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  • Belhimer: L’Afrique recherche des partenariats plus équilibrés

    Belhimer: L’Afrique recherche des partenariats plus équilibrés. Emergence à l’échelle continentale d’un panafricanisme hostile au cadre néo-colonial qui régente la « Françafrique.

    Le ministre algérien de la Communication est revenu dans une interview accordée à l’AA sur les relations algéro-turques et sur l’émergence à l’échelle continentale d’un panafricanisme hostile au cadre néo-colonial qui régente la « Françafrique ».

    Les relations entre l’Algérie et la Turquie n’ont cessé de se renforcer notamment durant la dernière période, dans quel sens va cette coopération et dans quelles perspectives ?

    Les relation algéro-turques n’ont cessé de se développer, particulièrement depuis le début du siècle. Ce développement s’inscrit dans une sorte de partenariat d’exception qui, en très peu de temps, propulsa la Turquie au rang de 5ème partenaire commercial et de premier investisseur étranger en Algérie.

    Ces relations privilégiées trouvent-elles leur source dans l’histoire commune des deux pays ? Dans des objectifs partagés ?

    Il y a en effet ce que vous appelez « une histoire commune » aux deux pays pour des objectifs partagés que des conditions historiques ont rendu nécessaires. Contrairement aux lectures erronées qui sont faites par certains, elle ne s’inscrit nullement dans ce qui est prétendu être « une colonisation ottomane ».

    Au début du XIVe siècle, l’emprise religieuse sur les entités étatiques et leurs alliances est prééminente. L’Islam comme le Christianisme ont inspiré ces entités, les ont fait collaborer dans des affrontements ininterrompus.

    Les coreligionnaires turques ont répondu présent à la demande autochtone d’assistance pour éloigner la menace espagnole qui pesait sur certaines villes côtières.

    C’est ainsi que Barberousse partit pour Jijel en 1523. Elle sera la première ville délivrée de la menace espagnole par l’assistance ottomane.

    De Jijel partirent les autres campagnes qui allaient libérer les autres villes : Béjaia, puis Alger aux portes de laquelle se retrouvent dès 1526 les forces réunies à chaque étape, pour chasser les occupants espagnols. Le 21 mai 1529 les forces communes s’emparent de forteresse de Pénon, face à Alger.

    L’expédition s’opère sous l’étendard qui représente aujourd’hui une pièce importante du musée de la marine à Besiktas à Istanbul où une aile entière abrite un hommage à ce moment particulier des rapports entre l’Algérie et la Sublime Porte.

    La France, « fille ainée de l’Eglise», tentera de reprendre pied à Jijel, là où les Espagnols ont été chassés. Le 2 juillet 1664 sur ordre du roi de France Louis XIV, un corps expéditionnaire de 6500 appareille de Toulon sous le commandement du duc de Beaufort. Trois semaines plus tard il est au large de Jijel pour une opération qui tourna au fiasco.

    Lors du défilé du 14 juillet dernier, les Algériens ont été surpris de voir un engin militaire français estampillé de la mention « Djidjelli 1664 », y voyant une surprenante commémoration d’une défaite.

    La coopération économique entre les deux pays est-elle satisfaisante ou peut-elle encore être renforcée ?

    La coopération économique peut être élargie encore davantage. Elle comporte deux volets : les échanges commerciaux et les investissements directs

    Les échanges commerciaux appelés à atteindre les 5 milliards de dollars à la fin de cette année demeurent encore insuffisants au regard des potentialités recensées non encore exploitées. Ce niveau place déjà la Turquie comme cinquième partenaire du pays.

    Les investissements turcs évalués à 5 milliards de dollars couvrent 400 projets d’investissements portés par 1300 entreprises pour un effectif d’environ 30000 salariés.

    La Turquie est, à c e titre, le premier investisseur étranger chez nous.

    L’agriculture, le tourisme et les services sont les vecteurs privilégiés de la relance de la coopération souhaitée par les deux parties.

    Qu’envisagez-vous au niveau de la coopération bilatérale pour reconstruire et stabiliser la Libye?

    L’Algérie a ouvert sa frontière terrestre avec la Libye après avoir abrité une rencontre d’hommes d’affaires de ce pays voisin, frère et ami. Elle n’épargnera aucun effort pour contribuer à sa reconstruction dans le sens d’une consolidation de sa souveraineté, de son unité territoriale, sa stabilité, loin de toute ingérence, intervention ou présence étrangères, dans un climat de dialogue et de réconciliation comme base d’un vivre ensemble harmonieux dans une société démocratique ​​​​​​​

    Le rapprochement Alger-Bamako inquiète la France, qu’en est-il au juste ? Comment analyser l’affolement de la France

    Comme je l’ai déclaré à RFI le 15 juillet dernier, la doctrine militaire française qui a projeté l’opération barkhane au Mali est inappropriée, voir est contre-productive. Elle prétend anéantir militairement les forces du terrorisme qui frappe la France. Ce faisant, elle instaure une sorte de «tutorat» qui méprise les forces locales, réduites à des supplétifs pour la protection des sources d’uranium nécessaires au complexe nucléaire français. Si l’intention était noble, ces moyens colossaux déployés auraient constitué un atout pour le développement économique, social et culturel de ce pays – seule réponse durable à l’extrémisme et à l’obscurantisme si tant est qu’ils constituent une préoccupation réelle pour la France.

    Pensez-vous que ce qui se passe actuellement au Mali notamment le rejet du protectionnisme français serait le début d’un processus de désengagement vis-à-vis de la France à l’échelle continentale ?

    Il y a, en effet, un regain évident et salutaire de panafricanisme hostile au cadre néo-colonial qui régente la « Françafrique ».

    Toute l’Afrique subsaharienne, l’Afrique de l’Ouest et Sahel notamment, ressent la présence française comme une humiliation. Il semble bien que les rapports de domination-soumission post-indépendances qui se sont substitués aux rapports dominant-dominé qui ont prévalu à l’époque coloniale arrivent bel et bien à leur terme, au profit d’un partenariat plus équilibré porté par les nouveaux partenaires émergents que sont la Turquie, la Chine et la Russie.

    *Ammar Belhimer est un enseignant en droit public et journaliste algérien, devenu ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement Djerad le 4 janvier 2020. Il est le fondateur de quatre journaux, et a une expérience d’éditorialiste et chroniqueur.

    Anadolou

  • Algérie: Devoir de mémoire

    Algérie: Devoir de mémoire. Lutter contre les tentatives de falsification de notre histoire, notamment du côté d’une certaine France cocardière et revancharde.

    En cette veille de célébration du 1er Novembre 1954, du 28 octobre 1962, date commémorative du recouvrement de la souveraineté sur la radiotélévision, il est plus que jamais question d’un devoir de mémoire à cultiver pour fortifier la résistance contre le déni et lutter contre les tentatives de falsification de notre histoire, notamment du côté d’une certaine France cocardière et revancharde. Cette dernière, attachée à ses mythes coloniaux, refuse à la nation algérienne, à l’Etat algérien, jusqu’à leur existence, en particulier dans les milieux de droite et d’extrême-droite. Ils portent à bout de bras l’anachronisme, le mensonge par omission, le réductionnisme, l’occultation de faits précis.
    Les thuriféraires de la colonisation sont omniprésents et ne consentent jamais à regarder la vérité en face, celle d’une Algérie indépendante.

    Encore plus édifiants, les très récents propos du président Emmanuel Macron sur l’Algérie, pour qui la pêche aux voix, le braconnage sur les terres de l’extrême-droite, priment sur tout.

    Sans tomber dans le délire mémoriel, ni dans la guerre des mémoires, il est essentiel de persévérer dans une vaste entreprise de renforcement de la mémoire, de la valoriser et de la transmettre dans un souci d’impartialité.
    Les efforts consentis traduisent la volonté politique du président de la République qui souligne que notre histoire demeurera toujours au premier plan des préoccupations de l’Algérie nouvelle et de sa jeunesse, une histoire que nous ne saurions, en aucun cas, omettre dans nos relations avec l’étranger.

    L’institution par le Président de la Journée nationale de la Mémoire, en reconnaissance des grands sacrifices consentis par le peuple algérien lors des massacres du 8 mai 1945, est une preuve du devoir de fidélité à ceux qui sont morts pour le pays.

    De nombreux signes montrent que les Algériens demeurent attachés à leur histoire et reviennent sur leur passé de manière de plus en plus objective, dépassionnée, en dévoilant ses ombres et ses lumières, en brisant progressivement les tabous et la censure.

    Les faits sont désormais traités avec rigueur par les chercheurs qui, dans la quasi majorité des cas, rompent avec une certaine rhétorique qui ne convainc plus personne, qui éloigne plus qu’elle n’attire.

    Bien sûr, beaucoup de progrès restent à accomplir, comme par exemple, favoriser l’émergence d’une école historique, penser à une génération d’historiens hautement qualifiés à même de prendre en charge un domaine de recherche névralgique.

    Nous sommes sur la bonne voie, il suffit juste de jeter un coup d’œil sur les catalogues des maisons d’édition pour s’apercevoir que les choses bougent. La part consacrée à l’histoire prend de plus en plus d’importance et les sujets traités sont d’une grande audace et d’une probité intellectuelle manifeste.

    Parallèlement au nécessaire développement des méthodes d’enseignement de l’histoire, il y a lieu de mettre à profit les médias et les réseaux sociaux, à travers des contenus pertinents.

    Thème d’un colloque organisé par le ministère de la Défense : La révolution a ébranlé les fondements du colonialisme

    «Dans le cadre des célébrations du 67e anniversaire du déclenchement de la glorieuse Guerre de libération nationale, monsieur le général-major Sabaa Mabrouk, directeur de la communication, de l’information et de l’orientation de l’état-major de l’Armée nationale populaire, a présidé, mercredi, la cérémonie d’ouverture d’un colloque historique intitulé «Révolution de Novembre 1954: les prémices, le parcours et les dimensions», organisé au niveau du centre national d’études et de recherche dans l’histoire militaire algérienne/1er RM, en présence de cadres des structures du ministère de la Défense nationale» indique un communiqué du MDN.

    Lors de son intervention, le général-major a souligné «la nécessité de préserver la mémoire nationale à travers l’organisation de telles conférences à caractère scientifique et qui permettent de contribuer à l’édification d’une culture historique qui met en exergue les valeurs nobles ayant marqué la glorieuse guerre de libération».

    «L’organisation de ce colloque historique intervient la veille des célébrations du 67e anniversaire du déclenchement de la glorieuse Guerre de libération nationale, cette révolution qui a ébranlé les fondements du colonisateur français et brisé son emprise et sa tyrannie, et a mis en échec ses tentatives de garder l’Algérie soumise à sa domination. Cette révolution qui a arraché la victoire grâce à une unité nationale forte et solide, rassemblant la volonté du peuple algérien et la détermination de l’Armée de libération nationale en dessinant une épopée exceptionnelle dans l’histoire de l’humanité.»

    EL MOUDJAHID, 28/10/2021

  • Il y a 65 ans, la France piratait l’avion des leaders du FLN

    Il y a 65 ans, la France piratait l’avion des leaders du FLN. Il transportait Ahmed Ben Bella, Mohamed Khider, Mostefa Lacheraf, Mohamed Boudiaf et Hocine Aït Ahmed. Un acte qui donne une idée du vrai visage de la colonisation atroce de l’Algérie par les gaulois.

    Ce vendredi 22 octobre 2021 coïncide avec une date commémorative résumant la barbarie et le vrai visage de la colonisation atroce de l’Algérie, et la réédition du même scénario avec des concepts réhabilités au nom de la doctrine du respect des droits de l’homme et de la liberté d’expression, dont on voit la réalité en Syrie, Libye et Mali.

    Aujourd’hui, l’Algérie commémore le 65ème anniversaire de la première piraterie du ciel effectuée par l’armée coloniale française, bien briefée par l’ancien Roi du Maroc Mohamed VI, sur instigation de son fils et prince héritier Hassan II.

    Décollant de Rabat au Maroc a destination de Tunis, l’appareil de Royal Air Maroc transportant cinq figures de la glorieuse révolution du premier novembre, à savoir Ahmed Ben Bella, Mohamed Khider, Mostefa Lacheraf, Mohamed Boudiaf et Hocine Aït Ahmed, est détourné par les chasseurs de l’armée coloniale et contraint d’atterrir à l’aéroport d’Alger. Les cinq figures de la révolution seront arrêtées et emprisonnées avant d’être libérées à quelques semaines de la célébration de la fête de l’indépendance.

    Le premier pirate de l’air donne des leçons sur les pirateries

    Il y a quelques mois la France macronienne s’est indignée à l’occasion d’une opération menée par l’aviation biélorusse, obligeant un avion civil à atterrir à l’aéroport de Minsk pour arrêter l’opposant politique Roman Protassevitch

    Le 22 octobre 1956, L’Armée coloniale française donne donc l’ordre à l’équipage de l’appareil de gagner Alger, sous la protection discrète d’avions de chasse français.

    Une opération voulue par l’armée coloniale, selon le secrétaire d’État français aux Forces armées, Max Lejeune, qui déclara : « il s’agissait de l’interception d’un avion, interception qui était demandée par le général commandant en chef en Algérie. Il fallait une réponse tout de suite et j’étais secrétaire d’État à la Guerre.

    Comme je l’ai dit au président de la République quand il m’a dit «  expliquez-vous, Monsieur le Secrétaire d’État  » : «  Monsieur le Président, j’envoie tous les jours des soldats du contingent en Algérie, je les décore de la médaille militaire en votre nom quand ils sont sur une civière, étendus, inertes, et vous auriez accepté que je laisse, moi, passer cet avion alors que les militaires en réclamaient l’arraisonnement ? » Je dis que n’importe quel ministre n’aurait pas pu donner un autre ordre que celui que j’ai donné«

    Algérie54, 22/10/2021

  • Macron nie toujours le crime d’Etat

    Algérie, France, crimes d’Etat, crimes coloniaux, colonialisme, 17 octobre 1961,

    /Comment la République française sous la conduite de Macron continue à tourner le dos à son histoire.
    Hier dans la journée, l’équipe de communicants de l’Elysée ont concocté une activité politique pour leur patron avec pour objectif avoué de tenter de récupérer une base électorale d’origine algérienne qui avait été choquée par la phraséologie utilisée lors de la rencontre du président Macron avec les jeunes d’origine algérienne. 
    Après une cérémonie de recueillement sur le pont de Bezons présentée comme une première pour un président français, le service de presse de l’Elysée «pond» un communiqué attendu par bon nombre d’observateurs, politologues et historiens. A la lecture dudit communiqué, le président Macron, et en évoquant les événements du 17 octobre, parle de «répression sanglante» et de «crimes» au pluriel «commis cette nuit-là» en désignant un seul coupable selon lui. Le préfet de police de l’époque en la personne de Maurice Papon. 
    L’ensemble des termes utilisés seront minutieusement choisis pour éviter de parler d’un seul et unique crime et dont le seul et unique coupable est l’Etat français. Pourtant, dans son rapport sur «Les questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d’Algérie» remis en début d’année à Emmanuel Macron, l’historien Benjamin Stora proposait d’inclure cette date dans une liste d’«initiatives de commémorations importantes». 
    Avec comme préalable la reconnaissance de cette date comme «crime d’Etat». Macron, comme à son habitude, va privilégier l’aspect communication de sa démarche politique en donnant l’impression d’avoir pris en compte la question des événements du 17 octobre sur la question mémorielle mais sans faire avancer l’histoire qui lie les deux pays depuis bon nombre d’années.
    Gisèle Halimi déjà victime collatérale
    Le traitement du clan Macron de la question mémorielle est souvent marqué par le poids de l’ultra droite et les harkis. Encore une fois, dans son communiqué d’hier, la président français a trouvé le moyen de rassurer son flanc droit en évoquant le «cortège de crimes commis de tous côtés», remettant dos à dos le colonisateur et un peuple en lutte. 
    En annonçant que «la France regarde toute son Histoire avec lucidité et reconnaît les responsabilités clairement établies», le président français aurait pu gagner quelques points en matière de crédibilité sur la question mémorielle mais quand on sait que quelques semaines auparavant, les services de l’Elysée, sous la pression du lobby pied noir et des harkis, ont privé l’ancienne avocate du FLN, Gisèle Halimi d’une place au panthéon… 
    De nombreuses personnalités s’étaient engagées en faveur d’une panthéonisation de Gisèle Halimi, faisant circuler une pétition qui a récolté plus de 35.000 signatures. Mais Macron avait déjà cédé à la pression : elle n’aura finalement droit qu’à un hommage national aux Invalides en 2022. Mais pas au Panthéon.
    L’élection présidentielle, seule leitmotiv
    La toile de fond de la communication de Macron est intimement liée à la tenue des prochaines élections présidentielles en France. Et quand dans son communiqué, il évoque le rôle de la France qui «regarde toute son Histoire avec lucidité et reconnaît les responsabilités clairement établies», il estime que la France, «le doit en particulier à sa jeunesse, pour qu’elle ne soit pas enfermée dans les conflits de mémoires», il interpelle encore une fois les jeunes français d’origine algérienne pour tenter de les rallier à son camp.
    C. S.
  • Algérie-France : Indigérable passé, présent brouillé

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    La photo souvenir du 60e anniversaire du massacre du 17 octobre 1961 à Paris est la suivante : en Algérie, une commémoration marquée par le message du chef de l’Etat, samedi 16 octobre, par lequel il rend hommage aux victimes et promet aux Algériens de l’étranger une meilleure écoute et une meilleure prise en charge de leurs besoins au pays comme à l’extérieur.

    Par Lyes Sakhi
    Une annonce que la journée du 17 octobre sera chaque année un moment de souvenir national à la célébration duquel sera observée une minute silence et de recueillement à la mémoire des morts noyés dans la Seine ou assassinés par balles. Le déplacement, enfin, de M. Tebboune, hier, 17 octobre, au sanctuaire du Martyr à Alger, pour s’incliner devant les victimes du massacre et déposer une gerbe de fleurs au pied de la stèle commémorative. Sur la même photo, à l’échelle du gouvernement, la déclaration du Premier ministre, Aïmene Benabderrahmane, que les manifestations du 17 octobre 1961 à Paris marquent «une date sombre dans l’histoire de l’occupation, une date que nul ne peut effacer».

    En France, on retient de cette photo une commémoration marquée par le geste du président Emmanuel Macron de se rendre pour un dépôt de gerbes et une minute de silence sur les berges de la Seine à hauteur du pont de Bezons, le 16 octobre 2021, d’où a commencé la répression par la police parisienne des manifestants algériens pacifiques. A cette initiative, s’est ajouté durant la même journée un communiqué de l’Elysée dénonçant des «crimes inexcusables pour la République». En France, toujours, le 17 octobre, on voit sur cette photo, le préfet de police de Paris, Didier Lallement, déposer une gerbe de fleurs près de la Seine au niveau du Pont Saint-Michel. On gardera de son geste le fait qu’il est le premier préfet de police de Paris à rendre hommage aux victimes algériennes.

    Pendant sa présence sur les lieux, la sonnerie aux morts a résonné. Puis une minute de silence a été respectée «à la mémoire des morts du 17 octobre 1961», selon les paroles prononcées par une représentante de la préfecture de police au micro. En France, toujours, le défilé de «quelques centaines de manifestants», selon l’AFP, pour scander «17 octobre 1961, crime d’État» et brandir la banderole «pour la reconnaissance d’un crime d’État» à l’appel de «dizaines d’organisations et d’associations (LDH, SOS Racisme, Mrap, Attac, Gisti, etc.), de syndicats et de partis de gauche (EELV, LFI, PCF…)», ajoute l’agence de presse.

    Entre les deux, plusieurs historiens qui considèrent en Algérie comme en France que le geste du président français est «un petit pas de plus», mais que «ce n’est pas satisfaisant», ainsi que le résume l’historien spécialiste de la colonisation Gilles Manceron. «C’est une reconnaissance d’un crime de préfecture. Nous demandons une reconnaissance de crime d’État et l’accès réel aux archives», a-t-il déclaré. Entre les deux, la lecture est que, pour les Etats algériens et français, c’est du «chacun de son côté» pour reprendre la formule d’un observateur du bilatéral algéro-français sur les sensibles questions de l’histoire et de la Mémoire. En France, l’Etat avance sur ce dossier suivant une logique politique claire qui tient compte des courants et des sensibilités encore fortes dans l’Hexagone par rapport à une certaine idée de la France et par rapport à tout ce qui relève de l’héritage colonial, en particulier en Algérie, et de la perspective de la présidentielle de 2022 pour laquelle le président Macron se positionne chaque jour.

    En Algérie, l’Etat, défenseur de l’histoire et de la mémoire nationale qu’il considère attaquée par des nostalgiques de la colonisation et des «lobbies incapables de s’affranchir dans leur extrémisme chronique», est dans une approche «loin de la prédominance de la pensée colonialiste», selon la dernière déclaration du président Tebboune, samedi 16 octobre. Le président de la République a ajouté qu’il est désormais question de «traiter les dossiers de l’histoire et de la mémoire sans complaisances, ni compromissions et avec le sens aigu des responsabilités»… Une déclaration qui confirme le «chacun pour soi» et l’inexistence aujourd’hui de signaux de rapprochement entre l’Algérie et la France officielles sur ce qui est appelée la «guerre» ou le «contentieux» mémoriels depuis l’adoption en France de la loi abrogée du 23 février 2005 portant «reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés».

    Cette perspective est rendue plus éloignée par le calendrier politique et électoral en France, qui ne devrait pas dicter au président candidat Macron de faire avant le printemps 2022 de nouveaux pas vers la «vérité» et la «reconnaissance», selon les termes des historiens algériens et français qui réclament la qualification de «crime d’Etat» pour les massacres d’octobre 1961. Elle ne semble pas envisageable au vu de l’orientation d’intransigeance actuellement audible dans le discours de l’Etat algérien, qui a ses difficultés spécifiques au contexte national actuel, sur la lecture à donner sur la séquence coloniale.

    Pour revenir à la photo, l’image qu’elle renvoie, si on peut dire, est celle d’un indigérable passé et d’un (presque) ingérable présent dont la gestion ne peut qu’évoluer comme toute chose par nature. Mais quand, donc, aura lieu ce rapprochement ? La seule réponse intelligente à cette interrogation est que le débat mémoriel n’a jamais été aussi prépondérant en France comme en Algérie. La logique est qu’il débouche sur des ouvertures certaines contre les tabous politiques qui ont perduré depuis soixante ans.

  • Macron et sa prose

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    Le rivage de la réconciliation mémorielle entre l’Algérie et la France est si lointain. Le « nouveau geste» d’apaisement annoncé en grande pompe à l’occasion de la célébration du massacre du 17 octobre 1961, tant attendu lors de la sortie du président français, n’a pas eu lieu. Déception totale à Alger qui n’a vu aucune évolution positive dans l’attitude de la France officielle. En affirmant «reconnaître les faits» dont il attribue la responsabilité au préfet de police, Maurice Papon, le chef de l’État français entretenant l’amalgame entre le bourreau et sa victime et en reniant les faits pourtant clairs, finit, en bout de course, par s’enfermer lui-même dans les «conflits de mémoires» qu’il perpétue. Comme un crabe, le président Macron avance à reculons.

    C’est à peine qu’il reconnaît du bout des lèvres la tragédie du 17 octobre 1961et s’interdit de présenter des excuses au peuple algérien, mais pour les harkis il s’est bien excusé. Plus encore, il impute la tragédie au préfet de l’époque, Maurice Papon alors que c’est un crime d’État qui implique la République française avec ses rouages administratifs et policiers. Papon dirigeait une police républicaine au nom de laquelle il a commis un carnage. Les propos de Macron sonnent alors comme une fuite en avant, une esquive qui consiste à exonérer les responsables politiques de toute culpabilité dans les crimes commis au nom de la République française.

    Le préfet Papon n’est qu’un rouage dans l’appareil d’État français qui a froidement planifié et exécuté une campagne massive d’arrestations et d’exécutions.

    Cette nouvelle posture de l’Hexagone n’ est pas faite pour primer l’apaisement et la réconciliation qui vont panser les profondes déchirures mémorielles qui traversent les sociétés algérienne et française. Mais faisons l’hypothèse charitable qu’il est écrit quelque part que les dirigeants français ont un goût immodéré de la controverse. Macron ne déroge pas à cette culture héritée du général de Gaulle qui a toujours excellé dans cet «art».

    Saluant «l’immortel génie de la France, (…) pour élever les hommes au sommet de la dignité…», en 1944, lors de la conférence de Brazzaville, le général cautionne vaillamment la déportation de Messali El Hadj la même année et dans la même ville. Le général n’avait-il pas lancé le plan de Constantine, proposé la paix des braves et accepte de négocier avec le GPRA, tout en rappelant 15 000 militaires réservistes, et ordonnant au général Challe «d’écraser la rébellion du FLN».

    La France de Macron n’a pas encore trouvé le courage collectif pour affronter ses crimes. «Tendre la main, retisser les liens, ce n’est pas s’humilier par je ne sais quelle repentance, c’est se grandir, c’est être fort.», c’est la prose du président Emmanuel Macron. Y croit-il vraiment?

    Brahim TAKHEROUBT

    L’Expression, 18/10/2021

  • Macron s’est excusé aux Harkis, mais pas aux algériens

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    L’historien Ouddène Boughouflala : « Il faut en finir avec le néocolonialisme masqué»

    Entre Alger et Paris, le  poids de l’histoire demeure toujours présent, alors que pour une certaine classe politique française de gauche ou de droite, la nostalgie de l’Algérie française continue d’animer les ambitions politiques à l’approche des élections. L’historien Ouddène Boughoufala ne cache pas son exacerbation face aux surenchères politiciennes de la France. «Paris a toujours cette nostalgie d’un passé colonial qui l’empêche de saisir le fait que l’Algérie de 2021 n’est ni celle de 1830 ni celle de 1962», assène-t-il.Le chercheur au Laboratoire des études historiques et archéologiques d’Afrique du Nord est des plus explicites  : «Si la France veut établir des relations politiques solides avec l’Algérie, elle doit de prime abord revoir sa présence en Algérie comme pays colonisateur, qui a commis les crimes les plus odieux et barbares.» Ensuite, «comprendre le fait que la diplomatie passe également par l’histoire», poursuit-il, avant de préciser que «l’acharnement de la France de Macron s’explique par des facteurs internes liés à l’approche de l’élection présidentielle et la tentative de gagner l’adhésion de l’électorat de l’extrême droite».

    Le chercheur explique, dans le même sillage, que la pression exercée par l’Algérie concernant la question de la mémoire et de la reconnaissance des crimes coloniaux«n’a pas réjoui apparemment les apôtres du néocolonialisme en France». Boughoufala rappelle que «Macron a présenté les excuses de la France aux harkis et non pas aux Algériens victimes de la barbarie des léopards français, ni les victimes de la torture et ni celles des essais nucléaires». Une attitude que l’historien n’hésite pas à qualifier de «pernicieuse qui illustre parfaitement le complexe des acteurs politiques français et leur nostalgie coloniale». En référence aux déclarations du chef de l’Etat, le chercheur fait savoir que «le dossier de la mémoire continue de miner les relations entre les deux pays», en raison, dit-il,«des lobbies exerçant leur influence sur la sphère politique à Paris».

    Le Pr. El Houcine Hammache, spécialiste en psychologie sociale : «Le message de Tebboune a été clair»

    Le spécialiste en psychologie sociale, le Pr El Houcine Hammache, a relevé que, dans son message à l’occasion de la Journée nationale de l’émigration, le président de la République n’a pas fait dans le politiquement correct, dans le sens où il a affirmé que l’Algérie est un état souverain. «Les déclarations du chef de l’Etat ont un effet immédiat à l’encontre d’une impulsivité politique d’un Macron à la recherche d’un électorat supplémentaire.

    Le Pr. Hammache affirme que par son «intransigeance», le président français rappelle aux Français que l’Algérie possède des arguments valables qui fortifient ses positions» et surtout, poursuitil,«son exigence de la réouverture de tous les dossiers concernant la barbarie coloniale». Pour le chercheur, les déclarations du chef de l’Etat sont claires dans le sens où il refuse de faire des concessions et exige la reconnaissance par la France de ses crimes de guerre, qui ont débuté avec le début de leur colonialisme, soit de 1830 à 1962.

    «Le président de la République a réagi tout simplement aux déclarations du président français, en démontrant que nous avons beaucoup d’arguments qui sont justes et valables sur les plans politique, social et psychologique. L’Algérie n’a pas bénéficié de ses droits comme nation victime d’une longue nuit de colonialisme», ajoute-t-il. En effet, le dossier de la mémoire hante les esprits des néocolonialistes français dans leur quête d’un passé qu’ils estiment glorieux, mais qui n’était au final qu’un épisode de terrorisme civilisationnel.

    Samira Azzegag

    Horizons, 18/10/2021

  • Ouest Tribune : Une mémoire honteuse

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    Les dérapages historiques du président français sur la colonisation et l’existence d’une nation algérienne avant l’invasion française rappelle que la nostalgie pour une ère révolue n’est pas une affaire d’extrême droite dans ce pays. Cette célébration du crime contre l’humanité qu’a été la colonisation française en Afrique est donc une affaire d’élite toute tendance idéologique confondue. Il serait injuste de mettre toute l’intelligentsia française dans le même sac, mais disons-le clairement, Emmanuel Macron est dedans sans nuance aucune. Mais ce petit-fils spirituel de Le Pen et les autres affidés de l’Algérie-française est bien embêté tous les 8 mai et les 17 octobre de chaque année. Il ne peut invoquer des faits de guerre, ni une hostilité armée de manifestants. Dans les deux cas, c’est du pur crime d’Etat.

    En cette date anniversaire du 17 octobre 1961 de l’abject assassinat de centaines d’Algériens, souvent de la manière la plus barbare, commis par la police française, les personnalités en vu de l’establishment français n’éprouve pas de honte particulière à se bousculer sur twiter et les chaînes de radio et de télévision pour apostropher les historiens qui disent la vérité et sortir des sornettes sur la prétendue responsabilité algérienne dans la guerre de libération nationale. Comme si l’acte colonial lui-même était, à l’origine, une demande de protection de l’Algérie.

    En cette date-anniversaire, les responsables politiques de l’Hexagone qui protègent leur gagne-pain mémoriel ne savent, en réalité, pas sur quel pied danser.

    L’institutionnalisation de la torture, le déplacement des populations, l’usage du napalm et les bombardements de villages durant la guerre d’Algérie et, plus loin dans l’histoire, les emfumades et les dépossessions des terres des Algériens sont autant de faits historiques. Et tout cela remonte à la surface chaque 17 octobre et 8 mai 45.

    Tout le monde en France, de l’extrême gauche à l’extrême droite en reconnaît la véracité, documents à l’appui. En réalité, personne n’est dupe. Les dernières gesticulations du président Macron n’ont d’autres objectifs que celui de répondre à l’appel des nostalgiques de l’Algérie française.

    Ces derniers, qui faut-il le souligner, perdent du terrain d’année en année et vont droit vers une autre défaite après celle de leur guerre coloniale, ont fait un deal crasseux avec un homme faussement républicain. Dans ce combat d’arrière garde, Macron et consorts ne cherchent pas la vérité historique et encore moins le salut de la République française.

    Par Nabil G.

    Ouest Tribune, 17/10/2021

  • Le Courrier d’Algérie: Paris évoque le crime, pas ses auteurs

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    Du 17 octobre 1961 au 17 octobre 2021, la mémoire historique transmise de générations en générations d’Algériens, à l’intérieur comme à l’extérieur du pays, a fait qu’ils n’ont cessé d’exiger, de l’État Français, la reconnaissance du crime crapuleux et barbare commis en cette nuit glaciale par les autorités françaises, contre des centaines de milliers d’Algériens, manifestant pacifiquement à Paris contre la décision française d’imposer un couvre-feu à leur encontre de 20H à 5H30.

    Dès le matin du 17 octobre 1961, la préfecture de police de Paris a réquisitionné le Parc des expositions, ce qui montre, affirme l’historien Emmanuel Blanchard, qu’elle ne se plaçait pas dans une logique de « maintien de l’ordre » mais qu’elle « préparait une rafle gigantesque » pour assassiner les dizaines de milliers d’Algériens manifestant pacifiquement au cœur de Paris, pour la liberté et la dignité d’un peuple en lutte pour son Indépendance. « Les Algériens étaient sortis à coups de poing des cars, ils se ramassaient par terre et là, passaient entre une haie de policiers qui les recevaient à coups de pieds, de poings, de bâtons, de bottes », la violence, témoigne un homme « est arrivée à un point que je n’arrivais pas à imaginer » dira-t-il, alors qu’il était en ce temps un jeune étudiant. Le monde et bien avant lui l’opinion française ont découvert, avec les centaines de corps d’Algériens, femmes, enfants, vieux, jeunes et moins jeunes jetés à la Seine de Paris, par les autorités policières françaises, non seulement la cruauté des pratiques du système colonial français en Algérie, qui a été jusqu’à exterminer les Algériens, en ce 17 octobre 1961, sous les cieux de Paris, qu’ils pensaient être la capitale des droits de l’Homme et des lumières. La chasse à l’homme lancée suite à des instructions émanant des plus hautes autorités de l’État français de l’époque, à la présidence, le Général De Gaulle, à la tête du gouvernement Michel Debré,- son fils Jean-Louis Debré a été l’instigateur de l’article 4 de la loi du 23 février 2005 qui enjoignait aux enseignants de faire état du rôle positif de la colonisation française, et le préfet de police, n’était autre que Maurice Papon, qui était avec son appareil policier répressif, seul criminel présent sur la scène du crime qui a duré plusieurs heures, voire des jours, en plein cœur de Paris.

    Si les milliers d’Algériens qui n’ont pas connu le sort tragique de leurs frères, sœurs et enfants morts noyés dans la Seine, dont des corps ont été retrouvés des jours après, du côté de Rouen, comme le rappellent souvent les enfants des victimes et des historiens étrangers et français, des milliers d’Algériens sont restés entassés dans les locaux de police, au Palais des Sports, à Vincennes, ou au stade Coubertin, sans soins, ni assistance mais soumis, durant plusieurs jours, à des tortures, physiques et psychiques, de leurs bourreaux, les autorités policières de France. Si ce n’est qu’en 1991, que la voix étouffée des Algériens noyés dans la Seine commençaient, à peine, de raisonner dans la capitale française, notamment par des collectifs d’Associations, le travail remarquable de l’historien chercheur, Jean-Luc Einaudi, qui a mis la lumière sur les crimes des autorités françaises contre les Algériens en cette nuit du 17 octobre 1961.

    Des assassinats d’Algériens par des policiers qui se sont aussi appuyés sur la complicité, dans ce crime de français partisans « de l’Algérie française », usant de tous les moyens : matraques, couteaux, manches de pioches ou des crosses de fusils .. « Ici on noie les Algériens » a rattrapé la politique des autorités françaises, imposant un rideau de fer sur la pire répression sanglante et barbare d’une manifestation qu’a connu, non seulement la scène Française, depuis la révolution de France, mais aussi européenne, comme le soulignent des historiens notamment des occidentaux, dont des français.

    À ce jour, l’opinion française ainsi que les générations d’Algériens à l’intérieur et à l’extérieur de la France s’interrogent sur l’absence de toute information relative à l’identification du criminel, dans les textes portés sur les plaques commémoratives érigées en France, dont à Paris. La mémoire aux victimes des massacres du 17 octobre 1961 est inscrite, mais par qui ces meurtres ont été commis, n’y figure nulle part et ce n’est nullement un hasard. Dans une de ses déclarations, le défunt historien, Jean-Luc Einaudi, avait eu à affirmer que « la position de l’État français reste celle de Maurice Papon, il y a 50 ans », indiquant que la France officielle refuse de reconnaître ses crimes contre l’humanité, notamment, ceux commis en cette nuit du 17 octobre 1961, mais aussi ceux que son système colonial a perpétré contre les peuples, dont le peuple algérien.

    Il est à rappeler qu’après cette nuit de massacres d’Algériens en plein Paris, les Algériens ont continué les jours suivant à être violentés, torturés, pourchassés et aussi expédiés en Algérie dans des camps d’internement, inspirés des pratiques du fascisme hitlérien. Le préfet de police de Paris, en poste depuis 1958, Maurice Papon, a continué d’occuper cette fonction, des années après la nuit de ses massacres contre les Algériens, pour ne le quitter qu’en 1967. Il a été condamné à dix ans de réclusion criminelle en 1998, non pour ces crimes contre les Algériens en cette nuit du 17 octobre 1961, ou ceux qu’il a commis bien avant et après cette date, mais pour «complicité de crimes contre l’humanité », en raison de son rôle dans la déportation de 1 690 juifs de Gironde.

    La France officielle continue, à ce jour, 60 ans après, à fuir ses responsabilités engagées, dans ce qui a été son passé de colonisateur. Le défunt historien Jean-Luc Einaudi a chiffré à plusieurs centaines le nombre d’Algériens tués le 17 octobre 1961, alors que la France officielle occultait encore ce crime et, forcée par moment, avançait qu’ils n’étaient que près d’une quarantaine de victimes.

    Dans son livre « la Bataille de Paris », Einaudi écrit, « jetés dans la Seine, tués par balle ou morts, le crâne fracassé par des manches de pioche ou des crosses de fusils: 50 ans après, (2010), une chape de silence officiel pèse toujours sur la sanglante répression d’une manifestation d’Algériens le 17 octobre 1961 à Paris ».

    Karima Bennour

    Le Courrier d’Algérie, 17/10/2021

  • Horizons: 17 Octobre 1961, un jour sang pour les Algériens

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    Jamais l’Histoire coloniale n’a été aussi fortement convoquée que durant ces derniers temps. Campagne électorale présidentielle française oblige, l’ancienne puissance coloniale remet au goût du jour ses missions civilisatrices dans les guerres impérialistes et coloniales qu’elle a fait subir notamment aux peuples du continent africain. Le président Macron a ouvert le feu dans une volte-face mémorielle jetant un froid inédit sur les relations algéro-françaises et donnant le LA à presque toute la classe politique de l’Hexagone. Et c’est, bien sûr, par l’Algérie que les candidats de l’extrême-droite puis de la droite ont entamé leur surenchère révisionniste. C’est que le «joyau» perdu de la France est resté en travers de la gorge des partisans de l’Algérie française. Une question se pose : marqueront-ils une pause dans leurs propos haineux à l’occasion de ce 17 Octobre ? Peut-être. Il faut juste leur rappeler que c’est Maurice Papon, celui qui a pris soin de déporter des milliers de juifs durant la Seconde Guerre mondiale vers les camps de concentration nazis, qui a été chargé par l’Etat français de mater coûte que coûte la marche pacifique des Algériens de Paris en 1961.
    Alors que les relations diplomatiques entre l’Algérie et la France sont toujours tendues et au bord d’une rupture jamais égalée, et pour cause, les dernières déclarations du président français Emmanuel Macron sur la nation algérienne, une date et un massacre viennent rappeler à la France ses «œuvres» coloniales et à l’Algérie son combat pour la liberté, ses souffrances et ses martyrs.

    Une date, le 17 Octobre 1961, une oppression des plus violentes, des Algériens tués et d’autres jetés vivants dans la Seine, avait remis en cause la France des «droits de l’homme ». Le tristement célèbre 17 Octobre est une tache des plus noires dans l’histoire coloniale de la France. A ce jour, la France ne se regarde pas en face et ne reconnaît que timidement ce qui s’est passé ce jour-là. Elle tente d’occulter cette terrible date et d’autres sinistres dates dans sa conquête de l’Algérie.

    Après les années de l’indépendance de l’Algérie, il était impossible et inadmissible pour l’Etat français d’accepter le rappel de ces évènements, ou la commémoration de cette date sous quelques formes possibles. De Charles de Gaulle à Valéry Giscard d’Estaing, ces terribles événements sanglants ont été sciemment occultés pour préserver la nouvelle France et le fameux slogan «Liberté, égalité, fraternité».

    Quand Octobre noir nous remet dans l’histoire !

    Les Algériens de France de l’époque, à travers la Fédération de France, ne faisaient que remémorer dans un cadre restreint cette date de l’histoire du combat de l’Algérie. Il faut se rappeler qu’en ces temps troubles des années 1960 et 1970, les relations entre l’Algérie et la France, ancienne colonie «non repentie» encore, étaient tumultueuses. Nos immigrés sur la terre de Jean-Paul Sartre étaient la cible quasi quotidienne des groupes racistes et des «défenseurs» de «l’Algérie française». Des Algériens résidant en France étaient agressés et même «assassinés» dans les rues obscures, dans le métro à leur retour du travail le soir. Des Algériens partis pour travailler et gagner le «pain» de leurs familles restées en Algérie ont fait les «beaux jours» des mines françaises et ont fait tourner la machine chez Peugeot et Renault. Certains revenaient dans des cercueils.

    L’avènement et la montée du socialisme en France, avec l’investiture de François Mitterrand en 1981, allaient atténuer un peu cette «haine» française envers les Algériens. Les relations entre les deux pays prennent un envol prometteur. Mais tout était d’ordre politique, diplomatique et économique. La mémoire, elle, devait attendre encore. Durant le règne de Mitterrand, rien de concret n’a été fait pour reconnaître ce 17 Octobre encore moins d’autres dates sanglantes de la guerre d’Algérie et du colonialisme français.

    Durant ces années de l’après-indépendance de l’Algérie, les écrits d’historiens, algériens et français, ont permis d’entretenir la mémoire et mis à mal l’histoire de la colonisation. Les socialistes de Mitterrand, pris entre leurs «valeurs sociales et humanistes» et la position parfois «tiède» et souvent «froide» de leur leader Mitterrand vis-à-vis de l’histoire coloniale et la guerre d’Algérie, ne pouvaient vraiment aller de l’avant. L’histoire retient que Mitterrand était ministre de l’Intérieur de juin 1954 à février 1955 sous le gouvernement Pierre Mendès France.

    Un révélateur, le procès Papon

    Le président français le plus proche de l’Algérie et le plus à l’écoute de l’histoire commune est sans doute Jacques Chirac. C’est bien lui qui a fait le premier pas, lors de son 2e mandat, pour se rapprocher de l’Etat et du peuple algériens et aussi de l’histoire. C’est durant son règne que les Algériens ont pu ouvertement célébrer et commémorer les sanglants événements du 17 Octobre 1961. Finalement, c’est la droite qui a bousculé les choses dans le contexte politique des années 1990.

    Et il fallait attendre le procès de Maurice Papon pour que les événements tragiques du 17 Octobre 1961 deviennent publics. Et attendre l’année 2012, quand, à l’occasion du 51e anniversaire de la manifestation, le président François Hollande «reconnaît avec lucidité», au nom de la République, la «sanglante répression» au cours de laquelle ont été tués «des Algériens qui manifestaient pour le droit à l’indépendance».

    Avant lui, il y a eu Sarkozy qui avait soufflé le chaud et le froid dans les relations entre les deux pays, tout comme le fait aujourd’hui le président Macron. Entre-temps, et entre les passages des présidents français, les Algériens n’ont jamais oublié ce qui s’est passé ce 17 Octobre, il ya de cela 60 ans. Chaque année, ils sont fidèles au rendez-vous de l’histoire et de la mémoire, ils se mettent sur les bords de la Seine pour rendre hommage aux martyrs de ce jour…quand des Algériens, lors d’une marche pacifique, seront tués en plein Paris et sous le regard de la France et du monde. Sur plus de 200 morts, des dizaines seront jetés dans la Seine…

    Fayçal Charif

    Horizons, 17/10/2021