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  • De Kaboul à Kiev: quel monde demain?

    De Kaboul à Kiev: quel monde demain?

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    En à peine deux ans les événements se succèdent et affectent notre façon de regarder l’ordre international. De la pandémie du Covid à l’agression de l’Ukraine par la Russie, en passant par la chute de Kaboul et la fin annoncée de l’opération Barkhane, l’actualité nous offre un condensé d’histoire rare en une si brève séquence.

    Égrenons ces événements rapidement et tentons d’en tirer quelques leçons.
    La pandémie mondiale inattendue du Covid qui s’est étendue sans que rien ne puisse l’arrêter a bouleversé profondément les règles de l’interdépendance entre pays et a perturbé la vie économique des États qui ont réagi en ordre dispersé dans les mesures adoptées et les remises en cause de la doxa économique qu’ils appliquaient jusqu’alors. À « la santé d’abord » a succédé le « quoi qu’il en coûte » pour sauver l’économie, le tout pour éviter le confinement et puis le chacun pour soi que la livraison des vaccins a illustré. Et surtout l’extrême puissance des grands groupes pharmaceutiques qui ont préempté le secteur de la santé publique au point de pouvoir imposer des clauses léonines dans les contrats de fourniture à l’Union européenne. Cette crise, dont on ne sait si elle est véritablement jugulée, a rappelé le profond fossé Nord-Sud toujours vivace et mis à nu les fragilités générées par une interdépendance mondiale organisée sur le principe de la multiplication de flux sans stocks de précaution.

    On se souvient de la chute de Kaboul dans un chaos indescriptible, mal négociée et mal organisée et sans consultation des alliés. Au point que l’histoire en retient plus le désordre apparent que l’application d’une décision mûrement réfléchie déjà sous l’administration Obama et jamais remise en cause dans son principe par les équipes suivantes de Trump ou de Biden. Le cafouillage en a éclipsé la portée qui clôt la séquence ouverte après le 11 septembre 2001, celle de la « lutte mondiale contre le terrorisme » prônée par Bush Junior et à laquelle nous étions sommés de nous rallier. Elle signale aussi le mirage de l’exportation de la démocratie par les armes, des expéditions guerrières en terres exotiques et des difficultés de la construction d’un État par l’extérieur. Il serait néanmoins prématuré de croire que la tentation ne reviendra pas. L’annonce récente par l’Africom – le commandement militaire américain pour l’Afrique –de l’envoi d’un bataillon de 500 hommes en Somalie pour combattre les Shebab dont l’influence s’étend aujourd’hui jusqu’au Nord-Mozambique, doit nous inquiéter. On sait que ce retrait d’Afghanistan témoigne surtout de la volonté de se donner les moyens de se tourner vers l’Asie et de considérer que l’effort doit s’orienter désormais vers des ennemis systémiques à commencer par la Chine. Et il faut se souvenir que les États-Unis disposent d’un éventail de moyens pour imposer leur hégémonie sur de larges parties du monde, de l’exterritorialité juridique et de l’hégémonie de leur monnaie jusqu’aux politiques de sanctions ou d’embargos.

    Peut-être l’arrêt de l’opération Barkhane et retrait des troupes françaises du Malidoivent-ils beaucoup aux événements de Kaboul. Mais il est certain que ce désengagement marque le recul de l’influence française en Afrique, probablement l’avancée des forces islamistes, et à coup sûr la montée d’un sentimentanti-occidental en Afrique. Le prix payé est celui de principes souvent invoqués et rarement appliqués.

    Enfin l’invasion de l’Ukraine par la Russiea révélé une unité de l’Occident, des divisions de l’Union européenne, le tout sous l’ombre tutélaire d’une perte d’influence auprès du tiers-monde. Les clivages au sein del’Union européenne entre « faucons », partisans d’uneligne dure contre Moscou et d’une guerre prolongée jusqu’au dernier Ukrainien, et « colombes », favorables àun cessez-le-feu négocié au plus vite, pourraient à termeparalyser l’Europe sur la scène internationale. Ces clivages se superposent à un poil près à celui qui avait traversé l’Europe lors de l’invasion de l’Irak par les États-Unis en 2003.Au dernier Forum économique de Davos, le présidentukrainien, Volodymyr Zelensky s’inquiétait de voir « le monde se lasser de la guerre ». Il pourrait rapidement avoir raison. Le Monde relaie une enquête d’un think tank européen traduisant une forme de fatigue et montre que « la cause ukrainienne pourrait donc passer d’une tentative d’union nationale à un sujet politique clivant ». En trois mois, le consensus autour de la condamnation de l’agression a fait place à plus que des nuances sur la nature de l’issue et donc des objectifs de guerre. L’ambition affichée de Zelensky de libérer le territoire – Donbass, Crimée et côte de la mer d’Azov –semble hors de portée militaire aujourd’hui. Le front se transforme en guerre de positions et ne peut en l’état donner lieu à un accord de paix qui acterait pour l’un des pertes territoriales impossibles à assumer et pour l’autre de trop faibles gains eu égard aux moyens déployés et aux fortes pertes subies. De telles situations se terminent par un cessez-le-feu ou un armistice où chacun peut commencer à panser ses plaies et reconstruire, libéré de la menace meurtrière qui tombe du ciel. Cela s’appelle un « conflit gelé » et permet aux protagonistes de continuer à afficher leurs objectifs sans perte de face.

    Cette gerbe d’événements a contribué à remodeler et à éclairer le monde et appelle quelques remarques.

    Même si les formes de la guerre ont pu changer,la vieille formule en vigueur dans les années soixante, « le pouvoir est au bout du fusil »,reste encore d’une étonnante actualité et un continent que l’on en croyait définitivement épargné a fini par rejoindre la zone des tempêtes.

    Le contexte n’est plus celui de l’ancienne guerre froide au-delà d’apparences trompeuses. L’enjeu n’est plus idéologique et social même si certains veulent faussement nous y renvoyer en agitant le spectre d’un affrontement entre démocraties et dictatures. Il s’agit de conquête de l’hégémonie mondiale avec classiquement un tenant du titre et un aspirant à cette position avec toutes les combinaisons qui peuvent en découler : affrontement violent (à l’ère nucléaire), coopération, ou partage d’influence sous forme d’un condominium.

    Cette courte période s’inscrit dans une séquence plus longue qui éclaire sa portée, c’est celle d’un déclin de l’Occident en terme de poids économique mondial (part du PIB du G-7 qui passe de 50 à 31% en quarante années) et conséquemment d’une perte d’influence sur une large partie du monde qui y voit alors des espaces de souveraineté à conquérir et des intérêts propres à faire respecter. Tout ceci confirme une lente désoccidentalisation du monde et un timide renouveau du « non-alignement ».

    La conception d’un monde organisé autour des chaînes de valeurs délocalisées en fonction d’intérêts singuliers propres aux multinationales qui concentrent l’essentiel du commerce mondial pourrait avoir vécu. Cette mondialisation exacerbent les mécanismes d’attractivité et favorise un mode de fonctionnement à flux tendus, sans stock, sans sécurité d’approvisionnement. Ses limites apparaissent très vite lorsque des sanctions économiques et financières viennent en aggraver la fragilité. Tout ceci confirme l’inflexion amorcée après la crise financière mondiale de 2008-2010 d’une lente démondialisation. C’est ce qui explique que la guerre d’Ukraine s’est très vite mondialisée dans ses effets sans pour autant devenir une guerre mondiale.

    Cette séquence nous interpelle sur une question centrale des relations internationales. Dans l’idéal (par ex. Onusien) chaque pays dispose de l’égalité souveraine de ses droits, certes tempérée par un Conseil de sécurité où certains en possèdent plus. Mais ce que confirme cruellement l’actualité de la situation c’est une inégalité géographique qui découle de la proximité d’une grande puissance. Elle vous interdit de tisser des liens avec la grande puissance du camp opposé. Elle soulève l’inégale situation d’États tampons dont les hasards de la cartographie brident l’entière maîtrise de leur souveraineté.

    De cette séquence, les perdants peuvent être désignés d’avance : les pays entrés en guerre qui en sortiront inévitablement affaiblis, la Russie, l’Ukraine, l’Europe. Les gagnants seront ceux qui auront su rester à distance, la Chine et les États-Unis et pourront, forts de l’hégémonie restaurée dans leur camp respectif, reprendre leur grande confrontation du siècle.

    Les événements de la séquence en cours contribuent à façonner les formes qu’empruntera le XXIème siècle.

    L’Express, 23 juin 2022

    #Russie #Ukraine #OTAN #Occident #Europe #Barkhane #Covid19 #Chine #EtatsUnis

  • La Chine lance un porte-avions de haute technologie

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    BEIJING (AP) – Pékin a lancé vendredi un porte-avions de nouvelle génération, le premier navire de ce type à être à la fois conçu et construit en Chine, dans une étape importante alors qu’il cherche à étendre la portée et la puissance de sa marine.

    Le transporteur de type 003 baptisé Fujian a quitté sa cale sèche dans un chantier naval à l’extérieur de Shanghai dans la matinée et s’est amarré à un quai voisin, ont indiqué les médias d’État.

    La chaîne de télévision publique CCTV a montré du personnel de la marine rassemblé debout sous l’énorme navire alors que des jets d’eau pulvérisaient sur son pont, des banderoles multicolores volaient et de la fumée colorée se dégageait.

    Équipé des dernières technologies d’armement et de lancement d’avions, les capacités du navire Type 003 sont censées rivaliser avec celles des porte-avions occidentaux, alors que Pékin cherche à transformer sa marine, déjà la plus grande au monde, en une force multiporteuse.

    Les images satellite capturées par Planet Labs PBC jeudi et analysées par l’Associated Press ont montré le transporteur dans ce qui semblait être une cale sèche entièrement inondée au chantier naval de Jiangnan, près de Shanghai, prêt pour le lancement. Il était drapé de banderoles rouges, vraisemblablement en préparation de la cérémonie de lancement.

    « Il s’agit d’une étape importante pour le complexe militaro-industriel chinois », a déclaré Ridzwan Rahmat, analyste basé à Singapour pour la société de renseignement de défense Janes.

    « Cela montre que les ingénieurs chinois sont désormais capables de fabriquer localement la suite complète de combattants de surface associés à la guerre navale moderne, y compris des corvettes, des frégates, des destroyers, des navires d’assaut amphibies et maintenant un porte-avions », a-t-il déclaré. « Cette capacité à construire un navire de guerre très complexe à partir de zéro entraînera inévitablement diverses retombées et avantages pour l’industrie chinoise de la construction navale. »

    Le premier porte-avions chinois était un navire soviétique reconverti, et le second a été construit en Chine mais basé sur une conception soviétique. Les deux ont été construits pour utiliser une méthode de lancement dite de « saut à ski » pour les avions, avec une rampe à l’extrémité de la courte piste pour aider les avions à décoller.

    Le Type 003 utilise un lancement par catapulte, qui, selon les experts, semble être un système de type électromagnétique comme celui développé à l’origine par l’US Navy. L’agence de presse officielle chinoise Xinhua a confirmé que le Fujian avait utilisé le système électromagnétique dans un rapport sur le lancement de vendredi.

    Un tel système met moins de pression sur l’avion que les anciens systèmes de lancement de catapulte à vapeur, et l’utilisation d’une catapulte signifie que le navire sera en mesure de lancer une plus grande variété d’avions, ce qui est nécessaire pour que la Chine puisse projeter des projets navals. puissance à une plus grande portée, a déclaré Rahmat.

    « Ces catapultes permettent aux avions déployés de transporter une charge d’armes plus importante en plus des réservoirs de carburant externes », a déclaré Rahmat.

    « Une fois pleinement opérationnel, le troisième transporteur du PLAN serait également en mesure de déployer une suite plus complète d’avions associés aux opérations du groupe de frappe des transporteurs, y compris le transport de livraison à bord du transporteur et les cellules d’alerte avancée et de contrôle aéroportées, telles que le KJ-600. »

    La marine de l’Armée populaire de libération de Chine, ou PLAN, se modernise depuis plus d’une décennie pour devenir davantage une force « d’eau bleue » – une force capable d’opérer à l’échelle mondiale plutôt que de se limiter à rester plus près du continent chinois.

    Dans le même temps, les États-Unis se concentrent de plus en plus sur la région, y compris la mer de Chine méridionale. La vaste région maritime a été tendue parce que six gouvernements revendiquent tout ou partie de la voie navigable stratégiquement vitale, par laquelle environ 5 billions de dollars de commerce mondial transitent chaque année et qui détient des stocks de pêche riches mais en déclin rapide et d’importants gisements sous-marins de pétrole et de gaz.

    La Chine a été de loin la plus agressive dans l’affirmation de sa revendication sur la quasi-totalité de la voie navigable, ses caractéristiques insulaires et ses ressources.

    La marine américaine a navigué sur des navires de guerre au-delà d’îles artificielles construites par la Chine dans la mer et équipées de pistes d’atterrissage et d’autres installations militaires. La Chine insiste sur le fait que son territoire s’étend à ces îles, tandis que la marine américaine affirme qu’elle y mène des missions pour assurer la libre circulation du commerce international.

    Dans son rapport au Congrès américain l’année dernière sur les capacités militaires de la Chine, le ministère de la Défense a déclaré que le programme de développement de porte-avions était essentiel au développement continu de la marine chinoise en une force mondiale, « étendant progressivement sa portée opérationnelle au-delà de l’Asie de l’Est dans une capacité durable à fonctionnent à des distances de plus en plus longues.

    « Les porte-avions chinois et les porte-avions de suivi prévus, une fois opérationnels, étendront la couverture de la défense aérienne au-delà de la portée des systèmes de missiles côtiers et embarqués et permettront les opérations des groupes de travail à des distances de plus en plus longues », a déclaré le ministère de la Défense.

    Ces dernières années, la Chine a étendu sa présence dans l’océan Indien, le Pacifique occidental et au-delà, établissant sa première base à l’étranger au cours de la dernière décennie dans la nation de la Corne de l’Afrique, Djibouti, où les États-Unis, le Japon et d’autres maintiennent également une présence militaire. . Il a également récemment signé un accord de sécurité avec les îles Salomon dont beaucoup craignent qu’il ne lui donne un avant-poste dans le Pacifique Sud, et travaille avec le Cambodge sur l’expansion d’une installation portuaire là-bas qui pourrait lui donner une présence dans le golfe de Thaïlande.

    Xinhua a rapporté que le Fujian, qui porte le numéro de coque 18, avait un déplacement à pleine charge de 80 000 tonnes. Dans un rapport de mars préparé par le service de recherche du Congrès américain, cependant, les analystes ont déclaré que les images satellites suggèrent que le déplacement du Type 003 était d’environ 100 000 tonnes, similaires à ceux des porte-avions de l’US Navy.

    Le PLAN compte actuellement quelque 355 navires, y compris des sous-marins, et les États-Unis estiment que la force passera à 420 navires d’ici 2025 et à 460 navires d’ici 2030. Malgré la plus grande marine du monde numériquement, le PLAN n’a pour l’instant toujours pas les capacités nécessaires. de l’US Navy et reste loin derrière dans les porte-avions.

    La marine américaine est le leader mondial des porte-avions, avec 11 navires à propulsion nucléaire. Il dispose également de neuf navires d’assaut amphibies pouvant transporter des hélicoptères et des avions de chasse à décollage vertical.

    Les alliés américains comme la Grande-Bretagne et la France ont également leurs propres porte-avions, et le Japon a quatre « destroyers d’hélicoptères », qui ne sont techniquement pas des porte-avions, mais transportent des avions. Deux sont en cours de conversion pour prendre en charge les chasseurs à décollage court et à atterrissage vertical.

    Le nouveau transporteur chinois a été nommé d’après la province du Fujian sur la côte sud-est du pays, suivant une tradition après avoir nommé ses deux premiers transporteurs d’après les provinces du Liaoning et du Shandong.

    La cérémonie de lancement de son chantier naval a été présidée par Xu Qiliang, membre du Politburo du Parti communiste au pouvoir et vice-président de la Commission militaire centrale dirigée par le président et chef du parti Xi Jinping.

    Après que Xu ait coupé le ruban pour le lancement, une bouteille de champagne a été brisée sur la proue du Fujian, a rapporté Xinhua. Les portes de la cale sèche se sont alors ouvertes et le navire est sorti dans l’eau et amarré à son quai.

    Le développement par la Chine du porte-avions de type 003 fait partie d’une modernisation plus large de l’armée chinoise. Comme pour son programme spatial, la Chine a procédé avec une extrême prudence dans le développement des porte-avions, cherchant à n’appliquer que des technologies qui ont été testées et perfectionnées.

    Pour le moment, on ne pense pas que la Chine ait développé l’avion pour réaliser pleinement le potentiel du nouveau transporteur, a déclaré Rahmat.

    On ne sait pas à quel point la Chine est proche du développement de son avion KJ-600 AWACS, qu’elle a commencé à tester en 2020, pour qu’il soit prêt pour les opérations de transport, et il y a « peu de preuves » qu’elle a commencé à travailler sur le transport de livraison à bord du transporteur. avion, dit-il.

    Maintenant qu’il est lancé, le porte-avions devra être équipé, ce qui pourrait prendre de deux à six mois. Ensuite, il y aura des essais d’acceptation dans le port et des essais en mer, qui prendront probablement encore six mois avant que les ingénieurs ne commencent à lancer des charges d’essai à l’aide du système de catapulte.

    « Le premier avion ne sera lancé à partir de ce transporteur peut-être que de la fin de 2023 à 2024, et la pleine capacité opérationnelle sera probablement déclarée plus près de 2025 », a-t-il déclaré.

    Associated Press, 17 juin 2022

    #Chine #Fujian #Porte_avions

  • La guerre en Ukraine livre de nouveaux paradigmes

    La guerre en Ukraine livre de nouveaux paradigmes

    Ukraine, Russie, OTAN, Chine, Etats-Unis, Europe,

    Les États Unis, l’Otan, la Russie, la Chine, semblent être aujourd’hui les puissances qui font les événements du monde. En ne faisant rien, la Chine fait tout : dans un contexte de récession planétaire, elle rachète tout ce qu’elle trouve sur le marché comme matières premières. Elle en revendra une partie au prix fort aux pays développés, surtout aux États Unis et aux Européens. En même temps, elle profite des succès des Russes pour imposer son tempo à Taïwan. Donc, elle a marqué des points précieux dans la géostratégie du monde en mouvement.

    La Russie continue d’avancer selon un schéma tactique qui prend tout le monde au dépourvu. Et les médias occidentaux qui font de la propagande stérile n’y pourront rien, car sur le terrain, l’Ukraine elle-même est en train de demander secours et de compter, publiquement, ses pertes. L’aboutissement, on s’y rapproche laborieusement. L’objectif pour les Russes est de changer un ordre imposé par l’Occident ; et elle est en train d’arriver à le renverser.

    Les États Unis, en perte de vitesse, certes, mais qui demeurent une superpuissance mondiale sur laquelle il faudrait encore compter, n’a plus toutes les cartes en main pour imposer son rythme. La sous-traitance de la guerre contre les Russes via l’Europe n’a pas fonctionné au quart de tour. L’Ukraine est dévastée depuis longtemps, et les pays européens hésitent à jouer le jeu à fond, à l’image de la France, qui multiplie les effets d’annonce, sans rien de concret, et de l’Allemagne, qui tente de gagner du temps pour apprécier sur quelle position se tenir.

    L’Europe, grand perdant de ce bras-de-fer Amérique-Russie, en sortira meurtrie, comme après la Seconde Guerre mondiale. Elle le sait, et tente de résister aux effets d’entraînement de l’Otan, qui reste le bras armé des seuls Etats Unis.

    L’Afrique, pour une fois, se donne le droit de regarder la guerre de loin. A plusieurs reprises, elle a fait savoir au monde entier que ce ne sont pas les Russes, mais les Européens qui ont colonisé, meurtri et dévasté le continent africain. La Conférence de Berlin qui a présenté l’Afrique en une grosse tarte à manger, c’était le fait des Européens, pas des Russes, la colonisation, l’esclavagisme, la fabrication des barbouzes et des Chefs d’Etats, également furent le fait des Européens.

    Nous l’avons déjà dit à plusieurs reprises, la guerre en Ukraine livrera des paradigmes nouveaux, qui ne seront certainement pas au bénéfice des puissances d’hier.

    L’Expression, 16 juin 2022

    #Ukraine #Russie #Chine #EtatsUnis #OTAN

  • Europe: Perspectives d’approvisionnement en gaz par l’Algérie

    Europe: Perspectives d’approvisionnement en gaz par l’Algérie

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    Dans les relations internationales n’existant pas de sentiments, quelles sont les relations commerciales entre l’Algérie et l’Espagne et les perspectives de l’approvisionnement en gaz par l’Algérie de l’Europe ?
    L’Algérie, étant reconnu par la communauté internationale comme un acteur clef de la stabilité de la région méditerranéenne et africaine, dans ses relations s’en tient à la légalité internationale ayant adopté une position de neutralité dans le conflit en Ukraine lors du récent vote à l’ONU, tissant d’excellentes relations avec la Russie, la Chine les USA , la majorité des pays européens et d‘autres pays en Afrique, en Asie, en Amérique du Sud et au Moyen orient , défendant avant tout sa souveraineté qui n’ pas de prix.

    Aussi , les supputations récentes de certains responsables espagnols, avis qui ne fait pas l’unanimité en Espagne, que les tensions actuelles seraient dictées par Moscou à l’Algérie, ne tiennent pas la route du fait du renforcement récent des relations économiques avec l’Italie, la France, l’Allemagne et les USA tout en gardant des relations stratégiques avec la Russie. Espérons que le dialogue productif l’emporte sur les passions. Comme l’ont souligné le président de la république et récemment l’ambassadeur d’Algérie à Bruxelles, elle honorera ses engagements internationaux pour l‘approvisionnement en hydrocarbures quel que soit le pays, dans le cadre strict du respect des contrats. La révision des prix est contenu dans les clauses, en principe toutes les deux années, en rappelant que par le passé, ce sont deux pays l’Italie et l’Espagne qui avaient demandé la révision des prix à la baisse, lorsque le cours étaient bas. Aujourd4hui en toute souveraineté, le cours étant la hausse l’Algérie est en droit de demander une révision des prix à la hausse

    1.-Quelles sont les relations économiques de l’Algérie avec le reste du monde ?

    En dépit des relations politiques mouvementées depuis de longues décennies, l’Europe demeure le premier partenaire de l’Algérie, mais les échanges restent loin d’un optimum possible, comme en témoigne la structure du commerce extérieur du pays. En 2019,, la France était le 1er client de l’Algérie (14 % du total), devant l’Italie (13 %) et l’Espagne (11 %). La Chine était en 2019 le 1er fournisseur de l’Algérie (avec une part de marché de 18 %), suivie par la France (10 %) et l’Italie (8 %). Sur la liste des pays fournisseurs de l’Algérie, la France occupe la première place parmi les pays de l’UE avec 10 %, suivie de l’Italie (7 %), de l’Allemagne (6,5 %) et de l’Espagne (6,2 %) contre 17 % pour la Chine. En matière d’exportations, l’Italie est le premier client de l’Algérie avec un taux de 14,5 % suivie de la France (13,7 %) et l’Espagne (10 %) contre 9 % pour la Turquie et 5 % pour la Chine. Selon les statistiques douanières bilan 2020,sur 34,39 milliards d’importation de biens et 23,80 milliards de dollars d’exportation, les principaux partenaires sont la Chine avec 16,81% suivi de l’Italie, de la France, l’Allemagne et l’Espagne avec respectivement 10,60ù, 7,05% , 6,48% et 6,22%.

    Pour les principaux clients nous avons l’Italie avec 14,47% suivi de la France, l’Espagne, la Turquie et la Chine avec respectivement 13,69%, 9,84%, 8,91% et 4,89% Ainsi, les tendances du commerce extérieur , montrent que l’Europe demeure le premier partenaire avec peu d’évolution entre 2021/2022. Selon les données douanières pour 2020 nous avons la ventilation suivante par grandes zones : l’Europe 48,45% d’importation et 56,76% d’exportation avec une baisse de 17,70% par rapport à 2019 du fait de l’épidémie du coronavirus et de la baisse en volume physique des exportations d’hydrocarbures, ; l’Afrique importation 3,27% et exportation 6,58% ; Amérique 15,55% importation et 8,41% d’exportation ; Asie et Océanie 32,73% d’importation et 28,71% d’exportation , pour ce dernier cas la dominance de la Chine avec 35,50% des importations principal fournisseur suivi de la Turquie 18,04% et de l’Inde 6,76%. Pour la zone de libre échange entre l’Algérie et le monde arabe GZALE , les échanges sont dérisoires , environ 1,20 milliard de dollars en 2020 contre 1,33 en 2019 soit une baisse de 9,61%. En 2022, le monde est caractérisé par l’interdépendance des économies Il faut éviter pour analyser les impacts, le mythe d’une analyse statique de la balance commerciale mais raisonner toujours en dynamique. Prenons deux exemples : l’épidémie du coronavirus a fait découvrir aux européens notamment qu’ils dépendaient de certains produits de la Chine du fait de leur désindustrialisation.

    Récemment avec es tensions en Ukraine ils ont découvert leur forte dépendance de lla Russie pour l’Energie, dépassant les 40% pour leur approvisionnement et le reste du monde dont l’Afrique de la dépendance alimentaire, la Russie et l’Ukraine représentant environ 30% des exportations mondiales. Certes le PIB russe est extrêmement faible, ayant une économie peu diversifiée mais contrôlant des matières premières stratégiques, un PIB proche de celui de l’Espagne 1775 milliards de dollars en 2021 contre 1483 en 2020. L’Énergie outre la consommation de ménages entrent dans toutes les chaînes de production, la hausse des prix alimentant l’inflation mondiale et idem pour les biens alimentaires. Car la production est production de marchandises par des marchandises. Les pays développés contrôlant à leur tour les segments à forte valeur ajoutée répercutent cette hausse des prix sur les pays producteurs d’hydrocarbures (biens équipements, matières premières et biens de consommation) d’où ce qu’ils gagnent d’un côté, ils le perdent de l’autre côté devant dresser la balance devises pour calculer le solde net.

    2.-Relations commerciales Algérie /Espagne en 2021

    Selon les données internationales nous avons la situation suivante des principaux indicateurs économiques de l’Algérie et de l’Espagne. Pour l’Espagne le PIB (produit intérieur brut à prix courant ( donc devant tenir compte des fluctuations monétaires euro/dollar étant plus juste de raisonner à prix constants ) de 1426 milliards de dollars en 2021 contre 1280 en 2020. Les exportations de biens ( non compris les services) ont totalisé 307 milliards de dollars en 2020 et les importations 324 contre en 2021 325 milliards de dollars pour les exportations et 354 milliards de dollars pour les importations. Pour l’Algérie le PIB est évalué à 147 milliards de dollars en 2020 et 163 en 2022.

    Du fait de l’épidémie du coronavirus qui a affecté surtout les exportations d’hydrocarbures représentant avec les dérivées environ 97/98% des entrées en devises, les exportations ont été de 23,9 milliards de dollars et les importations de biens non compris les services de 33,8 milliards de dollars en 2020. Pour 2021, les exportations avoisinent les 37/38 milliards de dollars dont 34,5 provenant des hydrocarbures, Sonatrach incluant environ 2, 5 milliards de dollars de dérivées comptabilisées dans la rubrique hors hydrocarbures. Pour 2022, comme je l’ai mis en relief dans une interview au quotidien français le Monde.fr Paris, début juin 2021, et récemment le 11 juin 2022 lors du Forum initié par le quotidien gouvernemental Ech Chaab sur les défis de la transition économique, les recettes prévues seraient entre 58/59 milliards de dollars.

    Pour le commerce entre l’Espagne et l’Algérie, nous avons les résultats suivants : En 2020, l’Algérie a importé pour 2,1 milliards de dollars d’Espagne contre 2,9 milliards en 2019, soit une baisse de près de 21%. Dans le même temps, les exportations algériennes vers l’Espagne ont chuté de 40%, passant de près de 4 milliards de dollars en 2019 à 2,3 milliards de dollars en 2020, selon les chiffres des Douanes algériennes. Pour 2021, nous avons une valeur d’environ 7 milliards de dollars, les exportations Algérie Espagne sont d’environ 4,9, principalement les hydrocarbures, et les importations d’ Espagne de 2,1 milliards de dollars. Les exportations espagnoles vers l’Algérie comprennent le fer et l’acier, les machines, les produits de papier, le carburant et les plastiques, tandis que les exportations de services comprennent la construction, les affaires bancaires et les assurances.

    Les entreprises énergétiques espagnoles Naturgy, Repsol et Cepsa ont des contrats avec la compagnie gazière publique algérienne Sonatrach. Selon les statistiques de l’organisme public espagnol Strategic Reserves of Petroleum Products Corporation (Cores), sous la tutelle du ministère de la Transition écologique, L’Algérie demeure le premier fournisseur de l’Espagne en gaz, avec 41,4% des importations espagnoles entre le 1er janvier 2021 et fin janvier 2022, Les Etats-Unis, qui tentent une plus grande percée en Europe, notamment à la faveur de la crise avec la Russie, sont le deuxième fournisseur de gaz de l’Espagne, loin derrière l’Algérie, avec une part de 16,9% du total des importations espagnoles la Russie est le quatrième fournisseur, avec 8,7% suivie par le Qatar (6,3%) et le reste du monde 8,8%.

    3.-L’Algérie acteur stratégique de l’approvisionnement en énergie de l’Europe

    Les réserves algériennes sont d’environ 2500 milliards de mètres cubes gazeux et 10 milliards de barils de pétrole ( source conseil des ministres 2019). Sans compter la part du GNL représentant 33% des exportations, pour les canalisations, part 67%, nous avons le Transmed via l’Italie, la plus grande canalisation d’une capacité de 33,5 milliards de mètres cubes gazeux via la Tunisie, avec en 2021 une exportation d’environ de 22 milliards de mètres cubes gazeux, existant une possibilité, au maximum, il ne faut pas être utopique ayant assisté à un désinvestissement dans le secteur, donc sous réserve de l’accroissement de la production interne d’un supplément à court terme, au maximum de 3⁄4 milliards de mètres cubes gazeux, de 10 à 11 à moyen terme.

    Nous avons le Medgaz directement vers l’Espagne à partir de Beni Saf au départ d’une capacité de 8 milliards de mètres cubes gazeux qui après extension depuis février 2022 la capacité ayant été portée à 10 milliards de mètres cubes gazeux et le GME via le Maroc dont l’Algérie a décidé d’abandonner, le contrat s’étant achevé le 31 octobre 2022, d’une capacité de 13,5 de milliards de mètres cubes gazeux. Mais, il faut être réaliste, Sonatrach est confrontée à plusieurs contraintes notamment la forte consommation intérieure, en 2021 presque l’équivalent des exportations , qui risque horizon 2025/2030 de dépasser les exportations actuelles, dossier lié à la politique des subventions sans ciblage, dossier sensible qui demande un système d’information en temps réel et la maîtrise de la sphère informelle qui contrôle, selon les propos du président de la République entre 6000/10.000 milliards de dinars, soit entre 33 et 47% du PIB. Sous réserve de sept conditions, l’Algérie horizon 2025/2027, pourrait pouvant doubler les capacités d’exportations de gaz environ 80 milliards de mètres cubes gazeux avec une part entre 20/25% de l’approvisionnement de l’Europe : La première condition concerne l’amélioration de l’efficacité énergétique et une nouvelle politique des prix renvoyant au dossier de subventions La deuxième condition est relative à l’investissement à l’amont pour de nouvelles découvertes d’hydrocarbures traditionnels, tant en Algérie que dans d’autres contrées du monde, mais pouvant découvrir des gisements non rentables financièrement un des conseils réent des ministres a annoncé 40 milliards de dollars d’investissement sur les 5 prochaines années dont 8 pour 2022; et le partenariat avec l’étranger étant liée aux décrets d’application de la nouvelle loi des hydrocarbures notamment son volet fiscal

    La troisième condition, est liée au développement des énergies renouvelables (actuellement dérisoire moins de 1% de la consommation globale) devant combiner le thermique et le photovoltaïque le coût de production mondial a diminué de plus de 50% et il le sera plus à l’avenir où, avec plus de 3000 heures d’ensoleillement par an, l’Algérie a tout ce qu’il faut pour développer l’utilisation de l’énergie solaire La quatrième condition, selon la déclaration de plusieurs ministres de l’Énergie entre 2013/2020, l’Algérie compte construire sa première centrale nucléaire en 2025 à des fins pacifiques, pour faire face à une demande d’électricité galopante. La cinquième condition, est le développement du pétrole/gaz de schiste, selon les études américaines, l’Algérie possédant le troisième réservoir mondial, d’environ 19 500 milliards de mètres cubes gazeux, mais qui nécessite, outre un consensus social interne, de lourds investissements, la maîtrise des nouvelles technologies qui protègent l’environnement et des partenariats avec des firmes de renom. La sixième condition, consiste en la redynamisation du projet GALSI, Gazoduc Algérie-Sardaigne-Italie, qui devait être mis en service en 2012 d’une capacité de 8 milliards de mètres cubes gazeux La septième condition est l’accélération de la réalisation du gazoduc Nigeria-Europe via l’Algérie d’une capacité de plus de 33 milliards de mètres cubes gazeux, un cout selon les études européennes d’environ 20 milliards de dollars et nécessitant l’accord de l’Europe principal client. Cependant, l’avenir appartenant à l’hydrogène comme énergie du futur 2030/2040.

    En résumé, pour l’Europe, l’Algérie est un partenaire clef, et pour l’Algérie, l’Europe est un partenaire stratégique dans le domaine économique et même sécuritaire afin dans le cadre d’un partenariat gagnant-gagnant afin de faire du bassin méditerranéen un lac de paix et de prospérité partagé. En n’oubliant jamais que dans les relations internationales n’existent pas de sentiments mais que des intérêts, chaque pays défendant ses intérêts propres. Car face aux nouveaux enjeux, l’épidémie du coronavirus, le réchauffement climatique avec la maîtrise de l’eau principal input de la sécurité alimentaire et la crise ukrainienne préfigurent d’importantes mutations mondiales dans les relations internationales, militaires, sécuritaires, politiques, culturelles et économiques.

    Professeur des universités, expert international docteur d’ Etat, 1974, Abderrahmane MEBTOUL ademmebtoul@admin

    #Algérie #Europe #Gas #Ukraine #Russie

  • La Chine dans le collimateur?

    Chine, coronavirus, pandémie, covid 19, OMS, Occident, Ukraine, Russie,

    Avec la guerre en Ukraine, plusieurs puissances voudraient «impliquer» la Chine dans le conflit et la «rallier» au clan de l’Occident contre la Russie. C’est ainsi que la Chine se retrouve de nouveau dans le collimateur en l’accusant d’avoir «provoqué» la fuite du virus Covid 19 sans avancer la moindre preuve. Après plus de deux ans de pandémie, l’enquête autour de l’origine du Covid-19 n’a toujours pas été résolue. L’Organisation mondiale de la Santé a toutefois demandé à un groupe de vingt-sept experts, d’approfondir la thèse d’une fuite de laboratoire.

    La Chine dit que la théorie des fuites de laboratoire est un mensonge. D’abord attribué au pangolin, le scénario de l’animal intermédiaire et d’un départ sur un marché de Wuhan en Chine semblait être privilégié. Pourtant, pour l’heure, aucune preuve définitive ne justifierait l’origine de la pandémie, selon les vingt-sept experts du Groupe consultatif scientifique sur l’origine des nouveaux pathogènes (SAGO).

    Alors que des progrès ont été réalisés notamment sur l’identification des animaux intermédiaires, le SAGO a dénoncé un manque de « données clés pour comprendre comment la pandémie de Covid-19 a commencé », relayées par «cnews». Par ailleurs, le groupe a reconnu qu’il n’a eu accès à aucune donnée brute, mais seulement «à des informations mises à sa disposition dans des documents publiés ou des présentations» de scientifiques invités, pour la plupart chinois. Les experts ont ainsi dressé une liste de vœux détaillant les études essentielles pour tenter d’avancer dans l’enquête. Pour un bon nombre de ces requêtes, la collaboration des autorités chinoises sera nécessaire, y compris sur le volet laboratoire, un sujet ultra-sensible.

    L’année dernière encore, l’OMS a déclaré qu’il était “extrêmement improbable” que le COVID provienne d’un laboratoire, et plus probablement qu’il soit passé aux humains par un animal comme une chauve-souris. En mars 2021, l’OMS a publié un rapport sur les origines du COVID-19 à la suite d’une visite hautement chorégraphiée de scientifiques internationaux en Chine. Jean-Claude Manuguerra, coprésident du groupe consultatif international des 27 membres, a reconnu que certains scientifiques pourraient être «allergiques» à l’idée d’enquêter sur la théorie des fuites de laboratoire, mais a déclaré qu’ils devaient être suffisamment «ouverts d’esprit» pour l’examiner.

    Les enquêtes de l’Associated Press ont révélé que certains hauts responsables de l’OMS étaient frustrés par la Chine lors de l’épidémie initiale, alors même que l’OMS faisait l’éloge du président chinois Xi Jinping. Ils étaient également contrariés par la façon dont la Chine a cherché à réprimer la recherche sur les origines du COVID-I9.

    La Chine a répondu vendredi en qualifiant la théorie des fuites de laboratoire de mensonge à motivation politique, a rapporté l’AP. Le porte-parole du ministère des affaires étrangères, Zhao Lijian, a également rejeté les accusations selon lesquelles la Chine n’avait pas pleinement coopéré avec les enquêteurs, affirmant qu’elle se félicitait d’une enquête scientifique mais rejetait toute manipulation politique.

    Zhao a également appelé à une enquête sur «des laboratoires hautement suspects tels que Fort Detrick et l’Université de Caroline du Nord» aux États-Unis où la Chine a suggéré, sans preuves, que les États-Unis développaient le coronavirus comme arme biologique.

    B. Nadir

    Le Carrefour d’Algérie, 11/06/2022

    #Pandémie #Coronavirus #Chine #OMS #Occidental #Ukraine #Russie



  • La Chine bouleverse l’équation de l’influence en Algérie

    La Chine bouleverse l’équation de l’influence en Algérie

    Algérie, Chine, France, La Ceinture et la Route, route de la soie africaine,

    La Chine a arraché à la France le premier exportateur vers l’Algérie, qu’elle avait monopolisée pendant des décennies.
    L’ascension de la Chine au premier rang des partenaires commerciaux de l’Algérie, dépassant la France, a coïncidé avec le lancement en septembre 2013 de l’initiative « la Ceinture et la Route », à laquelle l’Algérie a annoncé son adhésion en 2014, mais l’adhésion officielle n’a eu lieu qu’en 2019.

    En 2012, la France était le premier exportateur de marchandises vers l’Algérie, tandis que les États-Unis acquéraient le titre de son premier client grâce à ses importations de gaz liquéfié, mais en 2013 la Chine a renversé l’équation.

    La Chine a arraché la tête des exportateurs vers l’Algérie à la France qui l’avait monopolisée pendant des décennies, et Pékin est devenu le premier partenaire commercial de l’Algérie, qui cherche à diversifier ses partenaires commerciaux et à se débarrasser définitivement de la dépendance économique française.
    Alors que l’exploitation du gaz de schiste par les États-Unis a conduit à la suspension de l’importation de gaz liquéfié d’Algérie et à l’érosion de son rôle de premier partenaire commercial, les échanges commerciaux entre eux étant passés d’environ 19,5 milliards de dollars en 2007 à 2,6 milliards en 2021.

    D’autre part, la Chine a profité des dommages causés aux économies européenne et américaine par la crise financière mondiale de 2008 pour renforcer son partenariat commercial avec l’Algérie, considérée comme un marché monopolistique pour les Européens, dirigés par les Français.

    En 2019, les échanges commerciaux sino-algériens se sont élevés à 8 milliards de dollars, dont près de 7 milliards d’exportations chinoises, ce qui a fait craindre aux partenaires européens de l’Algérie une diminution de leur influence, malgré les privilèges douaniers qu’ils ont obtenus grâce à l’accord de partenariat.

    Coopération diplomatique et de sécurité « historique »

    Ce n’est pas seulement la coopération commerciale qui a poussé la Chine à établir un « partenariat stratégique global » avec l’Algérie, qui est le seul partenariat de ce type au Maghreb, mais aussi la confiance politique et la coopération sécuritaire et militaire.

    La Chine a été le premier pays non arabe à reconnaître le gouvernement intérimaire algérien en 1958, avant même l’indépendance du pays en 1962, et lui a fourni des armes pendant la révolution de libération, et après l’indépendance, elle a aidé les pays coloniaux à se libérer, dans le sens de la Palestine et des pays d’Afrique et d’Amérique latine.

    L’Algérie a joué un rôle de premier plan en aidant la Chine populaire à retrouver son siège à l’ONU en 1971, une position que Pékin a saluée à plusieurs reprises.

    La coordination diplomatique et la coopération économique ont ouvert la voie à un partenariat sécuritaire et militaire entre les deux pays, notamment avec le développement des industries militaires chinoises ces dernières années, à un moment où l’Algérie alloue le plus gros budget de défense en Afrique à environ 9,6 milliards de dollars.

    Ces dernières années, l’Algérie a acquis plusieurs armes chinoises, dont le premier navire-école de guerre, des croiseurs, des drones, des systèmes de guerre électronique, de l’artillerie automotrice et des missiles anti-aériens et antinavires.

    En plus de la coopération spatiale, l’Algérie a lancé un satellite en 2017, depuis une base en Chine, et Pékin a aidé l’Algérie à construire un réacteur nucléaire de recherche pour la production de radios pharmaceutiques, qui est entré en service en 1993.

    Route de la soie africaine

    Si l’Algérie n’est pas située sur l’historique route de la soie entre la Chine et l’Europe, elle représente un point focal dans l’initiative « Belt and Road » car elle est située dans une zone reliant l’Europe et l’Afrique.

    À cet égard, la Chine a stimulé ses investissements en Algérie, passant du secteur de la sous-traitance et des projets immobiliers, des travaux publics et des infrastructures à l’investissement dans les secteurs minier et manufacturier.

    Les entreprises chinoises ont réalisé plusieurs grands projets en Algérie, tels que la Grande Mosquée (plus de 1,5 milliard de dollars), des milliers de logements, de grandes parties de l’autoroute Est-Ouest (plus de 11 milliards de dollars), l’Opéra et le agrandissement de l’aéroport.

    Cependant, avec l’adhésion officielle de l’Algérie à l’initiative « Belt and Road » en 2019, le partenariat avec Pékin est entré dans une nouvelle étape en acceptant que des entreprises chinoises réalisent un projet pour le plus grand port africain du bassin méditerranéen d’un coût de 6 milliards de dollars, avec un financement conjoint. , qui briserait l’isolement des pays africains enclavés comme le Mali, le Niger, le Tchad et le Burkina Faso.

    Ce port sera relié à la route transsaharienne, qui comprend la Tunisie, le Mali, le Niger et le Tchad en plus de l’Algérie, et atteint le Nigeria, et sera rattaché à une ligne de fibre optique. Le projet de gazoduc nigérian suivra le même tracé jusqu’à il atteint le réseau de gazoducs algérien vers l’Europe.

    Une société chinoise devait exploiter le port d’Al-Hamdania après son achèvement, mais le président algérien Abdelmadjid Tebboune a ordonné à son gouvernement de réexaminer le projet avec le partenaire chinois « selon des règles transparentes » reposant sur les règles du marché.

    Le port d’Al-Hamdania devrait se transformer en une perle de la chaîne chinoise de transport de bout en bout répartie dans différentes mers du monde sur la route maritime de l’Initiative « la Ceinture et la Route », ce qui accélérera l’arrivée des marchandises chinoises sur les marchés africains et européens.

    Phosphate et fer

    Les secteurs minier et manufacturier font partie des domaines modernes dans lesquels la Chine investit des milliards de dollars en Algérie, qui en possède d’importantes réserves mal exploitées.

    Dans l’Est algérien, les deux pays ont signé en mars dernier un accord d’investissement de 7 milliards de dollars pour produire 5,4 millions de tonnes d’engrais agricoles dont le phosphate brut sera extrait et transformé en engrais agricoles.

    Trois sociétés chinoises ont également acquis un projet d’extraction de minerai de fer de la mine de Ghar-Jbeilat (sud-ouest) en partenariat avec l’Algérie, qui est la plus grande mine de fer d’Afrique, avec une réserve estimée à 3 milliards de tonnes, et un investissement initial de deux milliards de dollars.

    Plusieurs projets l’accompagnant seront mis en place, comme le raccordement d’une voie ferrée pour l’acheminer vers les ports d’exportation du nord, et sa transformation en acier.

    Ces projets feront de Pékin le plus grand partenaire d’investissement de l’Algérie dans le secteur minier, ce qui représente environ 10 milliards de dollars d’investissements chinois depuis 2010.

    Le succès de ces investissements ferait de la Chine non seulement le premier partenaire commercial de l’Algérie, mais aussi son premier investisseur.

    L’Algérie ne semble pas préoccupée par les avertissements américains et occidentaux de son dumping de la dette chinoise, car elle adopte le principe du partenariat selon la règle des 51 % pour l’Algérie et 49 % pour le partenaire étranger, et ses réserves de change lui permettent de couvrir ces investissements sans recourir à de lourds emprunts.

    L’Algérie dispose d’environ 44,7 milliards de dollars de réserves de liquidités, qui devraient rebondir avec la hausse des prix du pétrole et du gaz à des niveaux record, en plus de posséder des réserves d’or estimées à 173,6 tonnes (les troisièmes du monde arabe), tandis que ses dettes extérieures sont quasi inexistantes.

    Tarek Benaldjia

    #Algérie #France #Chine #Route_soie

  • Guerre digitale en Ukraine

    Guerre digitale en Ukraine

    Ukraine, Russie, cyberguerre, guerre numérique, Chine, OTAN,

    L’Ukraine est la première guerre viralisée, avec un nombre sans précédent d’acteurs en ligne prenant part à la confrontation. Les grandes plateformes technologiques sont également devenues des instruments du conflit : collecte et partage de données avec les gouvernements, contrôle de l’information, participation à des boycotts internationaux, suppression de comptes de médias sociaux, ou encore instruments de mobilisation et d’émotion. L’Ukraine pourrait devenir le premier front de guerre où les deux grandes tendances mondiales de la numérisation et de leurs plateformes mesurent leurs forces : le techno-autoritarisme de la Russie et de la Chine, et le modèle américain de la Silicon Valley.

    Si les cartes sont toujours essentielles dans tout conflit, dans la guerre ukrainienne, c’est toute une bataille d’images et de (fausses) informations qui se joue sur les réseaux sociaux. Un nombre sans précédent d’acteurs en ligne prennent part à cette confrontation asymétrique, qu’il s’agisse de volontaires Anonymus, de traqueurs numériques, d’équipes de cyberdéfense de l’OTAN ou de la toute nouvelle équipe d’intervention rapide de l’Union européenne, dirigée par la Lituanie. Les grandes plateformes technologiques – quelle que soit leur origine, de la Silicon Valley à la Russie ou à la Chine – sont devenues des instruments de conflit : collecte et partage de données avec les gouvernements, piratage de sites web ou contrôle de l’information, adhésion à des boycotts internationaux, suppression de comptes de médias sociaux ou utilisation comme instruments de mobilisation et d’émotion. Mais, surtout, la guerre d’Ukraine est la première guerre viralisée ; diffusée en temps réel à partir de fragments d’images qui, en quelques secondes, tentent de refléter les menaces, les peurs, l’héroïsme et la dévastation.

    Pendant les premières semaines, le Washington Post a pu suivre le mouvement des troupes russes en Ukraine en utilisant uniquement des vidéos téléchargées sur TikTok par des utilisateurs qui partageaient des images de chars et de soldats de manière de plus en plus virale, au point que le New Yorker a surnommé l’invasion de l’Ukraine « la première guerre TikTok ». L’application chinoise comptant plus d’un milliard d’utilisateurs, qui est devenue le réseau social des chorégraphies familiales virales en pleine pandémie, est désormais une source d’information pour des centaines de milliers de jeunes, qui suivent les images de la guerre en Ukraine en faisant glisser leur téléphone portable. Passant indistinctement de l’émotionnel aux scènes de guerre et aux mèmes, les faits et la fiction se mêlent. L’une des vidéos les plus diffusées sur l’Ukraine, avec plus de sept millions de vues, montrant des soldats fatigués disant au revoir à leur famille, s’est avérée être une scène d’un film ukrainien de 2017.

    Tik Tok est devenu une source de soutien galvanisante pour les Ukrainiens, mais aussi un terrain fertile pour la prolifération de comptes frauduleux distribuant du faux contenu dans le but de gagner de l’argent rapidement grâce à des vidéos demandant des dons pour la cause ukrainienne. Les créateurs de contenu sur ce réseau peuvent recevoir des cadeaux virtuels, tels que des roses et des pandas numériques, pendant les diffusions en direct et les convertir en diamants, une monnaie TikTok qui peut ensuite être retirée comme de l’argent réel. TikTok prélève une commission de 50 % sur l’argent dépensé en cadeaux virtuels. L’ensemble du système a été dénoncé pour ses mauvais contrôles de modération du contenu et pour le business qui se cache derrière la viralisation de certaines vidéos.

    La confrontation technologique

    Les géants américains de la technologie sont également des acteurs privés dans cette guerre, alignés sur la stratégie occidentale, que ce soit pour exercer des pressions politiques (comme Apple qui suspend la vente d’iPhones et d’autres produits en Russie) ou pour capturer et contrôler des données et des informations (de la cartographie à la censure). Conscient que Google Maps pourrait être utilisé comme un autre outil de guerre par les parties russe et ukrainienne lorsqu’il s’agit d’élaborer des stratégies militaires, Google a décidé de désactiver temporairement cette fonctionnalité dans cette partie du monde. En outre, le train de sanctions approuvé par les États-Unis et l’Union européenne comprend un boycott des exportations de technologies. Depuis, Microsoft, Apple, Samsung, Oracle et Cisco ont refusé de vendre des services en Russie ou y ont mis fin à leurs activités.

    Cette collaboration s’étend également au domaine de la sécurité. À la mi-janvier, alors que la Russie massait des troupes et des armes à sa frontière dans l’est de l’Ukraine, une attaque informatique baptisée WhisperGate a désactivé pendant des heures quelque 70 sites web du gouvernement ukrainien, qui ont fini par afficher un message invitant la population à « avoir peur et à s’attendre au pire ». À la suite du piratage, Microsoft a décidé de partager son analyse et les détails techniques de l’attaque, ainsi que des recommandations aux personnes concernées pour accroître leur résilience.

    Une autre entreprise de cybersécurité fondée à Kiev en 2017, Hacken, a rassemblé une armée comptant jusqu’à 10 000 hackers dans 150 pays différents, selon ses propres déclarations, qui se consacre à s’introduire dans les plateformes médiatiques russes et à amplifier les récits ukrainiens du conflit sur les médias sociaux.

    S’il s’agit, comme l’affirme le philosophe français centenaire Edgar Morin, de « la première cyberguerre de l’histoire de l’humanité », l’Ukraine pourrait devenir le premier front de guerre où les deux grandes tendances mondiales de la numérisation mesurent leurs forces : le techno-autoritarisme et le modèle américain de la Silicon Valley, où les entreprises privées déploient le « capitalisme de surveillance » que dénonce Shoshana Zuboff.

    Bien avant l’invasion, le monde numérique avait déjà commencé à se diviser en une confrontation technologique marquée par la rivalité entre la Chine et les États-Unis. La « souveraineté » de l’internet russe était déjà fondée sur la censure de l’information et la persécution de l’opposition politique. Les alliés du Kremlin contrôlaient VKontakte, le Facebook russe, et depuis 2019, la loi sur la souveraineté d’internet obligeait déjà tous les fournisseurs de services en ligne à passer par les filtres du censeur numérique Koscomnadzor. Malgré cela, la guerre a accéléré et approfondi la portée de ce rideau de fer numérique qui vise à isoler les Russes de tout récit qui s’écarte de l’argument officiel du Kremlin pour la construction de son casus belli.

    Dans un tel scénario polarisé de guerre de l’information, où la censure et l’émotionnalité narrative sont devenues une partie essentielle du récit de guerre, l’engagement de la communauté en faveur de la suppression de certains médias, ainsi que l’instrumentalisation des grands monopoles numériques en faveur de leur propre stratégie, posent également des contradictions avec l’idée de liberté d’expression défendue par l’un ou l’autre.

    Le fondateur et PDG du réseau russe de messagerie cryptée Telegram, Pavel Durov, a averti les internautes de « douter de toutes les informations » qu’ils peuvent trouver sur la plateforme et a explicitement demandé aux utilisateurs de ne pas utiliser l’outil pour « exacerber les conflits et inciter à la discorde interethnique ». Telegram est devenu un instrument parfait pour mesurer le choc des récits sur la guerre. La plateforme s’est récemment positionnée comme un outil d’information utile pour les journalistes en Ukraine, notamment pour la création de chaînes d’information spécifiquement destinées à un public de moins de 25 ans qui a cessé d’écouter la radio ou de regarder la télévision traditionnelle. Contrairement à WhatsApp, Telegram ne limite pas le nombre d’utilisateurs sur un même canal et, dans le même temps, comme il n’y a presque pas de modération du contenu, il a également fonctionné comme un espace de mobilisation du soutien aux troupes russes, comme le montre la capacité de pénétration du canal « Intel Slava Z ».

    Si, selon les experts, l’impasse militaire sur le terrain peut accélérer la cyberguerre, à court terme, la stratégie de la Russie reste axée sur la censure et le contrôle narratif : sur la puissance de la  » ferme à trolls  » russe, l’Agence de recherche sur Internet basée à Saint-Pétersbourg, et sa capacité à créer des contenus et à orchestrer des réactions organisées.

    Au plus fort de la confusion, une enquête de Pro Publica a montré comment, dans la guerre d’Ukraine, on a même eu le paradoxe d’utiliser de faux fact-checkers pour apparemment déboulonner des faux inexistants. Les chercheurs ont identifié au moins une douzaine de vidéos dénonçant de prétendues campagnes de propagande ukrainiennes qui n’ont jamais eu lieu. L’objectif, selon les experts, était de jeter le doute sur toute image ultérieure dénonçant l’impact des prétendues attaques russes.

    Dilemmes éthiques et stratégiques

    La bataille pour le contrôle de la narration est également menée par l’UE elle-même, qui est depuis longtemps consciente de la capacité de la Russie à pénétrer et à influencer l’opinion publique européenne. À la demande de Bruxelles, Google, Meta et Twitter ont décidé de prendre des mesures à l’encontre des comptes liés au Kremlin afin d’empêcher la diffusion de désinformation, et notamment l’accès aux contenus des chaînes officielles russes telles que RT et Sputnik ; Apple a retiré l’application RT News de sa boutique et YouTube a bloqué la chaîne d’information russe. Annoncer une interdiction des émissions de RT et de Sputnik dans l’UE est non seulement politiquement risqué, mais aussi difficile à appliquer juridiquement.

    Dans un tel scénario polarisé de guerre de l’information, où la censure et l’émotivité narrative sont devenues une partie essentielle du récit de guerre, l’engagement de l’UE en faveur de la suppression de certains médias, ainsi que l’instrumentalisation des grands monopoles numériques en faveur de sa propre stratégie, pose également des contradictions avec l’idée de liberté d’expression défendue par les deux camps.

    La guerre hybride étend l’impact perturbateur d’une confrontation qui va au-delà des avancées militaires russes et de la résilience ukrainienne. Il se déploie par le biais de la désinformation et dans toute tentative d’infecter les infrastructures et les canaux de communication avec des logiciels malveillants. Bots, trolls ou chevaux de Troie, tout est bon pour affaiblir l’ennemi.

    Carme Colomina, chercheur principal, CIDOB @carmecolomina

    BARCELONA CENTRE FOR INTERNATIONAL AFFAIRS, mai 2022

    #Ukraine #Russie #Guerre_digitale #Guerre_numérique

  • Crises mondiales et nouveaux ordres et désordres sociaux

    Crises mondiales et nouveaux ordres et désordres sociaux

    L’économie de marché, capitalisme, Ukraine, Chine, Russie, crise climatique, globalisation, Occident,

    par Derguini Arezki*

    Ce que je voudrai essayer de traduire dans ce texte qui restera cependant quelque peu sous-jacent, c’est le point auquel, il me semble, sont parvenus des économistes tels Daru Acemoglu et Dani Rodrik : premièrement, derrière le développement de l’économie de marché se trouvent des arrangements sociaux et deuxièmement, ceux-ci ne sont pas exportables.

    Il y a ainsi des arrangements sociaux favorables au développement du marché et d’autres qui le contrarient. Il fut un temps où des socialistes européens à la suite de Karl Polanyi opposaient société et société de marché, se refusant de confondre économie de marché et société de marché. Ils entendaient par société de marché, une société qui pousse toujours plus loin la production, le champ d’action du marché, la marchandisation de ses transactions, sans souci des conditions de reproduction des facteurs (du milieu vivant, humain et non humain) que la production humaine ne produit pas, sans souci du caractère foncièrement destructeur de la production, d’une « destruction créatrice » (J. Schumpeter) toujours plus destructrice.

    La société devait se défendre du marché, défendre les conditions non marchandes de l’économie, la production capitaliste étant devenue dangereusement destruction de son milieu naturel et social. L’économie devait être « réencastrée » dans la nature et la société, mise à sa place et non pas les dominer.

    Soit une économie de marché, une production contenue dans les limites de la reproduction de la société et de la planète et non une société n’obéissant qu’à la compétition et à la croissance de la production marchande. Cette notion déclassée aujourd’hui du fait de l’incapacité du marché à absorber la société, n’en a pas moins laissé derrière elle l’inquiétude qui la justifiait. On est désormais simplement inquiet de la trop grande pénétration sélective du marché dans l’ensemble des domaines de la vie. La production fabrique de plus en plus nombreux hybrides (humains augmentés de non humains), mais aussi de plus en plus de destructions et de déchets humains.

    La morale et le marché

    Un ouvrage célèbre du philosophe américain MICHAEL J. SANDEL en porte le souci : « Ce que l’argent ne saurait acheter. Les limites morales du marché.» Dans cette problématique, c’est la morale qui prendrait la défense de la société, qui mettrait l’économie à sa place. Cela nous rappelle un vieux débat apparu avec la naissance de l’économie politique : la fable des abeilles de Mandeville « les vices privés font la vertu publique » et la main invisible d’Adam Smith. Mais la morale de SANDEL, à la différence de celle de Smith et de Mandeville, reste à l’extérieur de l’économie. Ses limites sont externes, le problème se déplace alors : il faut s’interroger sur la place et le champ d’action de la morale dans la société et non plus sur la place et le champ d’action du marché. Mais il n’est pas traité.

    J’opposerai pour ma part, à titre d’hypothèse, à cette morale extérieure/transcendante, une morale dans l’économie et une économie dans la morale. Il ne faut pas s’étonner, à mes yeux, qu’une morale extérieure ait pour résultat de laisser l’économie sans morale.

    L’auteur s’appuie sur un certain nombre d’exemples concrets. Il ne s’interroge pas sur la morale comme il le fait à propos du marché. Voici son exemple emblématique : la crèche israélienne. Celle-ci « a décidé d’appliquer des amendes financières aux parents qui viennent récupérer leur enfant trop tardivement. La conséquence ne s’est pas fait attendre : les retards se sont multipliés. En effet, les parents ont instrumentalisé la mesure prise par la crèche pour l’ériger en tant que nouveau « service » : en échange d’une compensation financière, l’on pouvait arriver en retard tout en ayant bonne conscience. Le fait de payer l’amende les dédouanait de leur obligation d’arriver à l’heure.» L’auteur enferme la question économique dans des limites morales qu’elle n’a pas : avec l’amende, les parents ne sont plus « obligés » d’arriver à l’heure. Les parents n’ont pas confié leurs enfants à la crèche sur la base d’un contrat moral, la crèche n’est pas la famille dont on a abusé des services et vis-à-vis de laquelle on aurait des problèmes de conscience.

    La crèche n’abuse pas de ses employés à la suite de l’abus des parents. Les rapports contractuels entre la crèche, les clients et les employés sont clairs et respectés. Par contre, si la crèche voulait minimiser les heures supplémentaires de ses employés parce qu’elle veut faire respecter des horaires, elle aurait mieux fait de faire « payer » moralement ses clients plutôt que financièrement. Le contrat aurait été autant moral que financier. Mais sinon que diable est allée faire la morale dans cette galère ? Il est vrai que confier ses enfants à d’autres que soi n’est pas toujours une simple affaire économique, mais là n’était pas la question.

    Une morale qui a prise sur l’économie et sur laquelle l’économie a prise est interne à la pratique économique. Il n’y a pas morale d’un côté et économie de l’autre, il y a économie moralement acceptable et une morale économiquement acceptable. Car, comment une morale extérieure peut-elle prétendre régenter l’économie sans être totalitaire ? Prétention totalitaire que de vouloir que des principes, le rationnel, puissent subsumer le réel. La morale devrait être une morale de la pratique économique, autrement dit des mœurs économiques et une morale autant ex ante qu’ex post, des valeurs de la pratique économique, même quand elle est inspirée par des principes et des dogmes qui doivent alors être intériorisés. Ce que l’on peut reprocher à une telle approche morale, sans dénier à l’économie politique une dimension morale, c’est son extériorité, son détachement du souci de la reproduction des conditions d’existence de la vie en général. Le social et le naturel, la morale et l’économie sont ici dissociés, par conséquent les « limites planétaires »[1] de la production et la production de déchets (humains et non humains) sont alors ignorées.

    Ce qui est donc recherché, c’est non pas une société dans le marché, dominée par l’économie de marché où, à la suite de Karl Polanyi, on montre que l’extension de la production marchande détruit société et nature, détruit en consommant des facteurs qu’elle ne reproduit pas (capital naturel), sépare les individus en début de parcours en les spécialisant, mais ne les réunit pas en fin de course pour faire société[2]. Avec le développement de la production marchande, de la division du travail et de la spécialisation, nous dépendons d’un plus en plus grand nombre de personnes qui n’ont nul besoin d’entretenir des rapports de familiarité. Pour beaucoup d’entre eux, les rencontres avec les produits qu’ils vendent sur les marchés qu’ils fréquentent suffisent. Bref, nous dépendons de plus en plus d’étrangers, d’un monde d’une familiarité limitée, sur lesquels nos prises sont incertaines.

    Avec la guerre en Ukraine et la « rivalité systémique » déclarée de la Chine par l’Occident, cette indifférence à l’égard des gens avec qui nous échangeons est mise en cause.

    On s’abstient, ou on veut s’abstenir, d’échanger avec des gens qui désormais entretiennent avec nous des rapports « inamicaux ». La compétition pour l’hégémonie entre la Chine et les USA, la guerre entre la Russie et l’Ukraine, la crise climatique, ont posé la question de savoir à qui profitent les interdépendances créées par la globalisation et pour quelles conséquences. De voir qu’elles ont profité davantage à la Chine et aux pays émergents fait réagir l’Occident de manière guerrière.

    La rivalité systémique et la guerre ont introduit dans les échanges avec les étrangers la différence entre les amis, les ennemis et les autres. Il faut affaiblir celui qui nous combat, porter atteinte à ses ressources. Avec les sanctions économiques, l’économie apparaît pour ce qu’elle est, la servante, la logistique, du militaire.

    Les interdépendances étant ce qu’elles sont, il faut ne pas échanger avec le rival pour l’affaiblir et non s’affaiblir. Les sanctions économiques sont des armes à double tranchant. Il ne faut pas acheter à la Russie son gaz et son pétrole, mais il ne faut pas en souffrir plus qu’elle. Les USA qui crie haut et fort que leur ennemi principal est la Chine, envisage de réduire les taxes sur les produits chinois pour éviter que l’inflation ne réduise singulièrement le pouvoir d’achat des Américains au moment précis où la Chine adopte une stratégie sanitaire qui freine les échanges : la santé d’abord, l’économie ensuite dit-elle dans sa compétition idéologique.

    En effet, en décidant que la santé doit primer sur l’économie avec une politique zéro Covid, elle réduit ses échanges avec le monde extérieur et contrarie la politique de défense du pouvoir d’achat US. Les USA ne manquent pas d’accuser la Chine de ce comportement inamical. En faveur de qui la balance des rapports de forces va-t-elle pencher ? On pourrait dire qu’une telle politique américaine de lutte contre l’inflation va attiser les oppositions au sein des producteurs chinois qui se soucieraient davantage de leur situation matérielle que de la santé d’une société chinoise vieillissante, à la différence du Parti communiste chinois. Certaines réactions chinoises laissent penser une certaine rigidité, une certaine difficulté à se tourner vers le marché intérieur, des producteurs chinois.

    Certains pourront dire que l’opinion occidentale ne doit pas être déçue, elle veut et doit être dupée. Il n’est donc pas sûr que les sanctions économiques contre la Russie, dans le cours desquelles semble s’inscrire la politique zéro-Covid et l’accentuer, ne se retournent pas contre l’Occident lui-même. À moins que l’Europe réussisse à transformer cette crise en opportunité : elle pourrait obtenir de la société une austérité/sobriété qu’elle ne pourrait pas obtenir autrement pour réaliser la nécessaire, mais douloureuse transition énergétique. En effet, face à la crise climatique, les autorités politiques démocratiques doivent faire face aux « rigidités » des puissants producteurs et consommateurs.

    Les sanctions économiques qui ont visé à séparer les sociétés de leurs dirigeants, en leur rendant la vie plus difficile, ont échoué. Les sanctions économiques ont durci le régime iranien, elles ne menacent pas son existence quoiqu’elles puissent affecter ses performances. Elles ont tendance à renforcer le lien entre ses dirigeants et la société engagée.

    Car de vouloir punir les dirigeants, le régime, les sanctions punit d’abord la société qui en retour ne se défait pas comme attendu de ses dirigeants. Les sociétés peuvent refuser de répondre aux « incitations » extérieures. Les sanctions peuvent accroitre la souffrance des uns et la détermination des autres.

    Par ailleurs, les sociétés sous sanctions économiques ne sont plus dupes : les sanctions sont moins conçues pour défaire des autorités despotiques, instaurer la démocratie, que pour soumettre ces mêmes autorités à une volonté extérieure. Il est fort souhaitable que l’Afrique qui s’est abstenue de prendre parti pour les sanctions économiques contre la Russie puisse approfondir sa démarche, profiter du cours des choses pour sortir de la gravitation autour des centres de gravité étrangers. Mais les opportunités arrivent probablement trop tôt.

    Les arrangements sociaux précèdent les transactions marchandes

    Dans son livre « ce que l’argent ne saurait acheter », le philosophe américain déplore l’absence dans la vie politique de débat qui puisse examiner sérieusement le rôle et le champ d’action du marché. Le rôle du marché est d’effectuer des transactions monétaires. Tant que les transactions peuvent régler les différences de potentiel à la base des échanges (ex. j’ai du temps et pas d’argent, il a de l’argent et pas de temps), le marché est dans sa fonction. Une structure des échanges permet d’établir des rapports sociaux pacifiés, une structure sociale. Tolérer certains échanges, c’est tolérer certains rapports sociaux, une certaine division du travail. Le marché est le visiteur du soir, il arrive quand la société est prête à concéder un rapport social, une transaction. Quand un ennemi est défait et doit accepter un traité, par exemple. Ainsi le gouvernement indépendant d’Haïti qui a dû indemniser les anciens propriétaires d’esclaves des pertes qu’ils ont subies après que les esclaves se soient libérés. Les esclaves devaient racheter leur liberté et ne pouvaient pas réclamer des dédommagements pour leur mise en esclavage. Celui qui ne pouvait nourrir sa famille, autre exemple, pouvait confier un de ses enfants à autrui pour sauver sa vie et celle de son enfant ; ou autre exemple, partir en guerre contre le riche pour lui arracher une partie ou le tout de ses réserves. Une société, comme la société « segmentaire », qui ne pouvait tolérer qu’un individu soit exproprié de sa terre, son moyen de subsistance, et transformé en prolétaire, n’acceptera pas que la terre soit une marchandise. On ne peut pas, à proprement parler, parler de valeurs marchandes, mais de valeurs non marchandes qui rendent possible un échange marchand. Une société qui accepte qu’un individu soit séparé de ses conditions de subsistance (ne puisse pas subsister de par lui-même), mais refuse qu’il puisse disposer d’un autre individu, autrement que d’une partie de son temps, tolèrera le salariat, mais pas l’esclavage.

    Qu’une société qui accepte que certains soient propriétaires de moyens de production et d’autres non, qui décide que la règle qui organise leurs rapports soit le contrat entre parties juridiquement égales, ne tolèrera pas qu’un individu dispose d’un autre individu autre chose que ce que ce dernier et la société lui accordent. Une société qui institue l’école obligatoire ne permet pas que des parents puissent disposer librement de leurs enfants. Elle interdira le travail des enfants et s’indignera de ce qu’un parent fasse travailler son fils ou sa fille. Des arrangements sociaux précèdent les transactions marchandes. Le marché libre n’est libre d’exécuter que les transactions que les arrangements sociaux permettent. Les sociétés africaines sont instables parce que leurs arrangements sociaux le sont et ne permettent pas aux échanges de former des centres de gravité endogènes.

    En vérité ce dont s’indigne SANDEL, c’est le caractère foncièrement esclavagiste de la société américaine, dont l’histoire consiste en un réaménagement permanent de cette société originairement esclavagiste.

    Elle s’est érigée contre le féodalisme, sans toucher à son fondement esclavagiste. Dans une telle société qui tolère une division sociale fondamentale entre possédants et non-possédants, où l’individu jouit d’une propriété privée exclusive et de la liberté de disposer de soi, tout finit par se vendre. Tant que la société butera sur cette division fondamentale, son sens de la justice ne pourra que s’indigner moralement, en essayant de se protéger de la destruction par des limites juridiques.

    Quant au champ d’action du marché, il doit pouvoir être le plus large possible afin de donner une vie matérielle la plus riche possible. Plus nous travaillons pour un nombre important de personnes et plus un nombre important travaille pour nous, plus nous sommes riches et puissants. Dans le passé préindustriel, plus un individu disposait de serviteurs, plus il était « riche ». Les hommes riches étaient des guerriers qui soumettaient les autres à leur propriété. Aujourd’hui, plus on dispose de machines à son service plus on est riche et puissant. Les guerriers doivent se soumettre des machines qui sont et seront fabriquées. Les professionnels de la guerre qui ont voulu se réserver les machines n’ont pas triomphé. Les vainqueurs ont partagé les usages de ces machines avec la société qui supporte leur production en retour. Pour parler comme Pierre Jancovici, on était riche du nombre d’esclaves (de choses humaines) que l’on possédait, on est riche du nombre d’esclaves mécaniques (de choses non humaines) qui sont à notre service. Ici la morale a une place claire : on est riche du nombre d’objets que l’on extrait du monde. Aujourd’hui la nouveauté, c’est que ces objets sont encombrants, c’est que ces « esclaves mécaniques », en se multipliant, consomment plus de vie, de matière et d’énergie fossiles qu’il ne peut en être produit, produisent plus de déchets qu’il ne peut être éliminé, détraquent ainsi les équilibres sociaux et naturels. Ils se substituent au travail humain et fabriquent des populations inutiles. Leur développement ne peut être donc illimité. Le marché rencontre donc des limites externes, les limites planétaires, et des limites internes, l’offre ne produit plus sa demande, crée des congestions dans la circulation et ne distribue plus les revenus qui permettent de l’acheter. Vers quels réaménagements de la société de nature esclavagiste se dirige-t-on ?

    Nous restons dans la même problématique : dans les nouvelles limites de la production, le plus riche et le plus puissant est celui qui peut mettre en œuvre le plus d’esclaves mécaniques. Un continent comme la Russie qui possède la matière et l’énergie non humaine ne doit pas posséder les machines les plus puissantes, si on veut l’empêcher d’être une puissance rivale. Elle doit rester soumise à une division internationale primaire du travail : à elle les matières premières, aux USA, et leurs suivants, les machines. L’Allemagne ne doit pas disposer d’une énergie bon marché pour développer sa puissance industrielle, cela déséquilibre les comptes extérieurs US. La guerre de la Russie contre l’Ukraine est envisagée par les USA comme une politique de réduction de la compétition qui menace l’hégémonie US. On chante l’unité occidentale avec la guerre contre l’Ukraine, en vérité on fait semblant de ne pas voir que les USA travaillent pour une hégémonie anglo-saxonne, jouent des divisions de l’Europe et mettent en demeure cette dernière d’accepter une certaine division du travail avec eux. Certains sont attachés à une telle hégémonie américaine, ainsi de la Pologne et des pays de l’Est qui veulent se protéger de l’Allemagne, alors que cette dernière doit se rappeler qu’elle a été la vaincue de la Seconde Guerre mondiale.

    Le champ d’action du marché doit donc être le plus large possible étant donné des arrangements sociaux acceptables. La compétition internationale dominée par l’Occident doit accepter les arrangements sociaux de celui-ci afin qu’il puisse demeurer le centre de gravité du monde. Il devient de plus en plus net que les arrangements sociaux ne sont pas exportables, les pays qui ont réussi à étendre le champ d’action de leurs échanges, et en voie de développer leur économie de marché, sont ceux qui ont pu définir les arrangements qui ont permis une telle extension.

    Il faut bien constater cependant qu’étendre le champ d’action du marché ne préfigure pas de la distribution de ses centres de gravité. Tous les pays du monde ont connu une extension considérable du champ d’action du marché, mais peu ont réussi à en apprivoiser les forces. On peut dire aujourd’hui que les USA visent à priver la Chine d’une telle intériorité économique en s’efforçant de la faire avorter. Ils poussent la Chine à se priver de la contribution technologique internationale par leur attitude et leurs sanctions afin que ne puissent pas se former et se stabiliser ses centres de gravité intérieurs.

    Extension du marché et configuration de ses centres de gravité

    Un marché étendu ne peut donc se préserver face à des sanctions économiques extérieures que s’il est en mesure de s’auto-entretenir. Ce qu’il ne peut faire que si l’extension de son champ d’action s’est accompagnée de la formation de centres de gravité qui prennent de la consistance avec ces sanctions. Il doit pouvoir comprendre les retournements de situations, tels ceux qui se sont produits entre les puissances émergentes et les anciennes puissances : situations de marché favorables aux dernières au départ puis défavorables, d’amicales au départ puis inamicales. L’économie doit pouvoir être à double circulation, s’étendre au monde pour constituer des centres de gravité, être en mesure de se restreindre autour de centres de gravité endogènes avec la réduction du champ d’action du marché.

    Ces deux capacités, s’étendre le plus largement possible en situation de paix et se restreindre à soi-même en situation d’adversité, supposent une certaine capacité d’adaptation, une certaine « flexibilité » des offres et des demandes, soit fondamentalement, une certaine résilience de la société.

    La guerre actuelle en Ukraine, la « rivalité systémique » entre la Chine et les USA et la crise climatique, vont mettre à l’épreuve la résilience de toutes les sociétés du monde, qu’elles soient ukrainiennes et russes, ou européennes, nord-américaines, africaines et autres. Résilience de ces centres de gravité qui exprime la capacité de la société, des sociétés à s’organiser et vivre autour de certains échanges. Le marché ne peut plus se penser autrement qu’à des échelles régionales. Ce qui est en question, c’est la distribution internationale de ses centres de gravité. Les échanges d’une nation ne peuvent dépendre exclusivement de centres de gravité extérieurs, comme ils ne peuvent compter exclusivement sur des centres internes de gravité. Le capital politique d’une nation s’épuise s’il ne s’arme pas des autres formes de capital. Les centres nationaux de gravité se défont s’ils ne sont pas associés à des centres de gravité extérieurs pour constituer une société/économie qui se suffise. C’est dans le cadre d’une configuration des centres de gravité qui peut réaliser une telle suffisance que réside l’autonomie de décision. Nous sommes globalement devant la situation suivante : à l’Occident la technologie, au reste du monde les matières premières, dont les céréales et l’énergie. Si les pays réémergents dont la Chine, l’Inde, la Turquie, l’Iran et émergents tel le Brésil, les Émirats arabes unis pour ne citer que ceux-là, tournent le dos au chantage technologique occidental, s’ils réussissent à produire la technologie dont le reste du monde a besoin, le bloc occidental ne pourra rien faire face au retournement du marché qui leur est défavorable. Il suffit que le monde non occidental refuse l’affrontement qui est proposé par la Russie et les USA, se détache des problèmes de l’Occident pour s’attacher à ses propres problèmes, pour que se dégagent les nouveaux centres de gravité mondiaux dont il a besoin.

    En guise de conclusion. S’attacher à la résolution de ses propres problèmes, c’est définir correctement les arrangements sociaux qui permettront à la société de se mettre en ordre. Sans cette mise en ordre, on ne peut envisager une compétition à la mesure de la compétition internationale. On ne peut pas aussi, sans cela, envisager ni un « encastrement » de l’économie dans la société ni une extension des échanges qui puisse permettre la formation de centres de gravité , soit une transformation de flux externes en flux internes, puis en flux internes s’auto-entretenant.

    Les crises mondiales actuelles offrent des opportunités différentes à chaque région, à chaque pays. Qui sera en mesure de les saisir ? D’établir les bons arrangements sociaux, la bonne extension du marché et la bonne configuration des centres de gravité économiques à même de soutenir l’autonomie de la décision politique ? Certainement pas ceux qui voudront imposer un cours au monde, mais plutôt ceux qui au plus près de ce cours pourront emprunter les bifurcations qui peuvent conduire à la formation d’un nouveau cours. Je parie sur la Chine, l’Inde et l’Europe, si ces régions arrivent à converger quant à la transition énergétique, autrement dit à rester compétitives, c’est-à-dire les moins affectées par les congestions et les inégalités internes, tout en réduisant leur consommation énergétique, le nombre de leurs esclaves mécaniques. L’Afrique peut-être, non par dessein, mais plutôt par nécessité et humilité.

    [1] 9 grands équilibres conditionnent notre vie sur terre.
    [2] La fabrication de l’homme inutile (la pire des inégalités selon Pierre Noël Giraud) et la destruction du capital social de Robert Putnam.
    *Enseignant chercheur en retraite, Faculté des Sciences économiques, Université Ferhat Abbas Sétif ancien député du Front des Forces Socialistes (2012-2017), Béjaia.

    Le Quotidien d’Oran, 02 juin 2022

    #Ukraine #Russie #Economiedemarché #Globalisation #Occident #Chine #PaysEmergents

  • Au nom de la liberté des suprématistes

    Au nom de la liberté des suprématistes

    Occident, OTAN, Etats-Unis, Russie, Chine, URSS, Ukraine, danger nucléaire,

    par Saadeddine Kouidri

    Pour les USA, la Chine va à l’encontre des règles qui rendent le monde tel « que nous voulons qu’il soit », dixit Joe Biden. Un monde qu’illustre la tuerie de 19 écoliers par un adolescent de 18 ans, ce mardi 24.05.22 au Texas. Suite à ce crime, le Président de la première puissance mondiale trouve qu’Il est temps de transformer la douleur en action et se pose la question : «Quand, pour l’amour de Dieu, allons-nous affronter le lobby des armes» ? Ce lobby est aux mains des suprématistes blancs, dont l’étendard est déployé par les soldats d’Azov en Ukraine et des évangélistes qui dominent le Congrès étasunien et qui, les premiers, aident l’Etat juif d’Israël. C’est au nom de leurs croyances que les guerres broient les peuples depuis des siècles et leur système politique n’est rien d’autre que le processus de l’intérêt économique dont celui de vendre des armes, qu’importe les conséquences. C’est cette immoralité qui condamne ce système politique qui mène à l’exploitation par l’homme, dont l’accaparement de la plus-value des travailleurs est manifeste depuis la Critique de Karl Marx. Quant à l’accaparement des ressources naturelles par les davoshiens and Co, elle a comme conséquence 282 millions de personnes sous-alimentées que compte la FAO dans le seul continent africain. Ces pauvres n’habitent pas dans des États-Nations mais dans des Etats livrés aux davoshiens ou leurs acolytes.

    Le danger du surarmement nucléaire au temps de la bipolarisation a fait fléchir l’URSS qui a cru que la crainte était assez mûre pour être partagée ! Mal lui en prit. On connaît la suite. Il s’avère aujourd’hui que le monde est sévèrement nucléaire. Ce qui le condamne à être multipolaire. C’était l’URSS, prétendument communiste, qui était l’ennemie des USA. Aujourd’hui, c’est la Chine qui est déclarée le nouveau premier ennemi du maître du monde à cause de sa puissance économique dans le monde et non plus à cause du Parti communiste chinois au pouvoir !

    Depuis 1989, la poussière provoquée par la chute du mur de Berlin a mis des décennies pour se dissiper, laissant entrevoir la muraille de Chine et c’est seulement l’entrée de l’armée russe le 24.02.22 en Ukraine qui révèle, aux utopistes, aux économistes, et à tous les idéalistes que le conflit mondial n’est pas économique mais politique. Sans le sacrifice des peuples de l’URSS dirigée par Staline, Hitler aurait colonisé et asservi l’Europe. Sans la Résistance populaire, dirigée par l’Émir, le sort des Algériens aurait été scellé à l’instar des Amérindiens. Sans l’opération en Ukraine, la république de Russie aurait été vassalisée à l’instar de la France et ses alliés par les suprématistes blancs étasuniens dont Azov, ce régiment néonazi, en est le représentant en Ukraine à défaut de l’OTAN.

    Gorbatchev avait cru que le capitalisme est pourvu d’éthique dont celle de croire à la parole donnée. Son marxisme contraire à celui de Staline qui doute de l’autre, sont tous deux dépourvus de naturalisme au point ou le premier ignore que la morale des idéalistes est du ressort de l’intérêt avant tout. On apprend qu’au Forum économique de Davos 2022 que la Covid a été la période la plus rentable de tous les temps et qu’à toutes les 30 heures, un nouveau milliardaire a été créé pendant la pandémie. Ce forum, qui regroupe 1.000 davoshiens, les plus fortunés du monde, a comme cible principale les Etats-Nations, « ces empêcheurs de tourner en rond », dixit Georges Soros, l’un de ces membres, appelle « à vaincre Poutine pour sauver notre civilisation ». YouTube servile aux fortunés a supprimé des dizaines de milliers de vidéos et des dizaines de chaînes pour avoir qualifié la guerre en Ukraine de mission de libération ! Quant au directeur de la Banque de France, cet autre davoshien, déclare que «l’inflation causée par la guerre en Ukraine est le prix à payer pour défendre nos civilisations». Leur civilisation est d’essence immorale puisqu’elle trouve de l’intérêt dans les guerres, les pandémies et dans la colonisation de peuplement de la Palestine et la colonisation du Sahara Occidental.

    On vient d’apprendre que dans le sud de la Cisjordanie, Israël expulse un millier de Palestiniens. Dans un de ces hameaux, des forces israéliennes arrivent ce mercredi et, sans dire un mot, ordonnent à la famille de s’éloigner, détruisent en moins d’une heure la cuisine, trois pièces, un pigeonnier, un enclos et les deux tentes d’Abou Sabha.

    Nous savons aujourd’hui plus que jamais que la morale n’existe que dans le matérialisme moderne qui a comme socle le naturalisme. Le capitalisme, adossé aux religions, fait croire aux utopistes et autres idéalistes que les potentialités nouvelles de progrès mènent intrinsèquement vers un monde plus humain pour faire croire que son processus n’est jamais immoral puisque basé sur les libertés. Nous savons aujourd’hui de quelles libertés il s’agit, celle du sioniste, la liberté de tuer le Palestinien, celle du fils du riche étasunien de tuer le pauvre et particulièrement le noir. La tendance foncière du capitalisme est dans l’intérêt qui l’entraîne à se développer aux dépens non seulement des besoins de l’humanité mais de la vie. Quant à l’impérialisme, il ne «désarme pas du seul fait de trouver plus de réalisme en face de lui».

    Suite à l’annonce de Washington et Tokyo qu’ils vont surveiller les récentes activités de la marine chinoise ainsi que les mouvements liés aux exercices conjoints de la Chine et de la Russie, des bombardiers stratégiques (armés de bombes nucléaires) chinois et russes volent au-dessus de la mer du Japon pendant la visite de Biden. La réponse du berger à la bergère est une solution persuasive, certes, mais temporaire car l’impérialisme ne désarme que quand il trouvera l’intérêt économique shunté par une morale adossée à une puissance plus forte que la sienne, celle de l’union des peuples qui a comme morale naturelle, la préservation de la vie, de la sympathie de l’autre, la solidarité.

    Le Quotidien d’Oran, 31 mai 2022

    #EtatsUnis #Chine #Russie #Occident #Ukraine #OTAN

  • L’ONU à l’épreuve des enjeux géopolitiques et stratégiques

    L’ONU à l’épreuve des enjeux géopolitiques et stratégiques

    ONU, Nations Unies, Etats-Unis, URSS, Chine, Royaume-Uni, France, Ukraine, ordre mondial,

    par Kharchi Nadjib Messaoud*


    L’Organisation des Nations unies (ONU) a été officiellement créée le 24 octobre 1945, à la suite de la ratification de la Charte de San Francisco par les cinq puissances du moment (Etats-Unis, URSS, Chine, Royaume-Uni, France) et les quarante-six autres Etats signataires, tous désignés comme membres fondateurs.

    Le terme de « Nations unies » apparait pour la première fois dans l’intitulé même de la « Déclaration des Nations unies » du 1er janvier 1942, signée à Washington par les représentants de vingt-six Etats qui se sont solennellement engagés à poursuivre ensemble la guerre contre les forces de l’Axe et à ne conclure ni armistice ni paix séparés. Le texte de ladite déclaration se référait expressément à la « Charte de l’Atlantique » du 14 août 1941, établie entre les Etats-Unis et l’Angleterre, dont le contenu se présente sous la forme d’un énoncé de principes en huit points devant servir de fondements au maintien d’une paix durable et à garantir la sécurité internationale, une fois la deuxième guerre mondiale terminée.

    Les rédacteurs de la « Charte de San Francisco » qui a donné naissance à l’ONU se sont inspirés tout à la fois de la « Charte de l’Atlantique » de 1941 et de la « Déclaration des Nations unies » de 1942, pour en définir les principes fondamentaux, les objectifs et les moyens d’intervention.

    La présente contribution a pour objet de mettre en perspective le rôle de l’Organisation des Nations unies, tel que défini par la Charte de San Francisco, avec le contexte politico-stratégique propre au monde du 21éme siècle en devenir. Bien que de nombreuses variables rendent aléatoire toute tentative d’anticipation des évolutions à moyen ou long terme qui vont probablement remodeler le champ des relations internationales, il s’agit à travers cette analyse de situer les enjeux et les défis qui interpellent l’ONU en tant qu’institution chargée de la gouvernance mondiale. Au regard de ces considérations, il conviendra de s’interroger si l’organisation onusienne, dans ses multiples champs de compétences, est en mesure de répondre efficacement aux défis actuels et à venir. Sinon, faut-il repenser l’ONU dans ses missions, son fonctionnement et ses processus opérationnels, autrement dit réformer en profondeur une institution datant du siècle dernier, vielle de plus de soixante-quinze ans.

    La Charte de San Francisco, à l’origine de la création de l’ONU, marquait l’avènement d’une ère nouvelle promise à la paix et la sécurité internationales. Par sa portée historique, sa vision des relations entre Etats et son universalité, elle ouvrait des perspectives inédites à la communauté des nations.

    Dans son allocution de clôture de la Conférence de San Francisco qui donna naissance à la « Charte des Nations unies », le président Truman s’adresse aux délégués et autres participants en ces termes : « La Charte des Nations unies que vous venez de signer constitue une base solide sur laquelle nous pouvons édifier un monde meilleur… Entre la victoire en Europe et la victoire finale dans la plus destructrice des guerres, vous avez remporté une victoire sur la guerre elle-même… Grâce à cette Charte, le monde peut commencer à entrevoir le moment où tous les êtres humains pourront vivre une vie décente d’hommes libres ».

    La Société des Nations, ancêtre de l’ONU

    La Société des Nations (SDN) a été fondée le 28 juin 1919, au lendemain de la première guerre mondiale, par le traité de Versailles qui mit fin aux hostilités entre l’Allemagne et les Alliés. Dans sa partie 1 intitulée « Pacte de la Société des Nations », il est expressément déclaré à l’article 11 que « toute guerre ou menace de guerre, qu’elle affecte directement ou non l’un des membres de la Société, intéresse la Société tout entière et que celle-ci doit prendre les mesures propres à sauvegarder efficacement la paix des nations… »

    En tant qu’organisation à vocation universelle, la SDN devait, en application du principe de la sécurité collective, promouvoir les valeurs de paix entre les nations, tout comme l’amitié entre les peuples. Elle devait en outre réduire les arsenaux des Etats au minimum compatible avec la sécurité nationale et développer la coopération internationale.

    L’approche diplomatique qui présida à la création de la SDN représentait un changement fondamental dans le système international tel qu’il avait prévalu jusqu’alors. Nombre d’Etats craignaient que la puissance de cette organisation supranationale eût pu les restreindre dans l’exercice de leur souveraineté sur les questions de haute politique extérieure.

    Le commentaire officiel britannique sur le Pacte de la Société des Nations, présente celle-ci en ces termes : « Ce n’est pas la constitution d’un super-Etat mais, comme son nom l’indique, un accord solennel entre Etats souverains qui consentent à limiter leur liberté totale d’action sur certains points dans l’intérêt de leur propre existence et celui du monde en général… »

    Bien que la SDN apporta des solutions à des conflits frontaliers entre Etats et évita ainsi la guerre, elle ne put faire face à la succession de crises et à la militarisation de l’Allemagne qui aboutirent inéluctablement à une déflagration mondiale.

    En somme, la SDN est restée enfermée dans une conception classique où l’Etat-nation s’inscrivait au cœur du système international et demeurait maître de ses décisions. La souveraineté nationale et les intérêts supérieurs qui s’y attachent faisaient obstacle à tout pouvoir supranational. L’incapacité de la SDN à mettre en place un ordre mondial régulé par le droit international, finira par donner raison à Clausewitz, pour qui, « la guerre est la politique continuée par d’autres moyens ».

    Indéniablement, la SDN a failli à la mission qui fut à l’origine de sa création, et dont l’objectif premier était d’assurer la sécurité collective. Malgré une volonté affirmée de préserver la paix mondiale, elle ne parvint à aucun résultat probant dans le règlement des crises et conflits. Elle ne put enrayer ni la guerre civile espagnole, ni l’agression italienne contre l’Ethiopie, comme elle fut impuissante devant les politiques belliqueuses et agressives de l’Allemagne nazie, de l’Italie fasciste et du Japon impérialiste, qui préludaient au déclenchement de la deuxième guerre mondiale.

    La SDN n’aura duré qu’une vingtaine d’années, le temps d’une grande illusion entre deux guerres mondiales.

    L’ONU, née de la guerre pour mettre fin à la guerre

    L’ONU a vu le jour dans des circonstances similaires à celles qui présidèrent à la fondation de la SDN en 1919, à savoir la fin d’un conflit armé à l’échelle mondiale. Elle devait être la clé de voûte des relations entre peuples et nations. Par sa vocation et ses compétences universelles, l’ONU constitue un forum unique, ouvert à tous les Etats sans exception. « Une conférence diplomatique permanente », disait de l’ONU son ancien Secrétaire général, Dag Hammarskjöld.

    La communauté internationale fondait de grands espoirs sur la naissance de l’ONU. A travers le système des Nations unies, l’organisation mondiale allait poser les fondements d’un nouvel ordre international capable de surmonter les échecs de la SDN. Le préambule de la Charte des Nations unies déclare d’emblée : « Nous, peuples des Nations unies, résolus :

    – à préserver les générations futures du fléau de la guerre qui deux fois en l’espace d’une vie humaine a infligé à l’humanité d’indicibles souffrances,

    – à proclamer à nouveau notre foi dans les droits fondamentaux de l’homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans l’égalité des droits des hommes et des femmes, ainsi que des nations, grandes et petites,

    – à créer les conditions nécessaires au maintien de la justice et du respect des obligations nées des traités et autres sources du droit international,

    – à favoriser la tolérance, à vivre en paix l’un avec l’autre dans un esprit de bon voisinage,

    – à accepter des principes et instituer des méthodes garantissant qu’il ne sera pas fait usage de la force des armes, sauf dans l’intérêt commun,

    – à recourir aux institutions internationales pour favoriser le progrès économique et social de tous les peuples… »

    Dans cette partie préliminaire du préambule de la Charte de San Francisco, les principes fondamentaux qui sous-tendent les missions de l’ONU se confondent avec les hauts idéaux de l’humanité. La paix entre les nations représente la mission fondatrice et la vocation première de l’ONU. Par son universalité, elle est l’instance la mieux indiquée pour apporter une réponse globale aux grands défis et aux multiples périls auxquels l’humanité est confrontée. De par leur dimension, ils dépassent de beaucoup les capacités d’une nation ou d’un groupe de nations, aussi puissantes fussent-elles.

    L’article 1 de la Charte des Nations unies stipule que les Etats membres doivent « réaliser par les moyens pacifiques, conformément aux principes de la justice et du droit international, le règlement de différents ou de situations de caractère international susceptibles de mener à une rupture de la paix ». A cette fin, la notion d’Etat de droit inscrite dans la Charte garantit le respect du droit international et des principes fondamentaux de la justice.

    En 1948, l’ONU a adopté la « Déclaration universelle des Droits de l’Homme, à laquelle ont adhéré tous les Etats sans exception. Ces dernières années, l’organisation mondiale se concentre activement sur les questions qui touchent à la démocratie et les droits humains, compte tenu de la dégradation de la situation en la matière dans nombre de pays.

    Aujourd’hui, l’ONU compte 193 Etats membres, tous égaux en droits et obligations. Ils se sont engagés solennellement à s’abstenir de recourir à la menace ou l’emploi de la force contre tout Etat, afin que la paix et la sécurité internationales ne soient pas mises en danger. Il reste que le caractère fondamentalement imprévisible des évènements dans le monde ne permet pas dans tous les cas de figure d’anticiper au mieux leur évolution. Le jeu des relations internationales est bien trop complexe si l’on considère le nombre illimité de variables qui peuvent changer une situation donnée dans un contexte géopolitique incertain où les principaux acteurs restent muets sur leurs véritables desseins.

    Les failles originelles inhérentes au système des Nations unies

    De par son organisation, son fonctionnement et le champ de ses missions, l’ONU devait, dans l’esprit de ses fondateurs, pouvoir surmonter les échecs de la SDN. Ceux-ci estimaient que son incapacité à préserver la paix mondiale tenait au fait qu’elle ne disposait pas de moyens coercitifs, entre autres une armée propre, et qu’elle ne revêtait pas un caractère universel, puisque les Etats-Unis, l’URSS, le Japon et l’Allemagne n’en étaient pas membres.

    Le système des Nations unies est organisé fonctionnellement et techniquement autour des vainqueurs de la deuxième guerre mondiale ; à savoir les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, l’URSS (Russie depuis 1991), la Chine et la France.

    Les deux principales instances de l’ONU sont l’Assemblée générale, où chaque Etat membre dispose d’une voix, et le Conseil de sécurité, qui comprend cinq membres permanents avec droit de veto et dix membres élus par l’Assemblée générale pour deux ans. Le Secrétaire général assure les fonctions administratives de l’ONU. Il est élu pour cinq ans par l’Assemblée générale. Toujours choisi parmi les pays qui ne sont pas de grandes puissances, il est rééligible sans limitation du nombre de mandats. Le Secrétaire général incarne l’ONU dans le concert des nations. Bien qu’il ne dispose pas d’un pouvoir de décision, il exerce une certaine influence auprès des acteurs de la communauté internationale.

    Aux trois organes majeurs de l’ONU, il convient d’ajouter les institutions représentatives du pouvoir judiciaire que sont la Cour internationale de justice et la Cour pénale internationale créée en 1998. Par ailleurs, l’ONU dispose d’un certain nombre d’institutions spécialisées chargées d’une mission précise, tel que le Conseil économique et social, le FMI, la Banque mondiale, l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’Organisation mondiale du commerce (OMC), l’UNICEF pour la protection de l’enfance, l’UNESCO pour la culture, la FAO, la CNUCED ou le Bureau international du travail…

    Le Conseil de sécurité constitue en quelque sorte l’organe exécutif de l’ONU. Par résolution il décide des sanctions à appliquer contre celles des nations qui ne respectent pas les règles internationales fixées par la Charte. Ces sanctions vont du simple avertissement aux sanctions économiques, jusqu’à l’utilisation de la force armée. Toute résolution nécessite pour son adoption l’accord des 5 membres permanents du Conseil de sécurité. Chacun d’eux dispose d’un droit de véto qui peut bloquer toute prise de décision. Un pouvoir exorbitant qui affecte lourdement le fonctionnement de l’ONU. Le droit de veto est d’autant plus excessif voir abusif, qu’il remet en cause la règle de la majorité. Paradoxalement, l’Assemblée générale où siègent l’ensemble des nations prend des résolutions, qui n’ont ni force exécutoire, ni ne sont contraignantes, alors que les cinq membres permanents du Conseil de sécurité peuvent prendre des décisions qui s’imposent à tous. L’abstention ou l’absence d’un membre permanent qui opte pour la « Chaise vide » lors d’un vote au Conseil de sécurité sont assimilés à un consentement. Cette règle a l’avantage de permettre d’exprimer son désaccord sur la teneur d’une décision sans pour autant la bloquer dans son application. Par ailleurs, le droit de veto ne peut en aucun cas être utilisé pour empêcher le débat autour d’un projet de résolution même s’il existe de fortes probabilités qu’un des cinq membres permanents du Conseil de sécurité en fasse usage.

    Le veto obère toute possibilité d’intervention du Conseil de sécurité, lorsqu’une résolution est contraire aux intérêts d’un de ses membres permanents. Ce droit à maintes fois paralysé l’ONU pour le règlement de conflits, à l’exemple de la guerre d’Algérie où les Nations unies n’ont pu agir, en raison de la menace que la France agitait d’en faire usage, et ce contre l’avis majoritaire des autres membres du Conseil de sécurité. Les Etats-Unis ont souvent utilisé leur droit de veto dès lors qu’il s’agit de protéger Israël, leur allié stratégique et bras armé au Moyen-Orient. Le paradoxe réside dans le fait que le conflit israélo-palestinien paralyse les consciences à l’échelle mondiale sans que l’ONU puisse déboucher depuis 1948 sur une solution en direction du peuple palestinien. Cet exemple et bien d’autres encore montrent à quel point le veto constitue un moyen de blocage et d’affaiblissement du rôle de l’ONU.

    Depuis la création de l’ONU, la Russie, y compris l’ex URSS, a recouru 143 fois au veto, les Etats-Unis 86 fois, le Royaume-Uni 30 fois, la Chine et la France 18 fois chacune. Le fonctionnement de l’ONU n’est pas démocratique, loin s’en faut. Le droit de veto qui donne des pouvoirs absolus aux cinq membres permanents du Conseil de sécurité, est contradictoire avec le principe d’égalité entre tous les Etats membres de l’ONU, tel qu’affirmé par la Charte de San Francisco.

    Les limites de la gouvernance mondiale de l’ONU

    Tandis que le monde entame la troisième décennie du 21éme siècle, l’espoir que véhiculait l’ONU à sa création est aujourd’hui largement entamé. La réalité du système de gouvernance mondiale a montré ses limites. Bien que l’ONU peut se prévaloir d’un certain nombre de succès, celle-ci est incontestablement diminuée dans son rôle de garante de la paix et la sécurité internationales.

    La fin de la guerre froide Est-Ouest consécutive à la chute du Mur de Berlin en novembre 1989, n’a régénéré ni le droit international ni l’ONU. Les hostilités déclenchées par les Etats de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) contre la Yougoslavie, en 1999, montre que les grandes puissances peuvent contourner le Conseil de sécurité. Cette dérive s’est accentuée après les attentats du 11 septembre 2001, où la « guerre contre le terrorisme » lancée par les Etats-Unis a justifié tous les dépassements. Du renversement des Talibans, en l’absence d’une agression armée préalable juridiquement imputable à l’Etat afghan ; à l’intervention en Irak de 2003, déclenchée sans autorisation du Conseil de sécurité. La guerre unilatérale a effectué un retour spectaculaire sur la scène mondiale.

    Malgré leur rigueur, les règles introduites par la Charte de San Francisco n’ont pu empêcher le déclenchement de nombreuses guerres en dehors des mécanismes prévus pour le règlement pacifique des conflits entre nations. Au nom de « justes causes » les Etats-Unis ont entrepris des actions militaires unilatérales à Cuba en 1961, au Nicaragua en 1980, à la Grenade en 1983 ou au Panama en 1989.

    Seul organe de l’ONU à pouvoir évaluer la licéité d’actions militaires, la Cour internationale de justice (CIJ) a été peu sollicitée depuis 1945. Alors que le débat faisait rage sur une éventuelle intervention en Irak en 2002-2003, aucun Etat n’a cru opportun de demander l’avis des juges de La Haye.

    L’ONU a montré ses limites dans la politique de maintien de la paix internationale. Un de ses échecs les plus manifestes fut son incapacité à empêcher le génocide rwandais de 1994. La multiplication des foyers de conflits dans le monde (Yémen, Syrie, Irak, Palestine, RDC, Lybie, Ukraine…) est une illustration de l’échec des Nations-Unies à garantir la paix dans le monde. Une soixantaine d’années plus tard le conflit entre l’Inde et le Pakistan à propos du Cachemire est toujours d’actualité. Après trois guerres de 1948 à 1949 et malgré les résolutions de l’ONU, aucune solution fiable n’a été trouvée, tandis que les tensions entre les deux Etats restent persistantes. La question du peuple sahraoui n’est pas en reste. Depuis 1975, la décolonisation de ce territoire est encore inachevée. Le colonisateur marocain a remplacé le colonisateur espagnol, faisant abstraction des droits nationaux du peuple sahraoui. Les émissaires de l’ONU en charge de ce dossier se succèdent dans le temps, constatent les faits, mais la situation demeure en l’état.

    L’ONU ne manque pas de dossiers ouverts et non résolus. Ce sont autant de situations en instance de dégénérer en conflits et susceptibles de rendre le chemin de la paix, l’objectif initial, plus difficile encore. Le risque de voir exploser les zones de tension que les efforts diplomatiques de l’ONU n’arrivent pas à contrôler est une menace constante.

    Le constat d’échec de l’ONU dans sa mission de paix mérite cependant d’être tempéré. L’organisation compte à son actif des conflits résolus grâce à son entremise. Les guerres de l’ex-Yougoslavie qui se sont déroulées entre les années 1991 et 2001 (Bosnie Herzégovine, Serbie, Kosovo, Macédoine) en sont l’exemple le plus illustratif. L’intervention des Casques bleus et les médiations menées par les instances onusiennes ont permis de redonner ses droits à la paix.

    La densité des relations diplomatiques qui caractérise les relations de l’ONU avec l’ensemble des nations qui en sont membres a souvent été d’un apport décisif dans la réduction de tensions géopolitiques ou la désescalade des conflits potentiels.

    L’enlisement de l’ONU dans des missions multiples et variées

    Outre sa mission de préservation de la paix et de la sécurité entre les nations, l’ONU est chargée d’améliorer le sort des peuples par la lutte contre les maladies, la faim, l’analphabétisme, tout en veillant à promouvoir la démocratie et les droits de l’homme.

    Le rapport 2019 de la FAO fait état d’une situation d’insécurité alimentaire aigüe dans le monde. Ainsi 690 millions de personnes ont souffert de la faim, soit une augmentation de 10 millions par rapport à l’année 2018. Par ailleurs, la persistance des discriminations raciales, de la persécution des minorités ethniques et religieuses, comme le cas des Rohingya en Birmanie, témoigne de l’incapacité des Nations unies à répondre à leurs multiples et diverses missions. Un constat de la même teneur s’impose pour les catastrophes naturelles et les conflits de grande ampleur où l’ONU peine à mener des actions humanitaires à la hauteur des urgences du moment (Haïti, Syrie, Sud Soudan, Yémen…).

    Le changement climatique constitue un problème complexe. Au-delà des aspects environnementaux, ce phénomène a conséquences sur nombre de questions globales, telles que la santé, le développement économique, les déplacements des populations, la sécurité alimentaire mondiale, les ressources en eau. L’Accord de Paris sur le climat a été ouvert à la signature le 22 avril 2016 -Jour de la Terre- au siège des Nations unies à New York. Entré en vigueur le 4 novembre 2016, nombre de pays dont les Etats-Unis en tête, sont réticents à s’unir derrière une action mondiale, afin d’enrayer le réchauffement de la planète et mettre fin aux périls qui menacent la survie de l’humanité. Bien que l’ONU tire régulièrement la sonnette d’alarme sur le scénario catastrophe qui se profile, la mobilisation attendue peine à voir le jour.

    Malgré les périls qui se rapprochent de manière irréversible, le Conseil de sécurité réuni le 14 décembre 2021 n’a pu adopter, à la suite d’un veto, le texte d’un projet de résolution établissant un lien entre le réchauffement climatique et la sécurité dans le monde. C’est bien là le résultat des lourds dysfonctionnements qui pèsent sur les organes exécutifs, délibératifs et administratifs de l’organisation des Nations unies.

    Les difficultés de l’ONU se sont accélérées ces dernières années. L’institution mondiale est menacée d’enlisement sous l’effet de son propre poids. Les contraintes financières ne sont pas les moindres. Les charges de fonctionnement sont lourdes alors que de nombreux pays ne sont pas à jour de leurs cotisations. Les Etats-Unis sont les plus importants bailleurs de fonds de l’ONU. Ce poids financier significatif leur permet d’exercer un ascendant sur les nominations à la tête des structures du Secrétariat général ou des entités qui lui sont rattachées au détriment d’une représentation plus équilibrée des nations.

    Le conflit russo-ukrainien ou la fin de l’ordre international issu de l’après seconde guerre mondiale

    La guerre russo-ukrainienne constituerait-elle le signe avant-coureur d’un effondrement de l’ONU avec pour conséquence une refondation géopolitique du monde ? On ne saurait nier que l’ONU est déchue de toute autorité morale. L’ampleur de la fracture qui sépare désormais les grandes puissances marque la rupture du consensus d’après-guerre à l’origine du système des Nations unies. L’onde de choc de la guerre en Ukraine interpelle tous les acteurs de la communauté internationale. L’Inde, L’Indonésie, l’Algérie, la Turquie, le Nigéria, le Brésil, l’Iran et d’autres pays encore sont légitimes à demander de changer la donne par une refonte de l’ordre du monde. L’alliance entre Pékin et Moscou reflète leur priorité stratégique commune, à savoir bousculer un système international dominé par les Etats-Unis.

    Quel monde après la guerre en Ukraine ? S’il est sûr que rien ne sera plus comme avant, dans quel sens iront les changements ? La réforme de l’ONU revient sur le devant de la scène plus pressante que jamais.

    Les conséquences globales et systémiques des crises actuelles et à venir qu’elles soient humanitaires, économiques ou environnementales, sont considérables. Les conflits larvés ou de basse intensité, les guerres ouvertes dénotent un monde de plus en plus violent et instable. La guerre en Ukraine rebat les cartes de la géopolitique à l’échelle mondiale. Elle a mis a nu la fragilité du système des Nations unies. Les chaînes mondiales de production redéploient leurs stratégies et réduisent leurs interdépendances, notamment avec la Chine. La mondialisation devient un problème après avoir été la solution. La scène internationale connait actuellement des bouleversements géopolitiques majeurs, à l’origine d’une brusque accélération de l’histoire.

    La nécessité impérieuse d’une réforme de l’ONU

    L’ONU sert-elle encore à quelque chose ? La question est pertinente à plus d’un titre. Dans un discours du 10 septembre 1960, le général de Gaulle disait par dérision : « Le machin, qu’on appelle ONU ». Une boutade certes, mais aussi et surtout une critique acerbe de l’institution mondiale et de son utilité.

    Les espoirs fondés sur l’ONU ont-ils atteints leurs limites ? Le Secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres, déclarait le 14 avril 2022 dans le cadre du conflit ukrainien : « La perspective d’un conflit nucléaire autrefois impensable, figure bien aujourd’hui parmi les possibilités ».

    De graves menaces pèsent sur la paix et la sécurité internationales. De nombreux signes de tension existent de par le monde que le système des Nations unies n’arrive plus à contenir. L’avenir s’avère plus menaçant que jamais, alors que l’organisation onusienne semble avoir atteint la limite de ses capacités d’intervention et d’intermédiation.

    L’ONU se trouve aujourd’hui à la croisée des chemins. Est-ce le déclin d’une institution dévitalisée ? Bien que le bilan de l’ONU oscille entre réussites et échecs, il n’en demeure pas moins que malgré les imperfections et les faiblesses du système des Nations Unies, une telle institution est indispensable à la marche du monde actuel, dans la mesure où elle offre un cadre de débat et de dialogue unique sur des questions majeures communes à l’ensemble des nations.

    Le système des Nations unies a organisé autour du club fermé des pays riches, d’institutions internationales totalement dépendantes et d’une société civile mondiale qui relaie la volonté hégémonique des puissants, fonde toute sa légitimité sur le droit du plus fort. D’où la nécessité de dépasser cette logique de domination et de diktat par l’élargissement du Conseil de Sécurité de l’ONU à d’autres membres permanents, au-delà des cinq puissances historiques qui sont à la fois juge et partie.

    Depuis la décolonisation, la composition de l’Assemblée générale s’est radicalement modifiée avec l’admission massive de pays nouvellement indépendants. Ces pays dits du Tiers-monde forment à présent la grande majorité de ses membres. Tous ne veulent plus du jeu de veto entre les deux supergrands, ni d’une Assemblée générale dépourvue de tout pouvoir. Les pays émergents sur l’échiquier international tiennent aussi le même langage. La dictature du veto est obsolète à plus d’un titre.

    A l’initiative du Liechtenstein, l’ONU a adopté récemment un projet de résolution qui oblige les cinq membres permanents du Conseil de sécurité à justifier le recours au veto, afin de l’apprécier à sa juste valeur. L’idée déjà ancienne a été relancée après l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Mais le problème de fond demeure entier.

    Confisquée par les grandes puissances et plus particulièrement les Etats-Unis, l’ONU a besoin d’une réforme en profondeur pour remédier aux nombreuses carences du système international. A cet égard, le ministre des Affaires étrangères et de la communauté nationale à l’étranger, Ramtane Lamamra, a appelé à « jeter les bases d’un nouveau multilatéralisme fondé sur une gouvernance mondiale concertée et inclusive… Les défis universels, a-t-il souligné, ont besoin de solutions universelles. Toutes les voix doivent être entendues- pas seulement celles des plus puissants ». Tout est dit.

    Le monde multipolaire d’aujourd’hui ne peut plus s’accommoder d’une organisation des Nations unies où les pays occidentaux imposent leur vérité et leur droit ; celui de gouverner le monde à leur guise, de faire la guerre selon leur propre volonté, ou d’apparenter des nations à l’axe du mal. N’est-il pas étonnant que les pays occidentaux se battent la coulpe pour les victimes civiles de la guerre en Ukraine, alors qu’ils restent muets devant les massacres de populations innocentes en Palestine et l’utilisation d’armes interdites par le protocole III de la convention sur certaines armes classiques entrée en vigueur en 1983.

    « Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà » disait le célèbre penseur Blaise Pascal. L’Occident a usé et abusé de ses vérités falsifiées, de sa défense des droits de l’homme sélective et de ses mensonges protecteurs de l’injustice envers le peuple palestinien brimé de ses droits nationaux. Dans ce monde du 21éme siècle caractérisé par la multipolarité, l’Occident a perdu le monopole des sentences et jugements sans appel.

    En ces temps incertains, un nouvel ordre mondial esquisse ses premiers contours, les rapprochements stratégiques autour d’intérêts communs, les sommets multipartites régionaux, les traités d’alliance de tout ordre ont tendance, à travers des initiatives partagées, à proposer une alternative aux Nations unies, notamment le Conseil de sécurité. L’environnement géopolitique mondial ainsi que le système des relations internationales connaissent de profondes mutations que la guerre en Ukraine a sensiblement accélérées. Une nouvelle page de l’histoire du monde est en train de s’écrire. Qui saura dire à quoi pourrait ressembler le monde de demain ?

    *Fonctionnaire

    Le Quotidien d’Oran, 29 mai 2022

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