Étiquette : colonialisme

  • Algérie française : le caractère destructeur d’une colonie « mixte »

    La situation précoloniale est celle du Maghreb avant la prise d’Alger en 1830. Quelles sont les caractéristiques de l’Algérie précoloniale, mais aussi du Maghreb ?

    Le Maghreb avant la prise d’Alger

    La première caractéristique correspond aux nombres humains. Vers 1830, le Maghreb comptait environ 10 millions d’habitants, tandis qu’à la même époque l’Inde britannique comptait environ 120 millions d’habitants. Le Maghreb est plus densément peuplé que l’Amérique, mais sa densité est loin d’atteindre celle des grands empires asiatiques.

    Au moment de la prise d’Alger, l’Algérie comptait 3 millions d’habitants, le Maroc, qui est encore plus grand en termes de population, est peut-être 7 millions, tandis que la Tunisie a une densité de population d’environ 1 million. Les 3 millions semblent être très peu par rapport à sa future métropole, la France. L’Algérie apparaît, vue de l’hexagone, comme un territoire peu peuplé.

    A la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle, le Maghreb était dans une mauvaise passe, grevé par la peste, les épidémies de variole et les événements climatiques qui ont conduit à des pénuries alimentaires et des famines. Les populations de l’Ancien Régime sont soumises à des phases de mortalité. La croissance démographique est faible voire nulle, mais cela va changer, notamment pour l’Algérie coloniale, en étant même inattendu.

    Le rapport entre la population de la colonie et de la métropole en 1930 est de 1 à 11, c’est une illusion d’optique : la France semble très peuplée par rapport à l’Algérie qui apparaît comme un désert démographique.

    En 2010, le ratio est passé de 1 à 2. L’image qui prévaut aujourd’hui est celle d’un Maghreb, et plus particulièrement d’une Algérie qui souffre d’une surcharge démographique, alors qu’à la veille de la colonisation française la situation était inverse en termes de la perception.

    La deuxième caractéristique est une société qui manque de cohésion ; la troisième caractéristique repose sur l’agriculture et l’élevage.

    L’Algérie précoloniale et le Maghreb précolonial se caractérisent par une répartition de la propriété foncière très égalitaire entre ceux qui importent et détiennent la terre, et cela va changer au cours de la période coloniale.

    Avant 1830, la répartition de la propriété foncière semble avoir été assez égalitaire. En revanche, les techniques de production ne sont pas très avancées, ce qui reflète le niveau de développement économique.

    Nous avons affaire à des économies qui vivent au ralenti dans un « équilibre de stagnation ».

    Il faut se rappeler qu’avant l’occupation française il y avait l’occupation des Arabes. Les populations maghrébines ont été islamisées à partir du VIIIe siècle, l’occupation a duré de 755 à 1516, suivie d’une occupation ottomane de 1516 à 1830. Ce sont deux occupations bien plus longues que la présence française.

    Il faut comparer l’occupation ottomane et l’occupation française pour avoir un terme de comparaison.

    Quand on parle d’occupation et de colonisation ottomanes en Algérie, il faut ouvrir la voie et avancer comme si on était sur un terrain miné. Autant pour la France, il n’y a pas de problème, mais il y a une différence, quelle est la différence ?

    Les Turcs ottomans sont une oligarchie militaire turque à la tête du territoire algérien actuel qui ne contrôle pas tout le pays. Il suffit d’occuper militairement certaines parties du territoire algérien et au fond, cette oligarchie militaire s’intéresse aux villes côtières, tandis que l’arrière-pays est laissé aux chefs locaux qui disposent d’une grande autonomie.

    La volonté du pouvoir central ottoman, qui est le sultan de Constantinople, n’est pas de s’étendre à l’ensemble du pays ou de s’imposer à tout le monde, il en résulte que les structures en place ne sont pas modifiées. Le Turc ottoman laisse en place ce qu’il trouve.

    L’occupation sert à lever des impôts, c’est la seule règle obéie par tous les sujets consistant en la reconnaissance à la figure du sultan du paiement d’un impôt.

    L’autre caractéristique de la société algérienne est son émiettement dans les villes côtières. Dans les villes américaines, il y a le milieu naturel, il y a des éléments qui se conjuguent pour nous donner la situation de départ et puis il y a le poids des hommes.

    Dans l’Algérie précoloniale, il y a des invasions et des migrations qui font des villes côtières des lieux de brassage entre les différents éléments, sans pour autant faire disparaître une hiérarchie entre les groupes. Il est à noter que le Maroc n’a jamais reconnu la suzeraineté ottomane.

    Les Turcs sont au sommet, numériquement faibles sont les dominants considérant le reste de la population comme inférieur. Même sentiment au sommet chez les andalous qui sont les descendants des Maurs qui ont été expulsés d’Espagne et qui trouvent asile au Maghreb, au Maroc, en Tunisie et en Algérie, puis plus bas il y a les noirs, parfois soldats ou domestiques dans le caravanes du Sahara qui approvisionnent les marchés formant le commerce transsaharien.

    Au bas de l’échelle, il y a les juifs méprisés au Maghreb et surtout au Maroc. En réalité, la condition des Juifs est inégale :

    Les juifs indigènes sont en Algérie depuis très longtemps, ce sont les plus humbles.
    les juifs de Livourne forment un amalgame de juifs d’origine ibérique ou italienne engagés dans le commerce international, pour la plupart expulsés de la péninsule ibérique, aisés, tournés vers une Europe désireuse de s’adapter au changement. Ils font partie de la communauté juive ouverte sur le monde, engagée dans le commerce international et avec un héritage qui les distingue des juifs indigènes.
    L’effondrement est dans les villes où la fragmentation est évidente, mais dès qu’on franchit les frontières des villes l’effondrement des Juifs, des Turcs et des Noirs s’estompe devant les millions d’Arabes et de Berbères. Ce qui distingue les Arabes et les Berbères, c’est la langue et la culture.

    Tous ces éléments contribuent à entraver l’intégration de la société. La Tunisie est le pays du Maghreb le plus totalement arabisé, le plus islamisé et le moins fragmenté géographiquement, offrant plus d’homogénéité que le Maroc et l’Algérie.

    Le secteur primaire domine, les richesses actuelles, c’est à dire l’activité dont l’Algérie tire le plus de revenus aujourd’hui, sont les hydrocarbures, mais ces gisements ne sont exploités qu’à la fin des années 1950. Nous avons une économie où l’élevage et la culture céréalière dominent.

    L’une des caractéristiques du système socio-économique en place est le caractère relativement égalitaire de la propriété foncière.

    En Algérie, il y a des régions où la population est sédentaire, dans d’autres régions il y a des nomades qui cultivent aussi la terre, et enfin il y a des propriétaires terriens qui ne cultivent pas la terre, donc il y a des paysans sans terre.

    Les régions sédentaires sont des propriétés morcelées qui sont directement exploitées par le propriétaire paysan et sa famille. Les parcelles et terres arables, directement exploitées par un paysan propriétaire de la terre, sont de petites exploitations familiales.

    La situation des nomades est plus compliquée. Il existe des groupes tribaux, chacun ayant son propre territoire, ces terres tribales sont vastes, leurs possessions sont reconnues. Chaque tribu possède un territoire dont la possession est reconnue par les autres tribus et le souverain qui est le sultan.

    Dans les zones où dominent les populations nomades, tout le monde appartient à une tribu dont l’appartenance donne le droit d’utiliser les terres de la tribu. Cependant, ces terres ne sont pas collectives, chaque famille possède des parcelles qu’elle peut cultiver, il n’y a pas de titre de propriété qui prouve les droits de chacun, mais la part familiale des parcelles cultivées est légitimée par le travail devenant possession continue et héréditaire.

    Autrement dit, il y a une paysannerie sédentaire qui possède la terre et chez les nomades ce système qui permet à chaque membre de la tribu et sa famille de cultiver et c’est le travail sur la terre qui légitime le titre de propriété devenant continu et héréditaire .

    Il existe de grands domaines que leurs propriétaires n’exploitent pas, comme les terres cédées aux mosquées, les terres du souverain et des familles nombreuses, mais aussi les propriétés des citadins. L’existence de ces différents types de propriété implique l’existence de paysans non propriétaires.

    Afin de retrouver la caractéristique sur laquelle nous insistons, les paysans pauvres sans terre qui échappent à une partie de leurs profits sont pourtant en Algérie coloniale en nombre limité. Autrement dit, dans l’Algérie précoloniale et le Maghreb précolonial, il y a un personnage qui n’apparaît pas dans le cadre social qu’est le prolétaire rural.

    Ce qui domine, c’est la petite ferme, la petite propriété et la petite ferme familiale sur lesquelles pèse principalement la pression fiscale.

    Il existe de grands domaines, des familles puissantes avec des pouvoirs de commandement, des familles nombreuses parviennent à imposer des corvées à leurs dépendants, mais cela ne conduit pas à une féodalisation de la société maghrébine. Le processus n’est pas assez poussé pour changer les rapports sociaux, les paysans algériens sont capables de garder leurs terres jusqu’à la période coloniale.

    Cette répartition de la propriété, la taille des exploitations et les modes d’exploitation reflètent l’équilibre de la société maghrébine précoloniale : ce sont des sociétés démographiquement peu peuplées, en général, elles manquent d’homogénéité et se stabilisent à un niveau technique assez bas.

    Le Maghreb ne se compare pas à l’Europe occidentale à cet égard. Il existe un environnement naturel ingrat, les variations thermiques sont importantes au fur et à mesure que l’on s’éloigne de la mer, les précipitations sont irrégulières. Face à cet environnement naturel ingrat, le paysan maghrébin peine à innover en termes de méthodes agricoles et d’outils agraires. Il n’y a pas d’association étroite entre l’agriculture et l’élevage, ce qui est une issue pour une culture caractérisée par un faible développement.

    La charrue est une charrue très simple dite  » araire  » qui n’est pas capable de retourner la terre de manière à emmagasiner les pluies irrégulières qui ne font que gratter le sol pour enterrer la graine. Pour les troupeaux, il y a le manque de réserves fourragères fragilisant les troupeaux.

    Les cas de jachère avec une pratique de rotation des cultures sont très rares, il existe des situations où la terre est abondante et les hommes plutôt rares encourageant une rotation plutôt rare, mais sans périodicité fixe.

    Est-ce que les choses changent dans les zones où il y a une occupation intensive ?
    Même dans ces régions, on note l’inertie des méthodes et des instruments de culture. Phase la plus souvent choisie pour faire ce diagnostic précolonial, l’Europe d’alors est en voie d’industrialisation précédée d’un schéma classique de révolution agricole.

    Comparé à l’Europe ainsi engagée dans l’industrialisation, le Maghreb semble vivre au ralenti, c’est-à-dire « un équilibre de stagnation ». Les sociétés maghrébines, et notamment algériennes, trouvent un équilibre. L’important est que la colonisation casse cette routine et violemment.

    Échec du règlement agricole européen

    Si l’on considère le deuxième empire colonial français, l’Algérie apparaît comme quelque chose de très particulier. La France entreprend de faire de ce territoire une colonie de peuplement payant le prix du sang et le coût financier de la conquête.

    Si l’objectif est atteint, l’Algérie devra être peuplée d’Européens et principalement de Français qui viendraient s’installer sur le territoire.

    Dans le cadre du deuxième type de colonisation française des années 1850 – 1860 – 1870 il existe un autre type d’expérience de peuplement qui est la Nouvelle-Calédonie.

    La colonisation peut d’abord apparaître comme un projet, l’Algérie apparaît d’abord comme un territoire peu peuplé, la conservation de l’Algérie peut justifier la conquête et le prix du sang et de l’argent. Une population européenne est envoyée pour contenir la résistance des Arabes.

    On considère que la conquête de l’Algérie se termine en 1870 dans le cadre de l’industrialisation de la France.

    Les difficultés sont nombreuses pour fixer le début de la révolution industrielle en France. On considère que les années 1830 – 1840, qui sont le début de l’industrialisation, ont apporté des difficultés sociales. L’idée est apparue de faire de l’Algérie une sorte de débouché pour le surplus de la population française et surtout de régler la question du coût social de l’industrialisation.

    La Grande-Bretagne, à l’heure où elle connaît des changements structurels fondamentaux, a la possibilité d’envoyer un surplus de population comme une sorte de soupape.

    C’est un plan de colonisation comme il est apparu à beaucoup « La France a une population surabondante, ses frontières sont devenues trop étroites, et le désert démographique algérien est à ses portes ». Cependant, assez rapidement, des années 1850 aux années 1860, à travers les recensements de population, les démembrements et les enquêtes diverses, la France se découvre un pays de faible fécondité, un pays d’immigration et non d’émigration.

    En réalité, la France n’a ni besoin de peupler l’Algérie, ni les moyens de le faire, et cela s’est manifesté dans les derniers jours de la conquête de l’Algérie.

    Le résultat est que la France va vouloir peupler l’Algérie. A partir du moment où, dans les années 1850-1860, on s’est rendu compte qu’elle ne pouvait pas, ce sont des arabophiles, dont certains fonctionnaires connaissant bien les réalités algériennes, qui ont avancé l’idée de changer sa politique démographique.

    Ces milieux ont pris conscience de la situation et ont réussi à convaincre Napoléon III qu’un changement de politique et de cap était nécessaire, et qu’il fallait détourner la politique de colonisation. Napoléon III recevra de ses adversaires le titre d’Empereur des Arabes, qui voudront attacher les Arabes au sol en leur donnant des titres de propriété plutôt que de laisser les Arabes garder leur terre et la leur donner au lieu d’en apporter quelques milliers impropres colons dans le pays.

    Cette politique suscitera une très forte opposition, car les partisans de la colonisation illimitée sont très nombreux en Algérie, notamment parmi les grands colons. A partir des années 1850 – 1860, il y a une première répartition des terres.

    Le poids des intérêts coloniaux, des arguments patriotiques, ce poids sur les milieux politiques français allait faire ce qui était une grande idée de Napoléon III, qui rétrospectivement avait raison.

    Cette idée avait le grand mérite de prendre en compte ce que l’on appellerait les conditions initiales, dont le poids des hommes. Cette idée avait le mérite de prendre en compte le fait que la population musulmane était et resterait largement majoritaire en Algérie.

    A partir des années 1870, la politique algérienne de la France reprend son orientation initiale en privilégiant la colonisation européenne avec des résultats mitigés.

    Tout dépend du terme de comparaison que l’on choisit. Soit on reste dans le domaine colonial français auquel cas l’Algérie apparaît comme une expérience qui se démarque des autres, soit on reprend les expériences réussies de colonisation des peuplements des Amériques et du Pacifique auquel cas l’Algérie en est très loin.

    Par rapport à d’autres possessions en Asie et en Afrique, l’Algérie peut revendiquer le statut de colonie de peuplement. En 1880, il y avait 400 000 Européens installés tandis que les Européens étaient noyés dans les masses indigènes en Asie et en Afrique subsaharienne, cependant, en Algérie cela correspond à 10 % de la population totale. Si l’on regarde l’évolution du nombre de femmes européennes par rapport à la population dite musulmane algérienne, les européennes constitueront une fraction de la population maximale au début du 20ème siècle avec 14%. C’est le record atteint en Algérie.

    L’Algérie ne ressemble pas à presque toutes les colonies d’Asie et d’Afrique, mais pour autant ce n’est pas une expérience comparable à ce qui va se passer en Amérique du Nord et dans le Pacifique, en fait, l’Algérie est entre les deux, c’est pourquoi elle est caractérisé comme une colonie mixte.

    La colonie mixte regroupe deux populations numériquement inégales, mais les Européens constituent une forte minorité ; d’un bout à l’autre, les Européens ne réussissent pas à gagner.

    Une colonie mixte est similaire à l’Algérie, à savoir l’Afrique du Sud, où la population blanche est une minorité plus forte, mais néanmoins minoritaire. Selon le dernier recensement de la population générale d’Afrique du Sud, les couleurs étaient plus nombreuses que les Européens blancs.

    Ces expériences n’atteignent jamais l’objectif de dépasser la population indigène. Au contraire, les privilèges des minorités européennes sont voués à disparaître à terme face aux revendications de la masse des peuples indigènes. C’est pourquoi nous avons en Algérie à la fin de la période coloniale le rapatriement des européens d’Algérie et pourquoi en 1991 il y a le démantèlement de l’apartheid, ce n’est pas tenable.

    La formule mixte de la colonisation est une situation explosive, c’est la suprématie blanche sans la main-d’œuvre.

    La formule de colonisation mixte est beaucoup plus inégale en Afrique du Sud. L’un des signes est que la minorité blanche d’Afrique du Sud monopolise une fraction beaucoup plus importante des terres qu’en Algérie, 87 % des terres cultivées aux mains des Européens, alors qu’en Algérie on estime que 25 % des terres cultivées sont aux mains des Européens. mains. Au-delà de ces petites différences, l’Algérie et l’Afrique du Sud sont du même type colonial en raison de la répartition inégale des populations et des richesses.

    Une fraction minoritaire de la population possède une trop grande partie de l’importance numérique de sa richesse.

    Afin de faire le lien avec la typologie américaine, la colonisation mixte crée une situation d’extrême inégalité qui n’est pas sans rappeler les deux premières catégories de colonies américaines.

    Le fait que la colonisation française se termine par une guerre qui dure longtemps, coûte cher et fait de nombreuses victimes n’est pas si surprenant lorsqu’il est présenté de cette manière.

    L’écart se situe entre le projet de faire de l’Algérie une colonie de peuplement et un type de peuplement qui ne rappelle pas du tout le projet initial.

    Les résultats de la politique de colonisation sont mitigés, au départ les objectifs sont atteints, mais très vite la population européenne atteindra un pic.

    La population comptée comme française en Algérie dans un premier temps, selon les chiffres du recensement, a plus que décuplé entre les recensements de 1856 et 1954.

    À première vue, c’est quelque chose d’assez spectaculaire ou efficace. Cette augmentation est due moins à l’immigration et à l’accroissement naturel des Français venant de France qu’à l’assimilation des étrangers européens et des juifs algériens.

    Nous nous dirigeons vers une communauté européenne en Algérie qui sera composée de Français d’origine française, d’Européens non français comme les Espagnols, les Italiens, les Maltais, les Allemands, mais aussi les Suisses, il y a aussi les juifs algériens.

    En 1880, les émigrés d’Espagne, d’Italie et de Malte formaient une population plus importante que les Français, car poussés par la pauvreté, alors que les Français étaient les exclus de la révolution industrielle.

    C’était une situation sans précédent. Dans les années 1880, les émigrants européens non français étaient plus nombreux que les émigrants français. La question de la souveraineté française sur l’Algérie se pose.

    Afin d’assurer sa souveraineté, on imaginera une législation qui fera des Européens non français des Français et des Juifs algériens français.

    Une loi de 1889 a ordonné la naturalisation automatique de tout étranger né en Algérie s’il ne revendiquait pas la nationalité d’origine de son père à sa majorité. Selon la loi du pays, on peut être naturalisé automatiquement s’il ne revendique pas la nationalité d’origine de son père.

    Dans le même temps, la catégorie des Français est gonflée par un décret à partir de 1870 qui naturalise collectivement les Juifs d’Algérie. En 1870 ils sont 30000 et en 1954 ils sont 140000. Les juifs algériens vont, au fil du temps, s’occidentaliser remarquablement en tant que citoyens français. Ils parleront français, s’habilleront à l’européenne, enverront leurs enfants à l’école de la République.

    En 1962, au moment de la retraite, les Juifs français d’Algérie naturalisés iront en masse dans la quasi-totalité de la France et non en Israël.

    A partir de 1896, ce processus d’assimilation est un fait et un succès, une communauté française va naître en Algérie. A partir de 1896, le nombre de Français nés en Algérie dépasse le nombre d’immigrés, et un peuple émerge qu’on appelle à l’époque un « peuple nouveau » appelé « les pieds noirs ».

    Cette communauté d’Européens d’origine française ou étrangère fera la même chose que les émigrants britanniques en Amérique du Nord qui s’appelleront dorénavant Américains. Ces Français d’Algérie s’appelleront Algériens.

    Un sentiment d’identité se dégage au sein de cette communauté d’Européens, mais il ne pourra pas se transformer en un patriotisme indépendantiste, même s’il y avait avec le patriotisme pied-noir une certaine volonté de se séparer de la France.

    En 1954, près de 80 % des Européens sont nés en Algérie. Autrement dit, le terme accepté de rapatriement en 1962 est inapproprié puisqu’il ne s’agit pas au fond de ramener dans leur patrie des Français nés en France, mais de déplacer des populations nées pour la plupart en Algérie, il s’agit d’un déracinement et d’un exilé.

    L’Algérie ne peut donc pas avoir le même destin que les treize colonies nord-américaines, c’est encore une fois la démographie : la faiblesse numérique de ce peuple dit pied-noir par rapport à la majorité musulmane rend impossible toute séparation d’avec la métropole à moins que la formule sud-africaine ne soit choisie.

    La voie radicale est le développement séparé, mais en Afrique du Sud les Européens sont deux fois plus nombreux que les Européens en Algérie.

    La colonisation européenne en Algérie va plus loin que dans une colonie typique d’exploitation en Asie et en Afrique. Cette colonie va moins loin qu’en Afrique du Sud, et il n’y a aucune comparaison avec les colonies d’Amérique du Nord et du Pacifique. En fait, la population dite européenne, c’est-à-dire les Européens naturalisés français ou non français, les Juifs algériens, mais aussi les Européens non naturalisés, tous ces groupes constituent la catégorie des Européens.

    Ces Européens n’ont grandi que plus rapidement que les indigènes musulmans pendant les quarante premières années de la présence française. De 1830 à 1870, nous sommes dans un processus qui aurait effectivement augmenté le nombre d’Européens.

    A partir des années 1870, c’est le contraire qui s’est produit ; il y a eu un changement dans la relation démographique entre les communautés, mais pas le changement attendu. L’accélération de l’accroissement naturel de la population musulmane fait que la population européenne ne dépassera jamais le taux maximum de 14 % atteint au début du XXe siècle et tombera ensuite à moins de 10 % en 1962 avant l’exode définitif.

    La raison sous-jacente de l’échec de la colonisation européenne doit être comparée à des expériences réussies telles que les treize colonies nord-américaines. C’est à la lumière de ce succès que s’explique son échec en Algérie.

    On ne retrouve pas la même situation de départ en Algérie qu’en Amérique du Nord, ça ne pouvait pas marcher. Si on s’en tient à cela, cette politique européenne de colonisation agricole était vouée à l’échec en Algérie.

    La colonisation agricole des treize colonies nord-américaines a eu lieu aux 17e et 18e siècles, et non au 19e siècle. L’essentiel de l’immigration européenne date d’après les années 1840, mais dès lors, les immigrants se concentrent dans les centres urbains.

    L’arrivée des Européens donne lieu à deux types d’implantations différenciées :

    Colonies du Nord basées sur la colonisation agricole européenne.
    les colonies du sud basées sur la plantation et l’esclavage.
    L’ambition française était de faire de l’Algérie une colonie à l’image des colonies américaines au nord et plus précisément des colonies du milieu au nord-est de la côte atlantique.

    Qu’est-ce qui explique le succès d’un cas et marque les différences pour l’Algérie ?
    C’est une région qui n’offre pas certaines possibilités. Il n’offre pas la perspective du pillage des métaux précieux et ne permet pas l’établissement d’une colonie de plantations esclavagistes basée sur des produits tropicaux très rentables.

    Le climat tempéré des parties nord et centre de la côte atlantique de ce qui est aujourd’hui les États-Unis offre quelque chose de particulier à l’immigration européenne, offrant des conditions propices à l’installation de colons accompagnés de leurs familles et permettant ainsi une économie basée sur l’agriculture familiale et orientée vers la diversification les activités agricoles, également appelées activités de type tempéré telles que la céréaliculture et l’élevage, se développent.

    Le poids des hommes permet l’implantation agricole européenne dans les colonies du nord, mais la croissance et le succès de ce type d’implantation sont dus à un facteur particulier.

    En Amérique du Nord, il y a un manque de cohabitation entre les populations autochtones et immigrées. Cette absence est facilitée en Amérique du Nord par deux facteurs qui ont beaucoup moins d’influence en Algérie :

    très faible densité de population.
    les populations amérindiennes sont victimes du choc microbien.
    Les immigrants européens arrivant en Amérique du Nord trouvent une place nette, ce qui n’est pas le cas en Algérie. Le tragique de l’expérience algérienne est qu’il s’agit d’une colonie d’un certain type qui suppose qu’il n’y a pas coexistence d’une population existante et d’une population d’immigrés, alors qu’en Algérie il y en a une.

    Les densités de population sont très différentes. A l’arrivée des premiers Européens, la population des Etats-Unis actuels est estimée à 3,5 millions d’habitants, soit une densité de 3,8 habitants au kilomètre carré, ce qui facilite grandement l’installation des Européens souhaitant s’installer.

    En Amérique du Nord, il y a de la place pour refouler les gens, alors qu’en Algérie il n’y a pas de place pour les refouler.

    Au moment de sa conquête coloniale, quelle était la densité de population en Algérie ?
    Lorsqu’on utilise ce critère ou indicateur de densité de peuplement, on tombe sur des niveaux. Les densités de peuplement étant très différentes, il ne s’agit pas de structures en place et similaires.

    Le territoire algérien compte, vers 1830, 3 millions d’habitants, mais il faut distinguer l’Algérie dite « utile » où les gens peuvent vivre, travailler la terre, obtenir leurs moyens de subsistance, qui est la densité de population sans le Sahara et le Sahara.

    Dans la bande nord bordant la Méditerranée, la densité de population s’élève à près de 14 habitants au kilomètre carré. C’est un seuil qui nous met en présence d’une économie agricole plutôt que, comme en Amérique du Nord, une économie de chasseurs, de cueilleurs et accessoirement d’agriculteurs.

    La population indigène d’Algérie est confrontée à une avancée de la colonisation européenne. Entre 1830 et 1870, la population européenne croît à un rythme plus rapide que la population algérienne, mais cette dernière est confrontée à l’avancée de cette dernière coincée entre le désert saharien et le littoral méditerranéen, sans espace de fuite, contrairement aux Indiens, qui pourrait trouver des territoires alternatifs au centre et à l’ouest de ce qui est maintenant les États-Unis.

    L’échec de la colonisation des colonies européennes est dû au fait que l’Algérie n’est pas un territoire vide ou très peu peuplé toujours prédisposé à recevoir des colons, contrairement aux treize colonies nord-américaines et surtout les colonies du nord. D’autre part, cet échec de la colonisation en Algérie s’explique aussi par le fait que les colons, en s’installant dans l’agriculture, sont en concurrence directe avec les producteurs indigènes.

    A l’époque de la conquête de l’Algérie, il n’était pas concevable d’adopter une politique visant le massacre à grande échelle des populations indigènes ou leur expulsion systématique de leur lieu d’existence habituel.

    Napoléon III a renoncé à cette politique d’extermination et de refoulement, prenant position sur cette question dans sa lettre sur la politique de la France en Algérie publiée en 1865 : dans le désert à l’instar des nord-américains envers les indiens.

    Pour l’Empereur des Arabes, nous devons donc vivre avec les Arabes, à qui nous allons prendre la meilleure terre.

    L’absence de coexistence entre les populations européennes et indigènes sur le continent nord-américain a une conséquence positive pour le colon blanc, c’est-à-dire qu’il ne se trouve pas en situation de concurrence avec les populations indigènes et l’agriculture indigène.

    Le coût de la production indigène en agriculture est plus bas, les agricultures indigènes sont capables de produire la même chose, mais moins cher. Pour que les agriculteurs européens conservent la terre, ils ont besoin d’une intervention qui leur donne des avantages.

    L’Etat interviendra et paiera, dans la formule de la colonisation mixte où il y a une minorité d’européens sur une superficie démesurée. Le maintien de la colonisation européenne nécessite l’intervention de l’État car sinon ils ne peuvent pas concurrencer les producteurs indigènes : c’est l’adoption de mesures favorables à l’agriculteur européen.

    L’Etat intervient au profit de l’agriculteur européen, mais discrimine la population indigène, c’est une solution qui crée des tensions, c’est une bombe à retardement.

    Dans une colonie comme l’Algérie, s’il n’y a pas assez d’Européens, s’ils veulent mettre la main sur des terres disproportionnées, ils ont besoin de main-d’œuvre. L’agriculture européenne, pour se maintenir et se développer, a besoin d’une main-d’œuvre indigène relativement abondante et bon marché.

    Dans ce type de colonie, il y a une dépendance économique vis-à-vis des Européens, de la main-d’œuvre indigène. C’est un trait distinctif non seulement de l’Algérie coloniale, mais d’autres territoires que l’on peut qualifier de colonies mixtes, comme l’Afrique du Sud, le Kenya, mais aussi l’ancienne Rhodésie du Sud.

    Les Européens sont en concurrence directe dans le secteur de la production agricole avec la main-d’œuvre indigène. Si les Européens sont en concurrence directe dans le secteur agricole, alors les Européens devront être favorisés d’une part, mais aussi discriminer la majorité, marginalisant en quelque sorte la majorité de la population.

    L’exemple kenyan fait référence à la question du café. Dans certaines régions du Kenya, à partir d’un certain point, à partir de la Première Guerre mondiale, les colons européens ont commencé à cultiver du café et à l’exporter. L’Etat colonial intervient et interdit aux producteurs africains d’entrer dans cette branche lucrative réservée aux blancs. C’est un résultat typique de la formule de mélange.

    La représentation des colons dans un corps législatif renvoie à l’existence d’un relais politique permettant la défense de leurs intérêts auprès des métropoles. S’agissant d’une minorité protégée, cette petite communauté européenne a la possibilité, en étant représentée dans un organe législatif, de défendre ses intérêts non seulement sur place, mais aussi en métropole. A partir de 1848, les citoyens français d’Algérie ont été autorisés à élire quatre députés à l’Assemblée nationale.

    Les colons étaient très rares en Algérie. Au début des années 1950, il y avait environ 1 million d’Européens, mais parmi ces Européens, il y a très peu de colons qui sont des propriétaires terriens d’origine européenne.

    Au début des années 1950, en Algérie, sur 1 million d’Européens, il y a 19 400 colons qui avec leurs familles représentent environ 75 000 personnes, soit 7 % du nombre total d’Européens.

    Les Européens sont minoritaires, mais ils ne vivent pas en milieu rural. Dans presque tous les cas, les Européens sont des ouvriers spécialisés, des fonctionnaires, des employés, des chauffeurs de taxi, des garagistes, des chefs de gare, des infirmières, des ingénieurs, des commerçants, etc.

    Le règlement européen échoue dans le contrôle de l’espace algérien. L’écart est un gouffre béant entre ce qui était initialement imaginé et ce qui est réalisé, sur le terrain la distance est très grande. On imaginait que des immigrés venus de France s’installeraient sur des terres, dont le nombre augmenterait au fil du temps au point d’accabler la population indigène.

    Selon le rêve de certains milieux coloniaux français, il n’y aurait pas une petite ou moyenne paysannerie française enracinée, la grande majorité de la population européenne resterait une population urbaine. En 1871, la population urbaine française était à 60 % européenne, en 1954 cette proportion était de 54 % avec une forte concentration à Alger et Oran.

    Cette population urbaine est en croissance car avec le temps on assiste à un phénomène de concentration foncière. La propriété foncière sera entre les mains d’un petit nombre de propriétaires, ce qui entraînera un déclin de la population rurale européenne qui se regroupe dans les villes.

    En 1954, environ 6 000 grands propriétaires terriens possédaient à eux seuls 87 % des terres visées par le règlement. C’est un processus de constitution de grands domaines.

    Accaparement des terres

    La politique de colonisation échoue, mais l’accaparement des terres réussit. On est arrivé à une situation où la formule mixte conduit à de très grandes inégalités.

    C’est une minorité de la population qui parvient à mettre la main sur une part disproportionnée des richesses.

    Entre 1830 et 1954, les Européens ont mis la main sur 2,7 millions d’hectares, soit environ ¼ des terres cultivées, tant de l’Etat que de particuliers ou de grandes entreprises capitalistes, dont la société genevoise de Sétif.

    Au Zimbabwe, plus de 85 % des terres sont aux mains des Européens. Il existe des expériences de colonisation où ce processus de spoliation des terres va très loin.

    En Algérie, c’est le plus souvent la meilleure terre sur laquelle le blé est cultivé, puis à partir des années 1880 la vigne sert à faire du vin.

    De 1860 à 1917, l’essentiel des terres passa aux mains des Européens, et l’appropriation eut lieu soit :

    par confiscation : a lieu quand il y a des rébellions sourdes. Pour punir la population, la terre des « rebelles » a été confisquée. Ce fut notamment le cas lors de la rébellion de 1871, qui fut suivie de la confiscation des biens à titre de punition. Il y eut aussi la confiscation des biens destinés à l’entretien des mosquées et des terres occupées par les Ottomans. Les biens du domaine public sont également confisqués.
    par prélèvement : a lieu sur les territoires tribaux.
    par de nouvelles lois : favoriser la constitution de la propriété individuelle et aussi favoriser les transactions privées.
    Il y a une politique coloniale, dans le cas de cette politique, la colonisation européenne échoue, en revanche, la reprise des terres achevées.

    Les Français s’emparent d’environ 25% des terres, mais pour certains auteurs ce serait 1/3. Comparé au cas sud-africain, cela peut sembler peu, puisqu’en Afrique du Sud 87% des terres sont aux mains des Européens.

    Il faut signaler que les colons, très peu nombreux, ne représentent que 2% de la population agricole totale en 1950.

    Au fur et à mesure que la période coloniale avançait, il y avait une tendance à l’augmentation de la propriété européenne d’une part, et une diminution de la propriété indigène de l’autre. L’écart sera grand, en 1950 il dépassera le ratio de 10 pour 1.

    Du côté européen, la tendance était à la concentration des terres entre les mains d’un petit nombre de propriétaires, tandis que les paysans musulmans voyaient leurs terres se rétrécir, incapables de rivaliser à armes égales avec les colons voisins puisque plus de 70 % des indigènes possédaient moins de 10 hectares.

    C’est une des explications de la performance, qui est différente si l’on considère les agriculteurs européens d’une part et les indigènes d’autre part. Les Européens font beaucoup mieux parce qu’ils ont des superficies beaucoup plus grandes, ils sont mieux dotés, leurs domaines sont mieux équipés, ils ont beaucoup plus de crédit et, en fin de compte, ils produisent et commercialisent une grande partie des produits agricoles. En 1950, les 2/3 de la production agricole algérienne étaient produits par des agriculteurs européens et plus de 90 % de son vin.

    Une des caractéristiques de la colonie mixte se retrouve dans ce type d’habitat, compte tenu du fait que les agriculteurs européens sont en concurrence avec les agriculteurs autochtones qui peuvent produire autant, mais à moindre coût, nécessitant une intervention de l’État.

    L’Etat intervient dans la reprise de la terre, dans la répartition de la terre, dans les outils, les équipements, le crédit et dans toute une gamme de soutiens accordés aux agriculteurs européens.

    Quand les historiens intéressés par le bilan coûts-bénéfices de la colonisation de l’Algérie insistent sur le fait que ce territoire coûte cher, car l’Etat intervient pour soutenir une fraction de la population minoritaire afin de pouvoir faire la comparaison.

    La démographie doit être considérée en conjonction avec la structure des terres. Si l’on a la situation et les caractéristiques de la formule mixte, si une minorité de la population détient la majorité des richesses et si cette richesse est constituée par la terre, alors il faut considérer l’évolution des effectifs : il y a Européens et indigènes.

    A partir d’un certain point, ces indigènes qui voient les meilleures terres passer aux mains des Européens, qui voient leurs parcelles se rétrécir, puis leur nombre augmenter contre vents et marées.

    A partir des années 1870, non seulement il y a un renouvellement de la population dite musulmane algérienne, mais elle croît aussi à un rythme élevé : en 1860 la population musulmane est de 2,7 millions, il y a un déclin démographique temporaire qui ne ressemble pas à celui des Américains. ou précédent océanien, en 1920 cette population passe à 4,9 millions et en 1954 elle s’élève à 8,7 millions.

    Le fait que les Européens mettent la main sur une partie excessive des terres, combiné à ce que certains ont appelé une explosion démographique ou un boom démographique, conduira à ce qu’on appelle habituellement dans la lecture spécialisée la prolétarisation de la masse indigène.

    La croissance accélérée de la population musulmane réduit inexorablement la surface disponible par habitant et par famille, de sorte que la production de l’agriculture indigène a tendance à stagner ou à diminuer en raison d’une baisse de rendement ou d’une dégradation des sols.

    A partir de 1860, à la veille de la Seconde Guerre mondiale, la part du blé produit en Algérie par la paysannerie arabe passe de 80 % à 20 %.

    Il s’agit d’une situation dans laquelle la majorité de la population active agricole et indigène allait être de moins en moins performante en termes de production ou de rendements céréaliers. Une partie de la population active ne possède pas un terrain suffisamment grand. A ces paysans s’ajoutent un plus grand nombre de non-propriétaires, de métayers et d’ouvriers agricoles non-propriétaires permanents ou temporaires.

    Une grande partie est sous-employée ou au chômage : au début des années 1950, il y avait un grand nombre de chômeurs dans les zones rurales, avec près d’un million de chômeurs ruraux en 1954. C’est une masse de paysans « piétinés » qui, à partir du moment ils perdent leurs moyens de subsistance en milieu rural, ont plusieurs choix :

    se faire embaucher dans les grands domaines.
    Ils ont plusieurs choix : * se rendre dans les villes ou sur les chantiers de travaux publics ; c’est un phénomène d’exode rural des paysans appauvris qui vont vers les villes.

    De 1914 à 1954, 2 millions d’Algériens sont restés en France soit comme soldats soit comme ouvriers.

    Inégalités et colonisation « mixte »

    Avec le processus de colonisation apparaît dans le paysage algérien quelqu’un qui était auparavant absent : le prolétaire rural. C’est pourquoi nous avons souligné son absence au début.

    D’autre part, la prolétarisation n’affecte pas l’ensemble de la société indigène. Certains des membres de cette société réussissent soit à conserver leur patrimoine, soit à le renforcer.

    Mais pour la grande majorité, c’est une situation qui se dégrade. Dans une grande partie du pays, les colons possèdent la plupart des terres fertiles.

    Les Européens sont dans les secteurs agricoles et non agricoles, les principaux employeurs, mais il existe des disparités à la fois entre Européens et non-Européens et au sein du groupe européen ainsi que parmi les Algériens musulmans.

    Il faut résister à la tentation de présenter les Européens comme une classe dominante et tous les musulmans comme une masse indifférenciée de prolétaires et de sous-prolétaires. Les deux sociétés ont leurs groupes favorisés ou défavorisés.

    Pour la population européenne, les écarts sociaux sont les plus importants à la campagne. A côté de vastes domaines, il y a des petits exploitants, parfois au bord de la pauvreté, qui n’ont pas été absorbés par le processus de concentration des terres.

    En ce qui concerne la population algérienne musulmane, les écarts apparaissent dans les villes, en milieu urbain il y a des classes moyennes musulmanes dont le niveau de vie est proche de celui de la population active européenne, qui sont majoritairement des salariés et des petits commerçants.

    Il convient de noter les inégalités en termes de statut juridique et politique ; en d’autres termes, dans ce type d’habitat, il existe des inégalités économiques, mais elles sont aggravées par des inégalités de statut juridique et politique. Cette inégalité tend à séparer très nettement ces deux entités, qui sont diversifiées.

    D’un point de vue juridique, il y a le code indigène, qui est un arsenal réglementaire qui ne s’applique qu’aux peuples indigènes ; c’est un système juridique répressif qui ne s’applique qu’aux peuples autochtones. Il est appliqué par l’administration en violation des principes de la séparation des pouvoirs, tandis que le code de l’indigénat prévoit des sanctions collectives en violation du droit français. C’est un régime d’exception établi partout dans l’empire français sauf au Maroc et en Tunisie.

    Vous pouvez être puni si vous désobéissez aux ordres, la punition peut être collective, mais vous pouvez aussi être puni, sachant que pendant la période coloniale il n’y avait pas de libre circulation des personnes si vous êtes pris sans autorisation en dehors de votre quartier, ce qui est soumis à la loi du code de l’indigénat.

    L’inégalité de statut politique est la situation dans laquelle les musulmans autochtones en tant qu’habitants d’un territoire annexé par la France sont des ressortissants français. En 1848, l’Algérie est proclamée partie intégrante du territoire français, constituant trois départements et envoyant des députés à l’Assemblée nationale. Les indigènes musulmans ont la nationalité française depuis 1865, mais pas la nationalité française, tandis que les indigènes israélites, naturalisés collectivement en 1870, bénéficient d’une assimilation légale qui n’est pas soumise au code de l’indigénat.

    Les musulmans indignes peuvent-ils obtenir la nationalité française ? C’est possible, à condition d’en faire la demande, car l’accession à la nationalité française n’est pas un droit, mais une faveur accordée par le colonisateur de manière dissuasive : il faut renoncer à la loi coranique ou aux coutumes berbères. Au final, un très petit nombre d’indigènes musulmans ont accédé à la nationalité française pendant la période coloniale.

    Les Français d’origine autochtone constituent une catégorie qui continue à être discriminée : ils ont des difficultés à accéder à la terre et ne peuvent pas non plus occuper de postes administratifs.

    La colonisation française a bouleversé la société musulmane, ce qui n’était pas le cas de l’occupation ottomane, de la paysannerie, des cadres de la société musulmane algérienne et des élites urbaines. De manière générale, la formule de colonisation mixte est destructrice et génère de fortes inégalités.

    En Afrique du Sud et au Zimbabwe on retrouve les mêmes caractéristiques où la domination européenne se termine toujours par une violence extrême ou tardive. La guerre au Zimbabwe a pris fin en 1980, le démantèlement de l’apartheid a eu lieu en 1990, etc. La domination européenne du Zimbabwe est encore extrêmement violente ou tardive.

    C’est un bouleversement qui concerne en premier lieu la paysannerie, qui est victime de dépossession des terres et qui s’appauvrit.

    Un autre impact de la colonisation est l’éclatement de l’aristocratie musulmane, les grandes familles, les chefs de tribu, la bourgeoisie des grandes villes, qui presque tous disparaissent sous le choc de la colonisation.

    Dans les zones urbaines, il y a comme un renouveau dans le sillage de la colonisation. Les élites urbaines se reconstituent très lentement à partir des années 1900 et surtout après la Première Guerre mondiale. Cette reconstitution des élites urbaines s’opère sous une forme nouvelle, celle des musulmans sécularisés et francisés.

    Les meilleurs représentants de cette élite urbaine qui après l’indépendance s’installent pour une fraction en France sont les écrivains algériens francophones. Cette production littéraire commence à partir du moment où les élites se reconstituent.

    La colonisation mixte attribue à une majorité une part minoritaire des richesses et du pouvoir.

    Ce qui complique le calcul des écarts de revenus dans l’Algérie coloniale, c’est la présence européenne : il faut considérer le revenu individuel moyen de l’agriculteur européen en Algérie, qui en 1954 était 35 fois supérieur à celui de l’agriculteur musulman.

    A la même date, mais cette fois de manière générale pour toute l’Algérie, le revenu moyen d’une famille européenne est 8 fois supérieur à celui d’une famille algérienne. Les trois quarts des Français d’Algérie ont un revenu qui est de 15 à 20 % inférieur à celui de la France métropolitaine, l’écart de revenu entre la France et l’Algérie musulmane était en 1950 proche de 8 voire 8,5.

    A titre de comparaison, en 1950, l’écart de revenu moyen entre les pays occidentaux industrialisés et le bloc alors appelé Tiers Monde était en moyenne de 5,7. L’écart entre la France et l’Algérie est plus important.

    En Algérie, il y a la coexistence économique et sociale de deux communautés. Cette coexistence est ressentie pour les plus humbles comme une Algérie « européenne », moderne, évolutive et enrichissante, d’autre part, coexistant avec cette Algérie il y a une Algérie « traditionnelle » engagée dans un processus d’appauvrissement.

    Cette prise de conscience va transformer la juxtaposition de cette société, les différences deviennent inégales et injustes.

    Qu’aurait-il fallu pour que la colonisation en Algérie ne conduise pas à la guerre ? Qu’aurait-il fallu pour que près d’un million de femmes européennes n’aient pas été obligées de partir ? Qu’est-ce qui aurait empêché l’Etat indépendant d’Algérie de mettre la main sur le patrimoine, la terre et la propriété des Européens ?
    Il aurait fallu quelque chose que ni le gouvernement français ni les pieds-noirs ne voulaient : des réformes en faveur de la majorité. Seules des réformes auraient empêché la radicalisation des luttes nationalistes et le renversement brutal de l’ordre colonial. Aucun gouvernement français ne se montrerait capable de mettre en œuvre des réformes par crainte du mécontentement d’un colon blanc intransigeant.

    Colons européens, les Pieds-Noirs ont une part de responsabilité dans le drame algérien qu’est notamment la guerre d’Algérie de 1954 à 1962 faisant du côté européen près de 35 000 morts et du côté musulman de 300 000 à 350 000 morts.

    Le peuple français d’Algérie a obstinément refusé toute réforme conduisant au déracinement définitif du peuple européen d’Algérie. Cet exode s’est déroulé dans des conditions tragiques, en trois mois de mai à juillet 1962, 800 000 Pieds-Noirs ont quitté l’Algérie, la ressentant comme un exil et un déracinement.

    Le Front de Libération Nationale a été fondé au Caire en 1954, œuvrant à éliminer pendant la guerre et après toutes les autres formations nationalistes concurrentes qui se sont imposées comme le seul parti du gouvernement algérien établi en 1962. Après l’indépendance, le FLN a tendu le front algérien les jeunes et les forces algériennes, et l’exclusivisme a conduit à une guerre civile qui ravage le pays depuis 1992.

    Après l’indépendance et la récupération des richesses nationales, au détriment des anciens colons, donne lieu à l’immigration algérienne vers la métropole, qui se poursuit et s’intensifie en raison de la myopie démographique, mais surtout en raison de l’inefficacité économique de l’ère de l’Etat postcoloniale.

    Dans une telle perspective et au-delà de l’appréciation des responsabilités individuelles ou collectives, l’histoire de la colonisation française en Algérie révèle que, bien que vaincus, dépouillés et humiliés, la grande majorité des musulmans algériens n’a jamais baissé les bras.

    Annexes 

    Références 

    1. ↑ Etemad Bouda – SSP UNIL
    2. ↑ Bouda Etemad (auteur de Empires illusoires) – Babelio
    3. ↑ Publications de Bouda Etemad | Cairn.info
    4. ↑ Bouda Etemad | Armand Colin
    5. ↑ Bouda Etemad – Données BNF
    6. ↑ Bouda Etemad – BiblioMonde

    Baripedia

    Etiquettes : Algérie, France, colonisation, colonialisme,


  • France-Afrique : Comment obtenir le pardon ?

    par Abdelkrim Zerzouri

    Donnant une nouvelle orientation à son histoire commune avec des pays africains anciennement colonisés, avec une dimension philosophique de ce passé qu’on ne peut effacer, la France continue son bonhomme de chemin sur la voie de la « reconnaissance de sa responsabilité » dans les crimes perpétrés contre les populations locales.

    Il est clair que cette nouvelle orientation a été initiée depuis l’accession au pouvoir du président français Emmanuel Macron. C’est lui qui a fait bouger des lignes figées dans le temps dans les relations de la France avec le Rwanda et l’Algérie, en attendant plus encore, peut-être.

    Mais en faveur de qui ou de quoi tous ces concerts historico-diplomatiques ? Après « les actes symboliques » engagés face aux crimes commis en Algérie durant la colonisation, qui s’illustrent à travers la reconnaissance officielle d’assassinats impliquant les autorités coloniales, dont l’exécution de Maurice Audin et l’assassinat de l’avocat Ali Boumendjel, en sus de la restitution de crânes des chouhada algériens, en attendant d’autres pas dans ce sens, la France porte un nouveau regard sur le génocide commis au Rwanda en 1994 et qui a fait 800.000 morts parmi la minorité tutsi. Là également, dans le même couloir emprunté face à l’histoire commune entre l’Algérie et la France, le président Macron a confié le travail d’investigation historique à une commission qui lui a remis ses conclusions sur les lourdes responsabilités du pouvoir français dans ce génocide, tout en excluant toute notion de complicité ou d’autres considérations qui entraîneraient fatalement des dispositions pénales contre les coupables du génocide et les indemnisations des victimes qui en découleraient. Le tout, sans présenter, donc, les excuses officielles de la France, à propos desquels le président Marcon dira récemment, lors d’une visite à Kigali, que le terme d’excuses n’était « pas approprié », préférant « donner » la reconnaissance de la responsabilité de la France.

    Comme ce fut le cas dans la gestion du dossier mémoriel relatif à la colonisation de l’Algérie, où le rapport remis au président de la République juge que « l’excuse n’est pas la question centrale, ce qui compte ce sont les actes concrets, comme la reconnaissance officielle des crimes ou la déclassification d’archives », selon les propos de l’historien Benjamin Stora, concepteur du rapport lié au dossier.

    Peut-on reconnaître la responsabilité de la France dans le génocide au Rwanda et les crimes commis contre le peuple algérien durant la colonisation sans présenter des excuses aux victimes ou d’Etat à Etat ? Si l’Algérie accompagne la politique des « petits pas » du président français, sans abandonner, par la voix du gouvernement et d’autres voix de la société civile, l’exigence d’excuses officielles de la France, le président rwandais s’en passe, estimant que les propos du président français ont plus de valeurs que des excuses. Un exercice délicat que ce nouveau regard porté par le président français sur l’histoire, qui semble satisfaire toutes les ambitions politiques, la France renouant ses relations bilatérales avec les pays africains, de partenariats surtout, sur de nouvelles bases de franchise, et les autorités des pays concernés gagnant en estime et en popularité sur le plan interne, en attendant de voir ce que sera la réaction des victimes tutsi. Mais, chercher le pardon sans présenter les excuses et sans couvrir le préjudice causé aux victimes, est-ce possible ?

    Le Quotidien d’Oran, 29 mai 2021

    Etiquettes : France, Afrique, crimes coloniaux, Rwanda, Algérie, colonialisme, colonisation, France CFA, FCFA, Françafrique,

  • Dans les territoires d’outre-mer de la France, l’héritage de Napoléon a un côté plus inquiétant.

    Lorsque la France commémorera le bicentenaire de la mort de Napoléon Bonaparte le 5 mai, Aurélie Ramassamy se souviendra d’un tyran qui a annulé l’abolition de l’esclavage plutôt que d’un empereur souvent adulé comme un héros pour ses triomphes sur les champs de bataille.

    Comme la plupart des créoles de l’île de la Réunion, dans l’océan Indien, l’un des départements français d’outre-mer, Aurelie Ramassamy est une descendante d’esclaves. Selon le folklore familial, les ancêtres de sa mère ont été envoyés sur l’île pour travailler dans les plantations de café et de sucre.

    Sa conviction que la France ferme les yeux sur les aspects les plus durs du règne de Napoléon intervient à un moment où le mouvement Black Lives Matter enhardit ceux qui dénoncent l’hommage rendu à un dirigeant qui a placé la prospérité économique au-dessus des droits universels.

    « En aucun cas il ne doit être célébré », a déclaré Ramassamy après avoir déposé des fleurs au pied d’un sanctuaire de la Vierge noire. La légende locale veut que la Vierge noire ait caché un Noir fugitif aux chasseurs d’esclaves, lui sauvant ainsi la vie.

    En 1802, Napoléon rétablit par décret l’esclavage dans les Caraïbes françaises et à la Réunion, même si l’abolition de 1794 n’a jamais été appliquée sur l’île située à plus de 9 000 km au sud-est de Paris.

    Les révoltes sont violemment réprimées tandis que les propriétaires blancs, et l’empire, s’enrichissent.

    Selon les historiens noirs, les liens entre Napoléon et l’esclavage n’ont pas été abordés en France, qui est toujours aux prises avec son passé colonial et les accusations de racisme profondément ancré dans les minorités ethniques.

    Il n’était plus possible de réduire son héritage à un récit d’aventures militaires et de grandeur française, a déclaré Dominique Taffin, de la Fondation pour la mémoire de l’esclavage.

    « Il ne s’agit pas de réécrire l’histoire, mais de l’enrichir », a-t-elle ajouté.

    LE MYTHE DE NAPOLÉON

    Napoléon est largement vénéré comme un génie militaire et un administrateur hors pair qui a créé le code pénal français, le système administratif des préfets et les lycées.

    Il a d’abord régné en tant que Premier consul après un coup d’État en 1799, puis en tant qu’empereur, dominant les affaires européennes pendant plus d’une décennie.

    Il n’était ni pro-esclavagiste, ni raciste, mais un pragmatique qui répondait aux circonstances sociales et économiques de l’époque, a déclaré Pierre Branda, historien à la Fondation Napoléon.

    Selon Branda, les opinions de Napoléon sur l’esclavage ont évolué au cours de ses dernières années, lorsqu’il vivait en exil à Sainte-Hélène, une île rocheuse de l’Atlantique Sud où il est mort.

    « Nous ne pouvons pas réduire l’histoire de Napoléon à l’esclavage », a déclaré M. Branda. « Il a pris une mauvaise décision qu’il a regrettée par la suite ».

    Le 200e anniversaire de la mort de Napoléon tombe à un moment sensible.

    Le mouvement mondial Black Lives Matter a résonné dans les rues françaises. Le déferlement de colère contre les brutalités policières et le racisme au cours des derniers mois a suscité des manifestations en France et dans ses territoires d’outre-mer.

    En Martinique, des manifestants ont arraché en juillet une statue de l’impératrice de Napoléon, Joséphine, issue d’une riche famille coloniale de l’île.

    Le président Emmanuel Macron prononcera un discours avant de déposer une gerbe sur le tombeau de Napoléon dans la crypte des Invalides.

    Les émissions de débat ont débattu pendant des semaines du ton que Macron adoptera.

    Le bicentenaire est l’occasion de commencer à remodeler le mythe selon lequel Napoléon était un héros national, a déclaré l’historien Frédéric Régent, descendant d’esclaves sur l’archipel antillais de la Guadeloupe.

    « J’espère que le discours du président est aligné le plus possible sur la réalité historique », a-t-il déclaré.

    Reuters, 03 mai 2021

    Etiquettes : France, colonialisme, colonisation, DOM-TOM, territoire d’outre-mer, colonies, Napoléon, Réunion, Black Lives Matter, esclavage, Martinique, Emmanuel Macron,

  • Nouvelle-Calédonie : vers un troisième référendum sur l’indépendance

    La consultation citoyenne organisée par l’État sur les enjeux de l’avenir politique de la Nouvelle-Calédonie a pris fin vendredi 16 avril alors qu’un troisième référendum sur l’indépendance se tiendra avant octobre 2022 dans l’archipel.

    D’ici à la mi-mai, une synthèse de toutes les données recueillies sera remise aux responsables politiques calédoniens. Cette restitution interviendra juste avant le déplacement à Paris de plusieurs d’entre eux, du 25 mai au 3 juin à l’invitation du Premier ministre Jean Castex, « pour parler de l’avenir de la Nouvelle-Calédonie ». La consultation avait été souhaitée par Sébastien Lecornu, ministre des Outre-mer, à l’occasion de sa visite à Nouméa en octobre dernier, afin que la société civile apporte sa contribution à la préparation de l’après-accord de Nouméa (1998). Selon cet accord, deux référendums d’autodétermination ont déjà eu lieu les 4 novembre 2018 et 4 octobre 2020, remportés avec 56,7 % des suffrages puis 53,3 % par les partisans du maintien dans la France. Un troisième et dernier scrutin aura lieu avant d’ici à octobre 2022. Indépendance et souveraineté Entamée mi-janvier, cette consultation a invité population et corps intermédiaires à exprimer leur vision de…

    Lire la suite depuis la source (abonnés)

    Réforme, 18 avr 2021

    Etiquettes : France, Nouvelle Calédonie, référendum, indépendance, colonialisme, colonisation,

  • Nouvelle Calédonie : Les HLM oubliés des DOM ?

    Le 31 Mars 2021, par Philippe Cuif

    Il est toujours étonnant de constater que ceux qui professent le respect de valeurs égalitaires qu’ils ont souvent trop tendance à ne percevoir que « de gauche », se prennent assez régulièrement les pieds dans le tapis de leurs ambitions et petits intérêts personnels pour aboutir à des situations cocasses. Enfin sauf pour ceux qui sont supposés en être les bénéficiaires à savoir les personnes éligibles à l’occupation d’appartements sociaux.

    La petite guéguerre qui s’est déclenchée au sein de l’USH et qui a abouti à une scission et au départ de ses adhérents ultra-marins représentés par l’USHOM est révélatrice de cette réalité qui mêle querelles de gros sous, de représentativité perçue comme un ornement de pouvoir, de rôle politique partisan.

    De ce qui a transpiré de cette querelle au travers de décisions de justice c’est que des bisbilles de préséance, des conventions de mise à disposition de bureaux ou de services non ou mal respectés ont amené le départ physique, mais aussi juridique de l’USHOM de l’USH faisant ainsi perdre à cette dernière une part non négligeable de sa représentativité. Et si Emmanuelle Cosse peut croire renforcer son pouvoir au sein du monde du logement social, en se demandant si elle n’est pas la marionnette de Marie-Noëlle Lienemann (encore elle !) elle a de facto rendu celui-ci plus faible, car divisé.

    Que l’USHOM en ait été réduite à aller déménager et mener de son côté ses propres actions ne trouvant plus au sein de l’organisme national représentatif le soutien attendu est une bonne illustration de la situation et du regard, mêlant condescendance et indifférence, porté sur les territoires ultra-marins.

    Il serait temps que cela change et que cet épiphénomène du traitement de l’USHOM serve aussi de révélateur et fasse comprendre que ces territoires ultramarins sont, pour la France, une chance unique et enviée de maintenir et renforcer son influence internationale.

    Ils offrent au pays la deuxième zone maritime exclusive mondiale permettant d’avoir accès aux ressources et richesses des sous-sols marins.
    Ils permettent de se positionner sur des territoires éloignés qui font de la France le voisin européen du Brésil, un pays géographiquement proche des États-Unis et de l’Afrique, de l’Australie et donc de la Chine, cette dernière s’intéressant à la Nouvelle-Calédonie avec une grande gourmandise.

    Ces territoires sont une chance et non un fardeau et si, dans certains cas comme Mayotte, il convient de réguler les arrivées de population étrangères, ils constituent des leviers de développements régionaux qui ne peuvent se limiter à quelques lois fiscales.
    La Guyane est indispensable à notre industrie spatiale et permet d’être présent sur un continent dont le devenir concernera l’ensemble du monde.

    Saint Pierre et Miquelon est une porte d’entrée en Amérique du Nord qui au lieu d’être délaissée pourrait se transformer en mini Delaware.

    La Nouvelle-Calédonie offre un point d’observation inégalé de la zone géo-écostratégique la plus importante du siècle à venir.

    Chacun de ces territoires pourrait devenir au sens propre des porte-avions de l’influence française préservant nos intérêts économiques et offrant à nos alliés un soutien conséquent face aux menées expansionnistes de la Chine qui, ne nous y trompons pas, semblent éloignées, mais qui sont, de fait, de plus en plus proches.

    Cette vision politique ne s’est pas encore imposée. Elle le devrait pourtant et maintenant, car, bientôt il sera trop tard. Rien ne dit que le troisième référendum calédonien n’amènera pas ce territoire à passer dans une sphère d’influence chinoise, Pékin soutenant les indépendantistes.

    Or si nous voulons l’adhésion de ces territoires et leur maintien dans l’espace national, on ne peut pas se contenter de demi-mesures qui prendraient la forme de subventions et de prébendes qui favorisent plus la corruption et l’enrichissement de quelques élites que le développement du territoire en lui-même.
    Éducation, santé, logement, sécurité forment avec le tissu économique un pentagone incontournable. Cela coûte d’autant plus cher qu’il n’y a pas de réelle politique de développement menée sur le long terme au-delà de l’exploitation de quelques richesses naturelles (nickel, banane, vanille) ou du tourisme.

    Pour toutes ces raisons, les guerres picrocholines entre USH et USHOM ne sont pas à regarder avec amusement, mais comme une des nombreuses manifestations d’un « hexagonalisme » mal placé.

    Il ne s’agit pas pour l’USH d’attendre que l’USHOM rentre dans le rang comme un enfant turbulent, mais plutôt que l’USH prenne conscience que si son rôle est d’être le représentant du monde HLM hexagonal et se contenter de cela elle se trompe d’époque et de vision. Le problème est que la rationalité et la logique économique ont cédé la place à des enjeux politiciens pour ne pas dire idéologiques.

    Or le logement est un élément essentiel du pentagone assurant un équilibre gérable de ces territoires et, compte tenu de leur situation économique, les logements sociaux ne doivent pas être les oubliés à peine d’accélérer des logiques de détachement de la France.

    Ces territoires de par leur position géographique dans un monde globalisé et l’actuelle pandémie ont montré que si l’Europe peut être une chance les balanciers du pouvoir sont plus à chercher à l’Orient et dans la zone Pacifique. Y être présent n’est pas donné à tous les pays et ces territoires méritent d’être considérés comme de vrais territoires nationaux qui constituent peut-être une des clefs de notre futur économique et géopolitique.

    Le Journal de l’économie, 31 mars 2021

    Etiquettes : Nouvelle Calédonie, HLM, colonisation, colonialisme, DOM-TOM,

  • Le droit des Réunionnais à un travail à La Réunion possible dans le cadre du département français ?

    Affaire de la nomination du délégué régional du CNFPT à La Réunion

    Une nouvelle nomination d’une personne extérieure à La Réunion à un poste à responsabilité dans une administration suscite une vague de protestations Mais une telle nomination est parfaitement légale, car La Réunion est un département français. Cette situation peut-elle être corrigée par une loi applicable dans un territoire ayant le statut de département français ?

    Depuis l’annonce de la démission de Ericka Bareigts du Conseil régional d’orientation du CNFPT en raison de la nomination d’une personne extérieure à La Réunion au poste de délégué régional, les réactions se multiplient à La Réunion. Elles vont toutes dans le même sens pour dénoncer cette décision. Dans un communiqué publié hier, le CREFOM Réunion souligne la nouveauté de cette affaire : « Les administrations et organisations nationales ont compris qu’il fallait détourner à leur profit le concept de « présence sur le territoire » en nommant des personnes en poste à La Réunion depuis peu et les hexagonaux ont compris aussi qu’il fallait s’installer d’abord et demander les postes après ». Pour sa part, l’AJFER Nou Lé Kapab rappelle qu’avant d’être délégué régional du CNFPT, cette personne travaille à la DIECCTE Réunion « là où son recrutement peut d’ailleurs déjà susciter des questionnements ». Cette affaire rappelle toutes les difficultés à faire respecter le droit à l’emploi des Réunionnais à La Réunion dans un territoire qui a le statut de département français. Cela découle de la place du Réunionnais à La Réunion dans un régime néo-colonial, où les fonds publics transférés par la France sont convertis en profits privés d’entreprises rapatriés en France.

    Un système bien en place

    Le 19 mars dernier, lors de la commémoration à Saint-Denis du 75e anniversaire de l’abolition du statut colonial à La Réunion, Ericka Bareigts avait souligné tout le potentiel de la jeunesse réunionnaise. Mais ce potentiel est gaspillé, car La Réunion est un des rares pays dans le monde où le système dit à la jeunesse réunionnaise : allez émigrer et surtout ne revenez pas car il n’y a pas de place pour vous à La Réunion, avait-elle dit en substance.

    Cette émigration n’est pas nouvelle, elle a commencé à partir du moment où la France a refusé d’accompagner le développement de La Réunion qui venait de décider de ne plus être une colonie française. Ce fut d’abord Madagascar qui fut choisie comme terre d’émigration, avec la colonisation de la Sakay. Cette affaire se termina en fiasco quand Antananarivo décida de décoloniser définitivement le pays en redonnant la Sakay aux Malgaches.

    Parallèlement sous l’impulsion de Michel Debré dans les années 1960-1970, la jeunesse réunionnaise a été transformée en réservoir de main d’œuvre pour les usines, les hôpitaux et les administrations françaises. Dans le même temps, la départementalisation a créé un marché pour l’exportation des produits français à La Réunion. Pour compenser les surcoûts liés à la vente de ces marchandises à plus de 10.000 kilomètres de leur lieu de production, Paris a utilisé la surémunération d’une part pour créer une classe sociale capable de consommer ces produits et imposer à La Réunion un mode de vie occidental, d’autre part pour faire venir dans notre île des fonctionnaires pour occuper les nouveaux postes créés dans les services publics par la départementalisation. Mais avec l’émergence de générations de Réunionnais formés au-delà du bac, les contradictions s’exacerbent. Car désormais, nombreux sont les Réunionnais formés capables d’occuper de hautes responsabilités dans l’administration.

    La loi comme solution ?

    Or, ces nominations de personnes extérieures à La Réunion sont tout à fait légales. Elles découlent de l’intégration de La Réunion à la France en tant que département français. Par conséquent, les postes relevant des fonctions publiques d’État et hospitalières, ainsi que dans les services déconcentrés comme l’antenne régionale du CNFPT, s’inscrivent dans un « mouvement national » comprenant non seulement la France, mais aussi ses anciennes colonies devenues départements comme La Réunion.

    Dans ces conditions, les Réunionnais sont mis en concurrence avec les candidats potentiels venant d’un pays de plus de 60 millions d’habitants. Dans l’Education nationale, une adaptation permet à des personnes nées à La Réunion d’être créditées de plus de 20 années d’ancienneté lorsqu’elles demandent un poste dans leur île natale. Mais ce dispositif crée une rupture dans l’égalité de traitement au sein de la fonction publique d’État.

    Dans d’autres collectivités de la République n’ayant pas le statut de département, des politiques de l’emploi sont mises en œuvre sous la responsabilité des élus locaux. Ainsi, en Kanaky-Nouvelle Calédonie, une durée minimale de résidence est exigée pour postuler à un emploi local dans le privé. Cette adaptation est permise par le statut d’autonomie. Malgré tout, l’État garde ses prérogatives en matière de recrutement dans ses administrations.

    Le 19 mars 1946, une loi venue de La Réunion et de trois autres colonies a mis fin à l’arbitraire du statut colonial. Nul doute que seule une loi permettra de mieux faire respecter le droit des Réunionnais à un travail à La Réunion, y compris dans les administrations de l’État et sous sa tutelle. Reste à savoir si une telle loi est possible avec le cadre départemental actuel.

    M.M.

    Témoignages, 31 mars 2021

    Etiquettes : Réunion, droit au travail, département français, colonisation, colonialisme,

  • La France s’excuse mais maintient ses bases militaires en Afrique

    La France d’Emmanuel Macron a trouvé un nouveau stratagème : pleurnicher pour ses crimes en Afrique sans, pour autant, fermer ses bases militaires maintenues en Afrique en vue de poursuivre ses ingérences dans le continent africain.

    En l’espace d’un demi-siècle, l’armée française est intervenue près de quarante fois sur le sol africain. Ces opérations ont été des coups de force, devenus des symboles d’une certaine France-Afrique en kaki.

    Sous Sarkozy, Paris a fait recours à la signature d’une vingtaine d’accords de défense et de coopération avec ses anciennes colonies africaines, légitimant toute intervention militaire de sa part sous couvert de venir en aide à ses ressortissants. Le nouveau visage d’un colonialisme bien adapté aux circonstances régionales internationales de l’époque.

    L’histoire retiendra que certains dirigeants africains ont trahi leurs pays et leur continent en vue d’asseoir leur pouvoir et garantir leurs propres intérêt financier.

    Principales interventions militaires françaises en Afrique :

    1961 : Opération Bouledogue (transformée en opération «Charrue longue») : pour le maintien de la base militaire navale de Bizerte en Tunisie.

    1964 : Rétablissement du président Léon M’ba dans ses fonctions après le putsch d’une partie de l’armée au Gabon.

    1968-1972 : Opérations Limousin et Bison contre la rébellion du Tibesti au Tchad : L’armée française enregistre des pertes importantes : 39 tués dans les rangs français durant l’opération «Limousin» ainsi qu’une centaine de blessés.

    1978 : Opération Bonite : soutien au maréchal Mobutu contre la rébellion du Shaba (Zaïre).

    1978-1980 : Opération Tacaud (voir carte) au Tchad : contre l’avancée du Frolinat (Front national de libération du Tchad) de Goukouni Oueddei (Weddeye).

    1979-1981 : Opération Barracuda en Centrafrique : destitue le président Bokassa et replace David Dacko au pouvoir.

    1983 : Opération Manta au Tchad : 4 000 soldats français mobilisés en soutien au président Hissène Habré face aux rebelles de Goukouni Oueddei (Weddeye).

    1986 : 150 parachutistes français débarquent en renfort au Togo suite à une tentative de coup d’État contre le président Gnassingbé Eyadéma.

    1989 : Opération Oside aux Comores : après l’assassinat du président Ahmed Abdallah et la prise de contrôle du pays par les mercenaires de Bob Denard.

    1990-1993 : Mission Noroit au Rwanda : pour protéger le régime du président Juvénal Habyarimana contre une attaque des rebelles du Front patriotique rwandais.

    1992-1993 : Opération Oryx en Somalie (en mission avec l’ALAT, témoignage de Jean-Luc Brissau, pilote d’hélicoptère) : l’opération sera placée ensuite sous le commandement américain de la mission Restore Hope.

    1993 : Opération Chimère et Volcan : formation de l’armée rwandaise.

    Juin 1994 : Opération Turquoise : l’armée française face au génocide rwandais. Enquête, contre-enquête, plaintes contre l’armée française… Seize ans après le génocide rwandais, le rôle de l’armée française au Rwanda est toujours un sujet de controverse. D’une part, parce qu’avant le génocide et en vertu des accords de coopération militaire signés avec le Rwanda, la France avait formé, entraîné et équipé une partie de l’armée rwandaise qui se retrouvera au printemps 1994 impliquée dans les massacres de Tutsis et de Hutus modérés et d’autre part, parce que l’intervention française, à la demande de l’ONU, n’a débuté que le 22 Juin 1994, soit deux mois et demi après le début des massacres à grande échelle.

    1995 : Opération Azalée aux Comores : Bob Denard et ses mercenaires ont renversé le président Saïd Mohamed Djohar. L’armée française neutralise Bob Denard, le ramène en France où il est emprisonné.

    1996-2007 : Opération Aramis au Cameroun : soutien de l’armée camerounaise en lutte contre le Nigeria pour le contrôle de la presqu’ile pétrolière de Bakassi.

    2002 : Début de l’opération Licorne : force de maintien de la paix, en Côte d’Ivoire suite à une rébellion qui menace le pouvoir du président Laurent Gbagbo. Cette intervention précède les accords de Marcoussis entre les forces politiques ivoiriennes, en janvier 2003.

    2003 : Opération européenne Artemis dans l’est de la RDC.

    2004 : Destruction des aéronefs de l’armée ivoirienne après le bombardement de Bouaké dans lequel 9 soldats de la force Licorne vont trouver la mort et 35 autres seront blessés, évacuation des ressortissants français. Les soldats tirent sur la foule lors de manifestations anti-françaises. L’opération «Licorne» est également entachée par l’affaire Firmin Mahé.

    2006 : Soutien à l’armée tchadienne face aux rebelles (dispositif Épervier) : l’aviation française effectue un tir de semonce devant une colonne rebelle à 250 km de Ndjamena.

    2008 : Protection de l’aéroport de Ndjamena et évacuation des ressortissants français du Tchad, échange de tirs entre l’armée française et les rebelles près de l’aéroport.

    2008 : Soutien logistique à l’armée djiboutienne à la frontière érythréenne.

    2011 : L’année de l’ingérence française en Afrique où, en Libye et en Côte d’Ivoire, la France tente d’imposer ses règles dans le jeu des grandes puissances occidentales !

    Etiquettes : France, françafrique, colonialisme, néo-colonialisme, ingérence, agression,

  • Trudeau accusé d’emprise «coloniale» sur les Canadiens francophones

    Le Parti québécois, qui pousse depuis des décennies l’idée d’un référendum d’indépendance, s’en est de nouveau pris au Premier ministre, l’accusant de «colonialisme» contre les Canadiens francophones. Alors que le Parti québécois pousse l’idée d’un nouveau référendum d’indépendance en 2022, son chef Paul St-Pierre Plamondon accuse Justin Trudeau d’emprise «coloniale» sur le peuple québécois dans une interview accordée au Daily Express. Il reproche au Premier ministre canadien de traiter les Québécois français comme des «citoyens de seconde zone» et, malgré deux tentatives ratées de référendum, estime qu’«il y a un argument historique en faveur de la justice». «Les Canadiens français tout au long de leur histoire ont souffert du colonialisme. Ils le font toujours, et c’est la même chose pour les peuples des Premières Nations au Canada […]. Le colonialisme doit être éradiqué de nos vies parce qu’il a des conséquences», expose-t-il au média.

    Racines

    Le souverainisme québécois remonte à 1534, année de la découverte du Canada par Jacques Cartier, et plus particulièrement à 1608, année de la fondation de la ville de Québec. Suite à la guerre de Sept Ans, la France a cédé tout le Canada au Royaume-Uni, et quelque 60.000 Canadiens français sont devenus des sujets britanniques. L’idée d’indépendance prend forme avec l’apparition sur la scène politique du Mouvement Souveraineté-Association (MSA) en 1967, dont l’objectif était d’obtenir la souveraineté politique du Québec, ainsi qu’une union économique avec le reste du Canada. En 1968, le MSA fusionne avec le parti conservateur-catholique Ralliement national (RN) pour former le Parti québécois (PQ) qui demeure la principale force militant pour le référendum et l’indépendance politique du Québec.

    Groupes opprimés

    Si le chef du PQ s’en prend au «déséquilibre des pouvoirs» et à l’attitude dénigrante vis-à-vis des Québécois français, les résidents anglophones de la province font également face à l’oppression, rappelle le Daily Express.
    En 2013, lorsque le Parti québécois est arrivé au pouvoir, il a fait passer de nouvelles lois visant à réduire davantage l’utilisation de l’anglais dans les écoles, les hôpitaux et les magasins. Il existe même une «police de la langue» qui veille à ce que des inscriptions en français sur les panneaux soient trois fois plus grandes que celles des autres langues.

    Bien que les Québécois français soient toujours persécutés, un autre groupe est menacé: les peuples des Premières Nations, dont les terres ont été prises par des colons français et britanniques, poursuit le média.

    Au cours des trente dernières années, 4.000 femmes et filles autochtones auraient été tuées ou portées disparues au Canada, bien que le nombre réel ne sera probablement jamais connu, conclut le Daily Express.

    Le Maghreb, 29 mars 2021

    Etiquettes : Canada, Québec, colonisation, colonialisme,

  • Les métamorphoses du pouvoir en Afrique

    EXCLUSIF SENEPLUS – Le pouvoir sur le continent est calqué sur le post-colonialisme. Nous nous sommes retrouvés piégés par la capacité de mutation pour maintenir au pouvoir des régimes sous des formes vicieuses.
    « L’abus de pouvoir crée une société dans laquelle les hommes ne savent plus exercer leur liberté » – (N. Machiavel, Le Prince, chapitre XV).

    Roi, président, père « fondateur », « Maréchal », « père de la Nation », « gardien de la constitution », avec des attributs qui défient la rationalité de la question du pouvoir en Afrique. Les mots ont un sens et traduisent l’hyper-présidentialisation du pouvoir calqué sur la cosmétique du post-colonialisme. L’imaginaire des peuples africains subit les contrecoups de la régression de la démocratie représentative et génère des interrogations sur le modèle de gouvernance politique que nous voulons en Afrique.

    Les « pères fondateurs », héritiers de la colonisation, ont géré leur pouvoir à l’identique de l’ancien colonisateur, à savoir selon un régime représentatif dont la substance réside dans le fait que la volonté du peuple s’exprime à travers la médiation des représentants élus. C’est ainsi qu’ils ont reproduit en Afrique le gouvernement représentatif – ou la démocratie représentative – dont la pérennisation dépendait du bon vouloir de l’ancien colonisateur. Tous les présidents « fondateurs » se sont évertués à appliquer l’archétype d’un gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple, sans ancrage aucun sur les structures socio-politiques africaines. Ils ont exercé le pouvoir avec une quasi totale autorité dans un contexte où la conscience et l’action politique était réservée et dédiée à une élite qui jouissait de tous les pouvoirs au nom du peuple. Le Sénégal et le Burkina Faso furent les seuls à avoir tenté et initié un régime parlementaire qui n’a cependant pas survécu longtemps, basé sur la matrice fragile de la 4e République, laquelle a consacré la fin de la colonisation.

    En l’absence d’élections transparentes et sincères en Afrique (Résultats à la soviétique : 98,99%) combinées avec la persistance de la « guerre froide », la fragilité politique et étatique des gouvernances a produit des fortunes diverses, entre instaurations de partis uniques et de coups d’État en bien des pays. Alain Touraine définit la démocratie comme « le libre choix d’un gouvernement représentatif des intérêts de la majorité, respectueux du droit fondamental de toute personne humaine ». Cette définition de la démocratie des temps modernes nous interpelle sur l’effectivité des institutions politiques africaines, fondées sur le modèle de la démocratie et sa relation avec la légitimité des droits fondamentaux du peuple. La multiplicité des vecteurs endogènes et exogènes de la médiation sociale rend manifestement compte de la complexité de l’ancrage à chaque réalité nationale et du poids de leur emprise sociologique dans le contexte africain.

    Le modèle politico administratif postcolonial et l’aporie institutionnelle en Afrique

    Plus de soixante ans après les indépendances, la démocratie représentative connaît aujourd’hui des contours variables selon la maturité politique des dirigeants, mais ce système paraît en perte de souffle, voire plombé. Les pères fondateurs des indépendances ont connu simultanément des périodes fastes, couronnées de toute puissance, et des coups d’État suscités par l’arbitraire des régimes à parti unique. Ils s’étaient évertués à reproduire le modèle politique de la démocratie représentative hérité de la colonisation au nom de la construction des États-nations sur le même schéma politico-administratif de séparation factice des pouvoirs.

    Le premier coup de semonce a été donné par les conférences nationales à l’instar du Bénin (février 1990), du Gabon (27 mars au 19 avril 1990), du Congo (25 février au 10 juin 1991), du Niger (29 juillet au 3 novembre 1991), du Mali (29 juillet au 12 août 1991), du Togo (10 juillet au 28 août 1991), du Zaïre (7 août 1991 au 6 décembre 1992) et au Tchad (15 janvier au 6 avril 1993).

    Toutes ces conférences nationales combinées avec la maturation politique de l’opinion publique, avec notamment l’émergence d’une société civile responsabilisée et mobilisée, ont amorcé une démocratisation poussive avec des chefs d’État qui se sont appuyés sur ces conférences, qui pour consolider leur pouvoir, qui pour le perdre. Ce qui était un peu paradoxal, c’était le choix de clergés religieux, dans certains pays, pour diriger les conférences nationales et inciter aux transitions démocratiques. La géopolitique africaine subissait ainsi les contrecoups de la géopolitique mondiale avec la fin de la guerre froide entre les deux blocs. Le 20 juin 1990 à La Baule, dans son discours devant 37 chefs d’État africains, le président François Mitterrand avait fermement conditionné l’aide de la France à leur continent, à savoir la démocratisation et l’absolue nécessité de critères de « bonne gouvernance ». Cette déclaration, selon Moussa Traoré, a été à l’origine de sa chute, surtout pour n’avoir pas compris que le mouvement des étudiants maliens constituait le ferment et le socle de sa destitution que le général Amadou Toumani Touré (dit ATT) a précipités, récupérant le pouvoir pour le détourner habilement afin de maintenir le système politico-administratif existant. Mais l’histoire bégaye souvent au Mali : le même scénario est écrit en 2020, toujours avec des militaires qui exploitent, détournent, voire spolient le capital populaire du mouvement de la société civile pour faire semblant de changer de trajectoire politique, proclamée vertueuse, aux yeux, comme souvent mi-clos, des communautés africaine et internationale. L’absence de direction politique a facilité le détournement d’une forme de révolution contre le régime d’IBK fraîchement réélu en août 2018 (67,17 % des voix contre 32,83 % pour son adversaire Soumaïla Cissé) sur fond de corruption endémique, d’achat de voix et surtout de permanence violence terroriste au nord du pays.

    Cette situation illustre la fracture de l’Afrique à partir du prisme des héritages coloniaux entre les francophones, les Belges, les Anglais, les Portugais et les Espagnols. Les anciens territoires coloniaux anglais ont fait leur mue démocratique à travers deux modèles, à la fois démocratique et autoritaire avec l’Apartheid en Afrique du Sud et le bipartisme. Les pays lusophones ont connu une colonisation plus violente et étonnamment durable. Un seul pays hispanophone, la Guinée équatoriale, indépendante seulement en décembre 1968, est quant à lui tombé dans une dictature familiale, la plus longue de son histoire.

    Le système politique dans l’espace francophone est d’inspiration française avec une affectation singulière pour la constitution de 5e République. Les pères des indépendances, francophones dans l’âme et inféodés au système Jacques Foccart, ont donc prolongé et amplifié la gestion du pouvoir sur ce modèle sous prétexte de bâtir une nation forte, le multipartisme débridé s’avérant pour eux un danger.

    L’éthique de la démocratie et les mutations du pouvoir en Afrique

    L’éthique est la science de la morale et pourrait être le produit d’une réflexion sur les comportements qui rendent la société humainement acceptable, fondée sur des valeurs morales et solidaires dans la gestion de la cité. Nous assistons dès lors à un brouillage des repères idéologiques en politique depuis la chute du mur de Berlin, l’Afrique étant le terrain de prédilection de la guerre des blocs qui imposaient leur système politique selon l’appartenance ou l’allégeance d’un pays à leur doctrine.

    Juan Linz considère qu’un « gouvernement est démocratique quand il offre des opportunités constitutionnelles régulières pour la compétition pacifique en vue de la conquête du pouvoir politique ». Le multipartisme après les conférences nationales s’est accru sur le continent et a poussé les pays à mettre en place des codes électoraux consensuels et des structures de gouvernance électorale indépendantes. Il ne peut y avoir de démocratie selon les constitutionnalistes sans le pluralisme politique, économique, social et culturel, l’expression libre des choix, les pouvoirs politiques encadrés, l’État de droit et le respect de la Constitution. Nous nous sommes ainsi retrouvés piégés par la capacité d’adaptation et de mutation pour maintenir au pouvoir des régimes sous des formes vicieuses. Les régimes militaires issus des coups d’État ont pris l’option de se transformer en pouvoir civil en gagnant des élections pour se conformer à l’État de droit, tout en gardant la mainmise sur l’armée (Guinée Equatoriale, Guinée, Algérie, Mali, Tchad, Tunisie, Soudan, Burkina Faso, Rwanda, Congo Brazzaville, RDC, Éthiopie, Burundi, etc.). Il faut ajouter à cela l’immobilisme politique en Afrique centrale en complète hibernation pour les transitions démocratiques après plusieurs décennies au pouvoir.

    La démocratisation politique en Afrique avec l’avènement du multipartisme n’a pas épousé les contours et les dynamiques socio culturelles structurées autour de l’accès croissant aux connaissances, à l’urbanisation accélérée, l’inter-connectivité de l’Afrique au monde et le poids démographique de la jeunesse africaine.

    La démocratie représentative a atteint aujourd’hui ses dernières limites avec une baisse significative des taux de participation aux élections, des Assemblées nationales et un système judiciaire inféodés aux pouvoirs en place. L’examen de l’évolution du taux de participation aux élections présidentielles en Afrique (Nigeria 2019 : 34,8% – Sénégal 2019 : 66,2% – Guinée 2015 : 68,4% – Tchad 2015 : 66% – Côte d’Ivoire 2015 : 52,9% – Mali 2018 : 34,54 % – Égypte 2018 : 40% – Kenya 2017 : 38,8% etc.) renseigne sur la désaffection des populations envers la politique traditionnelle. Les contestations électorales sur la fiabilité des fichiers, le choix des instances de régulation des élections et les résultats manipulés, entraînent trop souvent des crises post-électorales qui aboutissent à l’arrestation, parfois à l’élimination, des opposants ou à l’encerclement de leurs domiciles (Niger, Bénin, Gabon, Guinée, Tchad, Soudan du Sud, Guinée-Bissau, Guinée Équatoriale, Kenya, Uganda, Côte d’Ivoire, Égypte, Algérie, etc.). La nouvelle aspirine inventée en Afrique francophone, c’est l’organisation de comités de dialogue national juste après des élections présidentielles pour assurer un passage en force pour un troisième mandat avec la Côte d’Ivoire et la Guinée. Il en est de même pour le Sénégal ou dès l’entame du deuxième mandat, le comité de dialogue politique a été mis en place pour clamer l’ouverture politique à l’opposition.

    Jamais le discours politique et les partis politiques n’ont connu un tel discrédit auprès des opinions africaines. Toutes les décisions politiques majeures et les pratiques politiques tournent le dos aux profondes aspirations des populations africaines prises dans le tourment des incertitudes, des égoïsmes des élites politiques et l’absence de souveraineté des politiques nationales, prisonnières des institutions de Bretton Woods et des agences mondiales de notations qui attribuent des notes pour juger des performances économiques des pays. Des plans émergents élaborés par des cabinets internationaux et des conférences internationales de mobilisation de fonds se substituent aux plans nationaux développés par des cadres qualifiés de l’administration nationale et des acteurs privés performants en leur domaine d’activité.

    Nouvelles formes de contestation en dehors du calendrier électoral « républicain »

    Nous assistons partout à une hyper-présidentialisation et un accaparement du pouvoir par des élites ou des courtisans, ce qui produit de nouvelles formes de contestations violentes à la mesure du désespoir de la majorité de la population, propagé sur les réseaux sociaux devenus espace de mobilisation citoyenne des jeunes. Montesquieu l’a bien signifié : « Il n’y a pas de liberté si la puissance de juger n’est pas séparée de la puissance législative et exécutive ».

    De la lutte contre l’Apartheid dans les années 90, de la révolution du Jasmin en Tunisie en 2011, du printemps arabe 2011 dans le Maghreb et le Moyen-Orient, la Révolution au Burkina Faso contre une modification de la constitution qui aurait permis à Blaise Compaoré de briguer un troisième quinquennat en 2015, de « ma carte d’électeur, mon arme » de « Y’en a Marre » au Sénégal en 2011, de la migration forcée des jeunes aux conflits politiques récurrents dans la corne de l’Afrique, de la région des Grands Lacs au Sahel et à l’Afrique australe jusqu’au bassin du Lac Tchad, nous assistons à une ébullition, voire une éruption, sociale à la mesure de la dynamique démographique avec une population de jeunes sans perspectives (70% de la population africaine a moins de trente-cinq ans), majoritairement urbaine, scolarisée, consciente de ses droits fondamentaux et ouverte au monde via la planète internet. Les réseaux sociaux et les téléphones androïdes en s’appuyant sur les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazone Microsoft) constituent de nos jours une donnée fondamentale pour les transformations majeures dans le monde. Les jeunes aujourd’hui les utilisent comme leur espace d’expression démocratique et de mobilisation citoyenne. À cela il faut ajouter l’irruption de la société civile comme force motrice autour de la gouvernance et des droits de l’homme. La jeunesse africaine pleine d’énergie et de talents constitue une bombe sociopolitique. Il est important d’en mesurer la dynamique…explosive. Elle constitue l’épicentre pour le développement durable et leur inclusion dans la définition des politiques nationales et africaines. La Charte africaine des jeunes en témoigne : « La plus grande richesse de l’Afrique est la jeunesse de sa population et par la participation pleine et active de celle-ci, les Africains peuvent surmonter les difficultés auxquelles ils sont confrontés ». (Commission de l’Union africaine 2006).

    Afin de faire face à la crise de la démocratie représentative et de la gouvernance en Afrique, il s’agit de réinventer le « post-colonialisme » et le saisir comme une opportunité pleine d’exigence pour remettre en cause le modèle politico-administratif hérité de la colonisation et s’appuyer sur les institutions démocratiques endogènes dont la pyramide part des espaces de vie des populations à l’instar du village et du quartier, et construire les convergences panafricaines « consolidantes « de la souveraineté à partir du prisme de la jeunesse et du dialogue entre générations. La souveraineté politique, économique, monétaire, éducative, sociale et culturelle s’avère le prix à payer pour franchir le cap de la transformation positive de notre civilisation et offrir, ouvrir et réussir un avenir pour la jeunesse africaine.

    Afriques en lutte, 25 mars 2021

    Tags : Afrique, pouvoir, colonialisme, colonisation,

  • Algérie : « La reconnaissance de l’assassinat d’Ali Boumendjel est un pas positif » (ministère des moudjahidines)

    LE MINISTÈRE DES MOUDJAHIDINE ET DES AYANTS DROIT : « La reconnaissance de l’assassinat d’Ali Boumendjel est un pas positif »

    Le secrétaire général du ministère des Moudjahidine et Ayants droits, Laid Rebika, a qualifié la reconnaissance du président français, Emmanuel Macron, de la responsabilité de l’armée de son pays dans la torture et l’assassinat du martyr Ali Boumendjel d’un «pas positif», tout en considérant la décision de lever le secret des archives classifiées de plus de 50 ans, y compris celles relatives à la Guerre de libération nationale (1954-1962), de « question purement technique ».

    Dans un entretien à la Chaîne 2 de la Radio nationale, Laid Rebika a déclaré que « de grands historiens algériens ont salué la reconnaissance du président français de la responsabilité de l’armée de son pays dans l’assassinat de martyr Ali Boumendjel comme étant le début d’une réconciliation des mémoires ». Or, a-t-il poursuivi, « en ce qui nous concerne nous les Algériens, notre Histoire est claire et connaissons très bien que le martyr Ali Boumendjel a été tué sous la torture. Ce n’est pas nouveau pour nous ». « Quoi qu’il en soit, la reconnaissance est un pas positif, et nous tenons à dire que notre Histoire s’étend de 1830 à 1962, et qu’elle ne peut pas être divisée en séparant un événement d’un autre », a-t-il ajouté.

    Concernant la décision de faciliter l’accès aux archives classifiées de plus de 50 ans, y compris celles relatives à la Guerre de libération nationale (1954-1962), le secrétaire général du ministère des Moudjahidine et Ayants droits a souligné que « la question est purement technique ». « Après 50 ou 70 ans, il est naturel que les archives, ou une partie de celle-ci, soient déclassifiées », a-t-il souligné. « La récupération de cette archive doit être soumise à certaines conditions et à une étude et un examen attentif par des spécialistes afin que nous ne tombions pas dans l’erreur ou les inexactitudes. L’archive ne peut pas être divisée en événements ou étapes spécifiques. Nous devons également travailler pour récupérer les archives dans les autres pays comme la Belgique, le Liban, la Tunisie, le Maroc et pas seulement la France », a-t-il fait observer.

    Le secrétaire général du ministère des Moudjahidine et des Ayants droit a évoqué la question de l’outrage à certains des symboles de la Révolution algérienne. « la loi est claire là-dessus, mais ce qui nous fait du mal au cœur c’est que ceux qui s’en prennent aux moudjahidine et aux martyrs agissent avec inconscience, ce qui nous rend plus déterminés à continuer à définir davantage le message des martyrs à la nouvelle génération, et leur expliquer qu’attenter aux symboles de l’Algérie, qu’il soit chahid, moudjahid, ou veuve de chahid, est une atteinte pour l’Algérie dans son ensemble. Nous demanderons des peines maximales dans le cas où de tels cas seraient signalés », a-t-il fait savoir. Concernant la question des témoignages de la Révolution algérienne, le responsable a révélé la collecte d’environ 35 000 témoignages, en 28 000 heures d’enregistrement contenant, a-t-il précisé, de nombreux témoignages en direct de personnalités et de moudjahidine de premier plan, que nous devrions, selon ses dires, étudier, scruter et exploiter lors d’une journée d’étude dédiée à cette thématique.

    Hamid Mecheri

    Le Courrier d’Algérie, 18 mars 2021

    Tags : Algérie, Ali Boumendjel Guerre d’Algérie, colonisation, colonialisme, crimes coloniaux,