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  • «C’est le Maroc qui a un problème avec l’Algérie» (Tebboune)

    Le président Tebboune à la chaîne Al Jazeera : «C’est le Maroc qui a un problème avec l’Algérie»

    par Nawal Imès

    Indésirable depuis plus de vingt ans, la chaîne qatarie El Jazeera revient en Algérie par la grande porte. Le président de la République lui a accordé un entretien d’une trentaine de minutes, au cours duquel il a évoqué l’avenir immédiat de l’Algérie, les risques que lui ont fait courir tant la «îssaba», que les auteurs de «complots» visant sa stabilité. Les questions d’intérêt international ont également été évoquées à l’image des relations avec le voisin marocain et les enjeux des tensions que connaît régulièrement la région du Sahel.

    Nawal Imés – Alger (Le Soir) – Après l’interview au journal Le Point, c’était, hier mardi, au tour de la chaîne qatarie El Jazeera d’interviewer Abdelmadjid Tebboune qui signe ainsi la première prestation du genre d’un Président algérien. Il a été beaucoup question de politique interne, puisque le président de la République est longuement revenu sur les circonstances dans lesquelles il avait été amené à prendre les rênes du pays, affirmant que «le pays avait atteint un seuil de déliquescence inimaginable avec non plus un pouvoir, mais une véritable bande».

    Le président de la République explique que l’étendue des dégâts causés à l’économie n’est pas encore totalement connue, puisque, dit-il : «On est encore en train de découvrir que des milliards de dollars ont été détournés vers l’étranger, certains sont visibles, d’autres pas : l’État a investi 1 000 milliards de dollars dont 30% de surfacturations.» Avant d’ajouter que «les opérations d’importation étaient frauduleuses et entre les mains d’une cinquantaine de personnes qui avaient le pouvoir de décider qui peut investir ou pas. Plus qu’une oligarchie, c’était une kleptocratie». Et d’ajouter encore que «la justice a décidé de confisquer les biens de tous ceux-là. On espère que les amis en Europe et ailleurs nous aident à recouvrer les sommes détournées dans un contexte où la corruption était à tous les niveaux : c’est devenu une culture d’État. Et pour lutter contre tout cela, c’est difficile, mais le peuple en est conscient et soutient aujourd’hui ma démarche et les 54 engagements de mon programme électoral». Transition toute faite pour évoquer le mouvement populaire du 22 février qu’il préfère qualifier de «Hirak béni», lequel, dit-il, «a sauvé le pays» avec pas moins de 13 millions d’Algériens dans les rues pour dire non au cinquième mandat et à la prolongation du quatrième. «On a failli aller vers un cinquième mandat, avec un Président qui ne pouvait presque plus parler, mais le Hirak originel a refusé. Des millions d’Algériens sont sortis le dire et après, ils ont majoritairement accepté les élections avec 10 millions d’électeurs.» C’est à ce moment que le Président évoque les manifestations qui sont depuis peu interdites, en affirmant que «les gens sont alors rentrés chez eux, ils avaient réussi. Ce qui reste, c’est des centaines de personnes à l’identité inconnue, sans unité de slogans ni revendications communes. Dans 51 wilayas, personne ne sort plus. Dans les autres, seul des centaines de personnes le font». Le président de la République affirme qu’au regard de la conjoncture «cela aurait pu se terminer dans la violence. Mais aujourd’hui la situation est autre, et le danger est passé, puisque le peuple sait que le changement ne vient pas à travers la violence et le sang, mais de l’intérieur même des institutions».

    «L’Algérie, seule République debout après le Printemps arabe»

    Avec l’imminence de la tenue des législatives, ne craint-il pas que les islamistes n’emportent la majorité ? Visiblement pas, puisque Tebboune répond que «les islamistes, version algérienne, ne sont pas ceux qui existent en Égypte par exemple. L’islam idéologique n’existe plus, et les risques de dérapage non plus».

    Interrogé au sujet de ses relations avec l’armée, il les qualifiera de tellement «naturelles» que la question en elle-même l’étonne. Une armée «professionnelle», assure Tebboune, et qui ne s’ingère plus dans la politique et grâce à laquelle le pays a gagné en stabilité en dépit des «complots» qui la visent. Pourquoi est-elle visée ? Le président de la République répond que «l’Algérie est visée depuis longtemps parce qu’elle n’accepte pas les complots contre le monde arabe. L’Algérie est aux côtés des pays opprimés, et on veut faire taire sa voix ce qui est impossible : l’Algérie n’a aujourd’hui aucune dette et peut être souveraine dans ses décisions. Même le caractère social de l’État est constitutionalisé. Nous sommes la seule République à être restée debout après le Printemps arabe, que l’Algérie a connu en Octobre 1988». Qu’en est-il des rapports avec le voisin marocain ? «Nous n’avons pas de problèmes avec le Maroc. C’est ce dernier qui a des problèmes avec nous». Au sujet de la question sahraouie, Tebboune dira que cette dernière est «depuis quatre décennies entre les mains de la commission onusienne de décolonisation. Les Nations Unies considèrent le Sahara Occidental comme une colonie. Nous entretenions par le passé de bonnes relations avec le Maroc et les frontières étaient ouvertes, malgré le dossier du Sahara Occidental. Nous n’acceptons pas le fait accompli, quelles que soient les circonstances».

    La crise libyenne a également été évoquée. La sécurité de ce pays, dit-il, constitue «une ligne rouge» et l’Algérie refuse que sa capitale ne soit entre les mains de mercenaires et qu’elle «était prête à intervenir d’une façon ou d’une autre, pour empêcher sa chute. Nous allions empêcher les mercenaires de prendre Tripoli». Pour Tebboune, le message de l’Algérie a été entendu, et le dossier libyen a signé le retour de la diplomatie algérienne sur la scène internationale.

    Le Mali a été également au centre des questions posées et au sujet duquel le président de la République dira que «depuis 1962, on prend en charge les problèmes du Mali en toute bonne volonté et sans demander de contrepartie». Cela, dans une partie du monde où circulent «des caravanes chargées d’armes lourdes et légères, repérées par satellites, en direction de la région du Sahel sans être interceptées». Inévitablement, les relations avec la France ont été évoquées. Tebboune évoque l’existence, en France, de trois lobbies antialgériens. Il s’agit, dit-il, «des anciens colons qui ont quitté l’Algérie après l’indépendance et transmis leur rancœur à leur descendance. Le deuxième est le prolongement de l’Armée secrète française, et le troisième comprend des Algériens qui ont choisi de soutenir la France». Commentant enfin, le dernier éditorialiste du journal Le Monde, Tebboune s’est dit étonné qu’une publication qu’il a «réintroduite» en Algérie morde la main qui lui a été tendue, expliquant que le journal en question avait «dévié depuis le décès de son fondateur».
    N. I.

    Le Soir d’Algérie, 09 juin 2021

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  • Algérie: L’Etat récupère ses milliards mal acquis par Tahkout, Oulmi, Haddad et Kouninef

    La justice a définitivement statué sur les biens de Tahkout, Oulmi, Haddad et Kouninef

    L’Etat récupère ses milliards
    Entre Haddad et les Kouninef, l’argent qui sera recouvré, en Algérie, est conséquent. Cependant, si les comptes et les biens vont être saisis en Algérie, pour ce qu’ils possèdent à l’étranger, c’est beaucoup plus compliqué.

    Hasna YACOUB

    Est-il né sous la bonne étoile? Avant même sa création, le fonds devant accueillir l’argent et les biens détournés, est déjà alimenté. En confirmant les verdicts prononcés en appel dans les affaires des frères Kouninef et Ali Haddad, la Cour suprême, qui a rejeté, jeudi, tous les pourvois en cassation (à l’exception de celui de l’ex-ministre de l’Industrie, Youcef Yousfi), a rendu les décisions de justice définitives et exécutables. Des décisions qui prévoyaient des peines de privation de liberté assorties d’une confiscation des biens et des comptes bancaires, produits des crimes retenus contre les mis en cause. Ces biens et cet argent seront placés dans ce fonds qui sera créé, sur instruction du président de la République, au titre du projet d’ordonnance portant loi de finances complémentaire pour 2021. Il devra donc être alimenté, dès sa mise en place, par l’argent qui sera récolté des ventes des biens confisqués d’Ali Haddad, condamné à 12 ans de prison ferme pour, entre autres, blanchiment, abus de fonction, corruption dans la conclusion de marchés publics et dilapidation de deniers publics.

    Aux côtés du patron du groupe Etrhb, les deux anciens Premiers ministres, Ahmed Ouyahia et Abdelmalek Sellal ont été condamnés à une peine de 8 ans de prison ferme. Des peines de prison ont été prononcées, également, contre les anciens ministres Amar Ghoul, Amara Benyounès, Abdessalem Bouchouareb, Abdelghani Zaalane, et Boudjemaa Talai, outre les trois ex-walis, Abdelkader Kadi, Abdellah Benmansour et Mohamed Slimani. La cour d’Alger avait condamné chacun des prévenus au paiement d’une amende et d’une somme solidaire d’un montant de 100 milliards de dinars, pour le préjudice causé au Trésor public. Poursuivis, essentiellement pour blanchiment d’argent, corruption, obtention d’indus avantages…, les trois frères Kouninef, propriétaires du groupe KouGC, ont également été lourdement condamnés en appel par la cour d’Alger, à des peines allant de 12 à 16 ans de prison ferme. Réda, Noah et Karim Kouninef ont été condamnés aussi à payer la somme de 8 millions de dinars d’amende chacun. La cour avait décidé la saisie de tous leurs biens. Leur soeur Souad, condamnée par contumace à 20 ans de prison ferme, est sous le coup d’un mandat d’arrêt international. Et entre Haddad et les Kouninef, l’argent qui sera récupéré, en Algérie, est déjà conséquent. Faut-il rappeler que les biens d’Ali Haddad sont énormes et que lors de son procès, le juge s’est fatigué à la lecture d’une dizaine ou peut-être une quinzaine de feuillets où étaient transcrits les biens immobiliers et les concessions d’Ali Haddad. Globalement, Ali Haddad possède dans la wilaya d’Alger, plusieurs logements et d’importants terrains à El Mouradia, Saïd Hamdine, El Biar, Oued Smar, Dar El Beïda, Bab Ezzouar….. Il possède autant si ce n’est plus dans les autres wilayas.

    Ali Haddad a bénéficié de 57 lots terrains, de 452 crédits dont 80 des banques publiques qui ont coûté au Trésor public la somme de 11 000 milliards de centimes ainsi que 275 projets octroyés de manière irrégulière et qui représentent un préjudice de 100.000 milliards de centimes. Si les comptes et les biens d’Ali Haddad seront récupérés en Algérie, pour ce qu’il possède à l’étranger, c’est beaucoup plus compliqué. Ce dernier a reconnu détenir un compte bancaire et un appartement en France. Il a admis également avoir acheté un hôtel en Espagne pour 54 millions d’euros. Pour les frères Kouninef, les biens confisqués sont tout aussi importants. Leur groupe, KouGC, dont les 45 sociétés ont été condamnées au paiement d’une amende de 32 millions de dinars, recèle plusieurs biens immobiliers. Selon des indiscrétions, KouGC pèse quelque 300 millions de dollars, tirés des nombreux marchés qui lui ont été octroyés, ces 20 dernières années, dans tous les secteurs, téléphonie mobile, BTP, génie civil, forage pétrolier, agroalimentaire, hydraulique….. La confiscation des biens des Kouninef va permettre, faut-il le rappeler, la récupération, notamment de l’usine d’huile à Jijel dont le président avait exigé sa remise en fonction dans les plus brefs délais. Avant Haddad et les Kouninef, la justice devra aussi mettre à exécution les décisions définitives prises à l’encontre de Mourad Oulmi, patron du groupe Sovac, et de Mahieddine Tahkout, propriétaire du groupe Cima-Motors, condamnés au paiement de fortes amendes et la confiscation de nombreux biens et fonds.

    Cette manne financière, que devrait récupérer l’Etat, sera, sans aucun doute, une bouffée d’air qui s’ajoutera à l’équivalent de près d’un milliard de dollars, saisis dernièrement par le ministère de la Justice dans le cadre de la lutte contre la corruption.

    L’Expression, 30 mai 2021

    Etiquettes : Algérie, frères Kouninef, Ali Haddad, Mahieddine Tahkout, biens mal acquis, corruption, malversation, Mourad Oulmi,