Catégorie : Sahara Occidental

  • Algérie-Maroc : La bourde monumentale de Zetchi

    L’assemblée générale élective de la Confédération africaine de football (CAF), qui s’est déroulée le 12 mars à Rabat, a accouché d’un plébiscite pour le richissime Sud-Africain Motsepe, avantageusement boosté qu’il fut par le président de la FIFA.

    Cet événement (dont l’épilogue était déjà écrit depuis plusieurs jours) aurait pu être d’une actualité secondaire sans cette monumentale bourde commise par la délégation algérienne menée par Kheireddine Zetchi, le président de la FAF.

    Le programme envoyé quelques semaines auparavant aux 54 Fédérations nationales africaines comportait, comme l’exige le règlement, les propositions d’amendements des statuts, dont l’une (inscrite par la partie marocaine), imposait la mise en place de conditions d’admissibilité à tout nouveau postulant à la qualité de membre de la CAF.

    Le secrétaire général de cette instance l’a annoncé à la fin du scrutin : la résolution a été approuvé par 100% des présents, ce qui laisse entendre que même la partie algérienne a entériné cette disposition particulière qui contentait le Maroc.

    Il ne faut pas être dupe pour admettre que celle-ci visait à faire barrage à une entité non encore membre de l’ONU, la RASD, et à sa jeunesse d’opérer un brassage intra-africain et d’exister dans le concert des nations continentales, ce qui aurait été salutaire à son épanouissement. Il est, en effet, inadmissible pour un responsable d’une Fédération de renom, celle de l’Algérie en l’occurrence, de ne pas avoir flairé le subterfuge marocain, en fréquentant les coulisses de la CAF et d’y organiser un travail d’opposition aux uns et de sensibilisation aux autres à la mesure des intérêts d’un peuple spolié de son droit à l’autodétermination. Désormais, cette mesure n’a cours qu’en Afrique. La FIFA et les autres Confédérations continentales (Amérique du Sud, Amérique du Nord, centrale et Caraïbes, Europe, Asie et Océanie) intègrent en leur sein des Fédérations nationales dont les pays ne sont pas membres de l’ONU. C’est le cas, par exemple, du Kosovo, de Taïwan, de Gibraltar, Chypre du Nord, des îles Feroe (non reconnus par l’ONU en tant que nation) et de nombreuses îles et archipels d’Océanie.

    Il était donc du devoir de Zetchi de faire preuve de vigilance, comme le font nos nombreux cadres et personnalités astreints dans les conférences internationales à veiller dans leurs démarches à la défense des intérêts nationaux. Manque d’expérience, passivité ou désintérêt ? La posture de l’abstention que le président de la FAF a beau faire prévaloir au cours de ces assises renseigne en fait sur la docilité dont il a fait preuve face à la flibusterie marocaine, manœuvre grotesque qui ne visait qu’un seul objectif. Au terme de cette forfaiture lamentable qui n’honorera pas les dirigeants du football africain, la presse du royaume s’est empressée de s’enflammer en la qualifiant de «victoire diplomatique sur l’Algérie». Rien que ça ?…

    Le peuple sahraoui peut s’enorgueillir d’avoir été, en 1999 au sommet de Syrte (Libye ), un éminent membre fondateur de l’Union africaine (UA) et, qu’à ce titre, il jouit de ses pleins droits diplomatiques au sein de la communauté africaine. Il est toutefois dommage que l’instance continentale du football africain, à travers ses membres élus, corrompus pour la plupart, continue à être colonisée par les Blancs du Nord et n’arrêtent pas de s’adonner à des filouteries d’un autre âge. Ces attitudes qui perdurent viennent nous rappeler combien la politique de la chaise vide de nos représentants sportifs dans les instances continentales et internationales impacte considérablement nos intérêts nationaux et, partant, la place la plus large dont devrait jouir notre pays dans les structures sportives dirigeantes africaines et mondiales.

    El Watan, 17 mars 2021

    Tags : Maroc, Algérie, Sahara Occidental, CAF, FIFA,

  • UA : Le CPS demande au Maroc et à la RASD de s’engager dans des pourparlers directs et sans préconditions

    Le Conseil de la paix et de la sécurité de l’Union africaine (CPS) a demandé, jeudi, au Maroc et à la République arabe sahraouie démocratique (RASD) de s’engager dans des “pourparlers directs” et sans “conditions préalables” en vue de parvenir à un “règlement définitif ” du conflit au Sahara Occidental, qui garantit au peuple sahraoui son droit inaliénable à l’autodétermination.

    Le CPS ” demande au Royaume du Maroc et à la République arabe sahraouie démocratique de cesser immédiatement les hostilités et d’engager le dialogue, de créer un environnement propice à des pourparlers directs et francs, sans aucune condition préalable et conformément à l’article 4 de l’Acte constitutif de l’UA et aux dispositions pertinentes du Protocole relatif au CPS”, indique l’organe décisionnel de l’organisation africaine dans le communiqué final de sa réunion du 9 mars au niveau des chefs d’Etat et de gouvernement, rendu public jeudi.

    Se déclarant “préoccupé” par l’impasse persistante dans laquelle se trouve le processus politique engagé sous les auspices des Nations unies, le Conseil a tenu à rappeler que le plan de paix onusien devait ” parvenir à une solution politique mutuellement acceptable qui permette l’autodétermination du peuple du Sahara occidental”.

    Le CPS a également demandé à la Commission de l’UA de prendre d’urgence les mesures nécessaires pour la réouverture du Bureau de l’UA à Laayoun, au Sahara occidental occupé, afin de permettre à l’Union africaine de réactiver son rôle dans la recherche d’une solution politique à ce conflit de longue date.

    A cet effet, le Conseil a ordonné d’entreprendre une mission de terrain dans la région, dès que possible, afin de faire le suivi, sur place, de la situation.

    Soulignant le rôle de l’organisation africaine dans le règlement du conflit, le CPS a décidé que la Troika de l’UA revitalise d’urgence son engagement avec le Maroc et la RASD en vue de trouver pacifiquement une solution permanente à la crise.

    L’organe décisionnel de l’UA a également décidé de s’acquitter de son mandat sur le conflit, en examinant la situation au Sahara occidental le cas échéant, au niveau des chefs d’Etat et de gouvernement, y compris en recevant des informations de la Troïka de l’UA.

    Il s’est dit aussi “Conscient du rôle historique de l’OUA/UA en tant que garant du plan de règlement du conflit du Sahara occidental signé par les deux parties en 1991, et qui a conduit au déploiement de la Mission des Nations Unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (Minurso) pour superviser le cessez-le-feu et organiser un referendum d’autodétermination du peuple du Sahara occidental”.

    Tout en Reconnaissant le rôle “crucial” de l’ONU dans l’exercice de sa responsabilité de trouver une solution durable à la crise, le CPS a exhorté le SG de l’ONU à accélérer la nomination d’un nouvel envoyé personnel, qui va travailler en “étroite collaboration avec l’UA, conformément aux dispositions de la Charte des Nations unies et du cadre UA-ONU pour un partenariat renforcé dans le domaine de la paix et de la sécurité”.

    Le CPS a demandé, en outre, au SG de l’ONU de charger le Conseiller juridique des Nations unies de fournir un avis juridique sur l’ouverture de consulats dans le territoire non autonome du Sahara occidental.

    La Commission de l’UA a été chargée de transmettre le présent communiqué aux deux Etats membres, le Maroc et la RASD, pour qu’ils prennent des mesures immédiates, ainsi qu’au SG de l’ONU et au Coordonnateur des membres africains du Conseil de sécurité de l’ONU pour diffusion ultérieure en tant que document de travail officiel du Conseil de sécurité de l’ONU.

    Les trois membres africains du Conseil de sécurité, le Kenya, le Niger et la Tunisie, sont invités à faciliter la coordination entre le CPS de l’UA et le Conseil de sécurité des Nations Unies sur cette question.

    Algérie54, 19 mars 2021

    Tags : Maroc, Sahara Occidental, Front Polisario, Union Africaine, Conseil de Paix et Sécurité,

  • UA : Communiqué de la 984eme réunion du CPS tenue le 9 mars 2021

    Communique de la 984eme réunion du CPS tenue le 9 mars 2021, sur le suivi de la mise en œuvre du paragraphe 15 de la décision sur Faire taire les armes du 14eme Sommet extraordinaire

    Adopté par le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine (UA), lors de sa 984eme réunion tenue le 9 mars 2021, sur le suivi de la mise en œuvre du paragraphe 15 de la décision sur Faire taire les armes du 14e Sommet extraordinaire :

    Le Conseil de paix et de sécurité,

    Prenant note des allocutions d’ouverture faites par S.E. le Président Uhuru Kenyatta de la République du Kenya en tant que Président du CPS pour le mois de mars 2021 ; et par le Président de l’UA, S.E. le Président Felix Tshisekedi de la République Démocratique du Congo (RDC) ; S.E. le Président Brahim Ghali de la République Sahraouie; le Président de la Commission de l’UA, S.E. Moussa Faki Mahamat ; ainsi que des communications faites respectivement par l’Envoyé Spécial de l’UA sur le Sahara Occidental, l’ancien Président du Mozambique, S.E. Joaquim Alberto Chissano, le Commissaire à la paix et à la sécurité S.E. Ambassadeur Smail Chergui et de la Représentante du Secrétaire Général des Nations Unies, S.E. Hanna Tetteh ;

    Rappelant la Décision de la Conférence [Assembly/AU/Dec.693(XXXI) et le paragraphe 15 de la Décision du 14e Sommet extraordinaire des chefs d’État et de gouvernement, tenu le 6 décembre 2020, sur le thème  » Faire taire les armes : créer des conditions propices au développement de l’Afrique « ,

    Rappelant également ses décisions antérieures sur la situation au Sahara occidental, en particulier le Communiqué [PSC/AHG/COMM.4 (DXLVII) ] adopté lors de sa 547e réunion tenue le 26 septembre 2015, à New York, au niveau des chefs d’État et de gouvernement, dans lequel le Conseil a exhorté le Conseil de sécurité des Nations unies à assumer pleinement ses responsabilités et à prendre toutes les mesures nécessaires pour résoudre rapidement le conflit au Sahara occidental et trouver une réponse efficace aux questions relatives au respect des droits de l’homme et à l’exploitation illégale des ressources naturelles du territoire ; ainsi que le communiqué [PSC/PR/COMM(DCLVIII)] adopté lors de sa 668e réunion tenue le 20 mars 2017 ;

    Guidé par les principes consacrés par l’Acte constitutif, la Charte des Nations Unies et la Déclaration universelle des droits de l’homme, ainsi que par les dispositions du Protocole relatif à la création du Conseil de paix et de sécurité ;

    Conscient du rôle historique de l’OUA/UA en tant que garant du plan de règlement du conflit du Sahara occidental signé par les deux parties en 1991, qui a conduit au déploiement de la Mission des Nations Unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (MINURSO) pour superviser le cessez-le-feu et organiser un référendum d’autodétermination du peuple du Sahara occidental ;

    Rappelant les dispositions du chapitre VIII de la Charte des Nations unies sur le rôle des arrangements régionaux dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales, et soulignant la nécessité de forger une coopération et un partenariat plus étroits entre l’Union africaine et les Nations unies pour la promotion et le maintien de la paix, de la sécurité et de la stabilité en Afrique ;

    Soulignant la nécessité pour l’Union africaine de jouer son rôle dans la recherche d’une solution juste et durable au conflit du Sahara occidental, en travaillant pour soutenir les efforts menés par les Nations unies ; et

    Agissant en vertu de l’Article 7 de son Protocole, le Conseil de paix et de sécurité, et en conformité avec la Décision 693 de la Conference et 15 de la Décision du 14e Sommet extraordinaire,

    1. Note avec une profonde préoccupation la reprise de la confrontation militaire entre le Royaume du Maroc et la République Sahraouie, en violation des accords de cessez-le-feu, notamment l’Accord Militaire numéro 1 ; et note également avec inquiétude les répercussions préoccupantes de ce conflit sur la stabilité de la région et sur l’état de la paix et de la sécurité sur le continent ;

    2. Se déclare préoccupé par l’impasse persistante dans laquelle se trouve le processus politique engagé sous les auspices des Nations unies dans le but de parvenir à une solution politique mutuellement acceptable qui permette l’autodétermination du peuple du Sahara occidental ;

    3. Souligne l’urgente nécessité de redoubler d’efforts pour faciliter un règlement définitif du conflit, conformément aux dispositions pertinentes de l’Acte constitutif de l’UA, notamment l’Article 4 (e) sur le règlement pacifique des conflits entre les États membres et l’Article 4 (f) sur l’interdiction du recours à la force ou à la menace de recours à la force entre les États membres de l’Union ;

    4. Décide:

    (I) Que la Troïka de l’UA devrait revitaliser d’urgence son engagement avec le Maroc et la République arabe sahraouie démocratique en vue de trouver pacifiquement une solution permanente à la crise ;

    (II) Que le Conseil de paix et de sécurité s’acquitte de son mandat sur le conflit du Sahara occidental, conformément aux dispositions pertinentes du Protocole et aux décisions pertinentes de la Conférence, en examinant la situation au Sahara occidental le cas échéant, au niveau des chefs d’Etat et de gouvernement, y compris en recevant des informations de la Troïka de l’UA;

    (III) De demander au Royaume du Maroc et à la République arabe sahraouie démocratique de cesser immédiatement les hostilités et d’engager le dialogue, de créer un environnement propice à des pourparlers directs et francs, sans aucune condition préalable et conformément à l’Article 4 de l’Acte constitutif de l’UA et aux dispositions pertinentes du Protocole relatif au CPS ;

    (IV) De demander également à la Commission de l’UA de prendre d’urgence les mesures nécessaires pour la réouverture du Bureau de l’UA à Laayoune, au Sahara occidental, afin de permettre à l’UA de réactiver son rôle dans la recherche d’une solution politique à ce conflit de longue date ;

    (V) D’entreprendre une mission de terrain dans la région, dès que possible, afin de faire le suivi, sur place, de la situation ;

    5. Reconnaît le rôle crucial de l’ONU dans l’exercice de sa responsabilité de trouver une solution durable à la crise ; exhorte le Secrétaire général de l’ONU d’accélérer la nomination d’un nouvel envoyé personnel et invite le nouvel envoyé personnel à travailler en étroite collaboration avec l’UA, conformément aux dispositions de la Charte des Nations unies et du cadre UA-ONU pour un partenariat renforcé dans le domaine de la paix et de la sécurité ; demande en outre au Secrétaire général de l’ONU de demander au Conseiller juridique des Nations unies de fournir un avis juridique sur l’ouverture de consulats dans le territoire non autonome du Sahara occidental ;

    6. Encourage l’Envoyé spécial de l’UA pour le Sahara occidental à reprendre d’urgence son engagement auprès des parties au conflit, afin de soutenir les efforts menés par les Nations unies en vue de trouver une solution durable au Sahara occidental et demande à toutes les parties concernées de coopérer pleinement à cet égard ; demande également au Président de la Commission de l’UA de fournir le soutien nécessaire à l’envoyé spécial de l’UA pour le Sahara occidental ;

    7. Demande à la Commission de l’UA de transmettre le présent communiqué aux deux États membres, à savoir le Royaume du Maroc et la République arabe sahraouie démocratique, pour qu’ils prennent des mesures immédiates ; demande également à la Commission de l’UA de transmettre le présent communiqué au Secrétaire général des Nations Unies et au Coordonnateur des membres africains du Conseil de sécurité des Nations Unies (A3) pour diffusion ultérieure en tant que document de travail officiel du Conseil de sécurité des Nations Unies ; demande en outre à l’A3, à savoir le Kenya, le Niger et la Tunisie, de faciliter la coordination entre le CPS de l’UA et le Conseil de sécurité des Nations Unies sur cette question ; et

    8. Décide de rester activement saisi de la question.

    Conseil de Paix et Sécurité de l’Union Africaine, 18 mars 2021

    Tags : Union Africaine, Conseil de Paix et Sécurité, Maroc, Sahara Occidental,


  • Journal Kenyan : Le Kenya marche sur les pieds du Maroc dans une nouvelle tentative de résoudre le problème sahraoui

    Par Aggrey Mutambo*

    La nouvelle tentative du Kenya pour que l’Union africaine joue un rôle de premier plan dans la résolution du différend du Sahara occidental met le Maroc en colère.

    Mardi, le président Uhuru Kenyatta a présidé la réunion de haut niveau de l’Union africaine du Conseil de paix et de sécurité sur la «paix durable en Afrique». Mais ses préparatifs, a appris la Nation , avaient fait l’objet d’un lobbying intensif du Maroc pour qu’il soit annulé ou retardé afin de permettre au diplomate algérien Smail Chergui d’achever son mandat la semaine prochaine en tant que commissaire de l’UA pour la paix et la sécurité.

    Un communiqué publié par les 15 membres du Conseil de paix et de sécurité a appelé à un «cessez-le-feu immédiat» au Sahara occidental et a demandé à la troïka de l’Union africaine et à l’Envoyé spécial de l’UA pour le Sahara occidental [Joachim Chissano] de «redynamiser le soutien à la médiation dirigée par l’ONU . » Il a exhorté le Secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres, à procéder à la nomination imminente d’un Envoyé spécial auprès de la MINURSO [la Mission des Nations Unies au Sahara occidental] pour soutenir les efforts de paix dans ce pays.

    Le Conseil a déclaré que le conflit au Sahara occidental avait retardé les efforts d’intégration régionale dans la région du Maghreb, appelant le secrétaire général de l’ONU à accélérer la nomination d’un envoyé spécial pour faciliter la médiation.

    Le Kenya avait convoqué la réunion en tant que président de mars du Conseil de paix et de sécurité de l’UA, où il avait l’intention de discuter de la paix et de la sécurité ainsi que du changement climatique. Mais le Maroc accuse l’Algérie de l’emporter sur le Kenya pour placer la question sahraouie pour les propres gains politiques d’Alger.

    Nairobi, cependant, fait valoir que la question sahraouie a toujours fait partie d’une série de problèmes au cœur de son thème courant de la paix et de la sécurité en Afrique, aux côtés du Soudan du Sud, de la situation au Tigray et d’autres points chauds du continent.

    Le Maroc avait demandé au Kenya de retarder la réunion, avertissant que M. Chergui utilisait ses derniers jours en fonction pour «servir l’agenda suspect de son pays d’origine et risquerait de compromettre la position neutre du Kenya concernant la question du Sahara ainsi que son engagement à promouvoir la paix et la stabilité Afrique. »

    Le ministre marocain des Affaires étrangères Nasser Bourita avait écrit à son homologue kényan Raychelle Omamo pour lui dire qu’il n’y avait pas de consensus sur la discussion de Sahraoui.

    «Le thème des discussions risque de provoquer de graves divisions parmi les membres du CPS qui seraient plus à l’aise pour examiner les questions unificatrices et prioritaires, sur lesquelles il existe un consensus de base, en particulier pendant la période difficile de la pandémie de Covid-19», a déclaré Bourita dans un communiqué du 1er mars. lettre à Nairobi.

    « La Troïka devrait être le seul mécanisme de la tentative de l’Afrique pour résoudre le problème, et qui affirme l’exclusivité du Conseil de sécurité des Nations Unies sur cette question », a-t-il déclaré en se référant au groupe de trois membres des anciens, actuels et futurs présidents de l’Union africaine. normalement connue sous le nom de Troïka sur la question sahraouie. Pour le moment, cela inclut le président sud-africain Cyril Ramaphosa, Felix Tshisekedi de la RDC et Macky Sall du Sénégal.

    Le Maroc avait fait tellement de lobbying avant la réunion qu’ils ont contacté le chef de l’ODM Raila Odinga, le Haut Représentant de l’Union africaine pour le développement des infrastructures pour aider à faire passer le message.

    Le Sahara occidental, une région du nord-ouest de l’Afrique était initialement une colonie espagnole mais a été repris par le Maroc qui le considère maintenant comme son territoire, bien qu’une partie de celui-ci soit administrée par le gouvernement du Front Polisario, qui dirige le parti arabe sahraoui démocratique. République, exilée en Algérie.

    Une résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies (CSNU) proposait un référendum voté par les indigènes de la région, pour trancher entre l’indépendance et l’intégration au Maroc. Le Front Polisario a favorisé la séparation tandis que le Royaume du Maroc a favorisé l’intégration. Le référendum n’a cependant jamais eu lieu malgré l’aval de l’UA.

    Mokhtar Ghambou, l’ambassadeur du Maroc au Kenya, a accusé l’Algérie d’avoir tenté de saboter la médiation dirigée par l’ONU en forçant un processus parallèle à travers le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine.

    «Il est évident que l’ancien commissaire du CPS [Chergui] dont le mandat se termine le 15 mars 2021, cherche désespérément à profiter de la décision des chefs d’État à travers une politique de ‘pick and choose’, pour à la fois contredire et saper les réformes institutionnelles engagées au sein de l’UA », a-t-il déclaré mercredi à la Nation, affirmant que la réunion était« inopportune ». M. Chergui est censé être remplacé le mois prochain par Bankole Adeoye du Nigéria, récemment élue à la tête du département élargi des affaires politiques, de la paix et de la sécurité.

    «L’Algérie n’est pas intéressée à défendre la cause des séparatistes du Polisario, elle veut plutôt empêcher le Maroc, premier investisseur africain d’Afrique du Nord d’avoir une présence au Kenya et dans la région de l’Afrique de l’Est.

    L’année dernière, en décembre, le président américain de l’époque, Donald Trump, a reconnu la domination du Maroc sur le Sahara occidental, ce à quoi l’Union africaine s’est rapidement opposée et a déclaré que la question devait être résolue par le référendum ordonné par le CSNU. Les États-Unis sont un membre permanent du CSNU qui avaient voté plus tôt en octobre pour la prolongation de la mission des Nations Unies au Sahara occidental jusqu’au 31 octobre 2021.

    La résolution 2548 du CSNU d’octobre dernier avait également appelé à la reprise des négociations sans conditions préalables et notait «la nécessité d’une solution réaliste, praticable et durable à la question du Sahara occidental basée sur un compromis».

    *Écrivain diplomatique senior, Nation Media Group

    Daily Nation, 13 mars 2021

    Tags : Kenya, Maroc, Sahara Occidental, Union Africaine, Conseil de Paix et Sécurité,

  • Algérie : Frontières

    Tout ce qui touche aux pays limitrophes à l’Algérie ne peut passer inaperçu, et quand la nouvelle semble aller dans le bon sens, alors c’est évidemment à «prendre» avec intérêt. Celle provenant, hier, de la ville libyenne de Syrte, est à mettre dans la case «espoir». La nouvelle vient éclaircir des cieux d’une région à feu et à sang depuis plus de 10 ans. Ainsi, l’approbation du gouvernement intérimaire libyen par le Parlement, qui s’était réuni dans l’ancien fief de Mouamar Kadhafi, vient conforter un processus politique déclenché juste après le cessez-le feu du 23 octobre 2020. Un acte important en vue de la tenue des élections générales prévues le 24 décembre prochain.
    La réussite de ces étapes en terre libyenne est (tant que la stabilité est au bout) évidemment bénéfique pour l’Algérie. Les guerres fratricides à nos frontières Est, qui durent depuis 2011, ont été la base arrière de l’insécurité qui a régné après en Tunisie, au Niger, et surtout au Mali. Même l’Algérie n’a pas été épargnée, et Tiguentourine est toujours dans les mémoires.
    Du côté libyen, c’est rassurant, mais par contre, à l’Ouest, la situation suscite de plus en plus d’inquiétude. Le dernier foyer colonial en Afrique qu’est le Sahara occidental n’a pas trouvé encore une solution juste et permanente. L’intervention du Président Tebboune lors de la réunion, en visioconférence, du CPS (Conseil de paix et de sécurité) de l’UA (Union africaine) est venue rappeler la position algérienne envers ce dossier de décolonisation qui n’a que trop tardé. Une fidélité à la cause sahraouie qui n’est pas du goût du Makhzen, et il le démontre par ses «réactions». Ces dernières ne sont pas uniquement affichées par les médias marocains, mais d’autres formes ont été actionnées, et avec force. Il s’agit surtout des attaques électroniques qui ne sont pas négligeables et dont l’impact est parfois ahurissant sur les réseaux sociaux algériens. La manipulation et les Fake news qui pullulent sur la toile sont très souvent élaborés dans les laboratoires de Rabat. C’est pour au moins ces raisons qu’il est primordial de riposter, mais avec intelligence. Peut-être que la journée d’étude, portant sur la guerre de l’information, organisée samedi passé par l’INESG (Institut national d’études de stratégie globale) va pouvoir apporter du «concret».

  • Reuters : La frustration des réfugiés entraîne une reprise du conflit au Sahara occidental

    TINDOUF, Algérie (Reuters) – Des générations de jeunes sahraouis ont grandi dans les camps de réfugiés éloignés du désert algérien, largement oubliés du monde extérieur et ne voient plus aucune perspective d’une patrie indépendante au Sahara occidental, sauf à travers une nouvelle guerre, selon leurs dirigeants, déjà commencée.

    Leurs craintes que la quête d’un État soit devenue une cause perdue ont grandi lorsque l’administration américaine de l’ancien président Donald Trump a reconnu les revendications du Maroc sur le vaste territoire peu peuplé en décembre.

    «Nous n’avons reçu aucun résultat pacifique», a déclaré Brahim, un homme sahraoui participant à un récent défilé du mouvement indépendantiste du Front Polisario du groupe à Tindouf, près de la frontière algérienne avec le Sahara occidental.

    «C’est pourquoi nous devons revenir à la lutte armée.»

    En novembre, le mouvement a déclaré qu’il quittait un cessez-le-feu de trois décennies avec Rabat et a annoncé depuis lors de fréquentes attaques contre les forces marocaines le long de la frontière du désert.

    Le Maroc a déclaré que les attaques du Polisario, dans des zones reculées où il est difficile de vérifier les affirmations de l’une ou l’autre des parties, ne lui ont fait aucune victime et n’ont fait que des dégâts limités.

    Le gouvernement sahraoui en exil basé à Tindouf a appelé le président américain Joe Biden à revenir sur la décision de son prédécesseur d’accepter la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental.

    «Les années de paix n’ont pas fonctionné. Il est maintenant temps de retourner à la guerre et nous, les femmes du Sahara occidental, sacrifierons nos enfants pour la cause », a déclaré Mbaraka, 65 ans, dans le camp d’Awserd à Tindouf.

    Le différend remonte à l’époque où le territoire, riche en phosphates et en zones de pêche, était une colonie espagnole, résistée par le Front Polisario avec le soutien algérien mais aussi revendiquée par le Maroc.

    Lorsque l’Espagne a démissionné en 1975, les troupes marocaines sont entrées et le Polisario, avec le soutien de l’Algérie, a tourné ses armes contre ce qu’il considérait comme une continuation de la domination coloniale par un autre pays.

    Ses succès limités de guérilla ont été réduits dans les années 1980 lorsque le Maroc a construit un long mur de sable dans le désert, enfermant environ les quatre cinquièmes du territoire sous son propre contrôle et laissant des dizaines de milliers de réfugiés de l’autre côté.

    Les deux hommes ont convenu d’un cessez-le-feu en 1991 mais, alors que le conflit se figeait et que les négociations sur un règlement permanent se bloquaient, les réfugiés sont restés dans les camps.

    Le Maroc considère la région comme faisant partie de son territoire et est prêt à n’offrir rien d’autre qu’une autonomie limitée. Le Polisario et son gouvernement en exil veulent l’indépendance.

    Tindouf, au cœur du Sahara et plus loin d’Alger que de Paris, abrite plusieurs camps abritant plus de 165 000 réfugiés. Ils vivent dans des abris en béton ou en boue balayés par le vent avec peu d’emplois et peu d’espoir.

    «La solution est le feu et la lutte pour libérer la terre», a déclaré Mohamed Salem, un autre sahraoui participant au défilé.

    Reuters, 1 mars 2021

    Tags : Sahara Occidental, Western Sahara, Front Polisario, Maroc, ONU, MINURSO,

  • Le Maroc espionne l’ONU : Lettre de l’ambassadeur Yilma Tadesse

    Avec la nomination, lors de son sommet organisé à Malabo le 26-27 juin 2014, l’ex-président mozambicain, Joachim Chissano, envoyé spécial pour le Sahara Occidental, l’Union africain a voulu signer sa contribution en vue d’accélérer la solution du conflit qui oppose le Maroc aux sahraouis.

    Dans une note envoyée à sa centrale, le représentant du Maroc auprès de l’ONU, Omar Hilale rapporte que Chissano, dans une réunion avec le vice-secrétaire général Jan Eliasson, a déclaré qu’il n’est « ni médiateur, ni facilitateur », mais que sa « mission était d’intensifier la pression sur le Maroc pour l’amener à accepter le principe d’autodétermination ». « Pour l’UA, l’Espagne est toujours la puissance administrante du Sahara », a-t-il ajouté selon la même note.

    M. Chissano a été l’objet d’une virulente attaque de la part de la presse marocaine qui l’a qualifié de « trafiquant de drogue » et l’a déclaré personne non gratta.

    Dans une lettre adressée à la présidente de la Commission Africaine, le Représentant principale de l’Union africaine, l’ambassadeur Yilma Tadesse rapporte les attaques contre Chissano et exprime son indignation à cet égard.

    Les services secrets marocains ont réussi à obtenir une copie de cette lettre que nous reproduisons ci-après :

    Source : Maroc Leaks, jan 2021

    Tags : Sahara Occidental, Maroc, Front Polisario, Union Africaine, UA, Yilma Tedesse, MINURSO, Joachim Chissano, ONU, espionnage, Chris Coleman,



  • Pour qui roule l’OCI ?

    par Abdelkrim Zerzouri


    Au nom de qui parle l’Organisation de la coopération islamique (OCI) quand elle apporte son soutien à l’intervention militaire des forces armées marocaines dans la zone tampon d’El Guerguerat ? Le secrétariat général de l’Organisation de la coopération islamique (OCI) a exprimé, avant-hier, son soutien aux mesures prises par le Maroc « pour garantir la liberté de circulation civile et commerciale dans la zone tampon d’El Guerguerat, au Sahara occidental ». Tout en condamnant toute menace de trafic dans cette région reliant le Maroc et la Mauritanie, et appelant à la désescalade et au respect des décisions de légitimité internationale. L’agression militaire du Maroc contre des civils qui manifestaient pacifiquement contre l’exploitation illégale de ce poste frontalier, situé dans une zone sous contrôle de l’ONU et non des Marocains, commence à donner lieu à la formation des blocs de soutien à l’une ou l’autre partie.

    C’est compréhensible que des pays, y compris parmi ceux qui appellent les deux antagonistes, le Maroc et le Front Polisario, au calme et à la retenue, se rangent derrière l’un ou l’autre, selon les tendances politico-militaires clairement exprimées ou cachées, mais quand l’OCI affiche une pareille position, franche et sans équivoque, épousant la cause des Marocains contre le Front Polisario, on ne peut qu’être époustouflé devant cet impair. De par la nature de cette organisation intergouvernementale, composée de 57 Etats membres, dont l’Algérie et d’autres pays, qui ont déploré, eux, clairement les «graves violations» du cessez-le-feu enregistrées vendredi dans la zone d’El Guerguerat au sud-ouest du Sahara occidental, appelant à la «cessation immédiate» de ces opérations militaires, ainsi que ses buts, parmi lesquels figurent l’élimination de la discrimination raciale et le colonialisme sous toutes ses formes, ce soutien n’a vraiment pas lieu d’être.

    On comprendrait pareille position qui émanerait d’Israël, des Emirats arabes unis, d’autres pays du Golfe, mais pas celle de l’OCI à laquelle sied la neutralité dans ce conflit entre musulmans, à défaut de défendre la légalité internationale et l’élimination du colonialisme, comme le définit sa charte. Et si ce soutien n’est qu’une orientation de l’Arabie Saoudite, pourquoi d’autres pays feraient-ils, alors, partie d’une organisation dont les intérêts et les principes sont à l’opposé de leur dogme ? A fortiori, l’OCI devait consulter les Etats membres à travers un sommet ou un Conseil des ministres des Affaires étrangères (CMAE), qui est le deuxième organe décisionnel après le sommet, avant de faire part de sa position à l’égard de ce problème qui se trouve sur la table de l’ONU depuis près d’un demi-siècle, sans avoir encore trouvé une solution. Quelles conséquences pourrait avoir ce comportement unilatéral et empressé de l’OCI, qui se met à la même longueur d’onde de pays qui ont déjà normalisé, ou favorable à une normalisation, de leur relation avec Israël ?

    Le Quotidien d’Oran, 16 nov 2020

    Tags : Sahara Occidental, Maroc, OCI, Organisation de la coopération islamique, El Guerguerate,

  • Maroc Leaks : Manoeuvres en prévision de l’échéance d’avril

    A quoi sert encore le Conseil de sécurité de l'ONU ? - Le Parisien

    Note

    En prévision des prochaines échéances liées à la Question nationale (visite de Ross, élaboration du rapport du SG des Nations Unies et adoption d’une nouvelle résolution par le Conseil de sécurité), je vous soumets les éléments d’appréciation suivants :

    • Le contexte général de l’échéance d’avril est marqué par trois faits essentiels à savoir la poursuite de la nouvelle approche préconisée par M. Ross, une montée en puissance des pressions exercées par les Etats-Unis et à un degré moindre par le Royaume-Uni sur le volet droits de l’homme et, enfin, une recrudescence de l’activisme agressif de nos adversaires comme en témoigne le passage, avant-hier, d’Aminatou Haidar au Parlement Européen et la campagne médiatique orchestrée, hier à Paris, par l’acteur espagnol Bardem.

    • La conjugaison de ces trois facteurs et le timing de leur activation renseignent sur la nature du contexte général dans lequel évolueront les discussions en prévision de l’échéance d’avril ; un contexte où la sérénité des débats et la recherche d’une solution politique ne seront pas assurées et où la plus grande vigilance est de mise.

    • Ce constat est corroboré par les multiples signaux recueillis, auprès de nombreux intervenants, à New York, Washington, Paris et Rabat.

    • A ce stade, il est essentiel d’agir, de manière préventive et urgente, en vue de sécuriser la position marocaine, de contrecarrer les manœuvres malveillantes de nos adversaires et d’inverser le penchant droit- de l’hommiste de l’administration américaine.

    • L’objectif stratégique étant d’éviter un scénario où les multiples acquis du Maroc seraient menacés et ou, in fine, l’expérience de 2013 pourrait se renouveler.

    • A la différence qu’en 2014, l’action de l’administration américaine se singularise par son caractère élaboré qui dénote d’une véritable stratégie et non, d’une démarche esseulée de Suzanne Rice.

    • L’action proposée doit être triple à savoir renforcer le « pendant politique » du processus en cours avec M. Ross, donner des signaux concrets sur les engagements souscrits en matière des droits de l’homme et consolider le cercle de nos appuis au conseil de sécurité (France, Russie, Chine et éventuellement l’Espagne pour le Groupe des amis du SG des NU).

    • Par cette stratégie, nous pourrons remettre « la recherche d’une solution politique » au centre des discussions, affaiblir durablement les manœuvres de nos adversaires sur les questions périphériques, contenir l’agressivité et l’entêtement inexpliqués d’une frange déterminée de l’administration américaine et renforcer la position de nos appuis.

    • Il est entendu que le renforcement du « pendant politique » du processus en cours avec M. Ross vise à minimiser sa capacité de nuisance aussi bien en ce qui concerne sa contribution au rapport du SG qu’au niveau de ses relais au Département d’Etat.

    A la lumière de ce qui précède, l’urgence se fait sentir quant à la nécessité d’adopter des mesures nationales substantielles et convaincantes pour écarter tout scénario préjudiciable à nos intérêts. Ceci passe par des décisions sur :

    1. Un renforcement des mécanismes nationaux à travers un meilleur traitement des plaintes soumises aux autorités gouvernementales par le CNDH.

    2. La reconnaissance juridique de l’ASVDH.

    3. La mise dans le circuit législatif de la réforme sur les compétences des tribunaux militaires.

    Ma visite à Washington, début mars prochain, pourrait constituer l’occasion de présenter les décisions précitées démontrant ainsi la bonne foi du Maroc mais surtout sa capacité à honorer ses engagements. De plus, ma visite à Genève, à l’occasion de la session du CDH, pourrait me permettre d’aborder avec Mme Pillay (qui bénéficie d’un appui du Président Obama) le principe de sa visite au Maroc.

    Source : document confidentiel, 21 fév 2014

    Tags : Maroc, Sahara Occidental, Front Polisario, ONU, Conseil de Sécurité, MINURSO,

  • Maroc : Les arguments farfelus sur le Sahel (document confidentiel)

    Les enjeux de sécurité au Maghreb : des facteurs de tension

    Les problématiques de sécurité au Maghreb sont au cœur des préoccupations de l’ensemble des acteurs impliqués dans la région. Ces éléments ont longtemps été considérés comme des questions internes à chaque État, ce qui a conduit à les gérer de façon fragmentée et isolée. Cependant, les dernières évolutions (mutations du terrorisme islamiste, développement de la criminalité, enlisement des tensions inter-étatiques, etc.) incitent désormais à appréhender ces éléments dans leur globalité et dans leurs interactions. En effet, il apparaît que les enjeux de sécurité au Maghreb doivent être abordés dans un environnement élargi au sud, à l’ouest et à l’est, dans une perspective de renforcement des coopérations tant au niveau local (coordination des acteurs de terrain), régional (collaborations interétatiques et régionales), que global (implication de l’UE et des États-Unis). Cette gestion intégrée des enjeux permettra de donner une cohérence tout à la fois régionale et durable aux politiques de sécurité.
    L’UE, du fait de sa proximité géographique et des liens qui l’unissent au Maghreb, doit se sentir tout particulièrement impliquée par ces enjeux. La récente adoption, en février 2010, du document-cadre de sa Stratégie de sécurité intérieure marque un pas encore timide mais encourageant dans cette direction1 – celle d’une meilleure prise en compte des enjeux globaux et du renforcement de la coopération avec ses voisins afin de construire un futur partagé, sécurisé et durable… dans son intérêt comme dans le leur.

    1. Les tensions contre les États : terrorisme et criminalité

    1.1. Les mutations du terrorisme islamique : une problématique sahélo-maghrébine

    La menace de l’islamisme radical et du terrorisme a toujours été prise au sérieux par les États de la région, qui luttent contre ce phénomène depuis le début des années 1980. Considérée initialement comme domaine réservé de la politique intérieure, la lutte anti-terroriste devient le premier domaine de coopération entre les États d’Afrique du Nord, aussi efficace qu’inattendu, comme l’illustre par exemple le partenariat entre l’Algérie et la Tunisie2.

    Les efforts en la matière ont permis de circonscrire à la fin des années 1990 les activités de mouvements comme le Groupe Salafiste pour la Prédication et le Combat en Algérie (GSPC) ou le Groupe Islamique Combattant en Libye (GICL). Cependant, après les attentats du 11 septembre 2001, ces mouvements trouvent un second souffle. L’invasion de l’Irak par les États-Unis a ainsi été instrumentalisée pour renouveler le discours de légitimation du terrorisme, qui prend alors un nouvel essor au Maghreb ; en 2007, le GSPC rejoint même la mouvance de Ben Laden pour fonder Al-Qaeda au Maghreb Islamique (AQMI), organisation qui aspire à fédérer les djihadistes de tout le Maghreb. Néanmoins, après une explosion des violences entre 2001 et 2008, culminant avec l’apparition d’attentats suicides jusqu’alors inconnus dans la région, l’année 2008-2009 marque une rupture dans le développement d’AQMI. En effet, malgré le ralliement peu significatif de quelques combattants tunisiens, libyens, ou mauritaniens, AQMI reste un phénomène essentiellement algérien. Les attentats dans le Maghreb Central diminuent au profit de pratiques de banditisme, avec notamment une recrudescence d’enlèvements de ressortissants occidentaux contre le paiement de rançons.

    Quatre raisons principales peuvent être évoquées pour comprendre ce coup d’arrêt : l’islam maghrébin est traditionnellement modéré et constitue un rempart culturel et religieux à la montée du radicalisme ; les actions du gouvernement algérien se sont révélées globalement efficaces dans la lutte anti-terroriste ; les attaques d’Al-Qaeda contre les Sunnites en Irak ont largement terni l’image du mouvement au Maghreb ; enfin, les pratiques employées par AQMI, notamment les attentats suicides, sont étrangères aux traditions locales et « la greffe » n’a en quelque sorte pas pris, d’autant plus que la société algérienne a suffisamment souffert du terrorisme aveugle pour en rejeter les actions.

    En réaction, le centre de gravité du terrorisme dans la région s’est déplacé de façon préoccupante vers le sud : profitant de la porosité des frontières, de la prolifération de trafics en tout genre, et de la faiblesse de certains États, les mouvements djihadistes se sont installés dans la région désertique du Sahel, depuis les régions semi-arides du Sénégal jusqu’à certaines parties de la Mauritanie, du Mali et du Niger. L’émergence du Chiisme radical en Afrique subsaharienne constitue sans doute à ce titre le plus grand défi sécuritaire de la région à court et moyen termes. L’attentat suicide contre l’ambassade de France de Nouakchott, l’assassinat d’un ressortissant Américain ou l’enlèvement revendiqué par AQMI d’un Français au Nord du Mali, tous survenus au cours de l’année 2009, illustrent ce glissement. Les acteurs impliqués dans la région prennent peu à peu conscience de cette réalité, comme le démontre la récente déclaration conjointe UE-Maroc qui stipule que « la précarité de la situation dans la région du Sahel et les nombreux défis qui en découlent mettent en évidence la nécessité d’une coopération régionale accrue et d’une approche intégrée dans les domaines de la sécurité et du développement. Le Maroc et l’UE considèrent [ainsi] que le Sahel représente une zone prioritaire de la lutte contre le terrorisme et la radicalisation »3.

    L’établissement d’une zone refuge pour les terroristes au Sahel menace la sécurité de toute l’Afrique du Nord mais aussi de l’Europe et des États-Unis, dont les ressortissants et les intérêts sont les cibles privilégiées des terroristes. Dès lors, comme le souligne le représentant du général William E. Ward, chef du commandement militaire américain pour l’Afrique (Africom) « une approche globale face au terrorisme est indispensable au Maghreb »4. À cet égard, la décision annoncée en juillet 2009 par l’Algérie, la Libye et le Mali d’associer leurs moyens militaires et de renseignement pour combattre le terrorisme dans la bande sahélo-saharienne doit être saluée ; elle s’inscrit dans une volonté de travail de fond sur le long terme, permettant d’asseoir les bases d’une sécurité durable dans la région5.

    1.2. Les développements de la criminalité : facteur de déstabilisation et impact sociétal

    Le crime organisé au Maghreb prend la forme classique de différents trafics, comme celui de la drogue ou de la contrebande de cigarettes. Au Maroc, la culture du cannabis produit un revenu de 200 millions de dollars par an pour les paysans et génère un bénéfice de 12 milliards de dollars pour les trafiquants. La « Stratégie nationale de lutte antidrogue » mise en œuvre par le royaume depuis 2005 produit des résultats encourageants, comme le note l’Organe international de contrôle des stupéfiants des Nations Unies (INCB) qui souligne dans son dernier rapport que « la superficie totale des cultures de cannabis a été réduite de 55 % et ramenée de 134 000 hectares en 2003 à 60 000 hectares en 2008 »6. Cependant la culture du cannabis reste encore une activité économique importante de la région du Rif, une des plus pauvres du pays, et les efforts de développement des cultures alternatives doivent être poursuivis. L’Algérie en est quant à elle devenue le relais d’acheminement vers la Tunisie et la Libye, puis vers l’Europe.

    Par ailleurs, le Maghreb tend à devenir une plaque tournante d’autres trafics : plusieurs observateurs notent le développement dans les espaces les plus désertiques et les moins contrôlés, d’une « route africaine » de la cocaïne écoulée en Europe, facilité par le degré encore élevé de corruption, la porosité des frontières, l’absence de formation des polices locales et des systèmes judiciaires inadaptés. Interpol estime ainsi qu’environ 50 tonnes de cocaïne – d’une valeur de 1,8 milliards de dollars – circulent chaque année en Afrique de l’Ouest7. Ces drogues en provenance d’Amérique du sud arrivent par les ports d’Afrique de l’Ouest, traversent le Nigeria, la Guinée et le Sénégal, pour gagner ensuite le Maghreb puis l’Europe. Or, la circulation des drogues n’est pas sans conséquences pour les populations locales : de pays de transits, les États de la région sont peu à peu devenu également consommateurs avec tout le potentiel déstabilisateur que cela implique. Moins connus sont les effets dévastateurs de la culture du cannabis sur l’écosystème des pays producteurs. À terme, les destructions qu’elle engendre (déforestation, pollution par les pesticides, etc.), et l’absence de réussite des projets de cultures alternatives risquent de produire une migration massive des populations de régions comme le Rif8.

    Dans une zone où le chômage frappe très durement les jeunes, il existe par ailleurs un risque inquiétant de voir ces trafics progresser rapidement et les trafiquants devenir des modèles de réussite pour les jeunes en perte de repères, En revanche, si les liens entre criminalité et terrorisme sont avérées au niveau international, la mise en évidence de connexions directes dans la région est moins évidente : les trafiquants maghrébins n’ont intégré ni l’appareil d’État ni la classe politique, et agissent davantage comme une composante de l’économie illégale que comme une force de déstabilisation structurée. Par ailleurs, les logiques s’opposent pour une part : du côté des trafiquants, l’anonymat prime sur les principes de publicité et de communication recherchés par les terroristes. L’Europe est directement concernée par ces développements, étant la première cliente des drogues produites ou transitant par le Maghreb, et une terre d’immigration privilégiée pour les candidats au départ. De surcroît, la montée des réseaux criminels associés aux trafics (passeurs, faux papiers, prostitution, etc.), qui se prolongent jusque sur le territoire communautaire, pose de réels problèmes de sécurité à l’UE. Le démantèlement récent d’un réseau de trafic de cannabis depuis le Maroc vers la France, via l’Espagne, ayant permis la prise record de plus de 3 tonnes de drogue, illustre ce risque. Lors de cette opération, les forces de police ont en outre saisis près d’une trentaine d’armes, dont des pistolets automatiques, plusieurs fusils et pistolets-mitrailleurs, un lance-roquette et des gilets pare-balles9.

    – Renforcer les coopérations existantes en matière de lutte anti-terroriste et anti-criminalité, en intégrant la dimension géographique élargie : la gestion des trafics et du terrorisme doit être appréhendée dans sa globalité sahélo-maghrébine, voire au-delà comme le suggèrent les connexions avec les trafiquants de drogue sud-américains.

    – S’attaquer en parallèle aux racines du problème si l’on veut jeter les base d’un développement et d’une sécurité durables. La prise en compte des difficultés socio-économiques dont pâti la région est alors essentielle : en donnant des alternatives de réussite sociale aux jeunes on sapera à terme les possibilités de recrutement tant des criminels que des terroristes.
    – Soutenir et appuyer toute coopération régionale, suivant une logique de subsidiarité. Ces actions doivent en effet être optimisées de façon pragmatique, en utilisant par exemple les canaux bilatéraux aussi souvent que possible et en optant pour les coopérations à l’échelle régionale lorsque nécessaire.

    2. Les tensions inter-étatiques : le Sahara Occidental et la problématique des frontières

    2. 1. Contre l’enlisement du Sahara Occidental

    Ce conflit, qui dure depuis plus de 30 ans, constitue la pierre angulaire des tensions algéro-marocaines : la fermeture de la frontière entre les deux pays depuis 1994, l’échec de l’Union du Maghreb Arabe, la course aux armements, la décision du Maroc de quitter l’OUA et son refus de siéger à l’Union africaine lui sont en grande partie imputables. De telles implications illustrent bien le niveau de blocage atteint par la situation qui mine toute tentative de développement et de sécurisation commune.
    Le Sahara Occidental est inscrit depuis 1963 sur la liste des territoires non autonomes qui restent à décoloniser et a donné lieu depuis à d’innombrables arguties juridiques entre les parties. Cependant, comme le souligne Laurence Ammour, chercheur associé au Maghreb Center de Washington, « la gestion de ce contentieux par le droit international s’est avérée insuffisante et impuissante dans la mesure où les fondements juridiques qui ont présidé aux propositions de règlement […] n’ont pas évolué depuis 30 ans »10. Ce décalage explique les échecs successifs des plans l’ONU qui, s’ils ont permis un cessez-le-feu garanti par les casques bleus depuis 1991, n’ont pas résolu le conflit. Dès 2000, Kofi Annan, alors Secrétaire Général des Nations Unies, déclarait qu’il faudrait se préparer « à étudier d’autres moyens [que le référendum] de parvenir à un règlement rapide durable et concerté »11 du conflit. Car la tenue d’un référendum dans les conditions actuelles n’est objectivement pas envisageable : il n’existe toujours pas de consensus sur la constitution des listes électorales, l’ONU n’a aucun moyen d’imposer le référendum au Maroc, et le verrouillage politique et idéologique appliqué dans les camps de réfugiés sahraouis laisse peu d’espoir quant à une autodétermination sans contrainte et en toute connaissance de cause de la part des Sahraouis. En 2004, le Ministre des Affaires Étrangères espagnol, Miguel Angel Moratinos, considérait que « dans les circonstances actuelles, un référendum sans solution politique préalable pourrait conduire à une situation de crise généralisée en Afrique du Nord »12. Cette analyse reste d’actualité : sans accord politique entre les protagonistes, la règle de droit, inapplicable seule, ne suffira pas à sortir de l’impasse.

    Par le passé, les deux acteurs principaux, l’Algérie et le Maroc, ont en effet longtemps campé sur des positions de principe : entre revendication d’une souveraineté héritée de l’Empire Almoravide (1056-1147) et revendication d’indépendance au nom du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, le débat ne laisse que très peu d’espace à la négociation. Ces crispations s’expliquent par le fait qu’aucun des protagonistes ne peut se permettre de perdre :

    • Au Maroc, le maintien des Provinces du Sud renvoie au principe fondamental d’intégrité territoriale ; le Royaume ne peut donc consentir à une amputation conséquente de son territoire.

    • Pour l’Algérie, l’attachement aux principes d’autodétermination et de liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes s’accompagne d’un intérêt géoéconomique majeur que constituerait une voie d’accès sur l’Atlantique pour l’exportation du gaz et du fer du Sahara algérien, et la nécessité de demeurer cohérent avec un discours qui n’a pas évolué depuis 30 ans. La reconnaissance de la République arabe sahraouie démocratique (RASD) conférerait par ailleurs à l’Algérie un allié stratégique dans la région.

    • Dans les deux États, le conflit saharien a pu être initialement utilisé sur la scène intérieure pour masquer les difficultés intérieures respectives en focalisant la population sur un ennemi extérieur. Il s’inscrit aussi dans le cadre d’une course pour le leadership régional.

    • Le Front Polisario enfin ne peut abandonner le combat sans voir disparaître du même coup sa raison d’être ; cela signifierait en outre que les réfugiés auraient vécu 30 ans d’exil dans les camps pour rien…
    Or cette situation génère un coût considérable en termes économiques, humains, politiques et sécuritaires, qui entrave l’établissement d’une véritable sécurité durable dans la région. Ce coût, reconnu par tous, semble cependant être accepté ou du moins toléré par les protagonistes :

    • Pour le Maroc, le coût est d’abord économique, avec un budget militaire important consacré au Sahara Occidental, un investissement massif dans les provinces du Sud, des exonérations fiscales nombreuses, des salaires des fonctionnaires plus élevés, etc. L’International Crisis Group affirme que ce sont plusieurs points de PIB qui ont été engouffrés dans ce dossier13.

    • Le coût économique pour l’Algérie est également très conséquent, avec le financement de l’aide aux réfugiés (surtout depuis la diminution de l’aide internationale suite à la révision à la baisse des estimations de la population des camps par l’UNHCR en 2006), les dons de matériel militaire aux indépendantistes, le maintien de plusieurs dizaines de milliers de soldats à la frontière dans la région de Tindouf, et un investissement politique et diplomatique important pour soutenir la RASD au niveau international et contrer les efforts de communication marocains.

    • Pour tout le Maghreb, le dossier du Sahara Occidental rend impossible l’intégration, limite les investissements étrangers et entretient une atmosphère de suspicion et de défiance entre les acteurs. En outre, l’enlisement constitue un risque préoccupant de balkanisation de la région : les trafics de cigarettes, drogues, armes ou essence se développent fortement dans cette zone qui comprend le Sahara occidental, le nord de la Mauritanie et le sud-ouest algérien, et dont certaines sous-régions sont difficilement gouvernable, alors que les tensions liées au conflit rendent là encore impossible une coopération raisonnée en matière de sécurité.

    • Le conflit a également un coût financier et en termes de crédibilité important pour la Communauté internationale, qui maintient la force d’intervention de la MINURSO sur place pour un budget de 35 millions d’euros par an, sans résultat probant depuis bientôt vingt ans.

    En attendant, les réfugiés des camps de Tindouf vivent dans des conditions déplorables, souffrant de pénuries alimentaires, du manque d’eau, d’infrastructures sanitaires insuffisantes… Le déclin du Polisario, qui a perdu ses soutiens politiques et idéologiques de la Guerre froide, fait également craindre un effondrement de l’organisation fragile des camps : la corruption au sein de la RASD, dirigée exclusivement par le Polisario, le clientélisme appliqué dans l’attribution de l’aide humanitaire internationale, la monopolisation du pouvoir et l’immobilisme politique qui en découle sont de plus en plus mal acceptés par la nouvelle génération. L’identité nomade sahraouie, qui avait été déconstruite pour s’incarner dans la lutte pour un territoire perdu, est en train de se reconfigurer. Ainsi, les Sahraouis « qui optent pour la Mauritanie font preuve de la même volonté d’affirmation identitaire que ceux qui restent à Tindouf, non pas quant à une indépendance qui leur paraît irréalisable, mais dans leur identité : en s’installant en Mauritanie, ils renoncent à leur militantisme pour l’indépendance de la RASD, mais ils demeurent des Delimi, des Tekna, des Ahl Ma El Aïnin ou des membres de tout autre tribu »14. Parallèlement, le Maroc administre et développe de fait le Sahara Occidental depuis 1979, conférant aux populations locales (Marocains du Nord installés au Sahara et Sahraouis) un niveau de vie évidemment bien meilleur que dans les camps. Désormais, les progrès pour la reconnaissance des Sahraouis sous administration marocaine comme des citoyens à part entière doivent être poursuivis dans le cadre global de la défense et de la promotion des droits de l’homme au Maroc.

    Les enjeux initiaux et ceux qui sont venus se greffer et se cristalliser sur le Sahara Occidental sont donc tels que le coût supposé ou estimé de l’impasse est longtemps apparu préférable à celui qu’impliquerait une issue défavorable, et ce malgré le potentiel de développement et de stabilité sécuritaire que permettrait la normalisation du conflit. Par conséquent, seule une solution politique négociée, englobant l’ensemble des problématiques liées au conflit, et dans laquelle aucun acteur ne perdrait la face semble à même de débloquer la situation. La proposition marocaine d’un Plan d’autonomie pour la région du Sahara Occidental, présentée devant le Conseil de Sécurité de l’ONU en 2007 est à ce titre la première alternative crédible au gel des positions de principe évoquées plus haut.

    L’autonomie de gestion proposée par le Maroc prévoit la mise en place d’organes législatif, exécutif et judiciaire au niveau local, dont la compétence portera sur de nombreux domaines15. À l’instar des différents modèles fédéraux européens, l’État conservera une compétence exclusive sur les domaines régaliens, qui au Maroc comprennent notamment la sécurité, la coopération internationale et les relations extérieures, la commanderie des croyants, et le système judiciaire. A la recherche d’un consensus le plus large possible, Rabat souhaite organiser un référendum de ratification du projet d’autonomie par les populations des provinces du sud, et, compte tenu de la nécessité de réformer la constitution du Royaume pour y intégrer le concept d’autonomie, réaliser également une consultation de l’ensemble du peuple marocain.

    Il apparaît donc bien que cette proposition d’autonomie doivent être considérée comme une base tangible de négociation, qui s’inscrit en outre dans la démarche plus générale de régionalisation et de démocratisation du pays évoquée dans la première partie. Car personne ne peut dire aujourd’hui si l’indépendance du Sahara Occidental constituerait une option viable, s’il ne risquerait pas de se transformer en zone grise propice à tous les trafics, à la prolifération du terrorisme et in fine à la déstabilisation de la région. Certains, comme le porte-parole du Département d’État américain en 2008 ont même été jusqu’à considérer qu’un État Sahraoui indépendant ne pouvait être considéré comme une « une option réaliste »16, ni « un objectif accessible », pour reprendre la formule de l’ancien représentant spécial du Secrétaire Général de l’ONU pour le Sahara Occidental, Peter van Walsum17. Il est en tout cas certain que la sécurité de la zone ne peut admettre un « failed » state, surtout si ce dernier sert de nouvel alibi pour renforcer les crispations et le maintien sous tutelle des sociétés maghrébines.

    En revanche, tout le monde reconnaît l’intérêt considérable en termes de croissance et d’amélioration des conditions de vie des populations que constituerait la fin des politiques de défiance au Maghreb et la progression de l’intégration régionale. La normalisation de la question du Sahara Occidental, qui implique nécessairement l’engagement de toutes les parties, permettrait en outre d’initier une sécurisation globale et durable de cette région fragile. Il convient désormais de convaincre les protagonistes que leur place et leurs intérêts seront préservés une fois le pas franchi : le Maghreb a besoin d’ouverture et de stabilité, pas d’une escalade sécuritaire.

    – L’UE doit soutenir la proposition marocaine d’autonomie, qui semble aujourd’hui la seule option réaliste de sortie de crise. Cette issue n’est envisageable que sur la base du plan marocain élargi afin de répondre à toutes les dimensions du conflit en particulier : (1) donner des garanties aux populations sahraouies sous administration marocaine, notamment concernant l’intégration d’une voix politique légale sahraouie. La décorrélation progressive actuelle entre identité Sahraouie et revendication territoriale est à ce titre de bon augure ; (2) établir des accords bilatéraux commerciaux et de coopération permettant la préservation des intérêts géo-économiques des deux grands États, au premier rang desquels figurent le phosphate pour le Maroc, le gaz et le fer pour l’Algérie, et l’exploitation du pétrole saharien pour les deux partie.

    – Pour ce faire, la voie des négociations directes entre les protagonistes, y compris en y associant l’Algérie doit être privilégiée et soutenue par l’UE. En ce sens, les dernières négociations informelles entre le Maroc et le Front Polisario qui se sont déroulées les 10 et 11 février 2010 à New York en présence de l’Algérie et de la Mauritanie sont encourageantes. Bien que peu d’information aient filtré au sujet des négociations en elles-mêmes, la décision des parties de se revoir prochainement est en soi une avancée qu’il convient d’appuyer. Dans la Déclaration conjointe issue du Sommet UE-Maroc du 7 mars 2010, l’UE a d’ailleurs réitéré son soutien aux « efforts du Conseil de Sécurité des Nations Unies, du Secrétaire Général et de son Envoyé personnel pour le Sahara Occidental pour parvenir à une solution politique définitive, durable et mutuellement acceptable [en exprimant son] soutien au processus de négociations en cours, dans le cadre des directives du Conseil de Sécurité et notamment la Résolution 1871 (2009) »18.

    2. Le gâchis du blocage des frontières

    Cette logique de défiance qui paralyse la région est également au cœur de la problématique des frontières, tant internes au Maghreb qu’avec les pays voisins. Parmi les tensions générées par les enjeux de sécurité, la fermeture des frontières est sans l’une des plus emblématiques, et demeure un frein considérable au développement de la région. Les frontières sont traditionnellement un marqueur de souveraineté et un baromètre des relations régionales. Elles sont d’abord un enjeu de souveraineté, comme l’a illustré la “guerre des sables” de 1963 entre le Maroc et l’Algérie qui n’a pris fin qu’en 1992 avec la Convention fixant les frontières entre les deux États.

    Les tensions entre les pays du Maghreb se traduisent ainsi immanquablement par un durcissement des contrôles comme entre l’Algérie et la Tunisie en 2007, pouvant aller jusqu’à la fermeture complète, comme c’est le cas depuis plus de 15 ans entre l’Algérie et le Maroc, un bouclage qui ruine l’économie régionale, déchire de nombreuses familles, et ne trouve pas d’issue malgré la demande de réouverture souvent réitérée par le Maroc.

    La coopération en matière de sécurité, de contrôle des frontières et de lutte contre les trafics ne doit pas se faire au détriment des populations et du développement économique. De telles mesures, si elles améliorent à court terme la gestion des trafics, ne permettent pas d’établir une sécurité profitable à tous sur le long terme.

    La réticence à l’ouverture n’est pas le fait des États seulement. La mise en œuvre de l’accord de libre-échange d’Agadir, signé en février 2004 et entré en vigueur en avril 2007, souffre de cette réalité : réunissant le Maroc, l’Égypte, la Jordanie et la Tunisie, il était conçu initialement pour permettre la levée immédiate des barrières non tarifaires et l’instauration progressive d’une zone de libre-échange. Trois ans plus tard, malgré l’accord politique officiel des États, force est de constater que les résultats attendus ne sont pas au rendez-vous, comme en témoignent la faiblesse des échanges entre les pays signataires. Pour de nombreux analystes, ce blocage serait le résultat direct des réticences de certaines entreprises. Par exemple, les exportations de la voiture Logan sont très difficiles vers l’Égypte, compte tenu des entraves administratives mises en place sous la pression des chaînes de montages égyptiennes, qui veulent conserver leurs parts dans un marché interne de l’automobile très protégé. Ces réflexes protectionnistes se retrouvent également du côté maghrébin, avec par exemple des campagnes menées contre l’importation de riz égyptien. Pour Omar Hilale, Ambassadeur représentant permanent du Maroc auprès de l’Office des Nations unies à Genève, ces blocages proviennent de « la prévalence des intérêts sectoriels sur les intérêts stratégiques collectifs de la région », au détriment de l’avenir même du Maghreb.

    – Réorienter les approches en privilégiant une gestion responsable des flux qui conjugue les exigences sécuritaires nationales légitimes et les échanges locaux, source durable de développement économique et humain.

    – Poursuivre l’effort envers l’ensemble des acteurs des sociétés civiles maghrébines en vue de les convaincre que l’ouverture aux voisins est une chance et répondre à leurs craintes est essentiel. Dans cette perspective, l’UE doit soutenir des politiques publiques d’information qui doivent permettre de faire sauter les verrous psychologiques de l’isolement et du repli sur soi.

    Source : Maroc Leaks, 26 mars 2020

    Tags : Maroc, Sahara Occidental, Sahel, terrorisme, Boko Haram, Mali, Niger, Nigeria, Burkina Faso,