Étiquette : Barkhane

  • Lamamra face aux grands conflits autour de l’Algérie

    RAMTANE LAMAMRA : Un diplomate au long cours face aux grands conflits autour de l’Algérie

    Le retour de Ramtane Lamamra à la tête de la diplomatie algérienne est accueilli avec une grande satisfaction, même si son prédécesseur n’a pas démérité eu égard aux nombreux dossiers et défis diplomatiques posés à l’Algérie.

    Au regard de son expérience et de sa grande renommée internationale, Ramtane Lamamra, faiseur de paix selon sa bonne formule va donner une nouvelle impulsion à la diplomatie algérienne.

    Lors de sa prise de fonction il a aussitôt donné le « la » en indiquant que la portée de l’action « proactive dans la politique étrangère », et les priorités de la diplomatie algérienne chargée « d’œuvrer dans le sens de l’unification des rangs dans la région, du maintien et du renforcement de son rôle pionnier sur le continent africain. » « Nous assistons à une instabilité et à des changements imprévisibles aux niveaux régional et international, d’où l’importance de l’action proactive qui nous érigerait en acteurs influents sur la scène internationale et nous permettrait d’apporter notre contribution, comme par le passé, à l’instar des pays dont l’influence sur le cours des évènements les plus importants dans l’histoire de la communauté internationale dépasse de loin leur poids économique ou leur dimension géographique ».

    Même s’il compte redonner à la diplomatie algérienne une place de choix sur la scène internationale le nouveau chef de la diplomatie algérienne a des priorités et notamment la crise en Libye et à la situation au Mali et au Sahara occidental.

    De par son passage aux ambassades de New-York et Washington mais aussi Addis Abeba et à l’UA a une approche clairvoyante du règlement des crises. C’est lors de son ministère que l’initiative des pays du voisinage de la Libye a été lancée par l’Algérie en privilégiant une solution politique et inclusive à la crise libyenne tout en insistant sur l’intégrité territoriale de la Libye.

    Il a aussi été l’artisan de l’accord de paix et de réconciliation au Mali. L’accord d’Alger qui redevient d’une brulante actualité et que les parties maliennes veulent mettre en application. Ils trouveront une oreille attentive d’autant que l’annonce a grand fracas du gel voire du retrait de la force Barkhane a ravivé les tensions et le terrorisme au nord Mali.

    L’action diplomatique de Ramtane Lamamra est d’autant plus efficace qu’il a été aussi Commissaire pour la paix et la sécurité à l’Union africaine et qu’il jouit d’un grand respect au sein de la famille africaine. Pour ce qui est du Sahara occidental, un processus de décolonisation inachevé et que le Maroc veut détourner de sa véritable nature en s‘appuyant sur une décision mort née de Trump, allant à la trahison de la Nation arabe, la diplomatie algérienne a toujours soutenu l’action de la diplomatie sahraouie qui a assené défaite sur défaite au Maroc, dans un splendide isolement.

    C’est dire que la nomination par le président Tebboune de Ramtane Lamamra intervient à un moment charnière de la diplomatie algérienne qui doit se redéployer alors que les enjeux géopolitiques exigent savoir-faire, expérience et renommée internationale.

    M. Bendib

    Le Courrier d’Algérie, 10/07/2021

    Etiquettes : Algérie, Ramtane Lamamra, Sahara occidental, Libye, Mali, Sahel, Barkhane, Maroc, expérience, diplomatie, renommée internationale,

  • Hassen Kacimi : « L’intervention de la France au Sahel constitue une atteinte aux droits de l’Homme »

    Entretien réalisé par Azzedine Belferag

    Le Président de la République a remis en cause l’approche du tout sécuritaire de la France au Sahel à travers le G5 Sahel et la Force Barkhane. Comment peut évaluer les interventions françaises dans la région ?
    La présence militaire française en Afrique est de nature coloniale . Juste après les indépendances des pays africains, la France a mis en place, en Afrique, des mécanismes de domination, à travers des accords bilatéraux de coopération et du système monétaire du franc CFA, qui ont permis de mettre les anciennes colonies françaises en Afrique sous une domination structurelle.
    Beaucoup de Présidents africains ont tenté, à leurs dépends, de sortir de cette tutelle coloniale. Depuis 1963 , la France a éliminé 22 Présidents africains, par le biais de coups d’Etat, montés de toutes pièces, par le système mafieux Rocard dont la mission a été de protéger les intérêts de la France en Afrique .
    Sarkozy, Hollande et Macron, ont tous déclaré que la francafrique est un système politique qui n’existe plus et que les relations avec les États africains sont construites d’égal à égal.
    La France a été ingénieuse en Afrique en essayant, de tout temps, de vernir la vitrine de la France coloniale en voulant se donner, en Afrique, l’image d’un pays qui vient défendre les peuples africains, contre le terrorisme, comme si la France, en Afrique, avait une réputation à défendre en matière des droits de l’Homme .
    Toutes les opérations militaires d’intervention française en Afrique ont été organisées, exclusivement pour défendre les intérêts de la France .
    On peut citer les opérations Sangaris [Centrafrique], Barkhane [Sahel], Serval [Mali], Epervier [Tchad], Licorne [Côte d’Ivoire] et Boali [Centrafrique]).
    L’intervention française au Rwanda, en finançant l’achat d’armes par le canal d’une banque française au profit des Hutus, a permis de commettre un génocide dans ce pays en éliminant environ un million de Tutsi. Le Président Macron vient de reconnaître, de manière sélective, la responsabilité de la France dans ce génocide.
    La force Barkhane en 2014 a pris le relais des opérations Serval et Epervier déployées, respectivement, au Mali et au Tchad pour soit disant combattre le terrorisme dans le Sahel.
    Si on doit évaluer les interventions françaises en Afrique, on peut tirer quelques enseignements très importants.
    L’intervention militaire française en Afrique a affaibli les États africains. Elle a permis l’apparition de groupes armés, l’extension du terrorisme, le recul de l’Etat qui a cédé des territoires entiers à des groupes armés et terroristes, l’apparition de mouvements séparatistes et l’accentuation des conflits inter-ethniques.
    L’intervention française en Afrique a produit en réalité l’affaiblissement de l’Etat et l’encouragement de groupes armés et du terrorisme, qui ont étendu le champ de l’insécurité et de la pauvreté, ayant jeté des pans entiers des populations sur le chemin de la migration.
    Le bilan français en Afrique est macabre. Il constitue une atteinte aux droits de l’Homme et aux droits des peuples de disposer de leurs richesses.
    Pensez-vous que l’approche adoptée l’a été beaucoup plus pour contrer les efforts algériens de réédification dans la région ?
    La France ne voit pas d’un bon œil le redéploiement de l’Algérie en Afrique. C’est pour cette raison que la France a toujours parasité les actions de l’Algérie, au profit de la monarchie marocaine, qui agit par procuration, sous commandement français.
    La France redoute fortement l’axe Algérie, Nigéria, Afrique du Sud, qui peut menacer les intérêts de la France, au nord de l’Afrique, dans le Sahel et au niveau de l’espace de la CEDEAO.
    Elle a d’ailleurs bizuté le CEMOC, mis en place à l’initiative de l’Algérie. C’est un état-major opérationnel dont le siège est à Tamanrasset. Il regroupe les quatre pays du champ : Algérie, Mali, Mauritanie et Niger.
    Pour contrecarrer le dispositif opérationnel mis en place, à l’initiative de l’Algérie, la France a mis en place le G5 du Sahel qui couvre 5 pays (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger et Tchad).
    Parallèlement à cela , la France a toujours, en coulisse, combattu l’Accord d’Alger qui a permis de trouver une solution politique, consensuelle, entre le nord et le sud du Mali, en dehors de la France .
    L’Accord d’Alger a torpillé le plan français de partition du Mali. La France a promis un État indépendant, au nord du Mali, à certains acteurs de la rébellion de l’Azaoued.
    L’Algérie, dans le cadre de l’Union africaine, a toujours milité pour une appropriation de la sécurité, qui remet en cause fondamentalement une conception coloniale, consistant à déléguer à la France la sécurité des États Africains. Cela constitue une autre forme coloniale de domination que l’Algérie rejette de toutes ses forces .
    Les Français chercheraient-ils à se retirer de la région qui est devenue un bourbier pour eux ?
    L’intervention de la France dans le Sahel constitue un échec total, au regard des résultats obtenus qui ont étendu l’insécurité et favorisé le développement du terrorisme et des groupes armés.
    La France a déployé, dans le cadre de la force Barkhan, plus de 5.000 soldats et une logistique qui nécessite un budget annuel, énorme, de 600 millions d’Euros .
    C’est vrai, la France ne finance pas seule tout ce budget. Elle fait de grosses ponctions sur les recettes des pays africains, grâce au système du franc CFA qui domicilie toutes les recettes en devises des pays de la CEDEAO, au niveau de la banque centrale française .
    Les Américains et les Européens rechignent à continuer à financer le G5 du Sahel, laissant seule la France s’embourber dans le Sahel .
    La France ne se retirera pas du Sahel et des pays de la CEDEAO, parce que cela serait suicidaire pour la France.
    Un retrait de la France provoquerait inévitablement l’effondrement du système monétaire du Franc CFA qui consacre la colonisation des pays de la CEDEAO par la France .
    La France continuera à occuper durablement l’Afrique pour protéger ses intérêts et les intérêts de ses entreprises .
    Le terrorisme sera actionné, de plus belle, par la France pour faire du chantage aux pays africains, en leur offrant « la sécurité » en contrepartie de la cession, par ces États, de leur souveraineté.
    Une intervention militaire de l’Algérie à l’extérieur est-elle envisageable ?
    Le plus grand piège dans lequel pourrait tomber l’Algérie est d’intervenir militairement en Afrique. Même si la Constitution le permet, l’Algérie dispose d’une doctrine qui consiste à régler les conflits et les crises par la voie diplomatique et c’est ce qui fait la force de l’Algérie qui a gagné ses galons et ses lettres de noblesse, en matière d’intermédiation, dans les domaines de la paix et de la sécurité en Afrique .
    Tebboune a affiché une position pragmatique que l’Algérie entend développer avec ses partenaires, notamment la Turquie. Un axe Alger-Istanbul semble se dessiner et il semble déranger. Pourquoi ?
    La France redoute un rapprochement algéro-turc, qui doit rappeler à la France, de très mauvais souvenirs. L’Empire ottoman a été la bête noire de la France, en Méditerranée, et elle agira de toutes ses forces pour que l’axe stratégique algéro-turc ne se renforce pas en Méditerranée.
    La relation de l’Algérie avec la Turquie n’est pas uniquement commerciale. Elle est aussi stratégique. Elle doit permettre de contenir l’influence de la France au nord de l’Afrique et dans le Sahel, qui a été transformé en arène des fauves où le plus faible n’a aucune chance de survie.
    La France se méfie de l’Algérie parce qu’elle construit ses alliances en dehors de la France , et que cela a pour objectif de consolider la souveraineté de l’Algérie et doit renforcer sa profondeur stratégique dans le Sahel et en Afrique .
    Ce que ne veut pas comprendre la partie française , c’est que l’Algérie n’est plus son arrière cour, ni son champ d’intervention colonial traditionnel, où ses richesses sont mises gracieusement à la disposition de la France .
    Désormais , l’Algérie entend défendre ses intérêts, en faisant la promotion d’une politique courageuse et offensive, soulevant la colère de l’Hexagone qui a mobilisé tous ses moyens de nuisance, en faisant appel à des mercenaires du Makhzen et de l’entité sioniste pour organiser la désobéissance civile en Algérie .
    Ce scénario subversif a fait l’objet d’une riposte foudroyante de l’Algérie qui a dévoilé au grand public et à l’opinion publique internationale les sous-marins du MAK, de Rachad et de certains militants locaux de l’humanitaire colonial, transformés en bras armés de l’ancienne puissance coloniale.
    La Sentinelle, 05/06/2021
    Etiquettes : France, Emmanuel Macron, Sahel, Mali, Barkhane, Algérie, Turquie,
    • Qui veut pousser l’Algérie dans le bourbier sahélo-libyen?

      Depuis son retour avec force sur la scène internationale, l’Algérie est constamment visée par des information toxiques liées à la situation au Sahel et en Libye. Le 15 juin 2021, un magazine connu pour ses liens avec la Françafrique et le Makhzen, prétendait que le Chef d’État-Major algérien, Saïd Changriha se trouvait à Paris « pour discuter de la nouvelle donne sécuritaire au Sahel, après l’annonce de la fin de l’opération Barkhane ». Une info « exclusive » rapidement démentie par le Ministère algérien de la Défense.

      Moins d’une semaine après, des médias libyens proches de l’auto-proclamé Maréchal Haftar et de son armée de mercenaires soudanais et tchadiens, et par ricochet, proches du Maroc et de la France, ont lancé une info dont le manque de consistance délatte la mauvaise foi de sa source. Selon eux, Haftar a décidé fermer la frontière entre la Libye et l’Algérie.

      Il ne s’agit pas de la première fois de la première fois que cet énergumène provoque l’Algérie. En 2018, il a fait une sortie aussi ridicule que stupide contre l’Algérie accusant son armée d’ «incursions dans le territoire libyen». Il n’a pas trouvé mieux pour camoufler l’échec de son incursion visant Tripoli.

      Une seule explication peut être donnée à cette sortie : Après avoir épuisé toutes les méthodes de guerre médiatique, y compris un flagrant soutien à un Hirak travesti, le Maroc et la France couvent l’espoir de voir l’Algérie s’emmêler les pinceaux dans les deux bourbier sahélien et libyen.

      Dans ce but, Paris et Rabat n’hésitent mènent une véritable campagne en vue de pousser Alger à s’aventurer dans deux conflits qui ont été scénario d’un échec retentissant de la communauté internationale. Ils espèrent ainsi tuer dans l’œuf le succès réalisé par le président Tebboune grâce à une gestion magistrale de la situation interne et au processus d’assainissement politique qui fera de son pays un modèle de lutte contre la corruption.

      Le rêve français de voir l’Algérie intervenir militairement au Mali date de l’époque de Sarkozy (voir vidéo). Selon ce dernier, Alger « a les clefs de l’ensemble des données du problème ».

      [youtube https://www.youtube.com/watch?v=1Ag-zniGbOE&w=560&h=315]

      Etiquettes : Algérie, Maroc, France, Sahel, Libye, Barkhane,

    • Mali : L’Algérie refuse de jouer au gardien des intérêts occidentaux

      APRÈS LA FIN DE L’OPÉRATION BARKHANE AU MALI : L’Algérie refuse de jouer au protecteur des intérêts occidentaux

      Le président français Macron, qui devait gérer le legs encombrant de l’opération Barkhane dans le nord du Mali, que lui avait laissé son prédécesseur Sarkozy, veut se donner les chances de réussir sa réélection en 2022.

      En actant le désengagement de l’armée de son pays de cette région du Sahel, il a actionné les relais médiatiques qui lui sont proches pour tenter de donner à l’Algérie un rôle qu’elle ne veut, sous la contrainte d’aucune pression, assumer, celui de gardiens des intérêts occidentaux dans cette région du monde.

      Le journal Français Le Monde, dans sa dernière livraison s’est fendu d’un article où il prête à l’armée algérienne sa volonté de s’imposer comme puissance régionale. Il puise son argumentaire dans un discours du président de la République, au mois de janvier 2020, au cours duquel il avait mis en garde contre la tentation de livrer la capitale libyenne, au contrôle de brigades de mercenaires. M. Tebboune avait indiqué que Tripoli est une ligne rouge à ne pas dépasser, avant d’affirmer, récemment dans un entretien à la chaîne Al-Jazeera, que l’armée algérienne « était prête à intervenir d’une manière ou d’une autre » dans ce pays pour se prémunir des retombées de la crise libyenne.

      Le rédacteur de l’article a indiqué que depuis l’adoption d’une nouvelle constitution en novembre 2020, l’armée algérienne peut intervenir hors des frontières du pays. La sortie de ce média n’est pas fortuite et cache le désir de certaines parties françaises et occidentales de voir des unités de l’ANP remplacer le corps expéditionnaire de l’armée française au Mali et plus tard dans toute la région du Sahel. Or ce qu’il feint d’ignorer est que la diplomatie algérienne a su comment reprendre l’initiative dans la région.

      Depuis quelques mois, l’Algérie est devenue une voix écoutée dans la région, une voix avec laquelle on compte. De plus, l’Algérie, dans le cadre des efforts de sécurisation de ses frontières sud, est parvenue, en 2011, à créer, avec le Mali, le Niger et la Mauritanie, un cadre d’action commune contre les tentatives d’installation de groupes terroristes dans la région. Le comité d’état-major conjoint (CEMOC), un organe de concertation et d’action lui donnerait la couverture légale pour intervenir dans un cadre concerté avec ses voisins de la région du Sahel. Les détours réalisés par le rédacteur de l’article pour tenter de pousser l’Algérie à s’autoproclamer défenseur des intérêts occidentaux dans la région du Sahel, en agitant l’argument des tensions entre Alger et Rabat et la volonté de chaque capitale de s’installer comme puissance dominante dans le continent africain, ne sont pas convaincants.

      Présente au Mali depuis 2013, dans le cadre des opérations Serval puis Barkhane, la France n’a pas réussi à éradiquer la présence de groupes terroristes dans la région du Sahel. Bien au contraire, le bilan de sa présence est négatif aussi bien sur le plan militaire que social puisqu’il a réussi à raviver les tensions ethniques et tribales au Mali et au Niger. La France, qui avait suspendu au début de ce mois de juin les opérations militaires conjointes avec l’armée malienne au nord et au sud de ce pays, s’est emmêlée les pinceaux depuis le coup d’État du 31 mai dernier qui a porté le colonel Assimi Goïta au pouvoir.

      Aujourd’hui et pour se donner les chances de bien préparer sa réélection, le président français, Emmanuel Macron, s’est désengagé du Mali, mais pour ne pas perdre ses potentiels soutiens ; il tente, par une campagne médiatique à pousser l’Algérie à jouer le gendarme dans la région pour lui. Une tentative vaine puisque l’Algérie a clairement affirmé que son armée ne sera pas l’instrument de puissances étrangères dans leur volonté d’hégémonie dans la région du Sahel et partout dans le monde.

      Slimane B.

      Le Courrier d’Algérie, 14 juin 2021

      Etiquettes : Algérie, Sahel, Mali, France, Barkhane,

    • La France sous pression pour reconnaître sa responsabilité dans l’attaque aérienne au Mali

      Paris a rejeté à plusieurs reprises le rapport de l’ONU sur l’attaque qui a tué 19 invités à un mariage, le jugeant non crédible.

      La France fait face à des appels de plus en plus nombreux à reconnaître sa responsabilité dans l’attaque aérienne qui a tué 19 civils lors d’un mariage dans un village du Mali en janvier, suite à la publication d’un rapport des Nations unies sur cette attaque.

      L’enquête accablante de l’ONU publiée le mois dernier, sa première sur l’action militaire française, indique que la frappe aérienne a touché le village de Bounti le 3 janvier, tuant 19 invités au mariage et trois militants.

      Des groupes représentant les familles des victimes, qui étaient toutes des hommes, des survivants de la frappe aérienne et des groupes de défense des droits ont demandé que le personnel militaire impliqué dans la frappe soit inculpé et ont condamné l’attaque, qui fait partie d’une série d’incidents survenus ces dernières années au cours desquels des civils innocents ont été tués lors d’opérations anti-jihadistes.

      Une insurrection djihadiste a fait des ravages au Mali depuis 2012, débordant sur la région du Sahel en Afrique de l’Ouest, suscitant un important soutien militaire français dans ses anciennes colonies.

      Immédiatement après l’attaque à Bounti, à 370 miles de la capitale Bamako, des groupes locaux ont commencé à faire craindre que des civils, et non des djihadistes, aient été tués, a déclaré Hamadoune Dicko, le président du plus grand groupe peul, Tabital Pulaaku. Un de ses amis est mort dans la frappe aérienne, a-t-il dit.

      « Nous connaissions personnellement la majorité d’entre eux. C’est notre région et il est facile de savoir qui était là et s’il s’agissait de civils ou de djihadistes », a déclaré Dicko, ajoutant que le rapport de l’ONU avait « prouvé que nous avions raison ».

      « Il est important qu’une enquête indépendante soit menée, peut-être par la justice. Qu’elle soit malienne, française ou internationale », a déclaré Dicko, « afin que les responsabilités soient établies, que les familles des victimes puissent être indemnisées et que les responsables de cette frappe soient traduits en justice. »

      Un invité du mariage, qui s’est exprimé sous couvert d’anonymat, a survécu à l’attaque avec des blessures mineures. Selon lui, la région du centre du Mali est sous le contrôle des djihadistes. « Ils n’acceptent pas les mariages et les baptêmes. S’ils l’avaient su, ils l’auraient interdit », a-t-il dit. « Il n’y avait pas de djihadistes, nous faisions simplement la fête entre nous ».

      Le rapport de l’ONU, basé sur plus de 400 entretiens et témoignages, accuse la France de nombreux manquements, notamment l’obligation de faire tout ce qui est pratiquement possible pour vérifier que les cibles étaient bien des objectifs militaires.

      Depuis la publication du rapport, la France l’a rejeté à plusieurs reprises comme n’étant pas crédible, affirmant que 30 personnes sont mortes dans la frappe aérienne au Mali et que les cibles étaient toutes des djihadistes. Selon elle, le rapport de l’ONU s’est peut-être appuyé sur des témoignages de sympathisants de terroristes et n’offre aucune preuve tangible.

      La ministre française de la défense, Florence Parly, a déclaré la semaine dernière que ses opérations suivaient « un processus de ciblage rigoureux » et qu’au milieu des critiques, elle « ne peut pas laisser salir l’honneur de nos soldats ».

      « Il n’y avait pas de femmes ou d’enfants parmi les victimes, et ces frappes avaient pour but de neutraliser les éléments terroristes », a-t-elle ajouté. L’attaque avait visé une coalition de groupes extrémistes affiliés à Al-Qaïda.

      Jeudi, Mme Parly a répondu aux critiques croissantes, suite au rapport de l’ONU, des groupes de défense des droits maliens et français, dont Amnesty International et Oxfam France.

      « L’action de la France au Sahel fait l’objet d’une guerre d’information permanente visant à affaiblir notre crédibilité et notre légitimité, alors même que nous sommes présents à l’appel des autorités nationales sahéliennes », après un nouveau briefing sur les détails de la frappe aérienne par le chef d’état-major des armées.

      Le gouvernement a rejeté les appels à l’ouverture d’une enquête sur les meurtres, ou à la publication des images de drone qui ont permis d’identifier le village comme cible, ce qui ajoute à la consternation des groupes au Mali.

      Pour tenter d’amener la France à accepter de rendre des comptes, les familles des victimes envisagent d’intenter une action en justice devant les tribunaux français.

      L’absence de critiques de la part du gouvernement de transition dirigé par l’armée, qui a pris le pouvoir après un coup d’État l’année dernière, alimente le ressentiment. Depuis une déclaration critiquant la frappe dans son sillage immédiat, les responsables ont largement soutenu la France, dont ils dépendent pour soutenir leurs propres forces. Les autorités maliennes ont déclaré que des djihadistes étaient la cible de l’attaque.

      Les deux pays n’ont pas réussi à lancer une enquête coordonnée, selon Clémence Bectarte, de la Fédération internationale des droits de l’homme, qui estime que « les juridictions françaises et maliennes auraient dû ouvrir une enquête, c’était logique ».

      Les informations faisant état d’atrocités présumées commises par ses militaires ont fait monter la pression sur la France et sur son opération prolongée au Sahel. Le 26 mars, six personnes ont été tuées dans le nord-est du Mali lors d’une frappe de drone française qui, selon l’armée, visait des djihadistes. Pourtant, des habitants ont déclaré que les personnes décédées, dont quatre enfants de moins de 16 ans, étaient de jeunes chasseurs.

      Les 5 100 soldats français présents au Sahel ont du mal à contenir les groupes extrémistes très mobiles et coordonnés dans cette région désertique. Selon les experts, les atrocités présumées ont probablement renforcé le ressentiment anti-français dans le pays.

      The Guardian, 9 avr 2021

      Etiquettes : France, Sahel, Mali, Tchad, Niger, Barkhane,

    • L’ONU accuse la France de possibles crimes de guerre suite à une frappe aérienne au Mali sur un mariage

      Au moins 22 personnes ont été tuées par une explosion, dont 19 civils et trois membres présumés d’un groupe djihadiste.

      Par Anna Pujol-Mazzini

      La France pourrait être coupable d’un crime de guerre pour avoir tué une grande majorité de civils lors d’une frappe aérienne sur un mariage dans un village malien isolé en janvier, selon la toute première enquête de l’ONU sur les opérations militaires françaises publiée mardi.

      Au moins 22 personnes ont été dynamitées et tuées, dont 19 civils et trois membres présumés d’un groupe djihadiste, selon les enquêteurs. Huit autres civils ont été blessés.

      « Le groupe d’individus touchés par la frappe était très majoritairement composé de civils qui sont des personnes protégées par le droit international humanitaire », indique le rapport de 36 pages.

      « Cette frappe soulève des préoccupations importantes quant au respect des principes de la conduite des hostilités », ajoute le rapport, qui reproche à la France de ne pas avoir pris suffisamment de précautions pour s’assurer qu’aucun civil ne serait tué.

      Après avoir interrogé 400 personnes, dont des survivants, des témoins, des membres de la famille et des groupes d’aide, l’ONU a également indiqué qu’un mariage avait lieu le jour de la frappe aérienne, ce que le gouvernement français a démenti à plusieurs reprises.

      Une personne ayant connaissance du rapport a déclaré au Telegraph qu’une version antérieure accusait les forces françaises de crime de guerre en raison de leur incapacité à prendre des mesures adéquates pour éviter le massacre aveugle de civils à Bounty.

      La formulation a ensuite été modifiée suite à la pression exercée par le gouvernement français, ont-elles ajouté.

      Conflit au Mali

      Le Dr Hamadoune Dicko, jeune président de la plus grande association de Peuls du Mali et premier à tirer la sonnette d’alarme sur la mort de civils à Bounty, a déclaré que le rapport n’allait pas assez loin.

      « Les Nations unies ont reconnu que la France a commis une erreur et qu’il devrait y avoir une justice. Elles auraient dû condamner ouvertement Barkhane et les autorités maliennes », a-t-il déclaré au Telegraph.

      « Maintenant, c’est aux autres organisations des droits de l’homme de terminer les enquêtes et de punir les auteurs de ces crimes contre l’humanité. Lâcher des bombes sur un Malien est un crime contre l’humanité. »

      Les victimes étaient toutes des hommes âgés de 23 à 71 ans. Parmi les blessés, l’un d’eux a été amputé de deux doigts et un autre a eu une fracture ouverte à la cuisse.

      Selon les enquêteurs de l’ONU, cinq hommes armés, soupçonnés d’avoir des liens avec Katiba Serma, une organisation locale affiliée à Al-Qaïda, étaient présents à Bounty ce jour-là, dont un qui portait son arme de manière visible. La centaine d’autres invités étaient des civils, ont-ils dit.

      « Tout cela est arrivé à cause de la présence de cet homme qui portait une arme », a déclaré une source à l’équipe de l’ONU.

      La France fait face à un examen de plus en plus minutieux de sa stratégie au Sahel, où elle combat depuis 2013 l’insurrection djihadiste qui se propage le plus rapidement sur terre. Le mois dernier, Paris a laissé entendre qu’elle voulait retirer une partie de ses 5 000 soldats au Mali, au Niger, au Burkina Faso, en Mauritanie et au Tchad.

      Lundi, Mohamed Bazoum, le président nouvellement élu du Niger, a qualifié la force française en Afrique de l’Ouest d’ »échec » et a déclaré qu’un retrait partiel des troupes n’aurait pas un grand impact sur le terrain.

      Les accusations de meurtres de civils, extrêmement rares avant 2021, s’accumulent également contre l’opération Barkhane. La semaine dernière, des responsables locaux du nord du Mali ont déclaré qu’au moins cinq civils avaient été tués dans une autre frappe aérienne.

      L’armée française a déclaré dans un communiqué qu’elle avait ordonné cette frappe « après une phase de renseignement et d’identification » afin de neutraliser un groupe terroriste armé.

      Mais le maire d’un village voisin, un ancien parlementaire de la région et une coalition de groupes rebelles ont déclaré que la frappe avait tué au moins cinq civils, dont des garçons âgés de 15 ans seulement.

      Mohamed Assaleh Ahmad, le maire du village voisin de Talataye, a déclaré à l’AP que les victimes étaient six civils de sexe masculin de son village, âgés de 15 à 20 ans. Il a déclaré qu’ils étaient partis chasser les oiseaux et qu’ils n’avaient qu’un seul fusil à eux tous.

      Si la plupart des victimes étaient mineures, les adolescents sont souvent recrutés par les groupes djihadistes pour poser des engins explosifs improvisés dans le nord du Mali, ont déclaré plusieurs experts au Telegraph.

      La France a jusqu’à présent refusé de publier les images des deux frappes ou d’ouvrir des enquêtes indépendantes. Mais des témoins ont déclaré aux enquêteurs de l’ONU que des soldats français s’étaient rendus sur le site de la frappe aérienne le 8 janvier, cinq jours après l’attaque.

      Les autorités françaises ont nié tout acte répréhensible dans une déclaration publiée mardi et ont exprimé des inquiétudes quant à la méthodologie de l’enquête de l’ONU.

      Un communiqué indique : « Le ministère des Armées maintient avec constance et réaffirme avec force : le 3 janvier, les forces françaises ont mené une frappe aérienne visant un groupe armé terroriste identifié comme tel. »

      The Telegraph, 30 mars 2021

      Etiquettes : Sahel, Mali, Niger, Barkhane, France, Tchad, JNIM, EIGS, Al Qaïda,

    • Au Niger, après des attaques djihadistes. « Ils veulent déstabiliser la zone » (Morelli, HCR.

      Patrizia Caiffa

      Plus de 200 victimes civiles au Niger, dont des dizaines d’enfants, ont été tuées ces dernières semaines par la violence des groupes terroristes djihadistes opérant dans le centre du Sahel. Depuis Niamey, Alessandra Morelli, représentante du Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR) s’est confiée à Monsieur : les agences des Nations Unies viennent d’envoyer un convoi dans la province de Tahoua pour suivre les besoins humanitaires. Déjà 600 personnes ont fui vers le Mali.

      Ils attaquent des villages dans le désert occidental du Niger, à la frontière avec le Mali. Ils brûlent les maisons et massacrent sans pitié des centaines de femmes, d’hommes et d’enfants innocents. La dernière attaque, perpétrée par des mouvements djihadistes, a eu lieu le dimanche 21 mars et a été menée avec une dynamique impitoyable, planifiée dans les moindres détails : des centaines d’hommes à moto ont encerclé les villages d’Intazayene, Bakorate et Wistane dans le département de Tillia, dans la région de Tahoua, au Niger, qui connaît une insécurité croissante. Ils ont ouvert le feu à bout portant sur des nomades touaregs qui vaquaient sereinement à leurs occupations quotidiennes : hommes avec des chameaux, femmes et enfants aux points d’eau. Déjà 137 personnes ont été tuées, dont 22 enfants âgés de 5 à 17 ans. « Ils ont été abattus de manière violente : ils ont ouvert le feu sur des personnes qui travaillaient dans les champs ou près des points d’eau, alors qu’elles s’occupaient des animaux qui buvaient ». C’est Alessandra Morelli, représentante du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), qui s’adresse à Monsieur depuis Niamey, capitale du Niger : depuis 2017, elle coordonne une équipe de 400 personnes qui aident les personnes déplacées et les réfugiés sur un territoire complexe et stratégique. Leur action s’étend du Niger au Burkina Faso et au Mali, de la Méditerranée centrale et de la Libye au bassin du lac Tchad, qui voit depuis 6 ans des flux de Nigérians du Nord fuyant les attaques de Boko Haram.

      Un terrorisme transfrontalier de matrice djihadiste. Alessandra Morelli a trente ans d’expérience dans les zones de conflit et a survécu à un grave attentat à la voiture piégée à Mogadiscio en février 2014, dont elle porte encore les séquelles. Malgré cela, elle poursuit son travail passionné aux côtés des personnes déplacées et des réfugiés dans les pires crises humanitaires. Depuis quelques années, des milices de la province ouest-africaine de l’État islamique (Iswap), un terrorisme transfrontalier qui se déplace depuis le Mali, semblent également s’être installées dans ces territoires.

      Dans le centre du Sahel, y compris au Niger, la dynamique est celle de « créer des espaces opérationnels en brûlant des villages et en chassant les gens pour continuer à opérer », explique Morelli. L’objectif ?

      « Pour déstabiliser la zone et démontrer que le gouvernement nigérien n’a pas le contrôle du territoire ».

      Cette dernière attaque a eu lieu un mois après l’élection du nouveau président Mohamed Bazoum, candidat du parti au pouvoir et successeur du président sortant Mahamadou Issoufou. Selon le chef de mission du HCR, il s’agit probablement d’un « message au gouvernement ».

      Un convoi de l’ONU est en route pour Tahoua. Les agences des Nations Unies surveillent la situation et les mouvements des personnes qui fuient la région de Tahoua. Un convoi avec des représentants du HCR, de l’UNICEF, du Wfp et du gouvernement vient de partir et fera une première analyse des besoins humanitaires. « Nous effectuons tout avec une extrême délicatesse et attention – précise Morelli – pour éviter de nous retrouver au milieu d’une embuscade ». La région de Tahoua est immense, il y a très peu de routes, il est donc très difficile pour les militaires de traquer les personnes à moto. De plus, « les informations arrivent au compte-gouttes car il s’agit de zones éloignées et isolées, avec des télécommunications très faibles ». Le HCR, cependant, a déjà des nouvelles de plus de 600 personnes ayant traversé la frontière pour chercher un abri au Mali. Les régions nigériennes de Tahoua et de Tillaberi, qui font frontière avec le Burkina Faso et le Mali, abritent actuellement 204 000 réfugiés et personnes déplacées à l’intérieur du pays.

      Dynamique de répétition. En janvier 2021, des attaques similaires ont eu lieu dans la région occidentale de Tillaberi, à Tchombangou et Zaroumdareye. Deux jours plus tôt, une patrouille des forces militaires nigériennes était passée par là, l’attaque a eu lieu le jour suivant. « La dynamique est la même – dit Morelli – ils observent le mouvement des troupes et quand elles partent, ils attaquent ». C’est le deuxième massacre contre des civils en l’espace d’une semaine. Le 15 mars, des groupes armés ont tué au moins 58 personnes, dont six enfants, qui revenaient du marché dans le département de Banibangou, dans la région de Tillaberi, près de la frontière avec le Mali.

      L’une des pires crises humanitaires. Le Niger, le Burkina Faso et le Mali sont aujourd’hui à l’épicentre de l’une des crises humanitaires qui connaît la croissance la plus rapide. La région accueille déjà près de trois millions de réfugiés et de personnes déplacées à l’intérieur du pays en raison des conflits. « Cinquante pour cent sont des réfugiés et les autres cinquante pour cent sont des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays, souligne Morelli, ce qui signifie qu’il y a un énorme problème de sécurité. Malgré cela, le gouvernement nigérien continue de faire preuve d’une grande ouverture et d’une grande générosité envers les personnes qui fuient la violence dans les régions du Sahel et du lac Tchad. La présence des principales agences des Nations unies et de nombreuses organisations non gouvernementales en est la preuve.

      L’appel du Pape et la présence de la CEI. Le 24 mars, le pape François a également lancé un appel pour le Niger, priant « pour les victimes, pour leurs familles et pour toute la population », demandant que « la violence subie ne fasse pas perdre la foi dans le chemin de la démocratie, de la justice et de la paix. » Pour ceux qui travaillent sur le terrain « les paroles du Pape ont une immense valeur d’espoir », commente le chef de mission du HCR, qui collabore également avec la Caritas italienne dans la planification des corridors humanitaires. En janvier, elle a rencontré à Niamey l’évêque d’Acireale, Monseigneur Nino Raspanti, vice-président de la CEI, pour vérifier les initiatives lancées ces dernières années, dont un projet de bourses pour les mineurs réalisé en collaboration avec Intersos.

      SIR Agencia Informazione, 26 mars 2021

      Etiquettes : Sahel, Mali, Niger, Tchad, Burkina Faso, terrorisme, JNIM, EIGS, Al Qaïda, Barkhane,

    • Niger. La lutte pour la terre au Sahel agit comme un moteur du djihadisme

      Paolo M. Alfieri

      Dans un monde distrait par le Covid-19, la crise environnementale s’est transformée en crise alimentaire, puis en crise sociale, économique, ethno-religieuse et humanitaire. Et dans le vide du pouvoir, les massacres se multiplient.

      Le 31 mars, après 43 ans d’exploitation, le groupe français Orano, anciennement Areva, abandonnera les activités minières dans une importante mine d’uranium (fondamental pour la production d’énergie nucléaire) dans la ville d’Arlit, au nord du Niger. Après le quasi-épuisement du site d’Akouta – par le biais de la filiale nigérienne Cominak – et la chute du prix de l’uranium sur les marchés mondiaux après des années de profits et de vaches grasses, les Français vont donc cesser leurs activités, laissant plus de 600 jeunes employés, plus 800 autres entrepreneurs et des centaines d’autres induits, sans travail et sans espoir dans l’une des régions les plus pauvres de la planète. Combien de ces jeunes, parmi ceux qui ne tenteront pas d’émigrer directement en Europe, iront grossir les rangs d’un djihadisme qui, jour après jour, étend ses tentacules dans tout le Sahel, à l’heure où la pandémie de coronavirus soustrait l’attention et les ressources au développement et à la coopération coordonnés ? La perte d’un emploi ne transforme pas nécessairement un être humain en un extrémiste violent, mais l’absence d’avenir peut être dévastatrice pour la stabilité personnelle et, en même temps, sociale et régionale.

      La dernière attaque contre des villages, au Niger, remonte à dimanche dernier : 137 civils – dont 22 enfants âgés de cinq à 17 ans – ont été tués et d’autres blessés ou séparés de leurs familles dans la région de Tahoua. Ils étaient en route pour aller chercher de l’eau lorsque les attaques ont eu lieu : les hommes armés ont tiré sur tout ce qui bougeait. « Nous prions pour les victimes, pour leurs familles, pour toute la population, afin que la violence ne fasse pas perdre la foi pour la justice et la paix », a été la pensée adressée aux victimes par le pape François hier à la fin de l’audience générale. Des groupes liés à Daesh, à Al-Qaïda, des milices qui se déplacent sur une base ethnique ou pour prendre le contrôle de la région en vue de faire de sales affaires dans un territoire dévasté par le changement climatique et la lutte pour l’accaparement des ressources. Le Niger, mais aussi le Mali et le Burkina Faso, dans un monde désormais également « distrait » par Covid-19, sont au centre d’une catastrophe humanitaire.

      Rien qu’en 2020, 5 000 personnes sont mortes, 1,4 million ont été déplacées à l’intérieur du pays et 3,7 millions ont été plongées dans l’insécurité alimentaire dans ce triangle tourmenté. Une grande partie de la dynamique des conflits en cours part d’un bien de plus en plus précieux et rare : la terre. La crise environnementale, soulignait également un récent rapport de Caritas, est devenue une crise alimentaire, puis sociale et économique, ethno-religieuse, et enfin humanitaire, devenant ainsi une forme grave de dégradation humaine. Victimes d’attaques terroristes, des centaines de milliers de familles abandonnent leurs foyers et leurs activités dans des régions que les États ne contrôlent plus depuis longtemps. La galaxie djihadiste n’a aucun mal à combler le vide du pouvoir dans ces territoires.

      À partir du 2 avril, le Niger aura un nouveau président, Mohamed Bazoum, 61 ans. Dans le pays qui, avec 7,6 enfants par femme, détient le record planétaire de fécondité, Bazoum devra montrer que les promesses d’avenir lancées lors de la campagne électorale – les enjeux de la famille, l’éducation des jeunes, la croissance de l’économie et la lutte contre l’insécurité imposée par les djihadistes – ne sont pas de vains mots, avec le soutien de la communauté internationale. Le développement et la défense des populations vulnérables, ainsi que la promotion de la cohésion sociale et de la paix, sont des objectifs incontournables et communs également pour les pays voisins, un goulot d’étranglement nécessaire à franchir pour changer le destin d’une région qui doit repenser son avenir.

      Avvenire.it, 25 mars 2021

      Tags : Afrique, Sahel, Niger, Mali, Burkina Faso, Tchad, Mauritanie, France, Barkhane, djihadisme, terrorisme, Al Qaida, JNIM, EIGS,

    • La combinaison des connaissances indigènes et scientifiques améliore la gestion des incendies au Sahel

      par Natalie Duncan*

      Le Sahel est une ceinture aride et chaude qui ne pardonne rien et qui s’étend sur le continent africain, du Sénégal au Tchad. Il marque la zone de transition entre le désert du Sahara au nord et les savanes humides au sud. Cette zone est caractérisée par un régime pluvial unique. Une longue saison sèche est suivie d’une saison des pluies courte mais intense ; certaines régions peuvent connaître jusqu’à 80 % de leurs précipitations annuelles entre les mois d’août et de septembre. Les populations qui vivent dans cet écoclimat difficile sont particulièrement vulnérables aux effets de la variabilité et du changement climatique.

      Au Sahel, le pastoralisme, ou l’élevage de bétail et d’autres ruminants, est le moyen de subsistance dominant. Les pasteurs s’appuient sur des informations liées au climat, comme la quantité et le moment des précipitations dans une région, pour prendre des décisions qui ont un impact sur leurs troupeaux. Cependant, les pasteurs signalent que la variabilité accrue du climat compromet leur prise de décision traditionnelle. Il est peut-être possible de surmonter ce problème en combinant les connaissances indigènes avec des informations scientifiques essentielles.

      En particulier, l’apport scientifique pourrait être utile aux communautés pastorales qui utilisent le brûlage dirigé dans le cadre des pratiques traditionnelles de gestion des terres, comme les Fulani au Sénégal.

      Le brûlage dirigé est différent des incendies de forêt, qui sont incontrôlés et ont souvent des effets dévastateurs. Les feux contrôlés sont allumés au début de la saison sèche pour améliorer les pâturages en éliminant les chaumes non appétissants, encourager la repousse et réduire le risque de feux de brousse plus incontrôlables plus tard dans la saison. Les pasteurs s’appuient sur les modes de connaissance indigènes pour élaborer leurs stratégies de brûlage. Ces modes de connaissance sont centrés sur la surveillance de la végétation et la prévision des conditions météorologiques futures ; pour la plupart, les connaissances indigènes reposent sur des preuves empiriques qui peuvent être vérifiées par l’expérience vécue.

      L’utilisation pastorale du feu pour la gestion des terres – y compris le moment, la fréquence et l’intensité des feux – correspond bien à la compréhension scientifique de la préservation de l’écologie dans le biome de la savane. Au Sénégal, la stratégie consiste généralement à allumer des feux au début de la saison sèche. Les feux sont plus fréquents dans le sud pour encourager la nouvelle croissance, mais rarement dans le nord, où la perte de fourrage l’emporte sur les autres avantages. L’étendue du brûlage est fonction du résultat souhaité : le brûlage de zones spécifiques d’herbes vivaces sèches permet de créer des pâturages, tandis que le brûlage de grandes étendues de zones environnantes crée des coupe-feu qui protègent les pâturages.

      Face à l’incertitude croissante du climat, il est possible d’intégrer des données scientifiques pour améliorer la résilience de la surveillance du climat par les autochtones et la prise de décision quant à savoir si, quand et comment effectuer un brûlage contrôlé. Trois paramètres cruciaux doivent être pris en compte pour s’assurer que les régimes de brûlage dirigé répondent de manière optimale aux besoins des pasteurs : la probabilité d’inflammation, la vitesse de propagation du feu et la quantité de combustible consommé. Pour quantifier ces paramètres, il existe cinq variables qui peuvent être mesurées à l’aide d’une collecte de données scientifiques : la teneur en humidité du combustible, la charge en combustible mort, le couvert végétal, la vitesse du vent et l’humidité relative. Ces variables sont liées aux conditions climatiques actuelles et passées et sont utiles pour prédire les risques de déclenchement d’un incendie.

      En incluant ces variables dans les simulations de la propagation des incendies, il est possible de développer un modèle météorologique des incendies pour les pays du Sahel, comme le Sénégal. Cela permettrait de formaliser la prédiction du comportement du feu, qui a été historiquement sous-étudiée dans les écosystèmes de savane d’Afrique. Les pasteurs bénéficieraient d’une meilleure compréhension de quand, comment et où utiliser le feu pour préparer efficacement les pâturages pour leurs troupeaux. Cela permettrait d’éviter les feux qui se propagent de manière intense et incontrôlée, endommageant les ressources naturelles limitées. En fait, lors d’un récent atelier financé par USAID, les pasteurs sénégalais ont déclaré avoir besoin de plus d’informations sur les conditions favorables aux feux de brousse.

      Cependant, l’utilité des données scientifiques et des modèles prédictifs seuls est limitée. Les cinq variables qui pourraient être utilisées comme intrants dans les simulations de propagation des feux ne tiennent pas compte des autres perturbations propres aux modes de vie pastoraux. Par exemple, les modèles par lesquels les pasteurs font migrer leurs troupeaux vers différents pâturages peuvent grandement influencer le comportement du feu, car la présence du bétail qui broute et piétine réduit naturellement la quantité d’herbe et donc l’intensité du feu.

      Compte tenu de l’incertitude liée au développement de modèles de prévision des incendies pour les écosystèmes de savane d’Afrique, il sera nécessaire de recourir à des techniques de vérification sur le terrain. Celles-ci s’appuieront probablement sur la surveillance du climat et de l’environnement effectuée par les éleveurs eux-mêmes, soulignant la nécessité de systèmes de connaissances à la fois scientifiques et indigènes.

      La création de partenariats entre les producteurs et la communauté scientifique est un domaine d’intérêt de l’Institut international de recherche sur le climat et la société de l’université Columbia, par le biais du projet « Adapting Agriculture to Climate Today, For Tomorrow (ACToday) Columbia World ». En se concentrant récemment sur la zone sahélienne, ACToday travaille au Sénégal pour établir des liens et accroître l’utilisation des données climatiques afin d’améliorer la résilience des éleveurs et de lutter contre l’insécurité alimentaire.

      L’utilisation en parallèle des modes de connaissance scientifiques et indigènes permet de surmonter les lacunes de chacun. Cela est soutenu par la littérature, qui a montré que l’utilisation des deux a eu un effet positif sur l’adaptation des pasteurs au climat. Les modèles de prévision des incendies qui prennent en compte les deux modes de connaissance seront essentiels pour améliorer la résilience pastorale face au changement climatique, ce qui permettra de mieux garantir que les feux de brousse restent contrôlés et que les brûlages dirigés sont d’une efficacité optimale.

      *Institut de la Terre de l’Université de Columbia

      Phys.org, 22 mars 2021

      Tags : Sahel, France, Barkhane, Tchad, Burkina Faso, Mali, Niger, Mauritanie,changement climatique, sécheresse, désertification,

    • Sahel, l’autre menace djihadiste

      L’Espagne a jeté son dévolu sur les héritiers de l’État islamique en Afrique subsaharienne, des groupes armés et très violents.

      Après leur expulsion de Syrie et d’Irak, les groupes djihadistes ont pris pied dans la région du Sahel. Une étroite bande de no man’s land en Afrique subsaharienne comprenant 11 pays : le Sénégal, le sud de la Mauritanie, le Mali, le nord du Burkina Faso, l’extrême sud de l’Algérie, le Niger, le nord du Nigeria, la bande centrale du Tchad et du Soudan, l’Érythrée et le nord de l’Éthiopie.

      C’est là que l’ancien État islamique est à l’aise, menaçant non seulement les États voisins, mais aussi l’ensemble de l’Europe.

      En fait, le gouvernement espagnol a jeté son dévolu sur ces groupes semi-nomades, islamistes et armés qui se consacrent à l’enlèvement d’étudiants, à l’attaque de soldats et à la pose de voitures piégées.

      C’est ce que dit la secrétaire d’État aux affaires étrangères, Cristina Gallach, lorsqu’elle explique que le terrorisme djihadiste, en particulier en provenance du Sahel, continue d’être l’une des graves menaces pour la sécurité mondiale et pour l’Espagne en particulier.

      Ce n’est pas en vain que, selon les données dont dispose le ministère de l’Intérieur, sur les 10 pays qui ont subi l’année dernière un plus grand nombre d’attaques terroristes, sept se trouvent dans la zone du Sahel, « très proche de l’Espagne ».

      Le haut responsable politique explique que c’est le résultat du déplacement des groupes terroristes du Moyen-Orient et du Proche-Orient vers cette région, car « bien que Daesh se soit calmé, il y a de plus en plus de réseaux djihadistes situés en Afrique », notamment dans des endroits relativement proches de l’Afrique du Nord et de l’Europe, comme la Mauritanie, le Niger, le Mali, le Burkina Faso et le Tchad.

      Mais il n’y a pas que le terrorisme djihadiste au Sahel, les services de renseignement se montrent également très préoccupés par d’autres zones comme le Golfe de Guinée, où l’on craint que des groupes liés à la piraterie ne soient liés à des islamistes.

      M. Gallach souligne qu’afin de coopérer avec les pays touchés par cette  » dynamique d’expansion dans la zone sahélienne  » des groupes terroristes, l’Espagne collabore à la formation de leurs forces de sécurité, en plus de participer avec leurs gouvernements à des travaux de développement dans des domaines tels que l’agriculture, le soutien aux femmes et aux jeunes filles et l’éducation, et ainsi  » renforcer  » la société et empêcher le recrutement de djihadistes.

      Montée exponentielle

      Les experts de la police espagnole mettent en garde contre la « croissance extraordinaire » du recrutement de djihadistes sur les réseaux sociaux pendant la période de la pandémie de coronavirus.

      Selon les données de l’annuaire du terrorisme djihadiste en 2020, 2 350 attaques ont été commises dans le monde, soit une augmentation de plus de 50 % par rapport à 2019, qui a fait 9 748 morts, soit 5 % de plus que l’année précédente.

      Le directeur de l’Observatoire international pour l’étude du terrorisme (OIET), Carlos Igualada, explique que le fait que le nombre de morts ait augmenté dans une moindre mesure que le nombre d’attentats est dû au fait qu’après la défaite militaire de Dáesh, il n’y a plus autant d’actions indiscriminées contre la population civile, mais que la cible principale de celles-ci sont les forces de sécurité.

      La majorité des décès, 3 959, ont été enregistrés en Afghanistan, suivi du Nigeria (1 463), du Burkina Faso (799), du Mali (624) et du Niger (380).

      Igualada souligne également que près de la moitié des attentats perpétrés sur le sol européen entre 2018 et le premier semestre 2020 ont été commis par des détenus radicalisés ou déjà condamnés précédemment pour leurs liens avec le djihadisme.

      De l’avis des auteurs de l’annuaire, cela montre qu’une révision des programmes de déradicalisation et de prévention du radicalisme mis en œuvre dans les prisons est nécessaire.

      Le rapport montre que 37 personnes ont été arrêtées en Espagne en 2020 pour leur implication dans des activités djihadistes, soit 21 de moins qu’en 2019. Ils ont été arrêtés lors de 23 opérations, la majorité, sept, à Madrid, suivie de cinq à Barcelone, deux à Alicante et Las Palmas de Gran Canaria et une à Saragosse, Almería, Ciudad Real, Melilla, Tarragone, Valence, Gérone, Guipúzcoa, Tolède et Castellón.

      Diario de Avila, 21 mars 2021

      Tags : Sahel, Mali, Etats Islamique, ISIS, Daech, JNIM, Al Qaida, Barkhane, terrorisme,