Catégorie : Monde

  • Un pilote tunisien suspendu pour avoir refusé de prendre part à un vol vers Tel-Aviv‎

    Un commandant de bord tunisien exerçant dans la compagnie émiratie, a annoncé, ce mardi, à travers sa page Facebook, qu’il a été suspendu parce qu’il avait refusé de prendre part à un vol à destination de Tel-Aviv.

    « Mon activité de pilote chez Emirates Airlines a été suspendue en raison de mon refus de participer à un voyage à Tel Aviv … Dieu est seul qui s’occupe de moi … je ne le regrette pas », a écrit le pilote sur son compte Facebook avant de le désactiver, selon les médias tunisiens.

    Echourouk, 13 jan 2021

    Tags : Tunisie, Emirates Airlines, Israël, normalisation,

  • Une décennie après le printemps arabe, ces militants trouvent de nouvelles façons de lutter pour le progrès

    PAR JOSEPH HINCKS

    Le printemps arabe a commencé en Tunisie, où 28 jours de manifestations ont mis fin à 24 ans de régime dictatorial. Le lendemain, 15 janvier 2011, des étudiants au Yémen ont appelé à des manifestations contre l’homme fort là-bas. Un dictateur est tombé en Egypte, puis en Libye. Un changement de saison semblait amener la démocratie dans une partie aride de la planète où elle ne s’était jamais vraiment épanouie.

    Cela s’est avéré un faux ressort. Aujourd’hui, l’Égypte a un dictateur différent, et le Yémen, la Libye et la Syrie ont des guerres. Mais continuez à lire. La passion du changement – pour la dignité – perdure dans la génération qui a ouvert la voie dans la rue il y a dix ans.

    Lara Sabra, 22 ans, Liban

    Avant même le décompte des votes, le siège de campagne improvisé du Secular Club près de l’Université américaine de Beyrouth (AUB) a sonné des chants de «Révolution! Pour la première fois depuis la fin de la guerre civile au Liban en 1990, un parti non affilié aux dirigeants sectaires du pays était sur le point de remporter des élections étudiantes.

    «Je n’avais jamais imaginé que nous gagnerions autant de sièges que nous», déclare Lara Sabra, la présidente du club. «Même si l’idéologie politique du club est devenue plus populaire maintenant, c’était quand même surprenant.» C’était aussi une tendance. Les indépendants ont remporté 4 des 9 sièges à l’Université Rafik Hariri, 14 sur 30 à l’Université libanaise américaine et 85 sur 101 à l’Université St. Joseph.

    Les élections étudiantes au Liban – où il n’y a pas de sondage fiable – sont souvent considérées comme un indicateur du sentiment national. Ils peuvent aussi être des affaires instables: ils n’ont pas eu lieu à l’AUB pendant la guerre civile qui a duré 15 ans au Liban, au cours de laquelle son campus a été bombardé. Pas plus tard qu’en 2007, quatre étudiants ont été tués dans des affrontements armés à la suite d’une dispute politique sur le campus de l’Université arabe de Beyrouth.

    Les élections de 2020 sont survenues dans un contexte de désillusion généralisée face à la politique sectaire du Liban. Plus de la moitié de la population du pays vit actuellement dans la pauvreté et, en décembre, sa monnaie valait 20% de sa valeur un an auparavant. Même avant que le gouvernement néglige les explosifs stockés n’entraîne une explosion massive en août qui a tué plus de 200 personnes, de jeunes manifestants qui s’étaient réunis pour la première fois près d’un an plus tôt, en octobre 2019, exigeaient la démission de tous les représentants politiques. Sabra dit que le système basé sur le favoritisme qui caractérise la politique nationale du Liban s’était également répandu dans la politique étudiante. Dans le passé, la politique du campus était «transactionnelle», les partis établis «échangeant des examens ou des banques de test antérieurs, qui ne sont pas largement disponibles, pour un vote», dit-elle.

    Que pourraient laisser présager ces changements dans la politique des campus pour les élections législatives libanaises, prévues en 2022? Un seul candidat indépendant a remporté les élections de 2018, les électeurs étant restés fidèles au système sectaire qu’ils blâment également pour la descendance du pays. L’âge du vote, à 21 ans, et l’absence d’une opposition unifiée posent un défi, dit Sabra.

    Son propre engagement en politique a commencé au lycée, lorsqu’elle a créé un club féministe qui a demandé avec succès au doyen de l’école de réviser une politique d’uniforme sexiste et a mené une campagne de sensibilisation à la culture du viol. À l’AUB, elle a découvert que le Secular Club réunissait le féminisme et des causes comme l’environnementalisme et les droits démocratiques.

    Mais Sabra dit que ce qui l’a galvanisée a été de voir la place des Martyrs à Beyrouth le 17 octobre 2019, remplie de manifestants qui sont revenus semaine après semaine. «Je l’avais imaginé, mais je ne pensais pas que cela pouvait arriver», dit-elle. «Ce moment m’a fait penser la politique d’une manière différente; cela m’a montré qu’il est possible qu’un changement politique se produise.

    Ali Mnif, 34 ans, Tunisie

    Comme ses frères aînés l’avaient déjà fait, Ali Mnif se préparait à quitter la Tunisie fin 2010, lorsqu’un vendeur du nom de Mohamed Bouazizi s’est immolé par le feu après avoir été humilié par les autorités de la ville. Les Tunisiens ont répondu en marchant avec tant d’insistance contre les indignités de la corruption, du chômage et du manque de liberté politique que le président Zine el-Abidine Ben Ali s’est enfui. «Je suis resté à cause de ce moment. Parce que, pour la première fois, nous avons été responsabilisés », se souvient Mnif. «Nous ne nous attendions jamais à ce que [Ben Ali] parte. Jamais. »

    Avec des élections libres et équitables, la Tunisie est la seule «réussite» du printemps arabe. Mais les Tunisiens constituaient le plus grand groupe de combattants à avoir rejoint le califat autoproclamé de l’Etat islamique. En 2019, 85% des chômeurs avaient moins de 35 ans. Depuis 2011, quelque 100 000 personnes ont déménagé à l’étranger.

    «Nous avons continué à nous demander: est-ce que la seule façon pour nous de nous exprimer à nouveau pour quitter le pays? dit Mnif, qui est resté et, avec plusieurs de ses contemporains, s’est mis à analyser les goulots d’étranglement retenant les Tunisiens entrepreneurs. Deux ans de recherches minutieuses plus tard, la loi tunisienne sur les startups est née: un ensemble de 20 lignes directrices visant à rendre l’environnement des affaires plus transparent et méritocratique. Adoptée à la quasi-unanimité en avril 2018, la loi est «l’une des plus progressistes du genre au monde», déclare Mohamed El Dahshan, économiste du développement affilié à la Chatham House de Londres.

    Le passage est venu avec un alignement favorable de plusieurs facteurs, qui découlaient tous de la révolution. Le plus jeune Premier ministre tunisien, Youssef Chahed, alors âgé de 42 ans, était au pouvoir; le ministre des technologies de la communication et de la transformation numérique du parti islamiste Ennahda a pris part tôt; et un mois avant les élections municipales, personne ne voulait être vu bloquant les perspectives des jeunes.

    Mnif reconnaît que la plupart des avantages de la loi sur les startups profiteront aux diplômés universitaires plutôt qu’à la classe ouvrière tunisienne. Pourtant, les réformes ont déjà porté leurs fruits. La Tunisie a enregistré quelque 380 nouvelles startups en vertu de la loi. Les startups établies en ont également bénéficié, comme InstaDeep, fondée par des Tunisiens et basée à Londres, qui vient de signer un accord pour construire un laboratoire commun avec l’allemand BioNTech, qui a développé un vaccin COVID-19 avec Pfizer; et nextProtein franco-tunisien, pionnier des insectes comme source de nourriture.

    En 2013, Mnif a écrit un essai sur ce que sa génération devrait abandonner pour la Tunisie. «Les gens ont compris ce sacrifice de différentes manières: certains se sont sacrifiés en allant en Syrie; certains ont traversé la Méditerranée », dit-il maintenant. «Pour moi, essayer de reconstruire les institutions de votre pays: c’est le plus grand sacrifice que vous puissiez faire.»

    Nada Majdalani, 36 ans, Territoires palestiniens

    Par une chaude journée d’été en 2017, la famille d’un garçon de 5 ans nommé Mohamed al-Sayis a fait un voyage à la plage pour échapper aux dures réalités de la vie à Gaza. Ses parents ne savaient pas qu’un ruisseau voisin se jetant dans la mer était plein d’eaux usées brutes. Ce soir-là, toute la famille est tombée malade – et en 10 jours, Mohamed était mort.

    Ainsi a commencé le discours que Nada Majdalani, le directeur palestinien d’Eco-Peace Middle East, a prononcé en mai 2019 au Conseil de sécurité de l’ONU. Assise entre le directeur israélien de l’organisation et son directeur jordanien, elle a expliqué comment les eaux usées qui ont empoisonné Mohamed ont forcé l’usine de dessalement israélienne d’Ashkelon à se déconnecter – étouffant 15% de l’approvisionnement en eau d’Israël. C’était une illustration frappante de ce qui relie trois juridictions si souvent en désaccord.

    «Je vois notre région comme le Titanic » , dit Majdalani. «Il y a des gens assis en première classe avec le champagne et les salles de bal, et des gens qui sont au fond du navire. Mais une fois que l’iceberg frappe: tout le monde coule.

    EcoPeace est une initiative conjointe israélo-jordanienne-palestinienne formée en 1994, un an après la signature des accords d’Oslo, qui a laissé l’eau comme une question de statut final à résoudre. Eco-Peace a commencé à y remédier immédiatement. La réalisation historique du groupe est de persuader les trois gouvernements de commencer à éliminer les polluants du Jourdain, et Israël de libérer plus d’eau dans le fleuve épuisé de la mer de Galilée. Dans tout le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, un approvisionnement insuffisant en eau et en assainissement coûte environ 21 milliards de dollars par an en pertes économiques, selon un rapport de 2017 de la Banque mondiale. Les analystes considèrent de plus en plus le stress environnemental comme un facteur de troubles sociaux et de guerre.

    Wim Zwijnenburg, un chef de projet pour l’organisation de paix néerlandaise PAX, dit que bien que la relation entre le changement climatique et le conflit soit complexe, il existe une «dynamique qui se renforce mutuellement» entre les deux. «Les guerres et les conflits armés entraînent la destruction à grande échelle des ressources naturelles telles que les forêts et les sources d’eau tout en érodant les infrastructures de l’État qui garantissent la protection de l’environnement.»

    Les différends concernant le contrôle de l’eau du Jourdain ont contribué au déclenchement de la guerre des Six jours en 1967, année où Israël a commencé à occuper les territoires palestiniens. En 2020, le soi-disant plan de paix du président Trump au Moyen-Orient, qui penche fortement vers Israël, a menacé un protocole d’accord prévu en s’aliénant à la fois les Palestiniens et les Jordaniens. «Juste au moment où nous arrivions au point où nous pouvions réellement réunir les trois gouvernements pour signer, les réalités géopolitiques ont empêché que cela se produise», dit Majdalani.

    Le blocage politique a conduit l’équipe de Majdalani à redoubler d’approches auprès du secteur privé. Jusqu’à présent, des études de faisabilité pour deux projets palestiniens, deux projets jordaniens et deux projets transfrontaliers ont été achevées.

    Et en décembre, EcoPeace a lancé son initiative la plus ambitieuse à ce jour: un plan directeur régional appelé Green Blue Deal pour le Moyen-Orient . Inspiré par le Green New Deal proposé par les législateurs progressistes américains et le plan historique de dépenses vertes de 572 milliards de dollars de l’Union européenne, il est «un reconditionnement de ce qu’Eco-Peace fait déjà sur le lien eau-énergie», dit Majdalani.

    Au Conseil de sécurité, les ambassadeurs israélien et palestinien ont salué Eco-Peace. «Je suis sortie ce jour-là très fière de ce que nous faisons», dit-elle. «Cela m’a fait sentir que tout était possible.»

    Mohamad Najem, 39 ans, Liban

    Lorsque la police jordanienne a dispersé par la force les manifestations contre la rémunération des enseignants en juillet, arrêtant les 13 membres du conseil d’administration du Syndicat des enseignants de Jordanie pour des motifs douteux, elle a également battu des journalistes couvrant les manifestations. Tout comme les vidéos de ces passages à tabac ont commencé à circuler en ligne, Facebook Live a mystérieusement cessé de fonctionner.

    Ce n’était pas le genre de chose que Mohamad Najem s’est vu sonder en 2008 lorsqu’il a cofondé SMEX, une organisation à but non lucratif basée à Beyrouth, qui vise à aider les blogueurs à capitaliser sur les plateformes de médias sociaux émergentes. Mais alors que les gouvernements de la région s’enfonçaient plus profondément dans le cyberespace qui avait autrefois fourni un refuge aux dissidents, le travail de Najem s’est élargi pour les rencontrer sur le nouveau champ de bataille.

    Dans le cas de la manifestation jordanienne, c’est le gouvernement, et non Facebook lui-même, qui avait bloqué l’accès à Facebook Live. Mais en juin, SMEX est allé au fond de la suppression par Facebook des images d’une autre manifestation: une manifestation antigouvernementale rare dans le sud-ouest de la Syrie. Une société basée au Royaume-Uni ayant des liens avec le régime syrien d’Assad avait «rapporté en masse» des vidéos des manifestations, affirmant qu’elles violaient un droit d’auteur qu’elle détenait. L’enquête de SMEX a révélé que l’entreprise avait acheté la licence de ces images à un tiers non divulgué dans la région. Après un appel avec SMEX, Facebook a supprimé les droits d’auteur de l’entreprise et a pris des mesures pour rendre plus difficile pour les autres l’achat de telles licences. «Facebook a répondu et nous avons résolu ce problème», déclare Najem. «Mais… les entreprises auraient déjà dû être au top.»

    Lors des soulèvements d’il y a dix ans, les plateformes de médias sociaux ont été cruciales pour les manifestants, qui ont utilisé Facebook et Twitter pour faire connaître les outrages et appeler les gens dans la rue. Aujourd’hui, les gouvernements autoritaires utilisent leur pouvoir pour empêcher la dissidence et traquer les critiques sur les mêmes plateformes. Les entreprises de médias sociaux qui se prélassent à l’image de la liberté sont, en fait, des entreprises obligées de fonctionner selon les lois de tout pays où elles opèrent. «Nous sommes dans une situation où les entreprises qui ont stimulé la liberté d’expression dans notre région sont les mêmes entreprises qui limitent et censurent maintenant une grande partie du contenu qui dit la vérité au pouvoir», dit Najem. Il note que ce n’est qu’en 2014 que Facebook a embauché un responsable de la politique pour la région. Et comme pour Google et Twitter, son siège régional est aux Emirats Arabes Unis, une monarchie absolue avec un dossier exhaustif de suppression de la dissidence au niveau national et à travers la région. «Ce n’est un secret pour personne qu’une taupe saoudienne a opéré à l’intérieur de Twitter pendant plusieurs années», dit Najem. «Si les Saoudiens peuvent faire cela au bureau de Twitter dans la Silicon Valley, imaginez combien il est plus facile pour l’Arabie saoudite ou les EAU de le faire à Dubaï.»

    Début 2020, des militants syriens ont lancé une campagne pour dénoncer la décision de Facebook de désactiver des milliers de comptes et de pages anti-Assad qui documentaient des crimes de guerre depuis 2011, sous prétexte de supprimer du contenu terroriste. En juin, Facebook a supprimé plus de 60 comptes d’activistes, de journalistes et de musiciens tunisiens sur peu de preuves, selon une lettre ouverte signée par SMEX et de nombreux autres groupes de la société civile de la région; et en octobre dernier, Twitter a suspendu en masse les comptes des dissidents égyptiens vivant en Egypte et dans toute la diaspora, immédiatement après l’éruption des manifestations anti-Sissi en Egypte.

    Pendant ce temps, les gouvernements du Moyen-Orient élargissent les lois sur la cybercriminalité et le terrorisme pour réduire l’espace disponible pour la dissidence. Rien qu’en 2020, la Turquie a arrêté des centaines de personnes pour des publications Facebook «provocantes» à propos du COVID-19. Le fait d’exprimer son soutien en ligne pour le Qatar peut justifier une peine de prison pouvant aller jusqu’à 15 ans chez son rival, les EAU. L’Arabie saoudite est devenue connue pour avoir déployé des «armées de trolls» soutenues par l’État pour écraser les critiques et menacer les dissidents. Et depuis 2019, le simple fait de suivre un dissident sur Twitter est passible de cinq ans de prison à Bahreïn.

    La nouvelle loi de Bahreïn n’est que l’une des centaines suivies par la plus grande initiative de Najem à ce jour. Lancée en 2019, la spin-off Cyrilla de SMEX comprend une base de données visuelle des nouvelles lois adoptées ou à l’étude dans le monde entier qui freinent la libre expression en ligne. La compilation de la base de données en anglais-arabe n’est que la première phase, dit Najem – la seconde consiste à créer des affaires juridiques pour contester l’application de lois censurées devant les tribunaux.

    Najem rit du son archaïque de SMEX, acronyme de Social Media Exchange. Plus approprié est Bread & Net, celui qu’il a donné à sa «non-conférence» numérique annuelle, qui, depuis 2018, a réuni des centaines de journalistes, hackers, experts en droits de l’homme et décideurs politiques de la région pour discuter de la confidentialité, de la sécurité numérique et de la surveillance dans la région. Bread & Net exprime à quel point Internet est fondamental dans la vie quotidienne. Malgré les restrictions croissantes, Najem se dit optimiste car il y a une plus grande prise de conscience de l’urgence de repousser.

    «Dans les pays où il n’y a pas de démocratie, il n’y a pas de concept d’espace civique», dit-il. «L’espace en ligne est vraiment le seul que les gens peuvent utiliser pour s’exprimer – pour faire n’importe quoi.

    Shaimaa, 23 ans, Irak

    «Tout le monde me disait que je devais le respecter et toujours lui dire oui», dit Shaimaa à propos du mari violent qu’elle a épousé en 2015, à 17 ans. «J’avais l’impression d’être dans une prison.

    C’était censé être un sanctuaire. Sa famille était arrivée au camp de Baharka au Kurdistan irakien pour les personnes déplacées à l’intérieur de leur pays l’année précédente, après que l’Etat islamique ait attaqué leur ville natale dans la région montagneuse de Sinjar en Irak. En tant que fille aînée, Shaimaa pensait que se marier au camp offrirait à ses proches un semblant de stabilité. Mais lorsqu’elle a commencé à organiser des jeux et des activités pour les enfants, le spectacle d’une femme jouant un rôle si important dans la vie publique était trop pour beaucoup des 4 700 résidents du camp, notamment son mari. Shaimaa avait commencé le travail pour s’assurer que son frère, atteint du syndrome de Down et paraplégique, ne deviendrait pas isolé socialement. Lorsqu’il est décédé à 11 ans en 2016, elle était épuisée émotionnellement et a demandé le divorce, contre la volonté de ses proches. La censure n’a fait qu’augmenter.

    Shaimaa a refusé. Elle a écrit un article sur ses expériences de fuite de l’Etat islamique et la violence à laquelle elle avait été soumise dans sa propre communauté, qui a remporté un prix après sa publication dans un magazine en espagnol. Cela l’a incitée à interviewer d’autres femmes et filles du camp, servant de pont entre elles et des organisations internationales comme l’UNICEF. Impressionnée par le rapport qu’elle avait établi avec les enfants de Baharka, et après que Shaimaa ait lancé un système permettant aux femmes de signaler les cas de harcèlement, l’organisation à but non lucratif internationale Save the Children l’a enrôlée dans des projets locaux.

    Lorsque Free to Run, une organisation à but non lucratif qui forme des survivantes du conflit à la course de marathons, est venu à Baharka en 2018, Shaimaa a été l’un des premiers Irakiens à s’inscrire pour courir. Elle a aidé à recruter d’autres femmes et filles, utilisant la confiance qu’elle avait bâtie dans le camp pour apaiser les inquiétudes des parents concernant la participation de leurs filles aux sports. Aujourd’hui, Shaimaa est une entraîneure de Free to Run, responsable d’un groupe d’une vingtaine de coureuses et femmes, pour la plupart des réfugiés de la région syrienne de Daraa. Une jeune fille de 16 ans, dont le père a été tué par l’Etat islamique, avait envisagé d’épouser son cousin avant de rejoindre Free to Run, dit Shaimaa. Après avoir participé au programme, elle a décidé de reporter le mariage et de retourner à l’école.

    «Les filles admirent vraiment Shaimaa et ce qu’elle a accompli. Ils peuvent la voir vivre vraiment ce qu’elle partage », déclare Christina Longman, directrice nationale de Free to Run pour l’Irak. Il y a quelques mois, Shaimaa a déménagé ses parents et ses frères et sœurs du camp dans un appartement de la ville voisine de Baharka. Le mur derrière où elle prend notre appel Zoom est couvert de certificats et de médailles de courses qu’elle a courues – principalement 5 km et 10 km, mais elle espère terminer le marathon d’Erbil à l’avenir. Récemment ajoutée , la distinction 2020 de Beyond Sport pour l’ utilisation courageuse du sport , décernée à Shaimaa pour avoir combattu l’injustice et la discrimination et avoir utilisé le sport pour améliorer sa communauté.

    «Je me sens libre quand je cours, loin des prisons et de la guerre», dit-elle. «J’ai l’impression qu’il n’y a pas de limites et que rien ne m’arrête.»

    – Avec les reportages de Suyin Haynes, Billy Perrigo et Raja Althaibani

    Time

    Tags : #MondeArabe #PrintempsArabe

  • Le vice-président américain Mike Pence refuse d’invoquer le 25e amendement de la Constitution pour démettre Donald Trump

    Le vice-président américain Mike Pence a refusé mardi d’invoquer le 25e amendement de la Constitution pour démettre Donald Trump, ce qui ouvre la voie au lancement, dès cette semaine, d’une historique deuxième procédure de destitution contre le président sortant.

    « J’estime qu’un tel acte n’est pas dans le meilleur intérêt de notre nation ni ne correspond à la Constitution », a écrit Mike Pence à la présidente démocrate de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi.

    Sa réponse négative garantit que les démocrates soumettront dès mercredi à l’examen de la Chambre l’acte accusant Donald Trump d’avoir « incité à l’insurrection » lors des violences contre le Capitole le 6 janvier, dans une historique deuxième procédure d’ »impeachment ».

    Dans sa lettre, Mike Pence rappelle qu’il ne reste que quelques jours avant le départ de Donald Trump de la Maison Blanche, prévu le 20 janvier.

    Le 25e amendement autorise le vice-président et une majorité du cabinet à déclarer le président « inapte » à exercer ses fonctions.

    « D’après notre Constitution, le 25e amendement n’est pas un moyen de punition ou d’usurpation », affirme Mike Pence. « L’appliquer ainsi créerait une terrible jurisprudence ».

    Mike Pence, qui présidait la séance, rappelle dans sa missive qu’il avait refusé de bloquer la certification des résultats malgré la pression directe, et publique, de Donald Trump. Dans la foule, certains avaient d’ailleurs hurlé « Pendez Mike Pence ».

    AFP

    Tags : EtatsUnis #Donald Trump #Destitution #MikePence

  • La Tunisie présente au laboratoire de scénaristes de janvier de l’Institut Sundance

    Quinze conteurs émergents du Chili, d’Inde, du Kenya, de Tunisie et des États-Unis ont été sélectionnés pour participer au laboratoire de scénaristes de janvier du Sundance Institute à partir d’aujourd’hui (11 janvier).

    Les boursiers développeront 12 projets originaux en collaboration avec des conseillers créatifs de l’industrie, sous la direction de Michelle Satter, directrice fondatrice du programme de longs métrages de l’Institut Sundance.

    Les projets et le (s) boursier (s) comprennent: Black Comic-Con (USA), Natasha Rothwell (scénariste / réalisatrice); The Catch (Ghol, Inde) Rishi Chandna (scénariste / réalisateur); Chariot (États-Unis), Alyssa Loh (écrivain, récipiendaire de la bourse de développement Alfred P. Sloan 2021); Fancy Dance (USA), Erica Tremblay (co-scénariste / réalisatrice), Miciana Alise (co-scénariste); l’attaquant (USA), Mary Ann Anane (écrivain), Cris Gris (réalisateur); et The Macrobiotic Toker (USA), Tracy Droz Tragos (scénariste / réalisateur).

    Pour compléter la sélection: Maternité (Tunisie), Meryam Joobeur (scénariste / réalisatrice); Le regard mystérieux du flamant rose (Chili), Diego Céspedes (scénariste / réalisateur); Neon Tilapia (Kenya / États-Unis), Tony Koros (scénariste / réalisateur); Parts & Labor (USA), Cristina Costantini (co-scénariste / réalisatrice), Jacob Albert (co-scénariste); A Real One (USA), McKenzie Chinn (scénariste / réalisateur); et Stampede (USA), Sontenish Myers (scénariste-réalisateur).

    Sontenish a récemment été sélectionné pour recevoir le soutien du nouveau Filmmakers First Fund à Los Angeles.

    Le Lab se déroule en ligne via Sundance Co // ab du 11 au 15 janvier.

    Les diplômés du laboratoire incluent Chloé Zhao, chanteuse aux Oscars, qui a participé avec Songs My Brothers Taught Me, la candidate actuelle aux récompenses Radha Blank ( The 40-Year-Old Version ), Lulu Wang ( The Farewell ), Eliza Hittman ( Beach Rats ), dont Never Rarely Parfois Always Always est un candidat cette saison, et Fernando Frias de la Parra, dont je ne suis plus ici, représente le Mexique dans la catégorie des Oscars du long métrage international.

    Screen Daily, 11 jan 2021



  • Liban : festin dans un nid de vautours (1re partie)

    Pour comprendre les tenants et les aboutissants de la situation dramatique et confuse du Liban, il faut rappeler quelques éléments historiques concernant les néfastes interventions étrangères dans la région.

    En 1920, à la faveur de l’effondrement de l’empire Ottoman, et en application du plan de dépeçage connu sous le nom de Spykes-Picault, les deux plus grandes puissances colonialistes du monde, l’Angleterre et la France ont arraché une partie du territoire syrien pour créer un pays à leur dévotion, le Liban. Le plan portant les noms des responsables des affaires extérieures des deux puissances impérialistes avait été dévoilé par le pouvoir soviétique qui l’avait découvert dans les archives de la Russie tsariste, 3e brigand auquel étaient promis des morceaux du festin.

    Ces puissances ont déchiqueté le Moyen Orient. Elles n’en étaient pas à leur premier forfait pour drainer les ressources des pays assujettis par la force. Le découpage et le partage de l’Afrique effectué à Berlin en 1882 entre des deux puissances coloniales et l’Allemagne nouveau prétendant aux débouchés extérieurs a été une parfaite illustration de la tendance du capitalisme à ne tolérer aucune entrave territoriale à son expansion illimité, quitte à semer le chaos quand il n’arrive pas à réaliser ses fins en attendant d’obtenir la reddition des peuples dont il a saccagé la vie.

    En passe de perdre définitivement leur hégémonie dans le monde face à la poussée des USA, puissance montante rompant avec la doctrine isolationniste qui avait correspondu à la phase de l’accumulation interne du capital, la Grande-Bretagne et la France ont continué leur sale besogne avec le partage de la Palestine. Ainsi l’existence même du peuple palestinien était niée avec la création arbitraire de l’État sioniste dont l’espace est en extension continue grâce au soutien ouvert ou tacite des trois grandes puissances impérialistes régentant le monde. Extension marquée par l’occupation du Golan en 1967 et son annexion.

    Les nouveaux pays nés sous la violence des puissants ont été conçus non pas, par la volonté d’un peuple, mais arbitrairement sans discernement des populations. C’est l’origine de tous les désordres sur l’ensemble du Moyen Orient. Les pays spoliés d’une partie de leur territoire n’ont jamais accepté le fait accompli. C’est le cas de la Syrie et de la Palestine qui ne font que se battre pour recouvrer leurs droits légitimes sur les territoires dont Israël s’est emparé.

    En dépit de quelques désaccords de forme, dont le fond porte sur le partage en commun du butin, toutes les puissances impérialistes poursuivent leur sinistre besogne. Leurs manigances provoquent plus ou moins la décomposition des Etats de la région. La Palestine et le Liban sont les plus touchés par la mainmise impérialiste.

    La France en particulier est en pointe au Liban qu’elle considère comme son près carré au même titre que la Françafrique avec cette différence qu’elle échoue à placer à la tête de ces pays des hommes, ou plutôt des valets, entièrement soumis à ses désirs géostratégiques. La résistance incarnée par divers courants objectivement hostiles à toute forme de diktat extérieur, même lorsqu’elle revêt des couleurs religieuses, est le facteur explicatif de l’échec des ingérences permanentes, au prix, malheureusement de terribles souffrances pour l’immense majorité du peuple libanais et du saccage de l’économie de ce pays.

    Des alliances et mésalliances entre puissances impérialistes et puissances régionales, Turquie, Arabie Saoudite, Israël, et d’autres qui veulent jouer dans la cour des grands, se font et se défont. Les grands Etats impérialistes et les monarchies du Golfe constitue un bloc de vampires qui interfèrent sans interruption sur les rapports de forces internes du Liban, une des clés du contrôle et du pillage des richesses des pays sous leur domination. A l’échelle régionale comme à l’échelle régionale les Etats impérialistes veillent à ce que leurs multinationales chapeauté par le capital financier maître absolu de l’économie des pays parvenus au stade impérialiste, réalisent les taux de profit les plus élevés en drainant vers leurs banques tous les flux d’argent générés par l’exploitation des travailleurs et des petits producteurs. Ce n’est pas un conflit religieux opposant les populations de la planète. La seule religion du grand capital financier est celle du profit maximum.

    Le Liban, le pays des cèdres bleus, une merveille de la nature, semble être en proie à une complète décomposition.

    D’après certaines données publiées dans des archives anciennes, la population du Liban serait environ 6 millions d’habitants, mais plus de la moitié vit à l’étranger. 95 % de la population serait Arabe et même si une partie se réclame de la chrétienneté, environ 40% de la population, dont la moitié sont maronites. Il existe aussi ne petite minorité de Druze (5%) et une communauté chiite plus importante, dont on ne connaît pas le nombre. La langue parlée est l’arabe. C’est donc bien un pays arabe. Dans l’ensemble c’est quand même une population hétéroclite, d’où une certaine difficulté qui entrave son existence en tant que pays souverain.

    Apparemment ces données ne correspondent plus à la réalité. Le dernier recensement de la population date de 1932, autant dire qu’il est complètement obsolète. Le colonialisme français avait imposé son omniprésent au Liban à sa création en 1920. Et c’est en 1943, que la France encore mandataire, va imposer un système politique en apparence absurde sorti du chapeau d’un personnage débile, mais produit en fait d’une logique diabolique dont la finalité se résumé dans la ruse vieille comme le monde depuis que l’exploitation est apparue « diviser pour régner ». Le régime mis en place par la « France des Lumières chargées d’une mission civilisatrice auprès des peuples sauvages » est un régime confessionnaliste. Il consiste à partager les pouvoirs non plus entre partis politiques mais entre mouvements. Un pacte national conclu par un accord oral a réparti les forces communautaires au sein des différences fonctions politiques. Ainsi, suivant cet accord, le poste de président de la république sera occupé par un chrétien maronite, celui du premier ministre par un sunnite et celui de président de la chambre des députés par un chiite. C’est un accord complètement opposé aux idéaux démocratiques qui soufflent sur le monde depuis deux siècles. En outre, il ne peut pas fonctionner du fait des difficultés de recensement exact des mouvements religieux très fluctuants en cette époque marquée à la fois par le progrès des consciences et régressions favorisées par les classes dominantes dont le souci permanent est de diviser les masses qu’elles exploitent en provoquant des guerres de religion ou des conflits linguistiques.

    La question technique résultant de ce montage institutionnel abracadabrant est : qui effectue ce recensement ? Mais le plus grave c’est que ce système va concerner toute la société. On ne va pas choisir un ingénieur en fonction de ses qualités professionnelles mais en fonction de ses convictions religieuses supposées acquises irrévocablement à la naissance religieuse. Et c’est valable pour tous les postes de responsabilité. Évidemment cela ne pouvait pas fonctionner. Les responsables religieux, un magma hétéroclite subissant et véhiculant toutes les contradictions de la société ainsi que les calculs sordides ou mafieux des couches privilégiées, vont s’entre-déchirer pour occuper les meilleures places et surtout s’accaparer des plus gros morceaux du gâteau. Et dans ce système seul le colonialisme français trouve son compte. Certains de ces mouvements religieux sont de type fasciste à l’image des groupes chrétiens phalangistes. Des groupes porteurs d’une idéologie rétrograde naissent au sein des musulmans. Ils sont inspirés par les résidus de la féodalité, par des bourgeois affairistes et pleins de fric, affiliés à telle ou telle puissance impérialiste ou théocratie du Golfe. Des franges de la petite-bourgeoisie atteinte de plein fouet par les crises économiques engendrées par l’instabilité se rallient à ces idéologies rétrogrades et arrivent à prendre la tête du mécontentement populaire pour le dévoyer vers des solutions mystificatrices qui attisent les divisions secondaires au sein de la population. Il n’est pas question d’unité nationale, mais de se remplir les poches. Le rapport des forces entre ces mouvements religieux est un véritable capharnaüm rempli de contradictions insolubles. Ce qui devait arriver arriva, les objectifs politiques sont camouflés derrière les mouvements religieux.

    En 1975 la guerre civile éclate. Elle durera 15 ans. Des milices chrétiennes s’attaquent aux Palestiniens à la grande joie des sionistes et des USA qui ont tiré les ficelles pour débarrasser Israël de la résistance palestinienne. Ce fut un véritable désastre et un drame pour les libanais et qui persiste encore aujourd’hui. Plus de 150.000 morts, plusieurs milliers de blessés, 17.000 disparus, des centaines de milliers d’exilés ou de déplacés, le pays est sorti exsangue et entièrement détruit. Les causes de cette guerre sont multiples. Ce ne sont pas seulement les conflits internes qui en sont à l’origine. Même s’ils ont joué un rôle important ils sont estompés derrière les multiples diversions. Ce n’est pas la Syrie, ni les Palestiniens, qui l’ont déclenchée, mais bien les puissances impérialistes et en particulier la France et surtout l’État sioniste. Les Syriens et les Palestiniens n’ont fait que se défendre dans des conditions extrêmement difficiles. Ils luttent pour récupérer leurs terres accaparées par l’État sioniste avec le soutien ou la bienveillance des puissances étrangères. C’est bien la soldatesque sioniste, soutenue par les puissances impérialistes et avec l’aval de l’ONU, qui a chassé manu militari des milliers de Palestiniens de leur terre natale. Personne ne peut nier cette réalité. Les Palestiniens se sont réfugiés là où ils ont pu, en premier lieu en Jordanie et on sait ce qu’il le sort leur réserva.

    Six ans avant, en septembre 1970, le roi Hussein de Jordanie leur avait envoyé son armée. Ce fut un véritable massacre. Plus de 10.000 Palestiniens ont péri. Le reste est chassé de la Jordanie. Les Palestiniens appellent cette tragédie de « Septembre noir ». Après cette tragédie, où pouvaient-ils aller, si ce n’est au Liban, le pays le plus proche qu’une frontière sépare de leur pays occupé par l’État sioniste. Par dizaines de milliers les Palestiniens affluent au Liban. Chiffre, bien sûr, énorme pour un petit pays. Mais les Palestiniens ne s’y installent pas en envahisseurs. Ils ne sont pas responsables de cette situation. Ils ont été chassés de partout sans ménagement y compris des pays dits frères. Evidemment, le Liban ne pouvait pas supporter une présence aussi importante, d’autant qu’à l’époque, la population devait avoisiner approximativement entre 2 à 3 millions d’habitants. On ne peut dissocier la situation au Liban du problème palestinien.

    La direction de l’OLP (Organisation de Libération de la Palestine) et d’autres responsables s’est installée au Liban. Les Palestiniens s’organisent pour continuer le combat et lancer des attaques contre l’occupant sioniste. Le Liban va être complètement déstabilisé. Cela provoque un séisme politique d’une ampleur inégalée. Le consensus réalisé entre des mouvements confessionnels religieux qui arrivaient plus ou moins à gouverner le pays, éclate entre ceux qui sont solidaires et acceptent la présence des Palestiniens et les autres qui leur sont hostiles. Ainsi deux camps irréconciliables s’affronteront violemment. Le Liban est pratiquement ingouvernable.

    D’un côté il y a les progressistes libanais sans cachet à caractère confessionnel, les Fedayins palestiniens, les musulmans sunnites ou chiites solidaires de la cause palestinienne et, de l’autre, les forces les plus réactionnaires du pays appuyées par l’État sioniste. Des milices chrétiennes ainsi qu’une armée du sud organisée, équipée par l’État sioniste et relevant directement de son commandement militaire mènent une guerre meurtrière contre les Palestiniens. La soldatesque sioniste intervient massivement et occupe carrément le Liban. Son aviation pilonne les camps de Palestiniens, attaque les civils désarmés, n’épargnant ni femmes, ni enfants et vieillards. Ils sont massacrés dans des conditions épouvantables. Le symbole de l’abominable tuerie de milliers de Palestiniens sans armes est le forfait perpétré à Sabra et Chatila en septembre 1982, dans la banlieue de Beyrouth, suite à l’accord imposé par les USA et la France sous les tirs des chars israéliens parvenus jusque dans la banlieue de la capitale du Liban.

    Le Liban est un champ de bataille sordide, on massacre un peuple en silence. Après avoir incendié la région et provoqué un véritable désastre, après avoir laissé massacrer les Palestiniens, les puissances impérialistes, pompiers pyromanes comme souvent, interviennent pour « calmer le jeu », mais toujours en faveur de l’État sioniste. Dans la fournaise meurtrière provoquée par la soldatesque sioniste, de nombreux civils libanais solidaires des Palestiniens ont péri sans que personne n’y trouve rien à redire. C’est un véritable génocide contre le peuple palestinien. L’État sioniste doit être condamné pour crime impresprectibe contre l’humanité. Silence complice de l’ONU et ce, malgré la présence de la FINUL qui regardait ailleurs pendant le massacre des Palestiniens.

    Depuis sa naissance, le Liban n’a jamais été vraiment indépendant. Les ingérences des puissances étrangères n’ont jamais cessé et en particulier celles de la France qui se croit chez elle et l’État sioniste qui occupe illégalement la Palestine et une partie du Liban.
    Mais le Liban, le pays des cèdres, malgré un chaos généralisé provoqué et entretenu par les puissances impérialistes, est une entité nationale reconnue par la communauté internationale et membre à part entière de l’ONU. Le Liban est devenu indépendant en 1943. Des forces vives ont toujours existé dans ce pays. Elles ont résisté contre la mainmise des puissances étrangères, contre les forces rétrogrades du pays et en particulier contre la présence française et surtout contre ses ingérences grossières et le système du confessionnalisme qu’elle lui a imposée.

    Dès le début, ce furent des communistes qui menèrent la lutte pour la souveraineté nationale du pays, d’abord contre l’immigration de colons juifs et surtout contre les invasions répétées du régime sioniste d’Israël. C’est en 1930 au Sud du pays, dans une région à majorité chiite où la population survivait dans un état endémique de pauvreté que le communisme libanais plonge ses racines. Un peu plus tard sera créée au Liban la Garde Populaire, le premier noyau de résistants communistes organisés contre les attaques sionistes sur les villages du Sud. Au début, les communistes libanais étaient liés organiquement au parti communiste syrien et portait le nom de parti du peuple. Ce n’est que plus tard, lors d’un congrès tenu à Beyrouth en 1943 qu’il devint véritablement autonome et pris le nom de parti communiste libanais (PCL). Mais les ponts ne sont pas coupés avec les communistes syriens. À l’époque son programme était profondément communiste, défense des travailleurs, lutte implacable contre les oligarques corrompues jusqu’à la garde qui régentent le pays et surtout contre la présence étrangère qui gangrène le pays. C’est aussi un parti propalestinien. Pendant la guerre civile il s’était tenu aux cotés des fédaïynes palestiniens en lutte contre la barbarie sioniste. Le PCL n’était pas seul dans la lutte en 1982, quand l’armée sioniste pénètre dans Beyrouth. Il s’était allié à d’autres organisations et participait au combat contre l’occupant. D’autres organisations existent, mais ayant très peu d’impact sur la vie politique du Liban.

    Dans ce brouhaha politique généralisé du Liban, dans un marasme économique insoutenable, provoqué par les puissances impérialistes, qui a entraîné la paupérisation des masses populaires, et notamment la population chiite du sud libanais, un nouveau parti va sortir de cette déstabilisation du pays, le Hezbollah, littéralement le « parti de dieu ». C’est un parti islamique chiite formé par la fusion de plusieurs groupes de résistance chiites, à la suite de l’invasion israélienne du Liban en 1982.
    Israël qui, de plus, convoite les ressources en eau de la région (notamment les fermes de Chabaa) a occupé une partie du Sud-Liban en 1977, profitant de la guerre civile. En 1982, il lance l’opération « Paix en Galilée », envahissant cette fois le territoire libanais jusqu’à Beyrouth. Le triple objectif des sionistes était d’écraser la résistance palestinienne, de stopper la menace syrienne qui avait déployé son armée jusqu’au Sud-Liban, et d’opérer une jonction avec des Forces libanaises, bras armé du Parti phalangiste, un parti le plus rétrograde et réactionnaire, inféodé aux puissances impérialistes, qui s’était illustré, avec l’aide et la complicité des sionistes, dans les massacres des camps palestiniens de Sabra et Chatila.

    Le Hezbollah n’est pas sorti de rien. Il est né d’un long processus politique, d’abord à l’intérieur du Liban, puisant ses racines dans une conjoncture internationale chaotique et dans les populations déshéritées et pauvres. D’autre part et surtout de la volonté politique syrienne qui va lui apporter sans compter toute l’aide et les ressources nécessaires à son développement. Il faut remarquer, que la Syrie était un pays laïque alors que les dirigeants du Hezbollah vont s’inspirer de la révolution islamique iranienne et même faire allégeance à l’Ayatollah Khomeiny. Avec un appui aussi important de deux puissances régionales, la Syrie et l’Iran, le Hezbollah connaît une ascendance politique fulgurante d’abord dans son pays de naissance et dans toute la région moyen-orientale.

    Au Liban il devient le premier parti. Avec ses importants effectifs et le soutien des populations pauvres et de certaines organisations, il obtient le soutien de la majorité dans le pays. Il est donc aux portes du pouvoir. Mais le plus important c’est sa capacité d’action militaire dirigée principalement contre l’État sioniste et dans la défense des Palestiniens. En l’an 2000 suite à l’agression de l’armée sioniste contre son camp de base au Liban Sud, non seulement il résiste à cette attaque meurtrière mais il leur inflige une défaite cuisante et les chasse du pays. Ces exploits militaires sont fêtés par le peuple libanais et palestinien. Ainsi le Hezbollah a acquis une importante notoriété dans les masses populaires dans tout le Moyen Orient. Il apparaît comme le seul rempart contre l’agression permanente de l’État sioniste. Son armée aide l’armée syrienne dans son combat contre les intégristes qui occupent une partie du territoire syrien avec le soutien de tous les Etats impérialistes occidentaux et des monarchies du Golfe. Le Hezbollah est l’une des très rares organisations d’obédience islamique engagée dans la lutte contre la domination impérialiste. La révolution dont il a fait son credo ne sort cependant pas des limites du refus de cette domination. Ses références politiques ne vont pas jusqu’à mettre en question la propriété privée des moyens de production. Il y a une analogie avec les courants fortement imprégnés de religion qui avaient participé au lancement de l’insurrection armée le 1er novembre 1954 dans les rangs du FLN contre le colonialisme français. Leur influence était attestée par l’accolement de la référence à l’Islam à l’objectif de la république démocratique et sociale inscrit dans la Proclamation du 1er Novembre.

    Mais il ne faut pas se méprendre sur les objectifs du Hezbollah. En tant que mouvement à base populaire il doit certainement renfermer dans ses rangs des courants potentiellement porté à pactiser avec une orientation à caractère socialiste. Mais pour quelle affirme son existence il lui faudra bien au préalable se séparer des courants réactionnaires pour qui l’Islam est un facteur de négation de l’existence des classes est de l’exploitation et d’atténuation, par la force si besoin est, de toute conscience de classe. En raison de son caractère composite qui étouffe l’élévation de la conscience sociale de ses bases prolétariennes, le Hezbollah ne peut que jouir du soutien des bourgeoisies libanaises, syriennes et iraniennes. Ces bourgeoisies sont mises en grande difficulté par le mécontentement populaire face aux inégalités, à la corruption, à l’absence de liberté démocratique.

    Dans tous les pays arabes et islamiques les classes possédantes ont opté pour l’instrumentalisation de la religion afin de neutraliser le mouvement montant des classes laborieuses.

    (A suivre)

    LIES SAHOURA

    Source : Alger Républicain

    Tags : Liban, Israël, France, Hezbollah,

  • Un responsable de la Grande Mosquée de Bruxelles accusé d’espionnage en faveur du Maroc

    Le président de l’Association de gestion de la Grande Mosquée de Bruxelles, Salah Echallaoui, est accusé d’espionnage en faveur du Maroc.

    C’est le ministre belge de la Justice Vincent Van Quickenborne qui l’a d’ailleurs accusé d’espionnage et d’ingérence, ont rapporté des médias locaux.

    Un rapport de la Sûreté de l’État belge pointant l’ingérence du Maroc dans la gestion de la Grande Mosquée de Bruxelles, a souligné que trois agents des services de renseignement marocain y travaillent.

    Si l’espionnage n’est condamnable en Belgique que pour des infractions spécifiques, le responsable belge a dit vouloir en faire un délit pénal.

    D’après les mêmes sources, «le grief d’espionnage à l’encontre de Salah Echallaoui,vice-président de l’Exécutif des musulmans de Belgique (EMB), repose sur le fait qu’il aurait accepté, en tant que président de l’Association de gestion de la Grande Mosquée de Bruxelles, qu’un agent lié au consulat général du Maroc et qu’un membre d’une société de gardiennage ayant été précédemment au service de l’ambassade du Maroc, surveillent les visiteurs de la mosquée du Cinquantenaire et, parfois, ceux de l’Exécutif des musulmans de Belgique».

    «Il n’est un secret pour personne, ont ajouté ces mêmes sources, que le Rassemblement des musulmans de Belgique (RMB) que préside également Salah Echallaoui est subsidié par le ministère marocain des Affaires religieuses (Habous), directement rattaché au roi Mohammed VI».

    Echourouk, 11 jan 2021

    Tags : Belgique, Maroc, Mosquée, espionnage, Islam, terrorisme,

  • Les droits palestiniens ont toujours passé après l’«intérêt national» des régimes arabes

    La normalisation avec Israël n’est qu’un dernier exemple des dirigeants arabes qui font progresser leurs propres intérêts aux dépens des Palestiniens.

    Joseph Massad, 28 décembre 2020

    Depuis la Première Guerre mondiale, les Palestiniens sont utilisés comme une monnaie d’échange par divers régimes arabes afin de faire progresser leurs propres intérêts en sacrifiant les droits palestiniens.

    Pourtant, les apologistes des régimes arabes qui, récemment, ont normalisé leurs relations avec Israël, défendent la décision de leurs gouvernements à l’aide des mêmes arguments utilisés voici des décennies par les tout premiers normalisateurs – l’Égypte et la Jordanie –, à savoir que ces pays ont consenti des sacrifices depuis 1948, en plaçant les intérêts palestiniens au-dessus de leurs propres intérêts « nationaux », autrement dit, les intérêts de leur régime.

    Leurs décisions de passer aujourd’hui à la normalisation avec Israël, nous disent-ils, ont finalement placé leurs propres intérêts nationaux à l’avant-plan et, malgré tout, en même temps qu’ils normalisent leurs relations, ils aident également les Palestiniens !

    La propagande américaine
    Un argument majeur – avancé à ce propos – renvoie à la notion idéologique de la « paix » telle qu’elle est sponsorisée par les Américains, et cette notion constitue la pierre angulaire de la propagande américaine contre les peuples en lutte contre l’oppression coloniale et raciste, que ce soit dans le monde colonisé ou à l’intérieur même des États-Unis.

    La « paix » qui maintient des relations coloniales et racistes oppressives, nous dit-on, apporte la prospérité, alors que la lutte contre l’injustice et l’oppression – ce qu’on appelle la « guerre », dans le jargon américain – n’apporte que destruction et pauvreté.

    Au contraire des peuples arabes qui n’ont jamais cessé de témoigner leur solidarité avec les Palestiniens depuis que la Grande-Bretagne a sorti la déclaration Balfour en 1917, les régimes arabes, comme je l’ai déjà écrit auparavant dans Middle East Eye, ont toujours fait passer leurs propres intérêts en premier et ils entretiennent des liens et collaborent avec Israël depuis 1948 – dans le cas de l’émir hachémite Faysal, depuis 1919, même.

    Les apologistes de la reddition de Sadate à Israël ont prétendu durant des décennies que le zèle excessif témoigné par le président Gamal Abdel Nasser dans la défense des Palestiniens avait amené l’Égypte à sacrifier « 100 000 martyrs égyptiens » pour les Palestiniens, pour reprendre les termes du président égyptien Abdel Fattah el-Sisi en 2014.

    En fait, d’après les sources militaires égyptiennes, les pertes égyptiennes dans la guerre de 1948 furent de 1 168 soldats, officiers et volontaires tués (c’est le chiffre que mentionne le livre d’Ibrahim Shakib, The Palestine War 1948, pp. 432-433), alors que d’autres sources officielles égyptiennes (reprises dans le livre de Benny Morris, 1948: A History of the First Arab-Israeli War, pp. 406-407) parlent de 1 400 tués.

    De plus, le roi Farouk d’Égypte était entré en guerre en 1948, non pas parce qu’il avait placé les intérêts palestiniens avant ceux de l’Égypte mais, comme l’ont montré des analystes, en raison de sa rivalité avec la monarchie irakienne à propos de l’hégémonie sur le monde arabe post-colonial.

    Non seulement Nasser n’a jamais lancé une seule guerre contre Israël mais, en outre, toutes les guerres suivantes de l’Égypte ont été livrées pour défendre l’Égypte et non les Palestiniens. En 1956 et en 1967, Israël a envahi l’Égypte et occupé le Sinaï.

    Au cours de ces guerres, les soldats égyptiens sont morts en défendant leur pays, et non en défendant les Palestiniens. Entre 1968 et 1970, Israël et l’Égypte se sont livré une guerre d’usure (« War of Attrition ») au cours de laquelle des soldats égyptiens ont été tués en défendant leur pays contre l’agression israélienne permanente, et c’est une guerre qui se déroula sur le sol égyptien ; et, en 1973, l’Égypte lança une guerre en vue de libérer le Sinaï, et non la Palestine, et une fois encore, des soldats égyptiens perdirent la vie en défendant leur pays contre une occupation étrangère.

    Sacrifier les Palestiniens
    Lorsque Sadate signa les accords de Camp David, en 1978, non seulement il ne le fit pas pour défendre les Palestiniens mais, en réalité, il les sacrifia en même temps que leur droit à l’indépendance et ce, en échange de la restitution du Sinaï à l’Égypte (mais… sans sa pleine souveraineté) et d’un généreux paquet d’aide américaine qui servit à enrichir les classes supérieures égyptiennes et à appauvrir la majeure partie de la population.

    Le régime jordanien, dont l’armée était dirigée par un général colonial britannique, se lança dans la guerre de 1948 pour agrandir son territoire, ce qu’il fit en annexant la Palestine centrale (rebaptisée la « Cisjordanie ») après la guerre. En 1967, les Israéliens envahirent la Jordanie et occupèrent la Cisjordanie. Dans les deux guerres, des soldats jordaniens moururent pour les intérêts du régime jordanien, et non pour ceux des Palestiniens.

    En 1994, quand la Jordanie signa son traité de paix avec Israël, les intérêts palestiniens furent sacrifiés une fois encore dans la reconnaissance par la Cisjordanie du droit d’Israël à l’existence sur des terres palestiniennes volées et dans la sauvegarde d’un certain rôle pour les Hachémites autour des lieux saints musulmans à Jérusalem.

    En échange, la Jordanie reçut elle aussi un généreux paquet d’aide américaine dont bénéficièrent le régime et les classes supérieures. Au contraire de l’accord avec l’Égypte, celui avec la Jordanie fut conclu sans même demander à Israël de quitter la moindre parcelle des territoires occupés en 1967. Il s’ensuivit que la « paix » de la Jordanie avec Israël légitima l’occupation et la conquête israéliennes et n’imposa l’abandon ni de l’une ni de l’autre.

    Alors que, historiquement, les soldats égyptiens et jordaniens peuvent avoir été informés de ce qu’ils participaient à ces guerres au profit de la Palestine, la vérité là-dedans, c’est que, sans qu’ils n’en sachent absolument rien, ils y combattirent pour assurer les intérêts de leur régime. Quant au Soudan, au Maroc, à Bahreïn et aux EAU, on ne voit toujours pas clairement comment ils auraient pu faire passer les intérêts palestiniens avant les leurs propres.

    Les « dividendes » de la paix
    Un argument apparenté réside dans ce qu’on appelle les « dividendes de la paix », dont les États-Unis font une promotion des plus lourdes. Cette fois, on voudrait nous faire croire que tout l’argent dépensé dans des guerres et armements avec Israël serait désormais utilisé à des fins de développement et de prospérité économique.

    L’ironie, bien sûr, veut que les budgets militaires de l’Égypte et de la Jordanie, soutenus en guise de récompense par les énormes paquets d’aide militaire américaine, aient monté en flèche une fois la normalisation des relations de ces pays avec Israël. Par contre, le développement économique et les bénéfices sociaux de l’État ont été réduits à un étiage sans précédent dans les deux pays, provoquant une pauvreté massive et un déclin dans les services de l’éducation et de la santé, au point que même certains hauts responsables jordaniens, pourtant partisans de l’accord de paix, prétendent que la Jordanie n’a pas engrangé les « dividendes de paix » qu’elle était en droit d’attendre.

    Sur le plan des relations publiques, suite à l’hostilité du Congrès et des médias envers les Saoudiens et d’autres États du Golfe après le 11 septembre, les familles qui règnent sur le pétrole ont décidé une fois de plus d’accroître leurs profits au détriment des Palestiniens en cessant d’exiger qu’Israël respecte les lois internationales et se retire des territoires occupés, ce qui, jusqu’alors, constituait les conditions préalables à l’instauration de relations plus cordiales. Bien vite, ces États se sont acoquinés avec Israël et son lobby américain afin d’endiguer la vague de cette hostilité en promettant des relations plus étroites, lesquelles aujourd’hui sont bien ouvertes.

    Rien de tout ceci n’appartient à la poussière du passé, mais fait partie de la normalisation en cours aujourd’hui et par laquelle le président Trump a annoncé d’énormes achats par les Saoudiens, les Marocains, les Bahreïniens et les Émiratis d’armes américains durant la préparation et la mise sur pied des accords de normalisation en 2019 et après, ce qui va encore militariser la région plus que jamais.

    En vue de prouver leur allégeance à la politique antipalestinienne des États-Unis et d’Israël, les hauts responsables des États du Golfe n’ont plus cessé ces dernières années de s’en prendre aux Palestiniens dans les médias et la presse en général du Golfe appartenant aux familles du pétrole. Ces attaques se sont encore durcies récemment, et tout particulièrement en Arabie saoudite et dans les EAU.

    Les intérêts nationaux
    Ironiquement, les EAU avaient espéré obtenir des États-Unis les très sophistiqués avions de combat F-35 en échange de leur paix avec Israël. Toutefois, Israël et ses partisans au Congrès refusent d’autoriser la chose. Humiliés par ce résultat et dans le but de dissiper les inquiétudes israéliennes, les EAU ont suggéré au Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou que des pilotes de chasse israéliens prennent en charge les F-35 pour une période temporaire, après quoi ils entraîneraient les pilotes des EAU en vue de les remplacer.

    Le Maroc lui aussi a finalement reçu de la part des États-Unis une légitimation de sa reprise et de son annexion du Sahara occidental et, de son côté, le Soudan a été écarté de la liste américaine des pays qui soutiennent le terrorisme. Aucun de ces pays n’a concédé ou sacrifié la moindre parcelle de son intérêt national pour obtenir de telles récompenses.

    Au contraire, à l’instar d’autres pays arabes depuis 1948, ils ont sacrifié les droits palestiniens, pourtant repris dans les lois internationales, afin d’obtenir des bénéfices pour eux-mêmes. La Ligue arabe, une ennemie des intérêts palestiniens depuis sa création, a également refusé de condamner ces acords de paix, même s’ils contredisent la politique qu’elle défend de longue date.

    Plutôt que de sacrifier leurs intérêts nationaux pour défendre les Palestiniens, les régimes arabes ont tiré parti de la moindre opportunité pour brader les droits palestiniens en vue de favoriser leurs propres intérêts sans relâche.

    Au départ déjà, lors de la collaboration de l’émir hachémite Faysal, en 1919, avec les sionistes en vue de s’assurer leur soutien à son royaume syrien de l’époque ; puis avec la normalisation des relations entre Israël et le roi Mohammed VI afin de légitimer le contrôle par le Maroc du Sahara occidental, les Palestiniens ont été un envoi de Dieu aux régimes arabes qui les ont utilisés et qui continuent encore à le faire de façon abusive dans le but de satisfaire leurs propres intérêts.

    Publié le 28 décembre 2020 sur Middle East Eye
    Traduction : Jean-Marie Flémal

    Joseph Massad est professeur de politique arabe moderne et d’histoire intellectuelle à l’université Columbia de New York. Il est l’auteur de nombreux livres et articles universitaires et journalistiques. Parmi ses livres figurent Colonial Effects : The Making of National Identity in Jordan, Desiring Arabs, The Persistence of the Palestinian Question : Essais sur le sionisme et les Palestiniens, et plus récemment Islam in Liberalism. Citons, comme traduction en français, le livre La Persistance de la question palestinienne, La Fabrique, 2009.

    Source : Charleroi pour la Palestine, 11 jan 2021

    Tags : SaharaOccidental #Maroc #DonaldTrump #Israël #Normalisation #Algérie #Palestine

  • Le viol des femmes noires et autochtones a laissé une trace indélébile dans le génome des Brésilien·nes

    Maria Clara Rossini

    Les premiers résultats du projet de séquençage génétique le plus complet jamais réalisé au Brésil montrent que les gènes hérités exclusivement par voie maternelle sont généralement noirs et autochtones, et que les gènes transmis par les pères sont presque tous issus de colonisateurs européens.

    Le projet DNA do Brasil (ADN du Brésil) vise à analyser le génome de 40 000 Brésiliens. Il s’agit de la plus grande enquête de ce type jamais réalisée dans le pays, et elle donnera lieu à la base de données génétiques la plus complète disponible sur notre population. L’initiative a été annoncée il y a neuf mois, en décembre 2019, et donne déjà ses premiers résultats.

    Les chercheurs ont déjà achevé le séquençage du génome de 1 247 Brésiliens. Les volontaires viennent de tous les coins du pays, des communautés riveraines de l’Amazonie aux habitants de la ville de São Paulo. L’un des objectifs de la recherche est médical : les données génétiques permettent d’identifier des groupes plus sensibles à certaines maladies, ce qui permet d’orienter les ressources et les efforts du SUS (Système Unique de Santé, public) avec intelligence.

    La cartographie génétique fournit également des données sur l’ascendance des volontaires. Rien que dans ces 1 247 génomes préliminaires il a été possible d’observer les variantes génétiques de 54 populations du monde. Les résultats montrent que oui, le Brésil est extrêmement métissé – mais que ce métissage ne s’est pas fait de manière équilibrée.

    Un héritage inégal

    La moitié de nos gènes sont hérités de notre mère, tandis que l’autre moitié est héritée de notre père. En général, il n’est pas possible d’identifier quels gènes proviennent de tel ou tel parent. Mais il y a des exceptions.

    Le chromosome Y est l’une d’elles. Les femmes ont des chromosomes sexuels XX, et les hommes des XY. Cela signifie que la mère transférera toujours le chromosome X au fœtus. Ensuite, le spermatozoïde du père est chargé de « décider » du sexe du bébé en envoyant le chromosome X ou Y.

    Cela signifie que chaque chromosome Y trouvé dans la population provient toujours du père, ce qui permet de retracer la lignée des hommes du pays. Il en va de même pour l’ADN mitochondrial en ce qui concerne les femmes. C’est toujours la mère qui transmet les mitochondries à son fils – les mitochondries sont des fabriques énergétiques des cellules qui ont leur propre matériel génétique – donc tout l’ADN des mitochondries d’une population a nécessairement été hérité des femmes.

    Maintenant, les résultats : 75% des chromosomes Y dans la population sont hérités d’hommes européens. 14,5 % sont d’hommes africains, et seulement 0,5 % sont d’hommes autochtones. Les 10 % restants sont pour moitié originaires d’Asie de l’Est et du Sud, et pour moitié d’autres régions d’Asie.

    Avec l’ADN mitochondrial, c’est le contraire : 36% de ces gènes sont hérités de femmes africaines, et 34% de femmes indigènes. Seulement 14 % proviennent de femmes européennes et 16 % de femmes asiatiques.

    En additionnant les pourcentages de femmes, nous obtenons que 70% des mères qui ont donné naissance à la population brésilienne sont africaines et indigènes – mais 75% des pères sont européens. La raison remonte aux années de la colonisation portugaise au Brésil. Le viol de femmes esclaves noires et autochtones était la règle.

    L’exploitation violente et l’extermination massive ont également fait que les hommes autochtones n’ont laissé presque aucun descendant – ils ne représentent que 0,5 % du génome de la population, alors que les femmes autochtones en représentent 34 %. « Ce qui s’est passé, c’est que nous avons tué ou soumis les hommes et violé les femmes », explique Tábita Hünemeier de l’Institut des biosciences (IB) de l’Université de São Paulo, qui étudie la génétique des populations et est l’une des coordinatrices du projet.

    De tels chiffres ne sont pas nouveaux pour la génétique. « C’est la norme latino-américaine », dit Hünemeier. Il en va de même pour la population de pays comme la Colombie et Cuba, qui ont également connu la colonisation ibérique. D’autres études génétiques menées au Brésil, qui n’analysent que le chromosome Y et l’ADN mitochondrial, ont montré la même tendance depuis les années 2000.

    En plus de mettre en lumière les atrocités historiques, le génome des premiers volontaires du projet a également révélé quatre millions de nouvelles variantes génétiques, qui ne sont pas enregistrées dans d’autres banques de gènes internationales. Une autre cartographie génomique récente, réalisée uniquement avec des personnes âgées brésiliennes, a montré deux millions de nouvelles variantes.

    Tlaxcala, 10 jan 2021

    Tags : Brésil, colonisation, esclavage, racisme, exploitation sexuelle, viol,

  • Les conflits nomades : De l’Afghanistan au Maghreb


    La région du Moyen Orient et de l’Afrique du Nord (Mena) est en proie à des conflits qui s’enchaînent et se répandent comme une traînée de poudre, les conséquences sont dramatiques et gravissimes aux plans social et économique.

    Par. Le général à la retraite Rabah Aggad

    NOUS assistons, ces derniers temps, à une sorte de déliquescence de certains Etats-nation, due, selon les experts, au vide géopolitique laissé par l’effondrement de l’Union soviétique au cours des années 1990.

    Les révolutions afghane et iranienne, survenues à une année d’intervalle, ont été les deux événements déclencheurs, dont les conséquences étaient inattendues sur les situations politique, économique et sécuritaire des pays de la région, voire au-delà. Elles ont réveillé de vieilles rivalités séculaires, territoriales, ethniques et confessionnelles, et donné naissance à de nouvelles formes de conflits qui structurent le monde depuis la fin de la Guerre froide.

    Par la suite, les «guerres du Golfe» et ce qu’on appelle le «printemps arabe» ont généré des mutations dont les impacts dévastateurs sur la région et les pays de l’Afrique subsaharienne sont loin d’être pleinement identifiés et encore moins maîtrisés. Ces conflits impliquent tout à la fois des armées régulières, des milices de différentes obédiences, des clans et des régimes politiques locaux ou régionaux et surtout les grandes puissances qui attisent et alimentent politiquement, matériellement et militairement le feu du brasier.

    La région est un enjeu majeur pour ces puissances, particulièrement les Etats-Unis, la Russie et, aujourd’hui, la Chine. Des Etats de la région ayant aussi des ambitions d’hégémonie vont s’impliquer également ouvertement dans des conquêtes de territoires, soutenus par certaines parties qui ont pris part au conflit. Enfin, l’entité sioniste, située au cœur du monde musulman, bénéficiant de la protection et de l’aide militaire et économique inconditionnelle des Etats-Unis et de ses alliances, ne cesse de tirer profit, depuis sa création, des évolutions géopolitiques régionales, au détriment du monde arabo-musulman.

    La première guerre d’Afghanistan (1979-1989) : la boite de pandore

    Le 27 avril 1978, la République démocratique d’Afghanistan est proclamée. Le nouveau régime pro-soviétique décide d’entamer des réformes et rencontrer l’opposition représentée par le courant conservateur islamiste mais il sera confronté à des tentatives de renversement, soutenues par les Etats-Unis, et leurs alliés notamment le Pakistan, dont le régime du général Zia Ul Haq est totalement opposé à celui de son voisin, l’Afghanistan, qui fera alors appel à l’Union soviétique, qui justifierait son intervention au nom du principe de non-ingérence.

    En effet, le 3 juillet 1979, le président Carter signe une première directive portant sur une assistance aux opposants au régime de Kaboul, autorisant ainsi les services secrets américains à apporter un soutien aux islamistes afghans. A la demande des nouveaux maîtres de Kaboul, le 27 décembre 1979, les forces armées soviétiques pénètrent en Afghanistan. Les premiers objectifs opérationnels étaient de neutraliser l’opposition armée, encouragées par les échecs politiques du nouveau régime afghan, incapable de faire face aux mouvements de la rébellion islamiste. En février 1989, soit plus de neuf années après, les forces soviétiques se retirent et la première guerre d’Afghanistan prend fin.

    La grande désillusion des volontaires islamistes étrangers

    La réalité est plus complexe. La guerre d’Afghanistan est une sorte d’entreprise tripartite entre les Etats-Unis, l’Arabie saoudite et le Pakistan. Si les Etats-Unis veulent avoir leur revanche sur l’URSS, en raison du bourbier vietnamien, l’Arabie saoudite est plus soucieuse du poids que prenait l’Iran chiite dans le Golfe persique ou arabe et pour y faire face, elle encouragerait un fondamentalisme sunnite concurrent, dira-t-on. Enfin, le Pakistan nourrissait des craintes envers l’Inde et appréhendait l’avènement à Kaboul d’un gouvernement nationaliste laïc qui s’alliera avec New Delhi. Ignorant toutes ces stratégies et calculs, les volontaires voyant dans l’Afghanistan un symbole de l’unité musulmane affluaient de partout. Cette résistance contre un ennemi commun allait occulter, pour un temps, les rivalités séculaires héritées d’une longue histoire de clivages ethniques, notamment entre Tadjiks et Pachtounes. Mais, au moment où les Soviétiques quittent, en 1989, Kaboul, le conflit interethnique se transformait en véritable guerre civile. Les volontaires étrangers se trouvent ainsi dans une situation des plus déroutantes, au fur et à mesure que l’Afghanistan sombrait dans un conflit interethnique. Certains décident de rentrer dans leurs pays et tentent de donner un sens à leur djihad en se soulevant, cette fois-ci, contre leur propre gouvernement et société.

    La révolution islamique d’Iran : le réveil du chiisme politique

    Les 5, 6 et 7 janvier 1979, les présidents, américain et français, le Premier ministre britannique et le chancelier allemand se rencontrent en Guadeloupe. En apparence, il s’agirait d’une simple réunion. Mais en coulisse, c’est l’avenir de l’Iran et le chah Mohammed Reza Pahlavi, au pouvoir depuis 1953, qui se jouent. La révolution gronde et les jours du chah sont comptés. Il est temps de le remplacer mais par qui ? Bien avant le sommet de Guadeloupe, les Etats-Unis, qui officiellement soutiennent le chah, ont porté leur choix sur l’ayatollah Khomeiny pour deux raisons : la première est qu’ils veulent éviter que le parti communiste iranien prenne le pouvoir, ce qui offrirait à l’URSS un accès maritime sur l’océan Indien et une position privilégiée pour accéder au pétrole. La seconde est qu’ils souhaiteraient «encourager les mouvements islamistes de manière à générer un chaos régional, susceptible de se propager dans les provinces musulmanes de l’Union soviétique et provoquer ainsi sa destruction».

    Le 16 janvier 1979, le chah quitte l’Iran, officiellement pour les EtatsUnis, pour se soigner d’un cancer. Le président américain dépêche le général Robert Huyser à Téhéran, le but étant de convaincre l’état-major de l’armée d’accepter de ne pas s’opposer à l’arrivée des islamistes au pouvoir. L’ayatollah Khomeiny rentre triomphalement à Téhéran pour fonder la République islamique d’Iran. En novembre 1979, la colère gronde contre les Etats-Unis, surnommés «grand satan» (Israël, petit satan), à la suite de leur décision d’héberger le chah. L’ambassade américaine est prise d’assaut et ses occupants pris en otages, les activités clandestines de la CIA y sont révélées. Les négociations diplomatiques pour libérer les 53 otages retenus prisonniers dans l’ambassade américaine à Téhéran échouent. La rupture est consommée entre les deux pays. Sur décision du président Jimmy Carter, une opération militaire est envisagée. Elle aura lieu les 24 et 25 avril 1980 mais se soldera par un échec. Les otages furent finalement relâchés après 444 jours de captivité, le 20 janvier 1981, lors du mandat de Ronald Reagan.

    La guerre Irak-Iran : d’une pierre deux coups

    Au cours de l’année 1980, malgré l’accord et les bons auspices d’Alger, l’Irak et l’Iran s’engagent dans un conflit armé. Le 22 septembre 1980, après une série d’incidents frontaliers de grande envergure, le pouvoir irakien décide de «porter des coups dissuasifs aux objectifs militaires iraniens», espérant ainsi tirer profit de l’instabilité politique post-révolutionnaire qui régnait en Iran. Les forces irakiennes bombardent les bases aériennes iraniennes et pénètrent en territoire iranien, deux jours plus tard. Le 28 septembre 1980, l’ONU adopte la résolution 479, exigeant un cessez-le-feu immédiat mais pas le retrait de l’Irak des territoires iraniens qu’elle occupe. Par cette opération, le but est de renverser la République islamique d’Iran et faire de l’Irak un Etat puissant, dans un contexte régional qui s’annonce assez difficile. Cependant, au début de l’année 1981, l’armée iranienne prend l’avantage et en juin 1982, l’Irak décrète unilatéralement un cessez-le-feu. Deux ans de guerre, l’Iran aurait «décidé» de réduire la puissance de l’Irak, de provoquer la destitution de Saddam Hussein et l’instauration d’un régime islamique. Ainsi, la guerre, qui s’inscrivait principalement dans la lignée des multiples dissensions liées aux litiges frontaliers opposant les deux pays et dans d’autres rivalités et enjeux, s’enlisait dans une guerre d’usure qui risquait d’embraser l’ensemble de la région. A partir de l’été 1982, l’Irak paralyse les infrastructures pétrolières iraniennes et s’attaque à ses pétroliers. De son côté, l’Iran poursuit ses attaques terrestres et oblige plusieurs tankers koweïtiens à accoster. Le Koweït sollicite l’aide des grandes puissances, à leur tête les Etats-Unis et l’Union soviétique. Le Conseil de sécurité de l’ONU vote la résolution 598, le 20 juillet 1987, mais l’Iran rejette le cessezle- feu. En 1988, l’Irak reprend l’offensive terrestre et réussit à restituer plusieurs positions occupées par les troupes iraniennes. En raison de la recrudescence des tensions et de la présence étrangère, notamment américaine, dans le Golfe arabo-persique, qui est loin d’arranger quiconque, l’Iran a fini par se rendre à l’évidence et accepter la résolution 598 de l’ONU : le cessez-le-feu prend effet le 8 août 1988.

    Le Koweït et la première guerre du Golfe

    Au lendemain de la guerre contre l’Iran, l’Irak se retrouve dans une situation économique difficile, avec une dette colossale, notamment envers les pétromonarchies du Golfe. En 1990, la tension monte avec l’émirat du Koweït qu’il accuse de dépasser les quotas de production de pétrole fixés par l’Opep et, par conséquent, de provoquer la chute des prix. Le Koweït, encouragé par les puissances mondiales, qui avaient alors permis l’effort de guerre irakien contre l’Iran, ne donnera guère de suite. Il en résulte une chute drastique des prix du baril, correspondant à une perte pour l’Irak de sept milliards de dollars par an, soit l’équivalent du déficit de sa balance de paiements, en 1989. Les revenus qui en résultent ne suffisent plus à subvenir aux besoins du gouvernement, et encore moins à réparer les infrastructures endommagées.

    C’est dans cette atmosphère délétère que le 25 juillet 1990, l’ambassadrice américaine en Irak, April Glaspie, demande au cours d’une entrevue avec le président irakien, le défunt Saddam Hussein, les raisons pour lesquelles l’armée irakienne se déploie massivement du côté de la frontière koweïtienne. Elle précise néanmoins à son interlocuteur que «Washington, inspiré par l’amitié et non par la confrontation, n’a pas d’opinion sur le désaccord entre le Koweït et l’Irak et pas d’opinion sur les conflits arabo-arabes». L’ambassadrice ajoute que «les Etats-Unis n’ont pas l’intention de commencer une guerre économique avec l’Irak». Ces déclarations ont fait entendre au président irakien Saddam Hussein, à tort ou à raison, que l’ambassadrice des Etats-Unis venait de lui communiquer l’aval de son pays pour l’occupation du Koweït. Le 30 juillet 1990, une ultime réunion de médiation de responsables arabes pour désamorcer le conflit est organisée à Djeddah mais elle fut un échec. Dans la nuit du 1er au 2 août 1990, l’armée irakienne envahit le Koweït.

    Réactions de la communauté internationale

    Certains pays souhaitaient que le différend soit réglé au niveau de la Ligue arabe. Une option peu probable, tenant compte de certaines intentions et convoitises nourries à l’époque par certaines puissances étrangères, y compris les EtatsUnis. L’invasion du Koweït sera condamnée par les Nations unies qui votent d’abord la résolution 660, le 2 août 1990, conduisant à des sanctions économiques immédiates contre l’Irak puis, le 29 novembre 1990, la résolution 678 autorisant le recours à la force contre les forces irakiennes, si celles-ci n’évacuaient pas le Koweït au 15 janvier 1991. La première guerre du Golfe finira par opposer, du 2 août 1990 au 28 février 1991, l’Irak à une coalition de 35 Etats, à leur tête les Etats-Unis. La guerre est planifiée en deux phases, l’opération Bouclier du désert, du 2 août 1990 au 17 janvier 1991, au cours de laquelle les troupes se renforcent et défendent l’Arabie saoudite, et l’opération Tempête du désert, du 17 janvier au 28 février 1991, phase de combat qui commence avec un bombardement aérien et naval, suivi d’un assaut terrestre qui se termine par la victoire des forces de la coalition qui parviennent à repousser l’armée irakienne hors du Koweït et à avancer vers l’Irak.

    La guerre en Afghanistan : acte II.

    Pas question de revenir en arrière, les volontaires arabes partis combattre en Afghanistan ont fini par se convertir en terroristes du groupuscule d’Al-Qaïda ou par revenir pour rejoindre des groupes extrémistes dans les pays arabes et ailleurs. Ironie du sort, le terrorisme qui a vu le jour dans les montagnes de l’Hindou Kouch, dans le lointain Afghanistan, sous l’impulsion des services secrets américains, allait frapper au cœur même des Etats-Unis.

    Au matin du 11 septembre 2001, dix-neuf terroristes détournent quatre avions de ligne et commettent les plus meurtriers attentats jamais perpétrés, avec un lourd bilan de près de 3000 morts et plus de 6000 blessés. Les Etats-Unis et de nombreux pays réagissent en renforçant leur législation antiterroriste et l’administration américaine déclare la «guerre contre le terrorisme», notamment en Afghanistan, dès octobre 2001, et en Irak, en mars 2003. Le but de l’invasion de l’Afghanistan serait, selon les Etats-Unis et leurs alliés, la capture d’Oussama Ben Laden et la destruction de l’organisation terroriste Al-Qaïda.

    En effet, dès le 14 septembre 2001, les Etats-Unis et le Royaume-Uni désignent ouvertement Oussama Ben Laden comme responsable de ces attentats. Le 18 septembre 2001, le Conseil de sécurité des Nations unies adopte la résolution no 1333 et demande aux talibans l’extradition d’Oussama Ben Laden pour comparaître devant les autorités compétentes mais ces derniers refusent, à moins que des preuves ne leur soient présentées. Début octobre, les premières unités militaires américaines gagnent la région et les opérations militaires commencent effectivement le 7 octobre 2001 par des bombardements aériens intensifs sur un pays déjà ruiné par une première guerre. Le lendemain, le secrétaire à la Défense américain, Donald Rumsfeld, annonce que la guerre se poursuivra jusqu’à la «destruction des réseaux terroristes» mais la lutte antiterroriste est loin d’être terminée.

    l L’invasion de l’Irak.

    L’invasion de l’Irak, paradoxalement baptisée «Liberté irakienne» ou «Liberté en Irak», est l’une des rares mises en œuvre du concept de guerre préventive, menée sous prétexte de parer à la menace des armes de destruction massive dont l’administration Bush prétendait détenir la preuve de leur existence en Irak dans un rapport présenté au Conseil de sécurité de l’ONU, le 12 septembre 2002.

    Les négociations devant les Nations unies pour tenter de trouver une solution pacifique au «problème irakien» n’aboutissent pas. La France, la Russie et la Chine, trois membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU, menacent de recourir à leur droit de veto pour empêcher que l’ONU n’approuve l’intervention armée contre l’Irak. La probabilité qu’une majorité du Conseil de sécurité refuse de suivre les Etats-Unis et le Royaume-Uni est forte, quoi que ces derniers aient fini par envahir l’Irak sans l’aval du Conseil de sécurité, ce qui constituait une véritable violation de la Charte des Nations unies. Les forces de la coalition menée par les Etats-Unis, dont les troupes sont déjà pré-positionnées dans le Golfe arabo-persique et prêtes à intervenir, mènent, le 20 mars 2003, l’assaut sur Baghdad, leur objectif étant de faire tomber le régime baâthiste de Saddam Hussein. Le 1er mai 2003, le président George W. Bush annonce la fin des combats. Toutefois, la guerre se poursuivra pour impliquer plusieurs groupes d’insurgés, de milices, de membres d’Al-Qaïda, l’armée américaine et les forces du nouveau gouvernement irakien et l’Etat islamique d’Irak, formé en 2006.

    A partir de 2009, sous la présidence d’Obama, les Etats-Unis se désengagent progressivement en finançant notamment les milices sunnites. Le 18 décembre 2011, les forces américaines achèvent leur retrait du pays. La coalition militaire en Irak aura duré près de neuf ans. Elle laisse derrière elle un pays en ruine et, jusqu’à ce jour, profondément divisé sur les plans ethnique et religieux.

    Le «printemps arabe» : des changements en cascade

    Les Etats-Unis se sont fixés pour mission d’exporter leur modèle de démocratie auprès des peuples de la région. L’administration Bush, sous une influence néoconservatrice, lance dans le courant de l’année 2002 son Initiative de partenariat, en réponse «aux appels pour le changement démocratique au Moyen-Orient et en Afrique du Nord» (Mena). L’Initiative, dirigée par le département d’Etat, va installer deux bureaux régionaux, un à Tunis et un deuxième à Abu Dhabi. En 2003, un projet à caractère politique : le «Grand Moyen-Orient» (GMO) est lancé. En effet, lors du discours sur l’Etat de l’Union, prononcé le 24 janvier 2004, George Bush expose sa «vision» par ces termes : «Tant que le Moyen-Orient restera un lieu de tyrannie, de désespoir et de colère, il continuera de produire des hommes et des mouvements qui menacent la sécurité des Etats-Unis et de nos amis. Aussi, l’Amérique poursuit-elle une stratégie avancée de liberté dans le Grand Moyen-Orient.»

    Farouche opposant à la guerre d’Irak, Barack Obama sera élu, en 2009, président des Etats-Unis. Il partage, en effet, avec la majorité du peuple américain, cette volonté de mettre fin à une décennie d’intervention militaire, marquée par des revers. Ces éléments vont jouer un rôle déterminant dans le changement de la stratégie et la définition des modalités de participation des Etats-Unis dans les conflits à venir. Le 12 août 2010, le président Obama demande aux membres du Conseil de sécurité nationale (NSC) de lui établir une étude approfondie concernant la région du Mena. Il s’agissait en somme de savoir «si le soutien américain aux régimes autoritaires de plus en plus impopulaires et répressifs n’est pas plus risqué pour les Etats-Unis, à long terme, qu’une campagne vigoureuse d’incitation aux réformes». Cette étude est menée cas par cas mais, à peine achevée, l’affaire de Sidi Bouzid éclate. A travers la Tunisie, des dizaines de milliers de personnes expriment leur rage contre un régime répressif et autoritaire à la tête du pays depuis plus de 23 ans, c’est le début de ce qu’on appelle le «Printemps arabe» qui «déferle» sur plusieurs pays.

    Pour Washington, le cas de la Tunisie est relativement facile et accorde son soutien quasi-immédiatement aux manifestants. Quant à l’Egypte, pièce maîtresse de l’architecture de sécurité régionale, scellée avec les accords de Camp David de 1979, la situation est plus complexe et provoquera d’importantes dissensions au sein même de l’équipe Obama.

    Concernant la Libye, le président Obama refuse d’impliquer son pays, préférant la mise en œuvre de sa stratégie «Direction de l’arrière», limitant le rôle des EtatsUnis à un «simple» soutien logistique à l’action de l’Otan. Et ce, dans le cadre de la résolution des Nations unies 1973/2011, prévoyant une zone d’exclusion aérienne au-dessus de la Libye pour protéger la population civile et permettre aux pays membres de l’ONU, qui le souhaitent, de «prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger les populations et les zones civiles menacées d’attaques en Jamahiriya arabe libyenne». Plus tard, certaines puissances de cette alliance vont se livrer sans réserve à des frappes et l’intervention en Libye aura abouti au renversement du régime libyen, un fait qui aura conduit au chaos actuel qui menace la région de l’Afrique du Nord et du Sahel.

    Membre du Conseil de coopération du Golfe (CCG), la monarchie du Bahreïn est en prise à un soulèvement qui risque de menacer ses intérêts géopolitiques et géostratégiques. La monarchie abrite le commandement avancé de l’United States Central Command qui couvre militairement le Proche Orient, l’Egypte, l’Asie centrale et le quartier général de la Ve flotte qui patrouille dans le Golfe et l’océan Indien. Dans le cadre du pacte d’autodéfense régionale, la dynastie des Al Khalifa fera appel à ses partenaires. Le 14 mars 2011, les armées saoudienne (12000 soldats) et émiratie s’engagent au Bahrein pour mettre fin à ce mouvement de révolte qui menace non seulement la dynastie sunnite des Al Khalifa mais aussi les intérêts occidentaux.

    Le 15 mars 2011, la Syrie s’embrase, le conflit va s’internationaliser avec l’entrée en scène de groupes djihadistes mais surtout plusieurs acteurs et pays étrangers dont l’intervention allait hélas compliquer davantage la situation au lieu de la défaire, et ce, en raison, en partie, de certains calculs politiques étroits. L’intervention militaire directe de la Russie, en 2015, n’allait pas également arranger les choses en Syrie dont le régime est accusé par les puissances occidentales de recourir à l’arme chimique contre les civils. Les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France bombardent les positions de l’armée syrienne. Cet imbroglio politico-militaire est loin d’apporter une quelconque solution mais bien au contraire, plusieurs villes syriennes sont en ruine. Enfin, pour certains, le conflit yéménite est une superposition de problèmes internes, d’ordre tribal et/ou confessionnel, qui a été ravivé par le printemps arabe de 2011. Ali Abdallah Saleh, président depuis 1990, est contraint, sous la pression de la rue, de démissionner au profit d’Abd Rabbo Mansour Hadi. Estimée marginalisée et profitant de la faiblesse du nouveau pouvoir, la communauté zaydite, du nord du Yémen, regroupée sous la bannière d’Abdelmalek Al-Houthi, s’empare de la province de Saada, avant de progresser vers le Sud, en 2014, et de prendre la capitale Sanaa, puis le port d’Hodeïda. Ryad et ses alliés des émirats montent une coalition de pays arabes, en mars 2015. Les Etats-Unis apportent à la coalition menée par l’Arabie saoudite un soutien politique et bloquent toute résolution du Conseil de sécurité ou l’envoi d’un émissaire des Nations-Unies pouvant conduire à la réconciliation des frères ennemis au Yémen.


    El-Djeich N° 690, Janvier 2021

  • Le temps des complots

    par Arezki Metref

    Quand Donald Trump se dégonfle, ça fait un sacré appel d’air ! C’est à cette sorte de tirage qui facilite la combustion que nous avons assisté comme à un spectacle plutôt surprenant : le dégonflement d’une baudruche !

    Depuis son accession pour le moins tonitruante au pouvoir en 2017, il n’a jamais cessé de brasser de l’air. Ses rodomontades dignes d’un satrape de conte cruel, son incorrection ostentatoire, son absence totale de surmoi, ses outrages répétés à la diplomatie et même, dans certains cas, à la simple politesse, ont installé, dans la première puissance mondiale, un processus de dégénérescence qui a tôt fait de contribuer à polluer le climat international qui, il faut le dire, était déjà pas mal entamé.

    Entre autres turpitudes qui resteront comme des stigmates du milliardaire incontrôlable : le déménagement de l’ambassade US de Tel-Aviv à Jérusalem cautionnant de ce fait l’atteinte aux résolutions de l’ONU qui ne reconnaît pas cette ville comme la capitale d’Israël, le troc avec le Maroc de la reconnaissance d’Israël contre la « marocanité » du Sahara Occidental et d’autres joyeusetés du même acabit.

    La dernière séquence de la mise en scène, à laquelle a participé Trump, de la forme la plus primitive de la politique, c’est-à-dire l’usage trash de la force, la diabolisation continue de l’adversaire, la division, lui a été fatale. On savait qu’il était capable de tout, mais le dernier round est une surprise pour les plus blasés. C’est « une tentative rapide de coup d’État. En un mot, c’était fasciste », déclare le Parti communiste des États-Unis.

    L’assaut donné par les partisans du Président milliardaire populiste contre le Capitole, le cœur nucléaire de la démocratie américaine, considéré comme un lieu sacré, le jour même où les grands électeurs devaient confirmer la victoire de Joe Biden, le candidat démocrate rival honni, est un acte inédit.

    Donald Trump, en chef de guerre, lance contre le Capitole ses troupes déterminées à en découdre enfin, c’est l’excès de trop. À partir de là, tout commence à s’effondrer pour l’intrus de la Maison-Blanche. Ses proches le lâchent. A quelques jours de la passation de pouvoir entre lui et son successeur, ses ministres démissionnent en cascade, signe de leur condamnation de son attitude. Son compte Twitter, grâce auquel il sévissait à toute heure du jour et de la nuit, lui est retiré, et définitivement. Mais, et c’est le pire, Nancy Pelosi, responsable des démocrates au Congrès, a entrepris de s’entretenir avec les chefs de l’armée américaine pour s’assurer que Donald Trump – un « Président déséquilibré » et « instable », dit-elle – ne lance, en guise de feu d’artifice avant sa sortie, des hostilités militaires ou n’accède aux codes de lancement et ordonne une frappe nucléaire. C’est le style !

    Au-delà de l’anecdote plus ou moins historique, pour spectaculaire que soit le chaos découlant des violences du Capitole, il y a sûrement une ou deux moralités à tirer de ce qui vient de se passer du fait du refus de Trump de reconnaître sa défaite et du complotisme qui lui sert de culture politique. Ces moralités ne sont pas définitives, cela va de soi.

    Tout est là, dans le spectre du complot. Trump a instillé cette idée qu’il est victime d’un complot et les États-Unis, auxquels il s’identifie, naturellement, n’échappent pas aux visées des conspirationnistes. Complot de qui ? De tout ce qui n’est pas lui !

    Galvanisés par les propos euphorisants de Donald Trump, ses nervis montent à l’assaut du Capitole. Violences. Morts ! Le flagrant résultat chaotique le contraint à dénoncer ses propres ouailles devenues soudain des extrémistes, et cette volte-face ultrarapide, qui n’a pris que quelques heures, a instantanément lézardé la mouvance d’extrême droite, suprématiste blanche, exhalant des miasmes néo-nazis, sur laquelle il s’est toujours appuyé.

    On pourrait presque soupçonner, en empruntant un peu de complotisme à Trump et ses fans, que des forces centrifuges ont trouvé le moyen de le pousser à la faute. Si tel est le cas, ça a réussi !

    Le casus belli constaté, il est confirmé que l’extrême droite sur laquelle il s’appuie n’a aucun respect de la démocratie. Elle a eu le vent en poupe avec lui. Elle subit un désastre avec cette histoire en apparaissant pour ce qu’elle est, une minorité d’enragés qui met les règles de la démocratie à la sauce de ses intérêts.

    Le passage de Trump au pouvoir a coïncidé et donné un coup de fouet à la montée de l’extrême droite dans beaucoup de pays du monde. Outre de nombreux pays d’Europe où il a ses supporters, le Président brésilien Jair Bolsonaro a continué jusqu’au bout à soutenir Trump en déclarant que la crise entraînée par l’attaque du Capitole est causée « par le manque de confiance » des Américains à l’égard des élections en relayant les accusations de fraude de Trump.

    L’autre moralité est moins subsidiaire. Les décisions contraires au droit international qu’a osé prendre Trump – (Ambassade des USA à Jérusalem, troc américano-israélo-marocain, etc.) — et qu’aucun président américain n’aurait sans doute pu prendre, ne sont pas antinomiques avec une vision géostratégique. Joe Biden, visiblement plus conscient du devoir de respecter les formes, ne les aurait sans doute pas prises avec cette désinvolture. Mais il a le pouvoir de revenir dessus. On peut gager qu’il n’en fera rien !
    A. M.

    Le Jour d’Algérie, 10 jan 2021

    Tags : Etats-Unis, USA, Algérie, Maroc, Sahara Occidental, Israël, Donald Trump, Palestine, Jérusalem,