Étiquette : autodétermination

  • La grande manœuvre marocaine au Sahara Occidental (2/2)

    Et la guerre aura lieu

    Par D.M. Chetti

    A la croisée des chemins entre l’Afrique et l’Europe, la Méditerranée, l’Atlantique et le monde arabe, le Maroc a toujours eu une place spéciale dans la diplomatie occidentale et dans sa planification stratégique, spécialement américaine.

    Les nationalistes sahraouis, avant d’avoir le Maroc comme principal ennemi, ont eu à combattre les Espagnols avant 1975.

    Le Polisario a été créé en 1971 par Mustapha Sayed El-Ouali qui a explicitement appelé à la lutte armée dans le cadre du Front populaire pour la libération de Saguia El-Hamra et Rio de Oro.

    Puis, avec le soutien de la Libye, de l’Algérie et de la Mauritanie, ses forces ont commencé à attaquer les intérêts espagnols. Sur la scène internationale, le Polisario a su attirer l’attention sur sa cause à l’ONU et ailleurs, mais son leadership a été lent à identifier la menace posée par le Maroc sur la route de son indépendance.

    En mai 1975, une mission de l’ONU se rend au Sahara espagnol à la rencontre des manifestations spectaculaires de soutien public au Polisario et manifestant leur opposition à l’unification avec le Maroc ou la Mauritanie.

    Le 15 octobre, elle publie un rapport en faveur de l’autodétermination des Sahraouis. Le lendemain, la Cour internationale de justice de La Haye rendra publique sa décision contre la revendication du Maroc pour le territoire, mais le roi du Maroc Hassan II en fera une interprétation différente.

    Le même jour, il annoncera l’ouverture de bureaux de recrutement pour lancer «la marche verte» à laquelle 350.000 volontaires participeront.
    Entre temps, le dictateur espagnol Franco était sur son lit de mort et, sous la pression des Etats-Unis et de la France, il finira par abandonner le territoire du Sahara. Il donnera une ultime consigne, celle de ne pas tirer sur les marcheurs marocains qui traverseraient la frontière le 6 novembre 1975.

    Le 14 novembre, c’est le pacte de Madrid, qui divisera le territoire entre le Maroc et la Mauritanie. Franco, à l’hôpital, décédera tôt le matin du 20 novembre.

    Le Maroc entreprendra sa conquête du Sahara occidental après la marche verte de novembre 1975 alors que certains Sahraouis, ayant acquis une expérience militaire dans l’armée espagnole, rejoindront l’aile militaire du Front Polisario et mèneront de sérieuses attaques contre les forces armée royales marocaines qui, avec de grandes colonnes motorisées, avaient occupé des postes profondément à l’intérieur du Sahara, allant jusqu’à Tifariti, près du nord de la frontière mauritanienne, et occupant Guelta au sud-ouest.

    Puis une colonne de cinq bataillons des FAR stationnera à Mahbes, dans le nord-est du Sahara occidental, près de la frontière algérienne. Le lac d’Amgala est utilisé comme un point de transit pour les réfugiés évacués vers l’Algérie sous l’assistance de l’armée algérienne qui leur fournit de la nourriture et des fournitures médicales.

    En janvier 1976, les troupes marocaines attaqueront les troupes algériennes à cet endroit.

    Les débuts militaires du Front Polisario et ses succès contre le Maroc et son allié, la Mauritanie, défièrent toutes les attentes.

    Les raisons de ce succès et de la survie du Polisario sont à chercher non seulement dans ses soutiens extérieurs, principalement algériens, dans les erreurs marocaines et les faiblesses mauritaniennes, mais aussi dans sa stratégie militaire et les compétences tactiques de ses soldats, dotés d’un moral d’acier et capable de maîtriser les configurations géographiques à leur avantage.

    Les forces armées mauritaniennes, peu dotées de ressources matérielles et humaines, ont été contraintes de se retirer de la guerre en 1979 après avoir subi des pertes conséquentes de la part du Polisario.

    L’armée marocaine a révélé à plusieurs reprises son inefficacité opérationnelle face aux tactiques de guérilla du Polisario et, après plusieurs échecs, elle obtiendra un renfort stratégique grâce à l’aide des Américains, qui, après la chute du Shah, tenaient à ne pas perdre un autre allié stratégique en Afrique.

    A partir de 1981, le Maroc commencera la construction de la plus grande barrière militaire fonctionnelle dans le monde, un mur de 2.720 km qui lui permettra d’occuper et de contrôler 80% du territoire du Sahara occidental et de contrer les offensives du Front Polisario.

    Dix ans plus tard, l’intervention de l’ONU permit la signature d’un cessez-le-feu, qui a eu lieu après que les deux parties, complètement épuisées, réaliseront qu’aucune d’elle ne pourra remporter la victoire décisive.

    La lutte continua alors dans la sphère diplomatique. Dans les territoires occupés, le Maroc a dépensé beaucoup d’argent pour sa sécurité et le développement économique, mais n’a pratiquement consacré aucun effort pour gagner les cœurs et la sympathie du peuple sahraoui.

    Il a également encouragé l’installation d’un grand nombre de personnes en provenance du Maroc, en partie avec l’ espoir de déjouer ainsi la prédiction du Polisario qui espérait gagner le référendum sur le futur statut du territoire.

    Représentant de l’ONU, l’Américain James Baker a exercé de considérables efforts pour tenter de parvenir à un règlement, mais, devant l’intransigeance marocaine, il finit par démissionner en 2003.

    Dans le même temps, le mécontentement a grandi dans les camps de réfugiés et les territoires occupés, en particulier parmi les jeunes Sahraouis. Beaucoup d’entre eux, désespérés de voir leurs aînés trouver une autre issue à leur quotidien, montrent leur déception avec le Polisario qui n’arrive pas à marquer des points sur le front diplomatique.

    Ce mécontentement s’est manifesté par l’intermédiaire d’une révolte du style «intifada» que l’encadrement du Polisario n’a pas vu venir.

    En réponse à cette intifada, les forces marocaines entamèrent alors des séries d’enlèvements et d’arrestations suggérant à l’opinion internationale que ce sont des actes terroristes menées par des organisations criminelles ayant des liens avec Al-Qaïda, dont l’objectif est de tenter une infiltration du Sahara occidental et des camps de réfugiés. Ce que réfutent, bien évidemment, en bloc les dirigeants du Polisario.

    Dans le sillage de la marche verte, au moment où l’Espagne annonçait le retrait de ses troupes du Sahara, l’avenir du Polisario semblait sombre pour beaucoup d’observateurs et les Marocains étaient confiants dans leur nouvelle conquête.

    Après tout, même l’Espagne, qui avait commis d’importantes erreurs politiques et disposant de peu de ressources, avait réussi à maintenir sa présence pendant près d’un siècle ! Le Maroc comptait en finir rapidement avec l’insurrection sahraouie. Résultat, un quart de siècle plus tard, le conflit est toujours là !

    Les raisons de la survie du Polisario s’expliquent sans doute par les soutiens extérieurs, en particulier algériens, sa démarche diplomatique sur le plan international et surtout par la ténacité de ses combattants qui maîtrisent aussi bien la tactique que la stratégie sur le terrain.

    Le succès est dans le haut niveau moral de ses troupes, l’expérience de ses soldats et la capacité des Sahraouis à utiliser les conditions géographiques à leur avantage.

    Aujourd’hui, la communication et la coordination entre les indépendantistes du Polisario, qui veulent la libération des territoires occupés par le Maroc et les camps de réfugiés où se trouvent leurs sympathisants, sont facilitées en grande partie par l’Internet qui a aussi contribué à accroître leur membres, surtout des jeunes qui commencent à se radicaliser, perdant confiance en la direction du Polisario, même si cette dernière continue à alimenter des perspectives antimarocaines très marquées.

    Le risque encouru, en attendant, c’est, bien entendu, l’infiltration d’éléments terroristes dans les camps sahraouis en Algérie. La véritable menace se situe à ce niveau.

    Le Maroc, comme précisé dans la première partie consacrée à ce sujet, a toujours entretenu des relations étroites avec les Etats-Unis et la France, renforcées à mesure que son voisin algérien prônait, dans le passé récent, une voie socialiste et non alignée dans sa politique intérieure et l’autodétermination du peuple sahraoui dans sa politique extérieure.

    Compte tenu de l’importance de la stabilité du Maroc aux yeux de l’axe atlantique et de la menace qu’une augmentation de l’activité terroriste dans la région poserait pour les Etats-Unis et pour l’Europe en particulier, il est urgent de promouvoir une solution de sortie au problème du Sahara occidental au lieu de se contenter de suivre l’évolution des événements en attendant que cela profite aux intérêts américains ou européens, sans quoi la situation risque de devenir de plus en plus explosive.

    L’Echo d’Algérie, 22/12/2013

    Tags : Maroc, Sahara Occidental, Front Polisario, colonisation, ONU, autodétermination, MINURSO,

  • Rapport du Barreau de New York sur le Sahara Occidental

    Rapport du Barreau de New York sur le Sahara Occidental

    Sahara Occidental, Maroc, Front Polisario, ONU, MINURSO, référendum, autodétermination,

    RAPPORT

    Introduction

    En 1963, le Sahara espagnol(1), aujourd’hui connu sous le nom de Sahara occidental, a été inclus dans la liste des territoires non autonomes de l’ONU dont le peuple avait droit à l’autodétermination en vertu de la politique des Nations Unies concernant la décolonisation des territoires détenus par les gouvernements occidentaux(2) .

    En 1974, l’Espagne a accepté d’accorder aux Sahraouis un référendum dans le cadre duquel ils pourraient choisir entre l’indépendance et un autre statut. Cependant, avant que ce référendum ne puisse avoir lieu, le Maroc et la Mauritanie ont interposé des revendications de souveraineté sur le territoire, basées sur des liens présumés entre le territoire et leurs dirigeants à l’époque précoloniale, et ont convaincu en 1974 les Nations Unies de demander à l’Espagne de reporter le référendum afin que leurs revendications soient jugées par la Cour internationale de justice (CIJ). Les Nations unies acceptent, mais envoient une mission pour s’assurer de la volonté du peuple. En 1975, cette mission a publié un rapport indiquant que l’écrasante majorité du peuple souhaitait l’indépendance et non l’intégration à un autre État. (3) Peu de temps après, la CIJ a émis un avis consultatif rejetant les revendications du Maroc et de la Mauritanie et confirmant le droit du peuple du territoire à l’autodétermination.(4) Malgré cette décision, le roi du Maroc a menacé d’envoyer des milliers de civils marocains dans le territoire pour le revendiquer, à moins que l’Espagne n’accepte de se retirer.(5)

    Face à cette menace, l’Espagne s’est retirée du territoire et, en 1975, le Maroc et la Mauritanie ont envoyé des troupes pour l’occuper.(6) Environ la moitié des habitants ont alors fui les villes.(7) Cependant, après avoir été bombardés par des avions marocains, ils se sont vu offrir l’asile en Algérie.8 Aujourd’hui encore, ces personnes et leurs descendants vivent dans des camps de réfugiés dans le désert, à un endroit appelé Tindouf. L’occupation a également déclenché une guerre avec le Polisario, un mouvement indépendantiste sahraoui.

    La Mauritanie s’est retirée du territoire en 1979, mais les combats entre le Polisario et le Maroc n’ont pris fin qu’en 1991, lorsque le Maroc a accepté de permettre aux Nations unies d’organiser un référendum par lequel les Sahraouis pourraient choisir si le Sahara occidental serait un État indépendant ou une partie du Maroc, et qu’un cessez-le-feu a été déclaré. Cet accord a été appelé le Plan de règlement.

    Lire aussi : Sahara Occidental : les piliers du conflit

    Les parties ont accepté le Plan en principe en 1988,(9) et le 18 juin 1990, le Secrétaire Général a publié un rapport (10) décrivant les détails supplémentaires. (11) Pendant toute cette période, le Sahara Occidental est resté sur la liste des Nations Unies des territoires non autonomes dont le peuple a droit à l’autodétermination, et reste sur cette liste aujourd’hui.(12)

    Après le cessez-le-feu, la conduite du référendum a été placée sous l’égide du Conseil de Sécurité de l’ONU et une mission de maintien de la paix de l’ONU appelée MINURSO a été créée pour le conduire. En 1999, les Nations unies ont publié une liste de personnes pouvant participer au référendum selon les critères et les procédures convenus par les parties. Cependant, le Maroc s’est ensuite retiré du processus de référendum lorsqu’il a constaté que la liste n’était pas en sa faveur et qu’il ne pouvait pas remettre en cause les déterminations d’éligibilité par le biais de la procédure d’appel.(13)

    Plutôt que de faire pression sur le Maroc pour qu’il aille de l’avant avec le Plan de Règlement, le Conseil de Sécurité a adopté en 2000 une résolution appelant à une « solution politique » mutuellement acceptable.(14) En 2001, le Maroc a suggéré qu’il pourrait accorder aux habitants du Sahara Occidental un certain type d’autonomie au sein de l’Etat du Maroc. James Baker III, qui était le représentant personnel du Secrétaire Général des Nations Unies à l’époque, a incorporé cette idée dans plusieurs propositions, la dernière étant le « Plan de Paix » selon lequel le Sahara Occidental bénéficierait d’une période d’autonomie après laquelle un référendum serait organisé par lequel les électeurs éligibles pourraient choisir d’être incorporés au Maroc ou d’établir un état indépendant. En mai 2003, le Secrétaire Général a publiquement annoncé son soutien au « Plan de Paix » de Baker(15), et le 31 juillet 2003, le Conseil de Sécurité a voté à l’unanimité pour « soutenir fermement » ce qu’il a décrit comme « une solution politique optimale sur la base d’un accord entre les deux parties « (16).

    Cependant, le Maroc a rejeté ce plan.(17) En avril 2004, le Secrétaire général a confirmé que « le Maroc n’accepte pas le Plan de règlement qu’il avait accepté pendant de nombreuses années… et il n’accepte pas non plus maintenant les éléments essentiels du Plan de paix (de Baker). Il n’accepte rien d’autre que des négociations sur l’autonomie du Sahara occidental « dans le cadre de la souveraineté marocaine ».(18)

    Depuis lors, le Conseil de Sécurité a exhorté les parties à négocier une solution politique qui, néanmoins, permettrait au peuple du territoire d’exercer son droit à l’autodétermination.(19) Cependant, le Maroc a insisté sur le fait que sa proposition d’autonomie est la seule option pour le Sahara Occidental,(20) et a décrit le territoire dans les documents officiels et la législation comme sa « Province du Sud ». (21)

    Lire aussi : Les dessous de la stratégie de « pression » du Maroc pour que Madrid reconnaisse sa souveraineté sur le Sahara Occidental

    Le Maroc a également encouragé un grand nombre de Marocains à s’installer dans le territoire, de sorte qu’ils sont aujourd’hui beaucoup plus nombreux que les Sahraouis autochtones. Cet effort s’est intensifié après le cessez-le-feu de 1991, et on estime aujourd’hui que sur les quelque 500 000 résidents du Sahara occidental, seuls 25% sont des Sahraouis de souche.(22)

    Les tensions se sont accrues parmi les Sahraouis, en particulier les jeunes sahraouis, qui sont de plus en plus en colère contre le déni de leurs droits par le Maroc et l’incapacité de la communauté internationale à soutenir leurs droits.

    Le 13 novembre 2020, le Maroc a expulsé des civils sahraouis qui avaient bloqué une route marocaine qui relie le Sahara occidental à la Mauritanie à travers une zone tampon. Le Polisario a considéré la route et l’expulsion comme une violation du cessez-le-feu de 1991 et a déclaré la fin de l’accord. (23)

    Si des mesures ne sont pas prises immédiatement pour remédier à la situation, il est possible qu’elle dégénère en une guerre à grande échelle. Un nouveau représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies a récemment été nommé et a repris les pourparlers entre les parties, mais rien n’indique que ces pourparlers aient progressé.

    1 Le Sahara occidental, connu sous le nom de Sahara espagnol lorsqu’il était une colonie espagnole, est un territoire pas plus grand que l’État du Colorado, situé entre le Maroc au nord, la Mauritanie au sud et l’Algérie à l’est. Il est essentiellement désertique et constitue la terre ancestrale d’un peuple nomade appelé les Sahraouis.

    2 Résolution 1514 (XV) de l’Assemblée générale, 14 décembre 1960.

    3 Le rapport de cette mission est intitulé « Rapport du Comité spécial chargé d’étudier la situation en ce qui concerne l’application de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux », UN Doc. ONU A/100023/Add.5, Annexe, à la page 26 (1975). (« Le rapport de la mission de l’ONU »)

    4 Avis consultatif sur le Sahara occidental (1975), CIJ Rep. 12 (« Affaire du Sahara occidental »). Selon les termes de la Cour :  » La conclusion de la Cour est que les éléments et renseignements qui lui ont été présentés n’établissent aucun lien de souveraineté territoriale entre le territoire du Sahara occidental et le Royaume du Maroc (…). Ainsi, la Cour n’a pas constaté de liens de nature à affecter l’application de la résolution 1514 (XV) dans la décolonisation du Sahara occidental, et, en particulier, du principe d’autodétermination par l’expression libre et authentique de la volonté des peuples du territoire… « . (p. 162) La réponse de la Cour à la demande de la Mauritanie était essentiellement la même (p. 49).

    5 Deux jours après l’avis de la Cour, le Roi a annoncé qu’il y aurait une marche massive de 350.000 civils du Maroc vers le Sahara Occidental, appelée plus tard la « Marche Verte », pour obtenir la reconnaissance de la souveraineté du Maroc. Lettre du Représentant Permanent du Maroc auprès de l’ONU adressée au Président du Conseil de Sécurité, 18 octobre 1975. Doc. S/11852 (1975). Il était clair que le but ultime de la marche était de faire pression sur l’Espagne pour qu’elle négocie avec le Maroc et la Mauritanie avant que l’Assemblée générale puisse organiser le référendum. Voir, R. Vance, Jr, Recognition as an Affirmative Step in the Decolonization Process : The Case of Western Sahara, 7 Yale J. World Pub. Ord. 45, 50 (19 80) « Vance »).

    6 Le 14 novembre, les gouvernements du Maroc, de la Mauritanie et de l’Espagne ont publié un communiqué commun notifiant le monde de certains accords, plus tard surnommés les « Accords de Madrid », conclus à la suite de négociations sur la question du Sahara occidental. Déclaration de principes sur le Sahara Occidental par l’Espagne, le Maroc et la Mauritanie, annexe II du document U.N. Doc. S/11880, 19 novembre 1987, dans Documents officiels du Conseil de sécurité, 30e année, Supplément pour octobre, novembre et décembre 1975, à 41.

    7 Un rapport de février 1976 de la Fédération internationale des droits de l’homme note que les soldats  » ont massacré des centaines, voire des milliers de Sahraouis, y compris des enfants et des personnes âgées qui refusaient de reconnaître publiquement le roi du Maroc  » et qu’à cette date, 80 % des habitants de Laayoune avaient quitté les lieux.

    8 T. Hodges, WESTERN SAHARA : THE ROOTS OF A DESERT WAR (Lawrence Hill & Co. 1983) (« Hodges »), p. 232. Lorsqu’ils ont ensuite été mitraillés par des avions marocains, tuant ou blessant un grand nombre d’entre eux, Boumedienne, le président de l’Algérie, leur a permis d’établir des camps à Tindouf, Hodges, p. 233. 8 Hodges, p. 233.

    9 Le 11 août 1988, le secrétaire général de l’ONU et un représentant du président de l’Organisation de l’unité africaine (OUA), aujourd’hui l’Union africaine (UA), ont présenté aux deux parties l’ébauche d’un plan, qui a été accepté par les deux parties le 30 août 1988.

    10 S/21360/1990 (18 juin 1990).

    11 Id, p. 5. Ce rapport confirmait leur accord sur le fait que l’avenir du territoire serait déterminé par un référendum organisé sous les auspices des Nations Unies et de l’Organisation de l’unité africaine (aujourd’hui l’Union africaine), au cours duquel la population autochtone, définie comme « tous les Sahraouis figurant sur le recensement espagnol de 1974 âgés de dix-huit ans ou plus », serait autorisée à voter entre l’indépendance et l’intégration au Maroc. Les termes du plan ont été précisés dans le rapport suivant du Secrétaire Général, S/22464/1991 (19 avril 1991), confirmant à nouveau ces détails. Toutefois, après des pressions exercées par le Maroc, le Secrétaire général a proposé d’élargir les critères d’éligibilité des électeurs pour inclure certains Sahraouis qui ne figuraient pas dans le recensement espagnol de 1974, critères qui ont finalement été acceptés par les parties.

    12 Pour une reconnaissance récente que le Sahara Occidental reste un Territoire Non Autonome, voir Comité Spécial sur la Décolonisation 4ème réunion (AM), GA/COL/3159, 6 juin 2007, paras. 6 et 8.

    13 S. Zunes & J. Mundy, WESTERN SAHARA : WAR, NATIONALISM, AND CONFLICT IRRESOLUTION, (Syracuse U. Press, 2010) (« Zunes & Mundy ») pps. 211 et seq ; aussi UN Doc. S/1999/1219, par. 9.


    14 S/Res/2000/1309 (25 juillet 2000) ; S/RES/2000/1324 (30 octobre 2000). Néanmoins, le Conseil de sécurité a souligné que toute solution politique devait s’inscrire « dans le cadre d’arrangements conformes aux buts et principes de la Charte des Nations Unies » et a indiqué qu’il était disposé à examiner « toute approche prévoyant l’autodétermination. » S/RES./1429 (30 juillet 2002).

    15 S/2003/565 (23 mai 2003).

    16 Communiqué de presse SC/7833, 31 juillet 2003.

    17 Comme l’a commenté le Secrétaire général à l’époque : « Il est difficile d’envisager une solution politique qui… prévoit l’autodétermination mais qui exclut néanmoins la possibilité de l’indépendance comme l’une des questions du scrutin. Ceci est particulièrement difficile à envisager étant donné… l’engagement déclaré du Maroc envers le plan de règlement… depuis tant d’années. . depuis tant d’années » ; S/2002/565, p. 10.

    18 Rapport du Secrétaire général sur la situation concernant le Sahara occidental, UN Doc. S/2004/325. A la mi-2007, le Maroc a soumis une proposition formelle d’autonomie à l’ONU.

    19 Le Conseil de sécurité a adopté la résolution 1754, appelant les parties : « [à] entamer des négociations sans conditions préalables, de bonne foi, en tenant compte des développements des derniers mois, en vue de parvenir à une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable, qui permette l’autodétermination du Sahara Occidental ». S/RES/1754, 30 avril 2007

    20 Dans un discours commémorant la fête du Trône, le Roi a proclamé : Le Maroc est… clair quant à ses convictions fondamentales : la voie pour parvenir au règlement souhaité ne peut être que celle de la pleine souveraineté marocaine et dans le cadre de l’initiative d’autonomie. » Voir, le discours du roi Mohammed VI à l’occasion de la fête du Trône, le 29 juillet 2019.

    21 Dans tous les documents officiels et la législation, le Sahara occidental est répertorié comme la  » province Sud du Maroc.  » Voir, par exemple, l’article 21 de la  » loi sur les hydrocarbures  » marocaine. Dans un discours à la nation le 6 novembre 2014, le 39e anniversaire de la Marche verte, cité par moroccoworldnews.com, le roi du Maroc a clairement exprimé sa position : « Nous disons ‘Non’ à la tentative de changer la nature de ce conflit régional et de le présenter comme une question de décolonisation. Le Maroc est dans son Sahara [sic] et n’a jamais été une puissance occupante ou une puissance administrative. En fait, il exerce sa souveraineté sur son territoire. »

    22 Rapport du département d’État américain,  » Pratiques en matière de droits de l’homme au Sahara occidental « , 2015, p. 2.

    23 Rapport de Human Right Watch :  » Sahara occidental : Morocco Cracks Down on Activists « , 18 décembre 2020.

    Source

  • Sahara Occidental: Le rôle américain dans l’occupation marocaine

    Sahara Occidental: Le rôle américain dans l’occupation marocaine – Maroc, Etats-Unis, référendum, autodétermination,

    Faire la paix

    LE 13 AVRIL, des experts ont abordé la question de l’occupation du Sahara Occidental par le Maroc lors d’un webinaire co-organisé par la Campagne pour mettre fin à l’occupation du Sahara Occidental, l’Institut du Monde Noir 21ème siècle et le Dialogue de l’Unité Panafricaine. Bill Fletcher, co-coordinateur de la Campagne, a modéré la discussion.

    En 1974, l’Espagne a décidé de mettre fin à son contrôle sur le Sahara Occidental et de permettre aux indigènes sahraouis d’organiser un référendum pour déterminer leur avenir. Cependant, en raison des objections légales du Maroc et de la Mauritanie, le référendum, prévu pour 1975, n’a jamais eu lieu.

    Les États-Unis ont aussi apparemment joué un rôle en empêchant les Sahraouis de choisir entre l’indépendance et la domination marocaine. Katlyn Thomas, ancien conseiller juridique de la Mission des Nations Unies pour le Référendum au Sahara Occidental (MINURSO) et auteur de The Emperor’s Clothes : The Naked Truth About Western Sahara, a déclaré que l’ensemble du conflit « aurait pu ne pas avoir lieu s’il n’y avait pas eu l’ingérence du gouvernement des États-Unis en 1975 ».

    En se basant sur des documents reçus par des demandes de la loi sur la liberté d’information, Thomas a découvert que le secrétaire d’État de l’époque, Henry Kissinger, « a essentiellement fait pression sur l’Espagne pour qu’elle capitule devant le Maroc et permette au Maroc de prendre le contrôle du territoire ». Thomas a cité plusieurs exemples tirés des documents FOIA montrant à quel point le gouvernement américain « a mis la main sur la balance de cette situation en faveur du Maroc. »

    Alors que Thomas et ses collègues responsables des affaires juridiques de la MINURSO travaillaient sur un référendum d’autodétermination pour les Sahraouis, « le gouvernement américain, derrière notre dos, faisait tout pour nous saper », a-t-elle expliqué.

    Christopher Ross, ancien ambassadeur des États-Unis en Algérie et en Syrie, a été l’envoyé personnel du secrétaire général de l’ONU pour le Sahara occidental de 2009 à 2017. Alors que son mandat était de faciliter les négociations directes entre les parties et d’assurer l’autodétermination du peuple sahraoui, « les Marocains ont continué à insister sur le fait que j’étais là uniquement pour devenir un défenseur de leur position », a-t-il déclaré.

    L’ancien diplomate a déclaré que l’ONU n’a pas l’autorité pour changer le statu quo au Sahara Occidental. Steffan de Mistura, l’actuel envoyé personnel du secrétaire général de l’ONU pour la région, a besoin d’un mandat plus large, a-t-il souligné, « ou nous allons juste continuer à tourner en rond… et ceux qui paient vraiment pour cela sont les 173.600 réfugiés du Sahara Occidental dans les camps [algériens] ».

    L’administration Biden a fait preuve d’ambivalence sur cette question, puisqu’elle a refusé d’annuler la reconnaissance par le président Donald Trump, en 2020, de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental. Cet acquiescement au mépris de l’administration précédente pour le consensus international est probablement dû au fait que la Maison Blanche Biden « estime que les faits sur le terrain au Sahara occidental et le passage du temps favoriseront tous deux les Marocains, donc fondamentalement ils n’ont pas besoin de faire grand-chose », a déclaré Ross.

    Stephen Zunes, professeur de politique et d’études internationales à l’Université de San Francisco et co-auteur de Western Sahara : War, Nationalism and Conflict Irresolution, a souligné l’hypocrisie de l’administration Biden en condamnant l’agression russe en Ukraine, tout en ne condamnant pas – et même en reconnaissant – l’annexion illégale du Sahara Occidental par le Maroc. « Ce que l’administration Biden fait en fait, c’est reconnaître la prise de contrôle par la force d’un État africain souverain reconnu par un autre », a-t-il déclaré.

    Cette action crée un dangereux précédent et « nous donne peu de crédibilité pour dénoncer les violations flagrantes des normes juridiques internationales par la Russie », a ajouté M. Zunes. Si les États-Unis « croyaient vraiment aux lois internationales… nous nous opposerions également à l’invasion et à l’occupation du Maroc ».

    Zunes a souligné l’importance de mobiliser la société civile mondiale sur la question du Sahara Occidental afin de faire pression sur le gouvernement américain. « Les gens se soucient de ce genre de choses, donc plus les gens en savent, je pense que plus les gens seront poussés à agir et il sera de plus en plus difficile pour le gouvernement américain de défendre » sa politique, a-t-il dit.

    Elaine Pasquini

    Washington Report on Middle East Affairs, 22/04/2022

    #SaharaOccidental #WesternSahara #Maroc #EtatsUnis #ONU

  • La guerre en Ukraine ressort le conflit du Sahara occidental

    La guerre en Ukraine ressort le conflit du Sahara occidental

    La guerre en Ukraine ressort le conflit du Sahara occidental – Russie, Maroc, Algérie, Etats-Unis, ONU, Espagne, autodétermination, invasion,

    Au milieu de nouvelles tensions, la diplomatie peut-elle débloquer un processus de paix longtemps bloqué avec le Maroc et l’Algérie ?

    Après des années de stagnation du conflit sur le Sahara occidental, la guerre russe contre l’Ukraine et d’autres événements récents pourraient créer des ouvertures pour faire avancer les efforts de paix au Sahara occidental, longtemps bloqués. Les visites parallèles sans précédent des deux principaux diplomates américains au Maroc et en Algérie le mois dernier suggèrent que les États-Unis explorent cette nouvelle ouverture. Les États-Unis devraient saisir fermement toute nouvelle chance de mettre fin à ce conflit souvent oublié, qui contribue à créer les conditions de l’extrémisme et de la criminalité transnationale, empêche une croissance économique indispensable et qui risque d’aggraver l’instabilité de la région méditerranéenne à la région sahélienne de l’Afrique.
    Un changement est clair. Après des décennies au cours desquelles le Maroc a détenu l’essentiel du Sahara occidental – et après avoir obtenu la reconnaissance par l’administration Trump de sa revendication de propriété du territoire en 2020 – le resserrement de l’approvisionnement mondial en pétrole et en gaz en raison de l’invasion russe de l’Ukraine a donné nouveau levier au rival du Maroc, l’Algérie, qui soutient le Front Polisario dans sa lutte pour l’indépendance du Sahara occidental. L’Algérie a coupé en novembre l’approvisionnement en gaz deun gazoduc traversant le Maroc qui achemine du gaz vers l’Espagne et le Portugal. En mars, le secrétaire d’État Antony Blinken et la secrétaire adjointe Wendy Sherman ont tous deux eu des entretiens au Maroc et en Algérie qui se sont concentrés au moins en partie sur le Sahara occidental. Thomas Hill de l’USIP explique pourquoi ces changements sont importants pour les intérêts américains et la stabilité dans les régions du Maghreb et du Sahel.

    Le conflit du Sahara occidental s’est envenimé pendant des décennies, attirant généralement peu l’attention du public – et cela inclut ces événements récents. De manière réaliste, comment affectent-ils les intérêts américains ou internationaux au sens large ?

    En effet, ce conflit remonte à 1975, lorsque l’Espagne s’est retirée de ce qui avait été sa colonie du Sahara espagnol. Le Maroc a revendiqué le territoire, ce qui a conduit à des combats avec le Front Polisario, qui cherche une nation indépendante pour le peuple autochtone sahraoui. Les troupes marocaines occupent la majeure partie de la région et le royaume a travaillé assidûment pour établir des communautés marocaines et développer des industries lucratives d’extraction de phosphate et de pêche.

    En 1991, le Maroc a accepté un cessez-le-feu et un plan de l’ONU pour un référendum sur l’avenir politique du territoire. Après des années de dispute sur qui devrait être autorisé à voter lors du référendum, le Maroc a proposé en 2007 d’offrir l’autonomie du Sahara Occidental sous souveraineté marocaine. Cette proposition a récemment commencé à gagner du terrain au niveau international, l’administration Trump reconnaissant la souveraineté du Maroc en 2020 et l’Espagne approuvant le plan d’autonomie du Maroc le mois dernier.

    Dans le même temps, les tensions entre l’Algérie et le Maroc ont atteint un point d’ébullition en novembre 2021. Leur rivalité vieille de plusieurs décennies – en partie sur le Sahara occidental – a parfois menacé de déclencher des violences. L’Algérie apporte son soutien au Front Polisario et accueille environ 174 000 réfugiés sahraouis près de sa ville de Tindouf. La plus récente escalade des tensions entre le Maroc et l’Algérie a entraîné la fermeture de leur frontière, la fermeture de l’espace aérien, le rappel des ambassadeurs et l’arrêt des exportations d’énergie algérienne vers le Maroc. Le récent changement de politique de Madrid augmentera certainement les tensions algéro-espagnoles et pourrait déclencher de nouvelles séries d’escalades de la part de toutes les parties.

    Et oui, c’est essentiel pour les intérêts américains plus larges en Afrique. Le conflit du Sahara occidental entrave l’intégration économique entre l’Algérie et le Maroc, qui – comme l’ont demandé la Banque mondiale et d’autres – est vitale pour la croissance économique à travers le Maghreb ; la région du monde la moins intégrée économiquement. Le Maroc et l’Algérie, avec 80 millions d’habitants combinés, représentent 80 % de la population totale du Maghreb et plus que l’ensemble du Sahel, de la Mauritanie au Niger. Ces économies sont cruciales pour répondre aux besoins non satisfaits de la population jeune en plein essor de la région, mais elles ont été étranglées par les conflits, le manque d’investissements, la pandémie de COVID et maintenant par la hausse des prix de l’énergie et des denrées alimentaires. Tout cela alimente des menaces transnationales : des organisations extrémistes violentes telles que l’Etat islamique, des passeurs et des trafiquants d’armes.

    Le comportement de la Russie – non seulement sa guerre en Ukraine, mais le rôle déstabilisateur des mercenaires du groupe Wagner alignés sur le Kremlin en Libye, au Mali , au Soudan et en République centrafricaine  – montre clairement les risques que l’Amérique prenne du recul dans la résolution du conflit du Sahara occidental . La Russie a tenté de jouer un rôle au Sahara occidental dans le passé, et les ouvertures accrues du Front Polisario pour le soutien russe ces dernières années pourraient fournir à Moscou une opportunité si les États-Unis ne parviennent pas à jouer un rôle plus important pour faciliter la fin du conflit.

    Même si les États-Unis devaient s’impliquer, comment peuvent-ils le faire ? Et quelles sont les perspectives de paix ?

    Le processus de paix pour le Sahara occidental n’a pas fait de progrès significatifs  depuis le cessez-le-feu de 1991. Il a fallu près de deux ans pour nommer un émissaire de l’ONU sur le conflit après la démission de l’Allemand Horst Köhler en 2019. La nomination de Staffan de Mistura devrait donner un nouvel élan. Il a rencontré des responsables à Washington le mois dernier, aidant à concentrer les décideurs politiques sur le Sahara occidental.

    Alors que l’administration Biden n’a montré aucun enthousiasme pour revenir sur la reconnaissance par le président Trump des revendications de souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, le secrétaire d’État Antony Blinken a publiquement signalé une approche plus nuancée. Après avoir rencontré le ministre marocain des Affaires étrangères, Nasser Bourita, le département d’État a qualifié le plan d’autonomie du Maroc de « potentielapproche pour satisfaire les aspirations du peuple du Sahara occidental » (soulignement ajouté). La remarque implique que les États-Unis pourraient soutenir d’autres options, y compris peut-être le référendum proposé parrainé par l’ONU. La référence du ministère aux « aspirations du peuple du Sahara occidental » pourrait être interprétée comme un soutien américain à l’autodétermination. La position nuancée – peut-être ambiguë – des États-Unis peut fournir un certain effet de levier auprès du Maroc. Les négociateurs américains pourraient menacer de revenir sur la déclaration de Trump pour repousser les Marocains à la table des négociations.

    Un autre changement est le projet annoncé par le sénateur américain Jim Inhofe de prendre sa retraite en janvier 2023. Inhofe, un partisan indéfectible de la poussée des Sahraouis vers l’indépendance, s’est rendu à plusieurs reprises dans leurs camps de réfugiés en Algérie. Il a soutenu les efforts pour parvenir à un référendum de l’ONU et à une solution négociée et a dirigé l’année dernière un effort bipartite du Congrès exhortant le président Biden à revenir sur la reconnaissance américaine de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental. On ne sait pas comment la retraite du sénateur Inhofe aura un impact sur le sentiment du Congrès sur le conflit.

    Enfin, la diplomatie informelle sous la forme de dialogues « deuxième piste » entre des groupes non officiels dans le conflit a le potentiel de sortir des impasses dans les négociations formelles. Les participants à ces pourparlers comprennent souvent des intellectuels, des dirigeants de la société civile, des représentants communautaires et religieux et des chefs d’entreprise. Des dialogues informels comme ceux-ci peuvent augmenter  les chances d’une paix durable en élargissant le soutien au processus de paix.

    Pourquoi le secrétaire Blinken et le sous-secrétaire Sherman ont-ils récemment tenu des pourparlers au Maroc et en Algérie ?

    C’était surprenant ; Je ne me souviens pas de la dernière fois où le Maroc et l’Algérie ont reçu une telle attention diplomatique de haut niveau. Bien que le contenu de ces discussions soit encore inconnu, nous savons par des communiqués de presse qu’ils comprenaient le Sahara occidental et les accords d’Abraham , le parapluie sous lequel le Maroc a reconnu Israël comme les États-Unis ont reconnu la souveraineté marocaine au Sahara occidental. De nombreux observateurs voient ces deux reconnaissances comme une contrepartie, ce que dément avec véhémence le gouvernement marocain.

    La reconnaissance par les États-Unis des revendications marocaines sur le Sahara Occidental a tendu les relations entre Washington et Alger, et Blinken et Sherman ont peut-être espéré atténuer cette tension. Mais pourquoi chercher à améliorer les relations avec l’Algérie maintenant ? Je soupçonne que c’est lié à deux questions interdépendantes : l’énergie et l’Ukraine.

    L’Algérie a fourni à l’Espagne et au Portugal plus de 50 % du gaz naturel qu’ils consomment, la majeure partie par le biais d’un gazoduc qui traverse le Maroc. L’Algérie a fermé ce gazoduc en novembre en raison de ses tensions avec le Maroc. Alors que les prix de l’énergie en Europe ont augmenté en raison de la guerre russo-ukrainienne, l’accès à l’énergie algérienne est critique, notamment en tant que substitut pour les pays européens dépendants de la Russie. Il est possible que Blinken et Sherman espéraient persuader l’Algérie de rouvrir le pipeline vers l’Europe et d’encourager davantage les exportations d’énergie vers d’autres alliés américains comme l’Italie. La compagnie énergétique publique algérienne, Sonatrach, a annoncé cette semaine qu’elle augmenterait l’approvisionnement en gaz de l’Italie.

    Si l’augmentation des exportations d’énergie vers l’Europe depuis l’Algérie était la principale demande des États-Unis, qu’est-ce que les États-Unis ont offert à l’Algérie – et qu’aurait pu demander l’Algérie ? Il est concevable que l’Algérie ait demandé à l’administration Biden de revenir sur la reconnaissance américaine de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental – une étape qui créerait d’importantes tensions américano-marocaines.

    En tout état de cause, aucun accord sur ces questions n’a été annoncé. Les visites des deux meilleurs diplomates américains au Maroc et en Algérie sont si rares qu’il n’est pas crédible qu’il s’agisse d’enregistrements diplomatiques de routine. Quelque chose d’important a été discuté. Nous devrons attendre plus d’informations pour savoir ce qu’était ce « quelque chose » et s’il y aura d’autres ouvertures dans un proche avenir.

    Thomas M. Hill, Chargé de programme principal, Afrique du Nord

    The United States Institute of Peace, 14/04/2022

    #SaharaOccidental #Maroc #Algérie #Maghreb #Sahel #EtatsUnis #ONU #Ukraine #Russie

  • L’intégrité territoriale des États contre l’autodétermination des peuples

    L’intégrité territoriale des États contre l’autodétermination des peuples – Russie, Abkhazie, Ossétie du Sud, Crimée, Maroc, Sahara Occidental, Kosovo,

    Deux principes souvent cités, chacun ayant des racines bien établies dans le droit international, sont fréquemment en conflit : l’intégrité territoriale des États et l’autodétermination des peuples.

    Ce conflit récurrent et inévitable est évident dans les reconnaissances diplomatiques par la Russie des deux républiques séparatistes à majorité russe du Donbass, dans lesquelles, comme dans les anciennes régions soviétiques d’Abkhazie, d’Ossétie du Sud et de Crimée, toutes reconnues diplomatiquement comme des États indépendants par la Russie (dans le cas de la Crimée, avant sa réintégration dans la Fédération de Russie), ainsi qu’au Kosovo, la plupart des gens souhaitaient clairement se séparer du pays auquel ils avaient été internationalement reconnus comme appartenant.

    Il ne faut pas s’étonner que le principe qu’un gouvernement proclamera comme absolu – ou du moins comme ayant la priorité et contrôlant – dans un cas particulier soit le principe qui est compatible avec le résultat qu’il préfère dans ce cas.

    Les États occidentaux qui vantent actuellement l’applicabilité absolue et universelle du principe de l’intégrité territoriale des États n’ont eu aucun problème à soutenir l’autodétermination des peuples en Érythrée, au Timor oriental, au Sud-Soudan et, avec l’aide massive de 77 jours de bombardements de l’OTAN en violation flagrante du droit international, au Kosovo.

    La très grande majorité des États membres des Nations unies (97 sur 193) reconnaissent actuellement le Kosovo sur le plan diplomatique. Les décisions à cet égard sont inévitablement influencées par des précédents potentiels proches de chez eux. Sur les cinq États membres de l’UE qui ne reconnaissent pas le Kosovo, deux, Chypre et l’Espagne, sont préoccupés par les mouvements séparatistes sur leur propre territoire, tandis que la Grèce refuse de le reconnaître par solidarité avec les Chypriotes grecs.

    Il est également logique que la Chine, nonobstant sa relation « plus forte qu’une alliance » avec la Russie, vienne de réaffirmer son profond attachement au principe de l’intégrité territoriale des États. La Chine est très préoccupée par les sentiments séparatistes à Hong Kong, à Taiwan et au Xinjiang.

    Un exemple remarquable d’extrême souplesse dans l’application de ces deux « principes » est fourni par le Kosovo lui-même. Après s’être appuyé sur le principe de l’autodétermination des peuples (et sur les bombes de l’OTAN) et l’avoir exploité pour obtenir son indépendance effective, cette partie de la Serbie à forte majorité albanaise (qui, avec des échos de la « Rus de Kiev », considérait le Kosovo comme le cœur battant de l’histoire et de la culture serbes) refuse depuis lors d’envisager la réintégration dans la Serbie de la partie nord du pays à forte majorité serbe, dont la population, on le comprend, ne veut rien savoir du Kosovo. Dans une apparente attaque préventive contre une résolution rationnelle de ce différend, le gouvernement du Kosovo a même, fait unique, placé la carte de son territoire post-indépendance sur son drapeau.

    Enfin, le fait que le gouvernement américain ait été le premier au monde à reconnaître la souveraineté israélienne sur Jérusalem-Est et le plateau du Golan syrien occupés et à reconnaître la souveraineté marocaine sur la République arabe sahraouie démocratique (Sahara occidental) occupée – dans les trois cas, contrairement à la volonté de l’ensemble du peuple occupé – montre clairement que le seul principe auquel le gouvernement américain adhère systématiquement dans ces domaines est le principe fondamental des relations internationales contemporaines : Ce n’est pas la nature de l’acte qui importe, mais plutôt qui le fait à qui.

    La plupart des gouvernements, en particulier ceux qui sont puissants, choisissent leurs « principes » dans un menu à la carte en fonction de leur goût du jour.

    PAR JOHN WHITBECK

    John V. Whitbeck est un juriste international basé à Paris.

    Counterpounch, 24/02/2022

    #Maroc #SaharaOccidental #Intégrité_territoriale #autodétermination #Russie #Kosovo #Abkhazie #Crimée

  • Au Sahara Occidental, la solution c'est un référendum d'autodétermination

             Sahara Occidental, Maroc, ONU, autodétermination, #Sahara, #Maroc,

    Pour libérer la dernière colonie d’Afrique, l’ONU doit organiser un vote d’autodétermination au Sahara Occidental.
    En mettant unilatéralement fin à un cessez-le-feu de 29 ans, le Maroc souligne le besoin urgent pour l’ONU de respecter ses engagements envers le Sahara Occidental.
    Susan H. Smith
    Après presque 100 ans de colonisation par l’Espagne, et 45 ans d’occupation brutale, de colonialisme de peuplement, d’exploitation des ressources naturelles, et de nettoyage ethnique par le Maroc depuis 1975, le peuple du Sahara Occidental a été poussé au bord de la guerre. Le 10 novembre, le Maroc a franchi une zone tampon des Nations Unies et a lancé une opération militaire dans la ville sahraouie de Guergerat, à la frontière avec la Mauritanie. Cet acte de belligérance a effectivement mis fin à un cessez-le-feu de 29 ans négocié et surveillé par les Nations unies, incitant la population autochtone à reprendre sa lutte armée de libération pour se défendre. Le 10 décembre, le Maroc a annoncé qu’il normalisait ses relations avec Israël, ce à quoi les États-Unis ont répondu par un tandem de contreparties : ils ont reconnu la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental et annoncé la vente au Maroc de drones, d’hélicoptères Apache et d’armes à guidage de précision pour un montant d’un milliard de dollars.
    L’acte de guerre le plus récent du Maroc est considéré par le Front POLISARIO – le gouvernement du peuple sahraoui en exil à Rabouni, en Algérie – comme la goutte d’eau qui fait déborder le vase d’une longue liste d’agressions et de transgressions visant à anéantir leur culture, leurs droits de l’homme et leur lutte pour l’autodétermination, tels que reconnus et défendus par le droit international. La Mission des Nations Unies pour le Référendum au Sahara Occidental, ou MINURSO, a été établie par la résolution 690 du Conseil de Sécurité en 1991 pour permettre au peuple sahraoui de choisir son destin conformément à la proposition de règlement acceptée par le Maroc et le POLISARIO. Cette résolution a été suivie de 24 autres résolutions du CSNU visant à mettre en œuvre un processus d’inscription des électeurs juste et impartial, ainsi que de la résolution 380 en 1975 déplorant le mouvement du Maroc dans le territoire.
    Ces actions de la part du Maroc et des États-Unis sont en contradiction avec le droit international et ses conventions, notamment la Déclaration universelle des droits de l’homme, qui garantit le droit à la liberté et à l’autodétermination. En 1965, l’Assemblée générale a adopté la résolution 2072 demandant à l’Espagne de « prendre toutes les mesures nécessaires » pour décoloniser le territoire. Après l’annonce par l’Espagne de son retrait du territoire en 1975, la Cour internationale de justice a affirmé le droit du peuple du Sahara occidental à l’autodétermination. Le roi Hassan II du Maroc a répondu à l’annonce de la Cour en proclamant à la radio nationale qu’une Maseerah ou « marche pour récupérer le Sahara marocain » aurait lieu, ce qui a mobilisé 350.000 Marocains qui ont immédiatement fait leurs bagages et se sont déplacés vers le territoire, avec des vagues successives de déplacement depuis lors.
    En 1984, l’Organisation de l’unité africaine a accepté la République arabe sahraouie démocratique, ou RASD, en tant qu’État membre. Le Maroc, membre fondateur de l’OUA, s’est ensuite retiré en signe de protestation pendant 33 ans, avant de revenir en 2017 afin d’exercer une influence politique et économique.
    Au cœur du mandat de la mission MINURSO se trouvait la mise en place d’une commission d’identification dirigée par des paires de shaykhs sahraouis (chefs tribaux) de chaque clan, qui ont été approuvés par Rabat et Rabouni pour déterminer l’authenticité des personnes demandant à s’inscrire pour voter au référendum. Malheureusement, le référendum visant à déterminer si la dernière colonie d’Afrique devait devenir indépendante ou être incorporée au Maroc n’a jamais eu lieu. Et ce, malgré le fait que la mission de maintien de la paix de l’ONU soit en activité depuis 29 ans. Le secrétaire général Antonio Guterres a récemment renouvelé le mandat de la MINURSO pour une année supplémentaire, avec la promesse d’envoyer un énième envoyé personnel dans la région alors que le poste était vacant depuis mai 2019. Initialement prévu pour janvier 1992, le référendum a été bloqué à plusieurs reprises par les objections sahraouies aux efforts persistants et soutenus du Maroc pour présenter ses ressortissants comme des membres de la tribu sahraouie. En 1995, le processus d’identification des électeurs requis pour le référendum a été suspendu et est dans l’impasse depuis lors.
    Entre-temps, le Maroc a réussi à « marocaniser » le Sahara Occidental depuis 1975, comme Israël a réussi à coloniser la Palestine pendant 72 ans. Au cours des 29 dernières années, le Royaume a poursuivi son projet de colonisation en se conformant de manière feinte au mandat de la MINURSO et en changeant effectivement la démographie du territoire.
    Selon Mulay Ahmed de l’Association Sahraouie aux Etats-Unis, la population du Sahara Occidental de près de 700.000 personnes a été adultérée ethniquement pour inclure 400.000 Marocains incités par des subventions au logement à se déplacer vers le sud du Maroc à El-Aioun, Smara, Boujdour, Dakhla et d’autres villes. « Ces Berbères à prédominance ethnique sont différents des Sahraouis nomades », a-t-il précisé, dont l’origine remonte à la péninsule arabique à la suite de deux vagues de migrations aux IXe et XIIIe siècles. Outre le fait qu’ils partagent l’école malékite de l’islam comme religion, les Sahraouis et les Marocains diffèrent radicalement en termes de langue, de culture, de nourriture, d’habillement et d’affinité avec le désert et les dunes de sable d’une beauté exquise du Sahara occidental. En fait, en raison de l’isolement relatif du peuple sahraoui dans le désert du Sahara occidental pendant des siècles, il a conservé une pureté culturelle et son dialecte est considéré comme le proche de l’arabe coranique classique.
    En plus de modifier les faits sur le terrain sur le plan ethnique, l’occupation brutale du Maroc se caractérise par la suppression violente de la dissidence et des protestations non violentes des Sahraouis autochtones. Les arrestations, l’incarcération, la torture, les disparitions, les abus et l’apartheid économique ont entraîné un nettoyage ethnique et l’exode de quelque 200 000 personnes vers l’Algérie, la Mauritanie, l’Espagne, la France, les États-Unis, le Canada et l’Amérique latine. À cet égard, la présence de l’ONU dans la région sous l’égide de l’organisation d’un référendum est assimilée aux accords d’Oslo entre Israël et l’Autorité nationale palestinienne en 1993, par lesquels un accord partiel a été conclu, laissant de côté le statut de Jérusalem et le droit de retour des Palestiniens en exil – tandis que la construction de colonies illégales augmentait de manière exponentielle et qu’Israël commençait la construction de son mur frontalier d’apartheid.
    Dans sa célèbre déclaration sur l’Afrique du Sud devant le Comité spécial contre l’apartheid au siège de l’ONU à New York en 1990, le défunt révolutionnaire anti-apartheid Nelson Mandela a déclaré : « Nous saisissons également cette occasion pour saluer chaleureusement tous les autres qui luttent pour leur libération et leurs droits de l’homme, notamment les peuples de Palestine et du Sahara occidental. Nous vous recommandons leurs luttes, convaincus que nous sommes tous touchés par le fait que la liberté est indivisible, convaincus que le déni des droits de l’un diminue la liberté des autres. »
    Comme c’est le cas avec l’appropriation par Israël des terres palestiniennes internationalement reconnues après les accords d’Oslo, et en violation de cet accord de paix historique, le Maroc a saboté le processus de référendum. Dans le même temps, les Nations Unies en général, et le Conseil de sécurité en particulier, sont restés muets alors que le Maroc a accéléré l’ampleur et la portée de son projet colonial avec l’aide et l’œil aveugle de deux membres permanents du Conseil de sécurité : les États-Unis et la France. Le Maroc a consacré 20 milliards de dollars à son objectif stratégique de sécurisation du Sahara Occidental, et ses principaux fournisseurs d’armes sont les Etats-Unis, avec une part de 53%, suivis par la France avec 44%.
    Selon Mohamed Brahim de l’Association Sahraouie aux Etats-Unis, « l’ONU ne peut pas ou ne veut pas forcer le Maroc à respecter le référendum, en particulier en raison de la présence et de l’influence des Etats-Unis et de la France – deux alliés au Conseil de Sécurité qui ont des intérêts géopolitiques et financiers dans les grandes ressources du Sahara Occidental. »
    Le territoire est riche en phosphates, en poissons, en uranium, en sel, en minéraux, en sable et en potentiel de forage pétrolier off-shore. Le plus long tapis roulant du monde, qui peut être vu de l’espace, s’étend sur 98 kilomètres de la ville minière de Bukraa au port d’El-Aioun dans le Sahara Occidental occupé.
    Cet empilement des cartes en faveur du Maroc par les États-Unis remonte à des décennies. En 1975, le Secrétaire d’Etat Henry Kissinger a dit au Président Gerald Ford qu’il espérait « un vote truqué de l’ONU » affirmant la souveraineté marocaine sur le territoire. Les administrations successives des deux partis ont soutenu le Royaume, qui a depuis 2019 acheté pour des milliards de dollars d’armes américaines. La Fondation Clinton a obtenu 12 millions de dollars de dons du roi Mohammed VI et de sociétés privées marocaines, après quoi la secrétaire d’État Hillary.
    Clinton a encouragé le Maroc à abandonner le référendum parrainé par l’ONU en faveur d’un règlement négocié avec le POLISARIO. Cela aurait eu pour effet de reléguer les dirigeants sahraouis à un régime fantoche marocain, comme de nombreux Palestiniens considèrent aujourd’hui que l’Autorité palestinienne se plie à Israël après Oslo.
    « Comme le gros de l’armée marocaine est stationné au Sahara occidental occupé, il est probable que les armes seront utilisées dans la guerre en cours contre la population civile. »
    Plus récemment, en 2018, l’administration Trump a déplacé l’ambassade des États-Unis en Israël à Jérusalem, et a annoncé le mois dernier qu’elle ouvrait un consulat à Dakhla, au Sahara occidental occupé. Ces deux déplacements ont été effectués au mépris flagrant et en violation du droit international relatif au statut de ces territoires, et pris tout en prétendant être un arbitre neutre dans les deux régions.
    En ce qui concerne la vente carte blanche des États-Unis de 11,3 milliards de dollars d’armes au Maroc depuis 2019, leur récente décision de reconnaître la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental recadre et relègue l’occupation brutale à une situation de troubles civils et d’insurrection plutôt qu’à une guerre internationale – ce pour quoi les États-Unis pourraient être tenus en échec par le Congrès ou tenus responsables par l’ONU pour avoir aidé et encouragé.
    « Il est difficile de dire où le Maroc va utiliser ces armes. Il y a maintenant une guerre ouverte entre l’armée sahraouie et l’armée marocaine », a déclaré l’ambassadeur Sidi Omar, représentant du Front POLISARIO à l’ONU à New York, lorsqu’on lui a demandé si le Maroc allait utiliser ces armes contre le mouvement de résistance sahraoui et les camps de réfugiés en Algérie. « Comme le gros de l’armée marocaine est stationné au Sahara occidental occupé, il est probable que les armes seront utilisées dans la guerre en cours contre la population civile. »
    Les civils sahraouis, il faut le noter, ont patiemment et de bonne foi pratiqué la désobéissance civile non-violente pendant 29 ans, tout en coopérant pleinement avec le mandat de l’ONU pour un référendum. Ce qui est certain, a ajouté Omar, c’est que « la poursuite du conflit armé au Sahara occidental aura des conséquences désastreuses sur la paix et la stabilité dans notre région. »
  • Le Maroc provoque l’Algérie: Qui sème le vent récolte sa tempête

    Pour faire dans la manipulation de l’opinion publique internationale et retarder par la même occasion le referendum de l’autodétermination du peuple Sahraoui qui lutte pour son indépendance depuis 1975, le Makhzen fait dans la provocation comme d’habitude contre l’Algérie qui ne partage pas les même visions et stratégie politique.

    Le Maroc s’en prend encore une fois contre l’Algérie. L’Algérie répond avec sagesse politique et diplomatique sans failles. Se trompant souvent de cibles, le royaume marocain qui vie dans le désespoir distribue des tracts clandestinement ou de manière informelle dans une institution international qui a dit son mot depuis longtemps sur la justesse de la cause du peuple Sahraoui. 
    Le makhzen, ne sait pas que le mouvement autonome MAK est prêt à même se dissoudre pour répondre au makhzen qui réprime la région du RIF. Le RIF aussi est un mouvement populaire Marocain qui veut son autonomie et détachement du makhzen et du Royaume injuste et colonialiste. Le makhzen doit compter le nombre des prisonniers du RIF et du peuple Sahraoui avant de soutenir tel ou tel mouvement. 
     Le makhzen doit répondre au RIF qui réclame la démocratie dans un Royaume colonialiste et dictateur jusqu’aux dents. Surtout après avoir établi des rapports secrets entre les services et marocain avec des éléments du MAK. Eh bien, les éléments du MAK ne sont pas des boucs émissaires marocains pour se soumettre à votre ordre. L’adage populaire algérien le dit si bien « Je déteste mon frère, mais, je déteste beaucoup plus celui qui le frappe». 
    Il suffit de connaitre le terrain et nous sommes sur le terrain pour répondre au makhzen que votre soutien à tel ou tel mouvement est caduc d’avance. Ce n’est pas la première fois que le makhzen fait dans la provocation. Le makhzen ne sait plus à quel sain se vouer ni à quelle institution internationale se plaindre en raison de l’avancement de la cause du peuple Sahraoui. 
    Le Maroc fait face à une double pression interne et externe depuis son rapprochement avec l’entité sioniste, un autre colonisateur de la Palestine et qui se sème la mort et la honte dans le moyen orient dévasté par les guerres entre les pays de la région. 
    Le Maroc se trouve et se retrouve victime de la politique du makhzen qui exploite les richesses d’un autre pays voisions d’une part et d’autres part, alimente le marché mondiale de la drogue via les frontières algérienne, un autre pays voisin qui lutte pour le droit des peuples dans le cadre la légalité internationale. Ce sont deux politiques et deux pays incomparables. 
    L’Algérie active dans la transparence et la légalité internationale. Le Maroc, fait dans le chantage et la nuisance régionale et internationale. Il y a des limites à tout.
    A. C.
    Algérie62, 18/07/2021
    Etiquettes : Maroc, Algérie, Kabylie, Rif, Makhzen, répression, Sahara Occidental, autodétermination, 
  • Nouvelle-Calédonie : vers un troisième référendum sur l’indépendance en septembre 2022

    Sans surprise, le parti indépendantiste FLNKS (Front de libération nationale kanak et socialiste) a demandé jeudi à l’État français d’organiser un troisième et dernier référendum sur l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie. Prévue par l’accord de Nouméa, cette consultation devrait se tenir en septembre 2022.

    Les indépendantistes du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) ont demandé à l’État, jeudi 8 avril, l’organisation du troisième et dernier référendum sur l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie prévu par l’accord de Nouméa (1998), qui organise la décolonisation progressive du « Caillou ».

    Le Bureau politique de la coalition indépendantiste a acté jeudi « une démarche unitaire » consistant en l’envoi au haut-commissaire de la République d’un seul courrier, signé des deux groupes FLNKS au Congrès, l’Union nationale pour l’indépendance (UNI) et l’Union calédonienne (UC), a indiqué à l’AFP Victor Tutugoro, membre de ce bureau.

    Ceux-ci, auxquels s’est jointe une élue d’un parti séparatiste minoritaire, représentent 26 élus sur 54.

    Depuis la date du 4 avril, soit six mois après le précédent scrutin du 4 octobre 2020, un minimum d’un tiers des élus du Congrès peut demander la tenue du troisième et dernier référendum inscrit dans l’accord de Nouméa.

    Consensus pour septembre 2022

    Alors que des divergences opposaient l’UNI et l’UC sur la date du troisième référendum, un consensus a par ailleurs été trouvé pour qu’il ait lieu en fin de période « en septembre 2022 », a-t-on indiqué de même source.

    Redoutant une victoire de Marine Le Pen à l’élection présidentielle de 2022, l’UNI préconisait une organisation du scrutin dès 2021, mais les contextes politique et sanitaire ont remis en cause cette option.

    L’État dispose d’un délai de 18 mois pour organiser la consultation, qui interviendra après celle du 4 novembre 2018 remportée avec 56,7 % des voix par les partisans du maintien dans la France et celle du 4 octobre 2020, que ces derniers ont également gagnée mais avec un score plus étroit de 53,3 %.

    L’accord de Nouméa prévoit la même question que lors des deux précédents scrutins : « Voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante ? », ce qui suscite des réticences côté loyaliste.

    « Nous ne souhaitons pas une troisième consultation qui divise, mais une solution d’avenir pour les Calédoniens », a déclaré à la télévision Caledonia Virginie Ruffenach, cheffe du groupe Avenir en confiance (AEC) au Congrès.

    L’élue a en outre souhaité que ce référendum « imposé » par les indépendantistes « se passe le plus rapidement possible ».

    Session de travail à Paris fin mai

    Le Premier ministre, Jean Castex, a invité les dirigeants calédoniens à Paris du 25 mai au 3 juin prochains « pour une session d’échanges et de travail » afin de préparer l’après-accord de Nouméa.

    « On se doit d’envisager le oui et le non. (…) Les Calédoniennes et les Calédoniens ont le droit de savoir pour quoi ils votent », a déclaré jeudi Sébastien Lecornu, ministre des Outre-mer, dans une interview conjointe au Monde et au quotidien local, Les Nouvelles-Calédoniennes.

    « Nous avons fait travailler les services de l’État sur les implications en matière monétaire, bancaire, sur le nickel, sur le lien avec la République, les questions de citoyenneté, les questions régaliennes… Tous ces documents seront communiqués et pourront être consultés par les différents acteurs », a ajouté Sébastien Lecornu.

    Depuis le 17 février, les membres du gouvernement collégial de Nouvelle-Calédonie tentent d’élire un président, sans succès en raison de dissensions entre les indépendantistes, qui disposent de la majorité au sein de l’exécutif pour la première fois depuis le début de l’accord de Nouméa.

    Le scrutin voit s’opposer les deux courants du FLNKS : l’Union calédonienne a présenté Samuel Hnépeune, jusqu’alors président du Medef, et l’Union nationale pour l’indépendance a proposé Louis Mapou, actuel chef du groupe UNI-FLNKS au Congrès.

    Avec AFP

    France24, 8 avr 2021

    Etiquettes : Nouvelle Calédonie, référendum, Indpéndance, autodétermination, Nouméa, Front de libération nationale kanak et socialiste, FLNKS, Union calédonienne, UC, Victor Tutugoro, 

  • « La démocratie ce n’est pas compter les voix »

    Interview du philosophe Francis Wolff
    Nous aurions tort de circonscrire nos réflexions sur la situation calédonienne à la seule analyse de son histoire singulière. Les questions auxquelles nous devons répondre pour imaginer notre destin commun sont largement universelles et même philosophiques.
    L’un des plus grands penseurs français a accepté de livrer son analyse sur les problématiques auxquelles est confrontée la Nouvelle-Calédonie : questions identitaires, décolonisation, vivre-ensemble, particularismes et universalisme.
    Dans cet entretien inédit et passionnant qu’il nous a accordé, Francis Wolff, professeur émérite de philosophie à l’École normale supérieure de la rue d’Ulm, grand penseur de l’universel, spécialiste de la philosophie antique, livre des réflexions particulièrement éclairantes à l’heure où les fils du dialogue ont tant de mal à être renoués…

    Le second référendum d’autodétermination s’est soldé par un résultat clivant confirmant l’existence d’un vote largement ethnique et identitaire, et la persistance de deux blocs politiques de poids équivalent, 53% des Calédoniens s’étant prononcés contre l’indépendance et 47% en faveur d’un nouvel État. Nous sommes donc dans une forme d’impasse. Depuis 40 ans, la vie politique calédonienne repose sur des socles identitaires : les indépendantistes sont en majorité kanak, les « loyalistes » non kanak. Comment trouver une solution pérenne de vivre-ensemble qui nous sorte de cette logique identitaire alors qu’elle est « le fonds de commerce » des principaux partis politiques ?

    Je souhaite tout d’abord préciser que je ne suis pas spécialiste de la Nouvelle-Calédonie. Cependant, il me semble comprendre, pour ce que j’ai pu en lire, que vous souffrez d’une fausse conception de la démocratie. La fausse conception de la démocratie revient à compter les voix. Or, dans votre situation, sur la question de l’indépendance, compter les voix reviendra toujours, ou pour longtemps, à vous diviser en deux blocs quasi-égaux, un moitié-moitié, 50/50, qui de surcroît recoupe les origines des électeurs, créant une scission d’autant plus profonde. Je ne remets nullement en question le bien fondé d’un référendum ; mais je pense que ce scrutin n’est pas la solution.

    La démocratie n’est pas le régime où l’on compte les voix ; c’est le régime de la délibération collective. Pour les anciens Grecs, le régime démocratique existe quand face à un problème les hommes discutent en s’écoutant les uns les autres pour trouver une solution, qu’ils soient 5, 10, 10 000 ou un million. Dans la Politique, Aristote fait même l’apologie du principe de la délibération collective, qui est selon lui supérieure à l’avis des experts les plus savants et les mieux informés. Pour lui, la délibération doit être suffisamment longue pour que les participants finissent par s’écouter, se comprendre et que leurs avis, au lieu de se neutraliser, s’enrichissent. Ainsi, la décision qui en ressort sera meilleure que celle qui aurait été donnée par le meilleur expert.

    Pour Aristote, la démocratie n’est pas un régime juste parce que le pouvoir est aux mains du peuple. Il est le régime le plus juste, parce que le peuple, collectivement, juge plus justement. Par conséquent, je pense que pour la Nouvelle-Calédonie, la seule solution est, et sera, le dialogue à court, moyen et long terme.

    Vous souffrez d’une fausse conception de la démocratie

    Dans votre livre, vous soulignez l’importance de l’éthique de l’égalité dans le dialogue pour que celui-ci puisse être constructif.

    L’égalité dans le dialogue ne se décrète pas. Elle est le fruit des institutions dans lesquelles elle s’insère. Il ne suffit pas de parler avec quelqu’un pour dialoguer. Un dialogue ne fonctionne pas s’il y a un sentiment d’asymétrie au départ. Il faut des institutions (école, assemblées) qui garantissent l’écoute pour que cette éthique de l’égalité s’impose progressivement aux individus. Ce n’est pas seulement une question de bonne volonté.

    Effectivement, nos élus, des deux bords, appellent sans cesse au dialogue, mais finissent souvent par quitter les instances de discussion avec fracas, en s’estimant incompris ou trahis. Le dialogue est-il impossible ?

    Dans votre situation, les conditions du dialogue sont fragilisées par le contexte de la décolonisation. Vos difficultés à vous parler masquent un présupposé – je ne juge pas de sa pertinence mais je dis qu’il phagocyte la possibilité de se parler : il y aurait une inégalité fondamentale entre ceux qui s’estiment être victimes ou dominés ; et ceux dont on estime qu’ils sont les bourreaux ou les dominants. Ce présupposé rend les décolonisations tragiques parce que le dialogue est difficile, voire impossible. Pour faciliter le dialogue, la solution est forcément à terme une identité créolisée, mouvante et multiple qui serait le fruit de différentes institutions de dialogue. Le dialogue et la créolisation ne pourront se faire qu’en passant par des institutions de dialogue, comme l’école, ou des assemblées, où les gens peuvent s’écouter mutuellement et s’enrichir de l’autre.

    La solution est forcément à terme une identité créolisée

    Dialogue, créolisation… Pour sortir de notre impasse, il faut donc dépasser nos blocages identitaires. Je m’interroge face à cette « hypertrophie » identitaire : pourquoi l’être humain a-t-il tant besoin de se rattacher à une identité, et pas uniquement en Nouvelle-Calédonie ? Dans votre ouvrage Plaidoyer pour l’universel, vous expliquez que face à la mondialisation, il existe partout sur la planète des replis identitaires qui peuvent finir par menacer le vivre-ensemble. Pourquoi sommes-nous si attachés à être Kanak, Australien, Chinois, Catalan, Basque, Wallisien, Caldoche etc. Ne peut-on pas se contenter d’être simplement un Homme (au sens large), ici comme ailleurs ?

    Non, nous ne pouvons pas être « simplement » des Hommes sans autre identité car nous sommes des êtres sociaux, des êtres relationnels ! C’est à la fois le drame et le salut de l’humanité. Je me sens « moi » quand je suis reconnu par mes parents, par mes voisins, etc. Il y a une dialectique de la reconnaissance : je ne peux m’identifier à un groupe, à un « nous », qu’à partir du moment où je me sens reconnu comme tel dans un groupe. Mais l’identité s’établit aussi par différence : je suis un homme (en terme de genre) car je ne suis pas une femme par exemple. Il y a une forme de mouvement paradoxal dans la formation de nos identités où l’on doit être semblable de certains et différent des autres. Mais c’est toujours dans la relation aux autres que se forgent nos identités : grâce à nos médiations sociales, historiques et géographiques, nous existons de mille façons !

    Le vrai problème n’est pas l’identité mais la réduction des identités à une seule, comme si nous faisions fi de toutes nos rencontres pour n’en retenir qu’une seule. Cette logique est à l’œuvre dans tous les fanatismes où les individus se définissent uniquement par leur religion, ou leur sexe, ou leur origine, etc. Il faut prendre garde à cette tentation d’enfermement dans une identité « unique » quelle qu’elle soit. Dès qu’une identité devient envahissante, le fanatisme guette et l’universel se perd.

    Il faut prendre garde à la tentation d’enfermement dans une identité «unique»

    La question identitaire a sous-tendu toutes les guerres ! Comment expliquez-vous cette puissance de l’idée identitaire qui peut pousser les hommes à donner leurs vies pour elle ?

    Toute la grandeur et le tragique de la condition humaine est là. L’Homme donne sa vie pour des valeurs qu’il estime au-dessus de lui, qu’elles soient métaphysiques, spirituelles ou nationales. Les marxistes appelaient cela l’idéologie….

    Votre dernier ouvrage est un plaidoyer pour l’universalisme. Il me semble qu’une perspective universaliste telle que la vôtre, pourrait être une solution à nos problèmes en Nouvelle-Calédonie. Pour les lecteurs calédoniens, pouvez-vous nous expliquer votre propos ?

    L’universel, c’est la croyance que ce qui nous lie est plus fort que ce qui nous différencie et que nous partageons des valeurs universelles communes à tous les hommes. L’idée universaliste repose en grande partie sur l’héritage des Lumières. Grâce à ce mouvement philosophique, la rationalité s’est imposée. Désormais on a foi en l’homme doué de raison, on croit au savoir, à la science, en la possibilité d’un accord social et politique raisonné entre les hommes.

    Il est vrai qu’aujourd’hui l’universel est fragilisé partout sur la planète. Nous sommes dans un moment paradoxal : nous avons de plus en plus conscience de faire partie du même monde mais au lieu que notre conscience d’humanité soit renforcée, cela engendre des craintes d’une uniformisation. Face à cela, on constate une crispation identitaire, un repli xénophobe et la montée des populismes sur tous les continents. Vous semblez me dire qu’il existe aussi, évidemment, des replis identitaires en Nouvelle-Calédonie, d’autant que vous avez une histoire coloniale qui les exacerbe.

    On constate des crispations similaires en France métropolitaine, avec une montée des extrêmes et l’émergence d’une politique de l’identité, aussi bien à droite, qu’à gauche. Ce qui était pensé en terme de conflits sociaux et d’inégalités, est aujourd’hui de plus en plus analysé en terme d’identités et de différences. Nous avons remplacé l’approche marxiste des problèmes sociaux et des conflits, qui les envisageait en termes d’opposition de classes, par une approche identitaire. Autrement dit, on repense les différences identitaires de nos sociétés comme si nous étions dans une perspective dominants /dominés. Implicitement, ce raisonnement nous place dans une réalité qui serait toujours conflictuelle. Je ne nie pas qu’il existe des conflits dans nos sociétés, des différences, des dominants, et des dominés. Mais, pour sortir des conflits, il faut sortir de cette logique binaire qui nous enferme. Tous les esprits raisonnables doivent défendre les valeurs universelles.

    Mais l’universalisme n’est-il pas l’ennemi des différences ? Pour revenir à la Nouvelle-Calédonie, si nous adoptons une perspective universaliste, n’allons-nous pas « dissoudre » les identités particulières, et notamment l’identité kanak ?

    Universalité et différence ne s’opposent pas. L’universel, loin d’être l’effacement des différences est, au contraire, la condition de leur coexistence. Le meilleur exemple est la laïcité. Ce principe universel n’est pas une croyance : c’est la possibilité de la coexistence de toutes les croyances. Être laïc ce n’est pas renoncer à sa croyance, c’est reconnaître la possibilité que d’autres croyances peuvent exister. Dans notre société, l’universel est cette deuxième couche, purement formelle qui rend possible la coexistence des différences. L’universel n’est pas la prévalence d’une identité sur une autre. Elle n’écrase aucune différence, au contraire elle permet à toutes les différences de s’exprimer.

    En Nouvelle-Calédonie, il me semble que les accords de Matignon, puis de Nouméa, ont mis en place les conditions de cette coexistence pacifique avec la reconnaissance des identités et la possibilité pour ces identités de se mêler grâce aux institutions qui favorisent le dialogue. Sans doute que, chez vous, l’idée universaliste doit d’abord passer par une plus longue phase de coexistence, qui mènera vers une intensification de la « créolisation »…

    L’universel permet à toutes les différences de s’exprimer

    Parler de « créolisation » dans un contexte de décolonisation peut effrayer certains et apparaître comme une volonté de diluer l’identité kanak dans une identité occidentale. Est-ce que l’universalisme n’est pas le cheval de Troie identitaire de l’Occident ?

    L’universel peut naître partout ! Il y a des Antigone dans toutes les cultures et civilisations : des hommes et des femmes qui parlent au nom de l’universel et défendent des valeurs humanistes au-dessus des identités du moment. L’universel ne se limite pas aux valeurs édictées par les philosophes des Lumières en Europe. Il s’exprime dans les écrits (ou les discours) du monde entier depuis l’Antiquité ! Pensons aux philosophes Averroès ou Avicenne dans le monde arabe, à l’empereur indien Açoka qui défendait les libertés individuelles, ou encore à la charte du Manden en Afrique, etc. Il y a de l’universel dans toutes les cultures du monde.

    Mais effectivement, malheureusement, l’universel est souvent associé exclusivement – à tort – à l’Occident. Or, nous n’avons pas le monopole de l’universel. Par ailleurs, l’Occident devrait manier l’universalisme avec humilité vu les massacres dont il s’est rendu coupable en son nom, notamment pendant la colonisation.

    Justement, cela explique-t-il pourquoi il est si difficile dans un contexte de décolonisation de légitimer cette idée universaliste ? Il est vrai que la colonisation s’est faite au nom d’idéaux universalistes…

    Oui, mais pas seulement. Avec les décolonisations, nous sommes typiquement dans un cas où l’identité passe par la notion de victime. Une partie des individus se définissent par le fait qu’ils ont été fondamentalement spoliés. Ce qui les définit, c’est ce qui leur manque et qu’on leur a pris. C’est le drame de la situation coloniale : il est extrêmement difficile d’en sortir car l’identité passe par la notion de victime. Pourtant, nul ne doit s’enfermer dans cette position qui contient un ferment potentiellement délétère. Les grands massacres de l’histoire, comme le génocide du Rwanda, ont été perpétrés par des peuples qui s’estimaient victimes et spoliés. Je ne dis pas que tous les peuples colonisés sont des génocidaires en puissance. Mais, dans les décolonisations, le grand drame tient en cette définition asymétrique des identités. Les individus se définissent ou sont définis comme victime ou bourreau. Il faut tenter d’en sortir par des récits communs et des institutions de dialogue.

    Avec les décolonisations, l’identité passe par la notion de victime

    Pour corriger les stigmates de la colonisation, notre contrat social calédonien a adopté une perspective différentialiste et identitaire. C’était une nécessité ! On a appelé cela le « rééquilibrage » en faveur des Kanak. Après 30 ans de cette politique, et même chez les jeunes qui n’ont jamais connu la période coloniale ou ses stigmates les plus criants, il reste l’idée vivace de la spoliation et la question identitaire est très forte. Nombre de mes amis kanak m’ont dit voter pour l’indépendance parce qu’ils étaient Kanak, tout en espérant que l’on reste français pour l’instant. C’est le vote du cœur, disent-ils. Je constate ces paradoxes avec intérêt. Comment expliquer cette force de l’identité qui contraint la raison ?

    Quand les gens ont le sentiment de n’être pas grand-chose, ils se raccrochent à une identité rassurante. Au Brésil, où j’ai vécu quelques temps, j’ai observé une forme de nationalisme du pauvre : quand on n’a peu de moyen d’être quelque chose ou quelqu’un, l’identité de la nation devient très valorisante. C’est de nouveau la possibilité de se raccrocher à un groupe, même s’il est la plupart du temps imaginaire.

    Je critique très violemment l’idée de nation dans mon ouvrage Trois utopies contemporaines. Cette notion est une pure création, très bancale. La nation reposerait sur quatre sources supposées (ethnique, linguistique, religieuse et politique) qui ne s’accordent jamais entre elles. Contrairement aux idées reçues, le nationalisme ne découle pas de la nation ! Il n’y a pas de nation en soi qui préexiste, et dont l’expression expansionniste ou politique serait le nationalisme. En réalité, l’idée de nation est le fruit du nationalisme. Les hommes, avec un projet nationaliste, ont créé ce concept pour fonder une unité. Par conséquent, dans l’histoire, la nation est en constante évolution.

    Quand j’étais enfant, j’ai appris à l’école que la nation française allait de Dunkerque jusqu’à Tamanrasset. C’était la vision colonialiste (donc nationaliste) de la nation. Ce nationalisme conquérant et dominant a produit par réaction un nationalisme résistant, celui du dominé, qui a heureusement conquis l’indépendance. Mais ce nationalisme algérien a ensuite été à l’origine de quelque chose qui n’existait pas avant : la « nation » algérienne, qui a causé d’autres drames (expulsion des juifs ou des pieds-noirs, qui n’étaient pas tous des exploiteurs, des harkis, etc.) et n’a réussi à régler aucun des problèmes du pays. La nation c’est un « nous » qui permet l’identification des individus à un groupe qui va leur donner une raison d’être, qui va les faire sentir exister. Dans une situation comme la vôtre, issue d’une longue histoire semée de conflits, les individus continuent de se définir par ce qu’ils croient être une manière unique de raconter l’histoire.

    En quoi le regard que nous portons sur notre histoire et sur nous-mêmes est fondamental pour dépasser nos clivages identitaires ?

    L’identité existe dans les récits et par les récits. Chacun(e) commence à exister quand il ou elle peut dire son histoire : « je suis né(e) tel jour à telle heure ». C’est pareil pour un groupe, pour une nation. « Nos ancêtres les Gaulois », nous savons que c’est faux ; mais c’est un récit qui donne sens à l’idée de nation. D’autres récits vont donner sens à l’idée de religion. L’une des issues, pour sortir de ces impasses identitaires, c’est la délibération en commun ; l’autre c’est l’histoire, le roman national. Quel récit créolisé, au-delà des identités clivées, peut être fait de la Calédonie ? Une histoire qui dépasse ces récits tronqués auquel chacun finit par s’identifier car il n’y a pas d’autres identités à disposition.

    Quel récit créolisé, au-delà des identités clivées, peut être fait de la Calédonie ?

    En Nouvelle-Calédonie, comme ailleurs, comment peut-on jongler entre nos différentes identités ?

    Le monde moderne nous permet de nous définir de multiples manières. Désormais nous parlons d’identités métissées. L’individu moderne par excellence est créolisé : son identité évolue au grès de ses rencontres comme l’a théorisé Édouard Glissant. « Je peux changer en échangeant avec l’autre, sans me perdre pourtant ni me dénaturer. » disait-il. Le défi de nos sociétés, si nous souhaitons atteindre l’universel, est de parvenir à laisser s’exprimer toutes ces identités dans le respect des différences sur fond d’une éthique de l’égalité. Il ne doit pas y avoir de suprématie de l’une sur l’autre. Nous devons trouver cet équilibre, sachant qu’il n’est jamais le même selon les situations. Le vrai humanisme repose à la fois sur une éthique de l’égalité et sur une politique des différences.

    Le vrai humanisme repose à la fois sur une éthique de l’égalité et sur une politique des différences.

    Très concrètement, quand on vit dans un territoire où se confrontent des cultures et des coutumes parfois antagonistes, comment réconcilier le particulier et l’universel ?

    Un exemple : la place des femmes en Calédonie. Lors de l’inauguration d’une maison pour les droits des femmes en brousse, une « coutume » a eu lieu comme le veut la tradition kanak. Les hommes ont parlé. Les femmes sont restées derrière silencieuses. A titre personnel, en tant que femme et Calédonienne, j’ai deux réactions antagonistes. La Calédonienne créolisée, qui respecte profondément la culture kanak, comprend. Je sais que les femmes parleront après, sûrement entre elles. Mais, la femme universaliste est indignée, comme elle le serait dans un milieu machiste et patriarcal partout dans le monde. Je sais que la femme est un homme comme un autre et qu’elle devrait parler pendant la cérémonie ! Les grandes idées ont parfois du mal à résister à la réalité…

    Vous souffrez en Nouvelle-Calédonie d’un excès de richesses d’identités. C’est une bonne maladie ! Le mal est provisoire car le mouvement historique, dès lors qu’il y a des institutions coutumières qui s’inquiètent de la situation des femmes, ira forcément vers une transition en faveur d’une égalité entre les hommes et les femmes. Vous portez tous sur vous épaules les contradictions de votre Terre.

    Vous avez sans doute raison. D’ailleurs les lignes bougent. Et, à titre personnel, je prends souvent la parole dans les coutumes. Mais, je suis « blanche et ainsi les hommes, et la société, tolèrent mieux cette entorse au protocole.[1]

    Dans ce contexte de décolonisation, comment rendre audible le discours universaliste, ou plus modestement un discours nuancé ? On reproche facilement aux universalistes, injustement il me semble, de nier la colonisation, ou au contraire de céder à la naïveté dans leur approche « égalitaire » car nos différences seraient irréconciliables surtout en contexte post-colonial.

    Il ne faut jamais renoncer à défendre la nuance et l’universalisme. Il faut toujours tenter d’être clair à condition de ne pas montrer d’arrogance. On nuit à l’universalisme quand on le présente comme un discours tout puissant incarnant à lui seule la rationalité. Si dans un dialogue à l’écoute de l’autre, en faisant attention aux nuances de sa propre pensée, on soutient des idées claires et distinctes, il en restera quelque chose. Il ne faut pas faire de concessions sur le fond. Il faut être soucieux que la forme demeure égalitaire et symétrique pour que le discours universaliste soit entendu.

    Pour finir, l’universalisme n’est-il pas une utopie qui nous fait perdre du temps ? Ne doit-on pas être des pragmatiques et accepter que nous sommes trop différents pour trouver ce qui nous relie ?

    L’universel est une bonne utopie ! L’utopie maximale serait de se considérer citoyen du monde. Au XXème siècle, les utopies sont devenues fatales quand on les a transformées en machine totalitaire pour éradiquer « le mal ». Il existe des utopies salvatrices comme la démocratie : un idéal dont nous souhaitons nous approcher même si nous ne parvenons pas totalement à l’atteindre. De la même manière, le cosmopolitisme universel est une bonne utopie dont il peut résulter du positif. La globalisation du monde, comme la pandémie actuelle nous le rappelle, doit avant tout susciter la conscience que nous formons une seule humanité.

    L’universel est une bonne utopie !

    Comment pourrions-nous en Nouvelle-Calédonie nous rapprocher d’une société universaliste et nous détacher de nos différents prismes identitaires ?

    Il me semble que vous devriez travailler vos espaces de délibération collective, réfléchir à vos récits créolisés, et identifier des périls communs que vous devez affronter tous ensemble, comme le changement climatique peut-être ? Dans l’histoire, quand les peuples ont affronté des menaces communes, ils ont su mettre de côté leurs désunions pour se souder et avancer ensemble.

    Entretien réalisé par Jenny Briffa, à Nouméa, avec Jean-Baptiste Diebold à Paris, le 20 octobre 2020.

    [1] Plusieurs amis et chefs kanak m’ont dit que des femmes kanak pouvaient également prendre la parole lors des coutumes quand elles ont des responsabilités coutumières. Mais cela reste rarissime.

    Source : Entre oui et non, 3 jan 2021

    Tags : Nouvelle Caledonie, peuple kanak, autodétermination, décolonisation,

  • Palestine : Le deal de toutes les prédations

    Trois grands conflits en Afrique et au Moyen Orient ont jeté un voile sur un vieux problème que l’humanité traîne depuis plus de 70 ans. En effet, le Mali, la Libye et la Syrie vers où convergent les inquiétudes des Occidentaux, des Africains et des Arabes, ont relégué au second plan la question de décolonisation en Palestine. La récente sortie de Trump avec son «deal du siècle» renseigne, si besoin, des conséquences de l’absence de vigilance sur le dossier palestinien.

    Certes, les deux époques sont différentes, l’origine des conflits également, mais l’on constate dans les deux cas une volonté occidentale de maintenir la plaie ouverte. Les Britanniques, les Français et les Américains, le trio de pays qui n’ont pas hésité à attaquer l’Egypte de Nasser en 1956, pour sauver Israël, pousser ces dernières années les pays du monde à entrer dans un conflit international et ouvert contre la Syrie. Un seul objectif sous-tend cette attitude guerrière: fragiliser au maximum le pays-cible pour le rendre dépendant de leur volonté et l’offrir à Israël, dont le rêve de contrôler le monde arabe, n’a jamais été aussi près d’être réalisé.

    Dans ce monde arabe, il y a également l’Algérie. Après l’échec de l’anéantissement de cette grande Nation, le même trio milite «secrètement» pour allumer la mèche d’un autre conflit aux conséquences insoupçonnables aux frontières sud et est du pays. Pareille perspective n’anéantira certainement pas l’Algérie, mais risque de l’affaiblir au sens où elle aura, en tant que puissance régionale, à gérer une situation inextricable où des dizaines de pays impliqués dans la guerre, voudraient tirer profit de la situation.

    Le but des Occidentaux à travers l’internationalisation des conflits libyen, syrien et malien, est sans doute de créer des foyers de tension permanents qui viendraient s’ajouter à la question palestinienne. Cela reléguera aux calendes grecques le règlement d’une des plus importantes et légitimes revendications de l’humanité depuis l’imposition par les pays du tiers-monde du principe de l’autodétermination.

    Il est vrai que ces conflits arrangent deux alliés objectifs de l’Occident: Israël. Le printemps arabe et Daech ont complètement occulté les souffrances du peuple palestinien encore sous le joug de l’occupation. Comme quoi les «Révolutions» et le terrorisme servent les pouvoirs les plus injustes de la planète.

    Par Nabil G.

    Ouest Tribune, 12 fév 2020

    Tags : Palestine, Etats-Unis, Israël, deal du siècle, autodétermination, Proche Orient, monde arabe, terrorisme, Daech, printemps arabe,