Catégorie : Monde

  • La Chine autorise les couples à avoir un troisième enfant

    La Chine autorise les couples à avoir un troisième enfant

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    La Chine autorise les couples à avoir un troisième enfant dans un contexte de crise démographique

    BEIJING (AP) – La Chine va désormais autoriser les couples à avoir légalement un troisième enfant, alors qu’elle cherche à repousser une crise démographique qui pourrait menacer ses espoirs de prospérité accrue et d’influence mondiale.

    Le corps législatif cérémoniel a amendé vendredi la loi sur la population et la planification familiale dans le cadre d’un effort de plusieurs décennies du Parti communiste au pouvoir pour dicter la taille des familles conformément aux directives politiques. Cette modification intervient six ans seulement après la dernière modification.

    À partir des années 1980, la Chine a strictement limité la plupart des couples à un seul enfant, une politique appliquée sous la menace d’amendes ou de perte d’emploi, ce qui a entraîné des abus, notamment des avortements forcés. La préférence pour les fils a conduit les parents à tuer les petites filles, ce qui a entraîné un déséquilibre massif du rapport de masculinité.

    Les règles ont été assouplies pour la première fois en 2015 pour autoriser deux enfants, les responsables reconnaissant les conséquences imminentes de la chute de la natalité. La crainte dominante est que la Chine vieillisse avant de s’enrichir.

    La Chine a longtemps vanté sa politique de l’enfant unique comme un succès en empêchant 400 millions de naissances supplémentaires dans le pays le plus peuplé du monde, économisant ainsi des ressources et contribuant à la croissance économique.

    Cependant, le taux de natalité de la Chine, parallèlement aux tendances observées en Corée du Sud, en Thaïlande et dans d’autres économies asiatiques, était déjà en baisse avant la règle de l’enfant unique. Le nombre moyen d’enfants par mère est passé de plus de six dans les années 1960 à moins de trois en 1980, selon la Banque mondiale.

    Pendant ce temps, le nombre de personnes en âge de travailler en Chine a chuté au cours de la dernière décennie et la population a à peine augmenté, ce qui ajoute aux tensions d’une société vieillissante. Selon un recensement effectué par le gouvernement une fois par décennie, la population a atteint 1,411 milliard de personnes l’année dernière, soit 72 millions de plus qu’en 2010.

    Les statistiques montrent que 12 millions de bébés sont nés l’an dernier, ce qui représenterait une baisse de 18 % par rapport aux 14,6 millions de 2019.

    Les Chinois de plus de 60 ans, qui sont 264 millions, représenteront 18,7% de la population totale du pays en 2020, soit 5,44 points de pourcentage de plus qu’en 2010. Dans le même temps, la population en âge de travailler est tombée à 63,3 % du total, contre 70,1 % il y a dix ans.

    Le passage à la règle des deux enfants a entraîné une hausse temporaire du nombre de naissances, mais ses effets se sont rapidement dissipés et le nombre total de naissances a continué à baisser, car de nombreuses femmes ont continué à renoncer à fonder une famille.

    Le Japon, l’Allemagne et d’autres pays riches sont confrontés au même défi, à savoir disposer de moins de travailleurs pour faire face au vieillissement de la population. Cependant, ils peuvent s’appuyer sur des investissements dans les usines, la technologie et les actifs étrangers, tandis que la Chine est un pays à revenu intermédiaire dont l’agriculture et la fabrication sont à forte intensité de main-d’œuvre.

    Lors de sa session de vendredi, le Comité permanent de l’Assemblée populaire nationale a annulé le nivellement des amendes pour avoir enfreint les restrictions précédentes et a appelé à des ressources supplémentaires en matière de congé parental et de garde d’enfants. De nouvelles mesures en matière de finances, de fiscalité, de scolarité, de logement et d’emploi devraient être introduites pour « alléger le fardeau des familles », selon l’amendement.

    Il vise également à lutter contre la discrimination de longue date à l’encontre des femmes enceintes et des nouvelles mères sur le lieu de travail, qui est considérée comme l’un des principaux facteurs dissuasifs pour avoir d’autres enfants, avec les coûts élevés et l’exiguïté des logements.

    Si la représentation des femmes dans la population active est élevée, les femmes, en particulier celles qui ont des enfants, sont gravement sous-représentées aux niveaux supérieurs, puisqu’elles n’occupent que 8,4 % des postes de direction aux niveaux central et provincial. Parmi les jeunes dirigeants du parti qui prendront les rênes dans les décennies à venir, seuls 11% sont des femmes.

  • Ces monstrueux talibans et nous

    Afghanistant, OTAN, Talibans,

    On aurait dit un écho d’un passé colonial. À l’époque, les journaux publiaient des informations alarmantes chaque fois qu’il y avait une révolte de « barbares » contre l’autorité coloniale : les Boxers en Chine, les Mau-Mau au Kenya, les Simbas au Congo. Tous, sans exception, des barbares qui osaient se révolter contre la chrétienté, la civilisation et les droits de l’homme (dans cet ordre précis), imposés par les maitres occidentaux dans les colonies, dans le même temps qu’ils y terrorisaient les populations et y pillaient les matières premières.

    Les titres des infos de la semaine écoulée ont tous été du genre : les fondamentalistes islamistes talibans sont de retour. Les barbares talibans s’emparent des villes l’une ville après l’autre, Kaboul tombe dans leurs mains. Dans un laps de temps d’une dizaine de jours, le régime installé par l’Occident dans ce pays s’est enfui et une armée de 300 000 hommes s’est rendue à une armée de guérilla de quelque 75 000 hommes.

    La rapidité des événements a surpris tout le monde. Même si tous ceux qui avaient quelque peu suivi la guerre savaient qu’une défaite de l’Occident était inéluctable. Il y a dix ans, à l’aide de documents secrets, Wikileaks[1] montrait déjà que la résistance des Talibans était en train de gagner et qu’elle était bien répandue dans tous les coins du pays. Matthew Hoh, un capitaine de l’armée américaine qui avait démissionné en septembre 2009 pour protester contre la guerre en Afghanistan, décrivait comme suit la résistance dans ce pays : « La révolte pashtoun est composée d’innombrables groupes locaux. Elle est soutenue par le peuple qui se tourne contre des siècles d’agression contre son pays, sa culture, ses traditions, sa religion. Selon moi, la grande majorité des insurgés ne se battent pas pour le drapeau blanc des talibans, mais plutôt contre la présence de soldats étrangers et contre les impôts et taxes qui leur ont été imposés par un gouvernement non représentatif installé à Kaboul. »[2]

    Les États-Unis (EU) et leurs alliés, dont la Belgique, sont en train de subir une défaite historique comparable, sinon plus sévère encore, à la défaite de 1975 contre le Vietcong communiste et les Nord-Vietnamiens.

    Exactement comme lors de la retraite honteuse de l’époque, nous entendons de savants professeurs et autres spécialistes expliquer que les Américains commettent une erreur historique en se retirant de la sorte et en abandonnant à leur sort le pays et sa population. Tous les acquis démocratiques, disent-ils, comme les droits de la femme, qui y ont été introduits par l’Occident au cours des vingt années écoulées, risquent d’être perdus. À l’instar du cobalt, du lithium et autres minéraux dont l’Afghanistan regorge, ajoutait sans sourciller ni rougir un spécialiste perspicace.
    Et nous sommes naturellement animés de préoccupations humanitaires et nous sommes aussi de grands défenseurs des droits de l’homme, mais cela aussi a ses limitations : ce qui nous intéresse le plus, c’est la façon de pouvoir endiguer ces afflux de réfugiés qui nous arrivent. Et la façon de pouvoir empêcher que le terrorisme reprenne vigueur dans nos pays, maintenant que les talibans sont de retour au pouvoir. Et, ici, on oublie de mentionner que c’est précisément la guerre contre l’Afghanistan qui a déclenché bien plus d’attentats en Europe que ce ne fut jamais le cas dans la période antérieure.

    À propos des droits de la femme

    En ce qui concerne les commentaires humanitaires sur l’Afghanistan, je me demande pourquoi cette même coalition occidentale qui avait envahi l’Afghanistan, allait, deux ans plus tard, balayer également l’Irak de la carte, alors qu’on y respectait bel et bien les droits de la femme. On se demande pourquoi un pays comme l’Arabie saoudite, qui foule au pied ces mêmes droits de la femme, fait toujours partie du cercle de nos proches amis. Pourquoi permettons-nous que la population palestinienne de Gaza soit enfermée dans une prison à ciel ouvert, sans eau ou électricité à suffisance : n’y a-t-il pas là des femmes et des enfants aussi ?

    Ou cette réflexion, également : les droits de la femme en Occident ont-ils jamais été arrachés grâce à l’intervention d’une puissance étrangère ? Notre pays a-t-il été bombardé afin d’être forcé d’accorder aux femmes le droit de vote en 1948, ou d’y permettre aux femmes d’ouvrir un compte bancaire sans l’accord de leur mari, un droit qui ne leur a été accordé qu’en 1976 ? La France a-t-elle été bombardée parce que, jusqu’en 1965, les femmes ne pouvaient pas y avoir un emploi sans le consentement de leur mari ? Ou veut-on nous dire que les femmes afghanes sont une fois pour toutes plus arriérées que les femmes occidentales ?

    On oublierait presque pourquoi tout cela a commencé il y a vingt ans

    La déclaration de guerre des EU à l’Afghanistan en 2001 n’avait strictement rien à voir avec le fait d’apporter la civilisation ou avec les droits des femmes ou des enfants. Mais tout à voir avec la vengeance de l’Occident en raison des attentats de New York, le 11 septembre 2001. Une vengeance exercée contre l’un des pays les plus pauvres de la planète. Une vengeance contre une population de quelque 28 millions d’humains. Contre cette guerre, les talibans ont tenté de se défendre par tous les moyens. Tels qu’ils sont décrits dans le livre « My Life with the Taliban » (Ma vie avec les talibans) d’Abdul Salam Zaeef, l’ambassadeur afghan des talibans au Pakistan.

    L’Amérique avait désigné Osama Bin Laden, qui se trouvait en territoire afghan, comme responsable des attentats de New York. À l’époque, la chasse à Bin Laden avait cours depuis quelques années déjà. Les attentats de 1998 contre les ambassades des EU à Nairobi et en Tanzanie avaient valu à Bin Laden une place bien en vue sur la liste américaine des « 10 most wanted » (les 10 personnages les plus recherchés). Après ces attentats, le président de l’époque, Bill Clinton, avait fait tirer des roquettes sur l’Afghanistan et de lourdes sanctions économiques avaient été imposées au pays. Les EU exigeaient la livraison d’Osama Bin Laden. Il n’existait pas d’accord d’extradition entre les EU et l’Afghanistan et, par conséquent, le gouvernement des talibans répondit à la demande américaine en trois points.

    Un. Si les EU peuvent prouver qu’Osama Bin Laden est responsable des attentats, ils doivent dans ce cas déposer ces preuves auprès de la Cour suprême de justice en Afghanistan. Si ces preuves sont réelles, Bin Laden sera châtié selon la charia islamique.

    Deux. Si la chose n’est pas acceptable pour les EU, du fait qu’ils ne reconnaissent pas l’État islamique de l’Afghanistan, ce dernier propose alors de désigner trois procureurs de trois pays islamiques et de le juger dans un quatrième pays islamique. L’Amérique pourra y plaider sa cause contre Bin Laden. Si celui-ci est déclaré coupable, il sera condamné pour ses actes criminels.

    Trois. Si cela aussi est inacceptable aux yeux des EU, l’Afghanistan promet alors de priver Bin Laden de tous les moyens le mettant en mesure d’avoir quelque portée à l’étranger et de lui permettre de ne mener qu’une simple existence de réfugié en Afghanistan.

    L’Amérique allait balayer de la main ces trois propositions et elle exigea la livraison inconditionnelle de Bin Laden. Il n’y eut même pas de contre-proposition de désigner un tiers pays qui aurait pu juger Bin Laden. Pas plus que l’option de la Cour internationale de justice à La Haye ne s’avéra acceptable pour les EU. Cette position américaine était inadmissible, pour les talibans. Ils déclarèrent à juste titre que cela signifierait que les EU auraient les coudées franches pour faire extrader n’importe qui dans le monde entier. Et que le point de vue des EU signifiait que, selon eux, il n’existait pas de justice dans le monde islamique et que ce dernier n’était pas en mesure de protéger les droits du peuple et de sanctionner les criminels.

    Après les attentats contre les ambassades, le ministère afghan des Affaires étrangères écrivit, dans une lettre adressée à l’ambassade des EU au Pakistan que « l’Afghanistan n’a pas l’intention d’infliger des torts aux EU, ni maintenant, ni non plus à l’avenir. Nous ne soutenons pas d’agression contre les EU sous quelque forme que ce soit et nous empêcherons également quiconque d’utiliser le territoire afghan en vue d’une telle agression. » Cela ne servit à rien.

    Puis il y eut les attentats de New York, le 11 septembre 2001

    Après les attentats de New York, les autorités afghanes organisèrent le plus vite possible une conférence de presse et elles condamnèrent les attentats dans un communiqué officiel : « Au nom de Dieu le bienfaisant et le miséricordieux, nous condamnons on ne peut plus sévèrement ce qui s’est passé aux EU contre le World Trade Center et le Pentagone. Nous partageons le deuil de tous ceux qui ont perdu des êtres chers lors de ces attentats. Tous ceux qui en sont responsables doivent être traînés devant la justice. Nous voulons que justice soit faite et nous demandons à l’Amérique d’être patiente et prudente dans les actions qu’elle a l’intention d’entreprendre. » En effet, les talibans avaient rapidement compris déjà qu’ils allaient de retrouver dans le collimateur des EU. Même si le principal dirigeant des talibans, le mollah Mohammad Omar, avait à l’époque un avis différent sur la question. Il estimait qu’il n’y avait que « 10 pour 100 de chances que les EU aillent plus loin que des menaces » et que « une attaque était improbable ». Et que l’Afghanistan, exactement comme en 1998, devait attendre des preuves contre Bien Laden pour entreprendre plus avant des actions contre lui.

    L’ambassadeur de l’Afghanistan au Pakistan adresse au nom de talibans une lettre à Bush et à la Maison-Blanche dans laquelle il expliquait à quel point la situation était dramatique dans le pays, après vingt ans de guerre incessante et de lutte interne. Et comment la population était confrontée à la faim, à la sécheresse et aux flux de réfugiés : « Nous avons tout perdu au cours de la guerre. Nous n’avons pas de pouvoir politique ou économique. Nous ne voulons plus combattre et nous ne disposons plus non plus de la force pour le faire. Nous demandons le dialogue, pas la guerre. »

    Rien n’y fit.

    L’opération « Enduring Freedom » (liberté immuable)
    Les EU ne voulaient absolument pas d’une action policière ou juridique en vue d’arrêter et de juger les auteurs des attentats de New York. Ils voulaient assouvir leur vengeance, et tout de suite, encore. Ils ne se contentaient plus de la seule extradition de Bin Laden, mais ils voulaient également un accès illimité à n’importe quel endroit de l’Afghanistan en vue de faciliter les opérations de recherche de l’armée américaine. De plus, le gouvernement taliban devait démissionner et une large coalition qui respectait les droits des citoyens et ceux des femmes devait reprendre le pouvoir.

    Le 7 octobre 2001, sous le nom de « Operation Enduring Freedom », une monstrueuse coalition dirigée par les EU envahit l’Afghanistan. Selon l’Otan, il s’agissait de « l’une des plus grandes coalitions de l’histoire, composée de 130 000 soldats en provenance de 50 pays, soit de l’Otan, soit alliés ».[3] Ce qui devait être une guerre éclair pour éliminer Al Qaida et renverser les talibans qui lui avaient prêté le couvert, allait se muer en une guerre longue de vingt ans.

    Une guerre que l’Otan, sous la direction des EU, pensait gagner grâce à sa supériorité technologique, en effectuant des bombardements massifs à l’aide d’avions et de drones, en s’enfermant dans des bases militaires coupées de la population et d’où elle lancerait ses attaques. Tout cela alla de pair avec des arrestations de masse et la torture des détenus dans la base militaire de Bagram, suivies de l’ouverture du camp de torture de Guantanamo, à Cuba, destiné à quelque huit cents musulmans afghans et internationaux accusés de terrorisme. Les talibans échappèrent en grande partie aux bombardements et aux arrestations en se repliant sur un territoire frontalier au Pakistan. En 2009, les EU obligèrent le Pakistan d’évacuer ce territoire et d’enfermer ainsi quelque 250 000 personnes dans des camps de réfugiés. Et c’est ce qui arriva, effectivement. Une mesure qui ne fit qu’accroître encore la haine parmi la population. Entre-temps, en Afghanistan, les vieux talibans qui s’étaient réfugiés au Pakistan au cours des vingt années écoulées avaient été renouvelés par de jeunes combattants, qui se déplaçaient parmi la population campagnarde comme des poissons dans l’eau. Ils opéraient comme une armée de guérilla, y compris en effectuant dans attentats meurtriers dans les villes aussi. Même s’il n’y a aucune comparaison entre les idéologies, écrivait Tariq Ali dans The Guardian en 2012, ils opéraient exactement comme les armées de guérilla vietnamienne, chinoise ou cubaine, de la même manière que Giap, Mao ou Che Guevara.

    Le coût humain et financier de la guerre fut horrible. Selon l’un des instituts de recherche sur la guerre, entre 218 000 et 241 000 personnes perdirent la vie en conséquence directe de ces 20 années de guerre.[4] Sept ans après le début de la guerre, Oxfam écrivit que les EU « avaient dépensé 65 000 dollars par minute pour vaincre les talibans ».[5] Le coût de la guerre allait s’élever à quelque 2 000 milliards de dollars. Et, pendant toutes ces années, 60 pour 100 de la population afghane des campagnes fut sans travail.

    Pas d’enquête sur les crimes des « porteurs de civilisation »

    Prenons quelques exemples venus de la province de Kunduz. Peu de temps après l’invasion américaine en 2001, les guerriers talibans se rendirent aux troupes américaines et au général Rashid Dostum.

    Ce dernier devint plus tard le premier vice-président de l’Afghanistan et, plus tard encore, maréchal de l’armée sous l’actuel président Ghani. Dostum fit alors enfermer les prisonniers talibans dans des containers métalliques. La majorité des 2 000 prisonniers étouffèrent et ceux qui avaient survécu furent abattus sans autre forme de procès.[6] Huit ans plus tard, à Kunduz également, les avions de la coalition larguèrent des bombes sur une foule de personnes qui transvasaient de l’essence de deux camions-citernes immobilisés près d’un passage de rivière. Au moins 142 civils furent brûlés vifs.[7] En 2015, toujours à Kunduz, un hôpital dirigé par Médecins sans frontières (MSF) fut complètement pulvérisé par des tirs en provenance d’un navire de guerre américain. Au moins 42 patients et membres du personnel médical perdirent la vie et de nombreuses autres personnes furent blessées.

    Le 11 mars 2012, le sergent américain Robert Bales massacra deux familles afghanes, 16 personnes en tout, dans les villages de Balandi et d’Alkozai dans le sud de l’Afghanistan. Après cela, il incendia les corps. Sumad Khan, un fermier afghan, perdit 11 membres de sa famille, dans cette tuerie : sa femme, quatre gamines de deux à six ans, quatre fils de huit à douze ans ainsi que deux proches parents.[8] Je ne connais pas les noms de ces enfants afghans. Et il est probable que nous ne les connaîtrons jamais.

    Pour rappel, la complicité belge

    Avant que la guerre ne commence, l’ambassadeur afghan au Pakistan s’était plaint de l’attitude arrogante de l’ambassadeur belge : « J’ai un bon contact avec tous les ambassadeurs », écrit-il. « Seuls, les ambassadeurs d’Allemagne et de Belgique sont impolis, brutaux et arrogants. Tous deux n’avaient que des préjugés à notre égard et la question des femmes était la seule chose dont ils voulaient discuter. » En 2008, après sept années de participation à la guerre en Afghanistan, la Belgique décida d’encore y accroître son engagement. À la Chambre des députés, le ministre de la Défense de l’époque, De Crem, répondit ce qui suit aux critiques prudentes des partis Écolo / Groen et des socialistes flamands : « Vous êtes isolés. Vous vous situez dans le camp d’Osama Bin Laden et de ses amis les poseurs de bombes et les violeurs. Vous êtes des alliés objectifs de ces poseurs de bombes et de ceux qui coupent les oreilles des filles lorsqu’elles veulent aller à l’école. Vos propos sont déraisonnables et sans respect pour les soldats belges qui sont présents là-bas. » Le 28 janvier 2011, on pouvait lire dans le quotidien Le Soir : « En trois ans, entre la période Flahaut (PS) et la période De Crem (CD&V), le nombre total de militaires belges en Afghanistan a augmenté, passant de 360 à 626. »

    Du 6 au 8 octobre 2013, sous la direction du ministre de la Défense et de quelques généraux, une délégation composée de membres des partis CD&V, CDH, MR, Open VLD, N-VA, Écolo / Groen, PS et Vlaams Belang rendait visite aux soldats belges en Afghanistan. Cette visite parlementaire se terminait par un discours d’un représentant du Vlaams Belang : « Le président de la Commission, Monsieur Filip De Man (Vlaams Belang) s’est adressé aux militaires belges au nom de toute la délégation. Il a exprimé son admiration pour le professionnalisme avec lequel les soldats exécutent leur mission et les a remerciés pour cette visite mémorable. Il a insisté sur le fait que, selon l’adage ‘une image en dit davantage que mille mots’, une visite aux troupes en opération est très enrichissante pour une profonde compréhension du contexte local. »[9]

    Au cours des mois et des jours qui ont précédé le retrait américain, tous les militaires européens encore présents ont quitté l’Afghanistan en toute discrétion, sur la pointe des pieds, pourrait-on dire. Associated Press (AP) a publié une liste d’un genre que nous ne sommes absolument pas habitués d’avoir sous les yeux. Cette liste est établie comme suit : « Ont quitté l’Afghanistan : l’Allemagne, la Pologne (33 000 Polonais y ont combattu au cours des 20 années écoulées), la Roumanie, l’Italie (53 soldats tués, 723 blessés), la Géorgie, la Norvège, le Danemark, l’Estonie et les Pays-Bas. L’Espagne s’en est allée le 13 mai, la Suède le 25 mai, la Belgique le 14 juin. De même, le Portugal, la Tchéquie, la Slovénie, la Finlande, l’Albanie, la Macédoine du Nord et le Luxembourg ont rappelé leurs petits contingents. »[10]

    Quel épilogue honteux pour une monstrueuse coalition constituée en vue d’une guerre criminelle !

    Notes

    [1] https://wikileaks.org/wiki/Afghan_War_Diary,_2004-2010

    [2] https://www.theguardian.com/commentisfree/2010/jul/30/no-secret-pakistan-taliban

    [3] https://www.nato.int/cps/en/natohq/topics_8189.htm

    [4] https://watson.brown.edu/costsofwar/figures/2021/human-and-budgetary-costs-date-us-war-afghanistan-2001-2021

    [5] https://www.thenewhumanitarian.org/feature/2008/02/27/poverty-pushing-youth-arms-taliban

    [6] https://economictimes.indiatimes.com/news/defence/warlord-abdul-rashid-dostum-back-in-the-fray-as-taliban-overwhelm-afghan-north/articleshow/8526930

    [7] https://www.wsws.org/en/articles/2021/08/10/pers-a10.html

    [8] https://kifkif.be/cnt/artikel/van-oslo-utoya-tot-toulouse-montauban-de-horror-van-de-oorlog-haalt-europa-2315

    [9] http://www.pieterdecrem.be/index.php

    [10] https://apnews.com/article/europe-afghanistan-health-coronavirus-pandemic-9c1c4f5732c032ba85865aab0338a7a3

    Luk Vervaet, De monsterlijke Taliban en wij.

    Article traduit du néerlandais par Jean-Marie Flemal

    Source: le blog de Luk Vervaet

  • La crise afghane déclenchera-t-elle une nouvelle crise des réfugiés?

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    BRUXELLES, 19 août (Reuters) – La prise de contrôle de l’Afghanistan par les talibans a alimenté les craintes d’un exode des Afghans et d’une répétition de la crise migratoire européenne de 2016/16, lorsque plus d’un million de personnes du Moyen-Orient ont fui vers le continent et s’y sont réinstallées. Lire la suite

    Des milliers d’Afghans sont déjà partis ou tentent désespérément de monter dans des avions au départ de Kaboul, craignant un retour à l’interprétation austère de la charia (loi islamique) imposée lors du précédent régime taliban qui a pris fin il y a 20 ans.

    Y AURA-T-IL UN EXODE MASSIF D’AFGHANISTAN ?

    La peur de la dure charia n’est pas la seule raison pour laquelle les Afghans pourraient fuir. La violence, la sécheresse et le COVID-19 ont déjà laissé des millions d’Afghans dans le besoin d’une aide humanitaire, et nombre d’entre eux pourraient devenir des migrants économiques dans les mois à venir.

    Les talibans ont fermé des points frontaliers clés et il y a eu un nombre « très limité » d’Afghans traversant les frontières, mais l’Union européenne dit qu’elle s’attend à « une pression migratoire accrue » à plus long terme en raison de l’instabilité sous le régime taliban.

    L’agence des Nations Unies pour les réfugiés indique que plus de 550 000 Afghans ont été déracinés à l’intérieur depuis janvier en raison de l’aggravation de la situation en matière de sécurité, et l’Union européenne a exhorté les États membres à augmenter les quotas d’admission pour les Afghans ayant besoin de protection, en particulier pour les femmes et les filles.

    La Grande-Bretagne a annoncé qu’elle accueillerait jusqu’à 5 000 Afghans au cours de la première année d’un nouveau programme de réinstallation, en accordant la priorité aux femmes, aux filles et aux minorités, et jusqu’à 20 000 à long terme.

    LES PORTES DE L’EUROPE SERONT-ELLES AUSSI OUVERTES QU’EN 2015 ?

    Bref, non.

    L’Allemagne a ouvert ses frontières en 2015/16 aux Syriens et à d’autres fuyant la guerre et la pauvreté, une décision qui a valu les applaudissements de la chancelière Angela Merkel à l’étranger mais l’a blessée politiquement chez elle.

    Merkel prévoit de démissionner après les élections fédérales du 26 septembre et ne prendra donc plus les devants. Dans tous les cas, elle dit maintenant que les réfugiés devraient avoir la sécurité garantie dans les pays voisins de l’Afghanistan avant que l’UE n’envisage d’accueillir des personnes.

    Le Pakistan abrite déjà 1,4 million de réfugiés afghans, tandis que l’Iran en accueille près d’un million, selon les données de l’agence des Nations Unies pour les réfugiés début 2021. On estime que le nombre d’Afghans sans papiers dans les deux pays est beaucoup plus élevé.

    D’autres pays de l’UE sont déterminés à éviter une nouvelle élection de 2015/16, en partie en raison des craintes d’une réaction des électeurs.

    L’Autriche a suggéré de créer des « centres d’expulsion » pour les migrants afghans rejetés et était l’un des six pays de l’UE qui ont mis en garde la semaine dernière contre l’arrêt de l’expulsion des Afghans auxquels l’asile a été refusé dans le bloc. Depuis, trois des six – le Danemark, l’Allemagne et les Pays-Bas – ont fait marche arrière.

    Les forces frontalières grecques sont en alerte pour éviter une répétition des arrivées massives de migrants syriens via la Turquie en 2015, et ont récemment empêché des personnes d’entrer dans ses eaux, bien qu’elles nie tout « refoulement » illégal.

    Depuis la dernière crise, l’UE a renforcé son agence de garde-frontières et de garde-côtes Frontex, qui dispose désormais d’une plus grande capacité de dissuasion et de rapatriement des migrants illégaux.

    LES AFGHANS TROUVERONT-ILS DES ITINÉRAIRES DE TRANSIT FACILES VERS L’EUROPE ?

    Se rendre en Europe sera plus difficile pour les Afghans qu’avant.

    L’Iran, dont l’économie est étouffée par les sanctions américaines, a encouragé bon nombre des plus de 2 millions de réfugiés afghans sans-papiers et plus de 800 000 enregistrés en République islamique à rentrer chez eux.

    La Turquie est déjà le plus grand pays d’accueil de réfugiés et de demandeurs d’asile au monde, avec plus de 4 millions d’habitants, dont la grande majorité sont des Syriens. Soucieux d’empêcher une nouvelle vague, il construit un mur le long d’une grande partie de sa frontière avec l’Iran.

    L’UE a également un accord avec la Turquie qui a été mis en place après la dernière crise en vertu duquel Ankara arrête le flux de migrants vers l’Europe en échange d’argent et d’autres avantages.

    Les routes de transit vers l’UE via les Balkans occidentaux sont également devenues moins ouvertes qu’elles ne l’étaient auparavant.

    QUELS LEVIERS DISPOSE L’EUROPE SUR LES TALIBAN ?

    Les pays occidentaux n’ont pas encore officiellement reconnu les talibans comme les dirigeants de l’Afghanistan, mais reconnaissent que l’aide pour le pays frappé par la pauvreté est nécessaire, et cela pourrait être une incitation pour les talibans à empêcher un exode.

    Merkel a déclaré cette semaine que l’aide humanitaire serait essentielle pour éviter une répétition de la crise des migrants de 2015.

    La Grande-Bretagne a annoncé qu’elle doublerait son aide humanitaire et au développement à l’Afghanistan à près de 400 millions de dollars cette année, et la Commission européenne souhaite voir davantage de soutien aux voisins de l’Afghanistan pour y maintenir les migrants.

    Reuters, 20/08/2021

  • FBI: Peu de preuves que l’attaque du Capitole était coordonnée

    Etats-Unis, Capitol, FBI, Donald trump, attaque au Capitol,

    Le FBI trouve peu de preuves que l’attaque du Capitole était coordonnée – sources

    WASHINGTON, 20 août (Reuters) – Le FBI a trouvé peu de preuves que l’attaque du 6 janvier contre le Capitole des États-Unis était le résultat d’un complot organisé pour renverser le résultat de l’élection présidentielle, selon quatre responsables actuels et anciens des forces de l’ordre.

    Bien que les autorités fédérales aient arrêté plus de 570 participants présumés, le FBI estime à ce stade que les violences n’ont pas été coordonnées de manière centralisée par des groupes d’extrême droite ou des partisans éminents du président de l’époque, Donald Trump, selon les sources, qui ont été soit directement impliquées, soit régulièrement informées sur les enquêtes de grande envergure.

    « Quatre-vingt-dix à quatre-vingt-quinze pour cent de ces cas sont ponctuels », a déclaré un ancien haut responsable des forces de l’ordre ayant connaissance de l’enquête. « Ensuite, vous avez cinq pour cent, peut-être, de ces groupes de miliciens qui étaient plus étroitement organisés. Mais il n’y avait pas de grand plan avec Roger Stone et Alex Jones et tous ces gens pour prendre d’assaut le Capitole et prendre des otages. »

    Stone, un vétéran de l’action républicaine et qui se décrit lui-même comme un « magouilleur », et Jones, fondateur d’une émission de radio et d’un webcast axés sur la conspiration, sont tous deux des alliés de Trump et avaient participé à des événements pro-Trump à Washington le 5 janvier, la veille de l’émeute.

    Les enquêteurs du FBI ont constaté que des cellules de manifestants, dont des adeptes des groupes d’extrême droite Oath Keepers et Proud Boys, avaient cherché à pénétrer dans le Capitole. Mais ils n’ont trouvé aucune preuve que les groupes avaient des plans sérieux sur ce qu’ils feraient s’ils parvenaient à entrer, ont déclaré les sources.

    Scènes poignantes du siège du Capitole des États-Unis

    Les procureurs ont déposé des accusations de complot contre 40 de ces accusés, alléguant qu’ils ont participé à un certain degré de planification avant l’attaque.

    Ils allèguent qu’un leader de Proud Boy a recruté des membres et les a incités à stocker des gilets pare-balles et d’autres équipements de style militaire dans les semaines précédant l’attaque et que, le 6 janvier, il a envoyé des membres avec un plan pour se diviser en groupes et entrer plusieurs fois dans le Capitole.

    Mais jusqu’à présent, les procureurs se sont tenus à l’écart d’accusations plus graves et à forte connotation politique qui, selon les sources, avaient été initialement envisagées par les procureurs, telles que la conspiration séditieuse ou le racket.

    L’évaluation du FBI pourrait s’avérer pertinente pour une enquête du Congrès qui vise également à déterminer comment les événements de cette journée ont été organisés et par qui.

    Des législateurs de haut rang ont été informés en détail des résultats de l’enquête du FBI jusqu’à présent et les trouvent crédibles, a déclaré une source démocrate du Congrès.

    Le chaos du 6 janvier a éclaté alors que le Sénat et la Chambre des représentants des États-Unis se réunissaient pour certifier la victoire de Joe Biden à l’élection présidentielle de novembre.

    C’était l’attaque la plus violente contre le Capitole depuis la guerre de 1812, obligeant les législateurs et le propre vice-président de Trump, Mike Pence, à se précipiter pour se mettre en sécurité.

    Quatre personnes sont mortes et une autre le lendemain, et plus de 100 policiers ont été blessés.

    LE DISCOURS DE TRUMP

    Trump a prononcé un discours incendiaire lors d’un rassemblement à proximité peu avant l’émeute, répétant les fausses affirmations selon lesquelles l’élection de 2020 a été volée et exhortant ses partisans à marcher sur le Capitole pour faire pression sur les législateurs afin qu’ils rejettent la victoire de Biden.

    Dans des commentaires publics adressés le mois dernier à la commission du Congrès dirigée par les démocrates et formée pour enquêter sur la violence, les policiers blessés dans le chaos ont exhorté les législateurs à déterminer si Trump a aidé à l’instiguer. Certains démocrates ont dit qu’ils voulaient qu’il témoigne.

    Trump a prononcé un discours incendiaire lors d’un rassemblement à proximité peu avant l’émeute, répétant de fausses affirmations selon lesquelles l’élection de 2020 a été volée et exhortant ses partisans à marcher sur le Capitole pour faire pression sur les législateurs afin qu’ils rejettent la victoire de Biden.

    Dans des commentaires publics adressés le mois dernier à la commission du Congrès dirigée par les démocrates et formée pour enquêter sur la violence, les policiers blessés dans le chaos ont exhorté les législateurs à déterminer si Trump a aidé à l’instiguer. Certains démocrates ont dit qu’ils voulaient qu’il témoigne.

    Mais le FBI n’a jusqu’à présent trouvé aucune preuve que lui ou des personnes de son entourage direct aient été impliqués dans l’organisation de la violence, selon les quatre responsables actuels et anciens des forces de l’ordre.

    Selon le ministère de la Justice, plus de 170 personnes ont été inculpées jusqu’à présent pour avoir agressé ou entravé le travail d’un policier. La peine maximale encourue est de 20 ans.

    Mais une source a déclaré que les hauts fonctionnaires du ministère de la Justice n’ont pas ou peu discuté récemment de la possibilité de porter des accusations telles que « conspiration séditieuse » pour accuser les défendeurs de vouloir renverser le gouvernement. Ils ont également choisi de ne pas porter d’accusations de racket, souvent utilisées contre les bandes criminelles organisées.

    Des hauts fonctionnaires avaient discuté de la possibilité de porter de telles accusations dans les semaines qui ont suivi l’attentat, ont indiqué les sources.

    Les procureurs n’ont pas non plus retenu d’accusations selon lesquelles un individu ou un groupe aurait joué un rôle central dans l’organisation ou la direction de l’émeute. Des sources des forces de l’ordre ont déclaré à Reuters qu’aucune accusation de ce type ne semblait être en cours.

    Les accusations de conspiration qui ont été déposées allèguent que les défendeurs ont discuté de leurs plans dans les semaines précédant l’attaque et ont travaillé ensemble le jour même. Mais les procureurs n’ont pas allégué que cette activité faisait partie d’un complot plus large.

    Certains juges fédéraux et experts juridiques se sont demandé si le ministère de la Justice ne laissait pas les accusés s’en tirer trop facilement.

    En juillet, la juge Beryl Howell a demandé aux procureurs d’expliquer pourquoi l’un des accusés avait été autorisé à plaider pour un délit mineur passible d’une peine maximale de six mois, plutôt que pour un délit plus grave.

    Les porte-parole du ministère de la Justice et du bureau du procureur des États-Unis à Washington, qui dirige les poursuites du 6 janvier, ont refusé de commenter.

    La commission du Congrès qui enquête sur l’attentat s’entretiendra avec le FBI et d’autres agences dans le cadre de son enquête.

  • Après Kaboul, Biden a-t-il déçu ses alliés européens?

    Après Kaboul, Biden a-t-il déçu ses alliés européens?

    Joe Biden, Etats-Unis, Union Européenne, UE, Afghanistan, OTAN, Talibans,

    Les alliés ont salué Biden. Kaboul a-t-il mis à nu la « grande illusion » ?

    BRUXELLES (AP) – Bien avant que le président américain Joe Biden n’entre en fonction au début de l’année, le responsable de la politique étrangère de l’Union européenne a chanté ses louanges et salué une nouvelle ère de coopération. La quasi-totalité des alliés occidentaux de Washington ont fait de même.

    Josep Borrell, de l’UE, était heureux de voir la fin de l’ère Trump, avec sa politique de l’Amérique d’abord, et parfois de l’Amérique seulement, enthousiasmé par l’affirmation de Biden selon laquelle il allait « diriger, non pas simplement par l’exemple de notre puissance, mais par la puissance de notre exemple. »

    L’effondrement de Kaboul dimanche, déclenché par la décision de Biden de se retirer de l’Afghanistan et une armée américaine incapable de contenir le chaos depuis, a certainement mis un terme à cela. Même certains de ses plus grands fans émettent désormais des critiques.

    M. Borrell en fait partie, cette fois-ci en raison de l’affirmation de M. Biden selon laquelle « notre mission en Afghanistan n’a jamais été censée être la construction d’une nation », dans le sillage des efforts déployés par l’Occident au cours des deux dernières décennies pour semer les graines de l’État de droit et assurer la protection des femmes et des minorités.

    « La construction de l’État n’était pas le but ? C’est discutable », a déclaré M. Borrell, dépité, à propos de la position de M. Biden, qui a été critiquée dans une grande partie de l’Europe.

    Et pour de nombreux Européens rompus à la diplomatie du soft power pour exporter les valeurs démocratiques occidentales, l’affirmation de M. Biden selon laquelle « notre seul intérêt national vital en Afghanistan reste aujourd’hui ce qu’il a toujours été : empêcher une attaque terroriste contre la patrie américaine » aurait pu être tirée d’un discours de M. Trump.

    Le président du Conseil de l’UE, Charles Michel, a souligné les différentes positions en déclarant dans un tweet jeudi que « les droits des Afghans, notamment des femmes et des filles, resteront notre principale préoccupation : tous les instruments de l’UE pour les soutenir doivent être utilisés ».

    La parlementaire française Nathalie Loiseau, ancienne ministre de l’Europe du président Emmanuel Macron, a exprimé plus crûment la déconnexion inattendue entre l’UE et Biden : « Nous avons un peu vécu la grande illusion », a-t-elle déclaré. « Nous pensions que l’Amérique était de retour, alors qu’en fait, l’Amérique se retire ».

    La situation n’était pas meilleure en Allemagne, où un membre éminent du bloc de l’Union de centre-droit de la chancelière allemande Angela Merkel, le gouverneur de Bavière Markus Soeder, a appelé Washington à fournir des fonds et un abri à ceux qui fuient l’Afghanistan, car « les États-Unis d’Amérique portent la principale responsabilité de la situation actuelle. »

    Même au Royaume-Uni, qui s’est toujours enorgueilli de sa « relation spéciale » avec Washington et qui, aujourd’hui plus que jamais, a besoin de la bonne volonté des États-Unis pour surmonter l’impact de sa sortie de l’UE, les critiques fusent de toutes parts.

    L’ancien chef de l’armée britannique Richard Dannatt a déclaré que « la manière et le moment de l’effondrement de l’Afghanistan sont le résultat direct de la décision du président Biden de retirer toutes les forces américaines d’Afghanistan avant le 20e anniversaire du 11 septembre ».

    « D’un seul coup, il a sapé le travail patient et minutieux des cinq, dix, quinze dernières années pour construire la gouvernance en Afghanistan, développer son économie, transformer sa société civile et renforcer ses forces de sécurité », a déclaré Dannatt mercredi au Parlement.

    « Le peuple avait un aperçu d’une vie meilleure – mais cela a été arraché ».

    Biden a pointé du doigt l’accord de l’administration Trump négocié avec les talibans 18 mois plus tôt à Doha, au Qatar, qui, selon lui, l’obligeait à retirer les troupes américaines, comme préparant le terrain pour le chaos qui engloutit maintenant le pays.

    Néanmoins, le fait que M. Biden rejette la plus grande partie de la responsabilité sur les forces afghanes qui ne protègent pas leur pays n’a pas non plus été bien accueilli par les alliés occidentaux.

    Le député conservateur Tom Tugendhat, qui a combattu en Afghanistan, a été l’un des nombreux législateurs britanniques à s’offusquer.

    « Voir leur commandant en chef remettre en question le courage des hommes avec lesquels j’ai combattu, prétendre qu’ils ont fui, c’est honteux », a déclaré Tugendhat.

    Chris Bryant, du parti travailliste d’opposition, a qualifié les remarques de Biden sur les soldats afghans de « commentaires parmi les plus honteux jamais tenus par un président américain. »

    À Prague cette semaine, le président tchèque Milos Zeman a déclaré qu’ »en se retirant d’Afghanistan, les Américains ont perdu leur statut de leader mondial. »

    Mais malgré toutes les critiques, il est impossible de se passer des États-Unis sur la scène mondiale. L’Amérique reste vitale pour les alliés occidentaux dans toute une série d’autres dossiers, notamment celui de l’action contre le réchauffement climatique.

    Après les catastrophes climatiques qui ont frappé une grande partie de la planète cette année, l’Union européenne comptera beaucoup sur M. Biden pour prendre des mesures efficaces lors de la conférence mondiale COP26 qui se tiendra en novembre à Glasgow, en Écosse, afin d’accélérer la lutte contre le réchauffement climatique.

    L’Europe et Washington ont également suffisamment de désaccords commerciaux à régler pour se rendre compte que, malgré la débâcle de l’Afghanistan, il y a beaucoup plus de choses qui les unissent que de choses qui les divisent. La puissance et l’aide américaines restent nécessaires, même en Afghanistan.

    Avant la réunion des ministres des Affaires étrangères de l’OTAN de vendredi, certains pays de l’Alliance ont reconnu qu’ils allaient plaider auprès de Washington pour qu’il reste en Afghanistan encore plus longtemps qu’il ne le faudrait pour ramener tous les citoyens américains chez eux, voulant s’assurer que leurs ressortissants en sortent aussi.

    « Nous, ainsi qu’un certain nombre d’autres pays, allons demander aux Américains de rester aussi longtemps que possible, voire plus longtemps que nécessaire », a déclaré Sigrid Kaag, ministre néerlandaise des Affaires étrangères.

    Associated press, 19/08/2021

  • Syrie: La DCA riposte aux attaques israéliennes à Damas

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    BEYROUTH (AP) – De fortes explosions ont secoué la capitale syrienne jeudi en fin de journée, alors que les médias d’État ont fait état de frappes aériennes israéliennes autour de Damas.

    L’agence de presse nationale SANA a déclaré que les défenses aériennes syriennes ont fait face aux avions israéliens, tandis que la radio Cham FM du gouvernement pro-syrien a fait état de frappes aériennes dans la campagne de Damas et dans la province centrale de Homs.

    Des habitants de Damas ont déclaré avoir entendu au moins cinq fortes explosions qui ont secoué des immeubles d’habitation sur une période de 15 minutes. Les missiles semblent avoir été tirés depuis le Liban, ce qui a surpris les habitants qui les ont entendus filer dans le ciel avant de frapper des cibles en Syrie.

    Aucun commentaire immédiat n’a été fait par Israël, qui commente rarement ses opérations militaires en Syrie. Aucune victime n’a été signalée dans l’immédiat.

    Israël a mené des centaines de frappes aériennes à l’intérieur de la Syrie au cours de la guerre civile syrienne, contre ce qu’il considère comme des cargaisons d’armes suspectes destinées au groupe militant libanais Hezbollah, soutenu par l’Iran, qui combat aux côtés des forces gouvernementales syriennes. Il est rare que la Syrie reconnaisse ou discute de telles opérations.

    En début de semaine, les médias d’État syriens ont rapporté qu’Israël avait mené une attaque au missile sur le sud de la Syrie mardi en fin de journée, visant une position militaire non précisée.

  • Cembrero: Comment j’ai découvert que le Maroc m’espionnait

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    Ignacio Cembrero révèle le détail avec lequel il a découvert que le Maroc l’espionnait
    Son appareil mobile avait été infecté par Pegasus, un logiciel difficile à détecter.

    L’espionnage de Pegasus fait constamment la une des médias. Le logiciel espion créé par la société israélienne NSO a contaminé plus de 50 000 appareils dans le monde, touchant notamment des journalistes, des hommes politiques, des hommes d’affaires et des militants.

    Ignacio Cembrero, journaliste spécialisé dans le Maghreb et le Moyen-Orient, est l’un de ceux qui ont été touchés par cet espionnage mondial. Dans un article publié par Cembrero lui-même dans El Confidencial, il décrit comment il s’est rendu compte qu’il était espionné.

    Le journaliste explique dans le journal qu’il a reçu d’un ami un lien vers une information publiée dans le média Maroc-Diplomatique. L’article, qui remet en question son indépendance, affirme qu’il a l’habitude « d’opérer dans les coulisses de chaque crise maroco-espagnole » et de recevoir de l’argent de « fonds ministériels espagnols secrets ».

    Bien que le journaliste affirme qu’il pensait qu’il s’agissait d’un énième article écrit sur lui depuis l’éclatement de la crise diplomatique entre l’Espagne et le Maroc, à la fin de l’article, « dans l’avant-dernier paragraphe », il a trouvé quelque chose qu’il ne s’attendait pas à voir. Sur ce support, « une idée que je n’avais fait qu’esquisser dans l’une de mes conversations WhatsApp a été reprise », raconte le journaliste, qui dit avoir conclu, après mûre réflexion, qu’il était espionné par les services secrets marocains. « Conclusion : les services secrets marocains avaient lu mes WhatsApp et le journaliste alaouite avait fait une erreur en s’en faisant l’écho », ajoute Cembrero.

    Bien qu’à ce moment-là, l’idée ne soit qu’un soupçon, le journaliste avoue dans son article qu’il y a une semaine, il a reçu quelques appels de Forbidden Stories. L’association de médias qui enquête sur cet espionnage l’a informé lors d’un premier appel que son téléphone portable figurait sur la liste des appareils qui avaient été contaminés par le logiciel Pegasus. Lors d’un second appel, il a été informé que les premiers rapports sur ce qui s’était passé seraient publiés le dimanche après-midi.

    Dans des déclarations à Infolibre, le journaliste ne semble pas surpris par cet espionnage et assure que « le Maroc a une longue tradition d’espionnage des journalistes ». Bien qu’il se considère comme privilégié de vivre dans un État de droit, M. Cembrero affirme : « Notre intégrité n’est pas menacée, seulement notre vie virtuelle. Pendant ce temps, des journalistes continuent d’être condamnés à la prison ».

    El Plural, 20/07/2021

  • Le nº2 du Mossad pourrait-il être un arabe israélien ?

    Le nº2 du Mossad pourrait-il être un arabe israélien ?

    Israël, Mossad, #Israël, #Mossad,

    ALLEZ SAVOIR CE QUI SE PASSE DANS LA TÊTE D’UN YIDDISH

    Selon le média israélien « IsraëlValley », le député Ram Ben-Barak (Yesh Atid), ancien n°2 du Mossad et président actuel de la commission des Affaires étrangères et de la Défense, a donné une réponse au journaliste Kalman Liebeskind.

    Ce dernier lui a demandé s’il accepterait qu’un Arabe israélien, même membre du parti islamique Ra’am devienne un jour n°2 du Mossad ? Réponse de Ram Ben Barak : « Je n’aurais rien contre je dirais même que j’attends ce jour avec impatience ! »

    Le Mossad est l’une des trois agences de renseignement d’Israël, avec le Shabak (plus connu sous le nom de « Shin Bet », qui est le service de sécurité intérieure) et l’Aman (chargé de la sécurité militaire).

    Contrairement au gouvernement, au parlement (Knesset), à l’Armée de défense d’Israël (Tsahal) et à l’agence de sécurité intérieure (Shin Bet), les objectifs, la structure et les pouvoirs du Mossad sont exemptés des lois constitutionnelles de l’État.

    Son activité est soumise à des procédures secrètes qui n’ont jamais été révélées.

    Son directeur (appelé le Ramsad, abréviation de « Rosh Ha-Mosad »), actuellement Yossi Cohen, relève directement et uniquement du Premier ministre.

    L’Express, 19/08/2021

  • 20 ans après, débâcle américaine en Afghanistan

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    par Abdelhak Benelhadj

    C’est fini. La première puissance militaire du monde a été boutée hors d’Afghanistan par des combattants d’un pays pauvre, sous-développé, armés seulement et pour l’essentiel de leurs convictions. Une leçon qui sera difficile à digérer par les états-majors des nations développées et moins développées.

    La narco-économie1, désorganisée, profondément pénétrée par la corruption et l’iniquité, minée par des luttes intestines qui s’appuient sur le clientélisme féodal et les liens complexes entre chefs de guerre, chefs de tribus et multiples intervenants publics et privés étrangers, rappelant les « guerres de l’opium (de la Chine contre la GB au milieu du XIXème siècle), la « guerre des Boxers » (1899-1901) et le bourbier vietnamien, a fini par voler en éclats.

    Liz Cheney, élue républicaine, a bien résumé la déroute de son pays, s’inquiétant qu’elle ne dégrade durablement l’image de l’Amérique, n’inspirant plus ni crainte à leurs adversaires ni confiance à leurs « alliés ».

    « C’est inexcusable. C’est catastrophique. Et cela est porteur de conséquences pas seulement pour l’Afghanistan, pas seulement pour la guerre contre le terrorisme, mais de façon globale pour le rôle de l’Amérique dans le monde ». La défaite américaine signifie « que les rivaux de l’Amérique [sous-entendu la Russie et la Chine] savent qu’ils peuvent nous menacer, et nos alliés s’interrogent ce matin sur le fait de savoir s’ils peuvent compter sur nous pour quoi que ce soit » (D. 15 août 2021).

    La portée de cet événement est encore difficile à mesurer. Quoi qu’il en soit, il n’était pas nécessaire d’attendre l’inéluctable retrait des armées américaines d’Afghanistan pour constater et anticiper une redistribution des rapports de forces à l’échelle mondiale, avec les pays occidentaux en difficulté dans des domaines où ils dominaient sans partage.

    La gestion de la pandémie en cours a montré les déficits considérables des Etats-Unis hors d’état de faire face à ce défi. Ordinairement prompts à venir au secours du monde, ils se sont avérés incapables de résoudre leurs propres problèmes.

    D. Trump avait même interdit que le moindre masque, test ou vaccin soit exporté, fût-ce vers un pays allié. Il s’est même permis de détourner vers son pays, sur un tarmac chinois, fin mars 2020, des articles destinés à la France.

    Heureusement, les autorités françaises, alliées fidèles, ne sont pas rancunières…

    En Afghanistan, en ce 16 août 2021, s’est joué plus qu’une défaite militaire occidentale infligée à une coalition dirigée par la première puissance de la planète.

    CHRONOLOGIE D’UNE FAILLITE MORTIFÈRE

    Quelques dates seraient bien insuffisantes pour résumer la guerre la plus longue que les Etats-Unis aient entreprise hors de leur territoire. Ci-après quelques repères.

    11 septembre 2001 : effondrement des twin-tower à Manhattan, abattues par deux avions de ligne, provoquant la mort de 2 977 personnes.

    14 septembre 2001. Les États-Unis et le Royaume-Uni désignent ouvertement Oussama Ben Laden comme responsable. Ils exigent des Talibans son extradition.

    18 septembre 2001. Le Conseil de sécurité des Nations unies demande aux Talibans d’appliquer la résolution no1 333 et d’extrader Oussama Ben Laden devant les autorités compétentes.

    Les Américains nationalisent la guerre contre les Talibans et la placent sous leur contrôle exclusif. Ils refusent ainsi à l’ONU le droit de la diriger et même de la surveiller (notamment grâce à un amendement permettant d’empêcher que des soldats américains puissent être déférés devant la Cour Pénale Internationale à laquelle les Etats-Unis ne reconnaissent aucune aptitude à juger leurs ressortissants qui relèvent de leurs seules lois nationales).

    07 octobre 2001 : Déclenchement de la guerre en Afghanistan. Une armada déferle sur l’Afghanistan par terre, air et mer (ainsi qu’il en sera de l’Irak moins de deux plus tard). Bombardements aériens (par des B1 et B52) et tirs de missiles de croisière (BGM-109 Tomahawk). 4 porte-avions sont mis à contribution avec de nombreux bâtiments accompagnés de sous-marins. Faite de bric et de broc, une alliance du nord disparate dont l’efficacité et la réputation surfaite en Europe, apporte un concours relatif qui n’a qu’une valeur politique. 2

    Une armée de près de 100 000 soldats au plus fort de la présence américaine en 2011.

    13 novembre 2001 : Chute de Kaboul.

    05 décembre 2001 : Conférence internationale à Bonn où sont exposés les buts de guerre. Désormais, l’Afghanistan va subir un programme de modernisation, de démocratisation, de pacification dans le cadre d’un « Nouveau Moyen Orient » que les Etats-Unis et leurs alliés se proposent d’entreprendre. Ce « nation building », dans les cartons depuis longtemps, échafaudé par les « faucons » qui gravitaient autour des décideurs à Washington3, allait enfin prendre forme. Samuel Huntington et sa guerre des civilisations4 retrouvaient là une conception ancienne de la colonisation bienfaitrice et civilisatrice qu’un Jules Ferry n’aurait pas reniée.

    En Irak, deux ans plus tard, le laboratoire allait ouvrir une succursale et de nouvelles horreurs expérimentales allaient être conduites. Les « filiales » allaient se multiplier à Abou Ghraïb, à Guantanamo et dans de nombreux pays qui ferment les yeux sur ce qui se passe chez eux…

    Viendra un jour où tous ces crimes seront jugés. Au moins devant le tribunal de l’histoire.

    11 août 2003 : En prenant le commandement de la Force internationale d’assistance à la sécurité (ISAF) à Kaboul, l’Otan entame sa première opération hors des frontières européennes en 54 ans d’existence. L’Organisation change de dimension et se place à l’échelle mondiale. Mais l’important ici tient au poids des images et des mots-clé : les Etats-Unis avaient le besoin de construire et de crédibiliser une « communauté internationale » nécessaire à la conduite de sa politique, aussi bien à l’attention de ses ennemis qu’à celle de sa propre opinion publique, toujours rétives aux interventions militaires à l’étranger. La guerre du Vietnam a laissé des traces indélébiles.

    L’écrasante majorité des moyens matériels et humains est américaine. Le reste des figurants est là surtout pour la com’.

    31 décembre 2014. Le retrait des forces de combat de l’Otan s’achève.

    29 février 2020. Après plusieurs mois d’échanges discrets, les talibans signent avec les États-Unis l’Accord de Doha, fixant les conditions du retrait des troupes occidentales dans les quatorze mois (avec des clauses secrètes).

    Les Talibans ont assuré (mais sans aucune garantie) que ceux qui ont travaillé pour le régime et l’occupation étrangère ne seront pas inquiétés. Ils se sont aussi engagés à protéger les étrangers humanitaires et non militaires. Là aussi sans aucune garantie.

    Remarque : J. Biden, lundi 16 août, pour expliquer la défaite de son pays, a mis sur le dos du gouvernement afghan et de son armée (« pourtant soutenue et financée par Washington »), leur inaptitude et leur incapacité de former une autorité capable de faire face aux Talibans.

    Il oublie que les Etats-Unis ont négocié leur retrait avec les Talibans à Doha à l’insu et en l’absence du gouvernement afghan. Comment pouvait-il espérer mieux, avec un tel mépris pour les fantoches installés à Kaboul.

    Tous les procédés similaires (vietnamisation, irakisation, afghanisation…), cosmétiques à l’usage des opinions publiques, de ce type de conflit ne présentent la moindre alternative à une mauvaise guerre et à une inévitable et piteuse retraite.

    S’il y a deux pays, dans l’histoire des deux ou trois derniers siècles, qui ont subi les plus affreuses guerres que l’Amérique ont engagées contre d’autres pays, si l’on excepte les abominations nucléaires commises contre le Japon en 1945, car elles appartiennent à une autre catégories de monstruosités, ce serait bien le Vietnam (libéré le 30 avril 1975) et l’Afghanistan.

    Il y a bien des différences entre ces conflits, notamment le fait que la guerre du Vietnam et celle de Corée participaient d’une guerre froide opposant deux camps idéologiquement et mondialement antagonistes, mais ils sont identiques sur au moins un point : une seconde défaite humiliante pour la première puissance militaire de l’histoire de l’humanité.

    Un record que Hollywood se gardera de glorifier. Rien d’extraordinaire.

    Aucune nation ne commémore ses déroutes : les Français oublient très vite Azincourt, Aboukir, Trafalgar, Waterloo, Sedan, Mers el Kebir… Les historiens embeded se chargent de trier ce qu’il convient d’enseigner aux enfants.

    Les gagnants et les perdants

    L’Afghanistan, les supplétifs abandonnés à leur sort, l’image de l’Amérique et plus largement de l’Occident vont y laisser, chacun pour ce qui le concerne, des plumes. Cette guerre-là des règlements de comptes n’est évidemment pas achevée.

    Le sort des « fixeurs » n’est pas encore fixé.

    On (sous-) estime à 18 000 les auxiliaires Afghans (53 000 avec leurs familles) au service des occidentaux coalisés à divers titres : milices, traducteurs, administratifs, informateurs, guides…

    L’ex-général David Petraeus5 déclarait dans le Washington Post lundi 28 juin qu’il était du devoir moral des Etats-Unis d’organiser un pont aérien pour leur accorder l’asile. Ce serait le minimum que ces gens, pour la plupart d’entre innocents de tout crime, seraient en droit d’attendre.

    Or, les visas ne sont pas délivrés et le budget a été minoré pour les assister. L’idée de les placer en transit sur l’île de Guam en attendant de régler leur situation administrative reste à l’état de projet et vient buter contre les controverses autour de la politique migratoire des Etats-Unis, entre les promesses électorales de J. Biden et l’intransigeance toujours active de D. Trump.

    Les Français usent d’un « hub » sur une base militaire à Abu Dhabi pour opérer discrètement leur tri.

    Paris accorde 1000 visas pour ceux, déclare la ministre de la défense française sur franceinfo le lundi 16 août, « qui ont rendu d’éminents services à notre pays en nous aidant au quotidien, et par ailleurs faire le maximum pour mettre en protection des personnalités qui ont défendu les droits, les droits de l’Homme, des journalistes, des artistes, tous ceux qui sont engagés pour ces valeurs que nous continuons de défendre partout dans le monde ».

    1000 visas, une goutte d’eau. L’Allemagne annonce dix fois plus. Même si, compte tenu du format de leur engagement, les Etats-Unis se chargent de la plus grande part.

    Abandonnés, jetés après usages. Personne ne s’embarrasse des outils indigènes qui ont épuisé la pertinence et l’opportunité de leur utilité. A l’exception de petits débrouillards et de filous qui réussissent à passer entre les mailles du filet, la plupart de ceux qui ont servi sont livrés à leur sort. Les scènes observées sur les pistes de l’aéroport de Kaboul renvoient à celles de films catastrophe tels « War World Z » (Marc Forster, 2013) et renforce l’imaginaire de barricadés entretenu en Occident, un îlot civilisé entouré d’un océan de barbares, un cliché qui remonte au moins jusqu’à Hérodote.

    La majorité de ceux qui parviennent à rejoindre les rives de la « civilisation », sont parqués comme les harkis en 1962, dans des « camps de transit et de reclassement » dans le sud de la France où ils resteront en transit et reclassement perpétuels.

    Les moins oublieux se souviennent de la fuite éperdue des Américains par la terrasse de leur ambassade via des hélicoptères, alors que les Vietnamiens qui ont servi leur cause tentaient en vain de franchir avec leurs familles les grilles d’une forteresse assiégée.

    Cela permet par la suite de laisser couler quelques larmes de crocodiles sur le sort des supplétifs exécutés par leurs frères ou recyclés dans des camps de « rééducation » et de dénoncer les régimes « terroristes » qui leur ont succédé.

    A l’évidence, tous ceux qui seraient tentés par une carrière d’« auxiliaires » devraient mesurer la confiance très relative que leur témoigneraient leurs employeurs si les affaires tournent mal ou lorsque la « mission » est achevée. Encore une raison qui explique le silence de la fuite.

    Le gouvernement afghan, sous prétexte de pandémie, avant son évaporation, avait fermé le bureau des passeports justement pour éviter un exode massif des Afghans vers l’étranger.

    Le président E. Macron, en campagne pour sa réélection, dans son allocution télévisée du lundi 16 août a très vite souligné le risque migratoire avec les menaces qu’il ferait peser sur la sécurité de l’Europe sur celle des malheureux qui se lanceraient dans cette aventure, comme on l’observe pour les migrants sahéliens ou proche-orientaux qui traversent la Méditerranée.

    La Turquie met une touche finale à son « Mur » et tous les pays de la région se tiennent prêts. Le Pakistan a annoncé très tôt être disposé à fermer ses frontières en cas de mouvement massif de population.

    Les autres supplétifs.

    L’Otan s’est engagée très tôt (août 2003), au nom de l’article V (clause de défense collective) aux côtés des Etats-Unis en Afghanistan. C’est ainsi, au nom de la défense de l’Occident, menacé par le « terrorisme islamiste » que les gouvernements européens ont fait avaler à leurs opinions publiques leur participation à leur campagne afghane. 38 pays ont collaboré à cette guerre américaine en Afghanistan.

    Contrairement à ce qui est affirmé sur tous les médias, ce n’est ni à D. Trump, ni à J. Biden que l’initiative de retrait devrait être attribuée. Dès 2010, B. Obama l’avait projetée. La question alors n’était pas le retrait, mais l’afghanisation du pays après le départ des troupes de l’OTAN (sous commandement américain, est-il besoin de le rappeler).

    22 juin 2011. Obama annonce le retrait de milliers de soldats américains.

    En sorte qu’en 2021, il ne s’agit plus de décision de retrait, mais de décision « d’accélération » de ce retrait.

    Or, les « alliés » de Washington, au même titre d’ailleurs que les Afghans, n’ont été associés ni à cette décision de retrait, ni à son accélération, ni même à son calendrier.

    Ils ont juste été informés après coup… comme d’habitude.

    Il n’y a eu aucun débat à l’Assemblée nationale en France, ni ailleurs.

    Certains auraient peut-être voulu des explications sur ce retrait humiliant. Après tout une centaine de soldats français y ont laissé la vie…

    N’aurait-il pas été pertinent de se demander non pas pourquoi les Occidentaux s’en vont, mais plutôt pourquoi ils y sont allés et guerroyé 20 ans durant ?

    Fut-ce seulement à cause de Ben Laden (au reste exécuté sans jugement au Pakistan) ?

    Le plus cocasse en cette affaire d’« alliés » est qu’au moment de la déclaration de retrait unilatéral américain, les troupes sur le terrain étaient plus américaines mais dans leur majorité, européennes.

    Les Etats-Unis sont aux manettes et contrôlent les opérations (comme ailleurs, en Libye ou au Sahel, par exemple) via les capacités critiques, les clés de la décision stratégique et tactique (la logistique, l’information décisive) qu’ils sont seuls à posséder.

    Les Américains fixent les objectifs, déterminent le chemin à suivre et distribuent les rôles en y mettant (mais pas toujours) la forme qui convient. Les autres exécutent.

    Mais cette guerre n’est pas perdue pour tout le monde. Il y a d’autres comptes à régler.

    Le monde de la finance et le système militaro-industriel poussent régulièrement à la guerre inventant à chaque fois que nécessaire de nouveaux ennemis et un nouvel « empire du mal ».

    En 2010, alors que la pacification du pays et la lutte contre les talibans marquaient le pas, l’USGS (United States Geological Survey) révélait l’existence de ressources minières, pétrolières et gazières d’une valeur minimum de 1000 milliards de dollars, dont près de 1,3 millions de tonnes de terres rares et 3,48 millions de tonnes de minerais de niobium… (https://www.geostrategia.fr, 13 février 2018)

    Selon des chercheurs de l’université Brown, les Etats-Unis ont déboursé 2261 Mds$ entre 2001 et 2021. Les budgets du Département de la Défense et du Département d’État se sont ainsi alourdis de 1435 Mds$. Les dépenses de soin pour les vétérans ont, quant à elle, coûté 296 Mds$. Et les 530 derniers Mds$ ont été nécessaires pour payer les intérêts des emprunts contractés par les Etats-Unis pour financer cette guerre.

    Entre 2001 et 2050, si on élargit aux interventions au Pakistan et en Irak, les Américains devraient verser 6 500 Mds$ d’intérêts sur les sommes empruntées pour les financer. Une montagne de dollars qui semble avoir été investie en pure perte.6

    La Banque Mondiale évalue en 2020 à un peu moins de 20 Mds$ le PIB annuel de l’Afghanistan (36 millions d’habitants), soit un peu plus de 500 dollars par hab. Cela signifie que les Etats-Unis ont dépensé (sans tenir compte des créances à venir) l’équivalent de 113 PIB annuels de ce pays pour tenter officiellement de le pacifier.

    Naturellement, ces sommes ont servi à bien d’autres buts qu’à la quiétude, à la prospérité et à la civilisation des Afghans. Tant d’armements commandés. Tant d’expériences « intéressantes » réalisées dans ce laboratoire in vivo… pour ainsi dire…

    Certes, les Etats-Unis, notamment via le dollar et Wall Street, se débrouillent toujours pour recycler leurs dettes en les faisant endosser par le reste du monde. Il n’en demeure pas moins qu’outre les pertes géopolitiques occasionnées par cette sombre campagne, il reviendra au peuple américain de demander au bénéfice de qui réellement ces dépenses ont été ordonnées en son nom…

    C’est contre ces dérives et ce « système » que naguère le général-président D. Eisenhower (qui parlait d’expérience) prévenait les Américains dans son discours de fin de mandat le 17 janvier 1961. Il ne semble pas que son avertissement ait porté.

    « Dans les assemblées du gouvernement, nous devons nous garder de toute influence injustifiée, qu’elle ait ou non été sollicitée, exercée par le complexe militaro-industriel. Le risque d’une désastreuse ascension d’un pouvoir illégitime existe et persistera. Nous ne devons jamais laisser le poids de cette combinaison mettre en danger nos libertés et nos processus démocratiques. Nous ne devrions jamais rien prendre pour argent comptant. Seule une communauté de citoyens prompts à la réaction et bien informés pourra imposer un véritable entrelacement de l’énorme machinerie industrielle et militaire de la défense avec nos méthodes et nos buts pacifiques, de telle sorte que sécurité et liberté puissent prospérer ensemble. »

    Nouveau contexte géostratégique régional : l’axe du monde bascule.

    Croire que le retour des Talibans aux affaires est un retour aux conditions initiales, serait une grave erreur. Il arrive à l’histoire de bégayer, mais c’est seulement pour permettre aux vaincus de relancer une guerre perdue (déjà la « femme afghane opprimée » devient l’objet principal des tabloïds et des « une ») ou pour couvrir l’ignorance de ceux qui ont besoin d’analogies commodes pour paraître savants.

    Les Etats-Unis, en l’espace de deux interventions militaires en moins de deux ans, ont rendu un immense service à l’Iran, le débarrassant de deux irréductibles ennemis : le régime de Saddam Hussein à l’ouest (ainsi fabriqué pour faire front à la Révolution de 1979) et celui des Talibans à l’est.

    Le nouveau régime victorieux de l’Amérique qui triomphe à Kaboul ne sera sûrement pas dans les mêmes dispositions que celui que les Américains ont chassé en 2001. Téhéran en a pris la mesure dès le 16 août par la voix de son président tout nouvellement élu. Les Russes et les Chinois ont, depuis longtemps, pris leurs dispositions en vue l’inévitable défaite de Washington.

    Désormais, il n’y a plus d’alliés de l’Occident autour de l’Afghanistan, à l’exception peut-être des ambiguës anciennes républiques socialistes soviétiques (Ouzbékistan et le Tadjikistan) qui tentent de se ménager des libertés de manoeuvre sur tous les tableaux.

    Autour, il y a l’Iran, la Russie, la Chine, le Pakistan. Entre les quatre pays une coopération et des liens de plus en plus denses se tissent. Un peu plus loin, Ankara cogite et compute.

    La Chine continue de tisser sa toile et de tracer ses « routes »…

    En 2007, deux entreprises d’État chinoises, Metallurgical Corporation of China (MCC) et Jiangxi Copper Corporation (JCCL) ont investi 4,4 milliards de dollars dans le gisement de cuivre d’Aynak. MCC aurait proposé des investissements à hauteur de 10 Mds$ pour mettre en valeur le gisement. En plus de cela, China National Petroleum Corporation (CNPC) a sécurisé trois blocs pétroliers du champ de pétrole d’Amu Darya. À la suite de cet investissement, un accord de faisabilité a été signé avec le gouvernement afghan en 2012 pour la construction du segment afghan d’un pipeline allant d’Iran en Chine et passant par l’Afghanistan et le Turkménistan. (https://www.geostrategia.fr, 13 février 2018)

    15 novembre 2020. Pékin célèbre en fanfare la conclusion du Partenariat régional économique global (RCEP), établissant sous son égide la zone de libre-échange la plus imposante de la planète, face à l’Europe et aux États-Unis toujours englués dans la pandémie. Le premier ministre Li Keqiang et 14 dirigeants des principales économies d’Asie-Pacifique ont signé, par vidéo interposée, un accord douanier spectaculaire facilitant les échanges entre plus de 2 milliards d’habitants, pesant un tiers du PIB mondial.7

    La Chine a maintenant les mains plus libres pour exploiter l’amitié « proclamée » entre les deux pays à peine les troupes américaines parties. Il ne fait pas de doute que Chinois et Talibans étaient en contacts et en transactions approfondies bien avant la chute de Kaboul.

    L’Inde est affaiblie, perturbée par ses désordres politiques internes, aggravés par la pandémie du Covid-19 où la dernière souche très contagieuse est née et avait pris son nom avant de devenir le « variant delta ». Acteur virtuellement majeur, sans dépourvue de moyens, elle est pour le moment écartée de l’essentiel.

    L’autre nerf de la guerre.

    Ne reste plus à l’Amérique que les leviers traditionnels en attendant…

    Les Talibans ne pourront pas mettre la main sur les milliards de dollars de réserves de l’Afghanistan, largement détenus à l’étranger.

    « Les actifs de la Banque centrale que le gouvernement afghan possède aux États-Unis ne seront pas mis à la disposition des Talibans», assurait lundi 16 août un responsable de l’administration Biden.

    Au total, les réserves brutes de la Banque centrale afghane s’élevaient à 9,4 milliards de dollars fin avril, selon le Fonds monétaire international (FMI). La majorité de ces fonds sont détenus en dehors de l’Afghanistan.

    Cet acte de brigandage est coutumier des pirates qui se paient sur la bête. Personne ne sait ce que sont devenus les capitaux irakiens à l’étranger après la chute de Baghdad en 2003 ou des milliards de dollars libyens après l’assassinat de M. Kadhafi en 2011. Combien ? Où ? Qui ?… « mystère et boule de gomme ».

    Les États-Unis, qui dominaient l’Afghanistan militairement et financièrement depuis 20 ans, pourraient aussi tenter de bloquer l’aide prévue par le FMI et la Banque mondiale, comme ils l’ont fait avec d’autres pays dont ils cherchent à faire capituler les gouvernements, tel le Venezuela.

    Réduire l’aide de façon drastique pour tenter de mettre à genoux le régime, est une tentation si… tentante. Et dire que les pays occidentaux critiquent la Chine l’accusant d’user des mêmes procédés destinés à fabriquer des obligés : endetter pour mieux astreindre…

    Le FMI avait approuvé le 06 novembre 2020 un programme d’aide de 370 millions de dollars pour l’Afghanistan devant alors s’étaler sur 42 mois (trois ans et demi), avec un décaissement immédiat de 115 millions de dollars. Une seconde tranche d’aide d’un montant de 149,4 millions de dollars a été versée début juin. Il reste donc quelque 105,6 millions de dollars à verser dans le cadre de ce plan d’aide. (AFP, mardi 17 août 2021)

    Chacun sait que le FMI et la Banque mondiale sont des instruments entre les mains du bellicisme américain, est un propos de complotiste.

    Ce sont des institutions professionnelles, apolitiques et honorables, hors de toute inclination idéologique et qui s’acquitteront scrupuleusement de leurs obligations contractuelles…

    Cette guerre a fait un peu plus de 3000 morts dans la coalition dirigée par les Etats-Unis et quelques dizaines de milliers de blessés. C’est surtout le contingent américain, en proportion de son engagement, qui en a été le plus affecté.8

    Il a fait un nombre incalculable de victimes afghanes, des centaines de milliers de morts, comme d’habitude surtout parmi des civils.

    En Irak, en Syrie, en Libye, au Yémen, en Somalie, au Soudan… en Palestine…

    Tout ça pour ça…

    Notes :

    1- Juillet 2000. Les Talibans avaient tenté d’éradiquer les champs de pavot en édictant une fatwa en ce sens. La production avait alors chuté de 90%. Vingt ans plus tard, l’Afghanistan est redevenu un pays totalement gangrené par la drogue. En 2020, le pays comptait 224.000 hectares de pavot, soit une hausse de 37% par rapport à 2019, selon l’Office des Nations unies contre les drogues et le crime (UNODC).

    2- Le « commandant Massoud » figure de proue de cette coalition hétéroclite (le « Lion du Panshir ») a été éliminé dès le 09 septembre 2001. Aujourd’hui, son fils, Ahmed, reprend du service et lance un appel ce 16 août à la résistance (https://laregledujeu.org), faisant référence à l’Europe de 1940… Le 15 août il envoyait au Journal du dimanche une lettre adressée à « son ami Bernard-Henri Lévy », suppliant la France de soutenir l’armée afghane…

    3- Cf. Lettre ouverte à B. Clinton du 26 janvier 1998 signée par 18 faucons poussant au renversement de S. Hussein.

    4- Samuel P. Huntington (1996) : Le choc des civilisations. Traduction O. Jacob, 2000, 545 p.

    5- Ex-commandant de la « Force internationale d’assistance et de sécurité » en Afghanistan entre 2010 et 2011 et directeur de la Central Intelligence Agency de 2011 à 2012. Il démissionne cette année-là pour une affaire d’adultère et, accessoirement, pour avoir détenu et transmis des informations secrètes.

    6- L’Expansion-Express, le mardi 17/08/2021

    7- Une gigantesque zone de libre-échange entre les 10 États de l’Asean – Indonésie, Thaïlande, Singapour, Malaisie, Philippines, Vietnam, Birmanie, Cambodge, Laos et Brunei – et la Chine, le Japon, la Corée du Sud, l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Cela, malgré les difficultés crées par les Etats-Unis par l’entremise de l’Australie.

    8- Pour éviter les « émotions » qui ont bouleversé l’Amérique lors de la guerre du Vietnam la rendant totalement impopulaire, Washington a pris deux décisions stratégiques : premièrement, l’armée sera composée de « professionnels » tarifés. Il ne s’agira plus que de soldats contractuels qui savent à quoi s’en tenir. Deuxièmement, aucun reporter « indépendants » n’accèdera au front s’il n’est pas scrupuleusement labellisé. Désormais, les guerres seront « clean », sans mort et sans images, sinon celles strictement triées par les « services compétents ».

    Le Quotidien d’Oran, 19/08/2021

  • Afghanistan : La débâcle américaine

    Afghanistan : La débâcle américaine

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    L’anti-Saïgon

    Par Mohamed Habili

    Beaucoup d’Américains, et d’abord leur président, disent après la chute de Kaboul avoir été surpris non que le pouvoir et l’armée afghane créée de toutes pièces par eux se soient effondrés, à l’approche des Talibans, mais qu’ils l’aient fait aussi vite. On n’aurait vu aucune de ses scènes de chaos et de panique sur les pistes de l’aéroport international de Kaboul, où de désespoir des Afghans se sont accrochés à des avions en train de prendre leur envol, pour ensuite s’écraser au sol, si, à les en croire, les Afghans avaient voulu se battre.

    Des images qui n’ont pas été sans rappeler la débâcle de 1975 dans Saigon libéré. On se souvient peut-être qu’au moment où l’offensive talibane commençait, en mai dernier, le renseignement américain était d’avis que le collapse se produirait sans doute, mais pas tout de suite, au bout de six mois, un délai suffisant pour permettre un retrait digne et des troupes, et des ressortissants américains et des alliés afghans.

    Interrogé plus d’une fois sur l’éventualité de l’effondrement, Joe Biden l’avait estimé des plus improbables, alléguant notamment la supériorité de l’équipement mais également la longue préparation des troupes régulières afghanes dans la perspective du choc à venir.

    S’il n’avait pas carrément dit qu’elles remporteraient la victoire, ses propos autant que l’air dont il les avait accompagnés le laissaient néanmoins clairement entendre. On sait maintenant qu’il n’y croyait rien, et que tout ce qu’il attendait des alliés afghans, c’est seulement qu’ils aient assez envie de se défendre pour que son retrait à lui se fasse sinon sans encombre, du moins sans rien qui ressemble à une débâcle.

    Cela bien sûr n’a pas échappé aux amis afghans, certains que leur sort était scellé dès lors qu’ils n’avaient pas été admis aux pourparlers de Doha, censés pourtant déboucher sur un accord de paix en Afghanistan. Une négociation dont une partie essentielle est exclue se fait nécessairement au détriment de celle-ci.

    Américains et Talibans se sont entendus à Doha pour une passation de pouvoir entre eux qui sur le terrain paraîtrait une guerre bien réelle, avec des pertes humaines et matérielles de part et d’autre. Dans ce premier scénario, l’acte final, la bataille de Kaboul, devait avoir lieu, à la suite de plusieurs autres, mais une fois que les Américains auraient vidé les lieux.

    Pour qu’il y ait effondrement, encore faut-il qu’il y ait au départ une réelle volonté de se battre, chez ceux-là même qui sont condamnés à perdre. L’armée afghane ne s’est pas effondrée, elle a refusé le combat, elle a pactisé avec les Talibans, de même que l’ami américain a passé un deal de non-agression avec eux. Elle se serait sans doute battue si les Américains n’avaient pas commencé par faire la paix avec les Talibans, qui pour ce qui les concerne avaient parfaitement compris que les Américains n’avaient qu’une seule envie : s’extirper de l’Afghanistan, leur pays, «le cimetière des empires», une réputation que Joe Biden a tenu à rappeler dans ses dernières «remarques sur l’Afghanistan», faites lundi sous forme d’adresse à ses compatriotes.

    En l’espèce se battre pour les Afghans aurait seulement signifié acheter au prix de leur sang du temps pour que les Américains puisent s’offrir un retrait de première classe. Un anti-Saigon. Une revanche sur Saigon. Ils ont préféré ne pas leur faire ce cadeau-là, mais plutôt les associer à leur débâcle. Ils ont été trahis, ils ont trahi à leur tour.

    « Morts pour rien »

    Fouzia Mahmoudi

    La situation en Afghanistan préoccupe aujourd’hui l’ensemble de la planète, plus particulièrement les pays qui furent militairement engagés lors de la guerre menée par l’armée américaine et ses alliés en octobre 2001, moins d’un mois après les attaques du 11 septembre. La France a quant à elle perdu 89 soldats qui semblent pour certains, au vu de la situation actuelle de l’Afghanistan, être «morts pour rien», des mots même du père d’un militaire français décédé.

    Lundi soir, Emmanuel Macron donnait dans un discours solennel sa vision de la situation afghane et a choqué une partie de la gauche française. Plusieurs responsables de gauche se sont en effet indignés hier des propos d’Emmanuel Macron qui a affirmé lundi, dans son intervention sur l’Afghanistan : «Nous devons anticiper et nous protéger contre des flux migratoires irréguliers importants».

    Le député européen EELV Yannick Jadot, candidat à la primaire écologiste pour la présidentielle de 2022, s’est dit sur Twitter «sidéré d’écouter Emmanuel Macron déclarant que les femmes, les hommes et les enfants qui fuient l’enfer des talibans sont d’abord une menace, des migrants irréguliers, avant d’être des victimes et potentiellement des réfugiés». «Et l’asile ? Et ces enfants, ces femmes, ces hommes qui fuient l’horreur ?», a lancé le secrétaire national d’EELV, Julien Bayou.

    «Macron fait honte à la France», a affirmé le maire écologiste de Grenoble, Éric Piolle, autre candidat à la primaire. Lors d’une allocution télévisée lundi à 20 heures, le chef de l’État avait déclaré : «La France fait et continuera de faire son devoir pour protéger celles et ceux qui sont les plus menacés. (…) Mais l’Afghanistan aura aussi besoin dans les temps qui viennent de ses forces vives et l’Europe ne peut pas à elle seule assumer les conséquences de la situation actuelle. Nous devons anticiper et nous protéger contre les flux migratoires irréguliers importants qui mettraient en danger ceux qui les empruntent et nourriraient les trafics de toute nature».

    «Flux migratoires irréguliers, c’est donc ce terme que les femmes et les hommes qui s’accrochent aux ailes des avions à Kaboul auront inspiré à Emmanuel Macron», a regretté le député ex-LREM Aurélien Taché, que le gouvernement avait chargé en 2017 d’un rapport sur l’intégration avant qu’il ne prenne ses distances avec la majorité. «Quel cynisme ! Quelle honte !», s’est indignée la sénatrice socialiste Laurence Rossignol, tandis que son collègue Rémi Féraud jugeait cette intervention «digne d’un mauvais président de droite». Il faut «protéger toutes celles et tous ceux qui relèvent désormais du droit d’asile», a affirmé le patron du PS, Olivier Faure.

    Devant le début de polémique, et alors que ses propos avaient été raillés par le lanceur d’alerte Edward Snowden d’un tweet lapidaire, «Emmanuel Le Pen !», le chef de l’État avait précisé lundi peu avant minuit sur Twitter, à propos de ses déclarations, «que certains veulent détourner», que «la France fait et continuera de faire son devoir pour protéger celles et ceux qui sont les plus menacés». Mais la gauche française semble oublier, comme à son habitude, que les milliers de migrants qu’elle appelle de ses vœux, doivent aussi être accueillis dans des conditions dignes et avec l’argent des contribuables, qui sont déjà nombreux, comme l’a démontré le mouvement des «gilets jaunes» à ne pas être capables de joindre les deux bouts et qui se voient depuis trente ans sommés malgré eux de financer les programmes utopistes de leurs politiques.

    Le jour d’Algérie, 17/08/2021