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  • J’étais un musulman français, par Mokhtar Mokhtefi

    Né en 1935 dans un village algérien colonisé par la France, Mokhtar Mokhtefi a grandi au milieu des mouvements d’indépendance. Il a vu les effets de la colonisation de son pays par la France pendant 130 ans et les tactiques brutales qu’elle utilisait pour rester au pouvoir : arrestation et torture des manifestants, élections truquées et limitation sévère de l’accès de la population à l’éducation.

    À l’âge de vingt-deux ans, il a rejoint la lutte pour l’indépendance, devenant officier dans le tristement célèbre ministère de l’Armement et des Liaisons générales (MALG). Après avoir été formé aux opérations radio dans une base secrète, il a aidé à mettre en place un réseau de communication en temps de guerre, un exploit que la France n’aurait jamais cru pouvoir réaliser avec le MALG mal équipé.

    Plus tard dans sa vie, il a été contraint à l’exil politique par le nouveau gouvernement algérien et a publié des ouvrages sur l’Afrique du Nord et le monde arabe. Écrit à la fin de sa vie, I WAS A FRENCH MUSLIM (Other Press Hardcover ; 21 septembre 2021 ; traduit par Elaine Mokhtefi) est à la fois une chronique sage et profondément personnelle du parcours de l’auteur, de l’étudiant militant au combattant de la liberté, et un portrait plus large de la transition de l’Algérie vers un État indépendant, avec toute sa complexité et ses pièges. Je tenais à m’assurer que vous avez pris connaissance des éloges dont ce livre fait l’objet et j’espère que vous l’envisagerez pour une critique ou un reportage cet automne.

    Dans J’étais un Français musulman, Mokhtefi fait revivre les images et les sons de l’Algérie avec force détails : son éducation aimante, traditionnellement musulmane, passée à regarder son père travailler dans leur boucherie, sa mère arranger les mariages de ses cinq frères aînés, les bagarres dans la cour d’école et son couscous préféré. Il se souvient avoir été l’un des rares enfants algériens, et le seul de sa famille, à recevoir une éducation au-delà du niveau primaire. Pendant ses années passées dans un pensionnat dirigé par des Français, le programme raciste qui prône la colonisation n’a fait que renforcer sa conviction de la nécessité de l’indépendance. Malgré les risques, il a créé une cellule secrète du Front de libération nationale (FLN) parmi ses camarades de classe.

    Ecrit sur un ton chaleureux et conversationnel, J’étais un musulman français résonne aussi d’une profonde sagesse sur la politique, la nature humaine et les dures réalités de la guerre, qui ne peut venir que d’une vie de réflexion et d’empathie. Mokhtar Mokhtefi parle de la mort d’amis, de sa propre mort évitée de justesse, et du mélange de fierté et de terreur de sa famille chaque fois que son frère aîné a été arrêté et torturé pour avoir promu l’indépendance de l’Algérie. Il se souvient également de la camaraderie, des discussions politiques et des petits griefs, et de ses doutes croissants quant à la capacité de l’Algérie à instaurer une véritable démocratie entre les différents mouvements nationalistes. Mais surtout, J’ÉTAIS UN MUSULMAN FRANÇAIS rend hommage aux nombreux hommes et femmes qui se sont battus à ses côtés, souvent avec un peu plus que des couteaux, contre un régime colonial soutenu par les Américains pour obtenir l’indépendance de l’Algérie.

    **N’hésitez pas à nous contacter si vous souhaitez obtenir une version préliminaire imprimée ou électronique, si vous avez des projets de revue ou de reportage, ou si vous souhaitez organiser une interview avec la traductrice Elaine Mokhtefi**.

    Une note sur le titre du livre : La traductrice Elaine Mokhtefi, également veuve de l’auteur et auteur de Alger, capitale du tiers monde : Freedom Fighters, Revolutionaries, Black Panthers, explique dans son introduction que I WAS A FRENCH MUSLIM n’est pas une formulation oiseuse, mais plutôt le statut officiel des Algériens sous les Français. Alors que l’Algérie était considérée comme faisant partie de la France et que le million d’ »Européens » qui y vivaient étaient considérés comme des Français, la carte d’identité des Algériens les qualifiait de « musulmans français ». » La France se présentait comme un État laïque alors même qu’elle définissait ses sujets algériens par leur religion.

    À propos de la traductrice : Elaine Mokhtefi est née à New York et a grandi dans de petites villes de New York et du Connecticut. Elle a vécu de nombreuses années en France et en Algérie, où elle a travaillé comme traductrice et journaliste, et est l’auteur de Alger, capitale du tiers monde : Combattants de la liberté, révolutionnaires, panthères noires. Elle est la veuve de Mokhtar Mokhtefi.

    Mokhtefi… reconstitue les images et les sons de la vie dans son village de Berrouaghia et la pression constante qu’il ressentait pour être [un « Français musulman »]… émouvant. »

    -La Nation

    « Les commentaires pleins d’esprit de Mokhtefi mettent en lumière sa vitalité, même au milieu de la destruction et des déchirements….. Son histoire est passionnante…. sa description colorée du caractère de l’époque, du lieu et des gens dans l’Algérie coloniale et de la guerre constitue une lecture captivante, ainsi qu’un contexte pour les relations entre la France et l’Algérie d’hier et d’aujourd’hui…. Comme le révèlent les mémoires de Mokhtefi, les fantômes de la guerre d’Algérie vivent dans les deux pays. »

    -LA REVUE DE MARKAZ, Mischa Geracoulis

    « Ce livre merveilleux plonge le lecteur dans la société de l’Algérie musulmane à la fin de la période coloniale, puis dans le mouvement nationaliste anticolonial en pleine évolution, et enfin dans l’Armée de libération nationale (ALN) et son corps de transmissions naissant, en transmettant avec des détails savoureux la saveur particulière de chacun d’eux, tout en racontant le chemin de l’auteur vers la liberté, étape par étape, en transcendant sa condition initiale de Français de seconde zone privé de citoyenneté dans son propre pays. Le récit d’un esprit libre s’il en est, raconté sur un ton extraordinairement engageant, fidèlement rendu par la traduction d’Elaine Mokhtefi, est l’un des meilleurs mémoires de la révolution nationale algérienne – fascinant, émouvant, et un plaisir à lire du début à la fin. »

    Hugh Roberts, professeur Edward Keller d’histoire de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient à l’université Tufts.

    « Cette histoire de passage à l’âge adulte suit la transformation d’un jeune garçon en un homme de conviction et d’un pays colonisé en une nation indépendante. Ni édulcorées ni cyniques, les mémoires de Mokhtar Mokhtefi décrivent habilement la lutte des « Français musulmans » pendant la domination coloniale française et la révolution algérienne, tout en laissant entrevoir les paradoxes et les promesses non tenues de l’indépendance. Cette gracieuse traduction du français offre un accès indispensable aux étudiants anglophones en histoire. Ses mémoires prendront certainement une place centrale parmi les autobiographies et les mémoires de l’époque pour son évocation équilibrée et compatissante des tensions du nationalisme et – tout aussi important – pour son exploration de l’éveil politique d’un jeune homme. »

    -Elise Franklin, professeur adjoint, Université de Louisville

    « J’étais un Français musulman est un récit intensément intime de Mokhtar Mokhtefi sur les huit années qu’il a passées en tant que courrier, opérateur radio et officiel du mouvement d’indépendance algérien [1954-1962]. Il décrit la traversée du désert à pied, les amitiés nouées et les officiers responsables, arrogants et obsédés par le pouvoir. Il y a des querelles majeures et mineures ainsi que des histoires d’amour. C’est l’histoire d’une génération et de sa lutte pour la liberté. Mais Mokhtefi n’hésite pas à faire un bilan sombre de l’avenir. Ce livre, traduit du français par Elaine Mokhtefi, est un récit personnel au jour le jour, moment après moment, qui se dévore d’une traite. »

    -Manfred Kirchheimer, cinéaste

    « J’étais un musulman français est un document extraordinaire – un témoignage vivant et émouvant de la vie coloniale et de la lutte anticoloniale, raconté avec générosité, éloquence et candeur. Les mémoires de Mokhtar Mokhtefi sont une bête rare, un récit puissant et trop humain d’efforts et de déceptions révolutionnaires, dépourvu de romantisme mais plein de grâce. »

    -Ben Ehrenreich, auteur de La voie du printemps et des Carnets du désert.

    « Ce mémoire est une histoire écrite en temps réel, intime et fascinante. Pourtant, Mokhtefi ne perd jamais de vue l’importance historique plus vaste de son engagement personnel et les dimensions plus larges, et les dangers potentiels, de la lutte algérienne pour l’indépendance. Un livre à lire par tout étudiant sérieux de la relation embrouillée entre la France et l’Algérie, passée et présente. »

    -Andrew Hussey, professeur d’histoire culturelle à l’université de Londres,

    et auteur de Speaking East : La vie étrange et enchantée d’Isidore Isou.

    « Soixante ans après que l’Algérie a gagné son indépendance de la France, les individus qui ont constitué l’épine dorsale du mouvement de libération restent, à quelques exceptions près, des acteurs anonymes. La publication des chroniques de guerre de Mokhtar Mokhtefi, J’étais un Français musulman : Mémoires d’un combattant de la liberté algérien, fait sortir l’un de ces acteurs – et son entourage – des coulisses pour le faire entrer sur la scène de l’histoire mondiale. Pour ceux qui ne connaissent pas la guerre d’indépendance algérienne, cette fresque historique à la première personne offre un récit captivant de la vie dans l’Algérie coloniale et un récit poignant de la lutte d’une génération pour l’autodétermination. Les lecteurs experts – en particulier ceux qui sont imprégnés de l’histoire de la bataille d’Alger de Pontecorvo – seront frappés par la version des événements de Mokhtefi, qui évite l’épisode peut-être le plus célèbre de la guerre, préférant exposer le quotidien logistique et politique de la guerre rurale. Si les expériences de Mokhtefi semblent bien éloignées de la guerre urbaine spectaculaire d’un Ali La Pointe, son récit de l’une des plus longues luttes de libération du monde est à la fois plus complexe politiquement et, en fin de compte, plus personnel. »

    -Lia Brozgal, professeur associé, études françaises et francophones, Université de Californie, Los Angeles.

    « L’autobiographie de Mokhtar Mokhtefi occupe une position originale dans le panorama des mémoires de plus en plus abondants des anciens combattants de la guerre menée par le Front de libération nationale (FLN) algérien contre la France entre 1954 et 1962. Pour la liberté de ton, l’irrévérence, la subjectivité assumée, ainsi que pour l’élégance d’un style rapide et précis, l’ouvrage évite tout empressement de narration édifiante ou de théories systématiques ; ce qui en ressort est, en revanche, presque une histoire sociale de l’Algérie à l’époque coloniale. »

    -Andrea Brazzoduro, Marie Sklodowska Curie Global Fellow, Université Ca’ Foscari de Venise et Université d’Oxford

    « Mokhtar Mokhtefi et moi nous sommes rencontrés et sommes devenus amis au cours de la dernière année de sa vie. Nous avons passé des heures à discuter du manuscrit de ses mémoires ; c’était sa raison d’être. Il avait deux objectifs essentiels : le premier était de rappeler aux jeunes d’aujourd’hui que, sous le colonialisme, on n’était jamais un citoyen, mais un « Français musulman », un être sous-humain, traité comme tel. Son second objectif était de montrer comment l’Algérie indépendante, comme d’autres anciennes colonies, est devenue la continuation de la colonisation, sous la forme d’une dictature. Les colonialistes sont partis mais seront remplacés par des Algériens qui, de fait, ont colonisé leurs compatriotes, et ce n’est pas fini. »

    -Amara Lakhous, auteur de Choc des civilisations au-dessus d’un ascenseur de la Piazza Vittorio.

    « En lisant les mémoires de Mokhtar Mokhtefi, j’ai eu le sentiment de découvrir mon héritage algérien. Il représentait la promesse d’une appartenance. Il m’a fait voir combien j’avais peu compris le colonialisme, la guerre, le peuple, sa résilience et son humour. Ce fut une aventure à couper le souffle. À travers lui, j’ai ressenti la peur de la persécution, la colère incommensurable contre le colonialisme, l’odeur salée des rues d’Alger, l’atmosphère électrisante de l’indépendance, les rêves d’un garçon et soldat devenu un esprit libre, et les sons du rire et du ravissement. J’étais un Français musulman est la porte d’entrée vers un monde si lointain aujourd’hui, un monde plein de promesses et de fureur, de vie et de joie, de dignité, de passion et d’utopie.

    Que ses mots résonnent dans nos cœurs et nos vies. »

    -Karim Aïnouz, auteur et réalisateur de cinéma brésilien.

    « Mokhtar Mokhtefi raconte à la première personne une page d’histoire intime qui l’a marqué à vie. Il était un soldat de l’Armée de libération nationale au cœur de l’une des plus héroïques luttes anticoloniales du siècle dernier. Les personnalités qu’il fréquente deviendront les idoles de la révolution, les écoliers réciteront leurs exploits, et leurs noms orneront les avenues de l’Algérie indépendante. Mokhtefi décrit ces hommes et ces femmes dans leur réalité humaine – leur grandeur et leur courage mais aussi leurs envolées égoïstes et les luttes de pouvoir qui naissent au lendemain de l’indépendance. J’étais un Français musulman raconte l’histoire de la bataille, non seulement contre le colonialisme, mais surtout pour la libération. Le personnel et le politique se rejoignent pour retracer l’idéal d’émancipation qui garde son actualité et reste à atteindre, en Algérie et ailleurs. »

    -Walid Bouchakour,

    journaliste algérien, doctorant à l’université de Yale.

    « En racontant son parcours personnel de ‘musulman français’ à ‘combattant de la liberté algérien’, Mokhtar Mokhtefi conduit le lecteur, avec franchise et humour, à travers la transition de l’Algérie de territoire colonial à nation indépendante. Sensible aux complexités de la société coloniale et de la lutte nationaliste, les mémoires de Mokhtefi évitent les récits simplistes pour dresser un portrait richement détaillé et nuancé de l’histoire de l’Algérie, ainsi que des hommes et des femmes qui l’ont façonnée au cours de ces décennies charnières. »

    -Claire Eldridge,

    Professeur associé en histoire moderne, Université de Leeds

    « L’histoire des décolonisés est bien connue. Ils naissent par degrés, ils s’éveillent à l’injustice, ils la combattent, et puis ils meurent, assez tôt ou peut-être plus tard, eux ou leurs convictions. Leur récit est la gloire des morts. Sauf qu’ici, c’est un récit de la vie, raconté à sa gloire. Avant la victoire fige la vie et les palpitations de la vie ».

    -Kamel Daoud,

    auteur de L’enquête Meursault et de Zabor, ou les Psaumes.

    « Les mémoires singulières de Mokhtar Mokhtefi sur la guerre de libération de l’Algérie ont quelque chose pour chaque lecteur – un portrait vivant de l’ascension d’un jeune homme à la conscience politique sous le système colonial français, un récit au coup par coup de l’entraînement militaire et des combats qui intéressera beaucoup les historiens. Conteur doué, Mokhtefi communique un amour contagieux de la patrie, mais il se débarrasse fermement des piécettes du nationalisme officiel en décrivant les luttes intestines, les purges internes et les ambitions politiques dans les rangs nationalistes. I Was a French Muslim a été brillamment traduit du français par la personne la plus proche de l’auteur – sa veuve, Elaine Klein Mokhtefi, elle-même écrivain de talent et vétéran de la révolution algérienne. »

    -Madeleine Dobie,

    Professeur de littérature française et comparée, Université de Columbia

    « L’autobiographie de Mokhtar Mokhtefi occupe une position originale dans le panorama des… mémoires d’anciens combattants de la guerre menée par le Front de libération nationale (FLN) algérien contre la France entre 1954 et 1962… Pour la liberté de ton, l’irrévérence, la subjectivité assumée, ainsi que pour l’élégance d’un style rapide et précis, l’ouvrage est aussi une anomalie. »

    -Journal of North African Studies

    « Fringant et charismatique, Mokhtar Mokhtefi s’est consacré à la libération de son pays, l’Algérie occupée par les Français, pour ensuite devenir un exilé en France, puis aux États-Unis, parce que le gouvernement post-indépendance ne pouvait pas tolérer un homme de son intégrité et de ses principes démocratiques. Au lieu de succomber à l’amertume, à la nostalgie ou à la vanité, sanctuaire de nombreux exilés politiques, il est resté fidèle aux idéaux d’autodétermination et de liberté qui l’avaient conduit dans la lutte de libération. Et à la toute fin de sa vie, il a écrit ces puissants mémoires de ses années révolutionnaires, lyriques dans leur évocation du mouvement d’indépendance algérien, mais profondément conscients des dimensions tragiques de cette histoire. J’étais un musulman français, traduit avec brio par sa veuve, l’écrivain, artiste et militante Elaine Klein Mokhtefi, est plus que la chronique de la vie d’un homme ; c’est l’histoire d’une génération, un bildungsroman de la lutte pour la liberté en Algérie. »

    -Adam Shatz, collaborateur de la London Review of Books.

    J’ÉTAIS UN MUSULMAN FRANÇAIS

    Par Mokhtar Mokhtefi

    Traduit par et avec une introduction d’Elaine Mokhtefi

    Other Press Hardcover | En vente : 21 septembre 2021

    Prix : 26,99 $ | ISBN : 978-1-63542-180-4

    J’étais un musulman français par Mokhtar Mokhtefi Lien source J’étais un musulman français par Mokhtar Mokhtefi

    Illinois News Live, 17 juin 2021

    Etiquettes : Algérie, France, colonisation, Mémoire, Mokhtar Mokhtefi, I was a french muslim, ministère de l’Armement et des Liaisons générales, MALG,

  • Eléments d’histoire sur l’agriculture algérienne (suite et fin)

    Partout l’histoire avance. Elle laisse de lourds héritages, mais les Hommes s’arrêtent, de temps en temps, pour marquer une halte rétrospective, pour se situer par rapport à leur histoire ; par rapport à leur passé glorieux ou lugubre, en vue d’en établir les acquis qui, du reste, constituent les références et les référents pour l’amorce du présent et l’affrontement du futur.

    Les prélèvements fiscaux ruineront, par ailleurs, les possibilités d’expansion des petits propriétaires et des petits jardiniers des banlieues péri-urbaines. Les sociétés paysannes avec un solide attachement au terroir, une mise en valeur intensive de la terre dans le cadre privé (droit melk) et une forte cohésion sociale resteront, comme par le passé, localisées ou cantonnées dans les espaces agricoles dominées par les villes, dans certains massifs montagneux (ou fonds de vallées) et à l’intérieur des zones oasiennes.

    Comme le signalait judicieusement R. Gallissot (32)  » la domination turque […] représente pour l’époque un fait d’extension de la souveraineté générale de l’Empire Ottoman « , et non comme le sera la domination coloniale un fait lié au développement d’un mode de production (le capitalisme). Les régions, commandées par des armées aux effectifs limités et par un corps de dignitaires  » turcs  » impose aux populations plus une pression fiscale qu’un contrôle sur les ressources foncières et forestières. La propriété individuelle est citadine avec la création de  » haouchs « , fermes où sont employés des  » esclaves blancs « , captifs des  » barbaresques « , des renégats ou des khammès indigènes.

    Jusqu’au XIXème siècle, comme le faisait remarquer Marx, l’Algérie aurait ainsi gardé des traces importantes de la forme de la propriété foncière (propriété tribale, collective et indivise) qu’il qualifiera d’archaïque (33). Cela ne signifie pas précise Marx que la propriété algérienne est purement collective. Des formes intermédiaires existent, telles que l’exploitation familiale non titrée ou la propriété individuelle transmissible, y compris dans les régions agro-pastorales. La forme d’organisation sociale restait, sur une immense partie du pays, à dominante tribale avec des ententes et/ou des conflits intra et inter tribus dans l’usage des ressources naturelles et/ou le contrôle de territoires- L’opposition équilibrée des groupes tenait lieu d’institutions et les communautés vivent sur le principe général du « divisez-vous pour ne pas être gouverné » car comme le note J. Berque dans un article de référence,  » ce qui unit une tribu Nord-Africaine, c’est sa volonté d’autonomie vis-à-vis du pouvoir central  » (34).

    A cette époque, les modes de production pré-capitaliste s’ordonnaient autour d’une superstructure politique (Régence Turque),  » façade étatique inconsistante cachant des formations socio-économiques locales et régionales quasi-indépendantes, fortement autarciques « . L’agriculture était organisée dans le cadre du mode de faire-valoir collectifs et féodaux et  » Les systèmes de production étaient fondés sur un équilibre agro-pastoral : production de céréales et utilisation de pacages et de parcours.  » (13)

    Si dans le précapitalisme, époque de la domination de la Régence turque,  » une armée peu nombreuse suffisait à mettre en allégeance  » des tribus, la colonisation française qui intervient en Algérie reste une forme d’extension du capitalisme triomphant en France (35).

    Cette colonisation a eu besoin non seulement de conquérir, c’est-à-dire d’occuper le territoire, mais aussi de défaire et de détruire par nécessité économique les formes de propriété et d’organisation sociale qui préexistaient. Fondée sur l’exploitation du pays et de ses habitants, elle a eu à mobiliser des terres et une main d’œuvre détachée de son groupe social d’appartenance, de sa communauté ou de sa tribu d’origine, main d’œuvre de salariés ou semi-salariés. L’examen du processus de destruction des tribus en Algérie s’est effectué en deux phases complémentaires : une phase de conquête du pays par la guerre, de domination des territoires et de  » compression  » (36) des tribus, d’une part, et d’autre part, une phase d’installation et de rationalisation de la colonisation par des moyens administratifs (organisation communale), économiques (fiscalité, monnaie, crédit) et juridiques (lois foncières).

    « Des systèmes de production et des redevances

    Les principaux systèmes de production en vigueur dans l’Algérie précoloniale, sont fondés sur des formes originales d’adaptation au milieu naturel, tirant parti des spécificités locales tout en valorisant les complémentarités régionales.  » La production agricole, très variable selon les régions et les périodes, se maintient à un niveau global modeste, assurant la subsistance d’une population de 3 à 5 millions d’habitants en année « normale », sans éviter les disettes périodiques. Mais, si aucun processus cumulatif de croissance ou d’intensification agricole ne se met en place, les écosystèmes, en revanche ne subissent guère de dégradation continue  » (37)

    De l’ère précoloniale à la conquête Française, les agriculteurs continuaient à s’adonner à des pratiques culturales rudimentaires. Charles André julien, dans son livre « Histoire de l’Algérie Contemporaine » fait remarquer en abordant, l’économie de la régence que :  » l’outillage et la techniques agricoles demeuraient primitifs, sans que l’autorité se souciât de les améliorer « . Pour s’y rendre compte, André julien fit noter que  » le Fellah avait souvent pour outil unique, une araire ou un soc en bois très dur, renforcé exceptionnellement par un sabot de fer, que traînaient soit deux bœufs soit un bœuf et un âne et qui ne faisait qu’écorcher le sol. Il s’y ajoutait parfois une herse en bois ou plus souvent un fagot d’épines chargées de pierre et une faucille droite. En Kabylie, les paysans forgeaient des socs et des serpes en fer  » (38)

    Dans les pratiques agricoles, les tribus ne cultivaient que les terres nécessaires à leur besoin; l’irrigation rationnelle fut très rare et on procédait souvent au creusement des rigoles, la plupart du temps, mal entretenus qui devenaient tantôt des marais ou de saignées de ravinement.

    Les habitants de la montagne par contre, connaissaient les labours de printemps, la fumure des sols et l’alternance des cultures. L’alternance des cultures et de la jachère constituait une tradition ancestrale dans le pays. A la période de la récolte et en l’absence de mécanisation, la moisson s’opérait à la faucille. L’excédent de la production est stocké dans des silos aménagés sur les hauteurs en lieu sec et soigneusement dissimulés. Ce système d’agriculture extensive est complété par un élevage également extensif, particulièrement l’ovin qui constitue l’essentiel de l’élevage auquel est associé l’élevage caprin et quelques vaches de race locale. Dans le sud, on élève des races camelines, alors que l’élevage équin est disparate dans presque toutes les régions du pays.


    A l’époque et même à l’ère de la colonisation Française et comme de coutume, les paysans procédaient souvent à la fin de la période estivale, à la pratique de l’écobuage et l’incération des broussailles et des friches à partir desquelles on obtient des cendres que l’on utilise pour amender le sol, était une pratique courante. Les producteurs sont par ailleurs, soumis à diverses ponctions sous formes de redevances, tributs ou impôts (notamment sous l’administration turque), mais celles-ci prennent rarement des proportions démesurées et revêtent généralement un caractère collectif et non individuel. Quant à l’appropriation inégale des moyens de production, elle conduit certes au développement des inégalités sociales et à diverses formes d’exploitation, mais la force des liens communautaires permet d’épargner aux catégories défavorisées, la précarité totale. Cependant, il y’a lieu de noter qu’en Algérie, fit remarquer Omar Bessaoud  » l’immense héritage historique associé aux conditions climatiques, les modes d’organisation et d’appropriation des espaces par les communautés paysannes d’une part, et les difficultés d’émergence d’un Etat central, corrélativement avec l’instabilité sociétale et les diverses colonisations agraires qu’a vécues le pays, le long de son processus historique d’autre part, semblent faire obstacle, à travers les âges, à la constitution et à l’instauration d’une paysannerie algérienne pleinement attachée à la terre  » .(39)

    L’appropriation collective des terres, l’exploitation extensive du sol et les modes de vie pastoraux et semi pastoraux ont eu, semble-t-il, jusqu’à la fin du 19ème siècle, le primat en Algérie. Avant la colonisation Française, les propriétés paysannes ne se sont développées qu’en périphérie des villes ou cités qui constituaient jadis, le siège des Etats des dynasties d’alors, installées en Algérie dans certains massifs montagneux ou dans les oasis.

    Ce sont essentiellement dans ces régions qu’a évolué une paysannerie, plus ou moins, enracinée au sol, usant des méthodes et de pratiques souvent intensives d’exploitation des ressources en terres et en eau que l’avènement de la colonisation opèrera la rupture la plus radicale dans l’utilisation complémentaire des espaces agricoles et de leurs ressources, mais qui a de surcroit, totalement bouleversé la situation de cohésion sociale qui prévalait avant la colonisation de telle sorte que l’assise paysanne en Algérie a été complètement ruinée donnant lieu à des communautés rurales amplement paupérisées.

    Plus tard, la colonisation de l’Algérie à partir de 1830  » a complètement transformé la société précapitaliste qui existait jusque-là. Outre la quasi-disparition de l’économie urbaine traditionnelle par la conquête des grandes villes et l’afflux de produits industriels européens, ce fut surtout la confiscation des terres et le démembrement de la propriété collective des tribus qui minèrent la paysannerie algérienne  » (40)

    L’agriculture va être, d’une part amputée d’une grande partie de son support foncier par suite de la spoliation par les colons des terres agricoles les plus productives, d’autre part, elle va être intégrée aux rapports marchands à travers la vente des produits, du salariat, de l’usure, de l’impôt. Dans cette mesure, les structures économiques et politiques seront totalement bouleversées.
    M. KH.

    Le Maghreb, 10 juin 2021

    Etiquettes : Algérie, agriculture, colonisation,

  • L’Algérie, la France et les lobbies

    Il se dit que la sphère médiatico-politique algéroise règle sa montre sur Paris. Un petit coup de froid en France et on entend l’éternuement à Alger. Cela est peut être vrai, mais l’inverse l’est également. Et pour cause, à l’approche de chaque rendez-vous électoral en Algérie, les milieux médiatico-politique parisiens frémissent. Eux aussi règlent leur montre sur Alger. Les articles publiés récemment dans des journaux de référence sont la preuve de l’intérêt souvent pas très objectif qu’ont ces milieux avec l’Algérie. Et pour cause, les plumes derrière lesquels se cachent des appétits politiques que le président de la République a identifié, dans son dernier entretien avec El Jazeera de lobbies anti-Algérie, se sont ligués pour dire tout le mal qu’ils pensaient de l’Etat algérien. Ils pointent «une dérive autoritaire» à la veille de chaque élection.

    Les récentes sorties participent de cette volonté de noircir le tableau pour empêcher l’opinion française de voir l’Algérie telle qu’elle est réellement. C’est à dire une République qui s’assume et qui avance dans l’enracinement de la démocratie avec ses moyens et ses citoyens, sans aucune ingérence étrangère. Cela ne plait évidemment pas aux lobbyistes français qui s’acharnent sur l’Algérie, avec l’espoir de détruire ce qui se construit en dehors de leur zone d’influence.

    En fait, ces campagnes médiatiques qui semblent avoir été montées pour soutenir un courrant politique acquis à la politique française en Algérie, est l’expression d’une panique qui annonce un échec certain du dernier épisode en date des nombreuses tentatives initié par les lobbies anti-algérien. Il reste que cette acharnement ne doit pas être une fatalité pour nous autres Algériens, pour la simple raison que les haineux sont très minoritaires dans la société française. Aussi, une réaction des opinions publiques s’impose et doit être forte. Algériens et Français peuvent écrire une nouvelle page d’histoire.

    Les politiques des deux pays doivent trouver les mots justes pour avancer l’un vers l’autre, sous l’impulsion des deux peuples. En d’autres termes, il est très possible de réaliser un «petit miracle» historique au nez et à la barbe des partisans de la haine et de la division. En tout état de cause, tous les acteurs sincères de la scène agléro-française veulent en finir une bonne fois pour toute avec les manipulations stériles et dégager l’horizon politique, social et économique pour instaurer un nouveau modèle de partenariat, peut être pas parfait, mais qui lancerait les bases d’un avenir commun beaucoup moins conflictuel que le passé et le présent.
    Par Nabil G.

    Ouest Tribune, 10 juin 2021

    Etiquettes : Algérie, France, Mémoire, lobbies, colonisation,

  • Algérie-France : Un petit geste pour mettre fin à une crise de 6 décennies

    Les deux pays ont annoncé leur intention de « clore le premier dossier de la Mémoire »

    Selon le site Alain News, une première étape à franchir pour résoudre le conflit entre Paris et Alger est de rendre 13 crânes numérotés et restes des martyrs de la résistance populaire et de la guerre de libération contre l’occupation française de 1830 à 1962.

    D’après des déclarations faites aux médias par Rachid Belhadj, chef du comité algérien en charge du dossier, a expliqué que « l’étape de récupération des crânes en France se déroule bien, mais ce n’est pas une chose facile ».

    Et il s’attendait à ce que ce dossier épineux soit bouclé avant juillet prochain, pour qu’il s’agisse d’une « percée sans précédent dans l’impasse qui a marqué les relations du colonisateur d’hier avec son ancienne colonie pendant 6 décennies complètes », selon les observateurs.

    Etiquettes : Algérie, France, mémoire, colonisation, crimes coloniaux, crimes de guerre, crânes de martyrs,

  • De l’Algérie au Rwanda, la « politique de reconnaissance » d’Emmanuel Macron

    En reconnaissant les responsabilités de la France dans le génocide au Rwanda, le président français a souhaité tourner la page de 27 ans de tensions diplomatiques. Une visite qui s’inscrit dans une démarche visant à confronter le passé, « sans repentance ni déni ». Décryptage. 

    « Je viens reconnaître nos responsabilités ». Jeudi 27 mai, dans la capitale rwandaise, le président Emmanuel Macron prononce un discours historique, reconnaissant officiellement pour la première fois le rôle de la France dans le génocide de 1994, qui a fait quelque 800 000 morts, essentiellement issus de la minorité tutsi. 

    Cette visite officielle, visant à tourner la page des tensions persistantes entre la France et le Rwanda autour de ce chapitre tragique de l’histoire, s’inscrit dans une politique plus large du président de la République, mise en place dès le début du quinquennat, pour « regarder l’histoire en face ». Un exercice périlleux qui suscite tout à la fois de l’admiration et de vives critiques. 

    Travail de longue haleine 

    Si le discours d’Emmanuel Macron a été accueilli très favorablement au Rwanda, la nature de son propos aura suscité peu de surprise. Depuis plusieurs années, le président français travaille d’arrache-pied au rétablissement des relations entre les deux pays. Le 24 mai 2018, il reçoit Paul Kagamé à Paris et promet qu’un travail sera mené sur les archives françaises liées au génocide au Rwanda. Un an plus tard, il concrétise sa promesse avec la mise en place de la commission Duclert qui conclut, dans son rapport remis au président le 6 mars, à de lourdes responsabilités du pouvoir français, tout en excluant la notion de complicité. Le président rwandais salue alors un “grand pas en avant”. Entre temps, la France décrète une journée de commémoration du génocide des Tutsis, le 7 mai. Enfin, en avril, Emmanuel Macron permet la déclassification d’archives françaises sur le génocide.

    Pour Jean Claude Félix-Tchicaya, chercheur à l’Institut de Prospective et Sécurité en Europe (IPSE), en reconnaissant aujourd’hui le rôle de la France, le président français achève un tournant historique : “Avec ce discours Emmanuel Macron se place en homme du 21e siècle (…) Il fait faire un bond à la France, à l’Afrique et au Rwanda”. 

    Approche “volontariste” 

    Cette politique de reconnaissance, Emmanuel Macron la mène sur de nombreux fronts. En visite à Ouagadougou, le 28 novembre 2017, le président s’engage à restituer le patrimoine africain dérobé pendant la conquête coloniale. En 2020, la France officialise la restitution de 26 œuvres au Bénin ainsi que d’un sabre historique au Sénégal. 

    Autre axe majeur de cette politique, la colonisation. En 2017, alors qu’il n’est que candidat, Emmanuel macron, en visite en Algérie, qualifie la colonisation de “crime contre l’humanité”. “Ça fait partie de ce passé que nous devons regarder en face en présentant aussi nos excuses à l’égard de celles et ceux vers lesquels nous avons commis ces gestes”, affirmait-t-il alors. Des excuses qui ne seront finalement pas prononcées, l’Élysée y préférant des “actes symboliques”, selon les conclusions du rapport sur la mémoire de la colonisation et de la guerre d’Algérie demandé par Emmanuel Macron à l’historien Benjamin Stora. « L’excuse n’est pas la question centrale, ce qui compte ce sont les actes concrets, comme la reconnaissance officielle des crimes ou la déclassification d’archives” juge ce dernier, contacté par France 24. 

    “D’autres présidents comme Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy ou bien François Hollande se sont bien sur exprimés sur la colonisation, mais Emmanuel Macron a multiplié les actions, poursuit l’historien. Il a reconnu la responsabilité de la France dans la disparition de Maurice Audin, il a reconnu l’assassinat de l’avocat Ali Boumendjel et même fait déposer une gerbe au nom de la France à Sétif, à l’occasion des commémorations des massacres du 8 mai 1945. Même s’il reste beaucoup à faire, il faut reconnaître qu’aucun président français n’avait fait cela avant lui. Ses actions montrent qu’il n’est pas prisonnier de cette époque et avance de manière volontariste.” 

    Polémique “racialiste” 

    Si elle est jugée courageuse par certains, la politique de reconnaissance d’Emmanuel Macron est loin de faire l’unanimité. Le 18 avril, lors d’un entretien à la chaîne américaine CBS, le président aborde la question du racisme qui “cause beaucoup de tensions” en France et souligne l’importance d’un “dialogue apaisé et ouvert pour en comprendre les causes et d’une certaine manière déconstruire notre propre histoire”. Une déclaration qui suscite alors de vives réactions, comme celle de Xavier Bertrand, des Républicains, qui dénonce une vision “injuste au regard de ce qu’est la France” et qui va à l’encontre de “l’unité nationale”. 

    À droite, certains détracteurs du président l’accusent de prêter le flanc à de la repentance excessive et de céder à un courant “racialiste”. Un débat stérile selon Benjamin Stora : “c’est un piège politique tendu par l’extrême droite. La question du racisme est bien sur importante, mais il s’agit avant tout de regarder le passé en face. Emmanuel Macron veut s’inscrire dans la lignée du général De Gaulle qui considérait que la décolonisation est la grandeur de la France. Ce qu’il cherche c’est la reconquête du prestige international” analyse l’auteur de « France-Algérie, les passions douloureuses. »

    Engagement insuffisant ? 

    Attaquées par une partie de la droite, les actions d’Emmanuel Macron sont également jugées insuffisantes par certains à gauche. Son absence de discours le 10 mai, lors de la Journée nationale des mémoires de la traite, a ainsi suscité l’agacement de Christiane Taubira, ancienne garde des Sceaux et initiatrice de la loi reconnaissant l’esclavage comme crime contre l’humanité. “Il est quand même édifiant de constater que le président de la République n’a rien trouvé à dire sur plus de deux siècles de l’Histoire de la France, alors qu’il y a cinq jours il faisait des gammes sur Napoléon Bonaparte”, déclarait-elle alors.

    Enfin la question des excuses et des réparations continue de faire débat. Le 8 mai, alors que l’Algérie commémorait sa première “Journée nationale de la Mémoire”, le gouvernement a fait savoir qu’il était toujours en attente de “la repentance” de la France et “d’indemnisations équitables”. Interrogé, lors de sa visite à Kigali, sur d’éventuelles excuses à l’égard du Rwanda, le président français a jugé que le terme n’était “pas approprié », préférant “donner” la reconnaissance de la responsabilité de la France. Le président rwandais, Paul Kagame, a, pour sa part, salué un discours d’ »immense courage » qui a « plus de valeur que des excuses ». 

    France24, 27 mai 2021

    Etiquettes : France, Afrique, colonisation, Algérie, Rwanda, génocide, reconnaissance, responsabilité, Mémoire,

  • France-Afrique : Comment obtenir le pardon ?

    par Abdelkrim Zerzouri

    Donnant une nouvelle orientation à son histoire commune avec des pays africains anciennement colonisés, avec une dimension philosophique de ce passé qu’on ne peut effacer, la France continue son bonhomme de chemin sur la voie de la « reconnaissance de sa responsabilité » dans les crimes perpétrés contre les populations locales.

    Il est clair que cette nouvelle orientation a été initiée depuis l’accession au pouvoir du président français Emmanuel Macron. C’est lui qui a fait bouger des lignes figées dans le temps dans les relations de la France avec le Rwanda et l’Algérie, en attendant plus encore, peut-être.

    Mais en faveur de qui ou de quoi tous ces concerts historico-diplomatiques ? Après « les actes symboliques » engagés face aux crimes commis en Algérie durant la colonisation, qui s’illustrent à travers la reconnaissance officielle d’assassinats impliquant les autorités coloniales, dont l’exécution de Maurice Audin et l’assassinat de l’avocat Ali Boumendjel, en sus de la restitution de crânes des chouhada algériens, en attendant d’autres pas dans ce sens, la France porte un nouveau regard sur le génocide commis au Rwanda en 1994 et qui a fait 800.000 morts parmi la minorité tutsi. Là également, dans le même couloir emprunté face à l’histoire commune entre l’Algérie et la France, le président Macron a confié le travail d’investigation historique à une commission qui lui a remis ses conclusions sur les lourdes responsabilités du pouvoir français dans ce génocide, tout en excluant toute notion de complicité ou d’autres considérations qui entraîneraient fatalement des dispositions pénales contre les coupables du génocide et les indemnisations des victimes qui en découleraient. Le tout, sans présenter, donc, les excuses officielles de la France, à propos desquels le président Marcon dira récemment, lors d’une visite à Kigali, que le terme d’excuses n’était « pas approprié », préférant « donner » la reconnaissance de la responsabilité de la France.

    Comme ce fut le cas dans la gestion du dossier mémoriel relatif à la colonisation de l’Algérie, où le rapport remis au président de la République juge que « l’excuse n’est pas la question centrale, ce qui compte ce sont les actes concrets, comme la reconnaissance officielle des crimes ou la déclassification d’archives », selon les propos de l’historien Benjamin Stora, concepteur du rapport lié au dossier.

    Peut-on reconnaître la responsabilité de la France dans le génocide au Rwanda et les crimes commis contre le peuple algérien durant la colonisation sans présenter des excuses aux victimes ou d’Etat à Etat ? Si l’Algérie accompagne la politique des « petits pas » du président français, sans abandonner, par la voix du gouvernement et d’autres voix de la société civile, l’exigence d’excuses officielles de la France, le président rwandais s’en passe, estimant que les propos du président français ont plus de valeurs que des excuses. Un exercice délicat que ce nouveau regard porté par le président français sur l’histoire, qui semble satisfaire toutes les ambitions politiques, la France renouant ses relations bilatérales avec les pays africains, de partenariats surtout, sur de nouvelles bases de franchise, et les autorités des pays concernés gagnant en estime et en popularité sur le plan interne, en attendant de voir ce que sera la réaction des victimes tutsi. Mais, chercher le pardon sans présenter les excuses et sans couvrir le préjudice causé aux victimes, est-ce possible ?

    Le Quotidien d’Oran, 29 mai 2021

    Etiquettes : France, Afrique, crimes coloniaux, Rwanda, Algérie, colonialisme, colonisation, France CFA, FCFA, Françafrique,

  • L’Allemagne s’excuse pour le génocide de l’époque coloniale en Namibie

    L’Allemagne s’est excusée vendredi pour son rôle dans le massacre des tribus Herero et Nama en Namibie, il y a plus d’un siècle, et a officiellement qualifié le massacre de génocide pour la première fois, tout en acceptant de financer des projets d’une valeur de plus d’un milliard d’euros.

    Le président namibien, Hage Geingob, a salué ce geste « historique », mais le chef suprême des Herero, Vekuii Rukoro, a qualifié d’ »insulte » l’accord conclu par les deux gouvernements, qui ne prévoyait pas le versement de réparations.

    À la place, l’Allemagne financera à hauteur de 1,1 milliard d’euros (1,3 milliard de dollars) des projets de reconstruction et de développement en Namibie, qui, selon le ministre allemand des affaires étrangères Heiko Maas, bénéficieront directement aux communautés touchées par le génocide.

    « C’est un chat noir dans le sac au lieu de réparations pour un crime contre l’humanité », a déclaré Rukoro à Reuters.

    « Aucun Africain qui se respecte n’acceptera une telle insulte à notre époque de la part d’une nation européenne dite civilisée. »

    Les soldats allemands ont tué quelque 65 000 Herero et 10 000 Nama lors d’une campagne menée de 1904 à 1908 après une révolte contre les saisies de terres par les colons, dans ce que les historiens et les Nations unies appellent depuis longtemps le premier génocide du XXe siècle.

    Bien que l’Allemagne ait précédemment reconnu sa « responsabilité morale » dans les massacres, elle avait évité de présenter des excuses officielles pour les massacres afin d’éviter les demandes de compensation.

    Dans une déclaration annonçant un accord avec la Namibie après plus de cinq ans de négociations, M. Maas a déclaré que les événements de la période coloniale devaient être nommés « sans les épargner ni les passer sous silence ».

    « Désormais, nous appellerons aussi officiellement ces événements ce qu’ils étaient du point de vue d’aujourd’hui : un génocide », a-t-il ajouté.

    « Compte tenu de la responsabilité historique et morale de l’Allemagne, nous demanderons à la Namibie et aux descendants des victimes de nous pardonner. »

    Les médias namibiens ont rapporté jeudi que les fonds promis par l’Allemagne permettraient de financer des infrastructures, des soins de santé et des programmes de formation sur 30 ans. en savoir plus

    Le président namibien Geingob a salué cette démarche comme un « pas dans la bonne direction », a déclaré son porte-parole à Reuters.

    « Les excuses de l’Allemagne et la reconnaissance de l’existence d’un génocide sont en soi historiques et témoignent de la responsabilité morale de l’Allemagne envers la Namibie et les communautés touchées par le premier génocide du 20e siècle », a déclaré Alfredo Hengari à Reuters.

    DIGNITÉ HUMAINE

    L’Allemagne, qui a perdu tous ses territoires coloniaux après la Première Guerre mondiale, était la troisième plus grande puissance coloniale après la Grande-Bretagne et la France. Cependant, son passé colonial a été ignoré pendant des décennies, tandis que les historiens et les politiciens se concentraient davantage sur l’héritage des crimes nazis, notamment l’Holocauste.

    Sima Luipert, 52 ans, qui s’est identifiée comme appartenant au peuple Nama de Namibie, a déclaré que l’Allemagne n’aurait pas dû adresser ses excuses à l’État namibien, qui n’existait pas à l’époque du génocide et n’avait reçu aucun mandat pour parler à l’Allemagne au nom des autorités traditionnelles.

    « L’Allemagne doit venir vers le peuple Nama, et vers le peuple Herero, et leur demander pardon », a-t-elle déclaré. « C’est à nous de décider si ces excuses sont authentiques ou non.

    « Il ne s’agit pas d’argent, mais de la restauration de la dignité humaine ».

    Reuters, 28 mai 2021

    Etiquettes : Allemagne, Namibie, Herero, Nama, Vekuii Rukoro, réparation, financement de projets de développement, colonisation,

  • Cranes des résistants: réunion algéro-française le 7 juin

    24 cranes restitués en juillet dernier

    Le professeur Rachid Belhadj, chef du comité scientifique en charge du dossier d’identification des cranes des résistants algériens, a indiqué qu’une rencontre entre l’Algérie et la France aura lieu le 7 juin avec au menu la deuxième étape en vue du rapatriement du reste des cranes des résistants algériens.

    Dans une déclaration a la Radio locale de Sétif, Pr Belhadj a dit qu’une rencontre était prévue entre les deux parties le 7 juin prochain avant que ledit dossier ne soit clos définitivement.

    Avouant que la question n’étant point facile, le directeur des activités médicales et paramédicales et chef du service de médecine légale de l’hôpital universitaire Mustafa-Bacha assure quand même que l’opération ayant trait a la restitution des cranes se déroule dans de bonnes conditions.

    «Nous nous efforçons, ajoute-t-il, d’accomplir cette mission historique dans de meilleures conditions tout en respectant les lois et les engagements de chaque pays».

    Cette étape devrait démarrer prochainement, a fait savoir l’interlocuteur qui avait affirmé en juillet dans un entretien a Echorouk que la première étape était menée fin septembre, dont une équipe s’est rendue au Musée de l’Homme de Paris. La rencontre qui a eu lieu avec la partie française s’est soldée par la mise sur pied de la commission mixte algéro-française.

    Echourouk News, 21 mai 2021

    Etiquettes : Algérie, France, Mémoire, crânes, colonisation,

  • Des effets de la colonisation

    Chaabane BENSACI

    Discriminations diverses, racisme profondément ancré dans les institutions comme dans les esprits, contrôles au faciès systématisés malgré les dénonciationsrégulières… Le colonialisme et l’esclavagisme ont eu des effets qui, des décennies après leur disparition, sont, chaque jour, perceptibles pour une catégorie de citoyens des anciennes puissances coloniales, notamment la France. Les traces sont là, évidentes et si des lois ont été votées pour les combattre, elles s’avèrent, la plupart du temps, inefficaces. Car ces traces sont dans les esprits, dans les mentalités et dans les mécanismes institutionnels.

    Les certitudes esclavagistes et colonialistes ont profondément forgé la société des pays européens qui ont participé à la boucherie, voire même celles qui n’ont fait que contempler les massacres. Et ce sont elles qui ont engendré le racisme, devenu ambiant. Les communautés stigmatisées le savent parfaitement, et leur histoire se résume, en général, à une litanie de discriminations et de brimades. Il ne s’agit pas là d’un fantasme. Les cités ghettos dans la plupart des villes, les demandes d’emploi qui n’obtiennent jamais de réponse, les diplômés qui sont poussés àdes emplois basiques, le contrôle au faciès, vingt fois par jour, bref, la marginalisation qui ne s’affiche pas au grand jour mais se pratique à grande échelle, tout cela constitue un climat dont ceux qui souffrent au quotidien se découvrent déshumanisés, poussés dans un coupe-gorge social, tributaires d’un destin par avance écrit.

    Des beaux discours sur la manière qu’il convient de mettre en oeuvre pour «réparer, rectifier, supprimer» tous ces effets pervers du colonialisme et de l’esclavage, il y en a eu et il y en a encore, à en veux-tu, en voilà! Il est faux de dire et, plus encore, de croire que les personnes qui portent ce courant de pensée sont marginales. Pour cela, il suffit de se référer à la montée en puissance des formations politiques imbibées de la nostalgie des «temps bénis des colonies».

    Comme aussi, il faut se rappeler la mobilisation résolue d’un président de la République pour faire voter une loi encensant les «bienfaits de la colonisation», une réponse et une riposte perfide à la tentative d’un prédécesseur de rééditer, avec l’Algérie, le traité d’amitié à l’origine de la réconciliation franco-allemande. Et s’il existe, toujours, un «très gros malaise» en France, sur ces questions, c’est aussi parce que de tels individus sont là, pour dire, tout haut, ce qu’un grand nombre de leurs partisans pensent, tout bas.

    L’Expression, 16 mai 2021

    Etiquettes : France, colonisation, Algérie, racisme, discrimination, marginalisation,

  • France-Algérie : Les petits pas de l’axe Alger-Paris

    Tebboune reçoit un appel téléphonique de Macron

    Les deux présidents expriment une réelle volonté de briser la digue qui empêche les deux sociétés de se rencontrer pour édifier un avenir serein.

    Saïd BOUCETTA

    Abdelmadjid Tebboune a reçu, mardi dernier, en fin d’après-midi, un appel téléphonique de son homologue français, Emmanuel Macron. Un communiqué de la présidence de la République rapporte que les deux hommes ont passé en revue «les relations bilatérales et convenu de mettre à jour la réunion de la Commission ministérielle conjointe de haut niveau». Laquelle rencontre programmée pour le début du mois d’avril dernier a été reportée sine die, jetant le doute sur la solidité des relations entre Alger et Paris. Cet épisode n’a pas entamé pour autant, la volonté des présidents des deux pays à travailler dans le sens d’une réconciliation mémorielle entre les deux pays, en dépit de l’action des lobbies des nostalgiques de l’Algérie française. On retiendra dans le cadre de l’effort réciproque, l’initiative d’Emmanuel Macron qui a personnellement dépêché à Sétif l’ambassadeur de France en Algérie à l’effet de déposer une gerbe de fleurs au nom du président de la République française au pied de la stèle en hommage au premier martyr des massacres du 8 Mai 1945.

    Ce coup de téléphone témoigne donc d’une détermination commune aux deux présidents de ne pas céder aux pressions des nostalgiques et de poursuivre le travail de mémoire entrepris entre Paris et Alger. Lequel devra se poursuivre «dans un esprit d’apaisement», souligne un communiqué de la présidence de la République française. Le président Macron, premier chef d’Etat français à être né après l’indépendance, espère voir cette réconciliation algéro-française se concrétiser «tout particulièrement, entre les jeunesses des deux pays». Cet échange téléphonique, avec en sus, une reprise annoncée des relations institutionnelles et la relance de la coopération entre les deux pays, démontre, si besoin, la foi en l’avenir qu’expriment régulièrement Abdelmadhid Tebboune et Emmanuel Macron. Il est entendu, en effet, que les crises les plus coriaces n’ont pas empêché les deux hommes de renouer les fils du dialogue que des forces occultes ont souvent tenté de rompre.

    Depuis novembre dernier, les communications téléphoniques se font régulières et s’imposent, de fait, comme un élément solide et constant dans le partenariat algéro-français et traduisent un «acte de résistance» contre l’occultation de la vérité historique. D’ailleurs, le chef de l’Etat qui a indiqué dans son message à l’occasion de la Journée de la mémoire, le 8 Mai dernier, que «l’excellence des relations avec la République française ne saurait exister en dehors de l’Histoire et du traitement des dossiers de la Mémoire, qui ne sauraient faire l’objet d’aucune renonciation», sait parfaitement que l’exigence algérienne ne contredit pas la démarche du président Macron sur le dossier de la mémoire.

    C’est dire la volonté d’Alger et de Paris de briser une bonne fois pour toutes la digue qui empêche les deux sociétés de se rencontrer pour édifier un avenir serein, débarrassé des fantômes du passé que les nostalgiques de la colonisation n’ont de cesse d’agiter pour brouiller les visions des uns et des autres et maintenir un statu quo nuisible à la France, à l’Algérie et à toute la région méditerranéenne. À une année du 60e anniversaire de son indépendance, l’Algérie gagnerait à voir en la France une puissance économique et scientifique et non pas un Etat colonial qui n’existe plus. De son côté, la France se portera bien mieux en considérant l’Algérie comme une puissance régionale qui dispose d’une influence certaine en Afrique du Nord et dans le Sahel. Les deux présidents sont déjà dans cette perspective. Et pour cause, lors de l’entretien téléphonique, ils ont procédé à un échange de «vues sur les questions régionales d’intérêt commun dans la région du Sahel, notamment au Tchad, au Niger et au Mali, et ce qui doit être fait pour aider les pays du Sahel à instaurer la stabilité», notent les communiqués émanant des Palais d’El Mouradia et de l’Elysée. On retiendra, notamment dans le communiqué de la Présidence algérienne l’accord des deux chefs d’Etat pour un soutien du processus de règlement en Libye, «notamment en apportant aide et assistance au nouveau gouvernement afin d’organiser des élections dans les meilleures circonstances». Tebboune et Macron sont sur la même longueur d’onde.

    L’Expression, 15 mai 2021

    Etiquettes : France, Algérie, Mémoire, colonisation, partenariat, Alger, Paris,