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  • Réactions à la rupture entre l’Algérie et le Maroc

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    Rupture des relations diplomatiques avec le Maroc : les sionistes au secours du Makhzen, la France et l’Arabie Saoudite mesurées

    Après l’annonce par l’Algérie de rompre ses relations diplomatiques avec le royaume du Maroc, les réactions internationales n’ont pas tardé à tomber. En premier lieu, il y a celles des pays connus pour être des alliés traditionnels du Maroc : Israël et la France.

    L’état hébreu n’a pas caché, naturellement, son soutien au régime de Rabat en accourant à son secours. Pour l’entité sioniste, nouvel allié du royaume chérifien, les « accusations » algériennes contre Israël dans le cadre de la grave crise diplomatique entre l’Algérie et le Maroc sont « infondées et sans intérêt », a déclaré à l’agence de presse française (AFP) une source diplomatique israélienne.

    Le porte-parole adjoint du ministère français des Affaires étrangères, lors de la conférence de presse hebdomadaire, a usé d’un langage se voulant neutre. Une réponse qui ne souhaite, semble-t-il, froisser aucune partie.

    Interrogé sur la rupture des relations entre l’Algérie et le Maroc et ses retombées sur la coopération des deux pays avec la France et l’Union européenne et si cette rupture va compliquer la donne pour la France dans la région.

    La porte-parole a répondu : « L’Algérie et le Maroc sont deux pays amis et deux partenaires essentiels de la France. La France reste naturellement attachée à l’approfondissement des liens et au dialogue entre les pays de la région, pour en consolider la stabilité et la prospérité ».

    Deux autres pays, également plus proches politiquement du Maroc que de l’Algérie, se sont exprimés sur la question.

    L’Arabie Saoudite, un autre royaume, très proche dans sa conception de la géostratégie du Maroc, mais dans un langage diplomatiquement correct qui tranche avec un pays qui se déclare, carrément, ennemi de l’Algérie.

    L’Arabie Saoudite a exprimé son regret de voir les deux pays frères rompre leurs relations diplomatiques.

    Dans un communiqué du ministère des affaires étrangère, le royaume appelle à privilégier le dialogue et la diplomatie pour régler les questions litigieuses et «ouvrir une nouvelle page».

    Les Etats-Unis, un pays qui entretient des relations stratégiques avec le royaume du Maroc, n’a pas officiellement commenté l’évènement. Pour un responsable au ministère des affaires étrangères des Etats-Unis, rapporté anonymement par le chaîne américaine Al Hurra, l’amélioration des relations entre l’Algérie et le Maroc les aidera à affronter les défis régionaux d’une manière optimale.

    Selon ce responsable, les autorités américaines ont pris note de la décision de l’Algérie. Il a en effet souligné que « le gouvernement américain est convaincu que l’amélioration les relations permettra aux deux pays de mieux traiter les problèmes régionaux et bilatéraux tels que le terrorisme, l’immigration illégale, le trafic de drogue et les relations commerciales».

    Mis à part le regret exprimé par la ligue arabe, le reste des pays arabes ne se sont pas exprimés… Visiblement, l’affaire ne les intéresse pas.

    Hamma Sadek

    La Nation, 26/08/2021

  • Israël, plateforme industrielle du cyber espionnage

    Israël, Maroc, Israël, Bahreïn, Arabie saoudite,

    Synthèse de Selma Allane
    Les allégations de cyberespionnage d’hommes politiques et de journalistes via le logiciel Pegasus de la société NSO créée en 2010 et basée à Tel-Aviv vient rappeler que beaucoup savent déjà : Israël est une plateforme industrielle des applications numériques destinées à accéder aux données d’un Smartphone ou d’un ordinateur. Des centaines d’entreprises y travaillent et on compte parmi elles au moins trois autres grands noms de la cyber surveillance et du cyber espionnage : Quadream, Candiru et Winteg. Pour solliciter leurs services, il faut des budgets conséquents, jusqu’à 10 millions d’euros annuellement pour ce qui concerne les logiciels NSO, considérés comme plus invasifs et plus efficaces, donc, que ceux de leurs concurrents.
    Toutes ces entreprises travaillent et opèrent en connaissance des autorités israélienne et fournissent leurs services aux Etats notamment proches ou considérés comme publiquement ou secrètement «amis». Dans un entretien avec l’AFP en 2019, le directeur à l’époque de l’Autorité israélienne de l’Innovation, organisme public chargé de soutenir l’essor des technologies locales, Aharon Aharon, avait affirmé que «dans l’usage des technologies, il y a une part bonne et il peut y avoir une part plus sombre, je pense que NSO s’appuie, dans une certaine mesure, sur ce côté obscur». «Israël est un incubateur pour des technologies répressives», a déclaré à l’agence de presse, Jonathan Klinger, avocat spécialisé dans le droit informatique. «C’est un modèle d’affaires malheureux (…) mais ce n’est pas illégal», a-t-il poursuivi.
    Qui sont les clients des logiciels israéliens ? Selon les données publiées sur le scandale Pegasus, quatre pays arabes ont obtenu accès à ce logiciel malveillant: les Emirats arabes unis, le Maroc, Bahreïn et l’Arabie saoudite. Les trois premiers pays ont normalisé leurs relations en 2020 avec Israël. «La volonté des Etats-Unis de vendre ses F-35 aux Emirats et leurs pressions (en faveur de la normalisation) ont changé la donne, pas le logiciel. 
    Le logiciel n’était pas suffisant, ils avaient besoin de quelque chose de plus important, mais ça a aidé», a jugé Yoel Guzansky, chercheur à l’Institut des études sur la sécurité nationale (INSS) de Tel-Aviv, après la question si le rapprochement de ces Etats avec Israël ne leur facilite pas l’accès à ce type d’équipements espions. «Il y a 20/30 ans, les exportations d’armes ont permis à Israël de forger de nombreuses relations diplomatiques ou officieuses avec des pays d’Afrique, d’Asie et du Moyen-Orient et c’est la même chose aujourd’hui. Mais Israël a plus de choses à vendre, une panoplie de cyber-outils», a-t-il ajouté. 
    En Israël, le logiciel Pegasus est considéré comme une véritable «arme». Et comme pour la vente des armes, NSO doit obtenir l’autorisation du ministère de la Défense pour vendre aux services secrets de pays étrangers une licence du logiciel. Dans le feu de la polémique qui s’est déclenché depuis le 19 juillet, la société israélienne a rejeté, dans un communiqué, des «accusations frauduleuses» et affirmé n’oeuvrer «qu’à sauver des vies en empêchant des crimes et des actes de terreur», allusion à la lutte antiterroriste pour lesquels ses logiciels sont destinés en dehors de leur usage dans d’autres domaines sans rapport avec l’espionnage des personnes. «Nous n’avons reçu jusqu’à aujourd’hui aucun élément de preuve qu’une personne sur cette liste a été vraiment visée par le système Pegasus», a déclaré lundi à la radio israélienne un porte-parole du groupe, Oded Hershkovitz. 
    Dans son premier rapport annuel sur sa politique de «Transparence et Responsabilité», publié fin juin et visant à «prévenir» des «abus» de sa technologie par ses clients étrangers, NSO affirme avoir décliné l’équivalent de 300 millions de dollars en contrats potentiels en raison de ses normes éthiques.
    Amnesty International, en partie à l’origine des révélations, sur le logiciel Pegasus, appelle à la mise en place d’un «vrai cadre réglementaire» et demande «la suspension et l’interdiction de la vente de la technologie de NSO et de tout outil de surveillance similaire».
    Reporters, 22/07/2021 
  • Les pétrodollars introdduisent l’idéologie Wahhabite en Afrique

    Les pétrodollars au service d’une idéologie islamiste: La pénétration Wahhabite en Afrique

    Bien que la diffusion du wahhabisme en Afrique remonte aux années 1960, c’est l’avènement du pluralisme politique dans les années 1990 dans de nombreux États africains qui a permis à l’Arabie saoudite de renforcer son offensive idéologique sur le continent. Alliant prédication et actions sociale et humanitaire, les ONG islamiques, les organisations transnationales musulmanes et les fondations saoudiennes ont investi financièrement et idéologiquement le continent africain -souvent avec la complicité des États -pour imposer leur interprétation conservatrice de l’islam, outil par excellence de la « diplomatie religieuse » des Saoud.

    Après des décennies d’une stratégie d’influence ininterrompue, le Royaume saoudien peut désormais s’appuyer sur ses relais locaux pour saper les bases des hiérarchies traditionnelles de l’islam africain, combattre les confréries soufies et bannir les pratiques religieuses ancestrales. Les nouveaux adeptes africains du wahhabisme formés dans les universités du Golfe s’opposent ouvertement aux institutions maraboutiques afin d’assujettir l’espace public aux normes spirituelles rapportées d’Arabie saoudite.

    Cette lame de fond a conduit à une fragmentation doctrinale croissante de l’islam africain qui se traduit par une prolifération de groupes professant des interprétations extrêmement sélectives des principes religieux. Aujourd’hui les groupes terroristes qui sévissent au Sahel et en Afrique du Nord-Ouest profitent d’un environnement de plus en plus pétri de l’idéologie wahhabite où le conservatisme religieux s’est banalisé par des décennies d’une insidieuse pénétration doctrinaire.

    L’islam fondamentaliste saoudien est le terreau sur lequel sont nés et prospèrent le salafisme et le djihadisme armé qui minent les sociétés africaines et s’exportent au-delà des frontières.

    Avec près de 350 millions de musulmans, l’Afrique représente un morceau de choix pour l’Arabie saoudite¹. Depuis plusieurs décennies, Riyad a entrepris de diffuser son modèle wahhabite de croyance selon le principe du daawa wal irchad (prosélytisme et propagation de la foi) pour contrecarrer les autres obédiences musulmanes et les pratiques populaires de l’islam présentes sur le continent : soufisme, ibadisme, chiisme, animisme, culte des saints, etc.

    La montée de l’islamisme d’inspiration wahhabite est à replacer dans le contexte du déclin du nationalisme arabe et de la montée en puissance de l’Arabie saoudite. La politique pan-islamiste saoudienne en Afrique remonte aux années 1960, sous le règne du roi Fayçal. Elle visait autant à diffuser le wahhabisme qu’à contrer l’influence panarabe nationaliste que les monarchies conservatrices percevaient comme une menace. Le wahhabisme s’opposait aux courants réformistes qui ont marqué l’histoire moderne de l’Islam.

    Le pèlerinage et l’immigration depuis différentes parties du monde musulman vers le Golfe, associés au développement du système bancaire islamique et à la prolifération des organismes saoudiens de bienfaisance, ont été les facteurs clés de l’expansion du wahhabisme saoudien. Le boom pétrolier a permis d’investir des fonds énormes dans la promotion de la prédication dont les fers de lance furent les prêcheurs-missionnaires wahhabites.

    La pénétration wahhabite s’est renforcée dans les années 1990 au moment de l’ouverture de l’espace politique dans de nombreux États africains, permettant ainsi au wahhabisme de trouver sa légitimité en s’africanisant et de devenir un courant de l’islam politique local ayant pignon sur rue.

    LE WAHHABISME LA RÉALISATION D’UNE SOCIÉTÉ ISLAMIQUE TRANSNATIONALE
    Le terme « wahhabisme » a d’abord été employé par les partisans de cette tradition pour se distinguer de leurs adversaires au XIXe siècle. Depuis le règne du roi Abd al-Aziz (1902-1953), il est récusé par les oulémas saoudiens qui préfèrent se désigner comme « salafistes ». La notion de « salafisme » désigne la pratique des salaf, les pieux ancêtres dont se réclament non seulement les islamistes saoudiens, mais aussi les héritiers intellectuels de la salafiyya fondée à la fin du XIXe siècle par Jamal al-Din al-Afghani (1838-1897) et son disciple Muhammad Abduh (1877-1938).

    Le salafisme est donc loin d’être une spécificité wahhabite. Il concerne également l’école malékite, dominante au Sahel : « il apparaît que l’analyse des trajectoires de radicalisation au Sahel dément très largement l’idée que le djihadisme serait le prolongement du wahhabisme dans cet espace ».

    La famille royale, gardienne des lieux saints, se sentant investie d’une mission de purification, va entreprendre d’exporter sa conception de l’islam à travers le monde. Une mission clairement résumée dans les propos du prêcheur saoudien Abdelaziz al-Fawzan: « Nous voulons purifier l’Islam de ses sectes, des innovations, et de tous les mensonges que les faux prêcheurs ont apporté. Car ils détruisent l’Islam en profondeur. Le musulman est celui qui suit les actions du Prophète. Tout ce qui s’en écarte éloigne les croyants de la vraie religion ».

    Le wahhabisme n’a donc rien à voir avec la pensée panislamique du XIXe siècle qui visait à s’opposer au colonialisme européen sans renier pour autant les emprunts aux idées politiques réformatrices occidentales. Ainsi, wahhabisme et réformisme arabe s’inscrivent dans deux temps historiques différents du processus de développement de la pensée islamique.

    Le réformisme arabe né au XIXe siècle regroupe ceux que l’on a appelés les « nouveaux penseurs de l’islam³ » dont le but était de rénover le discours religieux pour rénover le monde musulman alors confronté à la modernité. Ce mouvement intellectuel sera le creuset de la renaissance culturelle arabe ou Nahda, au moment où l’Empire ottoman est affaibli par la menace que font peser les grandes puissances européennes sur son intégrité territoriale. Les élites arabes réformistes feront une large part à la philosophie des Lumières, y compris celles issues de l’université égyptienne al-Azhar. Le mouvement s’épanouira au XXe siècle, en particulier en Égypte, en Syrie, en Irak et en Tunisie, tandis qu’en Turquie, Mustafa Kemal -dit Atatürk -imposera un régime constitutionnel laïc.

    Jusqu’aux années 1970, le nationalisme arabe, sans pour autant la renier, ne fera pas une place centrale à l’identité, mais mettra l’accent sur la modernisation intellectuelle, culturelle et institutionnelle du monde arabe.

    Cette renaissance s’incarnera dans des partis politiques de masse tel le nassérisme, et le Baath syrien et irakien.

    La seconde moitié du XXe siècle va être marquée par l’émergence d’un « antinationalisme arabe de nature islamique (…) dans le contexte (…) des dictatures arabes nationalistes et socialisantes qui dominent alors la scène arabe⁴ ». À partir des années 50, grâce à la montée en puissance pétrolière, financière et politique de l’Arabie saoudite, la promotion de la doctrine wahhabite deviendra indissociable de l’identité du royaume. Ce dernier a, de fait, toujours mis en avant l’unité de l’oumma musulmane et promu sa propre forme de panislamisme fondée sur l’appropriation des lieux saints que sont La Mecque et Médine. Dès 1956, le prince et futur roi Fayçal déclarait que « l’islam (dans son acception wahhabite) devait être au centre de la politique étrangère du royaume ».

    Hormis la LMI, les deux autres piliers stratégiques du royaume saoudien seront l’Organisation de la conférence islamique (OCI³) et l’Organisation des pays arabes producteurs de pétrole (OPAEP). La machine qui se met en place grâce aux revenus de l’or noir sert surtout les intérêts des religieux saoudiens. Elle leur permet de diffuser la version saoudienne du salafisme à travers le financement, la rénovation et la prise en charge des frais de fonctionnement d’une multitude de mosquées monumentales et de complexes religieux, en particulier dans de nombreuses villes d’Afrique : Khartoum, Yaoundé, N’Djamena, Lagos, Abuja, Bamako, Nouakchott, Conakry, Accra, et Kampala.

    Cet empire fait de mosquées, d’écoles coraniques, d’universités et d’hôpitaux sera possible grâce à une énorme accumulation de richesses. Il contribuera à créer un environnement favorable aux formes intolérantes de l’islam dont, quarante ans plus tard, seront porteuses les jeunes générations, aussi bien dans les pays à majorité musulmane que dans les pays où l’islam est minoritaire, ainsi que dans les diasporas.

    L’invasion de l’Afghanistan par les Soviétiques (1979) fournira aux Saoudiens l’occasion de réveiller le djihad en sommeil depuis les années 1920 et d’envoyer à des milliers de kilomètres les Saoudiens les plus radicaux. Le Prince Sultan, alors ministre de la Défense, déclarera que tout citoyen saoudien qui partira combattre en Afghanistan contre le communisme, se verra offrir 75 % du billet d’avion par le gouvernement.

    « Les djihadistes de toutes nationalités qui partent se battre en Afghanistan contre les troupes soviétiques sont alors considérés comme des « combattants de la liberté » et nullement comme une menace future pour la liberté des sociétés musulmanes ou une source potentielle d’un futur terrorisme transnational » (…) Oussama Ben Laden et ses hommes ont ainsi été longtemps considérés comme des « combattants de la liberté » ayant contribué au retrait de l’armée soviétique et ayant donc contribué de façon décisive à la victoire des États-Unis sur l’URSS dans la guerre froide⁴“.

    L’attrait pour la cause afghane et le retrait soviétique en 1989, au moment où l’Iran est englué dans sa guerre avec l’Irak, seront autant d’éléments qui favoriseront le triomphe de l’idéologie et de la vision de l’islam saoudien. La planète se couvrira de satellites et de prêcheurs saoudiens qui envahissent les ondes. En trois décennies, l’Arabie saoudite est devenue le principal centre de diffusion du salafisme dont l’objectif est de purger la pratique religieuse de ses particularités locales et de son syncrétisme

    Depuis les librairies islamiques implantées partout dans le monde -où sont diffusés les écrits des théologiens salafistes saoudiens -, jusqu’aux tenues vestimentaires importées directement de la péninsule arabique, en passant par les chaînes satellitaires d’obédience wahhabite, il ne s’agira ni plus ni moins d’une entreprise de globalisation confessionnelle, d’uniformisation de l’islam à travers l’imposition d’une conception centralisée et totalitaire de la religiosité et des pratiques islamiques.

    Le succès de cette propagande se traduira par le développement et l’expansion de mouvements islamistes divers et variés.

    Cette lame de fond wahhabite va avoir trois conséquences majeures :
    -une sur-confessionalisation de l’identité musulmane;

    -l’instauration d’un conformisme intégriste croissant dans les moeurs quotidiennes de nombreuses sociétés africaines où, parallèlement, l’offre culturelle se réduira comme peau de chagrin;

    -la fragmentation de l’islam en différents groupes, sous-groupes et sectes, en particulier en Afrique, se réclamant tous d’un islam des origines.

    Les signes extérieurs de cette religiosité standardisée alimenteront la surenchère vestimentaire. Ils s’affichent aujourd’hui un peu partout à travers le « look » islamiste : barbe fine ou sauvage ; tenue afghane ou qamîs pour marquer l’adhésion politique à l’idéologie rigoriste du jihadisme international ; foulard, niqab ou voile sous toutes ses variantes, en particulier intégral ; gants ; abbaya ; etc. Dans beaucoup de pays musulmans, ces nouveaux habits islamistes ont supplanté les habits traditionnels ainsi que la minijupe très répandue dans les pays arabes dans les années 1970. La standardisation va également se manifester dans l’introduction progressive d’une façon de prier salafiste (bras croisés contre bras le long du corps), dans le choix des horaires de prières, et même dans la remise en question par certaines sectes puristes de la fête traditionnelle du Maoulid célébrant la naissance du Prophète.

    La transmission des préceptes religieux par les pères et par la filiation familiale va être déconsidérée au profit d’une éducation islamique officialisée qui produit ce que le psychanalyste Fethi Benslama nomme le « surmusulman » « amené à surenchérir sur le musulman qu’il est par la représentation d’un musulman qui doit être encore plus musulman. C’est la conduite d’un sujet en proie à des reproches de défection qu’il se fait à lui-même et au harcèlement des armées de prédicateurs qui l’accusent des pires crimes moraux et le vouent à l’enfer ».

    La psychologue algérienne, Cherifa Bouatta, transpose cette notion aux femmes, qui « font preuve de surenchère pour plus d’islam, plus de religion (…) Pour l’adoption d’un islam purifié, débarrassé d’adjonctions malsaines, c’est-à-dire des rites et croyances traditionnels ».

    Cette sur-islamisation considère l’islam traditionnel syncrétique (shirk) comme relevant de la djahilia (période pré-islamique dite de l’ignorance). Les parents sont ainsi dépossédés de leur parentalité, en ce sens où « ils n’ont plus rien à apprendre à des enfants devenus savants ».

    Sur le site Islam.net par exemple, on peut lire : « Si la personne n’a pas appris la science de la religion, il ne lui est pas suffisant que son père fut un savant ou que son grand-père fut un saint. Il est indispensable qu’elle apprenne elle aussi la science de la religion par transmission orale », sous-entendu dans une école coranique. On verra plus loin comment une partie du secteur éducatif partout en Afrique sera pris en main par les tenants du wahhabisme en dévalorisant la transmission du savoir religieux par les aînés.

    Ce conservatisme islamique va peu à peu imprégner le tissu social et les mœurs par le biais de l’éducation et d’associations à but religieux. Les nouvelles élites religieuses nationales vont diffuser des normes, réviser des pratiques culturelles, et imposer des valeurs morales et sociales, sur des bases islamiques.

    UN ISLAM CONFISQUÉ ET RÉMUNÉRATEUR
    C’est à La Mecque que la marque wahhabite est la plus visible. En s’arrogeant la protection des lieux saints de l’islam au XVIIIe siècle, les Saoud ont imposé leur doctrine wahhabite comme la seule autorisée à y être prêchée lors des pèlerinages qui drainent environ 2 millions de personnes.

    Dès l’origine, pour les wahhabites, ni les monuments, ni les hommes ne doivent être révérés. Selon le fondateur de cette doctrine, Ibn ‘Abd al-Wahhâb, le monde musulman doit être purifié des tombes, reliques et sanctuaires qui “divinisent des êtres humains” et représentent un polythéisme déguisé. Grâce à son alliance avec les Saoud, il pourra mettre en œuvre quelques-unes de ses ambitions, en détruisant localement les monuments dédiés à des saints musulmans.

    La conquête de La Mecque en 1803 a en effet été le théâtre de destructions massives de sites historiques, de mosquées et de tombeaux de saints de l’islam. Dans la grande mosquée, les édifices dévolus aux autres courants de l’islam ont purement et simplement été détruits par les autorités saoudiennes.

    La première tombe à être rasée a été celle de Zayd ibn al-Khattab, compagnon de Mohamed et frère du second calife Omar. La coupole de la source Zamzam, les dômes des tombes de ersonnages centraux du cimetière Jannatul Mu’alla (dont celles du grand-père et de la première épouse de Mohamed), ont fait place à un terrain vague. À Abwa, la tombe de la mère du Prophète a été rasée et brûlée. À Médine, le cimetière Jannatul Baqi, la mosquée al-Nabawi ou mosquée du prophète, ont été rasés entre 1806 et 1925.

    À l’époque, en Arabie saoudite, il y avait encore des cinémas. Ils furent tous fermés en 1979 après que des fanatiques wahhabites saoudiens aient pris en otage des fidèles dans la grande mosquée de La Mecque pour protester contre la « déliquescence des moeurs ». Sauvée par le GIGN français, la famille royale durcit alors le ton et interdit définitivement les salles de cinéma dans le royaume.

    La maison du Prophète et celle de ses compagnons ont subi le même sort. Depuis 1985, plus de 90 % des bâtiments historiques ont disparu. En 2014, les portiques ottomans d’enceinte de la Kaaba ont été démontés, sous prétexte de réaliser l’extension de la grande mosquée de La Mecque, alors que la maison de l’oncle de Mohamed, Hamza, avait déjà cédé la place à un hôtel, et que la maison de Khadidja, première épouse du Prophète, avait été remplacée par des services publiques.

    En plus des démolitions, on assiste à une véritable « dysneylandisation » de La Mecque : sur l’emplacement de la maison d’Abou Bakr, premier calife de l’islam, on trouve à présent un hôtel Hilton et un Burger King. À la forteresse Al-Ajyad, citadelle ottomane datant de 1780 pour protéger la ville sainte et ses sanctuaires, s’est substitué un hôtel ultramoderne abritant un centre commercial de cinq étages.

    À l’instar des destructions menées par Ibn ‘Abd al-Wahhâb, d’autres disciples contemporains du wahhabisme ont anéanti le patrimoine sacré et culturel, islamique, préislamique ou antique : les Talibans afghans ont détruit les bouddhas de Bâmiyân (2001) ; Ansar-eddine a mis à terre plusieurs mausolées de Tombouctou (2012) ; en Libye, les milices salafistes ont rasé des sanctuaires soufis et des mosquées abritant des saints (2011-2012) ; et l’unité spéciale de Daech s’en est pris par deux fois au site antique de Palmyre.

    En s’appropriant les lieux saints, l’Arabie saoudite s’arroge le pouvoir de les contrôler étroitement. Le ministère saoudien du Hadj traite avec tous les États et les agences de voyages agréées, pour organiser le pèlerinage annuel (Hadj). Il fixe les quotas, accrédite les agences de voyages étrangères ainsi que les guides locaux qui s’occupent des pèlerins selon leur région d’origine.

    Pour le royaume wahhabite, le pèlerinage est la seconde source de revenus après le pétrole. En 2012, il a rapporté 16 milliards de dollars. Les flux du pèlerinage explosent dans les années 1960-70 avec la généralisation de l’avion. La demande est telle qu’en 1987, l’Arabie saoudite décide d’imposer, avec l’aval de l’OCI, un système de quotas.

    Depuis lors, les pays musulmans ne sont autorisés à envoyer chaque année qu’un millier de pèlerins par million de croyants. En raison de la croissance démographique particulièrement forte dans la plupart de ces pays, cette restriction ne freine pas l’augmentation continue du nombre de pèlerins. Ils étaient un peu plus d’un million à venir de l’étranger en 1995, contre 1,8 million en 2010. En 2012, le nombre total de pèlerins présents à La Mecque dépassait pour la première fois les 3 millions³.

    En 2013, l’Arabie saoudite a encore réduit de 20 % le quota annuel de pèlerins étrangers autorisés et de 50 % celui des Saoudiens.

    L’AFRICANISATION DU WAHHABISME ET LE RENOUVEAU ISLAMIQUE
    À partir des années 1990, l’islam africain subit une fragmentation doctrinale croissante qui a inévitablement une incidence sur les actions des militants islamiques sur le terrain. Cette hétérogénéité s’illustre dans la prolifération de groupes professant des interprétations extrêmement sélectives des principes religieux, réalisant des adaptations locales particulières, et présentant une pauvre cohérence idéologique.

    En milieu urbain, on note une multiplication d’associations ou d’organisations musulmanes dont les leaders ont pour objectif de « répandre l’islam », de parfaire les connaissances religieuses des croyants, et de leur inculquer une nouvelle manière d’être musulman. Ces recompositions religieuses sont à replacer dans le contexte de libéralisation et d’ouverture politique qui a suivi l’effondrement des États autoritaires en Afrique au tournant des années 1990. La crise de ces régimes puis les processus de transition ont donné aux acteurs religieux une visibilité et une influence politique grandissantes. La question religieuse est devenue partout en Afrique un élément des luttes politiques locales.

    La fin du parti unique a ouvert la voie à l’émergence de nouveaux acteurs politico-religieux qui sont venus concurrencer des mouvements implantés depuis longtemps, notamment les ordres soufis. Ce phénomène a conduit à la pluralisation de l’offre confessionnelle : expansion des courants évangéliques et pentecôtistes pour le christianisme, courants réformistes pour l’islam. Les acteurs religieux ont cherché à occuper l’espace public à travers des discours, des revendications, des initiatives, des mobilisations.

    Cette diversification s’est accompagnée d’une éclosion d’associations para-religieuses et d’ONG confessionnelles, de radios et de télévisions religieuses. L’entrée en politique de nouveaux leaders aussi bien chrétiens que musulmans n’a fait que renforcer les situations de compétition et d’émulation religieuse.

    Au Mali, l’Association malienne pour l’unité et le progrès de l’islam (AMUPI) qui voit le jour en 1980, fera des émules dans les années 1990 lors de la promulgation de l’État démocratique. On assiste à l’éclosion d’associations islamiques, puis à la création en 2002 du Haut conseil islamique du Mali (HCIM) -actuellement présidé par l’imam salafiste Mahmoud Dicko -et composé de la plupart des associations de défense des madrasa (écoles coraniques).

    En 1981, ces écoles accueillaient 36,62 % des enfants en âge de suivre l’école primaire, et en 1987, entre un quart et un tiers des élèves. Entre 2002 et 2009, le nombre des madrasa est passé de 840 à 1631. Entre 2001 et 2009, le nombre d’enfants inscrits en premier cycle en madrasa passe de 121657 à 240579. En 2009, 60% des enfants du premier cycle étaient scolarisés en école publique, 18 % dans les écoles communautaires, 12 % dans les madrasa, enfin 10 % dans les écoles privées non confessionnelles⁵.

    Au Mali, bien que la Constitution interdise formellement toute interférence entre l’État et le religieux, les associations musulmanes se sont accaparées l’espace politique et ont su imposer leurs idées face à un gouvernement faible qui a abandonné des régions entières au sous-développement. C’est pourtant justement le principe de laïcité et de garantie constitutionnelle d’une pluralité religieuse qui a permis aux leaders religieux de s’exprimer librement. « Face à l’échec du développement, l’acquisition d’un savoir religieux permet de se repositionner spirituellement et socialement. Cette résurgence, qui accompagne la montée d’un islam politique à une échelle dépassant le seul cas du Mali, s’inscrit dans un contexte où l’accès à l’information, comme la mobilité des personnes et des biens, renforce le sentiment d’appartenance à l’oumma, où le savoir enseigné, constamment en circulation, joue un rôle de ciment¹ ».

    Les débats autour du Code de la famille malien illustrent de manière flagrante l’enjeu social et politique que constitue l’islam. La bataille pour un Code d’inspiration salafiste a été menée par les partisans des madrasa qui useront de leurs nombreux contacts dans les pays du Golfe². Le HCIM parviendra à obtenir le retrait de la « version progressiste » du Code de la famille adoptée par le parlement malien : toutes les dispositions jugées contraires aux règles de l’islam seront rejetées pour être remplacées par des amendements fondés sur la tradition islamique, comme, par exemple, l’abaissement de l’âge légal de mariage pour les femmes de dix-huit à seize ans, ou l’élargissement de la célébration du mariage aux responsables religieux.

    Aujourd’hui, le Mali ne compte pas moins de 106 associations islamiques, dont l’AMUPI, la Ligue des imams (LIMAMA), la Ligue des prédicateurs, l’Union nationale des femmes musulmanes (UNAFEM), et l’Association malienne des jeunes musulmans (AMJM). Dans la ville de Bamako, le nombre de mosquées est passé de 41 en 1960 à plus de 200 en 1985.

    Aujourd’hui, faute de chiffres précis, on peut estimer que ce nombre a au moins doublé. Au Nigeria, immédiatement après l’indépendance, le califat de Sokoto a bénéficié de l’aide financière du royaume saoudien. Les relations entre le Nigeria et l’Arabie saoudite se sont ensuite renforcées dans les années 1950-1960 lorsque Ahmadou Bello -dont l’arrière grand-père a lui-même été calife de Sokoto -a été promu Sardauna de Sokoto (zone de gouvernement local de l’État de Taraba). Il occupera même le poste de vice-président de la Ligue Islamique Mondiale.

    Grâce à sa connaissance de l’arabe et à ses connexions saoudiennes, son associé, Aboubakar Goumi, jouera le rôle d’intermédiaire entre les musulmans du Nigeria et l’establishment religieux saoudien. Ses liens sont avérés par le financement qu’il a reçu du Dar al-Ifta, une institution religieuse dirigée par Ibn-Baz, Grand Mufti d’Arabie saoudite.

    L’anti-soufisme nigérian a d’abord été le fait d’activistes politiques de la confrérie Ahmaddiya, puis du mouvement Izala (nord du Nigeria) d’Aboubakar Goumi. Fondé en 1978 dans la ville de Jos, ce mouvement s’est rapidement popularisé dans le nord du pays. Critique féroce des pratiques soufies considérées comme hérétiques et des autorités maraboutiques, il a attiré de nombreux jeunes éduqués du Nord dont l’apprentissage religieux n’était pas passé par les canaux soufis⁵. Une fois nommé Grand Qadi (juge), Goumi est devenu une figure centrale de l’interprétation de la charia (loi islamique). Les autorités saoudiennes lui ont même attribué le prix international du Roi Fahd.

    Sa disparition en 1992 n’a pas pour autant signifié la fin de la doctrine salafiste. À Kano et dans ses environs, celle-ci est si prégnante que la majorité de la population se définit elle-même comme izaliste. Bien que le salafisme izaliste soit de souche locale, il n’est plus l’apanage du Nord. Il s’est étendu au sud du Nigeria et dans la ville de Lagos par le biais des wahhabites d’inspiration saoudienne, en la personne de cheikh Aminoudin Aboubakar, un ancien Frère musulman, converti au wahhabisme. À tel point qu’en février 2011, Ousama Ben Laden a désigné le Nigeria nation de la prochaine révolution islamique.

    À l’instar de ses voisins sahéliens, le Niger connaît un fort mouvement de réislamisation qui s’est accéléré ces vingt dernières années contre les marabouts et les confréries soufies (Tijaniya et Qadiriyya bien implantée dans la région de l’Aïr).

    La première grande mosquée construite avec des fonds saoudiens est pourtant inaugurée à Niamey en 1965 avec l’aval du gouvernement de l’époque. L’idée de l’université islamique de Say est lancée par le président nigérien lui-même lors d’une visite du roi Fayçal d’Arabie saoudite en 1973. Le projet est repris par le nouveau président nigérien Seyni Kountché (1974-1987) qui offre un terrain de 900 hectares à Say. L’essentiel du financement est assuré par le Fonds islamique de solidarité, rattaché à l’Organisation de coopération islamique. Ouverte en novembre 1986, cette université a pour but de devenir une place forte de l’islam et de l’enseignement de l’arabe dans la région et de former des oulémas à destination de l’Afrique de l’Ouest. Priorité est donnée à la Faculté de la charia et des études islamiques qui compte environ 1200 étudiants originaires de 20 pays et où la majorité des enseignants est envoyée par des ONG islamiques.

    Alors que depuis l’indépendance le monopole des relations entre l’État et les ONG islamiques transnationales était aux mains de l’Association islamique du Niger (AIN), la période de libéralisation de l’espace politique et associatif qui a suivi l’instauration du multipartisme a offert à de nouveaux acteurs un espace de contestation des autorités religieuses traditionnelles et des structures islamiques nigériennes.

    La percée wahhabite au Niger commence dans les années 1980 sous l’influence du mouvement izala d’origine nigériane de Cheikh Aboubakar Goumi, par le biais des commerçants et étudiants de Maradi. À la faveur de l’ouverture politique, les Izalistes nigériens créent leur propre association, Adini-islam, qui accède à des financements du Golfe en utilisant les réseaux izalas nigérians et en sollicitant des Nigériens ayant étudié ou commercé dans les pays arabes. Ces soutiens se concrétisent par l’envoi de professeurs-missionnaires et d’ouvrages, par des bourses d’enseignement et des fonds pour la construction d’écoles ou de mosquées propres au mouvement izala. Pour élargir son audience, le mouvement crée aussi sa radio privée, Bonferey, et gagne des disciples, notamment dans les centres urbains¹.

    Les tensions qui voient le jour dans les années 1990 entre Izalistes et Tijaniya tiennent à l’agressivité des premiers qui ne cessent de vilipender les rituels soufis et de mettre en cause l’ordre inégalitaire consolidé par les notables religieux traditionnels. Les tijanes répliquent en incendiant des mosquées wahhabites et les d’affrontements violents se succèdent.

    En Guinée, le phénomène wahhabite s’est renforcé dans les années 1990 par l’intermédiaire de jeunes Guinéens venus des écoles et universités arabes où ils ont appris la langue et se targuent d’une meilleure connaissance du Coran. L’émergence de ces nouveaux acteurs religieux a peu à peu conduit à un conflit de générations avec les érudits soufis traditionnels.

    L’État guinéen a laissé prospérer les petits groupes radicaux dans la zone reculée de peuplement peul. Du coup, les tensions entre wahhabites et confréries sont particulièrement vivaces dans le Fouta-Djalon. Dans la ville de Labé, elles durent depuis une vingtaine d’années. En 2014, elles ont conduit à la destruction de la mosquée wahhabite dite « Tata 1 », dans le quartier Donghol, laquelle était financée par une organisation islmaique koweitienne, via une association guinéenne, contre l’avis de la Ligue islamique officielle contrôlée par les Tidjanes. Elle abritait également une école coranique accueillant environ 300 élèves et avait été prise en main par Diallo Al-Hamdou, un imam wahhabite auto-proclamé, ancien infirmier de profession, converti en 1999. Ayant décidé d’investir un autre quartier pour leurs prières, les fidèles wahhabites en ont été délogés par la police et contraints de cesser leur activité considérée comme illégale.

    ¹Conseil international d’assistance et de prédication islamique créé en 1988 par l’Arabie saoudite et placé sous l’autorité du cheikh d’al-Azhar au Caire. Cette fondation est composée de plus de cent organisations non-gouvernementales islamiques et d’organisations gouvernementales du monde entier.

    L’Express, 15/07/2021

    Etiquettes : Arabie Saoudite, wahabisme, Islam, Afrique, #Islam #Wahabisme

  • Le malheur de la Tunisie fait le bonheur de certains pays arabes

    Des voix influentes en Égypte, en Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis célèbrent la crise tunisienne comme un coup porté à l’islam politique.

    Les Tunisiens s’efforcent de comprendre la crise politique que traverse leur pays après que le président a brusquement limogé le premier ministre et suspendu le parlement dimanche soir.
    Pour certains en Tunisie, seule démocratie survivante du Printemps arabe, les mesures prises contre les institutions dirigées ou soutenues par Ennahda, un parti islamiste modéré, équivalent à un coup d’État. D’autres ont salué la mise à l’écart de dirigeants politiques qu’ils considèrent comme dysfonctionnels et répressifs. Les groupes de la société civile sont restés sur la touche. Le président Kais Saied, quant à lui, a insisté sur la légalité de ces mesures.
    Mais le discours des principaux acteurs du monde arabe pour lesquels l’héritage du Printemps arabe en Tunisie représente un défi évident – l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et l’Égypte – était beaucoup plus univoque : Les événements en Tunisie ont sonné le glas de l’islam politique en démocratie.
    Les journaux, les commentateurs de télévision et les influenceurs des médias sociaux en Arabie saoudite, aux Émirats arabes unis et en Égypte ont salué le geste de Saied comme le triomphe de la volonté populaire sur Ennahda. Les trois pays – ainsi que les opposants tunisiens à Ennahda – ont cherché pendant des années à lier le parti aux Frères musulmans transnationaux et l’ont accusé d’encourager le terrorisme. Ennahda a depuis longtemps désavoué ses liens avec la confrérie.
    « La Tunisie se révolte contre la confrérie », a proclamé le journal saoudien semi-officiel Okaz. Le média émirati 24Media a salué « une décision courageuse pour sauver la Tunisie ». Le quotidien égyptien Al-Ahram a qualifié les événements de « perte du dernier bastion des Frères dans la région » – et Ahmed Moussa, un éminent animateur de télévision égyptien que certains ont comparé à Sean Hannity, a déclaré que le monde arabe assistait à la « chute finale » des Frères musulmans.
    Selon les analystes, ce blitz médiatique montre que les pays autocratiques ont saisi l’occasion de faire avancer leur objectif commun, qui est d’étouffer le soutien à l’islam politique dans la région. L’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et l’Égypte considèrent tous les mouvements affiliés aux Frères musulmans, qui défendent un programme politique islamiste, comme une menace existentielle pour leurs régimes, en particulier à la lumière du soutien populaire que les groupes islamistes ont obtenu après les soulèvements du Printemps arabe il y a dix ans.
    « Il n’a pas été question des institutions tunisiennes ni du maintien d’une quelconque gouvernance démocratique ; le pays est simplement présenté comme un peuple qui s’est libéré d’un gouvernement islamiste oppressif », a déclaré Elham Fakhro, analyste principal du Golfe à l’International Crisis Group.
    Ennahda a recueilli le plus de voix lors de la première élection démocratique de la Tunisie après la révolution de 2011.
    En Égypte, le seul autre pays du Printemps arabe à faire la transition vers la démocratie, les Frères musulmans ont obtenu de bons résultats dans les sondages – avant d’être évincés par un coup d’État militaire en 2013 qui a rapidement obtenu le soutien de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis.
    Le coup d’État égyptien a effrayé Ennahda, qui a conclu des alliances avec des partis laïques.
    Mais sa popularité a baissé depuis, et la colère envers le parti est montée l’année dernière, alors que la pandémie ravageait le pays et son économie et qu’un mouvement contre les brutalités policières gagnait du terrain. Des appels se sont multipliés en faveur de la dissolution du Parlement, qui est dirigé par le très impopulaire chef d’Ennahda, Rachid Ghannouchi.
    Le président tunisien renvoie le Premier ministre, démantèle le gouvernement et gèle le Parlement.
    La décision de M. Saied de geler le Parlement et de limoger le Premier ministre a fait suite à des manifestations qui semblaient largement dirigées contre Ennahda. Des vidéos diffusées sur les médias sociaux montrent des manifestants en train de vandaliser les bureaux locaux du parti.
    Les partisans de Saied ont afflué dans les rues de la capitale et d’autres villes pour faire la fête après son annonce dimanche soir.
    Ennahda, quant à lui, a dénoncé le geste de Saied comme un coup d’État. Dans une déclaration mardi, Ghannouchi a déclaré que le parti appelait à de nouvelles consultations et demandait instamment à Saied de revenir sur sa suspension du parlement.
    La jeune démocratie tunisienne, seule survivante du printemps arabe, est en crise après que le président ait pris des pouvoirs d’urgence.
    La publication égyptienne indépendante Mada Masr a cité mardi des responsables gouvernementaux anonymes affirmant que l’Égypte pensait que les mesures prises par Saied visaient à réduire l’influence politique d’Ennahda, mais que Le Caire espérait la fin de la démocratie tunisienne, qui continue d’inspirer les militants égyptiens.
    Le ministre tunisien des affaires étrangères s’est entretenu lundi avec son homologue saoudien, qui a déclaré que l’Arabie saoudite soutenait tous les efforts visant à assurer « la sécurité, la stabilité et la prospérité » en Tunisie, a rapporté l’agence de presse saoudienne. Les Émirats arabes unis n’ont pas encore fait de commentaire public. Mais les États autoritaires contrôlent étroitement l’expression, de sorte que les experts ont déclaré que les rapports et les commentaires dans les médias reflètent la ligne du gouvernement.
    L’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis « verraient [l’évolution de la situation en Tunisie] comme une victoire pour le type de politique étrangère qu’ils ont essayé de promouvoir dans la région », a déclaré M. Fakhro, une politique qui vise à contrer l’idéologie islamiste.
    Les influenceurs des médias sociaux ont également poussé ce discours. Marc Owen Jones, professeur à l’université Hamad Bin Khalifa de Doha, a déclaré avoir vu des preuves de ce qui semble être des campagnes de manipulation sur Twitter, menées en grande partie par des influenceurs saoudiens et émiratis. Jones a analysé des milliers de tweets et a constaté que la plupart des utilisateurs qui tweetent ou retweetent des messages avec le hashtag « La Tunisie se révolte contre la confrérie » indiquent que leur localisation est l’Arabie saoudite, l’Égypte ou les Émirats arabes unis. « Pour moi, c’est absolument typique des campagnes émiraties et saoudiennes », a déclaré Jones. « C’est presque comme une signature classique des comptes que l’on s’attend à voir s’engager dans ce type de comportement ».
    Twitter divulgue quand il découvre des opérations d’information liées à l’État, et a suspendu des centaines de comptes originaires des Émirats arabes unis et de l’Égypte et des milliers liés à des campagnes d’information soutenues par l’Arabie saoudite ces dernières années.
    Bien que l’impact de ces campagnes apparentes soit susceptible d’être limité, M. Fakhro a déclaré : « Cela soulève de nombreuses questions sur le degré d’implication des Émirats arabes unis et de l’Arabie saoudite dans les événements de Tunis. »
    Trois jours avant l’annonce de Saied, Dhahi Khalfan Tamim, chef adjoint de la police de Dubaï, a tweeté un message énigmatique : « Bonne nouvelle … un nouveau coup … puissant. … à venir pour la Confrérie ».
    Dans une interview accordée lundi au service arabe de la chaîne publique turque TRT, Ghannouchi a accusé les médias émiratis de pousser à un « coup d’État » en Tunisie. La couverture médiatique en Turquie, qui soutient Ennahda, a été largement favorable à Ghannouchi.
    Il n’existe aucune preuve que des gouvernements étrangers aient fait pression sur Saied pour qu’il agisse, et l’analyste tunisien Mohamed-Dhia Hammami a déclaré que cela était peu probable.
    Mais les forces de sécurité tunisiennes ont fait une descente dans le bureau d’Al Jazeera à Tunis lundi, suscitant des inquiétudes quant à une répression de la liberté de la presse. Al Jazeera est financée par le Qatar, qui est proche d’Ennahda et sympathise avec les groupes islamistes.
    Le sénateur Chris Murphy (D-Conn.) a demandé à l’administration Biden d’enquêter sur une éventuelle ingérence de l’Arabie saoudite et des EAU dans la crise politique tunisienne.
    Fakhro a qualifié de « frappantes » les similitudes entre les réponses des médias saoudiens et émiratis au coup d’État de 2013 en Égypte et leur couverture de la Tunisie ces derniers jours. »
    Pourtant, des différences importantes dans les contextes subsistent. Saied a déclaré lundi aux groupes de défense des droits des Tunisiens qu’il restait attaché aux libertés civiles et au processus démocratique, et il a dit que le gel du parlement serait temporaire.
    « Ce qui se passe en Tunisie n’est pas une révolution contre les Frères musulmans » mais plutôt une réaction à « la paralysie de la vie politique », a écrit lundi sur Facebook le présentateur de la télévision égyptienne Moataz Abdelfattah.
    Mais quoi qu’il arrive en Tunisie, qui a été considérée comme le symbole de la promesse révolutionnaire dans la région, cela aura des répercussions, a déclaré H.A. Hellyer, spécialiste du Moyen-Orient à la Fondation Carnegie pour la paix internationale.
    « Les opposants à cette lutte pour un gouvernement responsable vont essayer de contenir leur joie face à ce pas très important en direction d’un processus responsable, d’autant plus qu’il est dépeint dans de nombreux secteurs comme une compression d’un courant pro-islamiste auquel ils s’opposent », a-t-il déclaré.
    Etiquettes : Tunisie, Arabie Saoudite, Egypte, Emirats Arabes Unis, EAU, printemps arabe,
  • Mettre fin aux ventes de logiciels espions aux dictatures

    Mettre fin aux ventes de technologies de surveillance aux gouvernements autocratiques

    Nous, les organisations de défense des droits humains soussignées, demandons l’arrêt immédiat de l’utilisation, de la vente et du transfert des technologies de surveillance aux gouvernements autocratiques oppressifs du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MENA). De récentes révélations exposent l’échelle stupéfiante de la surveillance ciblée sur les défenseurs des droits humains, y compris les journalistes, les blogueurs et les activistes Internet, facilitée par le logiciel espion Pegasus du groupe israélien NSO, basé en Israël. Nous exhortons tous les États à appliquer un moratoire jusqu’à ce qu’un cadre réglementaire clair en matière de droits humains soit établi.

    Depuis l’enquête de 2016 de Citizen Lab identifiant l’une des premières utilisations de Pegasus par les Émirats arabes unis (EAU) pour espionner l’éminent défenseur émirati des droits humains Ahmed Mansoor, qui purge aujourd’hui 10 ans de prison dans des conditions inhumaines, l’industrie de la surveillance n’a fait que prospérer, sans se décourager. L’enquête d’Amnesty International et de Forbidden Stories, le projet Pegasus, a révélé la fuite de données de 50 000 numéros de téléphone identifiés comme des cibles potentielles de surveillance, dont quatre clients gouvernementaux du groupe NSO dans la région MENA – Arabie saoudite, Bahreïn, Maroc et Émirats arabes unis.

    LES JOURNALISTES ET LES MILITANTS SONT VISÉS

    Parmi les révélations choquantes du projet Pegasus, les opérations de surveillance à grande échelle menées par les autorités marocaines avec une liste de 10 000 numéros de téléphone, dont ceux de dirigeants, d’activistes et de journalistes du monde entier, se sont distinguées.

    L’analyse a permis d’identifier au moins 35 journalistes qui ont été ciblés par Pégasus par le gouvernement marocain, puis poursuivis dans des circonstances douteuses ou soumis à des campagnes d’intimidation et de harcèlement sanctionnées par l’État. Parmis eux Taoufik Bouachrine et Soulaimane Raissouni, rédacteurs en chef du journal Akhbar El-Youm. Bouachrine a été condamné à 15 ans de prison pour traite d’êtres humains, agression sexuelle, viol et prostitution. Son collègue Raissouni a également été arrêté pour agression sexuelle en mai 2020, et a été condamné à cinq ans de prison le 9 juillet 2021. Leurs poursuites ont toutes deux été entachées de violations des droits à une procédure régulière et à un procès équitable.

    Le journaliste et militant des droits humains marocain Omar Radi a également été condamné le 19 juillet 2021 à six ans de prison pour des accusations douteuses d’espionnage et de viol. En juin 2020, Amnesty International a révélé que Radi avait été pris pour cible à l’aide d’un logiciel espion de NSO, trois jours seulement après que le groupe NSO eut publié sa politique en matière de droits humains.

    D’autres preuves effrayantes déterrées par le Projet Pegasus montrent que les amis et les membres de la famille du journaliste saoudien assassiné et démembré, Jamal Khashoggi, ont été ciblés avec le logiciel espion Pegasus avant et après son meurtre. Selon une analyse médico-légale réalisée par le Security Lab d’Amnesty International, l’iPhone de la fiancée turque de Khashoggi, Hatice Cengiz, a été ciblé et infecté avec succès quatre jours après le meurtre de Khashoggi, puis à plusieurs reprises les jours suivants. Parmi les autres cibles figurent son fils Abdullah Khashoggi, sa femme Hanan Elatr, son ami et ancien directeur général d’Al Jazeera, Wadah Khanfar, et l’avocat britannique spécialisé dans les droits de l’homme Rodney Dixon. Ce dernier a représenté Cengiz dans le cadre d’une action en justice contre le meurtre de Khashoggi.

    Ces révélations montrent que personne n’est à l’abri, puisque même les noms de personnes ayant fui le pays pour leur propre sécurité apparaissent dans la fuite. Le journaliste d’investigation basé à Paris et cofondateur de l’Association marocaine des journalistes d’investigation, Hicham Mansouri, qui, après des années de harcèlement, de violence et d’emprisonnement, a demandé l’asile en France, a été identifié comme une cible de la surveillance.

    Parmi les autres cibles de surveillance notables figurant sur la liste Pegasus qui a fait l’objet d’une fuite, citons Alaa Al-Siddiq, militant émirati et directeur exécutif de l’ALQST, qui a été tué dans un accident de la route en juin 2021, et Yahia Assiri, fondateur de l’ALQST et défenseur saoudien des droits humains. Al-Siddiq et Assiri s’étaient tous deux installés au Royaume-Uni pour fuir les persécutions.

    LES JUSTIFICATIONS DE L’NSO SONT SANS FONDEMENT

    Le ciblage scandaleux de centaines de journalistes et de militants en Arabie saoudite, au Qatar, en Algérie, au Bahreïn, aux Émirats arabes unis, au Liban, au Maroc, en Turquie et en Égypte – dont beaucoup font depuis longtemps l’objet de surveillance, de harcèlement, d’arrestation, de torture et d’assassinat – réfute les affirmations sans fondement répétées du groupe NSO selon lesquelles ses logiciels espions sont exclusivement utilisés pour dissuader la criminalité et le terrorisme. Leurs déclarations, selon lesquelles ils sont prêts à enquêter sur l’utilisation abusive de leur technologie et à prendre des mesures en conséquence, semblent sans fondement,dans le contexte des révélations gigantesques de la semaine dernière.

    CES OUTILS DANGEREUX NE DEVRAIENT PAS ÊTRE FACILEMENT ACCESSIBLES DANS LA RÉGION MENA

    En l’absence de toute surveillance ou réglementation de l’industrie opaque et florissante des technologies de surveillance, les gouvernements autocratiques de la région ont trouvé des outils de choix pour réprimer davantage les défenseurs des droits humains et les journalistes, et supprimer la liberté d’expression et les médias en toute impunité.

    Dans des contextes autoritaires où il n’y a ni transparence ni contrôle de l’utilisation de cette technologie hautement invasive, ni garanties de protection de la vie privée, ni procès équitable, ni garanties procédurales, ni possibilités de réparation pour les victimes, la vente et l’utilisation des technologies de surveillance entraînent de graves violations des droits de l’homme et doivent cesser immédiatement.

    Deux ans se sont écoulés depuis le premier appel à un moratoire immédiat sur la vente, le transfert et l’utilisation des outils de surveillance lancé par l’ancien rapporteur spécial des Nations unies sur la liberté d’opinion et d’expression, David Kaye, à la suite du meurtre atroce de Jamal Khashoggi. Il est maintenant grand temps que les États répondent à cet appel et appliquent immédiatement le moratoire jusqu’à ce qu’un cadre réglementaire mondial en matière de droits de l’homme soit mis en place.

    Par conséquent, nous demandons instamment à tous les États de prendre les mesures suivantes :

    1. Mettre en œuvre un moratoire immédiat sur l’utilisation, l’acquisition, la vente et le transfert des technologies de surveillance. Ce moratoire devrait être prolongé jusqu’à la mise en place de contrôles mondiaux adéquats et de garanties contre les abus.

    2. Révoquer toutes les licences d’exportation de technologies de surveillance et les liens commerciaux avec les États non démocratiques de la région MENA qui commettent systématiquement des violations des droits humains.

    3. Ouvrir une enquête indépendante, transparente et impartiale sur les cas de surveillance ciblée de journalistes, de défenseurs des droits de l’homme et de demandeurs d’asile politique, en particulier dans les cas de ciblage extraterritorial. Et veiller à ce que les victimes de la surveillance illégale aient accès à des recours et à des réparations.

    4. Adopter un cadre juridique qui exige la transparence sur l’utilisation et l’acquisition des
    technologies de surveillance, et rendre ces informations disponibles de manière proactive dans des registres publics, y compris sur les produits et services, ainsi que sur les contrats d’affaires avec des sociétés de surveillance privées, afin de permettre au public de prendre connaissance de ces informations.

    5. S’engager et soutenir les instances internationales et les mécanismes des droits humains qui mettent en place des contrôles sur l’utilisation, le développement et l’exportation des technologies de surveillance.

    6. Ouvrir une enquête criminelle sur le meurtre de Jamal Khashoggi et la surveillance ciblée des membres de sa famille et de ses associés ; et renouveler les efforts internationaux,
    par des moyens judiciaires et diplomatiques, pour que justice soit faite et que les responsables répondent de leurs actes.

    7. Les mécanismes internationaux, y compris le système des Nations unies et les gouvernements concernés, doivent mettre un terme à la surveillance ciblée des défenseurs des droits humains, notamment des journalistes et des cyber- militants.

    FIDH, 27/07/2021

    Etiquettes : Arabie saoudite, Bahreïn, Maroc, Émirats arabes unis, NSO Group, Pegasus,

  • Affaire Pegasus : l’exportation de l’autocensure

    Le point de vue du Guardian sur le logiciel espion Pegasus : l’exportation de l’autocensure

    Des règles mondiales sont nécessaires pour encadrer la prolifération de ces armes de répression massive.

    Cette année, les dépenses militaires mondiales – près de 2 milliards de dollars – ont été les plus élevées depuis 1988. Plus de la moitié de ces dépenses ont été effectuées par les États-Unis et leurs alliés. Les capacités de défense sont des biens nationaux étroitement gardés. Un réseau de règles s’est développé autour de l’exportation d’armes et de leur utilisation. Aucun pays ne souhaite que ses armes les plus meurtrières soient retournées contre lui.

    Pourtant, il existe au moins 500 entreprises privées qui opèrent, en grande partie sans réglementation, et vendent des logiciels intrusifs à des régimes oppressifs qui espionnent et harcèlent leurs détracteurs. Ces actes antidémocratiques devraient suffire à mettre un terme à ce commerce. Pourtant, il a continué ; l’industrie affirme que ces outils servent à lutter contre la criminalité et le terrorisme. Que se passe-t-il lorsque, au contraire, les gouvernements choisissent d’utiliser ces capacités non seulement contre leur peuple, mais aussi contre l’Occident démocratique ?

    Nous sommes peut-être sur le point de découvrir la réponse à cette question. Un consortium mondial de reportages, qui comprend le Guardian, Amnesty International et l’organisation à but non lucratif Forbidden Stories, basée à Paris, a produit cette semaine une multitude d’articles à partir d’une liste de numéros de téléphone identifiés par les gouvernements clients de NSO, une société israélienne de haute technologie, qui a fait l’objet d’une fuite. Une analyse médico-légale a montré que le logiciel espion Pegasus de NSO était utilisé par certains de ses clients pour pirater des smartphones appartenant à des journalistes, des dissidents et des militants. Le téléphone portable d’un ministre français en exercice présentait des traces numériques d’une activité associée au logiciel espion de NSO. Paris a ouvert une enquête.

    Ces téléphones figuraient sur une liste de plus de 50 000 numéros ayant fait l’objet d’une fuite. On y trouvait 10 premiers ministres, trois présidents – dont le Français Emmanuel Macron – et le roi du Maroc. Le gouvernement indien, soupçonné d’être un client de NSO, aurait sélectionné des numéros du gouvernement tibétain en exil du Dalaï Lama. Des centaines de téléphones appartenant à des citoyens britanniques ont également été répertoriés, et le gouvernement responsable de leur sélection serait l’allié britannique du Golfe, les Émirats arabes unis, qui entretiennent eux-mêmes des liens étroits avec Israël, partenaire du Royaume-Uni. Avec de tels amis, on peut se demander ce que l’on attend de nos adversaires. Cette semaine, le ministre du Cabinet, Lord True, a déclaré que le Royaume-Uni avait « fait part de ses préoccupations à plusieurs reprises au gouvernement israélien concernant les opérations de NSO ».

    NSO affirme que, comme elle n’exploite pas les systèmes de logiciels espions qu’elle vend, et qu’elle n’a pas accès aux données des cibles de ses clients, la société ne peut pas superviser leur utilisation. Il s’agit d’un argument égocentrique qui repose sur le secret d’entreprise. Mais les logiciels espions tels que ceux de NSO rendent possible la violation des droits fondamentaux. Il est un peu fort de la part des démocraties occidentales de se plaindre que la Chine ou la Russie exportent l’autoritarisme numérique si leurs alliés colportent des outils qui peuvent être utilisés aux mêmes fins.

    Le pouvoir de l’État est une question de logiciel. Israël devrait mettre un frein au secteur des logiciels espions qui permet aux régimes autoritaires d’exporter l’autocensure. Des règles mondiales sont nécessaires pour encadrer la prolifération de ces armes de répression massive : il est dans l’intérêt des démocraties de limiter la diffusion de ces technologies. À l’heure actuelle, il n’existe aucun autre mécanisme gouvernemental ou privé, hormis les actions en justice, pour prévenir ou réparer les graves violations de la liberté d’expression, d’association et de la vie privée que permettent des outils tels que les ONS. Cela doit changer.

    The Guardian, 22/07/2021

    Etiquettes : Emmanuel Macron, France, Pegasus, Espionnage, NSO Group, logiciels espions, Maroc, Arabie Saoudite,

  • Réponses des pays au projet Pegasus

    Forbidden Stories, une organisation de journalisme à but non lucratif basée à Paris, et Amnesty International ont eu accès à une liste de numéros de téléphone concentrés dans des pays connus pour surveiller leurs citoyens et également connus comme clients de NSO Group, une entreprise israélienne leader dans le domaine des logiciels espions. Les deux organisations à but non lucratif ont partagé ces informations avec le Post et 15 autres organisations de presse du monde entier, qui ont travaillé en collaboration pour effectuer des analyses et des reportages supplémentaires pendant plusieurs mois. Forbidden Stories a supervisé le projet Pegasus, tandis qu’Amnesty International a fourni une analyse médico-légale, mais n’a pas participé à la rédaction.

    Les journalistes du projet Pegasus ont découvert que le logiciel espion Pegasus de NSO, destiné à être utilisé sous licence par les gouvernements pour traquer les terroristes et les criminels, a été utilisé pour tenter et réussir le piratage de 37 smartphones appartenant à des journalistes, des militants des droits de l’homme, des chefs d’entreprise et les deux femmes les plus proches du journaliste saoudien assassiné Jamal Khashoggi.

    Vous trouverez ci-dessous les réponses des pays cités dans le projet aux questions des journalistes :

    Azerbaïdjan :

    En attente d’une réponse.

    Bahreïn :

    En attente d’une réponse.

    Le bureau du Premier ministre hongrois Viktor Orban :

    La Hongrie est un État démocratique régi par l’État de droit et, à ce titre, lorsqu’il s’agit d’un individu, elle a toujours agi et continue d’agir conformément à la loi en vigueur. En Hongrie, les organes de l’État autorisés à utiliser des instruments secrets sont régulièrement contrôlés par des institutions gouvernementales et non gouvernementales.

    Avez-vous posé les mêmes questions aux gouvernements des États-Unis d’Amérique, du Royaume-Uni, de l’Allemagne ou de la France ? Dans le cas où vous l’avez fait, combien de temps leur a-t-il fallu pour répondre et comment ont-ils répondu ? Un service de renseignement vous a-t-il aidé à formuler les questions ?

    Veuillez avoir l’amabilité de publier notre réponse dans son intégralité, sans aucune modification.

    Le gouvernement indien :

    L’Inde est une démocratie robuste qui s’est engagée à garantir le droit à la vie privée à tous ses citoyens en tant que droit fondamental. Dans le cadre de cet engagement, il a également introduit le projet de loi sur la protection des données personnelles, 2019, et les règles sur les technologies de l’information (directives pour les intermédiaires et code d’éthique des médias numériques), 2021, afin de protéger les données personnelles des individus et de responsabiliser les utilisateurs des plateformes de médias sociaux.

    L’engagement en faveur de la liberté d’expression en tant que droit fondamental est la pierre angulaire du système démocratique indien. Nous nous sommes toujours efforcés d’atteindre une citoyenneté informée en mettant l’accent sur une culture de dialogue ouvert.

    Cependant, le questionnaire envoyé au gouvernement indien indique que l’histoire en cours d’élaboration est non seulement dépourvue de faits mais également fondée sur des conclusions préconçues. Il semble que vous essayez de jouer le rôle d’un enquêteur, d’un procureur et d’un jury.

    Compte tenu du fait que les réponses aux questions posées sont déjà dans le domaine public depuis longtemps, cela indique également une recherche mal menée et un manque de diligence raisonnable de la part des estimés organismes de médias impliqués.

    La réponse du gouvernement indien à une demande de droit à l’information sur l’utilisation de Pegasus a été largement rapportée par les médias et est en soi suffisante pour contrer toute allégation malveillante sur la prétendue association entre le gouvernement indien et Pegasus.

    Le ministre indien de l’électronique et des technologies de l’information a également déclaré en détail, y compris devant le Parlement, qu’il n’y avait pas eu d’interception non autorisée par les agences gouvernementales. Il est important de noter que les agences gouvernementales disposent d’un protocole d’interception bien établi, qui comprend l’approbation et la supervision de fonctionnaires de haut rang du gouvernement central et des gouvernements des États, pour des raisons claires et uniquement dans l’intérêt national.

    Les allégations concernant la surveillance de certaines personnes par le gouvernement n’ont aucune base concrète ni aucune vérité.

    Dans le passé, des allégations similaires ont été faites concernant l’utilisation de Pegasus sur WhatsApp par l’État indien. Ces rapports n’avaient également aucune base factuelle et ont été catégoriquement démentis par toutes les parties, y compris WhatsApp devant la Cour suprême indienne.

    Ce rapport d’information, donc, apparaît également comme une expédition de pêche similaire, basée sur des conjectures et des exagérations pour dénigrer la démocratie indienne et ses institutions.

    En Inde, il existe une procédure bien établie par laquelle l’interception légale des communications électroniques est effectuée aux fins de la sécurité nationale, notamment en cas d’urgence publique ou dans l’intérêt de la sécurité publique, par les agences du Centre et des États. Les demandes d’interception légale de communications électroniques sont faites conformément aux règles applicables en vertu des dispositions de la section 5(2) de la loi sur le télégraphe indien de 1885 et de la section 69 de la loi sur les technologies de l’information (amendement) de 2000.

    Chaque cas d’interception, de surveillance et de décryptage est approuvé par l’autorité compétente, à savoir le ministre de l’Intérieur de l’Union. Ces pouvoirs sont également à la disposition de l’autorité compétente des gouvernements des États, conformément aux règles IT (Procedure and Safeguards for Interception, Monitoring and Decryption of Information), 2009.

    Il existe un mécanisme de contrôle établi sous la forme d’un comité de révision dirigé par le secrétaire du Cabinet de l’Union. Dans le cas des gouvernements des États, ces cas sont examinés par un comité dirigé par le secrétaire en chef concerné.

    La procédure garantit donc que l’interception, la surveillance ou le décryptage de toute information par le biais de toute ressource informatique se fait dans le respect des procédures légales.

    Israël :

    L’État d’Israël réglemente la commercialisation et l’exportation de produits cybernétiques conformément à la loi de 2007 sur le contrôle des exportations de défense. Les listes de contrôle sont basées sur l’Arrangement de Wassenaar et comprennent des éléments supplémentaires. Les décisions politiques prennent en compte la sécurité nationale et les considérations stratégiques, qui incluent l’adhésion aux arrangements internationaux. La politique de l’État d’Israël est d’approuver l’exportation de produits cybernétiques exclusivement à des entités gouvernementales, pour une utilisation légale, et uniquement dans le but de prévenir et d’enquêter sur la criminalité et le contre-terrorisme, en vertu de certificats d’utilisation finale/utilisateur final fournis par le gouvernement acquéreur. Dans les cas où les articles exportés sont utilisés en violation des licences d’exportation ou des certificats d’utilisation finale, des mesures appropriées sont prises.

    Israël n’a pas accès aux informations recueillies par les clients de l’ONS.

    Kazakhstan :

    En attente d’une réponse.

    Mexique :

    En attente d’une réponse.

    Gouvernement marocain :

    Les autorités marocaines ne comprennent pas le contexte de la saisine du Consortium International de Journalistes  » Forbidden Stories « , demandant  » les réponses et clarifications du gouvernement marocain sur les outils de surveillance numérique de NSO Group. « 

    Il convient de rappeler que les allégations infondées publiées précédemment par Amnesty International et véhiculées par Forbidden Stories ont déjà fait l’objet d’une réponse officielle des autorités marocaines, qui ont catégoriquement rejeté ces allégations.

    Les autorités marocaines attendent toujours, depuis le 22 juin 2020, des preuves matérielles de la part d’Amnesty International.

    Commentaire supplémentaire, 19 juillet

    Le gouvernement marocain a exprimé son grand étonnement face à la publication récurrente et coordonnée, depuis le dimanche 18 juillet, par des journaux étrangers sous la bannière d’une coalition appelée « Forbidden stories », d’informations erronées dans lesquelles leurs auteurs affirment faussement que le Maroc a infiltré les téléphones de plusieurs personnalités publiques nationales et étrangères et de responsables d’organisations internationales par le biais de logiciels informatiques.

    Dans un communiqué, le gouvernement a déclaré qu’il rejetait catégoriquement et condamnait ces allégations infondées et mensongères, comme il l’avait fait avec les précédentes allégations similaires d’Amnesty International.

    Il a rappelé à l’opinion publique nationale et internationale que le Maroc est un Etat de droit, qui garantit le secret des communications personnelles par la force de la Constitution et en vertu des engagements conventionnels du Royaume et des lois et mécanismes judiciaires et non judiciaires garantissant la protection des données personnelles et la cybersécurité à tous les citoyens et résidents étrangers au Maroc.

    Il ajoute qu’il n’est pas permis par la force de la Constitution d’accéder ou de publier, en tout ou en partie, le contenu des communications personnelles ou de les utiliser contre quiconque, sauf sur ordre de la justice indépendante et selon les modalités prévues par la loi. Les forces de l’ordre sont tenues de respecter les dispositions de la loi et ne peuvent agir en dehors de son cadre.

    Le communiqué souligne également que le gouvernement du Royaume du Maroc n’a jamais acquis de logiciels informatiques pour infiltrer les dispositifs de communication, et que les autorités marocaines n’ont jamais eu recours à de tels actes, ajoutant que le collectif de médias, dans tous les articles d’information qu’il a diffusés, n’a pas été en mesure jusqu’à présent d’apporter des preuves à l’appui de ses affirmations.

    Conscient des arrière-pensées et des objectifs qui se cachent derrière la diffusion de ces fausses allégations et de leur contexte, le gouvernement marocain met au défi le collectif susmentionné, comme il l’a fait avec Amnesty International, de fournir des preuves réalistes et scientifiques qui peuvent faire l’objet d’une expertise et d’une contre-expertise professionnelle, impartiale et indépendante sur la véracité de ces allégations.

    Le gouvernement du Royaume du Maroc se réserve le droit de prendre les mesures qu’il juge appropriées face aux allégations mensongères du collectif susmentionné, qui visent à porter atteinte à l’image du pays, à ses réalisations en matière de droits et libertés fondamentaux, à son statut et à ses intérêts suprêmes, conclut le communiqué.

    Rwanda, de Vincent Biruta, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale :

    Le Rwanda n’utilise pas ce système logiciel, comme cela a été confirmé précédemment en novembre 2019, et ne possède pas cette capacité technique sous quelque forme que ce soit. Ces fausses accusations font partie d’une campagne permanente visant à provoquer des tensions entre le Rwanda et d’autres pays, et à semer la désinformation sur le Rwanda au niveau national et international. C’est de la diffamation, et cela suffit. Les questions relatives au procès pour terrorisme de Paul Rusesabagina et de ses 20 co-accusés ont été largement traitées par la Cour. Pour toute question future relative à la cybersécurité, veuillez contacter la National Cyber Security Authority (NCSA).

    Arabie Saoudite :

    En attente d’une réponse.

    Émirats arabes unis :

    En attente d’une réponse.

    The Washington Post, 18/07/2021

    Etiquettes : NSO Group, Pegasus, Israël, Maroc, Arabie Saoudite, logiciels espions, spyware, espionnage, journalistes, presse, liberté d’expression, droits de l’homme,

  • Une explosion frappe un dépôt de munitions en Arabie saoudite

    DUBAI, Émirats arabes unis (AP) – Une explosion a frappé mercredi en Arabie saoudite ce que les autorités ont décrit comme un dépôt de munitions contenant des « munitions inutilisables ». Des vidéos ont montré des étincelles, des flammes et de la fumée s’échappant d’un endroit situé dans le désert au sud-est de Riyad, près d’une importante base aérienne.

    L’explosion s’est produite à 5 h 10 du matin, alors que le soleil se levait sur la ville de Kharj, a déclaré le général de brigade Turki al-Malki, selon un rapport de l’agence de presse saoudienne. Il a décrit l’explosion comme un accident.

    « Heureusement, il n’y a pas eu de dégâts ni de blessés », a déclaré al-Malki. « L’incident est suivi par les autorités compétentes ».

    Kharj est proche de la base aérienne du Prince Sultan, où se trouvent actuellement quelque 2 500 soldats américains chargés d’équiper des avions de chasse et des batteries de missiles Patriot pour contrer l’Iran.

    Le capitaine Rachel Buitrago de l’armée de l’air américaine a déclaré à l’Associated Press qu’aucune force américaine n’avait été touchée par l’explosion et qu’elle se tenait prête à aider le royaume si nécessaire après l’explosion.

    Associated Press, 14/07/2021

    Etiquettes : Arabie Saoudite, explosion, dépôt de munitions, Kharj,

  • Opep+ : Les Emirats menacent le consensus

    Par Mohamed K.

    Ce lundi en fin d’après midi, les discussions par visioconférence n’avaient toujours pas repris entre les 23 pays membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole et leurs dix alliés via l’accord Opep+. La bataille des coulisses faisait rage pour tenter de sortir de l’impasse. Alors que certains experts s’attendaient à une solution complexe, voire une piste de sortie, d’autres estiment que la brouille actuelle est un indice d’une crise qui va faire éclater le cartel et ses précédents accords.

    Face à la grogne des Emirats Arabes Unis, pressés d’augmenter leur production et qui ont dénoncé dimanche, par la voix du ministre de l’Energie Souhail Al-Mazrouei, un projet d’accord “injuste”, des pourparlers bilatéraux étaient en cours avant une reprise des échanges à vingt-trois, selon des analyses de plusieurs observateurs de marché.

    Un plan est sur la table: celui d’augmenter chaque mois la production de pétrole de 400.000 barils par jour entre août et décembre, soit un total de 2 millions de barils quotidiens remis sur le marché d’ici la fin de l’année.
    Cette stratégie s’inscrit dans ce qui a fait la force de la politique du cartel depuis le mois de mai: rouvrir petit à petit le robinet d’or noir après l’avoir serré de manière très forte au début de la pandémie face à une demande moribonde.

    Le plan a eu du succès avec un marché satisfaisant pour les vendeurs, une hausse impressionnante de 50% depuis six mois et le Brent oscille aux alentours de 75 dollars.

    Or cette fois, l’étalement de l’accord jusqu’au mois de décembre inquiète les EAU. Notamment sur la question du volume de production de référence, à partir duquel est calcul le quota de chaque pays.
    “Les Emirats sont prêts à prolonger l’accord si nécessaire mais demandent que les volumes de production de référence soient revus (à la hausse) afin de s’assurer qu’il soit équitable”, a souligné Al-Mazrouei.

    C’est cette divergence qui a fait capoter le premier cycle de réunions du cartel jeudi dernier, puis de nouveau le lendemain, au sein d’un groupe davantage habitué aux prises de bec entre les deux poids lourds, la Russie et l’Arabie saoudite.

    “C’est tout le groupe contre un seul pays”, a réagi le ministre saoudien Abdelaziz ben Salmane interrogé par Bloomberg TV, tout en appelant dans une autre interview, sur la chaîne Al-Arabiya, à “un peu de rationalité et un peu de compromis” avant la réunion de lundi. Pour ce ministre, c’est du “jamais vu” dans l’histoire de l’OPEP. Un franc-parler qui est rare dans ce secteur, ou la discrétion est la règle.
    Les Emirats ne semblant pas vouloir fléchir, des observateurs du marché ont exprimé leur inquiétude face à cette crispation entre amis du Golfe.

    La perspective d’une absence d’un accord, voire d’une sortie des Emirats du cartel, s’est accrue. Un tel scénario de la rupture est sérieusement envisagé et une intervention américaine n’est pas à écarter si l’impasse durerait.

    Les deux pays du Golfe ont longtemps partagé des diplomaties très proches mais des différends se sont dernièrement renforcés. Les Emirats se sont désengagés à partir de 2019 de la coalition arabe dirigée par les Saoudiens au Yémen contre les rebelles Houthis.

    Abou Dhabi a également fait grise mine lors de la réconciliation en janvier avec le Qatar, largement soutenue par Ryad, après plus de trois ans de brouille diplomatique dans le Golfe.

    Un échec des négociations pourrait faire grimper les prix du brut, ce qui menacerait la reprise mondiale déjà précaire de l’après-pandémie et mécontenterait les plus gros consommateurs.

    Le Jeune Indépendant, 05/07/2021

    Etiquettes : OPEP+, OPEC, pétrole, Arabie Saoudite, Qatar, Emirats Arabes unis, EAU, production,

  • Des armes, des harems et un yacht pour museler Donald Trump

    Des armes, des harems et un yacht appartenant à Trump : Comment un membre de la famille Khashoggi a contribué à façonner la relation américano-saoudienne.

    Michael Isikoff – Correspondant d’enquête en chef

    Au milieu des années 1980, Jill Dodd était un mannequin de 20 ans travaillant à Paris lorsqu’elle a reçu une offre inattendue de son agent : Elle était invitée à une soirée de gala sur le thème des pirates sur la plage de Monte Carlo, organisée par le milliardaire saoudien Adnan Khashoggi, marchand d’armes.

    Mme Dodd n’avait aucune idée de qui était Khashoggi ni de la raison pour laquelle elle était invitée. Mais, dit-elle, étant « naïve et crédule », elle a sauté sur l’occasion et s’est rapidement retrouvée sur la plage à danser avec le magnat saoudien, petit et rondouillard. Il a fini par écrire « Je t’aime » avec du sang sur son bras, dit-elle.

    C’est le début d’une relation sauvage de 18 mois au cours de laquelle Dodd accepte d’être la « femme de plaisir » de Khashoggi. Elle a fait la fête sur son yacht légendaire, le Nabila, et a voyagé dans le monde entier à bord de son jet privé, faisant l’amour, prenant de la cocaïne, s’asseyant à ses côtés lors de parties de jeu à gros enjeu à Las Vegas.

    Aujourd’hui, Mme Dodd, qui a fait une brillante carrière dans le secteur de la mode, se souvient avec horreur du temps qu’elle a passé à parcourir le monde avec M. Khashoggi. « J’ai vraiment réalisé que je faisais partie d’un harem », dit-elle. « Il m’a fallu beaucoup de temps pour en prendre conscience et être capable d’accepter le fait que j’avais été vendue à mon insu. J’ai donc été vendue comme on vendrait une prostituée. »

    La vie flamboyante et l’héritage en dents de scie d’Adnan Khashoggi sont le sujet du deuxième épisode de la nouvelle saison du podcast de Yahoo News « Conspiracyland : La vie secrète et la mort brutale de Jamal Khashoggi ».

    Adnan Khashoggi, décédé en 2017, était le cousin de Jamal Khashoggi ; leurs grands-pères étaient frères dans la ville sainte de Médine. Jamal Khashoggi connaissait son cousin aîné lors de réunions familiales au fil des ans et s’est présenté à son enterrement à Médine il y a quatre ans, même s’il n’exprimait que du mépris pour son grotesque mode de vie sybaritique.

    Et pourtant, comme le montre « Conspiracyland », Adnan Khashoggi a joué un rôle crucial dans l’évolution de l’alliance américano-saoudienne. Au cours de deux décennies, entre la fin des années 1960 et le milieu des années 1980, il a négocié des milliards de dollars de ventes d’armes entre des entreprises de défense américaines et l’armée saoudienne – des accords qui sont devenus le cœur d’un marché central « armes contre pétrole » qui a soutenu les relations entre Washington et Riyad depuis lors.

    Adnan Khashoggi « a été le pionnier de cette relation entre les États-Unis et l’Arabie saoudite », déclare Ron Kessler, ancien journaliste d’investigation du Washington Post, qui a écrit une biographie du marchand d’armes intitulée « L’homme le plus riche du monde ».

    « Khashoggi était l’émissaire du roi », dit Kessler dans « Conspiracyland ». « Et donc il renvoyait une partie des commissions des entreprises américaines directement au roi, ainsi qu’au ministre de la défense et aux princes saoudiens. Et tout le monde était content. Le roi était heureux, il avait son argent, Khashoggi avait sa part. … La richesse spectaculaire, l’étalage, les fêtes, tout cela attirait les affaires. Et c’était comme des abeilles autour du miel. C’était vraiment un épisode incroyable de l’histoire ».

    La crainte de perturber ce flux d’argent « armes contre pétrole » a finalement été un facteur majeur pour persuader la Maison Blanche de Trump de ne pas imposer de prix aux Saoudiens pour le meurtre horrible du cousin d’Adnan, Jamal, qui au moment de sa mort était chroniqueur pour la section Global Opinions du Washington Post.

    Trump lui-même a rendu cela douloureusement clair lorsqu’il a cité les achats géants d’armes saoudiennes comme sa principale raison pour ne pas imposer de sanctions au prince héritier saoudien Mohammed bin Salman, même après que la CIA a conclu qu’il avait autorisé l’opération qui a tué le journaliste à l’intérieur du consulat saoudien à Istanbul le 2 octobre 2018.

    « Si nous abandonnons l’Arabie saoudite, ce sera une terrible erreur », a déclaré Trump à l’époque. « Ils achètent pour des centaines de milliards de dollars de choses à ce pays. Si je dis ‘Nous ne voulons pas prendre vos affaires’, si je dis ‘Nous allons vous couper les vivres’, ils obtiendront leurs équipements, militaires, de la Russie et de la Chine. Je ne vais pas dire à un pays qui dépense des centaines de milliards de dollars – et qui m’aide à faire une chose très importante, maintenir les prix du pétrole à la baisse pour qu’ils ne montent pas à 100, 150 dollars le baril – que je ne vais pas détruire l’économie de notre pays en étant stupide avec l’Arabie saoudite. »

    Comme pour beaucoup d’autres choses avec Trump, ces positions ont été prises sur fond d’affaires entre lui et divers magnats saoudiens qui ont commencé avec Adnan Khashoggi. En 1991, Trump, envieux du style de vie du magnat saoudien, s’est arrangé pour acheter son yacht, le Nabila, pour 29 millions de dollars, le vantant dans l’émission de David Letterman comme « probablement le plus grand yacht jamais construit. C’est vraiment un excellent investissement ». (Trump l’a rebaptisé le Princess, apparemment en l’honneur de sa fille Ivanka).

    Mais pas un si bon investissement que ça. Trois ans plus tard, alors que Trump était menacé de faillite pour ses casinos d’Atlantic City, il a été renfloué par un autre magnat saoudien, le prince Alwaleed bin Talal, qui lui a acheté le yacht pour 20 millions de dollars. Bien qu’il ait pu prendre un bain sur le bateau, cette vente a marqué le début d’un robinet saoudien jaillissant pour la Trump Organization, qui s’est poursuivi pendant des années.

    Les riches Saoudiens ont versé des millions dans les coffres de la société, achetant des appartements dans les immeubles de Trump, au moins autant, sinon plus, que les oligarques russes. En 2001, trois mois avant les attentats du 11 septembre 2001, au cours desquels 15 des 19 pirates de l’air étaient des ressortissants saoudiens, le gouvernement saoudien a déboursé 4,5 millions de dollars pour acheter l’intégralité du 45e étage de la Trump Tower à Manhattan, qu’il a finalement transformé en bureaux de la mission du pays auprès des Nations unies.

    « L’Arabie saoudite, et je m’entends très bien avec eux tous, ils m’achètent des appartements, ils dépensent 40 millions, 50 millions de dollars », a déclaré Trump lors d’un meeting de campagne en 2015 à Mobile, Ala. « Ils dépensent tellement d’argent. Est-ce que je vais les détester ? Je les aime. »

    Une affection qui s’est poursuivie jusque dans sa présidence, lorsque Trump a fait de l’apaisement des Saoudiens une pièce maîtresse de sa stratégie au Moyen-Orient – et l’a finalement persuadé de n’imposer aucun prix aux dirigeants du pays pour l’assassinat commandité par l’État de Jamal, le cousin d’Adnan Khashoggi.

    Prochain épisode de « Conspiracyland » : Episode 3, « Jamal et Osama »
    Jamal, le plus jeune cousin d’Adnan, suit un chemin très différent qui le mène dans les grottes d’Afghanistan, où, en tant que jeune reporter pour l’Arab News, il se fait le champion de la lutte contre l’occupation soviétique menée par un frère musulman qui était alors son bon ami : Oussama Ben Laden. C’est le début d’une relation longue et compliquée entre Khashoggi et Ben Laden qui, des années plus tard, aboutit à une série de rencontres fatidiques à Khartoum, au Soudan, au cours desquelles le journaliste saoudien est recruté pour tenter de persuader le chef terroriste de revenir dans le royaume.

    Yahoo! News, 17 juin 2021

    Etiquettes : Etats-Unis, Donald Trump, Arabie Saoudite, MBS, Mohamed Ben Salmane, Jamal Khashoggi,