Étiquette : burkina faso

  • Burkina Faso : Qui est Ibrahima Traoré?

    Burkina Faso : Qui est Ibrahima Traoré?

    Burkina Faso, Ibrahima Traoré, France, Barkhane, Sahel, djihadistes,

    DAKAR, 3 octobre (Reuters) – Alors qu’un convoi lourdement armé traversait une foule en liesse dans la capitale du Burkina Faso dimanche matin, le visage juvénile du dernier dirigeant militaire du pays, le capitaine Ibrahim Traoré, a émergé de la tourelle d’un véhicule blindé de transport de troupes.

    Vêtu d’un treillis de sport et d’un béret rouge, le joueur de 34 ans a souri et levé le pouce alors que les badauds l’accueillaient, certains en agitant des drapeaux russes.

    Traoré, un officier de rang relativement bas qui dirigeait quelques jours plus tôt un régiment d’artillerie dans une petite ville du nord, a été catapulté sur la scène mondiale depuis que lui et un groupe de soldats ont renversé le président Paul-Henri Damiba lors d’un coup d’État le 30 septembre.

    On sait peu de choses sur Traoré et ses collègues, qui depuis vendredi ont fait des déclarations à la télévision nationale en brandissant des fusils, des ceintures de munitions et des masques.

    Ils sont confrontés à des défis gigantesques pour atténuer les difficultés dans l’un des pays les plus pauvres du monde où la sécheresse, les pénuries alimentaires et les systèmes de santé et d’éducation qui craquent constituent des défis quotidiens pour des millions de personnes.

    Pourtant, l’accent initial a été mis sur les conflits et la politique.

    Dans une interview accordée à Radio France International lundi, Traoré, un militaire de carrière qui a combattu en première ligne contre des militants islamistes dans le nord, a insisté sur le fait qu’il ne resterait pas longtemps aux commandes.

    Une conférence nationale nommera un nouveau dirigeant par intérim d’ici la fin de l’année. Ce dirigeant, qui pourrait être civil ou militaire, honorera un accord avec le bloc régional de l’Afrique de l’Ouest et supervisera un retour à un régime civil d’ici 2024, a-t-il déclaré.

    « Nous ne sommes pas venus pour continuer, nous ne sommes pas venus dans un but particulier », a-t-il déclaré. « Tout ce qui compte quand le niveau de sécurité revient, c’est le combat, c’est le développement. »

    Pourtant, une première image a émergé de ce que la junte de Traoré a l’intention de faire de son temps au pouvoir.

    Leurs actions, qui peuvent inclure une réforme de l’armée et des liens avec de nouveaux partenaires internationaux tels que la Russie, pourraient modifier la politique en Afrique de l’Ouest et changer la façon dont le Burkina Faso combat une insurrection islamiste qui a tué des milliers de personnes et contraint des millions de personnes à fuir.

    Les officiers de l’armée ont d’abord soutenu Damiba lorsqu’il a pris le pouvoir lors de son propre coup d’État en janvier, promettant de vaincre les islamistes. Mais ils ont rapidement perdu patience. Damiba a refusé de réformer l’armée, a déclaré la junte de Traoré. Les attaques se sont aggravées. Pas plus tard que la semaine dernière, au moins 11 soldats ont été tués lors d’une attaque dans le nord.

    Pendant ce temps, la Russie a exprimé son soutien au coup d’État tout comme ses voisins régionaux et les puissances occidentales l’ont condamné.

    « Je salue et soutiens le capitaine Ibrahim Traoré », lit-on dans une déclaration de l’homme d’affaires russe Yevgeny Prigozhin, fondateur de la société militaire privée Wagner Group, qui opère à travers l’Afrique, y compris au Mali voisin du Burkina Faso.

    LIENS AVEC LA RUSSIE ?

    Des liens avec la Russie mettraient encore plus à rude épreuve les relations avec l’ancienne puissance coloniale française, qui a fourni un soutien militaire ces dernières années mais est devenue la cible de manifestations pro-russes. Son ambassade à Ouagadougou a été attaquée au lendemain du coup d’État de vendredi.

    L’entrée de Wagner au Mali l’année dernière a sonné le glas de la mission d’une décennie de la France visant à contenir les islamistes liés à Al-Qaïda et à l’État islamique qui se sont depuis propagés au Burkina Faso.

    Wagner et l’armée malienne ont depuis été accusés par des groupes de défense des droits et des témoins d’abus généralisés, notamment le meurtre de centaines de civils dans la ville de Moura en mars.

    Les nouveaux dirigeants du Burkina Faso ont attisé samedi les émeutes anti-françaises lorsqu’ils ont déclaré dans une déclaration à la télévision que la France avait hébergé Damiba dans une base militaire et qu’il prévoyait une contre-offensive.

    Le ministère français des Affaires étrangères a démenti que la base ait hébergé Damiba.

    Traoré suit un cours intensif de diplomatie. Il a minimisé le lien entre Damiba et la France et a appelé à la fin des manifestations. A propos des liens avec la Russie, il était vague.

    « Il y a beaucoup de partenaires. La France est un partenaire. Il n’y a pas de cible particulière », a-t-il déclaré à RFI.

    En attendant, il doit jongler avec les problèmes du quotidien. Dimanche, il est arrivé en treillis militaire à une réunion avec des responsables ministériels qui a été diffusée en ligne.

    La junte peut-elle garantir la sécurité des écoles qui rouvrent cette semaine, ont-ils demandé à leur nouveau chef. Que fait-on d’un appel d’offres pour une liaison ferroviaire avec le Ghana ?

    Traoré, qui a dû consulter des conseillers, n’a pas eu toutes les réponses.

    Reuters, 03/10/2022

    #Burkina_Faso #Ibrahima_Traoré #Sahel

  • La France perd progressivement son influence en Afrique

    La France perd progressivement son influence en Afrique

    France, Afrique, Françafrique, Barkhane, Mali, Burkina Faso,

    Samedi, les putschistes ont accusé la France d’aider le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, qu’ils avaient dit avoir démis vendredi. Une défiance anti-française également prégnante au Mali, au Niger et en Centrafrique, au profit de la Russie.

    La tentative de coup d’État au Burkina Faso entérine encore un peu plus le déclassement de l’influence française en Afrique de l’Ouest, au profit en particulier d’une Russie conquérante, qui surfe sur des opinions publiques devenues hostiles à Paris. Même si la situation reste confuse dans le pays, le chef de l’État destitué ayant finalement accepté de démissionner dimanche, la dynamique négative pour la France n’est ni récente ni anecdotique et gagne du terrain, alors que dans le même temps, la contagion djihadiste s’étend. Les groupes armés frappent de plus en plus fort au Sahel et s’infiltrent vers le golfe de Guinée.

    À peine 24 heures après le début du coup contre le colonel Damiba, lui-même arrivé au pouvoir par un coup d’État en janvier, les putschistes ont accusé la France de l’aider à reconquérir le pouvoir, accusations immédiatement balayées par Paris. Ils ont aussi revendiqué la «ferme volonté d’aller vers d’autres partenaires prêts à aider dans la lutte contre le terrorisme».

    Une allusion implicite à la Russie, dont des drapeaux ont été aperçus au Burkina depuis deux jours. «Les putschistes inscrivent très explicitement leurs actions dans un clivage Russie versus France», relevait samedi Yvan Guichaoua, expert de la région à l’université de Kent, à Bruxelles. «Très étonnant de voir les putschistes déclarer leur flamme si vite à leur  »partenaire stratégique »» privilégié. «On aurait pu imaginer qu’ils prennent le pouvoir d’abord puis fassent monter les enchères», ajoutait-il sur Twitter.

    Et l’expert de poser deux hypothèses : «soit bosser avec les Russes était le projet depuis le début et on a affaire à un plan de déstabilisation mûrement réfléchi, soit on invoque de manière opportuniste le clivage France/Russie pour galvaniser les soutiens parce que le projet tangue». Samedi l’ambassade de France à Ouagadougou a même été attaquée. La claque est d’autant plus rude pour Paris qu’elle s’inscrit dans une tendance lourde.

    Le Mali, l’étincelle qui a mis le feu aux poudres

    Au Mali voisin, la France a déployé pendant neuf ans la force antidjihadiste Barkhane contre les groupes affiliés à al-Qaida et État islamique, avant d’assister en 2020 à un double coup d’État amenant au pouvoir des militaires franchement hostiles à sa présence. Jusqu’à l’annonce par le président Emmanuel Macron du départ des soldats français qui se redéploient différemment dans la région. Simultanément, des soldats de la société de mercenaires privée russe Wagner s’installaient dans le pays, quand bien même Bamako n’évoquait que des «formateurs russes». Depuis, l’influence de Moscou s’y est renforcée, notamment via les réseaux sociaux et médias russes.

    Un tout récent rapport de l’Institut de Recherche stratégique de l’École militaire (Irsem), dépendant du ministère français de la Défense, décrivait au Mali la «prolifération de contenus de désinformation en ligne, le plus souvent destinés à dénigrer la présence française et justifier celle de la Russie». Il constatait aussi la contagion au Burkina voisin. «Le  »pays des hommes intègres » fait aujourd’hui partie des pays africains dans le viseur» de Wagner, écrivaient les auteurs. Qui notaient de très fortes progressions de l’audience des sites en français des médias russes RT et Sputnik depuis un an.

    Au Niger, la présence militaire française critiquée à son tour

    Une contagion qui semble également gagner le Niger voisin. Le 18 septembre 2022, des centaines de personnes manifestaient ainsi dans les rues de la capitale Niamey, et à Dosso (sud-ouest du pays), pour protester notamment contre la force française Barkhane combattant les djihadistes dans le Sahel. C’était la première mobilisation du genre dans le pays.

    Derrière cette mobilisation, plusieurs organisations civiles réunies sous le collectif le M62, appelant au départ de Barkhane et l’accusant de déstabiliser le Sahel, s’alignent clairement sur la position de la junte au pouvoir au Mali.

    « Considérant les multiples assassinats de nos populations civiles par la force Barkhane, chassée du Mali et illégalement présente sur notre territoire qu’elle estime conquis pour matérialiser son dessein funeste de déstabilisation du Sahel, nous réitérons notre opposition à la présence militaire française dans notre pays et exigeons son départ immédiat », déclarait alors, sans ambages, le M62.

    Un discours relayé par d’autres organisations de la société civile comme le Réseau panafricain pour la paix, la démocratie et le développement (Reppad), une structure en lien avec des organisations citoyennes importantes au Burkina Faso et au Mali.

    Ces rassemblements étaient alors ponctués de slogans anti-français et pro-russes : «Barkhane dehors», «À bas la (France)», «La France, dégage», «Vive Poutine et la Russie». Comme au Niger, et au Burkina, des drapeaux russes étaient également brandis aux côtés de drapeaux nigériens et maliens.

    En Centrafrique

    Mais la défiance envers la présence militaire française sur le continent, n’est pas l’apanage du Sahel. C’est ainsi le cas également en Centrafrique, où les relations diplomatiques avec la France se détériorent depuis plusieurs années, et notamment depuis le choix de la France de se retirer du pays en mettant fin à l’opération Sangaris, en octobre 2016, après quasiment trois ans de présence, laissant la Minusca (force de l’ONU) gérer seule la sécurité du pays. Un choix alors mal perçu par les Centrafricains, qui y virent un «abandon» en pleine crise, relate Ouest France .

    Un retrait dont la Russie, là encore, a su tirer profit, en y envoyant des instructeurs militaires, des armements, où en initiant des processus de paix pour réconcilier des milices. Et en y installant le controversé groupe paramilitaire Wagner.

    Parallèlement, la Russie s’est rapprochée de diverses organisations influentes de la société civile, à l’image de la Galaxie Nationale. En mai dernier, elle fut à l’origine d’une forte mobilisation à Bangui pour exiger le départ de la Minusca, et du média français RFI, décrit alors comme «un outil de propagande de la France à travers ses tapages médiatique grotesques, truffés de mensonges, orchestrés dans le but visible de ternir l’image de la République centrafricaine et ses alliés (…)».

    Face à la multiplication de campagnes de désinformations alimentées par la Russie, Emmanuel Macron a décidé, le 7 juin, la suspension de l’aide budgétaire et militaire de la France au profit de la Centrafrique. Lors d’un échange avec son homologue centrafricain le 1er juin, le président avait même déploré qu’il soit «l’otage du groupe paramilitaire russe Wagner». Jetant ainsi un froid sur les relations diplomatiques qui, depuis, ne se sont pas vraiment réchauffées.

    «L’offre russe»

    Au-delà du Sahel – et de la Centrafrique, la baisse de l’influence de la France en Afrique de l’Ouest, au cœur de ce qui était jadis son «pré carré», est patente. «On est à la fin d’un cycle. Si on continue sur la même lancée, il y a des risques d’éviction stratégique forts de la France d’espaces importants et d’intérêts majeurs», expliquait à l’AFP en mai dernier Elie Tenenbaum, directeur du Centre des études de sécurité de l’Institut français des relations internationales (IFRI).

    «La conditionnalité démocratique nous met en porte-à-faux avec des régimes qui sont en plein recul sur ce point et n’hésitent pas à faire valoir la concurrence avec des compétiteurs qui eux ne conditionnent leur soutien à aucun critère intérieur», ajoutait-il, pointant «l’offre russe».

    Bientôt le Sénégal et la Côte d’Ivoire ?

    En quittant le Mali, Paris a promis de ne pas délaisser la lutte contre les djihadistes, qui menacent ouvertement les pays du golfe de Guinée. Des discussions sont censées être en cours entre Paris et les chancelleries africaines, mais la France revendique une volonté de discrétion.

    «On change de paradigme (…). Aujourd’hui, se déployer avec une armada n’est plus dans l’air du temps», résumait à l’AFP cet été le colonel Hubert Beaudoin, sous-chef opérations de Barkhane à Niamey (Niger). Un air du temps, à l’évidence, défavorable à Paris.

    «À qui le tour ?» s’interrogeait pleine d’ironie, une source sécuritaire ouest-africaine à l’AFP, en évoquant le coup d’État au Burkina. «Au Sénégal et en Côte d’Ivoire, c’est à bas bruit, mais le vent  »France dégage » souffle également». À terme, la France pourrait devoir quitter le Burkina. Quelque 400 soldats y sont présents avec la force Sabre, des forces spéciales qui forment des soldats burkinabés près de Ouagadougou. Un départ jugé «certain», par une source militaire interrogée par l’AFP, plusieurs fois déployée au Sahel.

    Le Figaro, 01/10(2022

    #France #Mali #Burkina_faso #Afrique #Barkhane

  • Le Sahel risque de devenir une crise oubliée

    Le Sahel risque de devenir une crise oubliée

    Sahel, Burkina Faso, Cameroon, Chad, Mali, Niger, Nigeria, Charles Bernimolin,

    Un haut fonctionnaire des Nations Unies met en garde contre le risque que la région instable du Sahel, en Afrique, devienne une crise oubliée en raison des nombreuses urgences concurrentes dans le monde.

    Le chef du bureau régional pour l’Afrique occidentale et centrale du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), Charles Bernimolin, a exprimé ses préoccupations dans une interview accordée à VOA cette semaine.

    Il a noté que des millions de personnes dans six pays du Sahel – Burkina Faso, Cameroun, Tchad, Mali, Niger et Nigeria – ont besoin d’une aide internationale pour survivre.

    Le fonctionnaire, basé à Dakar, au Sénégal, a déclaré à VOA qu’il avait fait passer ce message lors de réunions avec les pays donateurs à Genève.

    Il a déclaré que 18,6 millions de personnes sont confrontées à une faim aiguë, et que beaucoup sont au bord de la famine.

    Il a ajouté que 7,7 millions d’enfants de moins de cinq ans sont mal nourris, dont près de deux millions souffrent de malnutrition sévère et risquent de mourir sans traitement rapide.

    Les besoins croissants de la région, a-t-il dit, sont largement ignorés en raison de la pandémie de Covid-19, de la guerre en Ukraine et d’autres crises dans le monde. Pendant que le monde ne regarde pas, dit-il, la crise du Sahel s’aggrave.

    « À cause de la crise, vous avez toute une génération qui n’a fondamentalement pas accès aux services de base, qui n’a pas accès au minimum de nourriture ou au minimum de protection sanitaire et scolaire. Dans certains cas, ces personnes sont même kidnappées, tuées. »

    Selon M. Bernimolin, la combinaison des conflits et de la violence, de la pauvreté profonde, de la faible gouvernance et de l’impact du changement climatique conduit des millions de personnes aux limites de la survie.

    L’OCHA a déclaré que les conflits armés et l’extrémisme violent dans la région ont forcé des millions de personnes à abandonner leurs terres et leurs maisons. Il a indiqué que les combats menés par les djihadistes et d’autres groupes armés au Burkina Faso ont déplacé près de deux millions de personnes.

    M. Bernimolin a déclaré que la violence actuelle a déclenché un exode sans précédent des zones rurales vers les zones urbaines, notant que ceux qui abandonnent leurs terres ne peuvent pas cultiver leurs cultures ou se nourrir eux-mêmes et leurs familles.

    « Des personnes déplacées. Des gens qui n’ont pas d’endroit où aller, qui doivent quitter leur village et doivent être logés soit dans des camps, ce que nous essayons d’éviter, soit dans d’autres communautés et d’autres villages […] Ces communautés qui sont touchées par la crise. Elles sont déplacées. Elles doivent avoir accès à la nourriture, à l’eau, à l’assainissement, à la santé et à l’éducation. C’est vraiment la priorité. »

    Alors que plus de 30 millions de Sahéliens ont besoin d’assistance et de protection, M. Bernimolin a déclaré que seul un tiers de l’appel de 4,1 milliards de dollars lancé par l’ONU pour son opération humanitaire a été financé. -Voix de l’Amérique

    The Namibian, 11/09/2022

    #Sahel #Mali #Niger #BurkinaFaso #Tchad #Nigeria

  • Sécurité au Sahel et fin de l’opération Barkhane

    Sécurité au Sahel et fin de l’opération Barkhane

    France, Barkhane, Mali, Sahel, Burkina Faso, Tchad, Mauritanie, Niger, G5 Sahel, MINUSMA,

    Le conflit armé qui dure depuis une décennie au Sahel est à un tournant. Le retrait de la France du Mali et la redéfinition de sa stratégie dans la région se sont accompagnés d’une aggravation de la violence et de l’insécurité, d’un retour des autocraties militaires et de tentatives de la Russie de jouer un rôle plus important dans la sécurité régionale.

    Benjamin Pétrini*

    Début 2022, la France a commencé à retirer ses forces du Mali et à reconfigurer l’opération Barkhane , sa mission de contre-insurrection qui est en cours dans plusieurs pays sahéliens depuis 2014. La dernière unité militaire française a quitté le Mali le 15 août . Les soldats restés au Sahel ne joueront plus un rôle de combat direct dans les conflits armés régionaux et soutiendront et formeront à la place les forces locales. La Russie, quant à elle, est devenue un nouvel acteur de la sécurité dans la région. Ce sont les changements géopolitiques les plus importants qui se sont produits au Sahel depuis 2012, lorsqu’un soulèvement sécessionniste de groupes armés touaregs et islamistes non étatiques dans le nord du Mali a failli renverser le gouvernement et s’étendre au Burkina Faso voisin et à l’ouest du Niger.

    L’échec de la France au Mali est encore un autre cas, comme l’intervention de près de deux décennies des États-Unis en Afghanistan, au cours de laquelle une puissance occidentale est intervenue dans un conflit armé à l’étranger et s’est avérée incapable d’atteindre ses objectifs en matière de stabilité et de sécurité. En janvier 2020, la France a porté le nombre de soldats engagés à Barkhane – principalement des forces d’opérations spéciales – d’environ 4 000 à 5 100. Mais il a commencé à se retirer après qu’une junte militaire malienne a consolidé le contrôle du gouvernement en mai 2021. L’incapacité de la France à définir des objectifs réalisables pour l’opération Barkhaneau-delà de mener des frappes contre des chefs djihadistes et de fournir aux forces maliennes un soutien général à la lutte contre le terrorisme et un renforcement des capacités, la mission aurait pu se poursuivre sans but dans un avenir prévisible. Mais les dirigeants de la junte malienne s’étaient aigris de la mission française parce que, selon eux, elle ne fournissait pas un soutien adéquat aux forces armées maliennes, qui subissaient la plupart des pertes dans la lutte contre les groupes extrémistes salafistes, et à cause des pertes civiles connexes.

    Le fossé entre Paris et Bamako s’est creusé peu après la prise de pouvoir de la junte et l’établissement de liens sécuritaires avec la Russie. Le fossé est devenu permanent lorsque le Groupe Wagner – une société militaire privée liée au Kremlin – a déployé des forces mercenaires dans le pays fin 2021. Ce développement a incité plusieurs pays de l’Union européenne à se retirer de la Task Force Takuba dirigée par la France, une unité multinationale de forces spéciales créée en 2020 pour contribuer à la mission de Barkhane. La task force a été dissoute peu de temps après.

    La France, en tant qu’ancienne puissance coloniale dans la majeure partie de l’Afrique de l’Ouest, y est restée l’acteur extérieur dominant. Lorsqu’il a envoyé des forces au Mali en janvier 2013 dans le cadre de ce qui s’appelait alors l’ opération Serval, ils ont d’abord réussi à repousser l’insurrection djihadiste. La mission a été renforcée en 2014 dans le but d’aider les forces armées locales à prévenir la résurgence de groupes armés non étatiques et à mener des opérations antiterroristes dans d’autres pays, dont le Burkina Faso, le Tchad, la Mauritanie et le Niger. L’objectif s’est toutefois révélé trop ambitieux, notamment au regard de la petite taille de la force engagée par la France : près de 6 000 à son apogée en 2021.

    La mission de maintien de la paix des Nations unies MINUSMA au Mali depuis 2013 et, plus récemment, la Task Force Takuba, avec une taille de force maximale d’environ 600, a peu contribué à l’objectif de la France de formation militaire et de renforcement des capacités au Mali. Par ailleurs, le retrait unilatéral du Malien mai 2022 de la coalition de sécurité régionale du G5 Sahel, qui avait permis aux forces du Burkina Faso, du Tchad, du Mali, de la Mauritanie et du Niger de mener des opérations frontalières conjointes et de partager des renseignements, a plongé l’effort dans le désarroi.

    La détérioration des conditions de sécurité dans les pays du Sahel – et leur vulnérabilité générale aux groupes armés non étatiques – est le résultat d’une faiblesse étatique de longue date. Et, à l’inverse, les activités de ces groupes armés ont rendu plus difficile pour les États le renforcement de leurs capacités administratives et militaires. Un recul démocratique s’est produit en conséquence. Depuis 2020, des coups d’État ont eu lieu au Burkina Faso et au Mali et les deux pays ont été sanctionnés par l’organe régional de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest ; Le Tchad et la Guinée ont été gouvernés par des gouvernements militaires ; et la Guinée Bissau et le Niger ont subi des tentatives de coup d’État. Depuis 2010, les pays occidentaux ont dépensé des milliards de dollars américains pour l’assistance des forces de sécurité dans la région, mais cela a souvent été inefficace ou parfois contre-productif en raison d’une aide non coordonnée et d’objectifs irréalistes. Le manque de capacité militaire locale et la tendance de l’aide à être consommée par la corruption et la mauvaise gestion ont aggravé la situation.

    La France est désormais dans une position délicate et le Sahel est à la croisée des chemins. L’invasion russe de l’Ukraine en février 2022 s’est produite alors que Moscou commençait à jouer un rôle plus actif au Sahel en envoyant des mercenaires combattre au Mali. Il l’avait déjà fait en République centrafricaine, en Libye, au Soudan et ailleurs à la recherche d’une influence diplomatique et d’opportunités économiques, y compris des concessions minières. La France a revu à la baisse ses ambitions dans la région et a rompu ses liens avec le Mali tout en participant à l’effort occidental pour contenir l’agression russe via des sanctions et des transferts d’armes vers l’Ukraine. Par conséquent, si la Russie augmente son implication au Mali et dans d’autres pays sahéliens, elle pourrait obliger Paris à redéfinir à nouveau ses objectifs politiques et sécuritaires dans la région. Les pays du Sahel, pour leur part, peu capables d’établir la sécurité à l’intérieur de leurs frontières. De plus, le niveau de soutien extérieur qu’ils recevront sera imprévisible, compte tenu de la relation conflictuelle entre la France et l’Union européenne d’une part et la Russie d’autre part. Ainsi, l’objectif de parvenir à plus de paix et de sécurité dans les pays du Sahel semble plus irréalisable qu’à aucun moment de la dernière décennie.

    * Chargé de recherche sur les conflits, la sécurité et le développement

    ISS, 05/09/2022

    #Sahel #France #Mali #Barkhane

  • Sahel : une géopolitique de l’invisible !

    Sahel : une géopolitique de l’invisible !

    Sahel, Mali, Tchad, Mauritanie, Niger, Burkina Faso, trafic, contrebande, terrorisme,

    Malgré sa pauvreté manifeste, le Sahel s’érige aujourd’hui en hub énergétique mondial, de plus en plus convoité par les grandes puissances. Zone charnière entre l’Afrique subsaharienne et la Méditerranée, avec ses 80 millions d’habitants, ce vaste territoire de plus de 9 millions de km², difficilement contrôlable, est devenu un sanctuaire dédié à l’insécurité. Écologiquement et économiquement délabré et laissé pour compte, l’immensité du Sahel constitue un véritable Eldorado pour abriter les nouveaux terrorismes franchisés d’Al-Qaïda et des activités illicites et criminelles de tous bords.

    Au sein des pays du Sahel, la position géopolitique et géostratégique de la Mauritanie est d’autant plus cruciale que périlleuse. Longtemps considérée comme trait d’union entre l’Afrique occidentale et le Maghreb, la Mauritanie reste fortement tributaire des écarts disproportionnés entre la géographie de son histoire et l’histoire de sa géographie. Étant le plus grand portail du Sahel sur l’Atlantique avec ses 754 km de côtes, sa superficie surdimensionnée de plus d’un million de km², ses reliefs difficiles et accidentés, ses labyrinthes sahariens à faible densité humaine, la Mauritanie est par excellence le pays le plus fragile et le moins contrôlable de la région.

    Pourtant, la Mauritanie officielle, au lendemain d’une longue et tumultueuse période d’exception, ne se résigne pas à faire la politique de ses moyens, quand bien même elle n’a pas les moyens de sa politique. Inévitablement, elle devient de plus en plus confrontée, eu égard à sa fragilité structurelle et conjoncturelle, aux menaces d’insécurités tous azimuts.

    Dans ce contexte particulièrement incertain, l’ampleur des menaces au Sahel, la nécessité de faire une lecture habile de la donne internationale brouillée et le bon sens de voisinage stratégique, appellent les différents acteurs de la région à collaborer autrement. Afin de briser le cycle de la violence et éviter l’enracinement de l’insécurité au Sahel, des actions atypiques, concertées, minutieusement préparées et exécutées sont indispensables. L’instauration de nouveaux termes d’échange en matière de communication, de diplomatie, de coopération, de circulation des informations et des renseignements devient incontournable. Seule une perception partagée des intérêts et des menaces en commun, permettraient de dépasser des stratégies, jusqu’ici, circonscrites, qui se neutralisent ou se disputent, afin de pouvoir coordonner les efforts et ménager les moyens de lutte contre l’insécurité.

    Avec l’émergence de la sécurité humaine au sens élargi du terme, une certaine vision étroite de la notion de sécurité a substantiellement changé. L’exigence de sécurité ne renvoi plus exclusivement à la protection de l’État, de ses symboles, de ses personnages et de sa souveraineté territoriale. Toutefois, l’obligation d’y intégrer convenablement la sécurité humaine passe nécessairement par une profonde reforme du secteur de sécurité. Il s’agit là d’un impératif pour assurer notamment, la protection des personnes et des populations qui ont besoin d’être mises à l’abri de la peur, de la maladie et des autres menaces physiques, morales ou politiques. Autant cette promesse constituerait une planche de secours pour un Sahel inachevé, elle demeure un défi majeur à relever par tous les acteurs de la région.

    Les puzzles de la Seibâ

    La terminologie du Sahel est profusément contrastée. Mot arabe qui signifie littéralement rivage, le Sahel désigne aujourd’hui exactement le contraire de son sens d’origine. A priori, le Sahel serait là où la régularité des conditions de l’écologie et du climat rend à nouveau la vie possible après le franchissement particulièrement pénible de l’immense désert saharien. De nos jours, le Sahel est antinomique de sa propre signification.

    Déjà à l’époque médiévale, les géographes arabes distinguaient, en se référant aux grands empires sahéliens, entre deux notions, celle de « Bilad es Seibâ » ou pays de la dissidence et celle de « Bilad es Silm » ou pays de la paix. Entre ces deux repères géographiques, il y a eu toujours des espaces d’indécision socio-politiques et militaires. Historiquement, la plus grande partie du territoire du Sahel se composait de zones grises qui s’étendent sur plusieurs milliers de kilomètres. Il s’agit d’un espace mouvant où des puzzles de terroirs, pratiquement incernables et indécis, oscillaient selon les dispositions des rapports de forces conjoncturels, entre les différents centres de décision politico-militaires, plus ou moins stables et sédentarisés situés sur les confins de cette région.

    Les modes opératoires de gestion de l’espace sahélien n’avaient pas connu de changements véritables depuis des siècles. Les anciennes revendications territoriales, commerciales ou culturelles, notamment pour l’accès à l’eau, à la terre et aux ressources naturelles, s’imbriquent de nos jours, avec les nouvelles difficultés générées par la mondialisation des flux d’échanges planétaires. Les modes traditionnels d’exercice du pouvoir sur ces espaces charnières, sous-administrés et sous-défendus de tous les temps, se faisaient à travers des droits de passage, de protection et d’usufruits réclamés par les riverains. Affaiblis, voire neutralisés par la nouvelle notion de frontières, introduite par la colonisation, ces modalités s’avèrent aujourd’hui profitables à la pénétration et à la prolifération des groupes criminels avec autant de risques d’insécurité et de conflits dans cette région. En effet , ce fameux territoire du Sahel, vulnérable du fait même de sa géopolitique saharienne propice à la dilution des frontières et à la mobilité des personnes, des montures et des équipements, a été historiquement le théâtre éludé de nombreux flux ambulants : humains, marchands, financiers, culturels, religieux et militaire. Nonobstant, le champ sahélien n’obéit pas à un système de forces homogènes. Il reste incapable de s’autoréguler, de parvenir à une certaine stabilité autour d’un ultime point d’équilibre. Les altercations au Sahel évoquent les dissonances d’un orchestre sans chef. Dans cette vaste région débridée, allant de l’Atlantique à la Somalie et de la Méditerranée au Golfe de Guinée, l’évaluation des enjeux de sécurité à travers le prisme des flux dévoile les parcours transsahariens qui, loin d’être des terroirs hermétiques et compartimentés, se chevauchent et se recoupent pour créer une multitude d’équations géopolitiques intangibles. Il s’agit d’une zone dans laquelle les espaces lacunaires et les angles morts favorisent l’amplitude et l’imbrication des flux criminels de tous bords. Il serait vain alors, d’analyser séparément ces menaces tant elles sont étroitement juxtaposées et solidaires. L’insécurité, la criminalité organisée et le terrorisme ne peuvent être appréhendés sans les envisager comme un tout intégral. Du point de vue stratégique, d’importants changements géopolitiques sont survenus dans la région durant les dernières décennies. Des éléments nouveaux doivent être pris en compte pour mieux apprécier la situation des enjeux de stabilité au Sahel. Cette évolution concerne aussi bien les acteurs de la sécurité, la nature des menaces que la transformation de la notion même de sécurité.

    État post-colonial et facteurs d’instabilité

    La fragilité endogène du Sahel découle d’une profonde vulnérabilité des États post-coloniaux qui en composent le tissu. Espace tampon, mais surtout espace de contacts et d’échanges, le Sahel ne cesse de développer une conflictualité endémique de plus en plus difficilement contrôlable. Dans cette région, les facteurs déstabilisateurs sont nombreux et variés : la fragilité structurelle et conjoncturelle de ses États, l’extrême pauvreté de ses populations, la sécheresse et la dégradation de son milieu naturel, les luttes internes de pouvoir qui y gangrènent, la militarisation croissante de ses rapports sociopolitiques, la forte pression de sa démographique, les conflits régionaux, l’insécurité généralisée et les velléités étrangères, qui la transforment en espace de confrontation géopolitique permanente.

    Un demi-siècle après leur indépendance, les États post-coloniaux demeurent incapables de parachever leurs autorités sur leurs propres territoires. Cette incapacité des États sahéliens à exercer leur principale fonction régalienne, constitue une problématique fondamentale qui alimente les risques de déstabilisation et de conflits armés dans cette région. Le délitement de tout État fragile le livre potentiellement à ses forces anarchiques intrinsèques et/ou à la domination extérieure. Étant un espace particulièrement sous-administré et mal géré, le Sahel souffre d’une mauvaise gouvernance chronique qui hypothèque dangereusement son avenir.

    Les douze pays qui constituent officiellement la région du Sahel sont pratiquement classés, à un titre ou un autre, comme pays fragiles selon les critères de l’OCDE. Ce classement signifie que les systèmes de sécurité des pays concernés, sont incapables de jouer avec efficience le rôle majeur qui leur est dévolu. Ce rôle qui consiste à assurer la protection de la souveraineté, du territoire, des personnes et des populations des pays en question. Pire encore, dans certains contextes, les crises d’instabilité qui affectent périodiquement et/ou fréquemment ces pays, faisaient apparaître leurs systèmes de sécurité comme étant cause ou partie prenante dans les facteurs d’insécurité et d’instabilité qui menacent la démocratie, l’État de droit et la sécurité humaine dans lesdits pays. Seuls deux pays du Sahel sur douze avaient échappé à un coup d’État militaire en 45 ans ; seuls quatre pays membres de la CEDEAO sur 15 n’ont pas été affectés depuis 30 ans par un conflit violent aux frontières ou à l’intérieur.

    La région du Sahel est souvent soumise à de nombreux soubresauts politiques, à des guerres civiles, des conflits frontaliers (Sénégal, Niger, Nigeria, Tchad, Soudan, Somalie) et des coups d’État : (Mauritanie- Août 2005 et Août 2008), (Guinée Bissau- Mars 2009 et Avril 2010) et (Niger- Février 2010). D’autre part, il y a aussi l’hyperstabilité de pouvoir (M. Campaoré au pouvoir depuis Octobre 1987 et M. Déby depuis Février 1991). Paradoxalement, la redistribution du pouvoir est souvent aussi déstabilisatrice et génératrice de frustrations et donc de conflits.

    Au Sahel, l’insécurité revêt plusieurs facettes et s’affiche sous différents visages dans une région devenue un véritable Eldorado pour tous les trafics illicites de contrebande. Les flux de la criminalité organisée y ont trouvés largement leur place, soit en s’adossant aux circuits traditionnels des flux d’échange, soit en occupant les espaces laissés vacants par la relâche des États affaiblis. Allant du trafic des migrants clandestins, estimé entre 65.000 à 120.000 par an, à celui des armes légères avec environ 8 millions de pièces qui circulent en Afrique de l’Ouest, dont plus de 100.000 kalachnikovs au Sahel, en passant par celui des drogues, pour finir avec le terrorisme régional et international.

    La criminalité organisée, y compris le terrorisme transsaharien, a été érigée en créneau porteur à travers une dynamique capitalistique en plein essor dans un environnement d’extrême pauvreté. Sachant qu’il existe principalement deux couloirs de trafic des drogues prohibées en Afrique, à savoir l’héroïne dans l’Est et la cocaïne dans l’Ouest, il est curieux que 0,2% seulement des quantités des drogues transitant par ce continent soient saisies chaque année. La jonction de ces deux circuits, qui se rejoignent dans le Sahara, permettent au gros lot d’emprunter, grâce aux complicités locales, de nouveaux itinéraires vers l’Europe à travers le Tchad, le Niger, le Mali et la Mauritanie. L’évolution du trafic de la drogue est impressionnante. Ainsi, entre 2004 et 2007, des saisies de 33 tonnes de cocaïne ont été effectuées en Guinée-Bissau, où résideraient quelques dizaines de narcotrafiquants colombiens. En 2006, des saisies importantes ont été enregistrées : 2 tonnes au Ghana, sur une seule opération, alors qu’en en 2007, 630 et 830 kg de cocaïne ont été saisis en Mauritanie, 5,5 tonnes saisies au Sénégal et, en 2008, 750 kg ont été saisis au Mali. L’évolution des flux des trafics illicites, particulièrement profitables en termes de chiffre d’affaires, est autant plus importante qu’elle reste intimement liée au phénomène de prolifération de la corruption à grande échelle dans les différents pays de la région. Symptôme de dysfonctionnement politique et économique des États sahéliens, cette pratique familière et répandue mine la bonne marche de l’ensemble des institutions des États sahéliens. La connivence entre les réseaux sociaux et familiaux avec les agents d’État affectés au contrôle des frontières, en particuliers policiers, douaniers, gendarmes, gardes-côtes et militaires, est souvent la pierre angulaire qui perpétue ces pratiques et fait prospérer les flux de la criminalité organisée sous toutes ses formes.

    L’opacité et l’impunité font de la région du Sahel une zone où la pratique de la corruption pénalise sévèrement la croissance et empêche la redistribution des richesses. Transparency International a publié, en octobre dernier, son rapport 2010 sur la perception de la corruption dans 178 pays dans le monde. Les scores des pays sahéliens dans ce classement sont sans appel. Parmi les plus mauvais élèves de la planète on peut compter : la Mauritanie au 143ème rang, le Tchad 171ème, le Soudan 172ème, le Burkina Faso, le Sénégal, le Bénin et le Mali occupent respectivement les 98ème, 105ème, 110ème et 116ème rangs.

    Au-delà de la cruauté des faits, des interprétations iconoclastes des actes dénaturés font ressortir que la corruption n’est pas forcément perçue par l’opinion publique dans cette région comme étant un délit, mais plutôt comme une façon de redistribuer autrement des revenus à large échelle. Les trafics illicites ne sont pas alors considérés comme des infractions majeures mais plutôt, elles deviennent une ressource de rente profitable là où il y a connexion avec des acteurs gouvernementaux.

    Ainsi, la subtilité de la corrélation entre sécurité humaine, bonne gouvernance et développement durable n’est plus à démontrer. L’absence de sécurité hypothèque les efforts de développement et, réciproquement la fragilité socio-économique favorise les conflits et l’insécurité. Les crises liées à l’insécurité ont ralenti ou fait échouer les efforts de développement durable dans diverses régions du monde, notamment en Afrique subsaharienne. Au Sahel, où la plupart des pays se trouvent actuellement dans une dynamique de sortie de crise ou dans une situation de stabilisation et de reconstruction post-conflit, la sécurité constitue véritablement un défi majeur et un enjeu pour le développement durable de cette région.

    Enjeux énergétiques et conflits d’intérêt

    Dans un contexte géopolitique mondial marqué par la hausse continue des cours des hydrocarbures et une forte demande en la matière, les enjeux énergétiques sont plus que jamais au centre des conflits internationaux. Paradoxalement, le Sahel synonyme d’extrême pauvreté et de misère, devient de plus en plus un espace de confrontation géopolitique et géostratégique entre les différentes puissances régionales et internationales pour le contrôle des richesses naturelles, qu’il recèle : pétrole, gaz, or, phosphates, diamants, cuivre, fer, charbon, nickel, zinc, bauxite, uranium, plutonium, manganèse, cobalt, argent, chrome, étain, sels minéraux, eaux douces, poissons, crustacés, diversité biologique, cheptels de bétails, bois précieux, etc. Les revirements des enjeux énergétiques et les conflits d’intérêt dans la région du Sahel, particulièrement riche d’importantes réserves d’énergies fossiles et de gisements de minerais stratégiques attisent les appétits des puissances étrangères à trouver un prétexte pour s’y déployer. La France y est déjà bien avancée avec des troupes positionnées dans la région du Sahel ou à proximité. Elle dispose de quatre bases militaires permanentes : au Sénégal (1200 hommes), au Tchad (1250), en Côte d’Ivoire (2000), au Gabon (900) et à Djibouti (2900), en plus de sa présence limitée et non permanente dans d’autres pays de la sous région comme au Cameroun, en Mauritanie, au Burkina Faso et en Centre Afrique.

    Concernant les États-Unis, bien que leur présence militaire officielle au Sahel n’existe pas encore, les câbles diplomatiques récemment dévoilés par WikiLeaks révèlent une autorisation « réticente » de survol accordée par les autorités algériennes à l’US Air Force pour des missions au Sahel contre l’Aqmi. Déjà, les États-Unis avaient lancé dès 2002 l’initiative Pan Sahel et organisent régulièrement les exercices militaires de type Flintlock avec les armées des pays du Sahel. En Décembre 2008, la Force tactique en Europe du Sud (SETAF) a été transformée en U.S Army Africa (Armée USA pour l’Afrique), qui est une composante du Commandement Africa (AfriCom) devenu opérationnel depuis octobre 2009. D’après des officiels US, cette transformation constitue une « nouvelle façon de regarder vers l’Afrique ». Bien que la base de l’U.S Army Africa soit actuellement à Vicence en Italie, ce corps opérera sur le continent africain avec de petits groupes pour conduire des opérations de « réponse aux crises » en se servant de la 173ème Brigade aéroportée. Fruit de la reconnaissance américaine de l’importance stratégique croissante de l’Afrique, l’U.S. Army Africa continuera à s’agrandir dans le cadre de commandement des forces navales AfriCom.

    Le commandement du fameux AfriCom ne trouvant pas encore de place pour s’installer en Afrique du Nord, l’US Army Corps of Engineers, vient de lancer en début de ce mois, un intriguant appel d’offres pour la construction d’un terrain d’aviation militaire dans un pays d’Afrique du Nord. Sans préciser le nom du pays dont il s’agit, l’objectif serait d’installer une base militaire aérienne américaine dans la région qui servira aux missions d’espionnage que le Pentagone envisage de lancer, officiellement, pour traquer les membres d’Al Qaïda au Sahel.

    La Chine a également fait ses entrées économiques colossales dans la région du Sahel depuis quelques années déjà. La concurrence chinoise avec les autres pays est en expansion. La Chine est actuellement le second partenaire commercial de l’Afrique, après les États-Unis. Les investissements chinois sont en forte croissance même dans les pays traditionnellement liés aux USA. En Éthiopie, la China Exim Bank a investi récemment 170 millions de dollars pour la construction d’un complexe résidentiel de luxe à Addis Ababa, et une autre société chinoise, Setco, a annoncé la construction de la plus grande usine de pvc dans ce pays. Au Liberia, la China Union Investment Company a investi 2,6 milliards de dollars dans les mines de fer. Des sociétés chinoises ont effectué aussi de gros investissements qui dépassent 2 milliards de dollars par pays, dans les secteurs pétroliers au Nigeria et en Angola, jusque là dominés par les compagnies occidentales. Mais la concurrence chinoise aux États-Unis ne se limite pas au plan économique, Pékin soutient aussi certains gouvernements, comme ceux du Zimbabwe et du Soudan. En plus, elle fournit aussi des armes un peu partout en Afrique.

    Israël est présente au Sahel elle aussi, l’Iran s’intéresse aux minerais stratégiques du Sahel, l’uranium notamment et, cherche à y réaliser des percées substantielles. La Russie, l’Inde et le Brésil seraient aussi déterminés à être de la partie. L’intensification de la présence économique et militaire des acteurs extérieurs et les conflits d’intérêt qui en découlent, contribuent à déstabiliser davantage les États fragiles et affaiblis dans la région de Sahel.

    La richesse controversée du Sahel attise les convoitises des puissances étrangères désirant s’en assurer le contrôle. Une véritable géopolitique des tubes, sur fond de rivalités internationales croissantes, commence à se dessiner au Sahel. Les grands États de la planète s’activent depuis quelques années déjà pour organiser progressivement le désenclavement des richesses du Sahel afin de les acheminer ensuite vers les zones de consommation, en Asie via le Soudan, en Amérique via le Golfe de Guinée et vers l’Europe continentale à travers l’Atlantique, le Sahara et le Maghreb.

    A partir de 2011, l’Afrique sub-saharienne serait susceptible de devenir pour les États-Unis une source d’énergie aussi importante que le Moyen-Orient, disposant de quelques 60 milliards de barils de réserves pétrolières avérées. Les experts s’attendent à ce que 1 sur 5 barils de pétrole entrant dans le circuit de l’économie mondiale proviendrait du golfe de Guinée, et que la part des importations américaines du pétrole africain passera de 20% en 2010 à 25% en 2015. Les investissements des compagnies pétrolières européennes et américaines sont en constante progression depuis 2000. ELF y puise près de 60% de sa production de pétrole. Total et Gazprom s’apprêtent à financer le projet de gazoduc transsaharien de 4000 km pour relier le Nigeria à l’Algérie d’ici à 2015.

    L’attractivité du golfe de Guinée est de plus en plus grandissante depuis la mise en service, en 2003, de l’oléoduc Tchad-Cameroun qui relie les champs pétrolifères de Komé, dans le sud-ouest du Tchad au terminal maritime camerounais de Kribi, sur un parcours de 1.070 km. Ce pipeline qui draine 250.000 barils de pétrole par jour vers l’Atlantique, donnera accès à terme, aux champs pétroliers du Soudan, bien que l’exploitation du pétrole dans ce pays est fortement dominée par la Chine, dont le Soudan ne couvre pourtant que 4,5% de ses besoins en or noir. La China National Petroleum Company (CNPC) est le plus gros investisseur étranger au Soudan, avec quelque 5 milliards de dollars dans le développement de champs pétroliers. Depuis 1999, la Chine a investi au moins 15 milliards de dollars au Soudan. Elle possède 50% d’une raffinerie de pétrole, près de Khartoum, en partage avec le gouvernement soudanais. Le schéma des alliances sous régionales se recoupe curieusement avec celui des antagonismes politico-économiques entre la Chine, la France et les États-Unis pour le contrôle des ressources pétrolières dans beaucoup de pays de la région, comme au Soudan, au Tchad, au Niger et au Cameroun notamment. C’est au gré des intérêts croissants des puissances internationales que la tectonique des frontières conflictuelles sera de plus en plus récurrente dans la région du Sahel. La sécession du Sud Soudan apparaît aujourd’hui plus que jamais probable. Très probablement, cette région extrêmement riche en ressources naturelles, pétrole et gaz notamment, accédera à l’indépendance à l’issue du référendum du 9 janvier prochain. Ce résultat ne peut être fortuit, eu égard à l’appui occidental sans précédent qui a été méthodiquement apporté à tous les mouvements séparatistes dans ce pays, durant les quarante de dernières années.

    La demande mondiale en pétrole et en gaz naturel étant appelée à doubler dans les vingt prochaines années, le Sahel pourrait alors jouer un rôle prépondérant de fournisseur d’énergie. Sans compter le potentiel d’Algérie en pétrole et en gaz, le Mali est troisième producteur d’or du continent, le Niger avec ses gisements d’uranium, qui le placent au second rang mondial, la récente entrée de la Côte-d’Ivoire, du Ghana, du Tchad et de la Mauritanie dans le groupe des pays producteurs de pétrole, confirme la tendance. La production du champ off-shore ghanéen est estimée à 120.000 barils/jour, celle de Côte-d’Ivoire à 80.000 barils/jour. C’est dans ce contexte, des stratégies de positionnement, de prise de contrôle, d’encerclement et de contre-encerclement que se définissent des enjeux géopolitiques, géostratégiques et géoéconomiques de la zone sahélienne.

    Paradoxalement, l’abondance des ressources naturelles et l’importance de la position géostratégique de la région du Sahel vont de paire avec la fragilité de la plupart de ses États eu égard à leur instabilité et insécurité caractéristique. Avec une démographie galopante, qui devrait atteindre 100 millions d’habitants en 2020 et 150 millions en 2040, avec un taux d’illettrisme qui dépasse 54%, une pauvreté endémique qui touche au-delà de 50% des populations, une corruption généralisée, une conflictualité constante, le Sahel ne décolle pas. La conjugaison de l’ensemble de ces problèmes génère souvent des crises politiques et militaires ou des catastrophes alimentaires, des pénuries, des famines et des disettes récurrentes qui engendrent des déplacements massifs de populations en désordre sous formes de réfugiés et/ou de migrants clandestins. Le jeune cinéaste et musicien canadien d’origine sénégalaise Musa Dieng Kala, n’est pas le seul à se demander : « Dieu a-t-il quitté l’Afrique ? ».

    En conséquence, une grande partie les populations pauvres du Sahel, dépourvues de leurs droits à la sécurité humaine au sens élargi du terme, incluant la sécurité alimentaire, la sécurité sanitaire, l’accès à l’eau potable, etc., se retrouvent souvent contraints de prêter allégeance à des groupes criminels, rebelles et/ou terroristes soit pour bénéficier des retombées des trafics illicites ou pour obtenir une ultime protection. A cela s’ajoutent les effets pervers de la mise en place d’économies parallèles bâties sur la corruption et le racket, et enfin, la sanctuarisation de groupes terroristes délocalisés d’Al Qaida, Aqmi et Cie. Désormais, la connexion opérationnelle de ces réseaux et groupes terroristes est devenue réalité à travers leur alliance au Sahel : le fameux GSPC algérien devenu AQMI à partir de 2006, le Groupe islamique combattant marocain ou GICM, le GICL libyen et GICT tunisien, ainsi que d’autres petits groupuscules terroristes issu de divers pays sahéliens comme celui de Ansarou Allah Al Mourabitoune de Mauritanie, ceux du Mali, du Niger et du Nigeria. Ces groupes terroristes et ces réseaux mafieux sont en quête inlassable pour s’assurer une arrière base territoriale afin de perpétuer leurs activités transnationales.

    Terrorismes franchisés et géopolitique des menaces

    Au Sahel toutes les menaces d’insécurité s’entremêlent. L’islamisme combattant va de pair avec le terrorisme international, la piraterie et toutes sortes de trafics illicites. Les anciens réseaux et ceux récemment recréés s’imbriquent pour pérenniser et sécuriser le système de la criminalité internationale organisée en s’affranchissant des distances et des frontières. En pleine mutation, ces différents réseaux transfrontaliers bénéficient grandement des recettes des trafics pour acquérir de nouveau les moyens nécessaires pour pouvoir développer et continuer leurs activités criminelles.

    C’est pourquoi, il ne peut y avoir de lutte anti-terroriste efficace sans lutte globale contre toutes les autres formes de criminalité, leur interdépendance étant désormais attestée. Il est connu que ces activités se nourrissent les unes des autres au sein d’une alliance objective entre crime organisé et terrorisme sahélien. Guidées principalement par leurs soucis de survivre et leurs intérêts convergents : les organisations criminelles profitent des actions violentes des organisations terroristes et des guérillas ou des rébellions, tandis que ces dernières bénéficient des financements que les activités criminelles sont en mesure de leur fournir. Actuellement, la collaboration entre AQMI et les réseaux mafieux du Sahel se développe plutôt vers une forme de spécialisation de l’entreprise criminelle. Cette tendance a été révélée récemment lors du procès controversé d’Oumar Sahraoui en Mauritanie. Ce malien de souche Maure, ancien du Polisario, reconverti dans le trafic de drogue dans la région du Sahel, était le responsable de l’opération de la prise des otages espagnols en Mauritanie en 2009. Il avait affirmé qu’il agissait pour le compte d’AQMI. Par ailleurs, il existe d’autres hypothèses sur une éventuelle dérive narcotrafiquante signalée depuis quelques temps chez le Front Polisario et aussi chez certains leaders du Front Populaire de Libération de l’Azawad. Cette hypothèse rebondit actuellement dans l’actualité sahélienne, à l’occasion d’une série d’arrestations d’importants groupes de narcotrafiquants, opérées ces dernières semaines par les armées mauritanienne et malienne. Selon l’AFP, les six trafiquants de drogue internationaux sont issus des rangs du Polisario. Le chef du groupe, un certain Sultan Ould Bady, serait à la tête de l’un des trois plus gros réseaux qui organisent le trafic de drogues en direction de l’Europe en passant par la région du Sahel. Ould Bady, qui défraye la chronique présentement, serait également impliqué dans l’enlèvement et la revente de plusieurs ressortissants européens en faveur d’AQMI ces dernières années.

    Infiltrés aussi bien par les services de renseignement des pays riverains comme par les intelligences internationales, la dynamique des réseaux terroristes s’imbrique avec les calculs géopolitiques des rivalités régionales extrêmement sensibles et complexes. Cette attitude alimente l’instrumentalisation de la sécurité comme enjeu majeur dans les rapports de force tout comme dans la gestion des conflits d’intérêts politiques, économiques, et stratégiques à l’échelle régionale. Les cas de figures sont nombreux et diversifiés, allant des subtiles controverses des relations bilatérales entre l’Algérie et la France, fortement marquées par le poids du passé colonial, aux instigations des conflits régionaux ajournés, dont la persistance constitue une source d’inquiétude supplémentaire pour la sécurité de toute la région, notamment, dans les cas du Sahara occidental et celui du mouvement indépendantiste touareg dans le Nord du Mali.

    L’implication de la communauté internationale (ONU, G8, UE) dans le renforcement des capacités du système régional de sécurité au Sahel se heurte à plusieurs difficultés. Au delà des problèmes d’encrage juridique, institutionnel et politique, de manque de moyens financiers et logistiques, d’absence de réforme du secteur de sécurité, la coordination des efforts de lutte contre les menaces d’insécurité au Sahel prêtent souvent à une tentation d’internationalisation de la menace Al-Qaïda dans cette région par transposition du modèle afghan. Cette perspective est souvent assimilée à une sordide connivence avec des agendas néo-colonialistes dont les objectifs inavoués visent le contrôle par des puissances occidentales, les Américains et les Européens notamment, de la route de l’ouest des flux énergétiques notamment dans les nouveaux sites et réserves récemment découvert dans cette région, au détriment des autres puissances régionales ou internationales comme les Russes, les Chinois et les Brésiliens, etc. Avec l’émergence de la notion de sécurité humaine, qui a été initiée par la diplomatie canadienne à la fin du siècle dernier et adoptée par les Nations Unies à partir de 2004, la région du Sahel n’a cessé de consigner davantage de contre-performances sur son registre déjà épuisé.

    Dans cette perspective, la problématique d’intégration de la sécurité humaine comme dimension incontournable dans toute approche pour contrer les flux d’insécurité au Sahel, devra contribuer utilement à renouveler les conceptions, les approches et les stratégies relatives globalement à la régulation de la sécurité dans la région. Deux catégories de changements s’avèrent alors indispensables à introduire dans ce schéma de réflexion. La première vise à améliorer les relations souvent brouillées et difficiles entre le gouvernement, la société civile et les institutions de sécurité. La seconde a pour objectif la refonte complète des institutions de sécurité en termes d’organisation, de recyclage, d’introduction et de réhabilitation de culture institutionnelle et de relations avec l’autorité civile sur conçues sur la base des valeurs démocratiques et humanistes fondées sur le profond respect des droits de l’Homme, de l’équité et de la justice. Toutefois, les mesures politico-militaires qui ont été décidées par différents pays du Sahel au cours des six derniers mois n’augurent pas de vision positive pour la régulation des problèmes insolubles d’insécurité dans un avenir proche. Grosso modo, le constat objectif fait que ces mesures sous-estiment gravement le poids réel des facteurs d’insécurité et compliqueraient en définitive toute stratégie de lutte commune contre la menace terroriste comme problème majeur d’insécurité dans cette région. Il s’agissait plutôt de démarches désarticulées et sectaires, souvent déterminées par les instincts de subtile méfiance et de sourde défiance qui divisent encore les gouvernements des pays de l’espace sahélien, alors que les sérieuses menaces d’insécurité dictent plutôt un schéma de réflexion collégial, non exclusif et confiant, afin de pouvoir dégager des actions profondément concertées pour être efficaces. Les mesures incohérentes concernent notamment : (a) L’instauration d’un comité d’état-major conjoint contre le terrorisme initié par quatre pays sahéliens qui sont l’Algérie, le Mali, la Mauritanie et Niger, lors de la réunion de Tamanrasset le 21 avril 2010 en excluant trois autres États nord-africains, (b) L’opération militaire isolée franco-mauritanienne menée le 22 juillet 2010 contre un camp AQMI au Mali pour libérer l’otage français Michel Germaneau et, (c) La réunion de Bamako tenue les 6 et 7 Août 2010 regroupant six États subsahariens à l’exclusion des États du Maghreb.

    Sécurité humaine et perspectives d’avenir

    En termes de réflexion prospective, la concertation et la coopération entre les différents acteurs sahéliens seraient indispensables pour lutter efficacement contre l’insécurité et pour inviter un développement durable dans la région du Sahel. Sachant qu’il n’y a pas de développement sans sécurité et pas de sécurité sans développement et, compte tenu de ses potentialités économiques, le développement durable et la stabilité au Sahel pourraient éventuellement trouver un nouvel élan à moyens termes. Tous les espoirs sont permis, toutefois, la condition sine qua non d’une telle évolution reste la volonté et le courage des décideurs politiques pour dépasser avant tout les pesanteurs locales et les schémas réducteurs de la petite histoire au profit des avantages de la grande géographie de leurs pays, pour mieux appréhender la thématique de la sécurité humaine suivant des paramètres d’intérêts économiques équitablement partagés.

    Pour certains optimistes, la perspective d’intégration régionale, notamment le développement d’un marché commun à l’échelle régionale pourrait alors contribuer à atteindre un « Sahel nostrum » (à l’image de la « Mare nostrum » des Romains). La lutte contre le terrorisme et le crime organisé au Sahel ne saurait se concevoir sans dépasser relativement une certaine vision figée des notions formelles sur l’intangibilité des frontières, le fétichisme de la souveraineté nationale et la non-ingérence, car au-delà des légitimes préoccupations nationales de chaque pays, seules des grandes actions collégialement concertées pourraient éventuellement briser le cycle de la violence et éviter l’enracinement de l’insécurité dans cette ultra fragile région du Sahel. La persistance des conflits de la sous-région au cours des vingt dernières années a empêché les pays de se concentrer sur le développement et détourné les Organisations panafricaines comme l’Union africaine et la CDEAO de leur rôle initial de promotion de l’intégration économique régionale. Ces organisations se trouvent aujourd’hui plongées au cœur des problématiques de sécurité, de la gestion des conflits et du maintien de la paix. Pour mener à bien cette mission délicate, elles avaient développées un certains nombre de Mécanismes de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité dont le schéma a été mis en place depuis la conférence d’Abuja en 1999.

    Théoriquement, ces mécanismes permettent à l’UA et à la CEDEAO d’intervenir en cas de risques importants comme les désastres humanitaires, les menaces à la paix et à la sécurité de la sous-région, la lutte contre la circulation illicite des armes et la recrudescence de la criminalité transfrontalière. Toutefois, leur application, qui s’appuie sur un certain nombre de structures officielles comme la Conférence des chefs d’État, le Secrétariat exécutif et le Conseil de sécurité et de Médiation, se heurte souvent à des difficultés. Pour que l’apport, vivement souhaité au Sahel, de ces organisations soit efficace et durable, il aura toujours besoin d’être appuyé par une volonté politique, des moyens nécessaires et une redynamisation permanente.

    Mauritanie : espoirs et risques d’enlisement

    Dans le cas de la Mauritanie, les menaces d’insécurité au Sahel et leurs incidences directes se conjuguent avec la complexité de la condition géostratégique fragile de ce pays. Le résultat est un véritable engrenage de postures inquiétantes voire dangereuses.

    Au lendemain de la sortie d’une longue série de périodes d’exception en cascades, la Mauritanie, qui reste fortement tributaire des écarts disproportionnés entre la géographie de son histoire et l’histoire de sa géographie, se trouve aujourd’hui inopportunément piégée au milieu d’un duel périlleux au Sahel entre les David et Goliath. Au terme d’un demi-siècle d’indépendance, la Mauritanie est de nouveau attrapée dans les feux croisés d’une bataille que se livrent des stratégies internationales et sous-régionales diamétralement opposées quand bien même elles sont subtilement convergentes. Les arrangements tactiques franco-américains conflueraient actuellement pour faire de la Mauritanie une pierre de lance dans leur lutte contre Al-Qaida dans la région du Sahel, alors que ce pays se trouve pleinement visé par la nouvelle stratégie de survie d’AQMI à travers sa descente dans l’espace saharo-sahélien. AQMI cherche obstinément à développer son action plus au Sud dans le cadre d’une approche qui lui permettrait de contrôler des réseaux de trafics illicites afin d’obtenir encore plus de fonds pour financer ses activités et, du coup, se mettre plus à l’abri de la poursuite qui le guète en milieu urbain. Actuellement, le recoupement des données disponibles permet de situer le tarif de base conventionnel pour la libération d’un otage à 5 millions d’euros. Certains spécialistes estiment que les enlèvements d’Occidentaux au Sahel ont rapporté aux terroristes, durant les dernières années, une recette de plus de 50 millions d’euros auxquels s’ajoute un montant de 100 millions d’euros collectés sous diverses formes.

    Depuis plus d’une décennie, le no man’s land mauritanien est devenu un terrain d’accueil privilégié pour le potentiel de nocivité des différents réseaux terroristes et contrebandiers délocalisés dans la région du Sahel. Étant le plus grand portail atlantique du Sahel avec ses 754 km de côtes, sa superficie surdimensionnée de plus d’un million de km², ses reliefs difficiles et accidentés, ses labyrinthes désertiques à faible densité humaine, la Mauritanie est par excellence le pays sahélien le plus fragile et le moins contrôlable. Désormais, les lisières périphériques du Nord et du Nord-est de la Mauritanie, où les frontières avec ses voisins d’Algérie et du Mali se perdent immuablement dans l’immensité impitoyable du désert, offrent indiscutablement un véritable paradis pour toutes sortes de trafics illicites : armes, cigarettes, carburant, drogues, devises, etc.

    Cependant, la Mauritanie est restée curieusement le maillon le plus faible de la région du Sahel, malgré son potentiel considérable de ressources naturelles, fer, cuivre, pétrole, gaz, or, poissons, crustacés et cheptels de bétail. Les statistiques de GlobalSecurity estiment que le budget annuel de dépenses militaires de la Mauritanie ne dépassait pas le montant de 19 millions de dollars US en 2005, contre 45 millions pour le Niger, 50 millions pour le Mali, 117 millions pour le Sénégal, 2,3 milliards de dollars US pour le Maroc et 3 milliards pour l’Algérie, au titre de la même année.

    Certes la Mauritanie est héritière de l’empire des Almoravides, (en arabe al-Murābitūn), cette dynastie berbère, qui avait constitué le plus grand empire du Sahel, englobant l’Ouest du Sahara, la partie occidentale du Maghreb et une bonne partie de la péninsule Ibérique au XIe et XIIe siècles, après avoir repris Aoudaghost, principal comptoir commercial sahélien de l’empire du Ghana en 1054, fonder Marrakech et conquérir l’Espagne en 1086.

    Durant plusieurs siècles, les anciennes Cités historiques de Mauritanie comme Ouadane, Tinigui, Chinguetti, Azougui, Tichit, Oualata, Combi Saleh etc., avaient brillées par leur inexorable pratique de commerce transsaharien florissant et leurs importantes positions géostratégiques et militaires. Au début du 20éme siècle, la Mauritanie avait attiré la convoitise des Français déjà installés à Saint-Louis, qui y voyaient un haut lieu stratégique pour contrôler les périphéries de leurs colonies en Afrique du Nord et en Afrique occidentale et pour neutraliser les mouvements nationalistes de résistance.

    Toutefois, le statut géopolitique de la Mauritanie actuelle ainsi que son potentiel économique et militaire, ne font plus de la mémoire impériale de ce pays que l’ombre d’elle-même. Confrontée aux menaces d’insécurités tous azimuts, la logique des choses et le bon sens interpellent plutôt la Mauritanie à se résigner inévitablement à faire la politique de ses moyens quand bien même elle n’a pas les moyens de sa politique.

    Nonobstant, l’actuel gouvernement mauritanien semble avoir un autre point de vue sur cette question. Le volontarisme de plus en plus résolu de la Mauritanie pour aller en solo, à la Napoléonienne, dans la lutte contre les réseaux terroristes d’AQMI au Sahel, est autant contesté à l’intérieur comme à l’extérieur. Loin d’être un sujet d’unanimité au niveau national et, moins encore un sujet de concertation avec les pays voisins, l’implication de l’armée mauritanienne dans des opérations militaires en dehors du territoire national, notamment dans des missions conjointes doublées d’un appui de troupes d’élites françaises avec l’assistance de la technologie spatiale de surveillance américaine de l’OTAN, posent énormément de points d’interrogation sur la cohérence d’une telle démarche. Est-il concevable aujourd’hui que les armées africaines acceptent de jouer le rôle des « tirailleurs » comme à l’époque coloniale dans des dispositifs d’intervention rapide en Afrique ? Loin d’être de nature à rassurer sur l’avenir de la stabilité du pays, les récents événements ne font que dresser les axes divergents de ralliement classiques et de positionnement géopolitique dans la région et exacerber davantage les méfiances mutuelles des pays riverains.

    Acteur et victime de l’ambivalence de sa propre politique étrangère, la Mauritanie a été l’un des pays sahéliens qui avaient accueilli des équipes spéciales de la US European Command (EUCOM) en 2004 dans le cadre de la guerre contre le terrorisme. L’objectif de cette mission portait sur la mise en œuvre des formations et entrainements internes du programme d’assistance de sécurité « Initiative Pan-Sahel », fournis par le département d’État américain à la Défense.

    Cette même Mauritanie qui se permet de bousculer les velléités de l’Algérie voisine comme gendarme du Sahel, abrite plutôt discrètement, depuis plus d’un an, un détachement du Commandement des Opérations Spéciales Françaises (COS). La décision de l’Élysée de dépêcher cette formation d’élite en Mauritanie, qui a été prise apparemment dans la plus grande discrétion, rentre dans le cadre de la mise en place d’un plan d’aide militaire aux pays du Sahel. Le détachement d’une centaine d’hommes environ basé à Atar est chargé de la formation des GSI, ou Groupements spéciaux d’intervention de l’armée Mauritanienne impliqués dans les opérations récentes contre AQMI au Mali. Le détachement aurait participé également en juillet dernier à l’opération militaire franco-mauritanienne dans le Nord du Mali pour libérer l’otage français Michel Germaneau. A en croire certaines sources spécialisées, ce même détachement, qui a été récemment déployé à Ouagadougou, pour une éventuelle action contre AQMI au Mali, à la suite de l’enlèvement des Français au Niger, serait actuellement à pied d’œuvre pour intervenir en Côte d’Ivoire. N’empêche, l’idée de la formation des Groupes Spéciaux d’Intervention (GSI) pour la lutte contre le terrorisme au Sahel serait éventuellement élargie au Mali et au Niger.

    D’un point de vue géostratégique, l’analyse des imbrications des données actuellement disponibles et leurs incidences potentielles sur l’aggravation des menaces d’insécurité et d’instabilité en Mauritanie fait ressortir indiscutablement des risques d’enlisement réels. De part et d’autre, les manœuvres en lice au Sahel, bien que initialement antinomiques, elles convergent néanmoins vers les mêmes objectifs. Épuisés, les réseaux d’AQMI et Cie, qui ont drôlement besoin d’acquérir une nouvelle légitimité symbolique au Sahel, rêvent sans doute d’une internationalisation rapide de la guerre contre eux. Cependant, la diabolisation d’AQMI pourrait aussi en faire l’arbre qui cache la forêt pour voiler les véritables enjeux de la confrontation. La menace terroriste au Sahel ne serait-t-elle pas délibérément amplifiée pour servir d’alibis aux interventions visant à prendre le contrôle exclusif des richesses de la région ?

    Au cours de la prochaine décennie, la géopolitique du Sahel serait déterminante pour l’avenir de la stabilité de l’Afrique et celle de ses voisins Européens et Asiatiques notamment. En panne d’espérances, le Sahel, qui demeure à la croisée des chemins de tous les dangers, restera encore longtemps une zone sensible où se jouera une grande partie de l’avenir du monde.

    Mohamed Saleck

    Agoravox, 21 décembre 2010

    #Sahel #Mali #Tchad #Mauritanie #Niger #Burkina_Faso

  • Mali: JNIM, Daech, Wagner, FAMA qui se bat contre qui?

    Mali: JNIM, Daech, Wagner, FAMA qui se bat contre qui?

    Mali, Sahel, JNIM, Daech, Al Qaïda, France, Barkhane, Niger, Burkina Faso, Russie, Wagner,

    Selon le site 20 Minutes, l’armée française, poussée au départ du Mali, n’a pas fini de se battre contre les principaux groupes terroristes qui sévissent au Sahel.

    D’un côté, Al-Qaïda et Daech, sont implantés depuis des années en Afrique subsaharienne. Aqmi y sévit sous la bannière du JNIM (Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans), la branche officielle d’Al-Qaïda au Mali. Et Daesh. Des combats opposent régulièrement les deux groupes, sur les zones frontalières, au Niger, Burkina Faso et Mali.

    L’Association malienne pour la survie du Sahel (AMSS) rapporte ainsi des « combats meurtriers » entre les deux groupes qui ont eu lieu en février dernier dans le cercle d’Ansongo qui se trouve au carrefour des deux pays voisins du Mali à savoir le Niger et le Burkina Faso.

    De leur part,les forces armées maliennes, soutenues par la Russie, tentent tant bien que mal de combattre, mais les résultats se font attendre. « Même avec la France elle n’y arrivait pas, donc là elle y parvient encore moins, même aidée par Wagner, car ce sont des mercenaires pas professionnels et sans équipements et moyens de professionnels », rapporte Wassim Nasr. Wagner, ce sont ces mercenaires russes également déployés Syrie ou plus récemment dans l’Est de l’Ukraine.

    Les forces françaises qui ont quitté le Mali et sont installées au Niger. Elles agissent avec beaucoup de discrétion. Au Niger par exemple, « elle ne brandit pas le drapeau tricolore, contrairement au Mali », souligne Wassim Nasr. Elle est bien présente, mais n’en fait pas particulièrement état. D’ailleurs, cette collaboration avec Niamey, se passe plutôt bien et est « assez efficace », précise le spécialiste, avec « un bon niveau de confiance mutuelle ».

    #Mali #Sahel #France #JNIM #Daech #FAMA #Barkhane #Niger

  • L’alliance stratégique entre le terrorisme et l’impérialisme

    L’alliance stratégique entre le terrorisme et l’impérialisme

    Mali, Sahel, Burkina Faso, Niger, djihadistes, terroristes,

    Editorial du 12 août 2022

    Les organisations terroristes d’Al Qaida et de l’Etat Islamique, s’entendant soudain comme larrons en foire, concentrent actuellement leurs coups les plus durs et les plus tordus contre l’armée et le peuple maliens. Alors que ces derniers jours, un calme plat relatif semble régner au Burkina Faso, au Niger, où Al Qaida et l’Etat Islamique ont pourtant leurs tentacules meurtrières bien étendues, le Mali est devenu le point focal de la violence terroriste. Comment expliquer cette concentration des attaques contre le Mali, dans une zone des Trois frontières pourtant infestée des brigands soutenus par les deux grandes organisations terroristes mondiales parrainées par les monarchies du Moyen-Orient, elles-mêmes alliées notoires de la coalition occidentale ? La réponse à cette question se trouve dans la maîtrise parfaite de deux autres questions : a) La nature de l’agression subie par l’Afrique depuis 2011 ; b) la différence de nature entre le régime politique du Mali Kura, dirigé par le Président GoÏta et les régimes politiques du Burkina Faso et du Niger.

    Derrière le jihadisme, terrorisme et impérialisme alliés au Sahel

    Abordons donc la première sous-question. De quelle nature est l’agression terroriste que l’Afrique, et notamment la bande sahélienne subit depuis 2011 ? En apparence, il s’agit d’une agression jihadiste. L’Etat Islamique et Al Qaida aimeraient, nous claironne-t-on, imposer aux peuples africains leur conception radicale de l’Islam. Ce serait donc pour imposer une civilisation de la Charia que les terroristes tueraient musulmans africains, chrétiens africains et traditionnalistes africains, sans distinction. Mais lorsqu’on analyse ce jihadisme africain de façade en profondeur, on découvre qu’il n’a pas de but proprement religieux, au sens de la transformation spirituelle de l’humain dans le but de la sainteté, de la bonté et de la piété, signes de la vraie soumission au Tout-Puissant Créateur de tous les êtres. Les soi-disant combattants du Califat se droguent, violent, tuent sans pitié et ne prient que quand leurs cerveaux frelatés font mine d’oublier leur propre méchanceté.

    En réalité, ce ne sont pas des musulmans qui attaquent l’Afrique, mais bien plutôt des terroristes aux ordres de Chefs bandits, pirates du désert, trafiquants de drogues, marchands d’esclaves, preneurs d’otages, exécuteurs de sales besognes de manipulateurs géopolitiques tapis dans l’ombre. Une simple analyse de la structure hiérarchique de l’Etat Islamique et d’Al Qaida nous conduit directement vers leurs puissances parraines notoires : l’Arabie Saoudite et le Qatar et d’autres monarchies du Moyen-Orient non moins concernées par cette étonnante bienveillante envers les pires criminels de ce temps. Or les monarchies du Moyen-Orient qui parrainent et financent[1] ces organisations sont les plus grandes et fidèles puissances alliées de l’Occident, qui leur fournit armes lourdes et munitions, en échange de leurs richesses pétrolières. Il s’ensuit, de manière nécessaire, que les puissances moyen-orientales et les puissances occidentales sont étroitement impliquées dans la dévastation actuelle du Sahel[2]. Le jihadisme sahélien n’est en fait que le cache-sexe de l’alliance stratégique entre le terrorisme et l’impérialisme.

    La destruction de la Libye, par la coalition occidentale de l’OTAN en 2011, avec en prime l’assassinat assumé de Mouammar El Kadhafi, a été opérée dans un plan de déstabilisation continentale que reflètent bien les propos du Président Macron dans une interview accordée au Figaro en juin 2017. Voici comment le site web derechos rapporte ces propos :

    « Le Président français Emmanuel Macron a qualifié d’erreur la participation de la France à l’intervention militaire en Libye en 2011. La France a été le premier pays à porter une frappe aérienne contre des objectifs militaires libyens, suivie le même jour par le Royaume-Uni et les États-Unis.

    La participation des Forces armées françaises à l’opération militaire en Libye en 2011 a été une erreur et la France doit éviter ce scénario en Syrie, a déclaré mercredi le Président français Emmanuel Macron dans une interview accordée à huit médias européens (Le Figaro, Suddeutsche Zeitung, Le Soir, The Guardian, Corriere Della Serra, El País, Gazeta Wiborcza et Le Temps).

    «Avec moi, ce sera la fin d’une forme de néo-conservatisme importée en France depuis dix ans. La démocratie ne se fait pas depuis l’extérieur à l’insu des peuples. La France n’a pas participé à la guerre en Irak et elle a eu raison. Et elle a eu tort de faire la guerre de cette manière en Libye. Quel fut le résultat de ces interventions? Des États faillis dans lesquels prospèrent les groupes terroristes. Je ne veux pas de cela en Syrie», a indiqué le Président Macron.

    Le 19 mars 2011, une coalition réunissant plusieurs pays occidentaux, dont la France, le Royaume-Uni et les États-Unis, a opéré des frappes aériennes sur les troupes du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi. Le 31 mars, ces raids ont été placés sous le commandement de l’Otan. Le but déclaré de l’opération internationale baptisée «Protecteur unifié» était d’assurer l’embargo sur les livraisons d’armes au régime libyen, de faire respecter la zone d’exclusion aérienne et de protéger les populations civiles.

    Des hostilités entre groupes armés rivaux ont éclaté en Libye suite au renversement et à l’assassinat de Mouammar Kadhafi en 2011. La plupart des pays occidentaux ont évacué le personnel de leurs missions diplomatiques de Tripoli. La Libye a été plongée dans le chaos politique où jusqu’alors oeuvraient deux parlements. Le pouvoir dans le pays est revendiqué d’une part par le parlement, qui a remporté les élections et siège à Tobrouk, et d’autre part par le Congrès général national siégeant à Tripoli à la tête duquel on trouve le Premier ministre islamiste Omar al-Hassi. Le groupe terroriste Daech opère activement dans le pays, dont plusieurs régions échappent au contrôle des autorités centrales. »[3]

    Le néoconservatisme évoqué par le Président Macron en juin 2017, c’est la doctrine américaine de l’America First, l’obsession de la Destinée Manifeste[4], du monde unipolaire dominé par les Etats-Unis, dont l’OTAN est l’instrument militaire mondiale. C’est donc pour soumettre l’Afrique à l’hégémonie de l’Occident et notamment de la grande puissance américaine que la Libye a été détruite et le Sahel déstabilisé. Il s’agissait d’imposer par un chaos maîtrisé la suprématie militaire, économique et politique de l’Occident sur une Afrique dont les richesses stratégiques importent infiniment plus pour la consolidation de l’hégémonie occidentale que les centaines de millions de personnes africaines.

    La différence de nature entre les régimes malien, nigérien et burkinabé

    On l’aura donc bien compris. Tous les régimes africains qui ont accepté de s’accommoder de la destruction de la Libye et du repositionnement des armées de l’OTAN – et notamment de l’armée française- sur le continent, vivent désormais sous l’emprise d’un chaos relativement maîtrisé. L’aide à la lutte contre le terrorisme ne vise pas à anéantir le terrorisme, mais bien plutôt à le stabiliser, comme une piqûre de rappel, une épée de Damoclès pendant sur la tête des Africains, et obligeant les Etats à se soumettre aux conditions de coopération économique, sécuritaire et politique, dictées par l’Occident.

    Les régimes au pouvoir au Niger, au Burkina Faso, issus de coups d’Etat réactionnaires civil et militaire, se sont soumis à cette donne. Bien que leurs dirigeants aient parfaitement compris que c’est la destruction de la Libye qui a engendré, par effet de dominos tout à fait prévu par les assaillants, le chaos relatif qui règne dans toute la bande sahélienne. Mohamed Bazoum, alors ministre du Président nigérien Issoufou, a témoigné d’une scène célèbre de débat entre les présidents Issoufou et Obama, le premier avertissant le second que si la Libye était attaquée, le Sahel et toute l’Afrique seraient déstabilisés. La réponse de Barack Obama fut sans appel, selon le témoignage de l’actuel président du Niger. Obama trancha sec devant un Issoufou médusé : « We will finish the job » ; « Nous allons finir notre travail »[5]. De telle sorte que l’ensemble des pays africains qui combattent aujourd’hui le terrorisme en s’appuyant sur les puissances impérialistes occidentales qui ont détruit la Libye et déstabilisé le Sahel savent que cette coopération est une éternelle impasse, car la Coalition otanienne ne peut pas définitivement combattre un chaos qu’elle a elle-même sciemment organisé pour se rendre indispensable aux africains.

    Or, le régime malien, issu d’un coup d’Etat révolutionnaire parachevant une révolte populaire, du Président Assimi Goita a refusé d’accepter cette impasse. Lutter contre le terrorisme en s’appuyant sur les impérialistes qui ont ouvert le chemin au terrorisme, c’est se prendre dans un serpent de mer. Fuir la pluie pour se cacher dans une rivière. Le Mali, depuis la révolution du M5-RFP jusqu’à l’annonce de son programme de Transition jusqu’aux élections de 2024, a choisi de s’allier à la Fédération de Russie et à la Chine, réputées n’avoir par participé à la déstabilisation de l’Afrique dans son histoire récente comme dans son histoire longue.

    Ainsi, vous venez de comprendre pourquoi les coups des terroristes, mais aussi l’hostilité des impérialistes occidentaux, à l’instar de la déclaration menaçante de 16 pays occidentaux le 23 décembre 2021[6], se concentrent aujourd’hui contre le Mali. Le duo Iyad Ag Ghali et Amadou Koufa au nord et au centre du Mali, opère dans un environnement favorable à la chute du régime malien. Les bases-arrières des terroristes dans les pays ouest-africains favorables à la coalition qui a détruit la Libye et déstabilisé toute l’Afrique sont tout naturellement raffermies et consolidées. L’ambition ? Soumettre Goita et le Mali à l’imperium, car comme l’a ouvertement dit le Sénateur Français Christian Cambon , président de la Commission sénatoriale chargée de la Défense : « Je pense que le Mali payera très cher le fait de s’être séparé de manière aussi violente des forces françaises qui, pendant huit ans, ont assuré la souveraineté du pays »[7]

    Le scandale ici, c’est bien de reprocher au Mali de rompre avec une souveraineté par procuration pour vouloir s’assumer lui-même. Ainsi s’éclairerait le mystère de la concentration des coups durs des terroristes contre le Mali dans la très riche zone des 3 frontières[8]. Aux Etats soumis, est infligé le chaos maîtrisé et ainsi est assuré le contrôle par procuration de leur souveraineté économique, sécuritaire et politique. Aux Etats insoumis, est infligé par contre le chaos total, afin de les soumettre au principe de l’Ordre par le Chaos, du règne des maîtres du monde par la division instrumentale des peuples.

    L’Afrique[9] doit ainsi comprendre que la lutte actuelle contre le terrorisme est inséparable de sa lutte multiséculaire contre l’impérialisme oriental et occidental. L’Afrique doit prendre elle-même, par tous les moyens nécessaires et légitimes, le contrôle de ses terres, airs et mers, si les populations africaines veulent accéder à la pleine dignité anthropologique. Manifestement, c’est pour avoir pris cette résolution que le Mali paie cher. Mais, il y a deux façons de vivre et deux façons de mourir. Vivre et mourir dans l’indignité, c’est avoir vécu en vain et on ne laisse rien qui vive. Vivre et mourir dans la dignité, c’est avoir vécu pleinement et c’est se donner la possibilité de vivre toujours par son œuvre, ici-bas ou au-delà. La lutte émancipatoire africaine doit ainsi être assise sur une spiritualité profonde de la liberté et de la vie sensée, de la vie infinie.

    [1] Lire Samuel Laurent, L’Etat Islamique : organigramme, financements, filières, Paris, Seuil, 2014

    [2] Lire très utilement le livre d’Anne Poiret, Mon pays vend des armes, Paris, Les arènes, 2019. La journaliste montre en particulier l’incongruité de la vente d’armes par la France aux puissances criminelles du moyen-orient qui parrainent les organisations terroristes et qui sont des ennemies jurées du système démocratique.

    [3] https://www.derechos.org/peace/libya/doc/lby1982.html

    [4] https://les-yeux-du-monde.fr/actualites-analysees/amerique/23764-le-mythe-de-la-destinee-manifeste/

    [5] « « We are joined in our resolve to finish the job, » Obama said after talks with French President Nicolas Sarkozy at the G8 summit in the French resort of Deauville.

    But the US leader warned that the « UN mandate of civilian protection cannot be accomplished when Qaddafi remains in Libya directing his forces in acts of aggression against the Libyan people. » « We are joined in our resolve to finish the job, » Obama said after talks with French President Nicolas Sarkozy at the G8 summit in the French resort of Deauville.But the US leader warned that the « UN mandate of civilian protection cannot be accomplished when Qaddafi remains in Libya directing his forces in acts of aggression against the Libyan people. »

    [6] https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/mali/evenements/article/communique-conjoint-sur-le-deploiement-du-groupe-wagner-au-mali-23-12-21

    [7] https://actucameroun.com/2022/05/10/christian-cambon-senateur-francais-le-mali-payera-cher-le-fait-de-setre-separe-des-forces-francaises-video/

    [8] https://www.la-croix.com/Monde/Mali-zone-des-trois-frontieres-epicentre-violence-djihadiste-2022-08-11-1201228548

    [9] https://www.lopinion.fr/international/avec-le-depart-des-francais-du-mali-assimi-goita-prend-le-controle-des-airs

    Médiapart, 12/08/2022

  • Bienvenue à Bwana ! Ya bon banania se salue !

    Bienvenue à Bwana ! Ya bon banania se salue !

    Mali, Burkina Faso, Guinée Conakry, Centrafrique, Sénégal, France, Françafrique, Emmanuel Macron, Etats-Unis, Ukraine, Russie, Chine,

    La guéguerre contre la Russie tourne au fiasco en Europe.

    J’écoutais ce matin un journaliste sur LCI convenir : « Les sanctions que nous avons prises contre Poutine se retournent contre nous. »
    V. Orban en visite récente à Moscou en disait autant.

    Cela n’a pas empêché la caste des bavards professionnels européens de le flinguer : les hyènes chassent en meute.

    Le journaliste se trompe. Ce ne sont pas les Européens qui ont décidé les sanctions contre la Russie. C’est Washington qui l’a fait et l’a imposé à ses supplétifs européens qui l’ont décidé contre leurs intérêts alors que les Etats-Unis en tirent tout le profit.

    A mon tour de confesser une erreur d’appréciation : j’avais vraiment pensé que c’était l’occasion pour l’Allemagne et les pays qui faisaient partie de l’ancienne zone mark de se défaire de la laisse atlantique et des pays déficitaires de l’Euroland, comme la France ou l’Espagne. Je me suis trompé.

    Les lombrics qui ont succédé à A. Merkel sont rentrés dans le rang et vont le payer comme ils le font depuis 1945. Tant pis pour eux.

    Le président français ne manque pas de distractions : il laisse la France dans l’état où il l’a mise et s’envole en Afrique où il espère reconquérir l’ancien Empire français.

    Il espère contrer les influences chinoises, turques et russes qui partout s’étendent et répondre au ministre russe des AE est en tournée en Afrique.

    Évidemment, il se fait des illusions.

    La France est presque partout expulsée d’Afrique : du Mali, du Burkina Faso, de Guinée Conakry, de Centrafrique, du Sénégal…

    Le Rwanda abandonne la langue française au profit de l’anglais devenu langue officielle, langue d’enseignement dans les écoles primaires et jusqu’à l’université. «Nous donnons la priorité à la langue qui rendra nos enfants plus compétents et qui servira notre vision de développement du pays», a déclaré mardi 14 octobre 2008 le président Paul Kagamé dans une école primaire de Kimhurura. Colonisé par la Belgique, le Rwanda, petit État d’Afrique des Grands Lacs, est membre de la francophonie depuis ses débuts en 1970.

    Novembre 2009. Adhésion du Rwanda à la communauté des pays de langue anglaise (Commonwealth)

    Le Gabon avec le Togo en font autant en juin dernier, alors que le Royaume Uni quitte l’Union européenne.

    Naturellement, personne ne crédite Londres de ces performances : si l’anglais s’étend dans le monde ce n’est pas par la grâce de Sa Majesté ou de l’intelligence des locataires du 10 Downing Street.

    Jamais l’Angleterre n’aurait survécu sans sa fidèle subordination à l’Amérique.

    Les Anglais n’ont jamais cessé d’être, depuis août 1941, des toutous de luxe de la Maison Blanche et de Wall Street.

    Pour ce qui concerne la tournée triomphale de E. Macron en Afrique je vous joins ci-dessous un papier que je vous avais envoyé en 2011 et qui n’a pas pris une ride depuis 11 ans. Ceux qui ont des archives en ordre le retrouveront facilement.

    En conviendrez-vous ?

    Djeha, 26 juillet 2022.

    ********

    On pensait naïvement que les violeurs se recrutaient seulement à la présidence française du FMI ou chez les ministres de la culture mitterrandiens en séjours sextouristiques au Maroc… ou ailleurs.

    Il faut croire que non. Le viol semble être le mode normal d’échanges de civilités avec les barbares que nous sommes.
    C’est vrai qu’il est des Français qui dénoncent ces crimes au nom de l’honneur et de l’idée qu’ils ont de leur propre patrie. Tout cela est très respectable.

    Mais de grâce ne vous laissez pas attraper par cet argument fallacieux dont usent abondamment les Israéliens. C’était à l’époque où le président Katsav avait été convaincu que viol.

    Ecoutez-les : « Nous sommes dans un pays démocratique, vous le voyez bien. Puisque même un président de la république (une crapule nommée Katsav) peut être condamné pour avoir violé ses collaboratrices. Et en plus nous sommes libres de le médiatiser. Il s’ensuit que la différence entre civilisations et barbaries ne tient pas aux abominations qui s’y produisent dans les unes et les autres, mais à leur équitable châtiment dans les unes et à leur totale impunité dans les autres. »

    Que de Katsav faudrait-il pour effacer les crimes constitutifs de l’Etat d’Israël ?

    Combien de procès faudrait-il instruire pour absoudre l’Occident des Himalaya de cadavres qu’il a semé en Afrique (Oubangui-Chari, Madagascar, Congo, Algérie…), en Amérique depuis 1492 (les natifs de ce continent ont été largement exterminés), les guerres asiatiques (de l’Indochine à l’Afghanistan, de Hiroshima à Nagasaki)… ? « Les soldats de l’idéal », braillait Clemenceau à la Chambre, en novembre 1918.

    A d’autres !

    Et ils remettent ça encore aujourd’hui, un peu partout.

    La violence comme voie incontournable vers le progrès et la créativité ? Darwin au secours d’Hitler pour expliquer Einstein ?

    A quels débiles profonds veulent-ils faire avaler cela ?

    C’est vrai que nos pays sont loin d’être des modèles de démocraties, loin d’être des Etats de droits. Il suffit de voir ces jeunes ignares à papa dans leurs voitures de luxe se pavaner sur les boulevards et les boîtes pour midinettes pour mesurer les quintaux de graisses analphabètes qui sont plantées comme des verrues à la tête de nos nations.

    Et alors ?

    Est-ce une raison pour les solder ?

    Est-ce une raison pour se solder ?

    D’autant moins que ces dirigeants, c’est bien à ces nations civilisées et avancées que la plupart des pays du sud les doivent. Demandez leur avis à nos voisins tunisiens!

    Et si vous n’aimez pas Djeha et que vous doutiez un peu, lisez ce qui suit.

    Djeha

    Mardi 28 juin 2011

    #Ukraine #Russie #Etats_Unis #OTAN #Europe #France #Afrique

  • La militarisation du Sahel ne rendra pas l’Europe plus sûre

    La militarisation du Sahel ne rendra pas l’Europe plus sûre

    Sahel, Union Européenne, UE, Mali, France, Barkhane, Burkina Faso, Takuba, Tchad, Niger,

    L’obsession de l’UE pour la sécurité au Sahel est le reflet de ses propres angoisses – et une trahison de ses valeurs.

    Par Delina Goxho, doctorante à la Scuola Normale Superiore, et Yvan Guichaoua, maître de conférences à la Brussels School of International Studies de l’université du Kent.

    Depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en Libye il y a 11 ans et la crise sécuritaire qui a suivi au Mali, l’Europe a accéléré le processus de repoussage des frontières de son voisinage immédiat au sud. Elle a engagé davantage de dépenses, lancé plus de programmes de développement et de stabilisation, et renforcé son empreinte militaire étrangère dans les pays du Sahel africain, en particulier le Mali, le Niger et le Burkina Faso, qui sont désormais considérés comme faisant partie du « seuil » de l’Europe. »

    Avant 2011, la région du Sahel était perçue par les décideurs européens comme une terre désertique éloignée, sujette aux sécheresses et ayant besoin d’infrastructures et d’aide humanitaire. Elle est désormais considérée comme la source d’une croissance démographique dangereuse, d’une migration indésirable et d’un extrémisme violent, et comme le terrain de prédilection de mercenaires russes cupides. Elle a donc été transformée en un laboratoire où l’Europe met en scène ses insécurités géopolitiques.

    L’Europe aime se considérer comme une puissance normative – un diffuseur mondial d’idées libérales par le biais de sa politique étrangère généreuse – mais chercher à freiner la migration dans des régions comme Agadez au Niger, insister sur le fait que le Sahel est un laboratoire pour les ambitions de l’Europe en matière de sécurité et de défense, et finalement permettre la militarisation de toute une région sont des politiques qui vont à l’encontre de la promotion des droits de l’homme, de l’égalité des sexes et des solutions diplomatiques aux crises.

    Pour faire face aux multiples crises dans la région, dont le Mali est l’épicentre, l’Union européenne et ses États membres ont mis en place un nombre considérable d’initiatives dans lesquelles la sécurité est la préoccupation primordiale.

    La stratégie européenne pour le Sahel 2021 met en avant une variété de menaces présumées, mêlant un peu tout : terrorisme international, flux migratoires incontrôlés, trafics illicites, instabilité politique et réchauffement climatique. Ces multiples menaces, regroupées dans un même panier éclectique, semblent représenter différents degrés de peur. Le pronostic d’un boom démographique africain (ou d’une « bombe à retardement », comme l’appellent de nombreux responsables européens) de jeunes hommes sans emploi, éventuellement radicalisés, qui alimenteront la prochaine crise migratoire, est considéré comme la principale menace pour la sécurité européenne. La pauvreté, le trafic de marchandises et le réchauffement climatique sont présentés comme des facteurs exacerbants.

    Le Sahel est présenté à Bruxelles comme un problème pour l’avenir de l’Europe. L’endiguement des migrations et la promotion de la collaboration européenne en matière de sécurité sont les principaux objectifs de l’UE. La guerre en Ukraine et l’expansionnisme diplomatique et militaire agressif de la Russie en Afrique – qui se manifeste par le déploiement de ses mercenaires au Mali et ailleurs sur le continent (principalement en République centrafricaine, mais aussi en Libye et au Soudan) – ont ajouté une nouvelle couche d’anxiété.

    Le Sahel est désormais aussi un terrain de jeu où des pays que l’Europe considère comme des concurrents stratégiques, tels que la Russie, la Chine et la Turquie, doivent être tenus en échec. Alors que des mercenaires du groupe russe Wagner tentent actuellement de séduire le régime militaire du Burkina Faso après avoir fait une percée au Mali, il est urgent de discuter à Bruxelles de l’accélération des moyens de dépenser la Facilité européenne de soutien à la paix, un instrument financier au nom ironique qui permettrait à l’UE de fournir des armes létales aux dirigeants sahéliens, pour relever le défi.

    La France, qui est intervenue militairement au Mali début 2013 après que les deux tiers du territoire du pays soient tombés aux mains des forces djihadistes, a demandé aux partenaires européens de se joindre à son aventure militaire, complétée par une aide au développement accrue. Une dynamique vertueuse – combinant fourniture de sécurité et développement – était censée suivre. Sur le plan militaire, l’effort de partage du fardeau s’est traduit par la Task Force Takuba, une coalition de volontaires intégrée à l’opération française Barkhane.

    L’objectif était d’offrir un encadrement plus étroit aux armées sahéliennes par le déploiement de forces spéciales tout en répartissant le coût financier et politique entre un plus grand nombre de participants. L’européanisation de l’interventionnisme était, selon le raisonnement français, un moyen de diluer les accusations de néocolonialisme et d’affirmer en même temps l’autonomie stratégique de l’Europe vis-à-vis de l’OTAN. La Task Force Takuba était de petite taille, mais elle était censée ouvrir la voie à des plans plus ambitieux en vue de la création d’une véritable défense européenne défendue par la France.

    Mais la Task Force Takuba a finalement pris fin avant de se concrétiser, tout comme la mission de formation spécifique de l’UE au Mali. Leur rejet par les autorités maliennes après un second coup d’État militaire en mai 2021 est la principale raison de leur arrêt. Près de dix ans d’efforts français de lutte contre le terrorisme, pour la plupart inefficaces, ont rendu l’interventionnisme occidental malvenu.

    Du côté européen, les choses ne se sont pas passées sans heurts non plus, l’unilatéralisme français ayant provoqué la frustration des partenaires européens. En outre, l’appétit de participer à l’aventure militaire était inégalement réparti. De nombreuses forces européennes sont intégrées dans la mission de maintien de la paix des Nations unies au Mali, et elles n’ont pas l’intention d’investir davantage de troupes, mais comptent plutôt sur des formes de participation militaire plus éloignées, telles que la puissance aérienne ou les missions de formation.

    L’adhésion à la coalition des volontaires était aussi principalement basée sur la diplomatie transactionnelle. Par exemple, l’Estonie n’a que peu d’intérêt pour le Sahel, mais elle tient à renforcer sa relation de sécurité avec la France en raison de ses propres inquiétudes concernant la Russie. Il est important de noter que les objectifs de la France en matière de lutte contre le terrorisme ne sont pas aussi importants pour plusieurs de ses partenaires européens, tels que l’Italie et l’Espagne, qui sont plus préoccupés par la migration, et l’absence d’accord sur un sujet aussi crucial semble avoir un effet fragmentant sur les efforts européens au Sahel.

    Paris dirait à Madrid : « Oui, le contre-terrorisme n’est pas votre objectif principal, mais je suis sûr que vous vous souciez de la migration – pourquoi n’envoyez-vous pas vos gendarmes pour endiguer les flux de migrants ? Cela contribuera également à mes objectifs de lutte contre le terrorisme. » Selon cette logique, tout le monde est politiquement gagnant – même si, sur le plan opérationnel, un patchwork désordonné d’initiatives de sécurité finit par être mis en œuvre.

    Alors qu’à Bruxelles, les responsables peuvent penser que les populations du Sahel ignorent totalement quels sont les objectifs de l’UE, les Sahéliens savent que les Européens ne sont pas là avec les mêmes objectifs qu’avant la crise malienne de 2012, à savoir le développement et la coopération. Ces jours-ci, l’ordre du jour est l’endiguement des menaces. L’accusation de néocolonialisme que la France voulait esquiver a été largement déviée vers l’Europe plus largement.

    L’opinion publique régionale, déjà bien versée dans les récits anti-impérialistes, approuve de plus en plus les théories du complot qui envahissent les médias sociaux sahéliens. Le rejet brutal de l’interventionnisme occidental par le Mali ne le fait pas disparaître. Désormais, l’opinion fermement ancrée selon laquelle le Sahel dans son ensemble est un problème de sécurité crucial signifie que les efforts de sécurisation européens doivent être placés sur les pays voisins.

    Mais les leçons maliennes ont-elles été tirées ? L’opération militaire française Barkhane va redéployer une version transformée d’elle-même au Niger, et il est également probable que la présence de la France y soit contestée. Même une approche légère pourrait ne pas suffire, car l’approche de guerre à distance choisie par les puissances occidentales entraîne des problèmes qui lui sont propres, tels que la saturation de l’aide militaire, la coordination, l’efficacité stratégique et la responsabilité. Ce qui est considéré comme de l’interventionnisme à distance dans les capitales européennes n’est pas perçu de cette manière au Sahel, où les donateurs et les troupes européennes provoquent une distorsion des dynamiques nationales et régionales.

    Une perception déformée du Sahel, qui met trop l’accent sur les menaces démographiques et sécuritaires pour l’Europe, a fait d’une certaine forme d’intervention européenne une nécessité aux yeux des décideurs européens. Les craintes à l’égard du Sahel ont augmenté à un point tel que la non-intervention est devenue impossible.

    Mais un catalogue de craintes ne devrait pas faire une politique – et l’histoire récente des relations entre l’Europe et le Sahel a jeté un doute sur les moyens efficaces d’intervenir. Compte tenu de la valeur que l’Europe a accordée à la région, un échec au Sahel pourrait plonger l’Europe dans un puits d’insécurité plus profond.

    Pour élaborer des politiques européennes efficaces, il faut reconnaître certaines réalités fondamentales. L’élaboration de politiques fondées uniquement sur les craintes européennes a peu de chances de répondre aux aspirations des Sahéliens à un changement significatif. L’époque de l’édification d’un État par l’étranger est révolue. La construction d’une future politique stable au Sahel nécessite des négociations locales auxquelles les insurgés peu libéraux devront peut-être participer. Pour ce faire, un espace civique ouvert et sain est nécessaire. À court terme, la réponse aux besoins humanitaires causés par la crise prolongée nécessitera une mobilisation importante de ressources, ce qui signifie également qu’il faut laisser les gens se déplacer.

    L’Europe peut apporter une aide significative et humble dans ces domaines, mais catastrophiser la région et la militariser davantage ne fera qu’empirer les choses.

    Foreign policy, 05/08/2022

    #Sahel #Mali #Union_européenne #UE #France #Barkhane #Takuba #Burkina_Faso #Tchad #Niger


  • Mali-Burkina: les coups d’État ont-ils stoppé les attaques?

    Mali, Burkina Faso, Sahel, groupes armés, djihadistes,

    Par Natasha Booty

    La colère généralisée face à l’insécurité chronique dans les pays d’Afrique de l’Ouest que sont le Mali et le Burkina Faso a ouvert la voie aux militaires qui ont chassé les gouvernements défaillants au cours des deux dernières années.

    « Il n’y a plus de place pour l’erreur », a déclaré le putschiste malien lors de sa prise de pouvoir en août 2020.

    « Nous avons plus que ce qu’il faut pour gagner cette guerre », a fait écho le nouveau responsable du Burkina Faso plus tôt cette année.

    Alors, les citoyens sont-ils désormais plus en sécurité ?

    La réponse courte est non.

    Dans les deux pays, les attaques de militants islamistes contre des civils n’ont fait qu’augmenter. Il en va de même pour les civils tués – davantage de gens ordinaires sont tués par des islamistes, des militants et des militaires.

    Les données fournies à la BBC par Acled en juin comparent les 661 jours avant et après le coup d’État au Mali en août 2020, et les 138 jours avant et après le coup d’État au Burkina Faso en janvier 2022.

    Pour recueillir ces données, l’Acled s’appuie sur un réseau « d’informateurs et de professionnels » ainsi que sur les reportages des médias, mais M. Nsaibia affirme qu’il est particulièrement difficile de traquer la violence au Sahel en raison de « la désinformation menée par la Russie, et les États eux-mêmes alimentent souvent les médias avec de faux rapports pour les faire paraître plus réussis qu’ils ne le sont réellement ».

    La Russie, qui soutient la junte malienne, a toujours nié de telles allégations dans le passé. Les gouvernements du Mali et du Burkina Faso n’ont pas répondu aux demandes de commentaires de la BBC.

    L’un des mois les plus meurtriers jamais enregistrés a été mars 2022. Selon Acled, 790 civils ont été tués au Mali.

    Graphique du Mali montrant l’augmentation des morts civiles et des attaques islamistes contre des civils
    Certains de ces civils ont été tués par des militants de la branche locale du groupe État islamique à Ménaka, selon Acled, et il y a eu d’autres attaques de moindre envergure. Mais la grande majorité étaient des civils massacrés dans la ville de Moura par l’armée malienne, conviennent les groupes de défense des droits.

    « Selon plusieurs rapports, l’armée malienne et des mercenaires russes sont entrés dans Moura à la recherche de ce qu’ils prétendaient être une réunion de chefs djihadistes. Ils ont attaqué des civils et l’ONU affirme avoir tué environ 500 civils en trois jours », déclare International Crisis. Groupe (ICG) Directeur du projet Sahel, Richard Moncrieff.

    Les autorités maliennes ont nié que des civils aient été tués à Moura, affirmant que seuls des militants islamistes étaient morts. Il a depuis refusé l’accès à l’ONU pour une enquête sur les décès et a lancé la sienne à la place.

    « Il s’agit d’un problème classique, parfois appelé la question des ‘morts disparus’ », explique M. Nsaibia d’Acled. « La violence sanctionnée par l’État n’est pas signalée, mais parfois même présentée comme étant perpétrée par quelqu’un d’autre. »

    Il dit que la couverture médiatique peu fiable présente un obstacle majeur, tout comme les sites ruraux souvent éloignés de telles attaques dans les pays du Sahel – de plus « il y a une peur dominante parmi les communautés à l’idée de s’exprimer ».

    Dans certains cas, les frontières entre l’acteur étatique et la milice civile peuvent également sembler floues – le Burkina Faso en particulier a une tradition de milices communautaires armées, dit M. Moncrieff, pour lesquelles le gouvernement a créé un rôle officiel en 2020.

    De telles milices au Sahel sont de plus en plus sollicitées pour faire face à la menace djihadiste, mais sont souvent en sous-armement et en infériorité numérique. Certains ont également été accusés d’avoir commis des exactions violentes contre des civils.

    « Armées clandestines »
    Selon un récent rapport de l’ONU, les autorités maliennes ne contrôlent pleinement que 15 % du territoire du pays . Pendant ce temps, au Burkina Faso, seulement environ 60% du pays est sous contrôle de l’État, selon le bloc régional ouest-africain de la CEDEAO .

    Les militants islamistes au Mali et au Burkina Faso disposent d’une énorme puissance de feu, selon les analystes.

    « C’est une guerre entre une armée et une armée clandestine » et dans de larges pans de ces pays « la pérennité de l’État n’est pas là », argumente le politologue Abdourahmane Idrissa, basé à l’université de Leiden.

    Au Burkina Faso comme au Mali, les islamistes se livrent à une « guerre asymétrique classique », explique M. Moncrieff d’ICG, « où ils ne prennent le contrôle d’aucune ville. Ils encerclent de plus en plus les villes et les coupent pour se muscler, et autrement sont devenus très ruraux. »

    L’un des catalyseurs du coup d’État de janvier au Burkina Faso a été un raid effronté au cours duquel des djihadistes ont tué 57 gendarmes au camp d’Inata, dans le nord du pays. Les gendarmes avaient eu recours à la récupération de nourriture avant l’attaque, après que leurs demandes de rations et de munitions supplémentaires soient restées lettre morte.

    « Ce fut un choc – presque toute une unité a été anéantie – et ils sont morts dans des conditions que tout le monde jugeait déplorables », a déclaré à la BBC l’ancien soldat burkinabè devenu analyste Mahamoudou Sawadogo.

    Depuis lors, sous la nouvelle junte, dit M. Sawadogo, les forces armées se sont vu promettre de meilleures conditions, plus de ressources et une révision de la stratégie antiterroriste – « mais cela n’a pas résolu le problème ».

    « Les attaques se multiplient, il y a plus de violence contre les civils et plus de contrôle territorial a été perdu au profit des groupes armés – la stratégie des putschistes n’est donc pas adéquate contre la menace », ajoute-t-il.

    Les changements structurels visant à unifier les forces armées du Burkina Faso sous un commandement unique ont également échoué, déclare M. Sawadogo.

    « Exploiter le vide »
    Le Mali voisin, avec sa plus longue histoire d’insurrection, ne s’en sort pas mieux.

    Il a été l’épicentre de la violence islamiste au Sahel au cours de la dernière décennie, les djihadistes ayant permis aux rebelles touareg de s’emparer du contrôle d’une grande partie du nord en 2012.

    Les troupes françaises ont été appelées pour lutter contre l’insurrection l’année suivante, les Maliens se félicitant initialement de l’intervention de son ancien colonisateur. Mais après neuf ans, ils quittent le Mali après s’être brouillés avec la junte, et le Mali a également décidé de quitter la force multinationale du G5 Sahel qui a été créée conjointement pour combattre les djihadistes.

    Alors que la force Barkhane dirigée par la France a déplacé le centre de son opération anti-jihadiste au Niger, les militants de l’État islamique dans le Grand Sahara ont « exploité le vide laissé derrière eux » pour mener « des niveaux de violence sans précédent » dans les régions de Menaka et Gao, selon M. Nsaibia.

    Certains analystes affirment que les activités de la junte malienne depuis son arrivée au pouvoir – notamment l’embauche de troupes de l’entrepreneur de sécurité russe Wagner et l’achat d’un grand nombre d’armes à la Russie – ont échoué faute de stratégie cohérente.

    « L’armée est maintenant plus active – la corruption massive qui l’empêchait d’être plus active a été éliminée – mais cela ne veut pas dire qu’elle contrôle désormais mieux », fait valoir M. Idrissa.

    M. Moncrieff convient que depuis le début de l’année, l’armée malienne adopte « une approche beaucoup plus frontale et mène la lutte contre les groupes djihadistes », probablement parce qu’elle se sent « enhardie par le soutien des mercenaires russes et un afflux d’armes ». – beaucoup d’entre eux de Moscou ».

    « Les rapports indiquent qu’ils ont réussi à sécuriser certaines zones au moins pendant des périodes prolongées et ont chassé les groupes djihadistes », ajoute-t-il.

    Le Mali nie la présence d’entrepreneurs militaires russes dans le pays, mais les deux parties sont accusées par des groupes de défense des droits d’avoir commis des abus et des massacres de civils , et Acled a déclaré à la BBC que la violence contre les civils avait « monté en flèche » depuis le début de l’implication russe en décembre.

    Dans de nombreux cas, les civils tués par les forces maliennes appartiennent au groupe ethnique peul, qu’ils considèrent comme la principale base sociale à partir de laquelle les islamistes recrutent, et parfois des civils sont ciblés sur de simples soupçons d’avoir collaboré avec des militants, ont déclaré des analystes à la BBC.

    Le Mali, cependant, a toujours nié cela.

    Ces dernières années, alors que leur influence s’est affaiblie au Moyen-Orient, le groupe État islamique et al-Qaïda ont de plus en plus concentré leurs efforts sur le Sahel.

    Ils ont exploité les tensions existantes dans les communautés, dit M. Moncrieff, « le changement climatique et la diminution des ressources agricoles s’ajoutant à ce mélange très violent ».

    « C’est un cercle vicieux », ajoute-t-il, « les gens étant exclus de leurs champs par l’insécurité, alors que cela les rend plus susceptibles de rejoindre des groupes qui sont soit de nature djihadiste, soit simplement des gangs criminels qui visent à voler du bétail, etc. »

    La propagation de la violence djihadiste du nord au centre du Mali au cours des sept dernières années, et son émergence au Burkina Faso au cours des deux dernières années, a des implications ailleurs en Afrique de l’Ouest.

    « On le voit aussi dans les Etats côtiers, notamment le Bénin, et plus récemment le Togo », précise M. Nsaibia.

    « Jusqu’à présent, seul le Ghana a été épargné, pour ainsi dire, même s’il y a de fortes indications que des groupes militants utilisent le territoire ghanéen comme lieu de repos et de récupération. »

    ‘Un dernier recours’
    De nombreuses personnes dans les pays sahéliens qui recherchent désespérément des solutions pensent que les gouvernements militaires peuvent mieux gérer l’insécurité que les gouvernements démocratiquement élus, mais les analystes préviennent que ce soutien populaire pourrait bientôt se détériorer.

    « Nous vivons cela maintenant au Burkina Faso et au Mali », déclare M. Sawadogo. « Toute implication de l’armée dans les affaires politiques aggrave la situation sociale et sécuritaire de la nation… C’est un dernier recours. Chaque coup d’État au Burkina Faso a retardé le progrès du pays. »

    « L’acclamation s’estompe lorsque les gens prennent conscience que l’armée au pouvoir n’a pas plus de poids dans les zones périphériques que les gouvernements civils », convient M. Moncrieff.

    C’est un point de vue partagé par le président nigérien Mohamed Bazoum – qui a résisté à une tentative de coup d’État quelques jours avant sa prestation de serment officielle – ainsi que par le président ghanéen et chef de la CEDEAO Nana Akufo-Addo, qui a déclaré à la BBC en avril que « les preuves initiales ne Cela n’indique pas que le Mali fait mieux que le gouvernement civil contre l’insécurité et la lutte contre les djihadistes. »

    Alors, comment le Burkina Faso et le Mali peuvent-ils apporter un changement durable ?

    « Une meilleure gestion et organisation de leurs forces de sécurité, et une meilleure gestion des processus électoraux dans leurs pays », suggère M. Moncrieff d’ICG.

    « La principale leçon est que vous devez avoir un plan – que vous soyez une puissance militaire ou civile – parce que le gouvernement civil n’en avait pas non plus », explique le politologue M. Idrissa.

    Les démonstrations de puissance militaire, telles que les raids et la répression des groupes armés, ne suffisent finalement pas à établir le pouvoir de l’État, ajoute-t-il. Pour cela, il faut un État réformé, capable de garder le contrôle de son territoire.

    Pour l’instant, la sécurité de base que les chefs militaires avaient promise aux populations du Burkina Faso et du Mali semble bien loin.

    BBC, 30/07/2022

    #Mali #Sahel #France #Russie #Wagner #Groupes_armés