Catégorie : Monde

  • Russie et Chine vont construire un hélicoptère géant

    Tags : Russie, Chine, hélicoptère – Russie et Chine vont construire un hélicoptère géant

    Selon le directeur de la holding Russian Helicopters, Andrey Boginsky, la partie russe développera certains éléments, notamment la transmission, le rotor de queue et les systèmes antigivrage.

    MOSCOU, 8 novembre. /TASS/. La Russie et la Chine ont signé un contrat stipulant le développement conjoint d’un hélicoptère lourd, a déclaré Andrey Boginsky, chef de la holding Russian Helicopters, lors d’une rencontre avec le président russe Vladimir Poutine.

    « En 2016, lors de votre visite à Pékin, un accord intergouvernemental a été signé. Depuis 2008, des négociations intensives sont en cours, et cette année, le 25 juin, nous avons signé un contrat », a-t-il déclaré.

    Selon M. Boginsky, la partie russe développera certains éléments, notamment la transmission, le rotor de queue et les systèmes antigivre. La construction de l’hélicoptère prendra environ 13 ans, a-t-il ajouté.

    À propos du projet

    En vertu de l’accord intergouvernemental de 2016, la holding Russian Helicopters et la société chinoise Avicopter développeront conjointement l’hélicoptère lourd avancé AC332 AHL et lanceront sa production en série en Chine pour répondre à la demande du marché chinois.

    Plus tôt, il a été signalé que la société chinoise Avicopter sera le principal développeur, tandis que Russian Helicopters concevra un certain nombre de pièces clés du futur hélicoptère.

    La partie chinoise se chargera de l’organisation du programme de l’hélicoptère lourd dans son ensemble, y compris la conception, la construction de prototypes, les essais, la certification, la préparation et la production en série, ainsi que la promotion de l’hélicoptère sur le marché et la coordination générale des travaux. La holding russe, quant à elle, fournira des technologies, et développera une proposition d’ingénierie et des systèmes de machines individuelles sur une base contractuelle.

    La masse maximale au décollage de l’hélicoptère sera de 38,2 tonnes, le plafond de service sera de 5 700 mètres. L’autonomie de vol atteindra 630 km, la vitesse maximale 300 km/h. La capacité de charge de l’AHL sera de 10 tonnes lorsque la cargaison sera placée à l’intérieur du fuselage, et jusqu’à 15 tonnes lorsque la cargaison sera placée comme charge externe.

    Tass, 09/11/2021

    #Russie #Chine #Hélicoptère

  • La demande de pétrole dépassera les 100M de barils en 2022

    Tags : Pétrole, Saudi Aramco, demande -La demande de pétrole dépassera les 100M de barils en 2022

    Saudi Aramco, la plus grande compagnie pétrolière au monde, prévoit que la demande de brut s’élève à plus de 100 millions de barils par jour, à partir de l’année prochaine.

    La demande de brut a atteint la barre des 100 millions de barils par jour, pour la première fois, au dernier trimestre 2019, mais elle a diminué par la suite, dans le contexte de l’impact négatif de la pandémie de coronavirus.

    Selon l’agence de presse américaine Bloomberg, le PDG de la société, Amin Nasser, a déclaré, ce mardi, lors du Nikkei Global Management Forum, que la demande de pétrole et de gaz resterait solide pendant une décennie.

    Il a prédit que la transition du marché de l’énergie vers des sources non-fossiles serait plus lente que ce que le pensent beaucoup de gens.

    Il est à noter que l’OPEP prévoit que le taux de consommation mondiale de pétrole atteindra les 100,8 millions de barils par jour, l’année prochaine.

    Les estimations de l’organisation indiquent que la demande quotidienne moyenne de pétrole sur l’ensemble de l’année 2021, est d’environ 96,8 millions de barils, contre les 90,5 millions de barils par jour, en 2020.

    Nasser a déclaré que l’offre excédentaire de brut équivaut à trois à quatre millions de barils par jour, mais qu’elle diminuera avec l’augmentation de la demande de carburéacteur et de la reprise du secteur du transport aérien.

    Le carburéacteur est l’un des derniers produits pétroliers dont la demande est encore significativement faible, depuis l’émergence de la pandémie de coronavirus et sa propagation dès le premier trimestre 2020.

    L’utilisation quotidienne des carburéacteurs et du kérosène est d’environ 5,5 millions de barils, contre environ 8 millions de barils en 2019, selon l’Agence internationale de l’énergie.

    Anadolou

    #Saudi_Aramco #Pétrole #Demande

  • France : Macron regrette des « malentendus » sur l’Algérie

    Tags : Algérie, France, Emmanuel Macron, histoire, mémoire, colonialisme – France : Macron regrette des « malentendus » sur l’Algérie

    PARIS, 9 novembre (Reuters) – Le président Emmanuel Macron regrette les controverses et les malentendus suscités par ses propos sur l’Algérie, a déclaré mardi un responsable français, signe que Paris pourrait chercher à apaiser les relations avec son ancienne colonie.

    Les relations entre Paris et Alger se sont gravement détériorées ces dernières semaines après que M. Macron a remis en question l’existence d’une nation algérienne avant la domination coloniale française et a déclaré que le « système politico-militaire » algérien avait réécrit l’histoire de sa colonisation par la France sur la base d’une « haine de la France ».

    Cela a incité Alger à fermer son espace aérien aux combats militaires de la France au Mali voisin et à rappeler son ambassadeur.

    Le président algérien Abelmadjid Tebboune a déclaré samedi qu’il ne ferait pas le premier pas pour apaiser les tensions, déclarant au magazine allemand Der Spiegel que Macron avait « ouvert un vieux conflit d’une manière complètement ridicule ».

    Les relations entre les deux pays sont marquées par le traumatisme de la guerre d’indépendance de 1954-1962, au cours de laquelle le pays d’Afrique du Nord a rompu avec la France. Des centaines de milliers d’Algériens ont été tués et les deux camps ont eu recours à la torture.

    S’adressant aux journalistes avant une conférence sur la Libye vendredi, à laquelle Tebboune a été invité, un responsable de la présidence française a déclaré qu’Alger était un acteur clé dans la région et que Macron souhaitait qu’il y participe.

    Le responsable a cherché à exprimer les regrets de Macron suite aux commentaires qu’il avait faits à un groupe de jeunes qui travaillaient sur les différences historiques entre les deux pays.

    « Le président regrette les controverses et les malentendus générés par les propos rapportés et j’ajouterai que le président Macron a le plus grand respect pour la nation algérienne, son histoire et la souveraineté de l’Algérie », a déclaré le responsable.

    « Il est fortement attaché au développement de nos deux pays de manière bilatérale au bénéfice des populations algérienne et française et aussi pour relever le grand défi régional, à commencer par la Libye. »

    Macron a fait pression pour plus de transparence concernant le passé de la France avec l’Algérie et a commandé un rapport à l’historien Benjamin Stora. Il a appelé à la création d’une commission de vérité sur la guerre, mais le dirigeant français a exclu de présenter des excuses officielles.

    Reuters, 09/11/2021

    #Algérie #France #Macron #Colonialisme #Mémoire #Histoire

  • Natif de Columbus se rend au Maroc pour étudier l’arabe

    Tags : Etats-Unis, Columbus, Miller Greene, langue arabe – Natif de Columbus se rend au Maroc pour étudier l’arabe

    Un week-end de l’été 2018, Miller Greene et quelques amis ont décidé d’escalader le Toubkal, la plus haute montagne du Maroc et de toute l’Afrique du Nord.

    Greene n’avait aucune expérience et aucun équipement à proprement parler.

    « C’était sur un coup de tête, se souvient-il. « J’étais juste là pour le trajet. »

    Le « trajet » était plutôt cahoteux.

    Vers la fin de la montée, Greene, à court d’eau, a commencé à avoir le mal de l’altitude. Il a atteint le sommet, mais il s’est senti terriblement malade tout au long de la descente.

    « Il m’a fallu deux à trois jours complets pour récupérer », a déclaré Greene. « Cela m’a définitivement appris l’importance d’être préparé. »

    Miscue impulsive à part, Greene se préparait déjà pour son long match cet été-là. C’est ce qui l’a amené au Maroc en premier lieu. À la fin de ce mois, il y retourne.

    Greene a terminé ses études à Ole Miss en mai et a obtenu une bourse Boren pour étudier à l’étranger au Maroc dans le cadre du programme phare de la langue arabe. À son retour au printemps, il aura un baccalauréat en études internationales et en arabe, et sa bourse l’obligera ensuite à travailler un an dans un domaine lié à la fonction publique ou au gouvernement.

    Après ça?

    « Peut-être un emploi au département d’État ou une sorte de rôle diplomatique, espérons-le », a-t-il déclaré.

    Comment un enfant de Columbus, qui n’avait presque jamais quitté le Mississippi, s’est intéressé à l’apprentissage de l’arabe, c’est une question que Greene pose régulièrement. Tout a commencé au lycée de Calédonie — où enseigne sa mère — alors qu’il apprenait l’espagnol.

    « J’aimais l’espagnol et je pensais avoir un talent naturel pour cela », a-t-il déclaré. « C’était en quelque sorte ma passerelle vers l’apprentissage d’autres langues. »

    Combiné à son intérêt pour la politique internationale, il est allé à Ole Miss en 2017 pour se spécialiser en études internationales, ce qui l’obligeait à choisir une deuxième langue à apprendre. Il a choisi l’arabe, à la fois parce que c’est une « langue critique » qui, selon lui, ouvrirait le mieux les portes de sa carrière cible et aussi parce que, eh bien, c’est difficile.

    « C’était quelque chose d’intéressant et de nouveau », a-t-il déclaré. « De plus, c’est un défi, et c’était attirant d’apprendre quelque chose d’aussi difficile. »

    Sa première immersion dans la culture arabe a eu lieu pendant les deux mois d’été qu’il a passés à étudier au Maroc. L’été suivant, il passe deux mois en Jordanie. COVID-19 a annulé ses projets d’études à l’étranger l’été dernier.

    Pour le programme Capstone, tout comme ses deux premières expériences d’études à l’étranger, Greene restera dans une famille d’accueil, prendra ses repas avec elle et participera à ses activités quotidiennes. Il étudiera la langue arabe dans un centre pour étudiants américains.

    Greene s’est souvenu d’avoir eu une certaine anxiété en 2018 lorsqu’il est allé pour la première fois au Maroc, en particulier dans la façon dont il gérerait les différences culturelles. Une fois qu’il a rencontré sa famille d’accueil, il a trouvé un sujet facile pour commencer l’échange culturel.

    « La nourriture est un gros problème pour moi », a-t-il déclaré. « C’est un excellent moyen de découvrir un lieu et sa culture. »

    Il était également arrivé pendant le mois sacré musulman du Ramadan, ce qui a conduit à des discussions sur le jeûne et à partager des informations sur les pratiques religieuses des uns et des autres.

    « Ils étaient très accueillants », a-t-il déclaré à propos de sa famille d’accueil.

    L’expérience a été un outil important pour développer l’empathie et la compréhension pour les peuples du Maroc et de la Jordanie, car il a vu que les problèmes auxquels ils sont confrontés sont «plus nuancés et complexes» que ce qu’il aurait pu comprendre dans un manuel.

    « L’interaction face à face est le seul moyen de vraiment comprendre une autre culture », a déclaré Greene. « Cela donne un visage humain à des idées que vous n’avez lues ou entendues que de seconde main. »

    The Dispatch, 08/11/2021

    Maroc #EtatsUnis #Langue_arabe #Miller_Greene #Tourisme #Loisirs #Voyages

  • Transition énergétique juste ou « colonialisme vert »?

    Tags : transition énergétique, éoliennes, énerge verte, énergie renouvelable, COP26, Maroc, Algérie, Sahara Occidental, -Transition énergétique juste ou « colonialisme vert »?

    Les projets d’ingénierie en matière d’énergies renouvelables ont tendance à présenter le changement climatique comme un problème commun à toute la planète, sans jamais remettre en cause le modèle énergétique capitaliste et productiviste ni les responsabilités historiques de l’Occident industrialisé. Au Maghreb, cela se traduit plutôt par un « colonialisme vert » que par la recherche d’une transition énergétique qui bénéficie aux plus démunis.

    Le désert est souvent présenté comme un vaste territoire vide et peu peuplé, un paradis pour les énergies renouvelables, une opportunité en or pour alimenter l’Europe en énergie afin qu’elle puisse poursuivre son mode de vie consumériste, coûteux et excessif. Ce discours est trompeur, car il ignore les questions de propriété et de souveraineté, et occulte les relations de domination et de mainmise mondiales persistantes qui facilitent le pillage des ressources et la privatisation des biens communs, renforçant ainsi les moyens non démocratiques et exclusifs de gérer la transition énergétique.

    Quelques exemples de transitions énergétiques actuelles au Maghreb montrent comment la colonisation se reproduit dans sa version énergétique, même dans les processus de transition vers les énergies renouvelables, à travers ce qu’on appelle le « colonialisme vert » ou « l’accaparement vert ».

    « LA TERRE SUR LAQUELLE NOUS VIVONS EST DÉSORMAIS OCCUPÉE »

    Au Maroc, l’objectif est d’augmenter la part des énergies renouvelables dans la masse énergétique totale du royaume à 52 % d’ici 2030. Or, la centrale solaire de Ouarzazate, qui a commencé sa production en 2016, n’a pas rendu le moindre semblant de justice aux communautés agropastorales dont les terres ont été utilisées, sans leur consentement, pour la construction de la station sur une superficie de 3 000 hectares. Si l’on ajoute à cela les 9 milliards de dollars (7,7 milliards d’euros) de dette de la Banque mondiale (BM), de la Banque européenne d’investissement (BID) et d’autres, assortie de garanties du gouvernement marocain, cela signifie un risque d’aggraver les emprunts publics d’un pays déjà lourdement endetté. Enfin, ce projet s’appuie sur l’énergie thermique à concentration (Concentrated Solar Power, CSP), qui nécessite une utilisation intensive de l’eau pour refroidir et nettoyer les panneaux solaires. Dans une région semi-aride comme Ouarzazate, détourner l’utilisation de l’eau pour des fins autres que les usages domestiques et agricoles peut être considéré comme un acte scandaleux.

    Le projet Noor Midelt est la deuxième phase du plan d’énergie solaire du Maroc et vise à fournir plus d’énergie à partir de la centrale de Ouarzazate. Avec une production estimée à 800 mégawatts (MW) dans la première phase du projet, celui-ci sera l’un des plus grands projets d’énergie solaire au monde combinant les technologies CSP et celle de l’énergie photovoltaïque. En mai 2019, un consortium composé d’EDF Renouvelables (France), Masdar (Émirats arabes unis) et Green of Africa (consortium marocain) a remporté des contrats pour la construction et l’exploitation du projet en partenariat avec l’Agence marocaine de l’énergie solaire (Masen) pour une période de 25 ans. À ce jour, le projet a contracté une dette de plus de 2 milliards de dollars (1,73 milliard d’euros) auprès de la BM, de la Banque africaine de développement (BAD), de la Banque européenne d’investissement (BID), de l’Agence française de développement (AFD) et de la Banque allemande de développement (KFW).

    La construction du projet a débuté en 2019, alors que la production devrait démarrer en 2022. Le complexe solaire Noor Midelt sera développé sur une superficie de 4 141 hectares sur le plateau de la Haute Moulouya au centre du Maroc, à environ 20 kilomètres au nord-est de la ville de Midelt. Au total, 2 714 hectares de terres collectives sont gérés par trois communautés agricoles amazighes à Aït Oufella, Aït Rahou Ouali et Aït Messaoud Ouali, tandis qu’environ 1 427 hectares ont été classés comme terres forestières et sont actuellement gérés par des groupements locaux. Ces terres ont été expropriées par le truchement des lois et réglementations nationales qui autorisent la confiscation des propriétés privées pour « l’intérêt public ».

    Pour rappeler le discours écologique colonial récurrent qui décrit les terres à exproprier comme marginales et insuffisamment exploitées, et par conséquent disponibles pour des investissements dans l’énergie verte, la BM affirme dans une étude de 2018 que « les reliefs sablonneux et arides ne permettent que la pousse de petites plantes, et que le sol n’est pas propice au développement de l’agriculture à cause du manque d’eau ».Le rapport souligne aussi que « l’acquisition de terres pour le projet n’aura aucune incidence sur les moyens de subsistance des communautés locales ». Cependant, la tribu pastorale de Sidi Ayad, qui utilisait depuis des siècles cette même terre pour élever ses cheptels, aborde la question sous un angle différent. Le jeune berger Hassan El-Ghazi avait déclaré en 2019 à un militant de l’ Association pour la taxation des transactions financières et pour l’action citoyenne (Attac) Maroc :

    Notre métier est l’élevage. Maintenant ce projet occupe notre terre où nous faisions paître nos moutons. Ils ne nous emploient pas dans le projet, ils embauchent des étrangers. La terre sur laquelle nous vivons est désormais occupée. Ils détruisent les maisons que nous avons construites. Nous sommes opprimés et la région de Sidi Ayad est dominée. Ses enfants sont persécutés, leurs droits et ceux de leurs ancêtres sont perdus. Nous demandons aux responsables de prêter attention à notre situation et à notre région, car dans de telles politiques nous n’existons pas, et il serait préférable pour nous de mourir !

    Les habitants de Sidi Ayad ont rejeté ce projet dès 2017, à travers plusieurs manifestations ayant notamment conduit en 2019 à l’arrestation de Saïd Ouba Mimoun, membre du Syndicat des petits agriculteurs et ouvriers forestiers, qui a été condamné à douze mois de prison.

    De leur côté, les femmes du mouvement soulaliyate1 fondé au début des années 2000 ont revendiqué leurs droits dans la région de Draa-Tafilalet, exigeant une compensation appropriée pour la terre de leurs ancêtres sur laquelle la centrale solaire a été construite. Malgré les intimidations, les arrestations et les encerclements menés par les autorités, le mouvement s’est élargi au niveau national et des femmes de différentes régions l’ont rejoint sous la bannière de l’égalité et de la justice.

    COLONIALISME VERT AU SAHARA OCCIDENTAL

    De même que les projets de Ouarzazate et de la centrale solaire de Midelt peuvent être considérés comme un « accaparement vert » au sens où l’on confisque des terres et des ressources à des fins prétendument environnementales, les projets d’énergies renouvelables similaires (énergie solaire et éolienne) mis en œuvre au Sahara occidental peuvent être qualifiés de « colonialisme vert », car réalisés sur les terres des Sahraouis et contre leur gré.

    Trois parcs éoliens fonctionnent actuellement dans le Sahara occidental. Un quatrième est en construction à Boujdour, alors que plusieurs autres en sont au stade de la planification. Ces parcs font partie des travaux de Nareva, une entreprise d’énergie éolienne appartenant à la société holding de la famille royale marocaine. Il est à noter que 95 % de l’énergie nécessaire à la société étatique marocaine des phosphates (OCP) pour exploiter les réserves de phosphate non renouvelables du Sahara occidental à Boukraa, proviennent de ces éoliennes.

    Quant à l’énergie solaire, en novembre 2016 et parallèlement aux pourparlers du sommet des Nations unies sur le climat (COP22), la Saudi ACWA Power Company a signé un accord avec l’agence Masen pour développer et exploiter un complexe de trois stations solaires photovoltaïques totalisant 170 MW. Deux de ces stations, d’une puissance totale de 100 MW sont actuellement en fonctionnement et se trouvent au Sahara occidental (Al-Ayoun et Boujdour) ; alors que la troisième serait d’après les plans construite à Al-Arqoub, près de Dakhla.

    Il est clair que ces projets d’énergies renouvelables sont utilisés — avec la complicité évidente d’entreprises et de capitaux étrangers — pour mieux consolider l’hégémonie du Maroc sur la région du Sahara occidental, une hégémonie dont Washington a récemment reconnu la « légitimité » en contrepartie de la normalisation officielle et déclarée du Maroc avec Israël.

    LA RECHERCHE D’HYDROGÈNE « PROPRE » CIBLE L’AFRIQUE

    L’« hydrogène propre » ou « vert » fait référence au processus d’extraction à partir de matériaux plus complexes et par des procédés décarbonés. Actuellement la majeure partie de l’hydrogène est extraite de combustibles fossiles, ce qui entraîne d’importantes émissions de carbone (« hydrogène gris »). On peut envisager de recourir à la technologie de capture du carbone par exemple pour rendre ce procédé plus propre (« hydrogène bleu »). Cependant, la forme d’extraction la plus propre reste l’utilisation d’un électrolyseur pour séparer les molécules d’eau, une opération qui peut être menée grâce à l’électricité à partir de sources d’énergie renouvelables (hydrogène propre ou vert).

    La stratégie pour l’hydrogène de l’Union européenne (UE) publiée en juillet 2020 dans le cadre du Green Deal européen (EGD) est une feuille de route ambitieuse pour une transition vers un hydrogène vert d’ici 2050. Elle prévoit que l’UE tire en partie ses approvisionnements futurs de l’Afrique, et en particulier de l’Afrique du Nord qui dispose d’un potentiel énorme de développement des énergies renouvelables, d’autant qu’elle est proche géographiquement de l’Europe.

    L’idée a vu le jour grâce à un document de recherche publié en mars 2020 par une organisation commerciale, Hydrogen Europe, qui a lancé la « 2X40 GW Green Hydrogen Initiative ». Dans ce cadre, l’UE disposera d’ici 2030 de 40 gigawatts (GW) de capacité nationale de l’électrolyseur d’hydrogène renouvelable, avec 40 GW supplémentaires importés d’électrolyseurs dans les régions voisines, y compris les déserts d’Afrique du Nord, en utilisant des gazoducs existants reliant l’Algérie et la Libye à l’Europe.

    « DESERTEC 3.0 » POUR LES BESOINS DE L’EUROPE

    Le projet Desertec était une initiative ambitieuse développé à l’origine par la Coopération transméditerranéenne pour l’énergie renouvelable » (Trans-Mediterranean Renewable Energy Cooperation, TREC). Il visait à fournir de l’énergie à l’Europe à partir des centrales solaires et des champs éoliens implantés sur des étendues désertiques de l’Afrique du Nord et du Proche-Orient, l’idée étant qu’une petite zone de désert pouvait fournir environ 20 % des besoins de l’Europe en électricité d’ici 2050, via des câbles à haute tension capables d’assurer la transmission directe du courant électrique.

    Après quelques années de polémique, le projet a été stoppé. Des critiques couraient sur ses coûts exorbitants et ses desseins néocoloniaux. Cependant, l’idée semble connaître un nouveau souffle, baptisé « Desertec 3.0 » et présenté, cette fois, comme une réponse possible aux besoins de l’Europe en hydrogène renouvelable et « vert ». Au début de l’année 2020, la Desertec Industrial Initiative (DII) a lancé la Middle East and North Africa Hydrogen Alliance rassemblant des acteurs publics et privés, en plus de communautés scientifiques et académiques, afin de construire les économies de l’hydrogène vert.

    Le manifeste de la DII, intitulé A North Africa – Europe Hydrogen Manifesto en appelle aujourd’hui à un système énergétique européen basé sur 50 % d’électricité renouvelable et 50 % d’hydrogène vert d’ici 2050, et part de l’hypothèse que « l’Europe ne sera pas en mesure de produire toute son énergie renouvelable à l’intérieur même du continent ». Cette nouvelle proposition tente de se démarquer de la concentration sur les exportations ayant caractérisé le projet dans ses premières années, en ajoutant cette fois au système d’énergie propre la dimension de développement local. Et pourtant le programme d’exportation pour la sécurité énergétique en Europe est clair : « En plus de répondre à la demande locale, la plupart des pays d’Afrique du Nord ont un énorme potentiel en termes de terres et de ressources pour produire de l’hydrogène vert en vue de l’exportation. »

    PAS SI « GAGNANT-GAGNANT » QUE ÇA

    Pour mieux convaincre les élites politiques et commerciales sur les deux rives de la Méditerranée, Desertec n’est pas seulement présenté comme une solution pour la transition énergétique en Europe, mais aussi comme une opportunité de développement économique pour l’Afrique du Nord afin de limiter la migration du Sud vers le Nord : « Une approche commune des énergies renouvelables et de l’hydrogène entre l’Europe et l’Afrique du Nord créerait de surcroit un développement économique et des emplois tournés vers l’avenir ainsi qu’une stabilité sociale dans les pays d’Afrique du Nord, ce qui pourrait réduire le nombre de migrants économiques de cette région vers l’Europe ».

    Étant donné que le projet se base uniquement sur des réformes techniques, il promet de tout surmonter sans pour autant avoir envisagé un changement fondamental de l’ordre mondial. Les grandes « solutions d’ingénierie » comme Desertec ont tendance à présenter le changement climatique comme un problème commun sans aborder son cadre politique ou socio-économique. Cette conception cache les problèmes du modèle énergétique capitaliste, ainsi que les responsabilités historiques de l’Occident industrialisé, et la différence de degré de vulnérabilité au changement climatique entre les pays du Nord et ceux du Sud. À titre d’exemple, l’Algérie a connu cet été des incendies de forêt gigantesques qui ont fait 90 morts et brûlé des milliers d’hectares. La Tunisie a de son côté enregistré une vague de chaleur étouffante, avec des températures ayant atteint en août plus de 50 °. En utilisant des termes comme « coopération mutuelle » et « gagnant-gagnant » qui présentent la région euro-méditerranéenne comme une communauté unifiée (nous sommes tous des amis et nous luttons contre un ennemi commun), Desertec occulte les structures du pouvoir et du néocolonialisme, l’exploitation des peuples africains et le pillage de leurs ressources.

    CHANGER DE SYSTÈME ÉCONOMIQUE MONDIAL

    À travers la pression exercée afin d’utiliser l’infrastructure existante des gazoducs, ce genre de projets vise le remplacement des sources d’énergie, sans plus, tout en maintenant les dynamiques géopolitiques dominantes. L’incitation à recourir aux gazoducs de l’Algérie et de la Libye (y compris via la Tunisie et le Maroc) soulève plusieurs interrogations : que se passerait-il si l’Europe cessait d’importer le gaz de ces pays, sachant que 13 % du gaz consommé en Europe provient d’Afrique du Nord ? Les aspirations des Algériens à la démocratie et à la souveraineté exprimées lors du soulèvement 2019-2021 contre la dictature militaire seraient-elles prises en considération dans cette équation ? Ou assisterions-nous à une nouvelle version de la situation présente où, simplement, l’hydrogène remplacerait le gaz ?

    Ce qui semble unir tous les projets évoqués ci-dessus est l’hypothèse erronée selon laquelle toute orientation vers les énergies renouvelables est la bienvenue et que tout abandon des combustibles fossiles, quelle que soit la manière dont il est réalisé, en vaut la peine. Il faut le dire clairement : la crise climatique n’est pas due aux énergies fossiles elles-mêmes, mais à leur utilisation non durable et destructrice afin d’alimenter la machine capitaliste.

    Les institutions et les think tanks néolibéraux internationaux pèsent sur le contenu de la plupart des écrits sur la durabilité, les transitions énergétiques et les questions environnementales en Afrique du Nord. Leur conception n’inclut pas de questions sur les classes sociales, la race, le genre, le pouvoir ou l’histoire coloniale. Dans tous les cas, les gens ordinaires et les travailleurs pauvres sont exclus de toute stratégie, considérés comme inefficaces, arriérés et irrationnels. Les plus touchés par la crise climatique et environnementale sont les petits agriculteurs, les petits pêcheurs et marins, les éleveurs (dont les terres sont confisquées pour construire d’énormes centrales solaires et autres parcs éoliens), ainsi que les ouvriers du secteur des combustibles fossiles et des industries extractives, les travailleurs des secteurs informels et les classes paupérisées. Tous ont été déjà marginalisés et empêchés de déterminer leur avenir.

    Une transition verte et juste doit transformer fondamentalement le système économique mondial qui est inadapté socialement, écologiquement et même biologiquement, comme l’a révélé la pandémie de Covid-19. Elle doit mettre fin aux relations coloniales qui asservissent encore les peuples. Il faut toujours s’interroger : Qui possède quoi ? Qui fait quoi ? Qui obtient quoi ? Qui gagne et qui perd ? Et de quel côté se trouvent les intérêts prioritaires ? Car sans cette remise en cause, nous irons tout droit à un colonialisme vert avec une accélération de l’extraction et de l’exploitation au service d’un prétendu « agenda vert » commun.

    HAMZA HAMOUCHENE

    Chercheur et militant algérien basé à Londres. Il est actuellement coordinateur du programme Afrique du Nord au Transnational Institute (TNI)

    Nouveaux cahiers du socialisme, 08/11/2021

    #Climat #COP26 #Energie-renouvelable #Energie_verte #Eoliennes #Desertec #Maroc #Algérie #Sahara_Occidental #Colonialisme

  • « Les Belgo-Marocains ont le cul entre deux chaises » (Barni)

    Tags : Maroc, Belgique, belgo-marocains, Iliass Barni, Tiiw Tiiw, -« Les Belgo-Marocains ont le cul entre deux chaises » (Barni)

    Le Bruxellois d’origine marocaine est une star au Maroc et cumule plus d’un milliard de vues sur YouTube. Il le rappelle souvent : « On est tous différents mais, comme les rayons d’une roue de vélo, on va tous vers le centre. » Pas étonnant, donc, de voir ce prince du raï se produire à ManiFiesta, où l’unité et l’antiracisme étaient portés par des milliers de festivaliers.

    Il s’appelle Iliass Barni, mais peut-être le connaissez-vous mieux sous le nom de Tiiw Tiiw. C’est autour d’un café qu’il nous reçoit juste après son concert pour nous parler de sa vision d’artiste belgo-marocain sur le monde. Appeler à l’unité : voilà son moteur quand il monte sur scène. Et quelle meilleure manière de le faire qu’en touchant à tout, du stand up aux concerts, du raï à la salsa…

    C’était de la folie ton concert ce soir. Quelle ambiance !
    Iliass Barni. C’était excellent ! C’était ma troisième scène en Belgique. J’adore le public belge.

    Tu te définis plutôt comme belge ou comme marocain ?
    Iliass Barni. Nous, les Belgo-Marocains, on est vus comme des Marocains ici, et comme des Belges au Maroc. Du coup, on ne se retrouve nulle part. On a le cul entre deux chaises, comme on dit ! Mais ce qu’on oublie trop souvent, c’est qu’on a deux chaises. Moi, j’en ai fait une force.

    C’est à dire ?
    Iliass Barni. On doit s’ouvrir au monde. C’est ça la clef pour enrichir son esprit et développer sa fibre artistique : le vivre ensemble. Dans chaque communauté, dans chaque religion, on trouve des choses positives et négatives. Moi, j’ai essayé de prendre le meilleur de chacune de mes deux identités : marocaine et belge.

    En Belgique, il y a une montée de l’extrême-droite, qui propage des idées racistes. Comment tu le vis ?
    Iliass Barni. Le racisme, c’est de la peur, rien d’autre. Et cette peur, on l’acquiert au fil du temps, elle vient des préjugés qu’on nous met dans la tête. Au sein de la jeunesse musulmane de Belgique, une petite minorité fait des bêtises. Et cette minorité est surexposée dans les médias.

    S’ils ne voient que ça à la télévision, je peux comprendre que des gens se sentent en insécurité et deviennent racistes. Personne ne naît raciste ou mauvais. Ce n’est pas une nature. On est tous capables de se remettre en question.

    Est-ce que la musique joue un rôle dans la lutte contre le racisme ?
    Iliass Barni. Quand j’ai commencé la musique, j’avais 15 ans. Bien évidemment, mes premiers morceaux n’avaient pas la prétention de porter un message. Mais aujourd’hui, je suis dans une autre démarche. J’ai envie de laisser une trace. J’ai envie d’être une source de motivation pour les autres jeunes. Donc oui, la musique permet de faire passer des idées.

    Quels sont tes projets pour l’avenir ?
    Iliass Barni. Il y a moins cinq ans, je ne touchais pas à la musique. Je faisais du stand up. J’ai appris à jouer du piano il y a moins de quatre ans. Quand on aime quelque chose, on ne compte plus les heures. Dans un ou deux ans, peut-être que je serai derrière un film, peutêtre sur la scène… Ce qui est sûr, c’est que je continuerai à faire ce que j’aime et à appeler à l’unité, quelle que soit la manière.

    Livia Lumia

    Solidaire, 09/11/2021

    #Maroc #Belgique #Belgo_marocains #Tiiw_Tiiw #Iliass_Barni

  • France: Des candidats incapable de décoller dans les sondages

    Tags : France, élections présidentielles, sondages, Anne Hidalgo, Arnaud Montebourg, Jean-Luc Mélenchon, France: Des candidats incapable de décoller dans les sondages

    Incapable de décoller dans les sondages, de nombreux candidats de la gauche française à la prochaine élection présidentielle lancent des propositions qui, pensent-ils sûrement, vont accaparer l’intérêt de la presse et pourquoi pas relancer leurs campagnes auprès du public. C’est ainsi que Yannick Jadot veut supprimer totalement l’exploitation de l’énergie nucléaire en France ou encore que Anne Hidalgo réfléchirait à l’instauration des 32 heures de travail par semaine. Dimanche, c’était au tour d’Arnaud Montebourg de tenter de présenter sa proposition choc. Invité dimanche midi au «Grand Jury» RTL-LCI-Le Figaro, Arnaud Montebourg a ainsi proposé de bloquer temporairement les transferts d’argent privé, via Western Union, vers les pays qui «refusent de reprendre leurs immigrés clandestins présents sur le territoire français».

    La proposition a créé un vif émoi à gauche de l’échiquier politique, à commencer par son concurrent dans la course à l’Élysée, Jean-Luc Mélenchon. «Montebourg, ce serait une erreur cruelle d’interdire les transferts de salaires vers la famille au pays d’origine au nom des mauvaises actions des gouvernements», a-t-il jugé sur Twitter. «Reconnaissez l’erreur. Il y a assez d’angoisses comme ça. Ne passez pas sur ce terrain glauque», lui a demandé le candidat de La France Insoumise. «Singer les idées abjectes et stupides de l’extrême droite pour espérer se faire remarquer. Posture vaine et délétère, qui alimente la course au pire. Montebourg n’a-t-il rien de mieux à faire que de jouer le rantanplan du zemmourisme ?», a également raillé le député LFI, Bastien Lachaud.

    «Quand La Remontada se fait à droite, vraiment à droite», a déploré le député Matthieu Orphelin, porte-parole du candidat écologiste Yannick Jadot pour la présidentielle, en référence au slogan de l’ancien ministre. Un soutien inattendu a en revanche «défendu» le candidat de la Remontada : Eric Zemmour. «En panne d’idées, Arnaud Montebourg a regardé en replay les vidéos de ma chaîne YouTube. Bravo Arnaud», l’a-t-il félicité.

    Dans une de ses vidéos face caméra, le pas-encore-candidat à la présidentielle proposait en effet lui aussi de «bloquer les transferts de fonds des travailleurs immigrés». Il y voyait un «moyen de pression pour obliger les pays à reprendre leurs immigrés».

    Toutefois, plus sur le plan technique que sur le plan moral, cette mesure serait très difficile à mettre en place car au final assez simple à contourner. Reste à voir si néanmoins cette proposition séduira des électeurs ou si le candidat de gauche continuera à stagner autour des 3 % d’intentions de vote.

    Fouzia Mahmoudi

    Le jour d’Algérie, 09/11/2021

    #France #Sondages #Elections_présidentielles #Arnaud_de_montebourg #Macron #Anne_hidalgo #Jean_luc_melenchon

  • « Chine-Europe, le grand tournant », par David Baverez

    Tags : Chine, Europe, Chine-Europe, le grand tournant,

    Si vous aviez la possibilité d’un entretien en tête-à-tête avec le président Xi Jinping, que lui diriez-vous?

    C’est le voyage que propose David Baverez avec Chine-Europe: le grand tournant. Cinq experts européens (fictifs), sont consultés chaque jour pendant une semaine par le président Xi Jinping dans le cadre de sa réflexion pour l’avenir du pays, qu’il présentera le dimanche au bureau du comité politique. Chaque chapitre couvre une approche politique qui devrait faire l’objet d’une nouvelle relation entre l’empire du Milieu et l’Europe , « vielle et riche, donc particulièrement vulnérable » selon le discours introductif – imaginaire – du secrétaire général du parti communiste chinois. En échangeant avec un industriel allemand, un Lord britannique ou une universitaire italienne, le président Xi expose le point de vue chinois et les perspectives de ce pays-continent trop souvent perçu par le biais de préjugés en dehors de ses frontières.

    Une dynamique remarquable

    En tant qu’investisseur basé à Hong-Kong, l’auteur David Baverez illustre les développements économiques chinois, parfois les critique, tout en les comparant avec les résultats occidentaux du point de vue de Xi. La Chine juxtapose le capitalisme d’État et l’entreprenariat privé. Les succès s’appuient sur une planification à long terme qui peut aussi être adaptée avec une étonnante flexibilité. Les 10 000 start-up créées quotidiennement illustrent le soutien à l’entreprenariat. La taille des économies d’échelle et la masse d’investissements dans les révolutions industrielles sont frappantes avec, par exemple, l’émergence de la moitié des licornes mondiales. Cela se traduit également par une mise en œuvre efficace dans la lutte contre la pandémie, avec le choix de l’adoption omniprésente de la technologie, symbolisée par les « 3T: Testing – Tracking – Treating ».

    Des défis structurels

    S’appuyant sur de nombreuses études, analyses d’institutions bancaires ou d’organisations internationales, l’auteur décrit tant l’aspect exponentiel des avancées technologiques chinoises que les fragilités structurelles d’un pays qui semble penser l’avenir tout en étant arrimé à son passé. Cela laisse le lecteur parfois étourdi face à l’avalanche de données et de comparaisons censées aider à comprendre un État-continent. En l’espace de 20 ans, il est en passe de devenir la première puissance mondiale mais a toujours plus de 600 millions de citoyens qui vivent avec 150 dollars par mois. La progression du pays est donc loin d’être achevée.

    Les échanges (fictifs) laissent une large part aux défis (eux bien réels) de la Chine pour la décennie. Structurellement, l’endettement, la fragilité de certains acteurs économiques maintenus « en vie » artificiellement, ou un système bancaire non optimal sont des sources d’inquiétude. Le vieillissement de la population et les aspirations des nouvelles générations, le retrait de la valeur de « famille », s’effondrant avec la politique de l’enfant unique, entraînent des interrogations sur le futur de cette société. Le développement économique, qui se fait à une vitesse sidérante et unique à cette échelle, masque des carences au sein des industries d’écosystème ou la dépendance vis-à-vis de la mondialisation. La jonction entre économie et politique est particulièrement d’actualité avec la pandémie alors que la Chine fait le pari de la « tech-cratie ». Il en va de même pour la maîtrise de deux des maillons essentiels de la technologie avec les semi-conducteurs dans le domaine du « hardware » et les systèmes d’exploitation dans le domaine du « software ».

    UE-Chine: « Grand Pont en avant »

    Dans son ouvrage précédent, publié en 2015 et intitulé « Générations Toniques, l’Occident est complétement à l’Ouest », David Baverez décryptait les ressorts de la nouvelle hégémonie chinoise et invitait les jeunes Européens à s’inspirer de la capacité de réinvention de la Chine et de son sens de l’innovation. Si la fascination de l’auteur reste intacte concernant la vitesse de décision et d’exécution, le sentiment d’une locomotive lancée à pleine vapeur se mélange avec la crainte qu’un défaut de rail pourrait faire basculer la machine. Dans ce contexte, on regrettera que la notion de valeur et la perception du dirigisme soient balayées au motif du relativisme culturel.

    À travers cet ouvrage dont chaque chapitre peut se lire séparément, le lecteur affinera sa compréhension d’un empire du Milieu obnubilé par la culture du résultat. Mais ce continent, dont la récente prospérité est aussi due à sa propension à piétiner la fameuse concurrence libre et non faussée, se retrouve également à promouvoir (pour protéger?) son modèle qu’il ne remet pas en question. David Baverez encourage le rapprochement avec la Chine pour éviter que l’Union européenne ne soit que le champ de bataille d’un conflit sino-américain. Pour cela, il développe habilement le sentiment que l’Europe peut apporter à la Chine ce qui lui permettrait d’être égale à la Chine. Mais il n’interroge pas la possibilité que l’UE puisse être à la première place. Comme si ce scenario était improbable.

    Business angel basé à Hong Kong depuis 2012, David Baverez est un observateur avisé du développement chinois. Éditorialiste pour la presse française, il est l’auteur de « Chine-Europe: Le Grand tournant » et de « Paris-Pékin Express ».

    David Baverez, Blogueur invité : Équipe d’analyse et de recherche du Conseil de l’Union européenne

    Conseil Européen, 09/11/2021

    #Chine #Europe #Union_Européenne #UE

  • Relations internationales: Nouvelles technologies et nouvelle architecture

    Tags : Relations internationales, nouvelles technologies, intelligence économique,

    L’objet de cette brève contribution, engageant la sécurité nationale, est une synthèse de mes nombreuses contributions nationales et internationales sur ce sujet entre 1980/2021. Le monde est à l’aube d’un profond bouleversement géostratégique tant dans le domaine économique, social que sécuritaire, où en ce XXIème siècle le culturel sera déterminant, modifiant les comportements et profondément les relations internationales. Dans les relations internationales actuelles n’existent pas de sentiments, de discours de fraternité mais que des intérêts, une diplomatie n’étant forte que si l’économie, conciliant l’efficacité économique et une profonde justice sociale, renvoyant à la moralité des dirigeants, est forte, étant d’ailleurs la seule garantie de la cohésion sociale et d’un front national solide. D’où l’importance du redressement économique national, du renouveau culturel de toutes nos institutions militaires et civiles qui doivent s’adapter à ces nouvelles mutations

    1. Le fondement des nouvelles relations internationales
    De nouvelles mutations modifient tant le fonctionnement des sociétés que les relations internationales, notamment la gouvernance interne déterminante, pour mobiliser les populations et les relations entre les États, les organisations internationales et les sociétés civiles mondiales et locales et leurs influences dans des conflits. Les différents acteurs ont des points de vue disparates quant à la manière de réaliser leurs objectifs. C’est que les conflictualités du monde contemporain, ne sont pas seulement économiques ou sécuritaires, mais également et surtout ont pour essence une profonde crise morale devant se fonder sur une profonde rénovation de la perception du monde.

    Depuis que le monde est monde nos sociétés vivent d’utopie. Comme le dit l’adage populaire, l’espoir fait vivre. D’ailleurs, au niveau des sociétés, nous assistons à une pièce de théâtre où chacun a un rôle déterminé, les pouvoirs en place avec leurs cours et leurs discours contribuant à cette utopie. Les guerres et les révoltes sociales en sont le contrepoids. Aussi, il existe une tension entre, d’une part, les processus de paix traditionnels menés par les États (la diplomatie officielle) et par l’armée et, d’autre part, les processus engagés par des civils, qui résultent de traditions telles que la non-violence active et le dialogue à la base. C’est que les crises internationales ont toujours concerné de nombreux acteurs. Mais traditionnellement, en dehors de l’organisation de sécurité collective à vocation universelle et à compétence générale qu’est l’ONU, leur gestion revenait avant tout aux États. Or de nombreux autres acteurs y participent désormais, notamment, les organisations non gouvernementales et les organisations d’intégration régionales.

    On le constate, le champ est composé d’une multitude d’acteurs et d’approches qui implique de facto un morcellement des actions et une difficulté à avoir un impact significatif sur le terrain. De nombreuses études tentent de catégoriser les principaux acteurs de ces conflictualités émergentes. La plupart d’entre elles opposent les États, dotés de forces armées régulières, à des acteurs non-étatiques, laissant apparaître de nouveaux adversaires. Cette opposition, selon les experts en géostratégie entre États et acteurs non-étatiques, ne semble pas totalement satisfaisante car elle ne reflète pas l’ensemble des systèmes asymétriques. En effet, une typologie des acteurs ne peut se faire qu’en prenant en compte plusieurs critères : les motivations, l’organisation et les modes d’action. De nouvelles conflictualités sont apparues où leurs acteurs se caractérisent souvent par l’illisibilité de leurs organisations, l’imprévisibilité de leurs actions multiformes qui privilégient la violence dûment mise en scène par la recherche du sensationnel et de la médiatisation. Des stratégies d’adaptations s’imposent donc face à ces nouvelles mutations.

    Il fut dans un temps pas lointain où les relations de chefs d’Etat à Etat, de ministres à ministres étaient à la base des relations internationales. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas et désormais ce sont les réseaux décentralisés à travers des organisations non gouvernementales disparates qui fondent les relations. (voir notre contribution au colloque international sur le thème Réseaux sociaux au Maghreb et au Moyen-Orient: quel impact sur les transitions politiques dans la région » organisé le 28 janvier 2020 au Cercle National de l’Armée, Beni Messous – Alger par l’ IMDEP/MDN), s’adaptant aux nouvelles technologies ainsi que la diplomatie algérienne, n’étant plus dans les années 1970, pour s’adapter à ces nouvelles mutations. Grâce aux nouvelles technologies et à leur prolifération non maîtrisée, ces conflictualités sont susceptibles d’utiliser toute la panoplie des capacités actuelles : armement sophistiqué, maîtrise de l’information, diversité des types d’agression (capacité d’exporter une menace n’importe où dans le monde), générant des menaces (cyber- délinquance, cybercriminalité, etc.) qui mettent en évidence l’insuffisance des systèmes de sûreté ou de substitution dans les sociétés modernes.

    En effet, les moyens modernes de communication facilitent l’expression libre et la circulation, via les réseaux, des idées les plus extrêmes, dans un but revendicatif, subversif ou prédateur. Elles peuvent atteindre tous les pans de la société : cohésion sociale, légitimité de l’autorité, pertinence du modèle économique, sociétal ou religieux. Ainsi véhiculées, les techniques d’« agression » de toutes natures se propagent, et contribuent d’autant plus à la fragilisation des « cibles » potentielles qu’elles s’appuient souvent sur l’image, support d’émotion et propice aux comparaisons. Pour preuve les drones commencent à remplacer l’aviation classique et armés de missiles, à des centaines de kilomètres peuvent détruire des pans entiers du territoire; les nouvelles télécommunications peuvent espionner toute conversation, détecter tout mouvement des troupes même en pleine nuit et les cyber- attaques peuvent paralyser toute une économie. Parallèlement nous assistons à l’influence décadente des pays dits non alignés, où en réalité la majorité s’aligne, des organisations comme l’ONU, l’OUA, le monde arabe traversés par des courants contradictoires qui se limitent à des communiqués, vœux pieux et à des résolutions rarement appliquées.

    Concernant l’espace naturel de l’Algérie, la Méditerranée et Afrique avec de nombreuses zones de conflits, notamment la zone sahélienne avec des interférences étrangères, le contrôle économique de l’Afrique étant l’enjeu du XXIème siècle, avec des richesses non exploitées, objet de toutes les convoitises nous devrions assister à de profondes reconfigurations socio-économiques, technologiques mais également sécuritaires ( Sur les mutations géostratégiques militaires, politiques sociales et économiques- voir la Revue IEMed 2017 -Barcelone -Espagne, un important collectif analysant la sécurité, le politique, l’économique, le social et le culturel de la région méditerranéenne auquel a contribué le professeur Abderrahmane Mebtoul sous la direction du professeur Senen Florensa, ancien diplomate et ministre espagnol, Président de l IEMed (516 pages), préfacé par Johannes Hahn ex-Commissaire européen à la politique de voisinage aux négociations d’élargissement, où ont contribué 51 personnalités internationales (ministres- diplomates- politiques, militaires, économistes , sociologues, historiens-écrivains ) des deux rives de la Méditerranée en huit chapitres interdépendants : 1.-le conflit arabo-israélien revisité -2.-les défis à venir de l’union européenne -3.–l’avenir de l’Islam 4.-(Dé) Radicalisation et sécurité et leurs effets – sur al région méditerranéenne – 5.-Bilan et partenariat des pays -les pays méditerranéens / union européenne -Balkans occidentaux -Maghreb -Moyen Orient et Turquie -Les autres acteurs 6.-secteurs stratégiques (sécurité et politique) -7.-Economie et territoire – 8.–Société et culture)

    2.- L’ impact dans les relations internationales de la maitrise de l’intelligence économique

    Un des segments des nouvelles technologies est la maitrise de l’Intelligence économique. Sa gestion stratégique est devenu pour une Nation et l’entreprise d’une manière particulière, l’un des moteurs essentiels de sa performance globale et de sa sécurité afin d’éviter de livrer aux concurrents des informations sensibles à travers le piratage. Beaucoup d’entreprises tentent de soutirer à leurs concurrents des technologies, des fichiers de clients, des secrets commerciaux, des structures de coûts de produits, des spécifications et procédures de fabrication de produits et des plans de développement. C’est pourquoi, actuellement la majorité des Etats développés contribuent à assurer le contrôle de la sécurité des bases de données internes pour faire face aux piratages des données. D’où le rôle d’une sensibilisation des acteurs de l’intelligence économique non seulement à une meilleure connaissance et une meilleure maîtrise des outils, mais également à une « culture » de la sécurité qui suppose des comportements et des habitudes adaptées à l’utilisation de ces outils.

    En fait tout cela renvoie à une nouvelle gouvernance fondée sur la valorisation de l’économie de la connaissance sans lesquels aucun pays ne peut se développer durablement. Et cela interpelle l’ensemble des Ministères, administrations et entreprises algériennes, mais également tous les citoyens. C’est que l’intelligence économique est un processus découlant du cycle du Renseignement.

    Les informations collectées permettent de construire une conviction au fil du traitement et non de confirmer l’opinion erronée qu’un acteur pourrait initialement avoir. Une étape d’expression du besoin formalisée permet de «cibler» la recherche en définissant un périmètre limité, étape indispensable pour éviter l’accumulation de données inutiles et donc se parer d’une surcharge informationnelle contre productive. L’ensemble des champs qui complètent l’Intelligence économique, comme, la gestion des connaissances, la protection des informations, le lobbying, peuvent être regroupés dans le concept global d’Intelligence stratégique. L’intelligence économique intègre deux dimensions supplémentaires par rapport à la veille : la prise de décision et la connaissance de l’information. Le modèle d’Intelligence Economique recouvre en trois concepts. Nous avons d’abord les données qui sont des nombres, des mots, des événements existants en dehors d’un cadre conceptuel de référence. Ensuite nous avons l’information qui est l’accumulation de données, traitées et transformées qui deviennent des informations, validées et confrontées, qui commencent à avoir un sens. Enfin nous avons la connaissance qui est l’ensemble d’informations interprétées qui permet de prendre des décisions.

    Les passages par ces trois concepts se fait de la manière suivante. Je veux la bonne information au bon moment. Pour cela il faut définir des objectifs ; rechercher et collecter des données ; trier et stocker les données et enfin disposer d’informations pertinentes. Comment puis-je rendre l’information utile ? Une fois les objectifs globaux en matière d’information arrêtés, et les missions de recherche, collecte, tri et stockage validées, il faut analyser l’information, exploiter les résultats de manière à faire ressortir les aspects aidant à la prise de décision. Dès lors se pose le passage de la connaissance à l’intelligence. Il faut faire évoluer la culture des managers tant politiques, militaires qu’économiques. Le système de prise de décision n’est pas un système figé. Il doit s’adapter et évoluer dans le temps, pour cela il faut partager l’information, évaluer la qualité et la pertinence des décisions et se remettre en question.

    Pour faire de l’intelligence économique un véritable avantage concurrentiel, il est indispensable de l’intégrer aux fonctions de l’administration et de l’entreprise. L’approche processus permet une meilleure coordination des étapes pour profiter au maximum du gisement informationnel en vue d’actions efficaces sur l’administration ou l’entreprise ou son environnement du fait d’interactions complexes. C’est que l’information devient un enjeu stratégique pour la sureté de la Nation L’information n’est pas un bien comme les autres. Une Nation ou une entreprise sera meilleure que ses concurrents si elle possède, avant les autres, les bonnes informations au bon moment, qu’il s’agisse de connaissance des marchés, d’informations juridiques, technologiques, normatives ou autres.

    Pour creuser son avantage compétitif, une Nation ou une entreprise doit pouvoir créer une asymétrie d’information à son avantage. Les systèmes d’information jouent un rôle majeur pour supporter les processus d’intelligence économique. Le système d’information utilise des outils pour gérer la partie automatisée du processus d’intelligence économique, ainsi que les interactions avec les autres processus et applications d’entreprise. Les outils sont les NTIC. Les TI (technologie de l’information) sont un ensemble de technologies utilisées pour aidé le SI à traiter, modifier et échanger des informations, plus spécifiquement des données numérisées. L’information circule plus vite et plus facilement grâce aux avancées technologiques permanentes (réseaux téléphoniques, fibres optiques, WIFI, GPRS, UMTS…) et à la multiplication des capacités de stockage, de traitement et de manipulation. Qu’apporte l’intelligence économique pour une entreprise ou un Etat ? La réponse à cette question passe par l’analyse des enjeux politiques, économiques et technologiques.

    Pour les enjeux politiques, la connaissance qui en résulte aide les dirigeants dans la planification des actions futures de leurs organisations. En effet, « le système d’intelligence économique japonais s’est progressivement mis en place depuis l’ère Meiji. A l’origine, la mobilisation des élites nippones sur la question de l’économie s’est faite dans une vision protectrice : préserver l’indépendance du Japon face aux exigences commerciales des puissances occidentales. Tous les gouvernements reconnaissent qu’ils utilisent l’ intelligence économique dans la promotion de leur développement économique : Russie, Chine, France, Allemagne , USA ou de certains pays émergents.

    Concernant les enjeux économiques, nous avons les retombées directes et indirectes souvent difficilement quantifiables. Parmi les retombées directes, l’accroissement du nombre de brevets déposés par la société qui permet à un pays d’accroître le transfert de technologies et optimiser sa chaîne recherche-développement-production.. La « sécurité économique fait partie intégrante de la sécurité nationale au même titre que la sécurité militaire incitant les gouvernements à appuyer les entreprises dans leur quête de compétitivité pour la défense de l’intérêt national. C’est aussi pour cette raison que les gouvernements apportent leur assistance dans l’enseignement et l’éducation des dirigeants d’entreprise, afin qu’ils utilisent l’intelligence économique pour renforcer leur habilité en matière de gestion. D’où l’appui aux entreprises pour l’accès au volume important d’informations sur le commerce international détenu par les départements et agences ministériels, les Services de renseignement et de contre-espionnage, mettant en place un service d’information économique au profit des entreprises engagées dans le commerce extérieur.

    En conclusion, les messages des organisations internationales de paix, de tolérance fondés sur le dialogue productif, sont– ils des messages d’utopie ou seront-t-ils concrétisés dans un avenir proche pour éviter, par exemple, que la religion ne soit utilisée à des fins de tensions entre le monde musulman et l’Occident. – Islam, Judaïsme et Christianisme étant des religions de tolérance, pour ne citer que ces grandes religions monothéistes –, devant respecter toute croyance de chacun, permettront d’éviter ces chocs de civilisations préjudiciables à l’avenir de l’humanité. Comme je l’ai souvent souligné aux niveau des conférences internationales (voir Mebtoul- American Herald Tribune, Mebtoul l’Algérie face aux enjeux géostratégiques –USA- aout 2018) depuis de longues décennies, avec de nombreux intellectuels et politiques de la majorité des continents, le renforcement des relations entre l’Orient et l’Occident, la promotion des synergies culturelles, économiques, politiques, sont seules à même d’intensifier une coopération pour un développement durable et ce afin de faire de notre univers un lac de paix d’où seront bannis l’extrémisme, le terrorisme et la haine.

    Dr Abderrahmane MEBTOUL, Professeur des universités, expert international

  • L’axe fragile Paris-Londres

    Tags : Union Européenne, France, UE, Royaume Uni, AUKUS, Emmanuel Macron,

    Les différends successifs du Royaume-Uni avec la France exacerbent la faiblesse de la cohésion interne de l’Union européenne.

    Un homme de sa noble formation universitaire (Oxford) comme Boris Johnson connaît sans doute la vieille expression latine pacta sunt servanda, selon laquelle les pactes lient : c’est l’un des principes les plus importants du droit et l’un des piliers de la civilisation occidentale. Mais il est inhabituel de voir à quelle fréquence il est nécessaire de le rappeler à la Première ministre britannique, qui est engagée dans une bataille constante avec l’Union européenne au sujet de l’accord commercial post-Brexit. Cette fois-ci, le différend entre Londres et Paris concerne apparemment les licences permettant aux pêcheurs français de pêcher dans les eaux britanniques de la Manche, mais il y a quelque chose de plus profond et de plus grave à l’œuvre ici : c’est un nouveau symptôme de la détérioration des relations entre les deux pays et cela exacerbe un climat de suspicion à l’égard de Londres qui s’est répandu sur tout le continent, comme c’était déjà le cas avec le différend contractuel que l’UE a eu pour l’achat du vaccin contre le covid.

    La gravité du désaccord avec Paris dépend de la participation du Royaume-Uni à l’Aukus (le pacte de défense annoncé par l’Australie, le Royaume-Uni et les États-Unis le 15 septembre). Cet accord a fait perdre à la France un lucratif contrat de fourniture de sous-marins d’attaque à l’Australie. Outre l’exclusion du pacte et la déloyauté du pacte lui-même, l’Aukus a montré l’énorme vide géopolitique que représente l’Europe dans le monde. Le silence ostensible de l’UE après l’annonce de l’accord révèle une fois de plus les divisions internes de l’Europe en matière de politique étrangère. Elle n’a pas non plus servi à rappeler à l’Allemagne la nécessité d’inverser le déclin de sa puissance militaire et de renforcer l’autonomie stratégique de sécurité au sein même de l’UE.

    Les conséquences de l’affaire Aukus et du différend sur les droits de pêche vont plus loin que de simples déchirements réversibles, car elles impliquent la rupture de la confiance entre deux grandes nations, la France et le Royaume-Uni. Il montre l’aliénation du monde anglophone par rapport à l’UE et une division de l’Occident, qui a cessé de se penser et de se percevoir comme un bloc partageant des valeurs et une vision du monde communes. Outre l’érosion des liens amicaux qui ont uni les nations occidentales, l’Aukus entraîne un degré supplémentaire d’éloignement car il entérine la rivalité des États-Unis avec la Chine et approfondit encore la division interne de l’Occident. Le réalignement géopolitique des États-Unis autour de l’anglosphère se produit en même temps qu’ils se distancient du monde euro-atlantique, tout en entraînant Londres dans une course qui ne peut qu’affaiblir l’Union européenne elle-même.

    El Pais, 08/11/2021

    #France #Union_Européenne #UE #Royaume_Uni #AUKUS #Etats_Unis #Sousmarins #Brexit