour dénoncer Obama et l’accord avec l’Iran, ce qui a conduit au boycott par un certain nombre de membres démocrates du Congrès, Menendez a rejoint le l’escorte officielle qui a accompagné Netanyahou au perchoir.

    Menendez a soutenu les efforts des Républicains pour refuser de payer les centaines de millions de dollars dus aux Nations unies si les États membres n’élisaient pas les USA à certains comités de l’ONU. Il s’est vivement opposé à la participation des USA à la Conférence mondiale contre le racisme des Nations unies, se joignant aux Républicains de droite pour l’accuser à tort d’être antisémite et antiaméricaine. Il a signé une lettre critiquant les Nations unies et leurs agences pour avoir demandé au gouvernement Netanyahou de mettre fin à ses violations du droit humanitaire international et a salué les attaques de l’ancienne ambassadrice de Trump auprès des Nations unies, Nikki Haley, contre l’organisme mondial. Et il a voté pour une résolution attaquant la Cour internationale de justice pour avoir décidé que si Israël pouvait construire une barrière de séparation le long de sa frontière internationalement reconnue, il ne pouvait pas légalement construire une telle structure au plus profond du territoire palestinien occupé depuis 1967 pour défendre les colonies illégales, prétendant à tort que la décision quasi unanime rejetait le droit d’Israël à la légitime défense.

    Le mépris de Menendez pour la vie des civils en temps de guerre est particulièrement troublant. En 2014, il a coparrainé un projet de loi défendant la guerre d’Israël contre Gaza, qui a tué près de 1 500 civils, dont plus de 500 enfants. Sa résolution insistait sur le fait que ces morts étaient dues au fait que le Hamas utilisait des « boucliers humains », malgré les rapports d’Amnesty International, de Human Rights Watch et d’autres groupes qui, bien que critiques à l’égard du Hamas dans un certain nombre d’autres domaines, n’ont trouvé aucune preuve pour soutenir qu’ils se sont engagés dans ce crime de guerre particulier. Menendez a également soutenu une résolution de 2009 soutenant l’attaque dévastatrice similaire d’Israël sur cette enclave palestinienne surpeuplée en utilisant un langage qui affirme effectivement que le fait que les membres d’un groupe terroriste désigné soient traités dans les hôpitaux, fréquentent des lieux de culte ou vivent dans des quartiers civils fait de tous ces lieux des cibles légitimes. Il a également coparrainé une résolution condamnant un rapport bien documenté des Nations unies élaboré par une commission composée d’éminents juristes internationaux réputés (présidée par un éminent sioniste) critiquant à la fois le Hamas et Israël pour leurs attaques contre des civils, les accusant à tort d’avoir un parti pris anti-israélien et de s’opposer au droit d’Israël à la légitime défense.

    Menendez a même signé une lettre défendant l’attaque d’Israël en 2010 contre une flottille d’aide humanitaire non armée dans laquelle 10 passagers et membres de l’équipage ont été tués et s’opposant à toute action des Nations Unies. Selon les rapports d’autopsie et une enquête des Nations unies, cinq des morts n’avaient opposé aucune résistance au raid israélien, parmi eux un citoyen usaméricain de 19 ans qui filmait simplement l’incident avant d’être abattu à bout portant à l’arrière de la tête.

    En effet, c’est sur Israël et la Palestine que les opinions d’extrême droite de Menendez sont les plus évidentes. Tout en prétendant soutenir la solution à deux États, il s’oppose à toute tentative de pression sur Israël pour mettre fin à l’occupation afin de la rendre possible. En effet, il s’est fermement opposé à toute forme d’État palestinien non soutenu par Netanyahou, qui a depuis longtemps clairement exprimé son opposition à la création d’un État palestinien viable aux côtés d’Israël. Menendez a attaqué l’Union européenne pour son opposition à l’étiquetage des produits des colonies de Cisjordanie occupée comme étant « Made in Israel », accusant l’UE de mettre en œuvre des « mesures commerciales restrictives et illégales ». Il a été l’un des deux seuls sénateurs démocrates à voter en faveur du choix de David Friedman – un opposant à l’État palestinien qui a promu la colonisation israélienne de la Cisjordanie et insiste sur le fait que les sionistes libéraux opposés à l’occupation sont pires que les collaborateurs juifs des nazis – pour devenir ambassadeur des USA en Israël.

    En 2017, Menendez a coparrainé une résolution prenant le parti de Trump contre Obama sur la question des colonies israéliennes et a contesté le droit des Nations unies à intervenir sur les questions de droit international humanitaire dans les territoires sous occupation militaire étrangère. La même année, il a fait partie de la petite minorité de sénateurs démocrates qui ont félicité Trump pour sa décision de reconnaître unilatéralement Jérusalem comme seule capitale d’Israël et d’y installer l’ambassade US, une décision que Biden s’est engagé à respecter. À l’époque, Menendez a également coparrainé un projet de loi qui, s’il avait été adopté, aurait fait de l’encouragement ou de la participation au boycott d’Israël ou des colonies israéliennes un crime fédéral, passible d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à 20 ans.

    Le choix de Menendez par les Démocrates du Sénat pour diriger la commission des Affaires étrangères et servir effectivement de porte-parole de leur politique étrangère est un autre exemple de la trahison par les dirigeants du Sénat démocrate vis-à-vis de la base progressiste qui leur a donné la majorité. Cela aurait pu être l’occasion pour les Démocrates de montrer aux électeurs noirs et bruns, qui sont les principaux responsables de l’existence d’une administration et d’un Congrès démocrates, que le parti soutient les droits humains dans le Sud global. Ils ont fait le contraire.

    Avec les distractions de la pandémie COVID, de la nouvelle administration et de bien d’autres choses encore, la nomination de Menendez à ce poste critique de la politique étrangère est passée largement inaperçue des progressistes. Avec Menendez dans une position aussi puissante, nous devons être vigilants afin d’éviter de futurs désastres en matière de politique étrangère.

    Trouthout, 26 jan 2021 (Traduction: Tlaxcala)

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