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  • Les Tunisiens noirs défient les interdits

    Fatima-Ezzahra Bendami

    En Tunisie, face au déni persistant de l’identité africaine, la communauté noire ne veut plus attendre.

    Juin 2020, sur l’avenue Habib Bourguiba, principale artère de Tunis, un hommage est rendu à George Floyd. L’émotion soulevée par la mort de l’africain-américain, tué par la police de Minneapolis, a trouvé un écho en Tunisie. Plus de 200 personnes se sont réunies devant le théâtre municipal. Pour crier des slogans, « I can’t breath », « let us breath », pour brandir des pancartes où figure ces trois mots « black lives matter », « denying racism suports it ».

    Des manifestants de tous les âges, de tous les sexes, beaucoup de Tunisiens, certains originaires d’Afrique subsaharienne.

    Maya est certainement la plus jeune ici. Elle a 14 ans et elle a écrit sur un morceau de carton une liste funeste des dernières victimes de violences policières aux Etats-Unis. Elle y a ajouté le nom de « Falikou Koulibaly », un Ivoirien tué en 2018 à Tunis, lors d’une agression. « En Tunisie, il y a autant de racisme envers les Noirs. » Mais tout le monde n’est pas du même avis. Une passante demande la raison de ce rassemblement : « Le racisme ? Ça n’existe pas chez nous. » Et beaucoup pensent comme elle.

    Ce samedi ensoleillé de juin, une grande partie des personnes réunies a répondu à l’appel de M’nemty. L’association anti-raciste tunisienne existe depuis 2013. Elle est dirigée par Saadia Mosbah. Ce jour-là, quand la militante parle de George Floyd, elle ne peut pas retenir ses larmes. « Ça parle aux personnes Noires du monde entier et d’ici aussi. C’est à peu près la même condition, plus ou moins, selon certains degrés. La particularité du racisme en Tunisie, c’est qu’il est silencieux. (…) C’est une hypocrisie sociale insoutenable. »

    Deux mois plus tard, nous la retrouvons dans une grande villa du Bardo, à deux pas du parlement. « M’nemty c’est un rêve, un rêve d’égalité pour tous », explique-t-elle en traduisant le nom de son association, tiré du dialecte tunisien. Elle a installé le siège dans la maison familiale, construite par son père qui était architecte.

    A plus de soixante ans, Saadia Mosbah est une hôtesse de l’air à la retraite, qui consacre tout son temps, ou presque, à son combat très personnel. Tout a commencé pour elle après la révolution. Le changement de régime s’est accompagné d’une libération de la parole et de la société civile. « Avant, il y avait quelques petits mouvements. D’abord le chanteur Salah Mosbah, qui a chanté sa négritude, qui s’est battu et se bat encore. Il y a eu Affet Mosbah, qui a écrit une tribune ”Etre noir en Tunisie”, en juillet 2004. »

    Elle vient de citer son frère et sa sœur, engagés dans l’antiracisme à une époque, où il était interdit d’en parler dans son pays. Elle raconte comment la tribune de sa sœur publiée dans le magazine Jeune Afrique a été censurée : « Je me dirige vers le kiosque pour récupérer les copies, je ne trouve rien, le vendeur me dit que tout a été ramassé. Les Tunisiens n’ont pu accéder à cet article qu’après 2010 sur Internet. L’article de 2004, personne ne l’a eu en version papier. Nous, on l’a acheté à Paris, on l’a lu à la maison. J’ai alors vu l’émotion de mon père et sa fierté. Je pense que quelque part, elle avait écrit ce qu’il avait toujours pensé et il n’avait jamais dit tout haut. »

    Racisme au placard

    Abdessattar Sahbani est sociologue à la Faculté des Sciences Humaines et Sociales de Tunis. Il est membre d’honneur de l’association M’nemty. Pour lui, l’Etat a rendu invisibles les Tunisiens Noirs pendant des décennies, empêchant de traiter des questions raciales. A l’indépendance, « on a essayé de donner de la Tunisie une image moderniste, ouverte ». « Cette Tunisie n’était pas noire. C’était ça le discours de Bourguiba (premier président de la Tunisie). Le Tunisien était de loin plus développé que les Africains, de loin plus développé que les musulmans, de loin plus développé que les arabes. Il aspirait à être européen. » Absents des postes à responsabilité, dans l’économie, en politique, dans l’administration, les Tunisiens Noirs sont comme mis de côté, et avec eux le problème du racisme.

    Le silence de l’Etat a des conséquences très concrètes. Dans la société tunisienne, on peut être victime de discriminations, c’est un fait normal et accepté. Saadia Mosbah a travaillé pour la compagnie aérienne nationale pendant trente-neuf ans. Elle était cheffe de cabine : « Je me souviens d’une dame qui arrête ses enfants en disant ”Stop on n’est pas sur Tunisair, on a dû se tromper de porte”. Je lui ai répondu que non ”Vous voyez bien que je porte l’uniforme avec l’insigne de la compagnie”. » Plus tard, pendant le vol, la passagère demande à lui parler. « Elle me questionne ”Mais comment ça vous êtes tunisienne, noire et hôtesse de l’air à la fois ?” » En Tunisie, dit Saadia Mosbah, « le noir ne doit pas faire d’études, ne doit pas être bien habillé, ne doit pas avoir de voiture. C’est très bien s’il est garçon de café, c’est très bien s’il fait des petits travaux, s’il est cireur, s’il est porteur, mais dès qu’il a un diplôme en poche, qu’il veut travailler ou aller à la faculté, ça pose problème. »

    C’est ce racisme violent mais terriblement ordinaire qu’Anis Chouchène essaie de décrire, d’expliquer. Il est poète et chanteur. Il connaît donc la puissance de la parole. « L’impact des mots est plus fort que les armes, une bombe agit en une fraction de seconde, alors que les mots ça détruit sur le long terme. » Il a écrit des textes sur le racisme, pour évacuer sa souffrance, dit-il. « Les mots comme Kahlouch (noiraud), degla (datte), oussif (esclave), kahla (noir), moi je ne réponds pas quand on m’appelle comme ça. » Parfois, c’est encore plus dur. Quand on le prend un étranger et qu’on parle de lui en arabe, en pensant qu’il ne va pas comprendre.

    Anis Chouchène ne laisse plus rien passer désormais. « Des fois, je me bagarre avec des amis Noirs pour qu’ils se fassent respecter et affrontent le racisme. Ça me touche quand je dis à quelqu’un de ne pas se taire et qu’il dit ”non ce n’est pas grave, ils n’ont pas fait exprès”. » Pour certains Tunisiens ces mots font partie du langage courant, sans connotation péjorative. « Les insultes sont devenues folkloriques et on les accepte comme moyen d’intégration sociale », analyse Abdessattar Sahbani.

    Dans la maison de son enfance, Saadia Mosbah allume une cigarette, aspire une bouffée de tabac avant de raconter de vieux souvenirs, comme s’ils s’étaient passés la veille. Elle a huit ans, quand sa meilleure amie de l’école la traite d’« oussifa ». « Pour ma mère, comme pour tout le monde, oussifa désignait la couleur. Pour moi, je ne sais pas pourquoi, c’était une insulte. C’est quelque chose que vous ressentez tout simplement. Il est dit seulement aux noirs ce mot ”Ya Oussif”, mais il sort comme un carton rouge : ”Attention n’oublie pas qui tu es.” »

    Mécanisme de protection

    Même cette militante a dû apprendre à composer avec le racisme de sa société. Plus jeune, Saadia Mosbah a dû parfois faire comme s’il n’existait pas. « On dit qu’on n’a jamais rien subi, car on ne veut rien entendre, c’est une réaction que je connais, c’est une réaction que j’adoptais moi-même. J’étais sportive, je faisais partie de l’équipe nationale de basketball. Au moment de rentrer sur le terrain, je ne voyais plus rien, je n’entendais plus personne. Dans un match on peut rater 10 lancers, même 20 lancers, imaginez si à chaque fois on vous traite d’oussifa. C’est quelque chose ! »

    Zyed Rouin était comme ça. Pendant longtemps, il a refusé de regarder la réalité en face. Ce trentenaire s’est engagé dans l’antiracisme à partir de 2013. Aujourd’hui, c’est un pilier de l’association M’nemty. Il est aussi consultant pour l’ONG Minority Rights Group International, qui défend les droits des minorités à travers le monde. Pourtant, Zyed Rouin dit avoir mis du temps à se rendre compte de sa différence et de ce qu’elle signifiait.

    Sa rencontre avec Saadia Mosbah a été déterminante. Lors d’une conférence, il s’oppose à la militante et soutient qu’il n’y a pas de racisme en Tunisie, qu’il n’a jamais subi aucune discrimination. « Elle m’a dit ”prends ton temps, essaie de rassembler tes souvenirs et on en parlera après”. » Cette phrase lui fait l’effet d’un électrochoc. Il réunit ses souvenirs et réalise qu’il a toujours été le seul Tunisien Noir de sa bande : « A l’école, avec mes amis, je me sentais obligé de fournir plus d’efforts pour être accepté, avoir les meilleurs résultats, faire plus de blagues. Je n’ai jamais eu d’amis Noirs, quand je montais dans un bus, par exemple, si j’apercevais un groupe de personnes Noires, je les évitais. »

    Remontent alors à la surface des moments de sa vie qu’il avait enfouis profondément dans sa mémoire, comme son premier jour d’école. « Ma mère m’a encouragé en me disant qu’à l’école j’allais rencontrer de nouveaux enfants, qu’on allait jouer ensemble, que j’allais m’amuser… J’attendais le moment de rencontrer mon premier nouvel ami, mais en arrivant je me retrouve dans une classe où je suis le seul Tunisien Noir. Ce sont les enfants qui me l’ont fait comprendre, avec des expressions et des phrases que j’entends pour la première fois alors, du genre ”Qu’est-ce que tu as, tu es brûlé ou quoi ? Tu es noir, c’est parce que Dieu ne t’aime pas” et j’en passe. Je me retrouve avec une réalité autre que celle qu’on m’a promise à la maison. L’enfant de six ans que j’étais n’avais aucun moyen de se défendre et à ce moment-là les enfants de mon âge avaient beaucoup d’arguments pour m’expliquer que j’étais Noir et différent. »

    Selon le sociologue Abdessattar Sahbani, ce « déni » est « un mécanisme de protection et d’intégration ». « Je dois me protéger et accepter le racisme pour trouver ma place. » Ce déni constitue une « immunité sociale » que chaque Tunisien Noir doit acquérir dès son plus jeune âge « pour protéger son enfant dans une société qui est raciste ». En résulte un consentement psychologique: l’enfant très tôt est « conscient qu’il est Noir et qu’il n’est pas dans la même situation, une situation analogue à celles des autres enfants ».

    Pendant la révolution, Saadia Mosbah a été marquée par l’absence des Tunisiens Noirs dans les cortèges. C’est aussi ça qui l’a encouragé à militer. « Ils ne se sentaient pas tunisiens, ils ne se sentaient pas citoyens, voilà le terme. Ils se sentaient exclus et s’auto-excluaient. (…) M’nemty c’était ça, cette recherche de citoyenneté d’abord, d’égalité et d’équité. Il est inconcevable qu’on soit tunisiens et qu’on ait peur d’entrer dans la foule et qu’on ait peur de dénoncer quoique ce soit, et qu’on ait peur de participer à une manifestation. »

    Le problème est profond, estime Saadia Mosbah. A l’origine : Le refus de son pays de se reconnaître comme société « multi-ethnique » et « multiculturelle ». « La Tunisie a donné son nom à notre continent et pourtant rejette son africanité, c’est ça ce qui est gênant. »

    L’Africain c’est l’autre

    L’historien Nouri Boukhchim, enseignant chercheur à l’Université de Tunis, partage ce point de vue. Tout commence par la négation d’une évidence : le pays se trouve en Afrique. « Le regard des Tunisiens est tourné vers la Méditerranée, vers le nord et non pas vers le sud. C’est comme ça qu’on s’est éloigné de notre africanité, au nom de l’unification du peuple tunisien. » C’est Habib Bourguiba, le premier président de la Tunisie indépendante, qui lance dans les années cinquante-soixante de grandes réformes pour « moderniser le peuple tunisien ». « Tout doit changer, le mode de vie, l’habitat… » Tout cela aboutit à une refonte de l’identité tunisienne, une rupture historique. Pour Nouri Boukhchim, « il y a un déni dans la société tunisienne, l’Africain c’est l’autre ».

    Cependant, les recherches scientifiques qu’il a mené avec son équipe, dans le sud de la Tunisie, montrent l’inverse. Les populations de la région ont des origines très diverses. « On a prélevé 80 échantillons d’ADN dans 3 localités, résultats : un mélange Afrique est/ouest et arabe. (…) Il ne faut pas oublier qu’il n’y avait pas de frontières, les populations se déplaçaient beaucoup. »

    Tant que la question raciale n’aura pas été résolue dans le pays, les Tunisiens Noirs devront vivre avec les discriminations et seront obligés de développer des stratégies de contournement. Dans la rue, Saadia Mosbah est imperturbable : « J’ai des œillères et je n’entends plus rien, parce que nos oreilles ont été polluées par les propos racistes, par des hommes qui vous disent ”L’Oussifa purifie le sang” ils fantasment sur votre physique, sur votre corps que vous avez envie de cacher, vous avez envie de courir, vous n’avez même plus envie de porter des couleurs tellement on vous embête dans la rue. Parfois des gens me disent ”Je t’ai appelée, tu ne m’as pas répondu, tu étais en face de moi, je te faisais des signes, tu ne m’as pas vu”. Et bah non, je ne vois rien, je n’entends rien. »

    Africa is a country, 24 mars 2021

    Tags : Afrique, Tunisie, racisme, noirs, discrimination,

  • Comment le contre-terrorisme américain alimente la violence au Sahel

    Tags : Etats-Unis, Afrique, terrorisme, Burkina Faso, Mali, Niger, Nigeria, Somalie,

    COMMENT LE CONTRE-TERRORISME AMÉRICAIN ALIMENTE LA VIOLENCE AU SAHEL
    Le rôle des États-Unis dans les abus du gouvernement au Burkina Faso.

    Je me suis rendu à Ouagadougou, la capitale poussiéreuse du Burkina Faso, en janvier 2020, juste avant que la pandémie ne me jette – et ne jette le monde – dans le vide. Des vents d’harmattan soufflaient du désert du Sahara au nord. Alors qu’une brume couleur rouille s’installait dans les rues, j’ai essayé de comprendre la « guerre contre la terreur » du Burkina Faso.

    J’ai parlé avec des journalistes, des activistes, des universitaires, d’anciens fonctionnaires, des employés d’organisations à but non lucratif. J’ai surtout cherché des personnes qui avaient été déplacées par la violence. Cela n’a pas été facile. On m’a dit qu’en tant que femme blanche et étrangère, je serais trop vulnérable aux enlèvements ou autres attaques pour m’éloigner de la capitale. J’ai suivi ce conseil et suis restée en sécurité, mais j’ai tout de même réussi à me faire une idée très précise de la nature du conflit actuel.

    En dehors du champ de vision de nombreux Américains et Européens, la « guerre contre la terreur » fait rage dans la région du Sahel en Afrique de l’Ouest, qui englobe le Mali, le Niger et le Burkina Faso. En 2020, au moins 1 000 incidents violents liés à des groupes islamistes militants s’y sont produits – soit une multiplication par sept depuis 2017. Parmi les nations occidentales, la France a été le visage des opérations post-11 septembre dans cette région, le président Macron ayant récemment exclu un retrait significatif des troupes. Bien que les États-Unis ne soient pas un acteur principal sur le terrain, j’ai trouvé qu’ils étaient complices de l’intensification de la violence.

    La semaine dernière, le projet sur les coûts de la guerre, que je codirige à l’institut Watson de l’université Brown, a publié mon rapport montrant les coûts importants de l’ »aide » apportée à d’autres pays pour combattre les militants. Le Burkina Faso a utilisé le discours américain sur la lutte contre le terrorisme – ainsi que les ressources financières, politiques et institutionnelles que les États-Unis lui ont fournies – pour réprimer un groupe minoritaire, justifier l’autoritarisme et faciliter les profits illicites.

    Les États-Unis ont donné au Burkina Faso des millions d’euros d’aide à la sécurité – plus de 16 millions de dollars rien qu’en 2018 – et son budget militaire a explosé en même temps que le soutien américain. Le Pentagone a formé des soldats et des policiers burkinabés pour combattre ceux qu’ils appellent les terroristes et a fait don de véhicules blindés de transport de troupes, de mitrailleuses et d’autres équipements militaires.

    Les États-Unis ont également permis au Burkina Faso d’acquérir une meilleure compréhension du terrorisme et du contre-terrorisme, sans laquelle les abus actuels du gouvernement seraient beaucoup moins justifiés. Bien que le Burkina Faso ait longtemps été connu pour être relativement pacifique, les États-Unis ont, au cours de la dernière décennie, préparé le terrain pour son approche militariste actuelle. En 2009, bien avant que la violence militante n’y éclate, le Burkina Faso a adhéré au partenariat transsaharien de lutte contre le terrorisme. Lorsque, des années plus tard, la violence a éclaté, l’État burkinabé a été préparé à agir en partant du principe que la « guerre contre le terrorisme » était la meilleure, voire la seule, façon de réagir.

    Les Peuls, un groupe d’éleveurs semi-nomades qui vivent en Afrique de l’Ouest et du Nord et pratiquent l’islam, sont les plus touchés par la guerre du Burkina. « Le contre-terrorisme leur donne le feu vert pour tuer qui ils veulent, sans aucune conséquence », m’a dit un Peul à propos des forces gouvernementales. Plusieurs personnes interrogées ont raconté comment les forces de l’État, à un poste de contrôle routier dans une région peuplée de Peuls, ont arrêté des camionnettes de transport et ont exigé de voir la carte d’identité gouvernementale de chaque passager. Quiconque n’avait pas de carte était abattu – et les Fulanis n’ont souvent pas de carte d’identité officielle.

    Le fait est qu’une guerre intérieure ne peut pas vraiment s’attaquer aux causes de la violence militante. Comme l’explique le responsable d’une organisation burkinabé à but non lucratif qui travaille avec des leaders peuls pour promouvoir la paix, « environ 80 % de ceux qui rejoignent des groupes terroristes nous ont dit que ce n’est pas parce qu’ils soutiennent le djihadisme, mais parce que leur père, leur mère ou leur frère a été tué par les forces de sécurité. Tant de personnes ont été tuées – assassinées – mais il n’y a pas eu de justice. »

    La recherche historique montre que les gouvernements ont été beaucoup plus efficaces dans la réduction de la violence militante lorsqu’ils se sont attaqués aux sources sociales et politiques des griefs des gens. Une attaque militarisée contre une population censée abriter des terroristes est incroyablement contre-productive car elle constitue le meilleur moyen de recrutement des militants. Dans le même temps, le paradigme de la guerre ne s’attaque pas à la pauvreté, à l’abandon par l’État, à la corruption et aux autres problèmes structurels qui conduisent les gens à se sentir si frustrés par leurs gouvernements.

    Les États-Unis doivent faire davantage pour que le Burkina Faso soit tenu responsable, non seulement des abus perpétrés par les forces de l’État, mais aussi par les milices informelles soutenues par le gouvernement. Au-delà de cela, mes recherches soulignent la nécessité pour les États-Unis de reconceptualiser complètement les opérations de l’après-11 septembre, en particulier dans les endroits déchirés par la violence militante. Aujourd’hui, les États-Unis « assistent » au moins 79 nations dans la lutte contre le terrorisme. L’ironie tragique est que ce que les États-Unis appellent l’assistance à la sécurité accomplit en fait le contraire. Elle alimente l’insécurité et soutient les militants qui réagissent aux injustices gouvernementales rendues possibles par l’aide américaine. Et le cercle vicieux dont j’ai été témoin au Burkina Faso n’est pas une exception – c’est la règle.

    Stephanie Savell est codirectrice du projet « Coûts de la guerre » au Watson Institute for International and Public Affairs de l’université Brown.

    Instick, 12 mars 2021

    Tags : Terrorisme, Afrique, Burkina Faso, JNIM, Daech, Al Qaida, Boko Haram, Mali,

  • Sahara Occidental : De nouvelles propositions attendues pour le conflit sahraoui au Sommet de l’UA

    Le sommet de l’Union africaine (UA), prévu la première semaine de février, se penchera sur la situation au Sahara occidental. Ça sera un tournant politique décisif dans le traitement de ce dossier de décolonisation, et dont la situation est tendue. La guerre s’est de nouveau installée, suite à la violation par le Maroc de l’accord de cessez-le-feu de septembre 1991. Une violation qui poussa les sahraouis à dénoncer ce cessez-le-feu et mettre fin à leurs exaspération et une attente d’un référendum d’autodétermination qui dure depuis trente ans.

    Ce sommet, qui abordera d’autres questions sensibles, sera dominé cependant par le dossier sahraoui et les affrontements qui se déroulent depuis le 13 novembre dernier, notamment tout au long du mur des sables, long de 2500 km érigé par des fortifications et des zones infestées de milliers de mines. Les chefs d’État africains attendent la finalisation d’un rapport du CPS, conseil de paix et sécurité, dont les membres ont multiplié les consultations. D’ailleurs, des propositions pour le règlement de la question seront remises sur la table par le CPS.
    Déjà que le SG de l’ONU n’arrive plus à désigner un envoyé spécial au Sahara occidental, que la Minurso s’est confinée dans un rôle mineur, que Rabat refuse l’envoi d’observateurs de l’UA ou d’une quelconque mission d’observation sur la situation, le dossier est devenu épineux. Le ralliement de certains pays occidentaux aux thèses du makhzen ne facilite guère la résolution du conflit.
    Mais, signe de l’incapacité de l’ONU dans ce dossier, c’est le Conseil de sécurité qui vient de diffuser, il y a trois jours, les propositions de l’Union africaine concernant le règlement du conflit au Sahara occidental. Ces propositions visent à réunir les conditions d’un nouveau cessez-le-feu et à parvenir à une solution juste et durable qui permette l’autodétermination du peuple sahraoui.
    Le document diffusé ce vendredi par le Conseil de sécurité souligne l’inquiétude de l’Union africaine quant à la situation dans la région d’El-Guerguerat, à l’extrême sud sur Sahara occidental, à nouveau en proie à la guerre suite à l’agression militaire marocaine et à la violation de l’accord de cessez-le-feu en vigueur depuis 1991.
    Le document évoque également la contribution attendue de l’UA en appui aux efforts de l’ONU, à travers l’organisation par le Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l’UA d’un dialogue avec les deux parties, RASD et Maroc, tous deux membres de l’organisation panafricaine, pour “réunir les conditions d’un nouveau cessez-le-feu et parvenir à une solution juste et durable au conflit qui permette l’autodétermination du peuple sahraoui, conformément aux décisions et résolutions pertinentes de l’Union africaine et de l’ONU et des objectifs et principes de l’Acte constitutif de l’UA”, selon des sources médiatiques sahraouies.
    Tags : Sahara Occidental, Maroc, Front Polisario, Western Sahara, Algérie, Union Africaine, Afrique,
  • 10 conflits à surveiller en 2021

    La nouvelle année sera probablement marquée par des héritages non résolus de l’ancien: COVID-19, des ralentissements économiques, des politiques américaines erratiques et des guerres destructrices que la diplomatie n’a pas arrêtées. Le président de Crisis Group, Robert Malley, énumère les dix conflits à surveiller en 2021.

    Robert Malley*

    S’il y avait un concours pour l’événement 2020 avec les implications les plus profondes pour la paix et la sécurité mondiales, le terrain serait bondé.

    De la pandémie de coronavirus à l’impact croissant du changement climatique, en passant par les politiques de la terre brûlée de l’administration Trump après l’élection de Joe Biden, la guerre azerbaïdjanaise et arménienne sur le Haut-Karabakh et un conflit meurtrier dans la région éthiopienne du Tigré, cette année a été riche en événements. En 2021, le monde devra faire face aux conséquences et passer au crible les débris.

    Commencez par COVID-19 et sa longue queue. Lorsque la pandémie a éclaté pour la première fois, beaucoup – moi y compris – craignaient qu’elle n’ait des conséquences immédiates et potentiellement dévastatrices dans les pays en développement, en particulier ceux confrontés à des conflits meurtriers. Bien que plusieurs pays à faible revenu aient été durement touchés, beaucoup ne l’ont pas été; l’activité diplomatique, la médiation internationale, les missions de maintien de la paix et le soutien financier aux populations vulnérables ont souffert, mais on peut se demander si le COVID-19 a considérablement affecté la trajectoire des grandes guerres, que ce soit en Afghanistan, en Libye, en Syrie, au Yémen ou ailleurs.

    Les ramifications à plus long terme sont une autre affaire. La pandémie a précipité une crise économique mondiale sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale, avec 150 millions de personnes supplémentaires poussées sous le seuil de pauvreté extrême. Bien que les niveaux de revenu ne soient pas directement corrélés avec les conflits, la violence est plus probable pendant les périodes de volatilité économique.

    Au Soudan, au Liban et au Venezuela, pour ne citer que quelques exemples, on peut s’attendre à ce que le nombre de chômeurs augmente, que les revenus réels s’effondrent, que les gouvernements rencontrent des difficultés croissantes pour payer les forces de sécurité et que la population en général compte de plus en plus un moment où les États sont les moins équipés pour le fournir. Les frontières séparant l’insatisfaction économique des troubles sociaux et les troubles sociaux des flambées de violence sont minces. Les États-Unis, l’Europe ou d’autres donateurs ne sont pas non plus susceptibles de consacrer la quantité requise d’attention ou de ressources continue de haut niveau aux conflits régionaux lointains alors qu’ils affrontent des ravages économiques, sociaux et politiques chez eux.

    Vient ensuite le changement climatique – un phénomène à peine nouveau, mais en accélération avec un impact de plus en plus perceptible sur les conflits. Il est vrai que la chaîne causale est détournée, les réponses politiques aux conditions météorologiques extrêmes jouant souvent un rôle plus important que les modèles eux-mêmes. Pourtant, avec des vagues de chaleur plus fréquentes et des précipitations extrêmes, de nombreux gouvernements ont plus de mal à faire face à l’insécurité alimentaire, à la pénurie d’eau, aux migrations et à la concurrence pour les ressources. C’est la première année qu’un risque transnational figure sur notre liste des principaux conflits, car la violence liée au climat s’étend du Sahel au Nigeria et en Amérique centrale.

    Pendant ce temps, les États-Unis – polarisés, méfiants à l’égard de leurs institutions, lourdement armés, déchirés par de profondes divisions sociales et raciales et dirigés par un président imprudemment diviseur – se sont rapprochés d’une crise politique ingérable qu’à aucun moment de leur histoire moderne. Alors que le pays a été épargné du pire, le président Donald Trump a passé ses dernières semaines en fonction à contester la légitimité de l’élection et donc de son successeur, apparemment déterminé à donner au président élu Biden la main la plus faible possible pour faire face à la situation désordonnée dont il héritera.

    Transformant la rancune politique en une forme d’art diplomatique, piégeant le terrain pour l’homme qui le remplacera, Trump a imposé une série de sanctions à l’Iran avec l’objectif à peine dissimulé d’entraver les efforts de Biden pour relancer l’accord nucléaire iranien. Il a étendu la reconnaissance américaine de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental dans un échange inconvenant contre la décision du Maroc de normaliser ses relations avec Israël. Et il a ordonné une série de retraits militaires américains de dernière minute en Somalie, en Afghanistan et en Irak. En agissant précipitamment, sans coordination ni consultation avec les principaux acteurs locaux, il a réussi à donner une mauvaise réputation à des politiques potentiellement sensées. Il y a toutes les raisons d’encourager de meilleures relations entre les Etats arabes et Israël; personne ne peut le faire d’une manière inconsciente du droit international. Il y a toutes les raisons de mettre fin à l’enchevêtrement sans fin de l’Amérique dans les guerres étrangères; il n’y a personne pour le faire d’une manière qui diminue la main du nouveau président et restreint sa marge de manœuvre.

    L’élection de Biden a apporté un espoir rehaussé de réalisme. Certains des dommages causés par son prédécesseur peuvent être réparés avec une relative facilité. Mais la nouvelle équipe peut trouver l’impression d’un géant erratique, imprévisible et indigne de confiance plus difficile à effacer. En intimidant les alliés traditionnels et en déchirant les accords internationaux, Trump pensait qu’il projetait du pouvoir mais manifestait en réalité un manque de fiabilité. Dans la mesure où Biden a l’intention de négocier à nouveau avec l’Iran et peut-être la Corée du Nord, d’encourager le compromis au Yémen ou au Venezuela, ou de revenir à un rôle moins partisan au Moyen-Orient, il sera entravé par les souvenirs de l’homme qui l’a précédé et les prévisions de ce qui pourrait venir ensuite – surtout si le pouvoir ne dure que le temps du prochain cycle électoral américain.

    Le dernier héritage de 2020 est peut-être le plus inquiétant. Les derniers mois de l’année ont gravement blessé cet adage préféré des diplomates et des artisans de la paix – à savoir qu’il n’y a pas de solution militaire au conflit politique. Dites cela aux Arméniens, forcés face à une puissance de feu azerbaïdjanaise supérieure à abandonner les terres qu’ils détenaient depuis un quart de siècle; aux Tigréens éthiopiens, dont les dirigeants ont promis une résistance prolongée contre l’avancée des troupes fédérales pour voir ces forces installées dans la capitale régionale de Mekelle en quelques jours. Dites cela, d’ailleurs, aux Rohingyas contraints de fuir le Myanmar en 2017; aux Palestiniens, qui sont restés réfugiés ou sous occupation depuis la défaite arabe de 1967; ou au peuple sahraoui dont les aspirations à l’autodétermination ont été étouffées par les troupes marocaines et un président américain transactionnel,

     En l’absence de solutions politiques plus équitables, les gains militaires ont tendance à se révéler fragiles. 

    Les artisans de paix ont longtemps été convaincus qu’en l’absence de solutions politiques plus équitables, les gains militaires ont tendance à se révéler fragiles. Tout comme les Azerbaïdjanais n’ont jamais oublié l’humiliation du début des années 1990, les Arméniens s’efforceront également d’effacer l’indignité de 2020. Si leurs griefs ne sont pas résolus, de nombreux Tigréens résisteront à ce qu’ils pourraient percevoir comme une domination étrangère. Israël ne connaîtra pas une véritable sécurité tant que les Palestiniens vivront sous son occupation. Mais cette croyance fondamentale est attaquée et il devient de plus en plus difficile de s’accrocher.

    De nombreuses personnes dans le monde ont vécu l’année écoulée comme une annus horribilis, attendant avec impatience sa conclusion. Mais comme le suggère la liste des conflits à surveiller qui suit, sa longue ombre perdurera. 2020 est peut-être une année à oublier, mais 2021 continuera probablement, et malheureusement, à nous le rappeler.

    1. Afghanistan

    Malgré des progrès modestes mais importants dans les pourparlers de paix, beaucoup de choses pourraient mal tourner pour l’Afghanistan en 2021.

    Après près de deux décennies de combats, le gouvernement américain a signé un accord avec les insurgés talibans en février. Washington s’est engagé à retirer ses troupes d’Afghanistan en échange des engagements des talibans d’interdire aux terroristes d’utiliser le pays pour des opérations et d’entamer des pourparlers avec le gouvernement afghan.

    Afghan peace talks took time to get underway. The government stretched out for six months a prisoner exchange the U.S. had promised to the Taliban – the release of 1,000 government troops or officials held by the Taliban in return for 5,000 Taliban fighters – which Kabul saw as lopsided. The insurgents, who had initially reduced suicide bombings and assaults on cities and towns, responded to delays by stepping up attacks and assassinations.

    Negotiations eventually started in Doha in mid-September, but the two sides took until December to agree on procedural rules. Neither shows much appetite for compromise. Bloodshed has, if anything, escalated. The Taliban appear to have abandoned any initial restraint. Recent months have seen an uptick in suicide bombings and larger offensives on towns.

    Un défi réside dans la façon dont les parties envisagent les discussions. Kaboul s’est engagé publiquement. Mais les hauts responsables se méfient profondément des talibans ou considèrent les négociations comme pouvant entraîner la disparition du gouvernement. Kaboul a cherché à ralentir les pourparlers sans franchir ouvertement Washington. En revanche, les dirigeants talibans estiment que leur mouvement est ascendant. Ils perçoivent le retrait des États-Unis et le processus de paix comme reflétant cette réalité. Au sein des rangs des insurgés également, de nombreux combattants s’attendent à ce que les négociations livrent une grande partie de ce pour quoi ils ont combattu.

    La date limite fixée dans l’accord de février pour un retrait militaire complet des États-Unis et de l’OTAN est imminente en mai 2021. Bien que Washington soutienne que cela était implicitement conditionnel aux progrès des pourparlers de paix afghans, les talibans réagiraient probablement avec colère aux retards importants. Depuis février, Trump a retiré des milliers de forces américaines. Un tirage initial à 8600 a été mandaté dans l’accord bilatéral, mais Trump a réduit ses effectifs à 4500 et s’est engagé à atteindre 2500 avant de quitter ses fonctions. Les retraits supplémentaires inconditionnels ont renforcé la confiance des talibans et l’inquiétude du gouvernement.

    Le sort de l’Afghanistan repose principalement sur les talibans, à Kaboul, et sur leur volonté de compromis.

    Le sort de l’Afghanistan repose principalement sur les talibans, à Kaboul, et sur leur volonté de compromis – mais en grande partie aussi dépend de Biden. Son administration voudra peut-être conditionner le retrait à l’avancement des pourparlers. Mais il faudra du temps aux parties afghanes pour parvenir à un règlement. Maintenir une présence militaire américaine dans le pays bien après mai sans aliéner irrémédiablement les talibans ne sera pas une mince affaire. Pour compliquer encore les choses, Biden a exprimé sa préférence pour le maintien de plusieurs milliers de forces antiterroristes en Afghanistan. Il devra peut-être décider entre cela et un processus de paix potentiellement réussi. Ni les talibans ni les pays de la région dont le soutien serait crucial pour le succès de tout accord n’accepteront une présence militaire américaine indéfinie.

    Un retrait précipité des États-Unis pourrait déstabiliser le gouvernement afghan et potentiellement conduire à une guerre civile multipartite élargie. À l’inverse, une présence prolongée pourrait inciter les talibans à renoncer aux pourparlers et à intensifier leurs attaques, provoquant une escalade majeure. L’un ou l’autre signifierait que 2021 marque l’année où l’Afghanistan perd sa meilleure chance de paix depuis une génération.

    2. Éthiopie

    Le 4 novembre, les forces fédérales éthiopiennes ont lancé un assaut contre la région de Tigray après une attaque meurtrière et la prise de contrôle des unités militaires fédérales de la région. À la fin de novembre, l’armée était entrée dans la capitale tigréenne, Mekelle. Les dirigeants du Front de libération du peuple du Tigray (TPLF) ont abandonné la ville, affirmant qu’ils souhaitaient épargner les civils. Beaucoup reste incertain, étant donné une panne de courant dans les médias. Mais la violence a probablement tué des milliers de personnes, dont de nombreux civils; déplacé plus d’un million à l’intérieur du pays; et conduit quelque 50 000 personnes à fuir au Soudan.

    Les racines de la crise du Tigray remontent à des années. Le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed est arrivé au pouvoir en 2018 après des manifestations largement motivées par une colère persistante contre la coalition alors au pouvoir, qui était au pouvoir depuis 1991 et que le TPLF dominait. Le mandat d’Abiy, qui a débuté par d’importants efforts de réforme d’un système de gouvernance répressive, a été marqué par une perte d’influence pour les dirigeants tigréens, qui se plaignent d’être le bouc émissaire des exactions précédentes et regardent avec méfiance son rapprochement avec le vieil ennemi du TPLF, le président érythréen Isaias Afwerki. . Les alliés d’Abiy accusent les élites du TPLF de chercher à maintenir une part disproportionnée du pouvoir, d’entraver les réformes et d’attiser les troubles par la violence.

    Le conflit du Tigray est le plus amer de l’Éthiopie, mais il existe des lignes de fracture plus larges. Les régions puissantes sont en désaccord tandis que les partisans du système fédéraliste ethnique éthiopien (qui délègue le pouvoir à des régions ethniquement définies et que le TPLF a joué un rôle déterminant dans la conception) luttent contre les opposants à ce système, qui croient qu’il enracine l’identité ethnique et favorise la division. Alors que de nombreux Éthiopiens blâment le TPLF pour des années de régime oppressif, le parti tigréen n’est pas le seul à craindre qu’Abiy veuille en finir avec le système dans une quête de centralisation de l’autorité. Notamment, les critiques d’Abiy dans la région agitée d’Oromia – la plus peuplée d’Éthiopie – partagent ce point de vue, malgré l’héritage oromo d’Abiy.

    La question est maintenant de savoir ce qui vient ensuite. Les forces fédérales ont avancé et ont pris le contrôle de Mekelle et d’autres villes relativement rapidement. Addis-Abeba espère que ce qu’elle appelle son «opération de maintien de l’ordre» vaincra les rebelles restants. Il rejette les discussions avec les dirigeants du TPLF; autoriser l’impunité pour les hors-la-loi qui attaquent l’armée et violent la constitution récompenserait la trahison, disent les alliés d’Abiy. Le gouvernement central est en train de nommer un gouvernement régional intérimaire, a émis des mandats d’arrêt contre 167 responsables et officiers militaires tigréens, et semble espérer persuader les Tigréens d’abandonner leurs anciens dirigeants. Pourtant, le TPLF dispose d’un solide réseau de base.

    Il y a des signes inquiétants. Des rapports suggèrent des purges de Tigréens de l’armée et leurs mauvais traitements ailleurs dans le pays. Les milices de la région d’Amhara, qui borde le Tigré, se sont emparées d’un territoire contesté détenu depuis trois décennies par les Tigréens. Le TPLF a lancé des missiles sur l’Érythrée et les forces érythréennes ont presque certainement été impliquées dans l’offensive anti-TPLF. Tout cela alimentera les griefs tigréens et le sentiment séparatiste.

    Si le gouvernement fédéral investit massivement dans le Tigray, travaille avec la fonction publique locale telle qu’elle est plutôt que de la vider de la base du TPLF, arrête le harcèlement des Tigréens ailleurs et gère les zones contestées plutôt que de les laisser aux administrateurs d’Amhara, il pourrait être un espoir de paix. Il serait alors essentiel de s’orienter vers un dialogue national pour guérir les profondes divisions du pays au Tigré et au-delà. En l’absence de cela, les perspectives sont sombres pour une transition qui a inspiré tant d’espoir il y a seulement un an.

    3. Le Sahel

    La crise qui sévit dans la région du Sahel en Afrique du Nord continue de s’aggraver, la violence interethnique augmentant et les djihadistes étendant leur portée. 2020 a été l’année la plus meurtrière depuis le début de la crise en 2012, lorsque des militants islamistes ont envahi le nord du Mali, plongeant la région dans une instabilité prolongée.

    Les djihadistes contrôlent ou sont une présence de l’ombre dans des pans du Mali rural et du Burkina Faso et font des percées dans le sud-ouest du Niger. Les opérations françaises de lutte contre le terrorisme intensifiées en 2020 ont porté des coups aux militants, frappant l’affilié local de l’État islamique et tuant plusieurs dirigeants d’al-Qaïda. Combinées aux luttes intestines djihadistes, elles semblent avoir contribué au déclin des attaques militantes complexes contre les forces de sécurité. Mais les frappes militaires et les meurtres de chefs n’ont pas perturbé les structures de commandement ou le recrutement des djihadistes. En effet, plus les militaires étrangers s’empilent, plus la région semble devenir sanglante. Les autorités gouvernementales n’ont pas non plus pu récupérer les zones rurales perdues au profit des militants. Même là où la pression militaire oblige les jihadistes à sortir, ils ont tendance à revenir lorsque les opérations se calment.

    Les conditions dans lesquelles les militants prospèrent sont difficiles à inverser.

    Les conditions dans lesquelles les militants prospèrent sont difficiles à inverser. Les relations des États avec nombre de leurs citoyens ruraux se sont rompues, tout comme les systèmes traditionnels de gestion des conflits. En conséquence, ni l’État ni les autorités coutumières ne sont en mesure de calmer les frictions croissantes entre les communautés, souvent sur les ressources. Les abus des forces de sécurité alimentent le mécontentement. Tout cela est une aubaine pour les militants, qui prêtent de la puissance de feu et offrent une protection aux habitants ou même interviennent pour résoudre des conflits. Les milices ethniques mobilisées par les autorités maliennes et burkinabè pour lutter contre les jihadistes alimentent les violences intercommunautaires.

    Même au-delà des zones rurales, les citoyens sont de plus en plus en colère contre leurs gouvernements. Le coup d’État du Mali en août, résultat de manifestations provoquées par une élection contestée mais soutenu par une plus grande fureur contre la corruption et un régime inepte, est la preuve la plus flagrante. Un mécontentement similaire sévit au Niger et au Burkina Faso.

    Sans des efforts plus concertés pour lutter contre la crise de la gouvernance rurale au Sahel, il est difficile de voir comment la région peut échapper aux troubles actuels. De manière générale, de tels efforts exigeraient que les acteurs étatiques et autres se concentrent d’abord et avant tout sur la médiation des conflits locaux, en discutant avec les militants si nécessaire et en utilisant les accords qui en résultent comme base pour le retour de l’autorité de l’Etat dans les campagnes. Les opérations militaires étrangères sont essentielles, mais les acteurs internationaux doivent mettre l’accent sur le rétablissement de la paix au niveau local et faire pression pour une réforme de la gouvernance. Peu de choses suggèrent que l’approche militaire d’abord stabilisera le Sahel. En fait, au cours des dernières années, il semble avoir contribué à la montée des effusions de sang interethniques et du militantisme islamiste.

    4. Yémen

    La guerre au Yémen a causé ce que l’ONU considère toujours comme la pire catastrophe humanitaire au monde. Le COVID-19 a exacerbé la souffrance des civils déjà harcelés par la pauvreté, la faim et d’autres maladies. Les hauts responsables humanitaires mettent à nouveau en garde contre la famine.

    Il y a un an, il y avait une opportunité pour mettre fin à la guerre, mais les belligérants l’ont gaspillée. Les rebelles houthis parlaient par des canaux secondaires avec l’Arabie saoudite, le principal sponsor extérieur du gouvernement yéménite reconnu par l’ONU et dirigé par le président Abed Rabbo Mansour Hadi. Les Saoudiens faisaient également la médiation entre les factions anti-houthistes qui se disputaient le statut d’Aden, une ville du sud qui est la capitale provisoire du gouvernement et qui est contrôlée par le Conseil de transition du Sud (CTS) sécessionniste soutenu par les Emirats depuis août 2019. Ensemble, ces deux voies de négociation auraient pu servir de base à un processus politique négocié par l’ONU. Au lieu de cela, les combats se sont intensifiés, en particulier à Marib, le dernier bastion urbain du gouvernement Hadi dans le nord. Il a fallu un an de négociations de mauvaise humeur avant que les factions anti-Houthi se mettent d’accord sur la façon dont elles allaient partager les responsabilités en matière de sécurité dans le sud, éloigner leurs forces des lignes de front et former un nouveau gouvernement. Les négociations seront probablement confrontées à de nouveaux obstacles sur la relocalisation du cabinet à Aden. Les efforts de rétablissement de la paix de l’ONU ont également frappé un mur.

    Les Houthis et le gouvernement Hadi ont tous deux des raisons de ralentir. S’ils l’emportent à Marib, les Huthis auront conquis le nord et s’emparer de la centrale pétrolière, gazière et électrique de la province, ce qui leur permettra de générer l’électricité et les revenus dont ils ont tant besoin. Le gouvernement peut difficilement se permettre de perdre Marib, mais il recèle un autre espoir: l’administration Trump sortante pourrait, dans un coup de départ sur l’Iran, désigner les Houthis comme une organisation terroriste, resserrant le nœud économique sur les rebelles et compliquant les négociations avec eux par des acteurs extérieurs. . Une telle mesure augmenterait les risques de famine en entravant le commerce avec le Yémen, qui importe 90% de son blé et tout son riz. Cela pourrait également sonner le glas des efforts de médiation de l’ONU.

    Dans tous les cas, le cadre bipartite de l’ONU semble dépassé. Le Yémen n’est plus le pays qu’il était au début de la guerre; il s’est fragmenté alors que le conflit faisait rage. Les Houthis et le gouvernement n’ont pas de duopole sur le territoire ou la légitimité intérieure. D’autres acteurs locaux ont des intérêts, de l’influence et un pouvoir de gâchage. L’ONU devrait élargir son cadre pour inclure d’autres, notamment le STC et les forces soutenues par les Emirats sur la côte de la mer Rouge, ainsi que les tribus du nord, qui pourraient autrement bouleverser tout règlement qu’elles rejettent. Au lieu de négocier à deux, l’ONU devrait commencer à planifier un processus plus inclusif qui encouragerait la conclusion d’accords entre les principaux acteurs.

    En l’absence de correction de cap, 2021 s’annonce comme une autre année sombre pour les Yéménites, avec la guerre qui traîne, la maladie et potentiellement la famine se propage, les perspectives d’un règlement s’évaporant et des millions de Yéménites deviennent de plus en plus malades de jour en jour.

    5. Venezuela

    Près de deux ans se sont écoulés depuis que l’opposition vénézuélienne, les États-Unis et des pays d’Amérique latine et d’Europe ont proclamé le législateur Juan Guaidó président par intérim du Venezuela et prédit la disparition de Nicolás Maduro. Aujourd’hui, de tels espoirs sont en lambeaux. Une campagne de «pression maximale» menée par les États-Unis – impliquant des sanctions, un isolement international, des menaces implicites d’action militaire et même un coup d’État avorté – n’a pas renversé Maduro. Au contraire, ces actions l’ont rendu plus fort, car des alliés, y compris dans l’armée, se sont ralliés à lui, craignant que sa chute ne les mette en danger. Les conditions de vie des Vénézuéliens, dévastées par l’ineptie du gouvernement, les sanctions américaines et le COVID-19, ont touché le fond.

    Si Maduro reste retranché, ses adversaires pourraient voir leur fortune politique s’effondrer. Les bases de la revendication présidentielle de Guaidó reposaient sur la majorité parlementaire remportée par les partis d’opposition en 2015, combinée à l’argument selon lequel la réélection de Maduro en mai 2018 était une imposture. Maintenant, l’opposition est faible, divisée et à peine prise à l’Assemblée nationale. Le gouvernement a remporté les élections législatives de décembre, que tous, à l’exception de quelques petits partis d’opposition, ont boycottées, avec une majorité écrasante.

    Le malaise de l’opposition vient principalement de son incapacité à apporter des changements. Sa stratégie a sous-estimé la capacité de Maduro à survivre aux sanctions et à l’isolement international tout en surestimant la volonté de Washington de faire face à de vagues menaces de force.

    Le soutien des sanctions a également perdu le soutien des rivaux de Maduro, étant donné que ces mesures ont accéléré l’effondrement économique du Venezuela et appauvri davantage ses citoyens. Plus de 5 millions de citoyens ont fui, nombre d’entre eux se déplaçant maintenant dans les villes colombiennes ou dans les régions frontalières violentes. La plupart des familles qui restent ne peuvent pas mettre assez de nourriture sur la table. Des milliers d’enfants souffrent de dommages irréversibles dus à la malnutrition.

    Un nouveau gouvernement américain offre une opportunité de repenser. Le soutien à l’opposition vénézuélienne a été bipartite à Washington. Pourtant, l’équipe de Biden pourrait changer de cap, renoncer à tenter d’évincer Maduro et lancer des efforts diplomatiques visant à jeter les bases d’un règlement négocié avec l’aide des dirigeants de gauche et de droite en Amérique latine.

    Avec l’Union européenne, il pourrait tenter de rassurer les alliés de Maduro tels que la Russie, la Chine et Cuba que leurs intérêts fondamentaux dans le pays survivraient à une transition. Au-delà de la prise de mesures humanitaires immédiates pour atténuer la crise liée au coronavirus au Venezuela, la nouvelle administration pourrait également envisager de reprendre les contacts diplomatiques avec Caracas et de s’engager à lever progressivement les sanctions si le gouvernement prend des mesures significatives, telles que la libération de prisonniers politiques et le démantèlement des unités de police abusives. Des négociations soutenues au niveau international visant notamment à organiser des élections présidentielles crédibles, prévues pour 2024, pourraient venir ensuite, à condition que les deux parties montrent qu’elles sont réellement intéressées par un compromis.

    À l’heure actuelle, le gouvernement de Maduro ne montre aucun signe qu’il tiendrait un vote équitable. La plupart de ses rivaux veulent le renverser et le poursuivre. Un règlement semble plus éloigné que jamais. Mais après deux ans consacrés à des efforts infructueux et néfastes pour provoquer une rupture politique soudaine, la meilleure voie à suivre est de trouver un soutien pour une transition plus progressive.

    6. Somalie

    Des élections se profilent en Somalie au milieu de conflits amers entre le président Mohamed Abdullahi Mohamed (également connu sous le nom de «Farmajo») et ses rivaux. La guerre contre Al-Shabaab entre dans sa quinzième année, sans fin en vue, tandis que les donateurs s’irritent de plus en plus à payer les forces de l’Union africaine (UA) pour aider à garder les militants à distance.

    L’humeur à l’approche des élections – les élections législatives étaient prévues pour la mi-décembre mais ont été repoussées, et les préparatifs d’un vote présidentiel prévu pour février 2021 sont également en retard – est tendue. Les relations entre Mogadiscio et certaines régions de la Somalie – notamment le Puntland et le Jubaland, dont les dirigeants sont depuis longtemps rivaux de Mohamed et craignent sa réélection – sont tendues, en grande partie en raison de différends sur la répartition du pouvoir et des ressources entre le centre et la périphérie. Une telle discorde tend à opposer les communautés somaliennes les unes aux autres, y compris au niveau du clan, avec une rhétorique de plus en plus amère employée par toutes les parties.

    Al-Shabaab, quant à lui, reste puissant. Le groupe contrôle de grandes parties du sud et du centre de la Somalie, étend une présence de l’ombre bien au-delà de cela et attaque régulièrement la capitale de la Somalie. Alors que les dirigeants somaliens et leurs partenaires internationaux reconnaissent tous, en principe, que le défi d’Al-Shabaab ne peut être relevé avec la seule force, rares sont ceux qui proposent des alternatives claires. Des pourparlers avec des militants pourraient être une option, mais jusqu’à présent, les dirigeants du mouvement n’ont guère donné d’indication qu’ils veulent un règlement politique.

    Pour compliquer davantage les choses, la patience s’épuise avec la mission de l’UA qui lutte depuis des années contre Al-Shabaab. Sans ces forces, les grandes villes, voire Mogadiscio, seraient encore plus vulnérables aux assauts des militants. Les donateurs comme l’UE sont fatigués de se lancer dans ce qui semble être une campagne militaire sans fin. Le plan actuel est de confier la responsabilité principale de la sécurité aux forces somaliennes d’ici la fin de 2021, mais ces troupes restent faibles et mal préparées à diriger les efforts de contre-insurrection. Le risque d’un vide sécuritaire a été aggravé par le retrait soudain des forces éthiopiennes en raison de la crise du Tigray et du plan de l’administration Trump de retirer les troupes américaines de la formation et du mentorat de l’armée somalienne.

    Beaucoup dépend du vote présidentiel de février. Une élection raisonnablement propre, dont les résultats acceptent les principaux partis, pourrait permettre aux dirigeants somaliens et à leurs soutiens étrangers d’intensifier leurs efforts pour parvenir à un accord sur les relations fédérales et les arrangements constitutionnels et accélérer la réforme du secteur de la sécurité. Un vote contesté, en revanche, pourrait provoquer une crise politique qui élargit le fossé entre Mogadiscio et les régions, déclenche potentiellement la violence clanique et risque d’encourager Al-Shabaab.

    7. Libye

    Les coalitions militaires rivales en Libye ne se battent plus et l’ONU a relancé les négociations visant à réunifier le pays. Mais parvenir à une paix durable restera une tâche ardue.

    Le 23 octobre, l’Armée nationale libyenne (ANL) – dirigée par le général Khalifa Haftar et soutenue par l’Égypte, les Émirats arabes unis et la Russie – et le gouvernement d’union nationale (GNA) soutenu par la Turquie, dirigé par Fayez al-Sarraj , a signé un cessez-le-feu mettant officiellement fin à une bataille qui faisait rage à la périphérie de Tripoli et ailleurs depuis avril 2019. Les combats avaient tué quelque 3 000 personnes et déplacé des centaines de milliers de personnes. L’intervention militaire directe de la Turquie pour aider Sarraj au début de 2020 a inversé ce qui avait été l’avantage de Haftar. Les lignes de front sont désormais gelées dans le centre de la Libye.

    Le cessez-le-feu est bienvenu, mais sa mise en œuvre tarde. L’ANL et le GNA se sont engagés à retirer leurs troupes des lignes de front, à expulser les combattants étrangers et à arrêter toute formation militaire étrangère. Pourtant, les deux parties ont fait marche arrière. Leurs forces sont toujours sur les lignes de front et les avions-cargos militaires étrangers continuent d’atterrir sur leurs bases aériennes respectives, ce qui suggère que des soutiens extérieurs réapprovisionnent toujours les deux côtés.

    De même, les progrès ont été freinés dans la réunification d’un pays divisé depuis 2014. Les négociations de l’ONU organisées en novembre ont rassemblé 75 Libyens chargés de s’entendre sur un gouvernement d’unité intérimaire et une feuille de route pour les élections. Mais les discussions ont été entachées de controverses sur la manière dont l’ONU a sélectionné ces délégués, leur autorité légale, les luttes intestines et les allégations de tentative de corruption. Les participants ont accepté des élections à la fin de 2021 mais pas sur le cadre juridique régissant ces scrutins.

    Au cœur de tous les problèmes se trouve un désaccord sur le partage du pouvoir. Les partisans de Haftar exigent qu’un nouveau gouvernement place les camps de la LNA et du GNA sur un pied d’égalité. Ses rivaux s’opposent à l’inclusion de dirigeants pro-LNA dans toute nouvelle dispensation. Les puissances étrangères ont des vues tout aussi contrastées. La Turquie veut un gouvernement ami – sans partisans de Haftar – à Tripoli. À l’inverse, le Caire et Abu Dhabi veulent réduire l’influence d’Ankara et renforcer celle des politiciens pro-LNA. La Russie, qui soutient également l’ANL, tient à conserver son ancrage en Méditerranée, mais on ne sait pas si elle préfère le statu quo qui préserve son emprise à l’Est ou un nouveau gouvernement avec une représentation de l’ANL.

    Il est peu probable que les combats reprennent dans un avenir immédiat car les acteurs extérieurs, bien que désireux de consolider leur influence, ne veulent pas d’une autre série d’hostilités ouvertes. Mais plus les termes du cessez-le-feu ne sont pas respectés, plus le risque d’accidents provoquant un retour à la guerre est élevé. Pour éviter ce résultat, l’ONU doit aider à forger une feuille de route pour unifier les institutions divisées de la Libye et désamorcer les tensions entre les ennemis régionaux.

    8. Iran-États-Unis

    En janvier 2020, l’assassinat par les États-Unis du commandant iranien Qassem Suleimani a amené les tensions américano-iraniennes à un point d’ébullition. En fin de compte, la réponse de l’Iran a été relativement limitée et aucune des deux parties n’a choisi de s’intensifier, même si la température est restée dangereusement élevée. La nouvelle administration américaine pourrait calmer l’une des impasses les plus dangereuses au monde, notamment en revenant à l’accord nucléaire de 2015, également connu sous le nom de Plan d’action global conjoint (JCPOA). Mais le faire rapidement, gérer les relations avec l’Arabie saoudite et Israël – tous deux farouchement opposés à l’Iran – et passer ensuite à des discussions sur des questions régionales plus larges ne sera pas une mince affaire.

    La politique iranienne de l’administration Trump a entraîné ce qu’elle appelle une pression maximale. Cela a signifié la sortie du JCPOA et l’imposition de sanctions unilatérales sévères à l’Iran dans l’espoir de forcer de plus grandes concessions sur son programme nucléaire, de tempérer son influence régionale et – certains responsables espéraient – même de renverser le gouvernement de Téhéran.

    Les sanctions ont dévasté l’économie iranienne mais n’ont guère réussi à faire autre chose.

    Les sanctions ont dévasté l’économie iranienne mais n’ont guère réussi à faire autre chose. Tout au long de la présidence de Trump, le programme nucléaire iranien s’est développé, de moins en moins contraint par le JCPOA. Téhéran a des missiles balistiques plus précis que jamais et plus d’entre eux. Le tableau régional est devenu plus, pas moins, chargé d’incidents – du meurtre de Suleimani sur le sol irakien aux attaques contre des cibles de l’industrie énergétique saoudienne largement attribuées à Téhéran – déclenchant de multiples brosses avec la guerre ouverte. Rien n’indique que le gouvernement iranien, malgré des explosions périodiques de mécontentement populaire, soit en danger d’effondrement.

    Même dans ses derniers jours, l’administration Trump a doublé. Les dernières semaines de son mandat l’ont vu imposer davantage de désignations de sanctions. Le meurtre d’un scientifique nucléaire iranien de haut niveau, attribué à Israël, a encore enflammé les tensions et incité l’Iran à menacer d’étendre encore son programme nucléaire. Washington et certains alliés semblent déterminés à infliger un maximum de douleur à l’Iran et à restreindre la marge de manœuvre de la nouvelle administration Biden. Les risques de confrontation avant que Trump ne quitte ses fonctions restent vivants alors que les milices chiites pro-iraniennes ciblent les Américains en Irak.

    Biden a signalé qu’il changerait de cap, accepterait de rejoindre le JCPOA si l’Iran revenait à se conformer, puis chercherait à négocier un accord de suivi sur les missiles balistiques et la politique régionale. Téhéran a indiqué qu’il était également prêt à adhérer mutuellement à l’accord nucléaire existant. Cela semble le pari le plus sûr et le plus rapide, même si les obstacles ne manquent pas. Les gouvernements américain et iranien devront se mettre d’accord sur une séquence d’étapes entre l’allégement des sanctions et les restrictions nucléaires et également sur les sanctions à lever. La fenêtre pourrait être courte, avec des élections présidentielles en Iran prévues pour juin et un candidat plus radical devrait gagner.

    Mais s’ils reviennent au JCPOA, le plus grand défi sera de résoudre les tensions régionales et la polarisation qui, laissées à s’aggraver, continueront de compromettre l’accord et pourraient déclencher un conflit. Les gouvernements européens explorent la possibilité d’inciter l’Iran et les États arabes du Golfe à s’engager dans un dialogue pour réduire les tensions régionales et empêcher un déclenchement involontaire de guerre; l’administration Biden pourrait mettre tout son poids diplomatique derrière un tel effort.

    9. Russie-Turquie

    La Russie et la Turquie ne sont pas en guerre, souvent de mèche, mais soutiennent fréquemment des camps opposés – comme en Syrie et en Libye – ou se disputent le pouvoir, comme dans le Caucase. Ils se considèrent souvent comme des partenaires, compartimentent la discorde sur une question par rapport aux discussions sur les autres et coopèrent alors même que leurs alliés locaux s’affrontent. Pourtant, comme le montrent la destruction par la Turquie d’un avion russe en 2015 près de la frontière turco-syrienne et les meurtres en 2020 de dizaines de soldats turcs lors de frappes aériennes par les forces syriennes soutenues par la Russie, le risque d’affrontements inattendus est élevé. Alors que le président turc Recep Tayyip Erdoğan et son homologue russe, Vladimir Poutine, se sont jusqu’à présent révélés capables de gérer de tels incidents, toute brouille pourrait exacerber les conflits dans lesquels ils sont tous deux enchevêtrés.

    Les contradictions des relations Ankara-Moscou sont les plus claires en Syrie. La Turquie fait partie des antagonistes étrangers les plus féroces du président Bachar al-Assad et un fervent partisan des rebelles. La Russie, quant à elle, a jeté son poids derrière Assad et, en 2015, est intervenue pour tourner de manière décisive la guerre en sa faveur. La Turquie a depuis renoncé à évincer Assad, plus préoccupée par la lutte contre les Unités de protection du peuple (YPG), la ramification syrienne du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), qui mène une insurrection contre la Turquie depuis près de quatre décennies et qu’Ankara (et États-Unis et Europe) considère une organisation terroriste.

    Un accord de mars 2020 concocté par Moscou et Ankara a mis fin au dernier combat à Idlib, la dernière poche détenue par les rebelles dans le nord-ouest de la Syrie, et a montré à quel point les deux puissances ont besoin l’une de l’autre. La Russie attend de la Turquie qu’elle applique le cessez-le-feu d’Idlib. Ankara reconnaît qu’une autre offensive du régime, qui pourrait conduire des centaines de milliers de Syriens supplémentaires en Turquie, repose sur le soutien aérien russe, qui donne à Moscou un droit de veto virtuel sur une telle opération. Mais le statu quo est ténu: la guerre syrienne n’est pas terminée et une autre offensive soutenue par la Russie à Idlib reste possible.

    En Libye également, la Russie et la Turquie sont opposées. Les entrepreneurs russes soutiennent la LNA de Haftar, tandis que la Turquie soutient la GNA basée à Tripoli. Un cessez-le-feu fragile a eu lieu depuis octobre. Mais il est loin d’être clair qu’un accord puisse garantir à la Turquie les dirigeants libyens amicaux qu’elle souhaite tout en donnant à la Russie le pied qu’elle cherche.

    La Russie et la Turquie ont également été mêlées à la récente guerre du Haut-Karabakh. La Russie a une alliance militaire avec l’Arménie mais a évité de choisir son camp et a finalement négocié le cessez-le-feu qui a mis fin aux combats. La Turquie a prêté un soutien diplomatique et militaire à l’Azerbaïdjan, les drones turcs (et israéliens) aidant à supprimer les défenses aériennes arméniennes. Malgré leur concurrence dans le Caucase du Sud, Moscou et Ankara ont gagné cette fois-ci. La Russie a déployé des soldats de la paix et a considérablement accru son influence dans la région. La Turquie peut prétendre avoir joué un rôle important dans la victoire de l’Azerbaïdjan et bénéficiera d’un corridor commercial établi par l’accord de cessez-le-feu.

    Tout comme Moscou et Ankara s’affrontent sur un nombre croissant de champs de bataille, leurs liens sont plus forts qu’ils ne l’ont été depuis quelque temps.

    Paradoxalement, tout comme Moscou et Ankara s’affrontent sur un nombre croissant de champs de bataille, leurs liens sont plus forts qu’ils ne l’ont été depuis quelque temps. Leur «frenmité» est symptomatique de tendances plus larges – un monde dans lequel les puissances non occidentales repoussent de plus en plus les États-Unis et l’Europe occidentale et sont plus affirmées et plus disposées à conclure des alliances fluctuantes.

    La Russie a vu les tensions avec l’Occident monter sur fond de guerres en Ukraine et en Syrie, des accusations d’ingérence électorale et d’empoisonnement d’opposants sur le sol étranger, ainsi que des sanctions américaines et européennes. La Turquie s’irrite du soutien américain aux YPG et du refus d’extrader Fethullah Gülen – le religieux Ankara accuse d’avoir organisé une tentative de coup d’État en 2016 – ainsi que des critiques européennes de son recul démocratique et de ses prétendus préjugés dans le conflit chypriote. Les sanctions imposées par Washington en réponse à l’achat et aux tests par Ankara du système de défense antimissile russe S-400 résument ces tensions. En concluant des accords bilatéraux dans diverses zones de conflit, la Russie et la Turquie voient le potentiel de gain.

    Pourtant, les liens nés d’opportunités ne durent pas toujours. Avec leurs forces respectives si proches de plusieurs lignes de front, les points d’éclair potentiels abondent. Un ralentissement de leurs relations pourrait causer des problèmes aux deux nations et à plus d’une zone de guerre.

    10. Changement climatique

    La relation entre la guerre et le changement climatique n’est ni simple ni linéaire. Les mêmes conditions météorologiques augmenteront la violence dans une zone et pas dans une autre. Si certains pays gèrent bien la concurrence induite par le climat, d’autres ne la gèrent pas du tout. Tout dépend du fait que les États sont gouvernés de manière inclusive, sont bien équipés pour arbitrer les conflits sur les ressources ou peuvent subvenir aux besoins des citoyens lorsque leur vie ou leurs moyens de subsistance sont bouleversés. L’ampleur de la violence liée au climat en 2021 est incertaine, mais la tendance générale est assez claire: sans action urgente, le danger d’un conflit lié au climat augmentera dans les années à venir.

    Sans action urgente, le danger de conflit lié au climat augmentera dans les années à venir.

    Dans le nord du Nigéria, les sécheresses ont intensifié les combats entre éleveurs et agriculteurs au sujet de la diminution des ressources, qui en 2019 a tué deux fois plus de personnes que le conflit Boko Haram. Sur le Nil, l’Égypte et l’Éthiopie ont échangé des menaces d’action militaire contre le Grand barrage de la Renaissance éthiopienne, en partie en raison des craintes du Caire que le barrage aggrave la pénurie d’eau déjà grave. Pour l’instant, l’Afrique voit sans doute les pires risques de conflit liés au climat, mais certaines parties de l’Asie, de l’Amérique latine et du Moyen-Orient sont confrontées à des dangers similaires.

    Dans les pays fragiles du monde entier, des millions de personnes connaissent déjà des vagues de chaleur records, des précipitations extrêmes et irrégulières et une élévation du niveau de la mer. Tout cela pourrait alimenter l’instabilité: par exemple, en exacerbant l’insécurité alimentaire, la pénurie d’eau et la concurrence des ressources et en poussant davantage de personnes à fuir leurs maisons. Certaines études suggèrent qu’une augmentation de la température locale de 0,5 degré Celsius est associée, en moyenne, à un risque accru de conflit meurtrier de 10 à 20%. Si cette estimation est exacte, l’avenir est inquiétant. Les scientifiques de l’ONU estiment que les émissions d’origine humaine ont réchauffé la Terre d’un degré depuis l’époque préindustrielle et, avec l’accélération du rythme, prévoient un autre demi-degré dès 2030. Dans de nombreuses zones les plus instables du monde, cela pourrait se produire plus rapidement encore.

    Les gouvernements des pays à risque doivent réglementer pacifiquement l’accès aux ressources, qu’elles soient rares ou abondantes, à l’intérieur ou entre les États. Mais les pays en développement menacés de conflits ne devraient pas faire face seuls aux pressions d’un climat changeant.

    Il y a lieu d’être optimiste. La nouvelle administration américaine a placé la crise climatique au sommet de son agenda, et Biden a appelé à une action plus rapide pour atténuer les risques d’instabilité associés. Les gouvernements et les entreprises occidentaux se sont engagés à fournir aux pays les plus pauvres 100 milliards de dollars par an pour l’adaptation au changement climatique à partir de 2020. Ils devraient respecter ces engagements: les pays en développement méritent un soutien accru de la part de ceux dont l’intempérance des combustibles fossiles a provoqué la crise en premier lieu.

    Publié à l’origine dans Foreign Policy: 10 conflits à surveiller en 2021

    *Président de ICG

    Source : International Crisis Group, 30 déc 2021

    Tags : Vénézuela, Soudan, Liban, Etats-Unis, Joe Biden, Afghanistan, Ethipie, Sahel, Mali, Niger, Nigeria, Burkina Faso, Yémen, Somalie, Afrique, Libye, Iran, Russie, Turquie, Changement climatique, environnement,




  • La Françafrique de A à Z

    La Françafrique est un terme qui a été conceptualisé, il y a quelques décennies par l’ancien Président de la République Ivoirienne Félix Houphouët Houphouët-Boigny en 1955 qui a employé cette expression pour désigner les « bonnes relations » entre l’Afrique et la puissance coloniale dont il était député tout en militant pour l’indépendance de la Côte d’Ivoire.

    Les objectifs de cette politique sont multiples : le maintien du rang de la France à l’ONU avec un cortège d’Etat clients ; l’accès aux matières premières stratégiques comme le pétrole ( Congo-Brazzaville, Angola, Nigéria … ) ou l’uranium ( Niger ) ; le financement occulte des activités politiques du gaullisme, par la suite, de tous les partis de gouvernement ; et enfin le maintien ( dans le contexte de Guerre froide ) des pays africains dans l’orbite occidentale.
    Dans un premier temps, nous présenterons le système mis en place par Foccart, ensuite, il sera question de l’internationalisation du système avant de mettre en évidence les connexions militantes pour combattre la françafrique.
    I) La Françafrique, le bébé de Foccart.
    En 1960, l’histoire accule De Gaulle à accorder l’indépendance aux colonies d’Afrique Noire.
    Cette nouvelle légalité internationale proclamée fournit la face émergée, immaculée, la France meilleure amie de l’Afrique, du développement et de la démocratie. En même temps, Foccart, conseiller Afrique du tout nouveau chef de l’Etat le Général Charles de Gaulle, est chargé de maintenir la dépendance, par des moyens forcément illégaux, occultes, inavouables.
    Il sélectionne des chefs d’État  » amis de la France  » par la guerre ( plus de 100 000 bamiléké, partisans de l’UPC, massacrés au Cameroun ), l’assassinat ou la fraude électorale.
    À ces gardiens de l’ordre néocolonial, il propose un partage de la rente des matières premières et de l’aide au développement. Les bases militaires, le franc CFA convertible en Suisse, les services secrets et leurs faux-nez ( Elf et de multiples PME, de fournitures ou de  » sécurité  » ) complètent le dispositif.
    Qui est Jacques Foccart ? Jacques Koch-Foccart était secrétaire général de l’Elysée chargé des affaires africaines et malgaches.
    On a déjà une ébauche de la vision colonialiste du fameux conseiller puisque Madagascar est dissocié de l’Afrique. En 1952, il participe à l’Union Française censée gérer les relations entre la France et ses colonies. Comme disait François-Xavier Verschave, dans son célèbre ouvrage ‘ Noir Silence ‘,
    « Il était le principal géniteur de la Françafrique. Tissée sous la IV° République, en soutien d’un gaullisme écarté du pouvoir, la Françafrique a été centralisée de 1958 à 1974 par le jacobin Foccart, en charge officielle des affaires africaines. Elle s’est familiarisée et privatisée, presque aussitôt africain, par paliers côté français. On est passé du super intendant Foccart aux frères et neveux de Giscard, aux fils[page] de Mitterrand et de Pasqua ; les Elf, Bouygues, Bolloré ont pris leurs aises ; les membres et correspondants des services secrets se sont taillés des fiefs rivaux ( Général Jean-Claude Mantion au Tchad, à Djibouti, à Khartoum, à Kinshasa ; Bob Denard aux Comores… ) ou des sociétés de mercenaires comme Paul Barril et sa société Secrets ( pour  » Société d’Etudes de Conception et de Réalisation d’Equipements Techniques de Sécurité  » ) ».
    Pour que ce système perdure pendant autant de décennies, il a fallu éliminer les opposants comme Ruben Um Nyobe, Ernest Ouandie, Félix Moumie, Barthélémy Boganda, Sylvanus Olympio, Patrice Lumumba ( avec l’aide de la CIA et des services secrets belges ), Dulcie September ( membre de l’ANC ) assassinée en plein Paris et en pleine journée qui a désormais une place à son nom dans le X° arrondissement.
    C’est donc l’illégalité la plus totale érigée en système, l’infraction constante et sans vergogne de « l’indépendance » proclamée.
    Qui dit illégalité dit secret, mécanismes cachés. Les meilleurs éléments capables de pouvoir effectuer des opérations dans le plus grand secret pour le compte de l’Etat sont les agents secrets. Ils forment une des parties les plus importantes du système. De plus, il est important de savoir que Foccart a mis en place des bureaux de liaison et le chef du bureau de liaison local ( par exemple implanté en RDC, au Congo-Brazzaville ou au Tchad ) était le deuxième personnage du pays après le Chef de l’Etat, ce qui permet à la France « amie de l’Afrique » de tenir les pays « indépendants ».
    Ce chef du bureau local du S.D.E.C.E ( ancêtre de la D.G.S.E ) avait carte blanche avec « le Président de la République » du pays fraîchement indépendant.
    Ces militaires qui sont friands de faire carrière en Afrique viennent de diverses agences comme la Direction Générale de la Sécurité Extérieure ( la D.G.S.E ), la Direction du Renseignement Militaire ( la D.R.M ), la Direction de la Surveillance du Territoire ( la D.S.T ) et la Direction de la Protection et de la Sécurité de la Défense ( la D.P.S.D ). 
    Ces personnes se croient tout permis en Afrique et dépassent sans cesse les budgets qui leur sont votés en ayant des accroches avec les narcotrafiquants et la mafia. On retrouve l’appât du gain qui a fait fureur chez les négriers européens et arabes entre le XV° et le début du XX° siècle. Depuis quatre décennies, sous la houlette des Services français, une République souterraine à dominante néogaulliste a ponctionné sur les ventes d’armes et le pétrole africain, entre autres, des sommes faramineuses.
    Dans la région des Grands Lacs, la DGSE, et plus encore la DRM, ont répandu le mythe des « Khmers noirs » tutsis, et l’ont diffusé dans les médias parisiens.
    Le millier de militaires du Service Action de la DGSE provient du 13° Régiment de dragons parachutistes ( R.D.P ) de Dieuze, en Moselle, et du 1er Régiment parachutiste d’infanterie de marine ( R.P.I.M.A ), de[page]
    Bayonne. Tout ce petit monde compose le 11° Bataillon de parachutistes de choc ( 11° choc ), créé en 1946, dont Foccart fut le « patron hors hiérarchie ».
    Il faut savoir que ce bataillon a écrit quelques-unes des pages les plus sombres de la Guerre d’Algérie. Bruno Gollnish et Bernard Courcelle furent officiers du D.P.S.D, Direction de la Protection et de la Sécurité de la Défense adepte des habilitations « défense ». Ce dernier a créé le… D.P.S ( Département Protection Sécurité ), milice du Front National.
    Bernard Courcelle a fait ses armes dans la « coloniale », au 6° R.P.I.M.a. Ce personnage a d’ailleurs proposé ses services à un Mobutu en fin de règne, en 1996. Des militants et responsables sont partis instruire des armées africaines : Bob Denard aux Comores en 1995, Christian Tavernier dans l’ex-Zaïre en 1996-1997, au Congo-Brazzaville lors de l’épuration ethnique de la région du Pool qui a permis le retour en grâce de Sassou II en 1997, 1998 et 1999.
    Le monde politique français n’est pas étranger à cette situation du « tout-est-permis » en Afrique.
    Le Président de la République, le Premier Ministre et le Ministre de l’Intérieur, de droite comme de gauche, sont indifférents à l’acharnement dont font preuve tous ses acteurs françafricains.
    Le conseiller diplomatique de Lionel Jospin, Serge Telle, disait à propos de la « guerre civile » au Congo-Brazzaville en juin 1998 : « Les problèmes des Congolais relèvent de la seule responsabilité des Congolais ». ( Il faut savoir que beaucoup d’anciens ministres de Jospin et de responsables socialistes font partie du Groupe de Bilderberg, lui-même faisant partie des Illuminatis qui sont à l’origine des concepts des Etats-Unis d’Amérique et des Institutions Internationales comme l’ONU, l’O.M.C, l’O.C.D.E… ).
    Pour en revenir au sujet qui nous intéresse, tous ces politiques sont « victimes » de chantage et de pressions de la part de responsables des Services, on imagine qu’il y en a eu d’énormes pour préparer le génocide rwandais, la « kriegsspiel » du Congo-Brazzaville. Dès lors que les gaullistes ont quitté le pouvoir en 1974, les libéraux proches de Giscard vont jouer la carte de la continuité dans le système françafricain et vont monter leur propre réseau. Cela commence en 1976 avec la requête de Giscard de fournir l’U.N.I.T.A de Jonas Savimbi en armes et en instructeurs parallèlement à la CIA.
    Denard fait partie du voyage. A Paris, le lobby pro-Unita s’organise autour des héritiers de Giscard : François Léotard, Gérard Longuet, beau-frère de Vincent Bolloré, Claude Goasguen, Jean-Pierre Binet l’autre beau-frère de Vincent Bolloré.
    Cet épisode va propulser la carrière industrielle de Vincent Bolloré. Le Groupe Bollore est leader mondial du papier mince pour livres et cigarettes, mais aussi des condensateurs. Après Elf-Total, dont je parlerai plus tard, le groupe Bolloré est le deuxième conglomérat françafricain.[page]
    Sa fabuleuse histoire commence par le rachat de l’armateur Delmas-Vieljeux. Le groupe impose sa suprématie dans le secteur du transport maritime en Afrique, élargit son domaine aux ports, aux chemins de fer ( notamment le CFCO, le Chemin de Fer Congo-Océan ), aux routes.
    Il reprend le groupe Rivaud qui abritait la banque du RPR et quelques cent mille hectares de plantations coloniales. Voici un des bienfaits du colonialisme !
    Il s’impose avec succès dans la cigarette, étend ses concessions forestières, entre en force dans le cacao et guigne celui du coton. C’est un baron de l’Afrique francophone et « latine ». Venons-en au mastodonte de la françafrique. Voici pour vous ELF ! L’affaire ELF a permis de faire la lumière sur le pillage de plusieurs milliards d’euros de rentes pétrolières africaines passés par les comptes en Suisse. Le plus gros distributeur, Alfred Sirven, qui voulait « mettre la République à feu et à sang » à emporter tous ses secrets dans la tombe. André Tarallo et d’autres anonymes ont été mis en examen.
    D’importants bénéficiaires ne sont toujours pas inquiétés par la justice française. La justice française est-elle la même pour tout le monde ? Cet argent est le fruit d’une longue histoire rythmée par des guerres civiles « venues d’ailleurs », des putschs, la corruption, des assassinats. L’article du site africamaat intitulée « la Férocité Blanche » présente une liste exhaustive d’assassinats de leaders panafricains qui se battaient pour Kamita.
    Malgré sa privatisation et ses bonnes résolutions énoncées à ce moment-là, force est de constater que Elf n’en a pas fini avec la Françafrique de douloureux épisodes comme le Congo-Brazzaville, l’Angola, le Gabon, le Tchad et le Cameroun sont là pour nous fournir une preuve tangible. L’arrivée de Total, allié en Birmanie à une narcodictature dopée par le travail forcé, n’est pas de nature à remettre en question les mœurs pétro-françafricaines. Le nouveau groupe, plus puissant, sera apte à faire la pluie et le beau temps et à faire changer d’avis plus d’un récalcitrant en deux temps trois mouvements.
    La Banque F.I.B.A, banque du RPR et de la nomenklatura congolo-gabonaise qui servait de transit aux redevances pétrolières et aux ventes d’armes, a été dissoute lors du rachat d’ELF par Total. Cette prouesse a un parallèle avec le rachat de la Banque Rivaud par le groupe Bolloré qui a trouvé beaucoup de comptes perso des neveux du RPR. Une équation s’est installée dans la tête des kamites : ELF = Françafrique. Son premier président, Pierre Guillaumat, a mis en place un service de renseignement capable de changer le cours de l’histoire.
    En 1977, Marien Ngouabi, mécontent du contrat passé entre son pays, le Congo-Brazzaville, et la compagnie pétrolière, le fait savoir en augmentant la fiscalité sur le pétrole. Elf n’apprécie pas et Guillaumat asphyxie l’économie du pays et fait assassiner Marien Ngouabi en Mars 1977, ainsi que son prédécesseur Alphonse Massembat-Débat qui était en discussion avec Ngouabi pour revenir au pouvoir d’un commun accord. Ngouabi projetait de rendre le pouvoir à une personnalité du sud du pays, ce qui[page]
    déplaisait aux tribalistes en chef que sont les agents de la DGSE comme j’ai pu le dire plus haut. Les agents de la D.G.S.E ont pour mission secrète de raviver les flammes allumées au début de la traite négrière entre les clans en Afrique comme le racisme anti-Bamiléké au Cameroun, « le Hutu power », l’acharnement contre les gens originaires du Pool au Congo-Brazzaville.
    Située très à droite, le Grande Loge Nationale de France ( la G.L.N.F ) est la seule grande obédience française rattachée à la très puissante franc-maçonnerie américaine. Presque tous les  » présidents  » agréés par la Françafrique y ont été initiés ( Bongo, Sassou N’Guesso, Biya, Déby, Compaoré… ) ainsi qu’un panel de plus en plus déterminant de personnalités françaises de la politique, la finance, les industries sensibles ( c’est-à-dire ? ), l’armée, les services secrets, les médias ( TF1 en tête ), la justice.
    Vous avez pu remarquer que depuis que le « nabo » est à l’Elysée, on a pu voir revenir sur les plateaux télé : le très pimpant Charles Pasqua. Il a été le vice-président du SAC et Pierre Le Dizet en fut le Directeur. Michel Debré et Jacques Foccart n’était pas loin de cette création pour contrôler les adversaires du gaullisme en France qui pourrait regarder de trop près les activités « inavouables » du régime gaullien en Afrique.
    Je voudrais mettre l’accent sur un pan de la modernisation du système foccartien qui se transforme. Je veux parler de la Mafiafrique.
    II) De la Françafrique à la Mafiafrique.
    Ce qu’offre aujourd’hui l’Afrique à toutes les mafias, c’est la mise à disposition d’États de complaisance par des cliques dirigeantes retranchées sur les positions prédatrices qu’elles peuvent encore exercer, c’est l’aventurisme de ses guérillas mercenaires.
    La mafiafrique est syro-libanaise, belge, ukrainienne, américaine, russe, israélienne, saoudienne, émirat, anglaise, indo-pakistanaise, française, chinoise. La mafiafrique est même afghane : selon le journaliste portugais Gustavo Costa, dans un article publié dans L’Express en novembre 2001, Luanda est devenu à la fin des années 1990 le cœur d’un trafic de contrebande de biens divers organisé par les milieux trafiquants afghans de Dubaï en contrepartie du blanchiment de l’argent de la drogue.
    Dans l’autre sens s’organisait, suivant les réseaux rôdés de l’« Angolagate », l’approvisionnement en armes du régime taliban. La mafiafrique est planétaire. Mais, pour des raisons historiques, la mafiafrique est assez largement française.
    De son vaste empire africain, de ce grand mythe vécu d’un lien charnel entre la France et ses anciennes colonies, qui ne fut jamais aussi fort qu’après la décolonisation des années 1960, la France a hérité d’un capital relationnel avec les élites africaines et maghrébines et d’un savoir-faire qui font aujourd’hui merveille, bien au-delà du pré carré colonial, sur tous les terrains de la mafiafrique.[page]
    Le  » système Foccart  » verrouillait la Françafrique, exerçant un contrôle politique et policier sur le continent pour le compte du camp occidental et contre l’Union soviétique. Ce rôle planétaire n’a pas été sans bénéfices secondaires spécifiquement françafricains : au travers des mécanismes maintenant à peu près connus de la circulation perverse de l’aide au développement et des flux de l’économie rentière, la Françafrique a joué un rôle essentiel dans le financement de la vie politique française, pour le camp présidentiel et même au-delà, avec l’habitude prise de la cohabitation.
    La politique africaine ne pouvait donc pas être discutée sur la place publique, comme pouvaient l’être les relations avec l’Allemagne, la Russie ou les États-Unis. Le  » foccartisme « , celui de Jacques Foccart comme de ses successeurs, Jacques Toubon, Jacques Godfrain et Jacques Chirac ( ils peuvent au moins partager un point commun qui n’aura échappé à personne ), fermait le débat en France aussi.
    Évident sur la scène politique, cet étouffement a également longtemps prévalu ( et cela est moins
    connu ) dans le monde universitaire. Ce n’est nullement le fruit du hasard si la France compte relativement peu de bons spécialistes de l’Afrique contemporaine et du Maghreb.
    Ce qui n’a pas empêché de faire germer une pléthore de spécialistes de l’Afrique. Dans certains organismes de recherche publics ( comme l’O.R.S.T.O.M ), il était tout simplement interdit aux chercheurs de s’occuper de questions politiques au sens le plus académique du terme, la science politique : ils étaient soumis à une censure préalable.
    Et dans le même temps, des professeurs de droit ont écrit les constitutions africaines sans être trop regardants sur leur application dans des régimes policiers de parti unique… À partir de 1981, l’arrivée de la gauche au pouvoir a brièvement permis un certain dégel intellectuel, en ouvrant le champ de l’expertise reconnue, y compris autour de l’Élysée, à des universitaires d’un genre que l’on n’avait jamais vu jusqu’alors sous les ors de la République : pendant quelques mois, ils ont côtoyé le patron de la DGSE ( Pierre Marion ) et les conseillers spéciaux de l’Élysée ( comme Guy Penne et Jean-Christophe Mitterrand ).
    Mais la tendance était lourde et les experts indépendants sollicités par l’État au début des années 1980 ont été ensuite tenus à l’écart dès lors qu’ils entendaient rester indépendants. La politique de développement, héritière des combats anticolonialistes et tiers-mondistes, que la gauche victorieuse transportait dans ses valises pesa peu face aux liens d’argent qui fondaient les pouvoirs africains, via la redistribution clientéliste, et contribuaient largement au financement des partis politiques français via les  » rétro commissions « .
    L’expulsion de l’intrus Jean-Pierre Cot de la scène françafricaine prouva rapidement que tout allait continuer comme avant, mais avec des partenaires supplémentaires. Pour fin septembre 2008, les[page]
    États-Unis rassembleront leurs activités militaires en Afrique ( sauf en Égypte ) sous un seul commandement.
    Leur objectif, le contrôle complet des matières premières africaines. La décision a été dévoilée au début de ce mois et montre bien l’importance stratégique de l’Afrique pour les États-Unis. C’est la première réorganisation de la structure de commandement de l’armée américaine sur le plan mondial depuis 1946. La nouvelle structure a été baptisée African Command et reprend une partie des tâches de l’EUCOM, le commandement installé à Stuttgart.
    Le pétrole est une des raisons importantes du regain d’intérêt des Américains pour l’Afrique. La seconde est la présence accrue de la Chine en Afrique comme le disent les experts américains du Council on Foreign Relations : « La Chine a modifié la situation stratégique de l’Afrique. Sur tout le continent, elle est en quête de richesses naturelles, elle dame le pion aux entreprises occidentales dans les grands travaux d’infrastructure, elle fournit des prêts avantageux. »
    Actuellement, plus de 25 % des importations chinoises en pétrole viennent déjà d’Afrique. Ces dernières années, le commerce entre la Chine et l’Afrique est passé de 3 à 55 milliards de dollars ( cf. reportage des « Dessous de la carte » sur les relations sino-africaines sur le site Africamaat ), faisant de la Chine le troisième partenaire commercial de l’Afrique après les Etats-Unis et la France.
    III) La mobilisation contre la prédation mafieuse à Kamita et en France.
    La montée en puissance des mouvements africains issus de la société civile africaine semble aujourd’hui un phénomène irréversible.
    L’ « appel d’air démocratique »issu des conférences nationales des années 1990 interrompues brutalement dans certains pays comme le Congo-Brazzaville par la Françafrique, l’essor de la presse libre dans certains pays, la naissance du mouvement altermondialiste et j’ajouterai l’émergence en Europe d’une génération de kamites fiers de leurs glorieux ancêtres quelle que soit l’endroit d’où ils viennent ( Guadeloupe, Martinique, Guyane, Haïti… ) prêts à créer des passerelles entre la diaspora et Kamita pour une véritable et durable Renaissance africaine.
    Au Mali, la Coalition des alternatives Dette et Développement ( CAD Mali ) créée à l’occasion du Jubilé 2000 pour l’abolition de la dette, regroupe des dizaines d’organisations. Elle organise depuis 2001 un contre-G8 des Pauvres délocalisé à Bamako. La question des relations franco-africaines fait partie de ses préoccupations premières, comme l’a démontré l’organisation à Bamako du sommet alternatif France-Afrique de décembre 2005.
    Au Tchad, le Comité de suivi de l’Appel à la Paix et à la Réconciliation regroupe des organisations qui militent depuis 2002 pour obtenir des conditions favorables à la pacification et à la démocratisation de[page]
    leur pays. Le comité suit de près l’évolution des relations entre la France et le Tchad et participe à des actions de plaidoyer menées auprès des autorités françaises.
    Au Burkina Faso, des ouvrières en grèvent réussi à obtenir gain de cause face à Yves Rocher tandis qu’au Mali le syndicat Cocidirail, qui plaide pour la restitution et le développement intégré du rail malien harcèle la filiale du groupe Bouygues qui a racheté le chemin de fer Bamako – Dakar.
    Au Togo, une coalition de mouvements de la société civile s’est organisée en avril 2005 pour observer les conditions de déroulement du scrutin présidentiel et pouvoir dénoncer la fraude. Leurs appels et le résultat de leurs travaux ont été largement diffusés par leurs partenaires associatifs, en Afrique et en France.
    Ce n’est qu’à cause du soutien du Président français au candidat frauduleusement élu du clan Gnassingbé que cette mobilisation n’a pas pu aboutir.
    Le terrain syndical est en pleine expansion et laisse peu de répit aux multinationales françaises qui pillent allègrement les ressources naturelles et humaines du continent. En Côte d’Ivoire, l’omniprésence des investisseurs français dans tos les secteurs économiques, les soupçons de financement de la rébellion par des groupes hexagonaux ont attisé le sentiment anti-français d’une partie importante de la société ivoirienne, dans un climat marqué par l’interventionnisme militaire de la France dans le pays
    ( opération Licorne ).
    A Abidjan, la colère contre l’ancienne puissance coloniale a pris un tournant lors des évènements lors des évènements de Novembre 2004. Le sentiment anti-français s’est déplacé au Togo après l’élection de Faure Gnassingbé en Avril 2006, le débat sur le rôle positif de la colonisation puis sur l’immigration choisie et a gagné une grande partie de l’opinion africaine. Je voudrais, pour finir, parler de la mobilisation des artistes contre la Françafrique.
    La plume du Martiniquais Aimé Césaire, du Camerounais Mongo Béti, la voix du Kongolais Franklin Mukaka, du Nigérian Fêla Kuti ont été autant d’armes au service de l’émancipation de l’Afrique.
    La mobilisation reprend tout son sens grâce au rap, au reggae mais aussi à la littérature et au théâtre ; après la génération perdue des années 1970-1980, dont je voudrais vous parler avant de conclure. Le journaliste burkinabé Norbert Zongo dirigeait l’hebdomadaire le plus lu au Burkina Faso,
    « L’Indépendant ».
    Amoureux de la nature, il avait créé une réserve de faune au sud de pays. Il s’y rend en voiture le dimanche 13 décembre 1998, avec un chauffeur et deux de ses collaborateurs. Le véhicule est retrouvé incendié le long de la route, les quatre occupants sont morts, leurs corps sont plus ou moins carbonisés. Les positions contestataires du journaliste, les rumeurs de complot à son égard ainsi que[page]
    les traces de balles retrouvées dans la porte arrière suggèrent immédiatement une mise en scène.
    Il enquêtait sur le scandale de pesticides Saphyto, fournis par la Sofitex, la plus grande entreprise burkinabé qui encadre toute la production cotonnière du pays puis la commercialise via sa maison mère parisienne, la C.F.D.T.
    Il enquêtait aussi sur le trafic des parcelles à bâtir, un système de corruption et d’escroquerie à l’encontre des candidats à l’acquisition d’un lotissement. Au premier des personnes impliquées, le maire de Ouagadougou, Simon Compaoré. Tiens !?
    Le régime de Paul Biya qui passe pour être le plus corrompu du monde. Le combat pour une presse libre, résistant aux constantes pressions du pouvoir ; tentatives de corruption ou d’étranglement financier, censure, interdiction, menaces, brutalités. Pius Njawé a réussi à traverser toutes ses épreuves. Il est directeur du « Messager » à Douala.
    Il a été condamné à deux ans de prison pour avoir diffusé un article qui relatait les problèmes de santé du Président Biya survenus lors d’un match de football. A sa sortie de prison, il a bénéficié d’une solidarité extraordinaire, de ses confrères du monde entier jusqu’ aux citoyens français, des lycéens alsaciens précisément.
    Narléjy Yorongar qui a récemment publié un livre en vente aux Editions Menaibuc intitulé « Tchad, Le Procès d’Idriss Déby ». Il est député et responsable du parti fédéraliste, le Front d’Action pour le Renouveau. Il a félicité Nicolas Sarkozy pour son accession à la magistrature suprême ( sic ).
    Conclusion : En guise de conclusion, nous pouvons nous demander pourquoi l’on nous ressasse à longueur de journée que l’Afrique est pauvre alors que la somme des transactions réalisées avec l’Afrique est de l’ordre de 800 milliards de dollars, d’après un article du site africamaat sur les relations sino-africaines.
    Les personnes viennent de toutes les régions du monde pour faire des affaires en Afrique mais ceci n’empêche pas les médias de nous abreuver de reportages sur les africains qui meurent sur les rives méditerranéennes, les bébés qui souffrent de malnutrition… On passe sous silence le fait que la population africaine va rejoindre la Chine et l’Inde.
    Depuis quelque temps, on entend ici ou là : « Il faut aider l’Afrique car elle ne pourra pas assumer toute la population car elle n’a pas toutes les ressources nécessaires pour pouvoir satisfaire tous enfants »
    ( Journal de R.F.I en Juillet dernier ). L’Afrique a toutes les ressources pour satisfaire ses enfants mais des intrus viennent s’enrichir dans le plus grand secret, à l’insu des populations africaines. Je reste optimiste pour Kamita car je vois que ses enfants sont en train d’ouvrir les yeux et s’organise pour[page]
    préparer la Renaissance africaine chère à l’Osiris/Cheikh Anta Diop qui est assis à la droite d’Amon.
    L’avenir appartient à l’Afrique et la vision spirituelle africaine peut, de près et de loin, éclairer l’humanité. Tous ces faits que j’ai pu relater ci-dessus ont des origines qui remontent à la traite négrière lorsque les leucodermes et les sémites sont arrivés en Afrique pour disséminer des armes à feu pour empêcher les royaumes africains de créer de véritables Etats africains. ( cf. « La traite négrière européenne : Vérité et Mensonges » ). Ankh Oudja Seneb
    ( piankhy.com )
    ( Sites à consulter pour compléter votre lecture :
    Livres traitant de la Françafrique :
    – ‘ La Françafrique, le plus long scandale de la République ‘ de François-Xavier Verschave, 1998, Ed. Stock
    – ‘ Noir Silence de François ‘ de François-Xavier Verschave, 2000, Ed. Les Arènes
    – ‘ Noir procès : offense à chefs d’Etat ‘ de François-Xavier Verschave et Laurent Beccaria, 2001, Ed. Les Arènes
    – ‘ Noir Chirac ‘ François-Xavier Verschave, 2002, Ed. Les Arènes
    -Négrophobie. Réponse aux « négrologues », journalistes françafricains et autres falsificateurs de l’information, de François-Xavier Verschave, Odile Tobner-Biyidi et Boubacar Boris Diop, 2005, Ed. Les Arènes
    – ‘ De la Françafrique à la Mafiafrique ‘ de François-Xavier Verschave, 2004, Ed.Tribord
    – ‘ Au mépris des peuples : Le néocolonialisme franco-africain ‘ de François-Xavier Verschave et Philippe Hauser, 2004, Ed. La Fabrique
    – ‘ Le choix volé des Togolais. ‘ Rapport sur un coup d’Etat électoral perpétré avec la complicité de la France et de la communauté internationale ‘, coordonné par l’association Survie, 2005, Ed. L’Harmattan )

  • Ambassador Gabriel on Mauritania-Polisario relationship

    1) According to member of Polisario’s National Secretariat, the visit to the Canary Islands by a small Polisario delegation [including Speaker of the Saharawi National Council Khatri Addouh and Polisario’s representative in Spain Bouchraya Bayoun] during the second week of July had nothing to do with the fisheries agreement between Morocco and European Union [against which Polisario has been campaigning vigorously]. The main object of the visit, the National Secretariat member said, was to sign a number of agreements providing for aid for Saharawi refugees [in the Tindouf camps] on the one hand and Canary Island regional government grants for Saharawi students studying at Spanish universities.

    2) The same National Secretariat member denied reports that SADR President and Polisario General Secretary Mohamed Abdelaziz will not be invited to attend the investiture of the newly re-elected President of Mauritania. Relations between the SADR and Mauritania are “at their best”, according to the source

    Ambassador Edward M. Gabriel, Ret.
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  • Rapport de l'ambassadeur Gabriel sur le Sahara Occidental

    TRADUCTION NON-OFFICIELLE

    Ces informations nous parviennent d’une source fiable. Elles n’ont pas été corroborées par des sources tierces.

     SAHARA OCCIDENTAL/RAPPORT DE SITUATION

    16/05/14

     Le Front Polisario a célébré son 41e anniversaire le 10 mai, suite a des mois turbulents durant lesquels il paraît avoir eu un espoir remarquable concernant l’élargissement du mandat de MINURSO pour inclure les droits humains seulement pour les voir ruinés lors de la réunion annuelle du Conseil de Sécurité de l’ONU fin avril.  Le Polisario était aussi angoisse à causé de l’élection présidentielle en Algérie. Maintenant Comme, il semble s’orienter vers une nouvelle stratégie.        

     Suite à la visite du Roi Mohammed VI à Washington en automne 2013, un membre du Secrétariat National du Polisario avait prévu avec confiance que « lorsque le mois d’avril arrivera, [une composante de  droits humains pour la mission de la MINURSO] sera inclue dans la résolution du Conseil de Sécurité, ainsi que la question des ressources naturelles dans les territoires administrés par le Maroc, » et avait aussi constaté « d’avoir reçu des promesses fermes a cet égard des membres du Congrès. » Plus tard, le même fonctionnaire semblait optimiste que la France « adopterait une position neutre » à la réunion du Conseil de Sécurité et s’abstiendrait d’utiliser son pouvoir de veto pour bloquer une résolution avec le monitoring des droits humains comme partie du mandat de la MINURSO.[1]    

     Cet optimisme était encouragé encore plus par la crise soudaine dans les relations franco marocaines fin février. Le 20 févriers, des policiers français se sont rendu a la résidence de l’ambassadeur marocain à Paris pour informer Abdellatif Hamouche, chef de l’agence marocaine de renseignements domestiques (DGST), qui était en France avec le Ministre de l’Intérieur, d’une convocation devant  un juge d’enquête en connexion avec deux procès civils déposés par une ONG l’accusant de « complicité dans la torture. » Pour ajouter l’insulte à l’injure, le même jour acteur espagnol Javier Bardem (défenseur de la cause de l’autodétermination pour les sahraouis) a été cité par les médias français constatant que l’ambassadeur de la France aux Etats-Unis François Delattre, lui aurait affirmé que le Maroc était « une maîtresse avec laquelle on (la France) dort toutes les nuits, dont on n’est pas particulièrement amoureux mais qu’on doit défendre. » Le double incident a provoqué les protestations de Rabat, qui a suspendu sa convention de coopération judicaire avec la France et a rappelé le diplomate chargé de son application, poussant Président François Hollande à téléphoner au Roi Mohammed VI directement pour résoudre le problème.

     En parlant a ce même fonctionnaire du Polisario peu après cet incident, il l’a caractérisé de « signal de réveil » pour les autorités françaises concernant « la situation des droits humains au Maroc, » démontrant que la France devrait « mettre la défense des droits humains et l’abolition de la torture au Maroc en première ligne des relations entre les deux pays. » Pour sa part, un ancien fonctionnaire au Palais Royal marocain a constaté que les Français « n’étaient pas assez vigilants » en ce que concerne les tentatives « pour déstabiliser les relations entre Paris et Rabat, » dans lesquelles « les Algériens ont surtout joué un rôle».  Cette même source a constaté que la réaction forte du Roi à l’incident (perçue comme disproportionnée, il a constaté, même par des fonctionnaires marocains) avait en fait l’intention d’envoyer un message non seulement aux Français, mais aussi aux Algériens.

     Comme la réunion au Conseil de Sécurité de l’ONU se rapprochait, les fonctionnaires du Polisario ont continué à exprimer leur optimisme. En leur parlant en mi-avril, un membre de haut niveau du leadership du Polisario qui est conseiller du Secrétaire Général Mohamed Abdelaziz a même suggéré que la cause de l’indépendance sahraouie est maintenant « au deuxième tournant important dans son histoire après l’accord de cessez-le-feu de 1991. » La communauté internationale, la source a constaté, prend conscience de la nécessite de finalement mener à bonne fin le conflit du Sahara Occidental, avec une conclusion acceptable et durable qui assurera les droits des sahraouis à l’autodétermination. Selon le membre, un indice de cette nouvelle situation est « la panique visible au plus haut de la structure de pouvoir marocaine, » comme démontré par l’appel du Roi Mohammed au Secrétaire Générale de l’ONU Ban Ki-moon quand le Conseil de Sécurité a commencé ses consultations avant la réunion annuelle sur MINURSO[2], entre autres.  Selon la source, la délégation du Polisario à l’ONU « a reçu des promesses que la protection des civils dans les territoires administrés par le Maroc sera prise en compte » par le Conseil (elle n’a cependant pas indique qui a fait de telles promesses.). La source a poursuivi :

    Les leaders du Polisario sont, sans exception, convaincus que la communauté internationale a perdu patience. Nous nous dirigeons vers une résolution qui fixera une date limite pour le Maroc pour revenir aux principes de cessez-le-feu, qui incluent les négociations pour une solution viable au conflit, c.-à-d. un referendum sur l’autodétermination. A la réunion des cadres du Polisario le 10 avril, Mohamed Abdelaziz était très claire : Le Polisario doit déclarer son empressement de négocier directement avec le Maroc et doit renouveler sa confiance en l’Envoyé Spécial du Secrétaire Générale  Christopher Ross quand nécessaire, mais en même temps le Polisario doit déclarer clairement que, pour être utile, toute négociation futur devrait focaliser sur le referendum et les questions des droits humains.

     Ayant organisé sa propre campagne de lobbying du Conseil de Sécurité pour inclure le monitoring des droits humains dans le mandat de la MINURSO, avec 115 « organisations de société civils, » issues de 21 pays le soutenant, le Polisario aurait été encouragé encore plus par les messages explicites de soutien pour l’idée par Human Rights Watch et Amnesty International à l’approche de la réunion. Le représentant du Front à New York Ahmed Boukhari a ajouté sa voix au sens général des attentes le 11 avril, en commentant sur le rapport de Ban Ki-Moon : la question du Sahara Occidental pourrait entrer dans « une phase décisive » en 2015, il a dit, avec le Secrétaire Générale de l’ONU suggérant que le Conseil de Sécurité devrait entreprendre une revue complète du processus de négociations entre le Front Polisario et le Maroc s’il aucun progrès n’est fait avant avril 2015. Ceci, Boukhari a constaté, signifie que « le Conseil de Sécurité assumera une responsabilité lourde, soit d’avancer et résoudre définitivement la question sahraouie, soit de jeter l’éponge et par conséquent ouvrir les portes à l’inconnu. »

     Le rapport de Ban Ki-moon a appelé pour une surveillance des droits humains « soutenue, indépendante et impartiale » dans le territoire contesté, sans explicitement recommander que ceci soit confié à la MINURSO. Cependant, il a en même temps donné une note positive d’encouragement sur l’intention de Rabat, récemment annoncée, d’améliorer le Conseil Nationale des Droits de l’Homme (CNDH) et mettre fin a la pratique de juger les civils dans les tribunaux militaires. Selon les diplomates du Conseil de Sécurité cités par Reuters (19/04/14), les versions initiales du rapport de Ban Ki-moon ont en fait inclus un appel pour « un mécanisme de surveillance » des droits humains, mais  ont été révisées deux fois dans un période de quelques heures et  l’idée d’un « mécanisme » a été remplacée avec un appel pour une « surveillance » non spécifiée. Même si l’Ambassadeur de France à l’ONU a nié avoir fait pression sur le Secrétariat pour modifier le rapport de Ban Ki-moon, Paris a rapidement bien fait comprendre ce qu’il a considéré comme acceptable : lors d’une conférence de presse le 11 avril, le porte-parole du Ministère des Affaires Etrangères Romain Nadal a loué « les efforts majeurs » du Maroc et a constaté que « les efforts pour protéger les droits humains dans cette région » devraient continuer  dans le contexte de « la coopération par le Maroc avec les procédures spéciales de l’OHCHR et du Haut Commissaire Navi Pillay, » sans un nécessité de charger la MINURSO de la question. Quand la délégation américaine à l’ONU a circulé une résolution initiale quelques jours plus tard, celle-ci n’a inclus aucune référence à un rôle des droits humains pour la MINURSO. L’Ambassadeur français à Gérard Araud a rapidement nié (via Twitter) que la France avait menacé d’utiliser son veto contre l’inclusion du monitoring des droits humains, mais le point a été un peu académique.

     La résolution 2152 adoptée le 29 avril, n’a inclus aucune innovation substantive, soit en termes de la surveillance des droits humains, les limitations sur l’exploitation de ressources naturelles, ou les dates limites ou ultimatums pour un accord négocié, et a effectivement renouvelé le mandat de la MINURSO pour un an avec des exhortations normales au Maroc et au Front Polisario de « continuer les négociations sous les auspices du Secrétaire Général sans les conditions préalables et en bonne esprit. » La réaction du représentant du Polisario Ahmed Boukhari était sans éclat, exprimant  sa « satisfaction avec l’engagement du Conseil de Sécurité en faveur d’une solution politique au conflit du Sahara Occidental basée sur le droit inaliénable des Sahraouis à l’auto-détermination »  et son regret que la MINURSO reste la seule opération de maintien de la paix sans un mécanisme de surveillance des droits humains.

     Les réactions en privé, avec les responsables du Polisario avons qui nous avons eu l’occasion de parler, étaient un peu plus révélatrices. Un membre du Conseil national sahraoui (pseudo parlement de la RASD) a parlé le lendemain de l’adoption et a qualifie les déclarations de Boukhari applaudissant la résolution No.2152 comme une façade diplomatique, car en réalité la résolution a marqué « une régression pour la cause sahraouie. » Le Maroc et de ses amis, la source a ajouté:

     

    ont élaboré un plan  pour enterrer la cause sahraouie le 30 Avril 2015. Les Marocains disent déjà que la résolution 2152 sera la dernière avant que l’ONU ne reconnaisse le plan d’autonomie comme la meilleure solution au conflit. Parallèlement, les dirigeants du Polisario n’ont même pas levé le petit doigt lorsque le roi du Maroc a visité le Sahara avec sa femme et ses enfants[3]pour défiler dans les rues de ses villes et montrer au monde qu’il se sentait comme chez lui et que les gens du Sahara lui doivent allégeance. Les dirigeants du Polisario étaient plus préoccupés par la politique interne de l’Algérie que par la direction que la question du Sahara pourrait prendre résultant d’une résolution favorable au Maroc comme celle qui vient d’être adoptée. Le président de la RASD et ses principaux lieutenants passaient la plupart de leur temps à analyser l’élection présidentielle algérienne et son impact, au lieu de répondre aux initiatives du Maroc telles que la visite du roi au Sahara et son lobbying du Secrétaire général de l’ONU.

    S’adressant à nous, presque une quinzaine de jours plus tard, le conseiller de Mohamed Abdelaziz cité ci-dessus a donné une évaluation de la situation qui, bien que plus mesurée dans le ton, était tout aussi sombre que la réaction du membre du Conseil national sahraoui. Suite à la Résolution 2152, le conseiller a fait valoir que le Polisario se trouve à un tournant pour lequel il n’était pas préparé. La résolution appelle à des progrès vers une solution mutuellement acceptable, mais les positions des deux parties restent divergentes et, en effet, irréconciliables. Le Polisario continuera à insister qu’il ne puisse y avoir une solution autre que celle basée sur un référendum qui offre plus d’une option, dont l’une doit être l’indépendance totale. La source a continué:

     

    Le problème est que, contrairement à la situation des années précédentes, le Polisario est mal placé pour imposer cette solution. La situation a changé, et elle est de plus en plus défavorable pour Polisario. L’Algérie est dans une phase de stagnation, où la prise de décision est très lente. À l’heure actuelle, l’Algérie est complètement prise avec ses propres problèmes et préoccupations, beaucoup plus que ce qu’il était le cas même au cours de sa décennie de guerre contre le terrorisme islamiste. Donc, le meilleur qu’Alger peut offrir est de maintenir sa position historique et son aide traditionnelle au Polisario, choses qu’elle ne peut vraiment changer de toute façon. Les Algériens sont inquiets au sujet de la succession présidentielle, qui est de plus en plus risquée. Il est devenu clair lors de la campagne de l’élection présidentielle que les Algériens ont peur de l’avenir. Nous n’avons pas besoin de cette stagnation en Algérie au moment où la population des camps des réfugiés augmente de plus en plus, et nos besoins matériels augmentent également. En plus de cela, il y a un sentiment palpable de fatigue de la part des partisans internationaux du Polisario, qui envoient de l’aide alimentaire et écoutent poliment les envoyés du Polisario, mais ils murmurent sur ​​la question du Sahara afin de ne pas perturber le Maroc ou ses alliés. L’Afrique du Sud est un exemple. La dernière visite en Espagne par le Premier Ministre Abdelkader Taleb Oumar en est un autre. Celle-ci s’est déroulée presque en silence, alors que dans le passé, cela aurait été un événement important pour les médias espagnols et la société civile.

    Il semble, d’autre part, que la direction du Polisario a eu le temps de tirer quelques conclusions pratiques de cette évaluation sombre de la situation. Selon la même source:

     

    Pour toute leur expérience, tirée d’années d’activisme, les représentants du Polisario et de la RASD à l’étranger ont besoin d’un nouvel élan. Le Polisario doit prendre les leçons appropriées et se préparer pour ce tournant stratégique. Les campagnes de défense des droits humains qui n’ont pas le soutien massif d’autres acteurs ne peuvent réussir. Le Polisario ne peut pas imposer un référendum sur l’indépendance seulement en organisant des comités pour défendre les prisonniers politiques. Nous avons besoin d’une nouvelle stratégie. C’est le message que le président Mohamed Abdelaziz a transmis lors de la dernière réunion du Secrétariat national juste avant les célébrations du 41e anniversaire du Polisario. En outre, il a donné quelques indications sur ce que pourrait être la stratégie. Par exemple, le Polisario doit prendre l’initiative pour trouver l’appui à sa demande pour une solution basée sur un référendum de la part partis politiques marocains et des associations professionnelles. Mohamed Abdelaziz a posé une question légitime: pourquoi faut-il que les Sahraouis se sentent obligés de négocier exclusivement avec l’Etat marocain? Ils ont besoin de créer un mouvement au Maroc, et même au sein de l’établissement marocain, qui est sympathique avec et en faveur de leur cause. Et quand certains membres du Secrétariat national ont évoqué la possibilité que les Algériens pourraient avoir des réserves sur une telle stratégie, Mohammed Abdelaziz avait de la difficulté à rassurer les participants quant à la position de l’Algérie. L’Algérie, il a dit, n’a pas de réserves quant à cette orientation, et elle n’a pas l’intention d’intervenir.

    [1] Le Polisario pourrait été encouragé à le croire étant donné l’expérience de la période qui a précédé la dernière réunion de UNSC sur le Sahara occidental en 2013, au cours de laquelle la France aurait indiqué qu’il ne utiliserait pas son veto pour bloquer une proposition initialement présentée par la délégation des États-Unis d’inclure la surveillance des droits humains dans la mission de MINURSO, selon des diplomates proches du Groupe des Amis du Sahara Occidental cité par Reuters. 
    [2] Dans une conversation téléphonique avec M. Ban le 11 Avril, le Roi du Maroc a exigé que le rôle de l’ONU au Sahara occidental reste inchangé, en évitant les « approches biaisées » et « options difficiles », et a souligné la nécessité de « préserver les paramètres de négociation tel que défini par le Conseil de Sécurité. » 
    [3] Le 19 avril, juste après le Conseil de Sécurité a commencé ses consultations sur le brouillon qui est devenu Résolution 2152.
    Ambassador Edward M. Gabriel, Ret. 
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  • Quels lendemains de guerre au nord du Mali?

    Vous pouvez lire ici ou que le Mouvement national de Libération de l’Azawad (MNLA), par la voix de son porte parole, non seulement approuve l’intervention militaire française au Mali mais est disposé à prêter main forte au corps expéditionnaire français pour les combats au sol.

    Ce n’est pourtant pas exactement ce que dit Moussa Ag Assarid, le porte parole de ce mouvement ainsi qu’on peut le constater en lisant une retranscription intégrale d’un entretien qu’il a accordé tout récemment à un journal espagnol.
    Moussa Ag Assarid pose en effet un préalable non négligeable avant cette coopération : que le gouvernement malien engage des discussions sérieuses avec son mouvement sous l’égide de ce qu’il appelle la «communauté internationale.»
    J’espère quand même qu’il sait que dans le cas du Mali, la communauté internationale se résume à la France qui n’en fait qu’à sa tête.
    Et en parlant de négociations avec le MNLA en relation avec la situation actuelle au nord du pays, c’est une éventualité qu’a explicitement écartée M. Tieman Hubert Coulibaly, le ministre Malien des affaires étrangères qui rejette ces «conditions posées à l’armée malienne.» Une formulation qui montre que la Mali n’a de gouvernement en ce moment que militaire.
    On comprend donc que ce qui tient lieu de gouvernement en ce moment au Mali compte bien reprendre le contrôle des régions du nord du pays grâce à l’armée française, sans doute pour répéter une politique qui a entretenu une instabilité qui a débouché sur la situation actuelle à la faveur de l’intervention occidentale contre le régime de Mouammar Kadhafi.
    Le pompier pyromane français qui ne semble pas satisfait du désastre qu’il a provoqué à la frontière orientale de l’Algérie s’attelle maintenant avec passion à continuer son sale boulot à la frontière sud du polygone étoilé.
    Par Xavier Aldekoa, La Vanguardia (Espagne) 16 janvier 2013 traduit de l’espagnol par Djazaïri
    Le Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA), héritier de plusieurs mouvements de rébellion targuie dans le nord du Mali veut avoir un rôle clef dans la guerre. Son porte parole, Moussa Ag Assarid dit que la révolution indépendantiste a été détournée par des terroristes et il tend la main à la France. Mais avec des conditions.
    Le MNLA est-il prêt à combattre au côté de la France contre les fondamentalistes ?
    Notre position est claire. Nous voulons des droits pour le peuple de l’Azawad. Et nous luttons déjà contre les terroristes. Avant même que la France ait commencé à le faire nous les affrontions déjà. Nous connaissons ce territoire et ses gens. Nous avons des combattants expérimentés qui savent se battre. Qu’on nous laisse faire le travail. Ce n’est pas au mali de régler ça, ni à la Communauté Economique d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Il faut négocier pour déterminer les conditions, et tout ce qui se passe sur le terrain, nous nous chargerons de le résoudre.
    Mais pour Bamako, le MNLA est aussi l’ennemi.
    Il ne faut pas faire l’amalgame entre de MNL A et d’autres groupes armés. Nous ne sommes pas des terroristes ; nous voulons des droits sur nos territoires et nous demandons l’indépendance. Aujourd’hui, nous devons négocier avec Bamako pour déterminer notre rôle et les statut [du territoire) de l’Azawad.
    Le MNLA a-t-il le sentiment que sa révolution targuie a été détournée ?
    Tout à fait. Notre peuple vit dans la soumission depuis 50 ans. Depuis 1960, nous avons été massacrés, nous avons subi un génocide, et comme il n’y avait aucune volonté de trouver une solution politique, nous avons fait la guerre à Bamako pour la dignité de notre sang versé, de nos enfants et des milliers de réfugiés. La communauté internationale ne doit pas l’oublier. Il est inutile que le gouvernement malien ttente de récupérer le territoire de l’Azawad s’il ne s’assoit pas à la table de négociations. Les choses ne peuvent plus être comme avant, avec l’armée stationnée au nord tandis que les villes s développent au sud. Il y a un problème politique, il faut le résoudre et ensuite, nous nous impliquerons dans la lutte contre le terrorisme au Sahel.
    Et si le gouvernement malien ne cède pas à vos revendications ?
    Sans solution politique, le Mali ne retrouvera pas la paix.
    Quelle est cette solution : l’indépendance, une certaine autonomie ?
    Il doit d’abord y avoir une négociation franche entre la communauté internationale, le MNLA et Bamako. Une fois la solution politique trouvée, nous verrons ce qui se passera. Cet accord sera déterminant pour la lutte contre le terrorisme.
    Le MNLA peut-il vaincre les extrémistes ?
    Nous disposons de plusieurs milliers d’hommes et de matériel qui nous permettent de nous adapter au terrain et de combattre dans un territoire que nous connaissons comme notre poche. En outre, la population est de notre côté et elle nous renseigne chaque jour sur leurs positions. Nous savons où sont les terroristes.
  • Retour sur l’assassinat de Patrice Lumumba (ou de l’actualité de l’impérialisme)

    Avec le temps, il arrive que certaines vérités se fassent jour et que des énigmes soient progressivement résolues. Hasan Suroor de The Hindu évoque pour nous une récente révélation sur l’assassinat de Patrice Lumumba, ce personnage charismatique dont le nom évoque aujourd’hui encore des espoirs d’indépendance et de démocratie en Afrique et au -delà.

    On comprend que le destin de Lumumba a une signification particulière pour l’Inde puisque c’est auprès d’un diplomate de ce pays en poste à Léopoldville (désormais Kinshasa) qu’il avait dans un premier temps trouvé refuge.
    L’histoire de Lumumba nous rappelle que, comme la Syrie aujourd’hui, le Congo ex belge avait aussi des amis.
    Tiens, ce sont à peu près les mêmes que ceux de la Syrie aujourd’hui !
    Par Hasan Suroor, The Hindu (Inde) 
    Un des secrets les mieux gardés des services de renseignements britanniques vient peut-être d’être éventé : leur rôle dans l’enlèvement et l’assassinat de Patrice Lumumba, le premier chef de gouvernement démocratiquement élu du Congo dont le panafricanisme et l’inclination vers Moscou avaient alarmé l’Occident.
    Pendant plus de cinquante ans, des rumeurs ont circulé par rapport à des allégations sur le rôle de la Grande Bretagne dans le meurtre brutal de Lumumba en 1961, mais rien n’avait été prouvé – laissant la CIA et son homologue belge porter seules le chapeau pour ce qu’un écrivain Belge avait qualifié de «plus important assassinat du 20ème siècle.» Aujourd’hui, dans des révélations spectaculaires, un vétéran de la politique britannique affirme avoir entendu de la bouche même des concernés que c’est le MI6 qui l’avait «fait.»
    Dans une lettre à la rédaction passée Presque inaperçue dans le dernier numéro de la London Review of Books (LRB), David Edward Lea réagissait à «Empire of Secrets, British intelligence, the Cold War and the Twilight of Empire,» un nouveau livre sur les services secrets britanniques dans lequel Calder Walton affirme qu’on ne sait toujours presque rien sur le rôle de la Grande Bretagne dans la mort de Lumumba. «La question reste de savoir si les projets britanniques d’assassinat de Lumumba… avaient une quelconque réalité. Pour l’heure, nous n’en savons rien,» écrit Walton.
    Lord Lea a répliqué: «En fait, dans ce cas particulier, je peux dire que nous avons joué un rôle. Il se trouve que je prenais une tasse de thé avec Daphne Park… Elle avait été consul et première secrétaire [d’ambassade] à Léopoldville, aujourd’hui Kinshasa, de 1959 à 1961, ce qui en pratique (et qui a été par la suite reconnu) signifiait chef du MI6 sur place. J’avais évoqué avec elle l’indignation suscitée par l’enlèvement et l’assassinat de Lumumba, et je lui avais rappelé la théorie selon laquelle le MI6 avait quelque chose à voir avec ça. ‘Nous l’avons fait’, avait-elle répondu, ‘je l’ai organisé.’»
    Selon Lord Lea, elle avait soutenu que si l’Occident n’était pas intervenu, Lumumba aurait livré aux Russes les richesses minières du Congo – appelé aujourd’hui République Démocratique du Congo. Contacté par The Hindu, Lord Lea a confirmé la teneur de sa lettre à la LRB et que la conversation autour d’un thé avait eu lieu quelques mois avant le décès de Mlle Park en 2010. «C’est la discussion que j’ai eue avec elle et c’est ce qu’elle m’a dit. Je n’ai rien de plus à ajouter,» a-t-il dit quand nous lui avons demandé s’il disposait éventuellement d’une autre confirmation indépendante de la déclaration de Mlle Park.
    Mlle Park qui a fait sa carrière dans les services de renseignements a servi à Kinshasa (ex Léopoldville) entre 1959 et 1961. A sa retraite, elle a été faite pairesse à vie avec le titre de baronne Park of Monmouth. Ses collègues de la Chambre des Lords parlaient d’elles comme de la porte parole des services secrets. Elle a aussi brièvement doyenne du Somerville College à l’université d’Oxford.
    Le MI6 n’a fait aucun commentaire sur les révélations de Lord Lea. «Nous ne nous exprimons pas sur les questions relatives aux renseignements,» a déclaré un officiel.
    Lumumba, salué comme étant “le héros de l’indépendance du Congo” de la Belgique en 1960, avait été tué par balles le 17 janvier 1961 après avoir été renversé par un coup d’Etat soutenu par la Belgique et les USA à peine quelques mois après avoir pris ses fonctions. 
    Lumumba avait trouvé refuge auprès de Rajeshwar Dayal – le diplomate Indien qui représentait le Secrétaire Général de l’ONU au Congo – pendant plusieurs jours mais avait été capturé et tué peu de temps après qu’il avait fait le choix de quitter les locaux de l’ONU. «Ce crime odieux avait été le point culminant de deux complots d’assassinat liés entre eux par les gouvernements belge et américain qui avaient utilisé des complices Congolais et une peloton d’exécution belge pour faire le coup,» écrit Georges Nzongola-Ntalaja, un spécialiste d’études africaines et afro-américaines qui a écrit The Congo from Leopold to Kabila: A People’s History [le Congo de Léopold à Kabila : histoire d’un peuple].
    Des documents américains de l’époque déclassifiés ont établi le rôle de Washington dans des tentatives secrètes d’assassinat – la plus connue étant le plan de la CIA pour empoisonner la brosse à dents de Lumumba en introduisant de la pâte dentifrice empoisonné dans sa salle de bains. 
    «La pâte dentifrice n’est jamais arrive dans la sale de bains de Lumumba. Je l’ai jetée dans le fleuve Congo, » dira plus tard Larry Devlin, chef de la station de la CIA à Léopoldville. 
    Le public sait peu de choses sur le rôle de la Grande Bretagne. Mais en 2000, la BBC avait rapporté qu’à l’automne 1960 – trois mois avant l’assassinat de Lumumba – un agent du MI5 à l’ambassade britannique à Léopoldville avait proposé «l’élimination de Lumumba de la scène en le tuant.»
  • L’Afrique à la veille de l’émergence économique?

    Tandis que les puissances néocoloniales et les Etats Unis s’affairent à semer le désordre et la mort en Afrique, une puissance pose un autre regard et a une autre démarche.

    Cette puissance est la Chine qui, patiemment étend son influence au gré de partenariats bilatéraux qui se traduisent par des investissements substantiels, là où l’Europe se contente de prodiguer des conseils lénifiants de bonne gouvernance et d’apporter son expérience dans l’art de la guerre.
    Le partenariat est aussi multilatéral ainsi qu’on peut le constater avec le projet de Route Maritime de la Soie qui reliera des ports africains, existants ou nouveaux, à l’Asie orientale, la Thaïlande et la Chine principalement.
    Le projet de Route Maritime de la Soie, complété par des infrastructures terrestres, routières et ferroviaires, aura nécessairement un impact considérable sur l’évolution économique de l’Afrique , et contribuera à favoriser l’émergence d’un certain nombre de pays et à en sortir d’autres de la grande pauvreté.
    A condition que l’effort chinois ne soit pas contrecarré par ces mêmes puissances occidentales qui voient d’un mauvais œil la place de plus en plus grande prise sur un continent qui est encore leur terrain de jeu favori.
    La guerre contre le régime libyen s’inscrivait déjà dans cette lutte d’influence.
    par Atul Aneja, The Hindu (Inde) 19 janvier 2015 traduit de l’anglais par Djazaïri
    La Chine a accéléré sir effort d’inclusion de l’Afrique dans la Route Maritime de la Soie – l’ambitieuse initiative transcontinentale de Pékin – suite à la visité dans le continent de son chef de la diplomatie Wang Yi.
    Parmi les thèses qui ont été abordés pendant la visite de M. Wang dans cinq pays, la volonté d’aller de l’avant rapidement pour la construction d’une liaison ferroviaire à écartement standard entre Nairobi et Mombasa a été un des sujets phares.
    Le projet de liaison entre la capitale du Kenya et le grand port du pays a de plus vastes implications. Une fois achevé , le corridor ferroviaire contribuera à connecter le vaste hinterland de l’Afrique orientale avec l’Océan Indien, ce qui en fait un projet d’un grand intérêt stratégique qui sera une pièce de plus dans la réalisation du projet du président Xi Jinping d’établissement de la Route Maritime de la Soie du 21ème siècle.
    Si les projets se concrétisent, Mombasa serait finalement reliée à Malaba dans la région ouest du Kenya puis à Kampala, Kigali et Juba, les capitales de l’Ouganda, du Rwanda et du Sud-Soudan.
    Les Chinois se sont lancés dans ce projet en ayant une conscience claire des opportunités plus larges qu’il présente à l’échelle régionale. Sur le plan du symbole, c’était évident à voir les dirigeants de l’Ouganda, du Rwanda et du Sud -Soudan assis aux côtés dy premier ministre chinois Li Keqian lors de sa visite à Nairobi, de même que des représentants venus du Burundi, de Tanzanie et de la Banque Africaine de Développement pour signer un accord sur le projet.
    Avec des démarches concrètes effectuées sur le terrain, il semble bien que l’Afrique soit en train de devenir un des piliers du projet de Route Maritime de la Soie. En plus de construire des routes, des aéroports et des voies ferrées, les Chinois développent douze ports en eau profonde, dont sept se trouvent sur les côtes africaines.
    Ce sont Djibouti, Dar es-Salam, Maputo, Libreville, Tema (Ghana), Dakar et Bizerte.
    En échange, ces ports se connectent à la Route Maritime de la Soie étant donné qu’ils sont prévus pour traiter des cargos de fort tonnage en provenance d’Asie, chargés de nourriture et de produits manufacturés et qui repartiront en emportant des matières premières d’Afrique.
    L’Afrique se connecte bien avec les grands pointes avancées de la Route Maritime de la Soie – la province chinoise de Yunnan qui partage des frontières avec le Myanmar, le Vietnam et le Laos ainsi que la Thaïlande plus au sud.
    Espérant éviter le vulnérable détroit de Malacca, les Chinois construisent des corridors ferroviaires depuis Kunming, la capitale du Yunnan, vers le Myanmar et la Thaïlande via le Laos enclavé. La Chine a signé un accord pour construire un corridor ferroviaire qui reliera le Yunnan avec la cité portuaire thaïlandaise de Kyaukphyu sur le Golfe du Bengale, contournant ainsi le détroit de Malacca. Kyaukphyu est aussi le point de départ de l’oléoduc et du gazoduc Chine – Myanmar qui entrent en Chine par la ville de Ruili.
    Au Laos, le projet de voie ferrée Chine – Vientiane doit être achevé en 2018. La Chine a récemment approuvé un projet de 23 milliards de dollars qui comprend une liaison à grande vitesse entre Chaing Khong, juste au sud de la capitale laotienne, Vientiane, et Ban Phachi en Thaïlande.
    Certains observateurs considèrent que la Chine et la Thaïlande sont à l’initiative dans la construction la connexion de la Route Maritime de la Soie avec l’Afrique. Le site web East by Southeast a rapporté qu’en 2014, des officiels thaïs et chinois ont défini les instruments d’investissement pour la construction de sept ports stratégiques sur le littoral africain.
    Les exportateurs thaïlandais de riz seront probablement les principaux bénéficiaires de la liaison Asie-Afrique du projet de Route Maritime de la Soie. Déjà 60 % des exportations thaïlandaises de riz en 2013 allaient vers l’Afrique et la tendance de la consommation était encore plus élevée en 2014.