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  • La francophonie, un dispositif néocolonial

    La francophonie, un dispositif néocolonial

    Tags : Afrique, France, OIF, colonialisme, colonisation, Françafrique, spoliation, ressources naturelles,

    par Khadim Ndiaye*

    Francophonie : quand la France déploie son empire linguistique
    par Khadim Ndiaye
    Extrait de L’empire qui ne veut pas mourir. Une histoire de la Françafrique, (2021), pages 945 à 955.
    Publié par Afrique XXI, le 22 novembre 2022.

    Une histoire coloniale

    « Je veux une francophonie forte, rayonnante, qui illumine, qui conquiert [!], tambourine le président Emmanuel Macron lors de son discours de Ouagadougou, en novembre 2017. [Le] français d’Afrique, des Caraïbes, de Pacifique, ce français au pluriel que vous avez fait vivre, c’est celui-là que je veux voir rayonner, portez-le avec fierté, ne cédez à aucun discours qui voudrait en quelque sorte renfermer le français dans une langue morte ou combattre le français comme une langue trop chargée par un passé qui n’est pas à la hauteur du nôtre ! » Régulièrement brandie dans la bouche des chefs d’État français comme un symbole de fraternité et d’ouverture aux autres, la francophonie est en réalité étroitement associée à l’histoire coloniale.

    Le mot est employé pour la première fois par le géographe français Onésime Reclus à la fin du XIXe siècle. Promoteur de l’aventure coloniale française, dans son ouvrage Lâchons l’Asie, prenons l’Afrique, Reclus formule deux interrogations : « Où renaître ? Et comment durer ? » Les réponses apportées par l’auteur s’inscrivent en droite ligne des théories expansionnistes développées à la même époque par les partisans de la colonisation, au rang desquels figurent l’homme politique Léon Gambetta et l’économiste Paul Leroy-Beaulieu. Reclus annonce le « grand destin » qui attend la France après ses déboires militaires face à la Prusse (1870 -1871). Pour lui, il ne fait aucun doute que la renaissance française doit se faire « à moins de deux cents lieues de nous », en Afrique [1]. Et, l’instrument qui permettra d’y assurer une présence durable n’est autre que la langue.

    Telle la Rome antique au temps de sa splendeur qui « triompha des peuples en subtilisant leur âme », la France doit conquérir les peuples africains par sa langue, théorise le géographe. Il s’agit précisément, écrit-il, d’« assimiler nos Africains, de quelque race qu’ils soient, en un peuple ayant notre langue pour langue commune. Car l’unité du langage entraîne peu à peu l’union des volontés. Nous avons tout simplement à imiter Rome qui sut latiniser, méditerranéiser nos ancêtres, après les avoir domptés par le fer. [2] »

    Si, au départ, Reclus entend décrire la communauté linguistique et géographique des « gens parlant français », le concept de francophonie finit par sous-entendre chez lui une idéologie de domination. La politique coloniale d’assimilation par la langue devient le préalable à l’extension de la présence française hors de l’Europe. Cette volonté de rayonnement par la langue n’est pas un dérivé de l’idéologie coloniale : elle est au cœur de son projet hégémonique. Elle persiste aujourd’hui comme toile de fond de la francophonie moderne, en dépit des dénégations de ses promoteurs.

    La base d’une « indestructible influence »

    Le 7 mars 1817, la première école française est ouverte en Afrique subsaharienne à Saint-Louis du Sénégal avec à sa tête Jean Dard. Partisan de l’instruction des indigènes dans leur langue maternelle et militant de la production de « livres écrits en leurs langages naturels », Dard initie un bilinguisme français-wolof pour faire face à la difficulté de compréhension du français de ses élèves. Une initiative couronnée de succès. Il doit toutefois subir les attaques véhémentes du préfet apostolique du Sénégal, l’abbé Guidicelli, qui l’accuse d’instruire ses élèves dans un « jargon informe » [3] au lieu de la langue française.

    Ses thèses étant en déphasage avec l’idéologie coloniale, Dard est vite évincé tandis que le français est imposé comme langue unique d’enseignement. Dans une lettre du 23 mars 1829 adressée au ministre de la Marine, le gouverneur de la colonie Jean Jubelin donne le ton du « nouvel établissement », qui a désormais pour mission l’instruction et la formation d’une élite éduquée à l’européenne. Il s’agit, écrit-il, d’« amener les habitants indigènes à la connaissance et à l’habitude du français et associer pour eux à l’étude de notre langue celle des notions les plus indispensables. Leur inspirer le goût de nos biens et de nos industries. Enfin, créer chaque année parmi eux une pépinière de jeunes sujets propres à devenir l’élite de leurs concitoyens, à éclairer à leur tour et à propager insensiblement les premiers éléments de civilisation européenne chez les peuples de l’intérieur. [4] »

    Un projet « éducatif » appliqué par les gouverneurs coloniaux qui vont se succéder. Louis Faidherbe, grand idéologue de l’occupation de l’Afrique occidentale, comprend que la « mise en valeur » des colonies de l’AOF passe par l’instruction en français. En créant l’École des otages et en y faisant inscrire les fils de chefs et de notables ramenés de campagnes militaires, il associe au contrôle des corps et des territoires un modelage strict des esprits.

    Dans l’ouvrage qu’il consacre à Faidherbe en 1947, Georges Hardy, inspecteur de l’éducation, précise les intentions de l’ancien gouverneur du Sénégal : « L’école, à ses yeux, n’est pas seulement cette banale officine pédagogique où l’on enseigne le b.a.-ba et les quatre règles sans trop se demander où cela conduit, c’est essentiellement un instrument de formation morale, destiné à faire comprendre les intentions du peuple tuteur, à ouvrir pour l’influence française des voies larges et sûres d’où la contrainte est exclue. » Ainsi peut-on procéder à la « conquête morale » de l’Africain et en faire l’« auxiliaire de l’Européen », indique Hardy.

    Le vecteur qui diffuse le projet de conquête

    Quelques années avant sa mort et alors qu’il n’est plus en poste dans les colonies, Faidherbe voit en 1883 son intérêt pour l’éducation coloniale se raviver lors de la création de l’Alliance française dont il devient un des présidents d’honneur. Il en précise l’objectif – « étendre l’influence de la France en facilitant ses relations sociales et ses rapports commerciaux avec les différents peuples par la propagation de sa langue » – et lui fournit en 1884 une série d’observations et de conseils pour une meilleure diffusion de la langue au sein des masses indigènes africaines. Il préside même une réunion des diverses sections africaines de l’Alliance le 21 novembre 1884, à la grande Chancellerie de la Légion d’honneur à Paris, à laquelle prend part l’explorateur Paul Soleillet, auteur en 1876 d’un ouvrage au titre prometteur : Avenir de la France en Afrique [5].

    La langue devient sous le régime colonial le vecteur qui diffuse le projet de conquête dans l’esprit des indigènes parallèle à celui de la répression des corps. Le lieutenant Paulhiac, membre de la Société de géographie de Paris et auteur de Promenades lointaines : Sahara, Niger, Tombouctou, Touareg, résume bien en 1905 la préoccupation de cette période : « C’est dans notre langue que résidera notre force, comme elle sera, plus tard, la base de notre indestructible influence dans les pays que nous aurons façonnés à notre image. [6] »

    En 1920, la création du Service des œuvres françaises à l’étranger (SOFE) sert aussi cet objectif, mais il faudra attendre les indépendances africaines pour que soient vraiment créées les premières institutions de la Francophonie.

    Contrairement au mythe destiné à les légitimer, la mise en place d’institutions de promotion de la francophonie ne naît pas d’une initiative africaine. Corollaire de la colonisation, elle mûrit dans l’esprit d’officiels français, du général de Gaulle en particulier. « Maintenant que nous avons décolonisé, notre rang dans le monde repose sur notre force de rayonnement, c’est-à-dire avant tout sur notre puissance culturelle. La francophonie prendra un jour le relais de la colonisation ; mais les choses ne sont pas encore mûres », explique le Général à Alain Peyrefitte le 11 septembre 1966. [7]

    « Opération francophonie »

    Obnubilé par le rôle que la France doit jouer dans un monde marqué par la réalité des deux grands blocs de l’Ouest et de l’Est, de Gaulle mesure l’enjeu que les pays francophones représentent pour la France. Dans les années 1960, un débat est lancé sur le concept de « francophonie » [8]. S’agit-il d’un simple patrimoine linguistique commun ? Faut-il rassembler les pays qui utilisent le français dans une organisation commune ? D’abord réticent à l’idée d’institutionnaliser la francophonie, le Général a conscience du potentiel de puissance que la langue peut offrir à la France. C’est ce qu’illustre l’intérêt qu’il porte au Québec, bastion francophone au cœur de l’Amérique.

    Mais, alors qu’il se montre volubile sur la position de la France concernant les francophones du Canada, le Général reste évasif lorsqu’il s’agit des territoires de l’empire colonial français. « La francophonie est une grande idée » selon lui, mais « il ne faut pas que nous soyons demandeurs », précise-t-il en conseil des ministres le 7 mai 1963. Dans son entourage, on s’active donc pour inciter les « amis » africains à prendre l’initiative. « Je suis très favorable à la francophonie, indique le Premier ministre Georges Pompidou à Alain Peyrefitte le 31 août 1967. Je dirais même plus que le Général, qui a peur de provoquer une réaction hostile de la part des pays colonisés. Il répète : “Donner et retenir ne vaut. Il ne faut pas avoir l’air de les recoloniser.” Je n’ai pas ces scrupules. »

    Pompidou lance donc une véritable « opération francophonie » : Matignon se dote d’un « Haut Comité pour la défense et l’expansion de la langue française », dès 1966, et mobilise Léopold Sédar Senghor, ami de jeunesse de Pompidou et grand partisan de la francophonie. C’est en tout cas ce que raconte le diplomate Bernard Dorin, chef du service des Affaires francophones du ministère des Affaires étrangères (1975-1978) et président de l’association Avenir de la langue française (1998-2003), qui précise : « J’ai assez bien connu le président Senghor lorsqu’il était président de la République du Sénégal, car il constituait alors l’une des pièces maîtresses de “l’opération francophonie” lancée parallèlement à tout circuit officiel par quelques jeunes fonctionnaires dont Philippe Rossillon et moi-même. Les deux autres membres du “Triumvirat” étaient […] le président Diori Hamani du Niger et le Président Bourguiba de Tunisie. [9] » Le président Norodom Sihanouk du Cambodge apporte une caution asiatique à l’entreprise.

    Le mythe d’une initiative africaine

    L’idée que les élites colonisées sont à l’origine de la Francophonie en tant qu’institution intergouvernementale va ainsi faire son chemin. La parution en 1962 de l’article de Senghor – « Le français, langue de culture » – dans la revue Esprit est présentée a posteriori comme un événement fondateur. Les défenseurs de la Francophonie « veulent ainsi prouver, observe l’universitaire française Alice Goheneix, que ce sont bien les anciens colonisés, africains et asiatiques – et non l’ancienne métropole – qui décidèrent de faire de la langue française l’objet et le sujet d’une organisation internationale » [10]. L’aspect culturel est volontairement mis en avant. Senghor présente l’ambition linguistique et culturelle mondiale affichée comme un « humanisme intégral qui se tisse autour de la terre » et met en garde ceux qui y verraient « une machine de guerre montée par l’impérialisme français ».

    Sur les fondations posées dans le sillage des indépendances, avec la création en 1960 de la Conférence des ministres de l’Éducation des pays africains et malgache d’expression française (CONFEMEN) et l’installation en 1963 d’un Centre de linguistique appliquée à Dakar, la France consolide l’armature institutionnelle de la francophonie dans la seconde moitié des années 1960, en prenant soin de mettre en avant le « désir » de francophonie de ses alliés africains. En juin 1966 est mis en place un espace politique francophone avec la première conférence à Tananarive des chefs d’État de l’Organisation commune africaine et malgache (Ocam). Le 20 mars 1970, la Conférence de Niamey institue l’Agence de coopération culturelle et technique (ACCT) qui deviendra l’Agence intergouvernementale (1998) puis l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF, en 2006). Le président François Mitterrand crée en 1984 le Haut Conseil de la Francophonie et, en 1999, l’Association des universités partiellement ou entièrement de langue française devient l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF). Consécration de ce processus, un sommet ritualisé biannuel – Conférence des chefs d’État et de gouvernement des pays ayant le français en partage – est organisé à partir de 1986 pour décider des orientations et de la stratégie de l’institution.

    Des institutions comme l’Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF) et l’Association internationale des maires francophones (AIMF) visent désormais à renforcer la solidarité entre institutions parlementaires et mairies de la communauté francophone tandis que l’Institut de la Francophonie pour l’éducation et la formation (IFEF) s’active dans la promotion de l’enseignement en langue française. À côté de ces différentes structures dont la liste est loin d’être exhaustive s’illustrent celles qui sont strictement françaises et qui participent de la stratégie d’influence culturelle de Paris. France Médias Monde réunit ainsi France 24, RFI et Monte Carlo Doualiya (la radio en langue arabe) mais également la filiale Canal France International, une agence de coopération qui, pour le compte du Quai d’Orsay, coordonne l’aide au développement spécifique aux médias. L’Afrique reste évidemment une cible de choix. Elle est « notre respiration », soutient en 2015 [11] la patronne de France Médias Monde, Marie-Christine Saragosse, dont la structure, en partenariat avec CFI, met en œuvre depuis juillet 2020 le projet « Afri’Kibaaru » : une production d’informations en langues locales ciblant les populations de six pays du Grand Sahel, financée par l’Agence française de développement et présentée comme une réponse aux « défis sécuritaires, économiques, sociaux et institutionnels ».

    « Penser français » pour acheter français

    Dès les débuts de la francophonie moderne, la langue est considérée comme un vecteur de débouchés économiques. Lors de son allocution à l’Assemblée nationale française le 23 octobre 1967, Yvon Bourges, secrétaire d’État chargé de la Coopération explique que son « premier objectif […] est de favoriser la pénétration de la langue et de la culture françaises dans les pays d’Afrique et de Madagascar ». Et Bourges poursuit : « Le second objectif que nous proposons est d’ordre économique : le maintien et le développement des intérêts commerciaux et industriels français constituent également une des préoccupations constantes du secrétaire d’État aux Affaires étrangères chargé de la Coopération. Je le dis sans aucune honte, cela n’a d’ailleurs rien d’illégitime ni de sordide. »

    La juxtaposition de ces deux objectifs par le gouvernement n’a rien de surprenant. La langue ouvre la voie aux marchés, comme le maintien d’une présence culturelle forte participe d’un imaginaire collectif favorable à la sauvegarde des intérêts économiques de Paris, en faisant localement « penser français ». Inversement, le maillage économique hexagonal maintient une influence culturelle, et donc politique, française.

    Cette stratégie a été poursuivie au fil des ans. Ainsi, dans le rapport que lui demande le président François Hollande sur les opportunités économiques qu’offre la francophonie avant le sommet de l’OIF à Dakar, en 2014, Jacques Attali fait plusieurs recommandations. Constatant que le français « perd du terrain », l’ancien conseiller de François Mitterrand propose de renforcer son enseignement, de diffuser des contenus culturels et créatifs francophones, de faciliter la mobilité des étudiants, des chercheurs, des entrepreneurs, et d’organiser des réseaux de personnalités d’influence francophones. Car Attali le sait, les exportations françaises vont de pair avec l’utilisation de la langue. Il existe une « corrélation entre la proportion de francophones dans un pays et la part de marché des entreprises françaises dans ce pays », explique-t-il dans ce rapport [12]. La France doit donc selon lui, via un « altruisme rationnel », réaffirmer son rôle d’intermédiaire incontournable dans le commerce avec les pays francophones, notamment vis-à-vis de la Chine : « Parce que c’est en français, affirme Attali dans un entretien à RFI, qu’on peut le mieux commercer, investir en Afrique [13].

    Mais ses propositions vont plus loin : il propose notamment la mise en place de « politiques industrielles francophones » dans des domaines tels que les technologies numériques, la téléphonie mobile, le secteur pharmaceutique ou encore l’industrie minière. En définitive, il s’agit, par le biais de la langue, d’ouvrir des débouchés aux entreprises françaises et de « transformer à terme l’Organisation internationale de la Francophonie en Union économique francophone ».

    Un « bastion » à défendre

    Un sillon également creusé par différents rapports parlementaires français. Le rapport de la mission d’information sur « la stabilité et le développement de l’Afrique francophone » publié en mai 2015 recommande par exemple de faire du français le principal « vecteur d’influence politique, culturelle et économique » et donc, le premier axe de la politique française sur le continent africain. Dans un entretien accordé en août 2015 à Mondafrique, Jean-Christophe Rufin, ex-ambassadeur de France au Sénégal, abonde dans le même sens. Il plaide pour le renforcement des lycées français en Afrique considérés comme le « dernier vrai bastion sur le continent » [14]. Leur destin conditionne, dit-il, « la formation des élites, les futurs liens économiques, le maintien du français comme langue de référence ».

    En 2018, dans un rapport sur « la diplomatie culturelle et d’influence de la France », deux députés écrivent encore que celle-ci « n’est ni un gadget, ni un moyen de compenser notre puissance déchue, c’est un puissant vecteur de notre politique étrangère ». Tout en appelant à « rompre avec un “universalisme conquérant” », ils rappellent que « la compétition mondiale porte aussi sur la capacité à faire partager ses idées, ses œuvres culturelles, sa vision du monde, ses concepts, sa ou ses langues. Que nous le voulions ou non, nous existons, dans le regard de beaucoup de pays du monde, par la culture et par les œuvres de l’esprit et notre influence dépend aussi de notre capacité à répondre à cette curiosité et à cette attente vis-à-vis de la France, et à les entretenir ». L’enjeu est de « créer les conditions d’un rapprochement profond et sur le temps long, de liens quasi émotionnels, d’une intimité qui peut s’avérer décisive en matière diplomatique » car, rappellent-ils, « si le travail de chancellerie permet d’avoir des “alliés”, la diplomatie culturelle permet de se faire des “amis” ». Et l’amitié, ça paie : « Les Français arrivent avec un quatuor de Debussy et repartent avec une centrale nucléaire », comme le dit un des interlocuteurs interrogés par les députés [15].

    Depuis son élection, le président Emmanuel Macron cherche à son tour à investir et à moderniser le soft power linguistique : nomination de Leïla Slimani comme représentante personnelle du président pour la Francophonie (2017), lancement d’une « stratégie pour la langue française et le plurilinguisme » (2018), etc. « Ne le regardez pas [le français] comme une langue que certains voudraient ramener à une histoire traumatique, explique-t-il lors de son discours à l’Université de Ouagadougou en novembre 2017. Elle n’est pas que cela puisqu’elle est la langue de vos poètes, de vos cinéastes, de vos artistes, vous l’avez déjà réacquise, vous vous l’êtes déjà réappropriée ! »

    Les silences coupables de l’OIF

    Macron, qui affiche une vision « ouverte » de la francophonie, inscrit sa défense de la langue française dans une lutte globale pour le « plurilinguisme » : la francophonie, loin de nourrir un dessein hégémonique, ne serait qu’un élément de richesse culturelle. Un argument déjà utilisé par exemple par le très foccartien Jacques Godfrain, ancien ministre de la Coopération devenu président de la Fondation Charles de Gaulle et de l’Association francophone d’Amitié et de Liaison (fédération qui est membre consultatif de l’OIF depuis 2001), dans un colloque au Sénat en 2016 : « J’ai horreur, pour mettre les pieds dans le plat, de l’idée que le français est une langue impérialiste qui voudrait couvrir le monde entier comme d’autres. […] Je suis comme vous pour la pluralité culturelle et linguistique que nous soutenons. »

    Suscitant de la méfiance, l’offensive d’Emmanuel Macron n’a pas manqué de créer un bouillonnement sur la scène intellectuelle francophone. Invité par le président le 13 décembre 2017 à contribuer aux travaux de réflexion autour de la langue française et de la francophonie, l’écrivain Alain Mabanckou décline l’invitation en rappelant que la francophonie est « perçue comme la continuation de la politique étrangère de la France dans ses anciennes colonies ». Pire, « la Francophonie “institutionnelle” […] n’a jamais pointé du doigt en Afrique les régimes autocratiques, les élections truquées, le manque de liberté d’expression, tout cela orchestré par des monarques qui s’expriment et assujettissent leurs populations en français. Ces despotes s’accrochent au pouvoir en bidouillant les Constitutions (rédigées en français) sans pour autant susciter l’indignation [de Paris] », observe l’auteur franco-congolais écœuré du soutien français à [Denis] Sassou Nguesso [16].

    Au premier article de sa charte, l’OIF se fixe pourtant comme objectif d’« aider à l’instauration et au développement de la démocratie, à la prévention, à la gestion et au règlement des conflits, et au soutien à l’État de droit et aux droits de l’Homme ». À ce titre, elle envoie même des observateurs ou des « missions d’information et de contact » lors d’élections dans ses pays membres, sans jamais dénoncer les simulacres en question. Ce laxisme tranche avec l’attitude du Commonwealh qui avait suspendu pour atteinte à la démocratie le Zimbabwe en mars 2002, les îles Fidji en 2009 et proposé en 2013, en réaction aux multiples atteintes aux libertés en Gambie, la création à Banjul de commissions pour les droits humains, les médias et la lutte contre la corruption. Ce qui avait à l’époque suscité l’ire du président gambien et le retrait de son pays de l’institution anglophone.

    Les langues africaines… au service de l’influence française

    La francophonie est également dénoncée au nom de la diversité des cultures. Mabanckou et Achille Mbembe plaident en 2018 pour « l’émergence d’une véritable francophonie des peuples » [17]. Le philosophe Souleymane Bachir Diagne insiste, lui, sur le « pluralisme » et pense que le français ne doit être qu’une langue parmi les autres de l’espace francophone [18].

    Mais cet argument de la diversité, qui fait écho au « plurilinguisme » brandi par le président Macron, n’est pas sans poser quelques problèmes. Les langues africaines restent pour l’essentiel confinées à la périphérie par l’institution francophone qui les emploie pour promouvoir le français. En témoigne le programme « ELAN-Afrique » (École et Langues nationales en Afrique), lancé par l’OIF en 2011 et financé par l’Agence française de développement et le ministère des Affaires étrangères français. À travers ce programme, qui compte en 2021 douze pays africains francophones partenaires, l’OIF cherche à améliorer l’apprentissage du français, mal assimilé, en s’appuyant sur la langue maternelle des élèves. Comme jadis les tirailleurs mis au service d’une armée française défaillante, les langues africaines sont ainsi rabaissées au rang de béquilles pour soutenir la langue de l’ancien colonisateur, dont l’hégémonie à l’école et dans les médias est de plus en plus critiquée.

    Cette situation crée des inégalités car les langues locales servent de faire-valoir et permettent la transition vers le français dont la promotion passe aussi par la formation des enseignants. En effet, à la suite de la publication d’un rapport du Programme d’analyse des systèmes éducatifs (Pasec) de la CONFEMEN en décembre 2020, qui souligne que plus de la moitié des élèves de quinze pays d’Afrique subsaharienne francophone débutent leur scolarité dans le secondaire sans savoir ni écrire ni lire en français, Paris annonce son intention de former en cinq ans plus de 10 000 enseignants pour relever le défi de la qualité de l’enseignement. Lors de l’inauguration le 1er février 2021 du Centre de développement professionnel (CDP) devant accueillir les enseignants à Abidjan, l’ambassadeur de France en Côte d’Ivoire, Jean-Christophe Belliard, parle de « maillon fort de l’enseignement français ». Le discours officiel sur la diversité se traduit ainsi dans les faits par une uniformisation au seul profit du français.

    En marge du sommet de la Francophonie de 2014, une grande voix de la linguistique sénégalaise, Aram Fal, pointait déjà un certain nombre d’insuffisances engendrées par cette promotion du français. Elle dénonçait l’inadaptation de ce vecteur d’enseignement, le complexe d’infériorité engendré par une langue considérée comme un médium de prestige et l’absence des langues nationales dans la sphère officielle. « Aucun pays ne peut se développer lorsque la majorité écrasante de sa population ne comprend pas la langue officielle », relève-t-elle [19]. Ce que résume le linguiste belge Jean-Marie Klinkenberg qui perçoit bien les inégalités inhérentes à cette diversité mal conçue : « La diversité ne réduit pas les inégalités : elle en est le cache-sexe. Elle se contente de les réguler, en adaptant un système fondamentalement inégalitaire à la réalité culturelle du monde globalisé. [20] »

    « Un prolongement de la stratégie coloniale »

    Dans l’univers de la francophonie, le volet linguistique n’est jamais éloigné du volet politique. Aujourd’hui, l’OIF se déploie même sur le terrain militaire avec l’ouverture de l’ère de la « prévention des conflits » rendue possible par la déclaration de Saint-Boniface de mai 2006, laquelle confère à l’institution des « objectifs stratégiques » portant sur la « consolidation de la démocratie, des droits de l’Homme et de l’État de droit, ainsi que sur la prévention des conflits et l’accompagnement des processus de sortie de crises, de transition démocratique et de consolidation de la paix ». Une volonté réaffirmée tour à tour lors des sommets de la Francophonie de 2008 à 2018 et concrétisée entre autres par la création en 2014 du Réseau d’expertise et de formation francophone pour les opérations de paix (Reffop).

    Présentée comme un outil destiné à « favoriser l’usage de la langue française dans les opérations de paix et d’y renforcer la participation des francophones » [21], cette nouvelle ambition francophone doit servir à « multilatéraliser nos interventions », déclarait en 2008 le député Bernard Cazeneuve, tout en s’inquiétant que les actions françaises « autour et sur la base de l’OIF pour favoriser le développement du maintien de la paix soient perçues par nos partenaires comme une manière, détournée, de revenir à une prédominance française » [22].

    Le détournement de l’institution à des fins de soft power pour la France est pourtant une évidence depuis longtemps, comme le rappellent les organisateurs d’un contre-sommet de la Francophonie à Dakar en 2014, qui reprochent à l’OIF, dans une lettre ouverte, d’être « une supercherie et par-dessus tout, un prolongement de la stratégie coloniale destinée à l’exploitation de nos matières premières, la formation d’une élite politique aux ordres de l’Élysée et l’abrutissement de nos peuples ».

    Un « pacte renégocié » de la Françafrique »

    Loin de rompre avec ses prédécesseurs, Emmanuel Macron utilise même l’institution au bénéfice de sa politique de rapprochement avec Kigali, en œuvrant activement à l’élection de Louise Mushikiwabo, ministre rwandaise des Affaires étrangères et de la Coopération comme secrétaire générale de l’OIF. L’élargissement de l’institution à des pays où le français est peu pratiqué, les missions d’observation de processus électoraux, font également de la Francophonie un outil stratégique dont les desseins au niveau international ne peuvent être dissociés de ceux de la France, comme le rappelait si bien Bernard Cazeneuve : « On ne peut pas disjoindre totalement la Francophonie du discours porté par la France au niveau international. »

    Les prétentions à la prévention des conflits, les missions d’observation des élections et la formation en français de soldats de la paix, cachent mal un prolongement de la coopération militaire sur une base multilatérale, une volonté de mainmise politique et la promotion des technologies de défense françaises. La francophonie militaire est en effet créatrice de débouchés, comme le remarque Brice Poulot, spécialiste de l’enseignement du français comme langue militaire : « Il existe un lien réel entre la francophilie d’une armée étrangère (ou du moins de son état-major) et la provenance de son matériel de défense. [23] »

    Cette évolution vers la stratégie de puissance est dénoncée par la philosophe Hourya Bentouhami qui pointe en 2018 dans une tribune le « pacte renégocié » d’une « Françafrique qui rêve de se doter d’un “soft power” capable de faire passer derrière l’usage circonstanciel d’une langue commune les accords économiques de libéralisation des marchés africains ». Une stratégie d’influence que le président Emmanuel Macron déploie en mai 2021 à Kigali à l’occasion de sa visite de rapprochement avec le chef de l’État anglophone Paul Kagame, chantre du néolibéralisme en Afrique, au côté duquel il n’hésite pas à célébrer une « francophonie de reconquête, ouverte, modernisée ».

    *Khadim Ndiaye est historien (UdeS, Québec), diplômé en philosophie. Ses principaux champs de recherche portent sur l’histoire de la colonisation, la problématique culturelle en Afrique, l’histoire des Afro-Américains et le panafricanisme.

    Histoire coloniale et post-coloniale, 17 jan 2023

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  • Les racines coloniales de l’Union européenne

    Tags : UE, colonialisme, colonisation, Françafrique, Algérie, Guerre d’Algérie,

    L’un des objectifs majeurs de l’intégration européenne réalisée dans les années 1950 était la préservation des colonies africaines de l’Europe. C’est ce que démontrent les historiens suédois Peo Hansen et Stefan Jonsson dans Eurafrique. Aux origines coloniales de l’Union européenne, publié en suédois en 2014 et récemment traduit en français et publié par les éditions La Découverte. Une lecture essentielle selon François Gèze, dont nous publions ci-dessous la recension, pour décrypter l’actualité politique internationale de l’Union européenne et en particulier ses dérives anti-migratoires.

    Eurafrique : un livre-révélation sur les racines coloniales de l’Union européenne
    par François Gèze

    Il n’est pas fréquent qu’un livre, aussi sérieux que documenté, constitue en lui-même un « scoop ». Tel est le cas pourtant du livre Eurafrique, écrit par les historiens suédois Peo Hansen et Stefan Jonsson et initialement publié en 2014, dont une traduction française actualisée vient de paraître à La Découverte. Sous-titré « Aux origines coloniales de l’Union européenne », il révèle en effet qu’un fondement essentiel du processus d’intégration européenne, institutionnalisé en mars 1957 par le traité de Rome créant la Communauté économique européenne (CEE), a été la volonté de ses États fondateurs de perpétuer sous une forme renouvelée le contrôle de leurs possessions coloniales, principalement africaines. Les auteurs rappellent ainsi la « une » du Monde du 21 février 1957, bien oubliée, qui titrait « Première étape vers l’Eurafrique » un article annonçant le succès des négociations préliminaires au traité de Rome entre les six dirigeants européens.

    Certes, le singulier projet d’Eurafrique a déjà été évoqué et partiellement documenté dans divers ouvrages académiques, toutefois spécialisés et toujours incomplets. Plus récemment, un ouvrage de référence destiné à un public large, Un empire qui ne veut pas finir, a en revanche pour la première fois explicité le rôle majeur de ce projet néocolonial dans la mise en place de ce qui deviendra la « Françafrique » [1]. Mais force est d’admettre avec les auteurs suédois que la puissance du « récit fondateur [des] origines pures de l’Union européenne » a fait depuis « fonction de mythe » (p. 34 et p. 335), mythe qui a totalement éradiqué dans l’histoire officielle de la naissance de l’UE la place pourtant centrale assignée à « l’Eurafrique à édifier » par les décideurs français de l’époque (Guy Mollet, mars 1957 ; p. 309).

    Un impératif à leurs yeux d’autant plus aigu qu’ils étaient alors engagés dans deux guerres coloniales d’envergure, l’une secrète au Cameroun, l’autre ouverte en Algérie (il est significatif que la signature du traité de Rome coïncide avec la phase la plus brûlante de la fameuse « bataille d’Alger » déclenchée trois mois plus tôt par les parachutistes des forces spéciales). Pour autant, l’intrication des objectifs d’intégration européenne et de construction eurafricaine n’a rien d’un concours de circonstance : cette élaboration est le fruit de réflexions politiques développées de longue date. Et c’est d’ailleurs là un apport historiographique majeur de l’ouvrage des historiens suédois, qui documentent dans la longue durée la gestation du concept d’Eurafrique.

    Ils montrent ainsi comment il a été initialement pensé par le mouvement pour une Union paneuropéenne lancé en 1923 par l’historien et homme politique d’origine austro-hongroise Richard Coudenhove-Kalergi. Pour ce dernier et l’économiste de l’organisation Otto Deutsch, le salut économique et géopolitique de l’Europe, face aux États-Unis et à l’Union soviétique, passait par la constitution d’une « zone économique paneuropéenne » adossée à un « effort colonial commun en Afrique […] afin de tirer le meilleur profit de ses ressources » (p. 68). Ce projet « ne tarde pas à recueillir le soutien intellectuel et politique des esprits les plus influents de cette génération » (p. 66), comme le détaillent les auteurs. Il sera toutefois balayé par la Seconde Guerre mondiale, mais dès l’après-guerre, il resurgit comme « courant néo-impérial eurafricain » face à l’affirmation de l’« impérialisme “anticolonial” des nouvelles superpuissances » et aux « mouvements anti-impérialistes issus de ce qu’on commence à appeler le “tiers monde” » (p. 117).

    Dès lors, on lira avec grand intérêt le récit des années 1945-1954, période riche de rebondissements et de tensions, qui voient les États européens (et les forces politiques qui les traversent) s’affronter autour du projet d’Eurafrique et d’intégration européenne. La période est notamment marquée par la déclaration du 9 mai 1950 de Robert Schuman, ministre français des Affaires étrangères, « annonçant la démarche conjointe de la France et de l’Allemagne pour réguler de concert l’extraction et la production de charbon d’acier » (p. 177). Laquelle se concrétisera, en avril 1951, par la création de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA), ancêtre direct de la CEE et inspirée des idées de Coudenhove-Kalergi – pour certains auteurs, « l’accord franco-allemand sur le charbon et l’acier n’est que le premier pas d’un processus conduisant à l’exploitation conjointe des ressources africaines » (p. 182). Les auteurs exhument maints documents méconnus ou oubliés, dont l’un des plus révélateurs est le livre de l’écrivain nationaliste et ancien agent du contre-espionnage Pierre Nord, L’Eurafrique, notre dernière chance (Fayard, 1955).

    Surtout, ils expliquent longuement à quel point, pour les dirigeants de la IVe République, toutes les négociations relatives à l’intégration européenne sont indissociables du maintien de la domination coloniale française en Afrique (et en priorité en Algérie) : « L’accord de Paris entre les chefs d’État européens les 19 et 20 février [1957] marque réellement le moment décisif de l’accord colonial de la CEE. Mais […] l’accord de Paris donne aussi naissance à la CEE en tant que telle. De fait, sans accord colonial, il n’y aurait pas d’accord sur l’intégration européenne, et vice versa » (p. 306). Et en effet, c’est en janvier 1957, « au plus fort des négociations sur le projet de CEE » et alors même que d’importants gisements pétroliers viennent d’être découverts dans le Sahara algérien, que la France promulgue la loi créant une « Organisation commune des régions sahariennes » (OCRS), regroupant les territoires du Sud algérien et du nord de l’AOF et l’AEF. Son objectif affiché : « La mise en valeur, l’expansion économique et la promotion sociale des zones sahariennes de la République française. » En 1958, la jeune Ve République reprendra cet objectif à son compte. Et on sait que la volonté farouche du général de Gaulle de garder français le Sahara algérien, pour exploiter ses hydrocarbures grâce à l’OCRS et à la dimension eurafricaine de la nouvelle CEE, l’amènera à prolonger la « guerre d’Algérie » de plusieurs années, alors même qu’il savait inéluctable l’indépendance du pays, survenue en 1962 [2].

    Dès 1960, la majorité des autres colonies africaines de la France était devenues indépendantes et l’OCRS sera liquidée en mai 1963. À partir de cette période, la CEE – devenue Union européenne en 1992 – poursuivra son développement sans que ses « gènes » eurafricains ne soient plus jamais mentionnés. Et pour cause : dans le récit officiel qui allait s’imposer, il était devenu essentiel d’affirmer que la construction européenne était un moyen de tourner définitivement la page de la période coloniale. Alors que c’était précisément l’inverse, comme l’avaient bien compris à l’époque les promoteurs du panafricanisme. Ainsi Frantz Fanon écrivait-il dès 1958 : « La France entend-elle, malgré l’opposition des Africains, donner naissance à cette “Eurafrique” qui doit consacrer le morcellement de l’Afrique en aires d’influences européennes, et pour le seul bien des économies européennes ? » (p. 351). Et le président ghanéen Kwame Nkrumah affirmant en 1961 que le traité de Rome « marque l’avènement du néocolonialisme en Afrique » (p. 352).

    Bien sûr, ces critiques lucides furent ignorées dans les représentations dominantes, ce qui explique la permanence du vieux rêve, qui ressurgit d’ailleurs périodiquement, de façon plus ou moins explicite : dans leur préface à l’édition française, les auteurs soulignent ainsi que la nouvelle Commission européenne entrée en fonction en décembre 2019 « s’engage à faire du partenariat européen avec l’Afrique sa priorité numéro un en matière de politique internationale » (p. 18) ; et que « cette alliance est explicitement présentée comme un moyen d’aider l’Europe à retrouver son lustre d’antan en matière de géopolitique » (p. 20). Et en septembre 2018, The Economist avait déjà titré un article « La renaissance de l’Eurafrique ».

    Face à ces évolutions, accompagnées plus discrètement par un durcissement sans précédent des politiques anti-migratoires de la « Forteresse Europe », on ne peut s’empêcher de s’interroger, comme le fait Étienne Balibar dans sa propre préface à cette traduction, sur la permanence du « racisme systémique dont toute l’idée de l’Eurafrique est comme imprégnée ». L’éclairante enquête historique de Peo Hansen et Stefan Jonsson constitue à cet égard un précieux viatique pour décrypter l’influence des racines profondes de l’Union européenne comme les évolutions récentes de sa politique internationale.

    Peo Hansen et Stefan Jonsson, Eurafrique. Aux origines coloniales de l’Union européenne, traduit de l’anglais par Claire Habart, préface d’Étienne Balibar, La Découverte, mai 2022, 24 €.
    Lire un extrait sur le site de La Découverte

    [1] Thomas Borrel, Amzat Boukari-Yabara, Benoît Collombat et Thomas Deltombe (dir.), L’Empire qui ne veut pas mourir. Une histoire de la Françafrique, Seuil, Paris, 2021 (voir ma recension : François Gèze, « Une somme incontournable sur la construction de la Françafrique », Histoire coloniale et postcoloniale, 28 janvier 2022)

    [2] Voir notamment Hocine Malti, Histoire secrète du pétrole algérien, La Découverte, Paris, 2010.

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    #Afrique #Colonialisme #Union_Européenne #UE #Algérie #Françafrique

  • Protectorat au Maroc, une politique coloniale

    Tags : Maroc, protectorat, colonisation, Sultan Abdelaziz Moulay Abdel Hafid,

    Au début du siècle dernier, le sultan Abdel Aziz voit son pouvoir se restreindre. Sa légitimité est contestée par les secteurs les plus traditionnels de la société marocaine qui le mettent en garde contre les dangers de la pénétration occidentale. – Approuvé le 18 juin 1906 par le sultan Abdel Aziz, l’acte d’Algésiras provoque l’émoi d’une population qui considère celui-ci comme indigne de porter le titre de Prince des Croyants!- Il est accusé par les nationalistes de livrer son pays aux étrangers, Ironie de l’histoire, à la tête de ce courant se trouve son demi-frère Moulay Abdel Hafid qui quelques années plus tard signe le traité de protectorat avec la France! -Quelques jours après la signature du protectorat entérinant la domination française sur le Maroc, des émeutes éclatent, notamment à l’encontre des communautés juives, accusées d’être favorables à la tutelle française.

    En 1912, la France signe avec l’Empire chérifien le traité de Fès qui établit son protectorat au Maroc, régime qui promeut une politique coloniale particulière tout en permettant à ce pays de vivre selon ses traditions. Une conception que le général Lyautey incarne jusqu’au lendemain de la Première Guerre mondiale.

    Le 30 mars 1912 est une date clé de l’histoire du Maroc. Pour la première fois, ce vieil empire dont l’État fut fondé au VIIIe siècle après J.C par la dynastie Idrisside, cède les attributs essentiels de sa souveraineté à une puissance étrangère, la France, qui ne partage ni sa religion, ni ses mœurs. Salué comme une victoire à Paris, cet événement est ressenti comme une humiliation par beaucoup de Marocains qui y voient une forme intolérable d’ingérence. Il faudra tout l’intelligence politique et le tact du général Hubert Lyautey, nommé résident général du Maroc en avril 1912, pour restaurer, non sans soubresaut, ni conflits un climat d’amitié entre la France et le Maroc, qui malgré les aléas et les violences de la décolonisation, perdure encore aujourd’hui. Historiquement, il est incontestable que cette relation de confiance a été facilitée par le caractère original d’un protectorat qui, s’il institue une situation coloniale de fait, en évite les aspects les plus brutaux en permettant à la monarchie marocaine de maintenir sa personnalité. Comme le stipule l’article 1re du traité signé entre le gouvernement français et le sultan du Maroc Maoulay Abdel Hafid : Le gouverneur de la République française et sa Majesté le Sultan sont d’accord pour instituer au Maroc un nouveau régime comportant des réformes administratives, judiciaires, scolaires, économiques, financières et militaires que le Gouvernement Français jugera utile d’introduire sur le territoire marocain.

    Mais l’article précise aussitôt : Ce régime sauvegardera la situation religieuse, le respect et le prestige traditionnel du Sultan, l’exercice de la religion musulmane. L’article II stipule que sa majesté le Sultan admet dès maintenant que le Gouvernement Français procède après avoir prévenu le Maghzen (l’administration marocaine), aux occupations militaires du territoire marocain qu’il jugerait nécessaires au maintien de l’ordre et de la sécurité des transactions commerciales et ce qu’il exerce toute action de police sur terre et dans les eaux marocaines. En outre, et c’est ici que la notion de protectorat prend son sens, l’article III affirme Le Gouvernement de la République prend l’engagement de prêter un constant appui à sa majesté Chérifienne contre tout danger qui menacerait sa personne ou son trône ou qui compromettrait la tranquillité de ses États. En réalité ce protectorat, qui perdure jusqu’en 1956, est l’aboutissement d’une longue évolution qui va faire de ce pays un enjeu entre des puissances européennes qui considèrent leur expansion en Afrique comme légitime.

    L’Angleterre et l’Espagne, tout au long du XIXe siècle, mais aussi la France et l’Allemagne, vont exercer leur influence sur un Maroc tiraillé entre un désir d’ouverture, en particulier à travers les villes côtières ou le commerce avec l’Europe se développe, et à une aspiration à préserver son identité Berbère traditionnelle nourrie d’un islam rigoriste. La signature du protectorat avec la France intervient donc dans la durée. Depuis la conquête de l’Algérie, la France considère que l’Afrique du Nord est sa zone d’influence naturelle. Ainsi, n’hésite-t-elle pas à combattre l’émir Abdel Kader, qui originaire du Maroc, fut le fer de lance de la rébellion contre la colonisation à une époque où les frontières entre les deux pays ne sont pas fixées.

    C’est dans le cadre de cette pacification qui a aussi pour vocation de protéger l’Algérie des prétentions hégémoniques du Maroc que le général Bugeau écrase les troupes marocaines lors de la fameuse bataille de l’Isly en 1844. Initiée sous la monarchie de Juillet, la politique de la France au Maroc se poursuit et même s’intensifie sous la IIIe République, comme l’illustre la conférence de Madrid qui en 1880, voit l’Espagne, la France et l’Angleterre convenir de leurs prérogatives respectives dans cette région. Alors que l’Angleterre concentre ses ambitions sur l’Égypte, la France et l’Espagne, laquelle exerce sa souveraineté sur une partie du Nord marocain, affirment leur volonté de s’implanter dans un pays de plus en plus indépendant économiquement d’une Europe dont il a besoin pour des produits qui, tel le sucre et le café, sont devenus consommation courante. Au début du siècle dernier, le sultan Abdel Aziz voit son pouvoir se restreindre. Sa légitimité est contestée par les secteurs les plus traditionnels de la société marocaine qui le mettent en garde contre les dangers de la pénétration occidentale.

    C’est dans ce contexte tourmenté qu’intervient la célèbre crise de Tanger. Celle-ci éclate le 30 mars 1905 quand Guillaume II envoie sa flotte devant le port et traverse la ville à cheval pour se poser en défenseur de l’intégrité marocaine. Provoquant ainsi la réaction indignée d’une France désireuse d’instaurer son protectorat au Maroc, comme elle l’a fait en Tunisie, avec le traité de Bardo en 1881. Après une forte tension, ou certains voient poindre la menace de guerre, la crise se conclut par le traité d’Algésiras, signé en août 1906, qui promeut les bases d’un protectorat français au Maroc. Il institue la surveillance, par la France et l’Espagne, de la sécurité urbaine des ports marocains, la création d’une banque d’État, dans laquelle les banques françaises détiennent un tiers des fonds, l’établissement à Tanger d’une commission national chargée notamment de la construction des nouveaux ports de Casablanca et de Safi qui vont être financés par des entreprises françaises. En 1908, écrit Michel Abitbol, orientaliste et auteur d’une Histoire du Maroc, qui fait référence, plus de 50% des échanges extérieurs du Maroc s’effectuaient déjà avec la France qui dépassait ainsi pour la première fois l’Angleterre et les autres puissances européennes commerçant avec le royaume chérifien. Approuvé le 18 juin 1906 par le sultan Abdel Aziz, l’acte d’Algésiras provoque l’émoi d’une population qui considère celui-ci comme indigne de porter le titre de Prince des Croyants!

    Il est accusé par les nationalistes de livrer son pays aux étrangers, Ironie de l’histoire, à la tête de ce courant se trouve son demi-frère Moulay Abdel Hafid qui quelques années plus tard signe le traité de protectorat avec la France! Peu de temps avant sa signature, l’Allemagne provoque un incident en envoyant devant le port d’Agadir, en juillet 1911, une canonnière pour exprimer son refus de se voir évincée des affaires marocaines. Après que la crise se soit résorbée et en compensation de son renoncement à exercer son influence sur le Maroc, l’Allemagne obtient un accroissement de son domaine colonial au Congo. Si la France a la voie libre au Maroc, elle n’a pas la partie facile. Quelques jours après la signature du protectorat entérinant la domination française sur le Maroc, des émeutes éclatent, notamment à l’encontre des communautés juives, accusées d’être favorables à la tutelle française. C’est dans un pays en ébullition que Lyautey va devoir gouverner. S’il n’hésite pas à réprimer les fauteurs de troubles, il se met à l’écoute des autorités traditionnelles à commencer par celle du Sultan Moulay Youssef qui comprend que le catholique fervent qu’est Lyautey n’est pas un ennemi de l’islam. « J’ai écarté soigneusement de lui toutes les promiscuités européennes, les automobiles et les dîners en campagne, affirme celui-ci. Je l’ai entouré de vieux marocains rituels. Son tempérament de bon musulman et d’honnête homme a fait le reste, il a restauré la grande prière du vendredi, il a célébré les fêtes de l’Aïd Seghir avec une pompe et un respect des traditions inconnus depuis Moulay Hassan ».

    Tout à coup; il prend une figure de vrai sultan. Mais l’action de Lyautey, résident jusqu’en 1925, n’est pas que symbolique. Elle s’accompagne d’une œuvre considérable, aussi bien sur le plan économique et social que sur celui des infrastructures et des communications, notamment ferroviaires. Mais aussi au niveau du développement de villes, comme Rabat ou Casablanca dont Lyautey met en valeur l’architecture originale. Le Résident général marque ainsi de son œuvre un pays qui, aujourd’hui encore, cultive sa mémoire, comme le montrent les statues et effigies qui lui sont consacrées.

    Source : Chroniques de mémoire, 28 février, 2018

  • Citations de l’Emir Abdelkrim

    Tags : Maroc, Rif, Abdelkrim El Khattabi, protectorat français, colonisation, protectorat espagnol,

    Les citations les plus connues de l’Emir Abdelkrim nous permettent de connaitre l’état d’esprit et les traits de caractère de l’homme qu’il était. N’hésitez pas à compléter les citations que vous connaissez dans les commentaires:

     » LA VOLONTÉ D’ÊTRE LIBRE NE MEURT PAS ET LA DÉTERMINATION DE NOTRE PEUPLE SURVIVRA À LA PUISSANCE DE NOS OPPRESSEURS »  » LE RIF NE COMBAT PAS LES ESPAGNOLS ET NE RESSENT PAS DE HAINE ENVERS LE PEUPLE ESPAGNOL. LE RIF COMBAT CET IMPÉRIALISME ENVAHISSEUR QUI VEUT LUI ÔTER SA LIBERTÉ À FORCE DE SACRIFICES MORAUX ET MATÉRIELS DU NOBLE PEUPLE ESPAGNOL. LES RIFAINS LUTTENT CONTRE L’ESPAGNOL ARMÉ QUI PRÉTEND LUI ENLEVER SES DROITS, ET CEPENDANT GARDE SES PORTES OUVERTES POUR RECEVOIR L’ESPAGNOL SANS ARMES EN TANT QUE TECHNICIEN, COMMERÇANT, INDUSTRIEL, AGRICULTEUR, ET OUVRIER »

    Alors qu’il dénonce l’oppression coloniale et se met à rêver à l’indépendance du Maroc. Abdelkrim parcourt le Rif et sensibilise les populations :

    « NOUS DEVONS SAUVER NOTRE PRESTIGE ET ÉVITER L’ESCLAVAGE À NOTRE PAYS. »

    Lettre écrite par AbdelKrim qu’il a adressée aux chefs d’Etats des grandes puissances Européennes.

    LE RIF EST SOUCIEUX D’ÉTABLIR UN SYSTÈME DE GOUVERNEMENT POUR LUI SEUL, QUI DÉPENDE UNIQUEMENT DE SA PROPRE VOLONTÉ; IL VEUT ÉTABLIR SES PROPRES LOIS ET TRAITÉS COMMERCIAUX AFIN D’ÊTRE LE PROTECTEUR DE SES DROITS SUR LE PLAN INTÉRIEUR ET INTERNATIONAL »

     » VOTRE CIVILISATION EST CELLE DU FER ! VOUS AVEZ DE GROSSES BOMBES, DONC VOUS ÊTES CIVILISÉS. JE N’AI QUE DES CARTOUCHES DE FUSIL, DONC JE SUIS UN SAUVAGE ».

    « IL N’Y A PAS DE RÉUSSITE OU D’ÉCHEC, DE VICTOIRE OU DE DÉFAITE, MAIS QUELQUE CHOSE QUI S’APPELLE LE DEVOIR. J’AI FAIT DE MON MIEUX. ».

    L’Appel d’Abdelkrim :

     » MAROCAINS ! IL NE SUFFIT PLUS AUX IMPÉRIALISTES FRANÇAIS D’OCCUPER VOTRE PAYS , DE COLONISER VOS TERRES ET D’Y AMENER DES ARMÉES POUR VOUS COMBATTRE CHEZ VOUS. IL VOUS ONT RENDUS MISÉRABLES ET ONT EXERCÉ SUR VOUS UNE PRESSION TELLE QUE CERTAINS D’ENTRE VOUS SONT PORTÉS À CROIRE QUE POUR EN FINIR AVEC LEURS SOUFFRANCES ET ÉCHAPPER À LA TYRANNIE, ILS N’ONT D’AUTRES MOYENS QUE DE S’ENRÔLER DANS LES RANGS DES ARMÉES FRANÇAISES. EN RÉALITÉ, ENFANTS DU MAGHREB, C’EST UNE ACTION PROHIBÉE PAR NOTRE JUSTE RELIGION, CONTRAIRE AUX ENSEIGNEMENTS DU PROPHÈTE ( SAWS). EN EFFET, CECI EST CONTRAIRE AUX COMMANDEMENTS DE DIEU ET DE SON PROPHÈTE QUI VOUS INTERDISENT D’ÊTRE LES AIDES DES FRANÇAIS OPPRESSEURS CONTRE LES PEUPLES DU VIETNAM, CE PEUPLE HÉROÏQUE QUI DÉFEND SA LIBERTÉ. SOLDATS MAROCAINS ! SACHEZ QUE L’AIDE QUE VOUS APPORTEZ AUX FORCES DE L’IMPÉRIALISME EN INDOCHINE, EN PLUS DE SON CARACTÈRE CONTRAIRE À LA RELIGION ET À LA MORALE PROLONGE LA PRÉSENCE FRANÇAISE DANS VOS PATRIES. LES FRANÇAIS VOUS DIRONT QUE LES VIETNAMIENS SONT UN PEUPLE D’IDOLÂTRES MAIS QUAND LES FRANÇAIS ONT ILS EU UNE RELIGION ? …VOUS DEVEZ CHERCHER À PASSER DANS LES RANGS DES VIETNAMIENS POUR LES AIDER À VAINCRE LES IMPÉRIALISTES FRANÇAIS CAR LEUR DÉFAITE SERAIT AUSSI UNE VICTOIRE POUR LA CAUSE DE LA LIBERTÉ ET DE L’INDÉPENDANCE DU MAGHREB. »

    « JE NE VEUX PAS ÊTRE PRINCE NI GOUVERNANT, PLUTÔT JE VEUX ÊTRE LIBRE DANS UN PAYS LIBRE ET JE NE SUPPORTE PAS CEUX QUI VEULENT VOLER MA LIBERTÉ OU MA DIGNITÉ ».

    -“LA SEULE CHOSE QUI NOUS IMPORTE AUJOURD’HUI, CE N’EST PAS L’EXISTENCE D’UN SULTAN AU MAROC, MAIS L’INDÉPENDANCE ENTIÈRE, SANS RÉSERVE, DU MALHEUREUX PEUPLE RIFAIN”.

    “JE SUIS DE RACE BERBÈRE ET J’IGNORE À QUEL POINT VOUS NOUS SOUS-ESTIMEZ MAIS J’AFFIRME CEPENDANT QUE LES BERBÈRES SONT DES GENS AVANCÉS, QUI ONT HÉRITÉ DE NOMBREUSES CIVILISATIONS. VOUS IGNOREZ PAR EXEMPLE QU’EN TANT QUE BERBÈRE, JE SUIS D’ORIGINE JUIVE. MES ANCÊTRES SONT ENSUITE DEVENUS CHRÉTIENS, PUIS MUSULMANS. MAINTENANT NOUS PARLONS L’ARABE, LANGUE DU CORAN, NOUS NOUS ENTENDONS EN BERBÈRE, LANGUE DE NOS AÏEUX MAIS NOUS CONVERSONS AUSSI EN FRANÇAIS, LANGUE DE NOTRE PAYS ASSERVI”.

    Rencontre au Caire entre le Roi Mohamed 5 et Abdelkrim (après la révolte de 1958-1959) :

    ABDELKRIM LUI A DEMANDÉ :

     » QU’AVEZ-VOUS FAIT AU RIF ? « 

    LE ROI A RÉPONDU:

     » ON NE SE RÉVOLTE PAS CONTRE SON PROPRE SOUVERAIN. « 

     » QUI EST CE SOUVERAIN ALORS ?  » A DEMANDÉ ABDELKRIM.

     » ILS SE SONT RÉVOLTÉS CONTRE LE ROI. « 

     » NON, ILS SE SONT RÉVOLTÉS CONTRE LA PRÉSENCE ÉTRANGÈRE ! « 

     » JE VOUS PROMETS QUE TOUTES LES FORCES ÉTRANGÈRES QUITTERONT LE PAYS D’ICI TROIS ANS.

    « JE NE NIE PAS D’AVOIR EU RECOURT AU SENTIMENT RELIGIEUX PAR PÉRIODE, POUR AVOIR DU SOUTIENT. MAIS CE QUI EST CERTAIN C’EST QUE L’ISLAM N’À RIEN AVOIR AVEC L’EXTRÉMISME…. ».

    « OUI, DE CADI JE SUIS PASSÉ CHEF DE GUERRE. LA BELLE AFFAIRE! CROIS MOI, C’EST UN MÉTIER FACILE QUE DE COMMANDER DEVANT L’ENNEMI. IL Y SUFFIT DE BON SENS ET DE DÉCISION. »

    « LE SULTAN ACTUEL DU MAROC EST LE MARÉCHAL LYAUTEY. »

    « SI J’AI COMMIS DES ERREURS JE LE REGRETTES, QUI NE REGRETTE PAS SES ERREURS? JE SUIS CONVAINCU QUE SI NOUS EN AVIONS LE TEMPS NOUS SERIONS DEVENUS UNE GRANDE NATION D’HOMME LIBRE.

    NOTRE COMBAT À DONNER AUX RIFAINS UNE FIERTÉ, UN ESPOIR, UNE CONFIANCE EN SOI QU’AUCUNE DÉFAITE NE POURRA EFFACER.

    L’ASPIRATION À LA LIBERTÉ ET LA DÉTERMINATION DE NOTRE PEUPLE DURERA AU DELÀ DE LA PUISSANCE DE NOS OPPRESSEURS.

    JE SUIS VENU TROP TÔT, MAIS J’ÉTAIS CONVAINCU QUE NOS ESPOIRS SE RÉALISERAI UN JOUR, CETTE GUERRE L’ÉTRANGER NOUS L’A IMPOSÉ.

    NOUS AVONS ÉTÉ BATTUS, MAIS VOUS AUSSI ».

    « LE RIF N’ADMET PAS QUE L’ON SOIT MALVEILLANT ENVERS LUI CAR IL A SON AMOUR-PROPRE ET SA FOI. »

     » LA VOLONTÉ D’ÊTRE LIBRE NE MEURT PAS ET LA DÉTERMINATION DE NOTRE PEUPLE SURVIVRA À LA PUISSANCE DE NOS OPPRESSEURS »

     » LE RIF NE COMBAT PAS LES ESPAGNOLS ET NE RESSENT PAS DE HAINE ENVERS LE PEUPLE ESPAGNOL. LE RIF COMBAT CET IMPÉRIALISME ENVAHISSEUR QUI VEUT LUI ÔTER SA LIBERTÉ À FORCE DE SACRIFICES MORAUX ET MATÉRIELS DU NOBLE PEUPLE ESPAGNOL. LES RIFAINS LUTTENT CONTRE L’ESPAGNOL ARMÉ QUI PRÉTEND LUI ENLEVER SES DROITS, ET CEPENDANT GARDE SES PORTES OUVERTES POUR RECEVOIR L’ESPAGNOL SANS ARMES EN TANT QUE TECHNICIEN, COMMERÇANT, INDUSTRIEL, AGRICULTEUR, ET OUVRIER ».

     » RÉFLÉCHIS CALMEMENT ET FRAPPE DUREMENT . »

    « IL N’EXISTE PAS DE COMPROMIS DANS LA REVENDICATION DE LIBERTÉ »

    « LA LIBERTÉ EST UN DROIT COMMUN À TOUT LES HUMAINS ET SON VIOLEUR EST UN CRIMINEL ! »

    “LA SEULE CHOSE QUI NOUS IMPORTE AUJOURD’HUI, CE N’EST PAS L’EXISTENCE D’UN SULTAN AU MAROC, MAIS L’INDÉPENDANCE ENTIÈRE, SANS RÉSERVE, DU MALHEUREUX PEUPLE RIFAIN”. »

    « MES POPULATIONS ÉTAIENT FATIGUÉES ET JE NE ME FAISAIS PLUS D’ILLUSIONS SUR CE QUE JE POUVAIS ATTENDRE DE LEUR FIDÉLITÉ, RACONTERA ABDELKRIM DANS SES MÉMOIRES, JE SAVAIS QUE, DE JOUR EN JOUR, MES GUERRIERS SE BATTRAIENT AVEC MOINS D’ENTRAIN”.

    « J’AI VU MES IDÉES S’ÉVANOUIR L’UNE APRÈS L’AUTRE. COMME DANS BEAUCOUP DE PAYS D’ORIENT, L’ARRIVISME, L’ESPRIT DE CORRUPTION SE SONT INTRODUITS DANS NOTRE CAUSE NATIONALE ».

    En septembre 1954, alors que le protectorat a, un an plus tôt, déposé et exilé à Madagascar le sultan Mohammed V qui incarne désormais les aspirations indépendantistes du royaume, Abdelkrim enfonce encore Allal El Fassi :

    « JE N’AI RIEN À FAIRE AVEC LUI, DÉCLARE-T-IL À DES JOURNALISTES FRANÇAIS, EL FASSI EST UN POLITICIEN QUI MANGE ET DORT BIEN AU CAIRE. IL NE FAIT STRICTEMENT RIEN POUR LE PEUPLE. MOI, AU COURS DE LA GUERRE DU RIF, JE ME BATTAIS CONTRE VOUS EN PREMIÈRE LIGNE AVEC MES HOMMES ».

    « NOUS DEVONS SAUVER NOTRE PRESTIGE ET ÉVITER L’ESCLAVAGE À NOTRE PAYS. »

    « NOUS CONSIDÉRONS QUE NOUS AVONS LE DROIT, COMME TOUTE AUTRE NATION, DE POSSÉDER NOTRE TERRITOIRE, ET NOUS CONSIDÉRONS QUE LE PARTI COLONIAL ESPAGNOL A USURPÉ ET VIOLÉ NOS DROITS, SANS QUE SA PRÉTENTION À FAIRE DE NOTRE GOUVERNEMENT RIFAIN UN PROTECTORAT NE SOIT FONDÉE. […] NOUS VOULONS NOUS GOUVERNER PAR NOUS-MÊMES ET PRÉSERVER ENTIERS NOS DROITS INDISCUTABLES ».

     » MON BUT EST LA RÉFORME ET LE PROGRÈS « 

    « MUSULMANS, Ô MES FRÈRES, ÉCOUTEZ MON CONSEIL, CAR LE SEUL BUT QUE JE POURSUIS DE TOUTES MES FORCES ET AVEC L’AIDE DE DIEU À QUI JE M’EN REMETS POUR LE SUCCÈS, C’EST LA RÉFORME ET LE PROGRÈS ».

    « LEVEZ VOUS, LE TEMPS DE LA GUERRE SAINTE EST ARRIVÉ ! ».

     »NOUS AVONS ANÉANTI LA COLONIALISME DANS LE RIF, LES PEUPLES N’ONT PLUS QU’A L’ENTERRER ET SI IL NE RÉUSSISSENT PAS, IL NE MÉRITE AUCUNE COMPASSION  ».

    « NOUS SOMMES ACCUSÉS D’ÊTRE DES REBELLES, MAIS NOUS COMBATTONS POUR NOTRE PAYS. AUSSI BIEN N’AVEZ-VOUS PAS ÉTÉ VOUS-MÊME LE PREMIER PEUPLE QUI PRIS LES ARMES ET SE PRÉCIPITA POUR LA DÉFENSE DE LA LIBERTÉ DE SON SOL ET DE SON HÉRITAGE ? […]

    NOUS AVONS ENVOYÉ NOTRE FRÈRE ET NOS MINISTRES À PARIS PARCE QUE C’EST LE BERCEAU DE LA LIBERTÉ, LA CAPITALE DE L’ÉGALITÉ ET LA MÈRE DE LA CIVILISATION MODERNE ET PARCE QUE NOUS AVONS ESPÉRÉ QUE LA NOBLE NATION FRANÇAISE, QUI SI SOUVENT A PROTÉGÉ LES FAIBLES ET LES AFFLIGÉS, RECONNAITRAIT LE DROIT DU RIF À VIVRE COMME UNE NATION LIBRE. NOTRE BUT, NOTRE PRINCIPE, NOTRE IDÉAL, C’EST LA PAIX ET L’INDÉPENDANCE ».

    Déclaration reproduite dans le Journal L’Humanité, du 24 Août 1925.

    « JE NE VOIS DANS CETTE EXISTENCE QUE LA LIBERTÉ, EN DEHORS D’ELLE TOUT EST FAUX ET INJUSTE »

    « LE RIF EST SOUCIEUX D’ÉTABLIR UN SYSTÈME DE GOUVERNEMENT POUR LUI SEUL, QUI DÉPENDE UNIQUEMENT DE SA PROPRE VOLONTÉ; IL VEUT ÉTABLIR SES PROPRES LOIS ET TRAITÉS COMMERCIAUX AFIN D’ÊTRE LE PROTECTEUR DE SES DROITS SUR LE PLAN INTÉRIEUR ET INTERNATIONAL »

    “NOUS AURIONS PU LIBÉRER L’ALGÉRIE, LA TUNISIE ET LE MAROC DEPUIS LE JOUR OÙ ÉCLATA LA GUERRE DU RIF”

    Juillet 1950 au quotidien égyptien Al Mokkatan

    “L’OCCUPATION DU MAGHREB PAR LA FRANCE EST L’UN DES PRINCIPAUX FACTEURS DE PROPAGATION DU COMMUNISME DANS NOTRE PAYS”

    “UN JOUR, L’URSS SERA DANS UN GRAVE ÉTAT DE FAIBLESSE, LES ARMÉNIENS EN PROFITERONT ET RÉALISERONT LEUR INDÉPENDANCE”

    Dans la célèbre lettre «aux nations civilisées», datée du 6 septembre 1922, il demanda aux Européens :

    «AGIR POUR LE BIEN-ÊTRE DE L’HUMANITÉ ENTIÈRE INDÉPENDAMMENT DE TOUTE RELIGION OU DE TOUTE CROYANCE. IL EST TEMPS QUE L’EUROPE, QUI A PROCLAMÉ AU XXÈME SIÈCLE SA VOLONTÉ DE DÉFENDRE LA CIVILISATION ET D’ÉLEVER L’HUMANITÉ, FASSE PASSER CES NOBLES PRINCIPES DU DOMAINE DE LA THÉORIE À CELUI DE LA PRATIQUE».

    Source

    #Maroc #Rif #Abdelkrim_EL_Khattabi #Protectorat #Colonisation

  • Tebboune :  » Le dossier de la Mémoire ne sera point occulté « 

    Tags : Algérie, France, mémoire, colonisation, Guerre d’Algérie,

    L’Algérie traite avec la France d’égal à égal, sans renoncer au dossier de la Mémoire, ni oublier ce qu’avait commis la France coloniale à l’encontre du peuple algérien, a affirmé le président de la République, Abdelmadjid Tebboune.

    Dans son entrevue périodique avec des représentants des médias nationaux, diffusée jeudi soir sur les chaînes de télévision et stations de radio nationales, le président Tebboune a évoqué les relations algéro-françaises, soulignant que le « dossier de la Mémoire ne sera point occulté ». Il a, cependant, rappelé que les autres aspects de ces relations étaient « positifs », d’autant que « plus de 5 millions d’Algériens vivent en France », ajoutant qu’ « il ne les abandonnera pas ». « Nous faisons en sorte d’entretenir la relation solide qui les lie à leur mère-patrie », a-t-il ajouté.

    Du point de vue stratégique, le président Tebboune a affirmé que l’Algérie, puissance africaine, et la France, puissance européenne, sont appelées à travailler de concert pour consolider leurs relations. « Cela ne veut pas dire que l’on oublie les massacres, ni les enfumades perpétrés par la France contre le peuple algérien durant la période coloniale », a-t-il poursuivi.

    L’occasion était pour le chef de l’Etat de préciser que la coopération sécuritaire, qui lie les deux Etats au plus haut niveau, a franchi « un grand pas ».

    L’évocation de ces relations bilatérales ne doit plus se limiter au « cadre restreint de la question des visas », a souligné le président Tebboune. L’attention, qui doit être accordée à l’histoire de la mémoire collective, est une nécessité  » incontournable car elle est liée à la démarche spécifique de la poursuite et la préservation du Message de Novembre 1954 et des fondements de la République, visant à débarrasser le passé des facteurs de déformation, d’altération et de falsification introduits par les historiens de l’école coloniale et les nostalgique de  » l’Algérie française « . D’où cette nécessité impérieuse de la préservation de la mémoire nationale en tant que reconnaissance aux artisans de l’Histoire de la Nation, la protection du patrimoine historique et culturel relatif à la résistance populaire, au mouvement national et à la glorieuse Révolution de Novembre 1954.

    Au mois de novembre dernier, le général d’Armée, Saïd Chengriha, Chef d’état-major de l’ANP lors de l’allocution qu’il a prononcée à l’ouverture des travaux du colloque intitulé :  » L’information et la préservation de la Mémoire ; engagement de la responsabilité pour la consolidation de la défense nationale « , qui a coïncidé avec les festivités commémoratives du 6Oe anniversaire du recouvrement de l’indépendance nationale et du 68e anniversaire du déclenchement de la glorieuse Révolution de libération nationale, ayant connu l’organisation d’un grand défilé militaire et du 31e Sommet de la Ligue tenue à Alger, le 1er novembre 2O22, a souligné qu’  » inspiré par cette glorieuse histoire.

     » Inspiré par cette glorieuse histoire, à l’ère de l’Algérie nouvelle, dont les contours ont été tracés par le président de la République, Chef Suprême des Forces armées, ministre de la Défense nationale, notre pays a marqué cette soixantième année d’indépendance par l’organisation d’un important défilé militaire. Tout comme il a remémoré la symbolique du lieu et de la date, en abritant à l’occasion de la célébration du 68e anniversaire du déclenchement de la glorieuse Révolution de Libération, un grand événement arabe, à savoir les travaux du 31e Sommet de la Ligue Arabe, un Sommet mémorable à plus d’un titre, aussi bien sur le plan de la représentativité que sur le plan des décisions historiques qu’il a adoptées, reflétant ainsi notre attachement indéfectible à notre illustre histoire », a-t-il souligné.

    Il a rappelé, à ce propos, que l’un des plus grands défis auxquels l’Algérie fait face aujourd’hui, « se rapporte aux tentatives visant à briser l’attachement de notre peuple à sa mémoire et l’amener à rompre avec les principes et les valeurs que ses aînés ont portés et défendus avec tout ce qu’ils avaient de plus cher », ajoute le communiqué.

    Il a souligné que l’Algérie est « parfaitement consciente et œuvre à combattre cette pensée toxique et à annihiler son effet en accordant une importance majeure au dossier de la mémoire en tant que pilier intrinsèque de l’édification de l’Algérie nouvelle, notamment à travers l’ensemble des décisions qui témoignent de nos valeurs authentiques et de notre attachement à notre identité et notre illustre histoire », poursuit la même source.

    « Notre pays en est parfaitement conscient et œuvre à combattre cette pensée toxique et à annihiler son effet », a précisé le général d’Armée, relevant dans ce contexte, que « le président de la République, Chef suprême des Forces armées, ministre de la Défense nationale accorde une importance majeure au dossier de la mémoire en tant que pilier intrinsèque de l’édification de l’Algérie nouvelle, notamment à l’aune des intentions malsaines ciblant la mémoire nationale de la Nation algérienne ».

    Dans ce sens, a-t-il indiqué « le président de la République, réitère, à chaque occasion, le devoir de la préserver et de lui accorder l’attention et l’intérêt qui lui sont dus, à l’image des efforts visant à rapatrier les dépouilles des Chouhada des résistances populaires du Musée de l’Homme de Paris et les enterrer dans la terre pour laquelle ils se sont tombés en martyrs, institutionnaliser le 08 Mai de chaque année Journée nationale de la Mémoire et décréter une minute de silence commémorant les Massacres du 17 octobre 1961 sans omettre le lancement de la chaîne E-dhakira, tout en accordant un intérêt particulier aux événements nationaux ». »Toutes ces actions reflètent la plus noble image de loyauté et de fidélité envers le sacrifice de millions de Chouhada et témoignent de nos valeurs authentiques et de notre attachement à notre identité ainsi que notre illustre histoire », a affirmé le Général d’Armée Chanegriha.

    De tout ce qui précède, l’heure est donc à l’extensification des efforts en vue de recouvrer et d’éditer l’ensemble du patrimoine historique national, en mettant en exergue les hauts faits de la Révolution, les hommes illustres de cette grande histoire, afin de pérenniser leurs actes révolutionnaires, fixer leur biographie et les porter à la connaissance des générations montantes pour qu’elles s’en imprègnent et que ça leur serve de modèle et de référence. L’approche méthodologique et thématique doit englober toutes les épisodes de cette histoire du peuple algérien, sans négliger aucune des étapes. Une telle approche globale permettra de mettre en valeur les faits mémorables et tirer les enseignements qui guident la nation dans la définition de ses attitudes présentes et futures. Il est important d’accorder une attention particulière à la résistance populaire et à la guerre de libération nationale qui était un long combat, qui a fait jaillir des potentialités populaires grandioses et marqué l’histoire par des actes d’héroïsme, autant d’épopées qu’il est nécessaire de mettre en page et dont il faut souligner la grande dimension. Les générations futures pourront s’en inspirer de ce qui demeure une base indispensable à la bataille du renouveau national.

    B. C.

    Lemaghrebdz.com

    #Algérie #France #Colonisation #Mémoire

  • Algérie. 11 décembre 1960 : un acte fondateur

    Algérie. 11 décembre 1960 : un acte fondateur

    Tags : Algérie, 11 décembre 1960, manifestations, France, colonisation, mémoire, Guerre d’Algérie,

    L’Algérie célèbre aujourd’hui le 62e anniversaire des manifestations populaires du 11 décembre 1960. A cette date-là, les Algériens ont investi par dizaines de milliers les rues de la capitale et scandé leur amour de la liberté et promis de ne jamais abandonner la lutte armée, politique et sociale contre le colonialisme. Les cris des Algériens étaient on ne peut plus clairs : le combat jusqu’à la victoire finale.

    Le régime raciste et colonialiste de l’époque avait misé sur l’assèchement du soutien dont bénéficiait la révolution en dressant aux frontières est et ouest du pays, deux lignes de fils barbelés bourrées de mines anti-personnel. Les tristement célèbres lignes Charles et Maurice avaient pour fonction d’asphyxier l’ANL. Le colonisateur ne s’est pas contenté de cela. Il a institué des zones interdites où toute personne était abattue sans sommation. Il a fait usage du Napalm, arme interdite par les conventions internationales et l’a généralisée en Algérie. Et ce n’est pas fini. Il a fait du crime contre l’humanité qu’est la torture à grande échelle, un instrument de police légale. On torturait partout en Algérie. Dans les commissariats, dans les casernes, sur les lieux de combat. Des centres spéciaux ont été créés pour pratiquer cette activité immonde.

    Tout ce déploiement illégal au regard des règlements de l’Onu a été adopté à la seule fin de gagner la guerre contre le peuple algérien. La France coloniale voulait tout simplement couper les Algériens de leur aspiration à l’indépendance. Il en était parmi les politiques et les militaires colonialistes qui étaient prêts à tuer tous les Algériens jusqu’au dernier.

    Face à la politique de la terre brûlée, le 11 décembre 1960 a été une réponse claire et nette de l’attachement du peuple à sa révolution. Les sportifs, les artistes, les scientifiques et les écrivains, tous enfants du peuple, ont donné le meilleur d’eux-mêmes pour apporter leur contribution à la révolution, l’écho de cette symbiose entre l’élite politique, sportive et culturelle a retenti aux oreilles de l’humanité entière, un certain 11 décembre 1960.

    Au plan politique, les manifestations populaires du 11 décembre 1960 étaient une grande victoire politique pour le FLN et une défaite cuisante pour le gouvernement français, certes, mais pour l’histoire cette date est l’un des grands moments fondateurs de la nation algérienne.

    Ce que retient l’Histoire de ce glorieux épisode de la révolution, c’est que les manifestations populaires du 11 décembre 1960 étaient une grande victoire politique pour le FLN et une défaite cuisante pour le gouvernement français. Mais bien plus qu’un succès politique, cette date est l’un des grands moments fondateurs de la nation algérienne.

    Par Nabil G.

    Ouest Tribune, 11/12/2022

    #Algérie #France #Colonisation #Mémoire #11septembre1960

  • L’accès aux archives de la guerre d’Algérie toujours « cadenassé »

    L’accès aux archives de la guerre d’Algérie toujours « cadenassé »

    Topics : Algérie, France, colonisation, archives, mémoire,

    Fraichement élu, à l’aube de son mandat présidentiel, le président français Emmanuel Macron prenait un engagement, de restituer les œuvres pillées à l’Afrique durant la colonisation. « Le patrimoine Africain doit pouvoir être exposé en Afrique » et « je ne peux pas accepter qu’une large part du patrimoine culturel de plusieurs pays africains soit en France », avait-il déclaré.

    Cinq ans plus tard, les processus de restitution font du surplace. Dommage. A l’heure du désengagement des États africains de l’influence française, Macron aurait gagné à repartir sur de bonnes bases avec les Africains. Concernant l’Algérie, hormis les « polémiques » crânes restitués récemment, il reste le « gros morceau » : les archives de la guerre, cadenassés par l’Élysée.

    Dans une tribune publiée par le quotidien « Le Monde », l’historien Marc André explique que par méconnaissance de la guerre d’Algérie et de la nature de ses archives, ces dernières sont trop souvent inaccessibles aux demandeurs. Emmanuel Macron s’était pourtant engagé à en faciliter la consultation.

    Huit mois après l’annonce de l’ouverture à tous « des archives publiques produites dans le cadre d’affaires relatives à des faits commis en relation avec la guerre d’Algérie » (décret du 22 décembre 2021), le président de la République, Emmanuel Macron, affirmait le 25 août la nécessité de donner aux historiens « un accès complet aux archives de la guerre d’Algérie ».

    Cette insistance témoigne de l’instrumentalisation politique de la question des archives. Car malgré l’intention réitérée d’« ouvrir », « simplifier » ou « faciliter » l’accès aux documents liés à cette guerre, en pratique cela reste difficile tant pour les familles que pour les historiens.

    Entre les discours qui accompagnent l’action politique et les réalités du terrain, le décalage est tel que l’on se demande même si le décret dit de « dérogation générale » n’a pas été rédigé au croisement de deux méconnaissances : celle de la guerre d’Algérie et celle de ses archives. De multiples contradictions surgissent, à l’origine de pratiques administratives restrictives aux conséquences sociales, scientifiques et politiques contre-productives.

    L’Express, 21/11/2022

    #Algérie #France #Archives #Mémoire #Colonisation

  • Des milliers de soldats russes déportés en Algérie, le saviez-vous ?

    Des milliers de soldats russes déportés en Algérie, le saviez-vous ?

    Tags : Algérie, Russie, France, colonisation, Guerre 1914-1918,

    Par Bachir Dahak, juriste

    Est-il possible qu’environ dix mille soldats russes aient séjourné en Algérie entre décembre 1917 et avril 1920 ?
    À chaque fois que j’ai posé cette question à un compatriote, plus souvent à des militants politiques, c’est l’incrédulité générale. Personne ne peut imaginer, et encore moins accepter, l’idée qu’au cours de la Première Guerre mondiale, des milliers de soldats russes, évacués de force du camp militaire français de La Courtine, dans la Creuse, ont été maltraités, enfermés, humiliés par l’armée française dans des casemates et autres baraquements à Médéa, Laghouat, Souk Ahras, Kreider, Mers El Kebir, Affreville, Djelfa ou encore Tébessa.

    Un exemple de la brutalité des militaires français ?
    À Médéa, en raison des premiers contacts chaleureux avec les paysans algériens, les militaires français décidèrent de punir les soldats russes en les transférant à pied vers un autre camp à Laghouat, soit 412 km.
    Lors de travaux de construction d’un chemin de fer à Tebessa, des soldats russes furent exposés froidement à la mort, faisant dire au chef de chantier : «(…) ça fera un bolchevik de moins.»

    Quel était donc ce contexte historique peu connu qui obligea le grand Lénine à signer dans la Pravda du 11 août 1918 une déclaration du Conseil des commissaires du peuple dénonçant le fait que «(…) les soldats russes dans les rangs de l’armée française contribuent indirectement à la guerre contre la République et la révolution»?

    Après avoir puisé dans ses réserves coloniales, la France décida de recourir aux possibilités que pouvait lui offrir l’alliance franco-russe.

    C’est ainsi qu’environ dix mille soldats russes sont débarqués sur les ports d’Alger, d’Oran et de Bône entre le 19 décembre 1917 et le 6 janvier 1918. Ils appartenaient à plusieurs brigades venues renforcer le front de France et d’Orient dans le cadre de l’alliance franco-russe qui liait la France et l’Empire russe depuis 1892. Cette entente militaire fut confirmée par Raymond Poincaré en 1912, engageant ainsi la France dans une stratégie politico-militaire en faveur du tsar Nicolas II.

    En promettant des livraisons d’armes, la France bénéficie du renfort de milliers de soldats russes destinés à remplacer les immenses pertes de l’armée française subies lors des deux premières années de la Première Guerre mondiale.

    Mais tout va s’accélérer à partir de février 1917 à Moscou, la révolution bolchevique entraîne l’abdication du tsar et très rapidement les soldats russes présents en France décident de participer à l’élan révolutionnaire de leur pays en créant des conseils de soldats et en manifestant avec des drapeaux rouges. En les voyant arborer des slogans subversifs comme «Vive les Soviets des soldats, à bas la guerre !», le gouvernement français craint avant tout que cet esprit de révolte ne s’empare des soldats français, d’où la décision rapide de les exfiltrer du front et de les interner au camp militaire de La Courtine, dans la Creuse. Ils sont plusieurs milliers et, sans surprise, ils décident de se mutiner en refusant d’obéir à leurs supérieurs et en exigeant de retourner dans leur pays.

    En septembre 1917, l’armée française, aidée d’unités russes restées fidèles, obtient la reddition des mutins après avoir recouru au bombardement du camp.
    Environ dix mille soldats russes refusent les propositions d’engagement dans la Légion russe, d’où l’idée de les envoyer en Algérie, au grand bonheur du lobby colonial, qui dut se résoudre au départ au front de plusieurs milliers d’Algériens en 1914 et 1915.

    Répartis d’est en ouest, y compris au sud, les soldats-prisonniers russes sont soumis à un régime de bagnards, leur alimentation quotidienne se résumant à «un quart de litre de café noir, un petit bol de bouillon et 250 g de pain», selon Dimitri Lissovenko, un des mutins de La Courtine en 1917, dans un livre publié en 1960, traduit et publié en France en 2022 par l’Association La Courtine 1917.

    Le 1er mai 1919, cinq cents prisonniers russes affectés dans les mines aux environs de Condé-Smendou refusèrent de travailler et présentèrent au capitaine Mourge la liste de leurs revendications.

    Il y a aujourd’hui des dizaines de témoignages confirmant que les soldats russes qui n’acceptaient pas les missions qu’on leur proposait étaient immédiatement menés aux travaux forcés ou sinon enfermés dans les divers camps militaires.

    À propos des chiffres connus de ces Russes déportés en Algérie, voilà ce qu’écrit Remi Adam, l’auteur du livre Les révoltés de La Courtine : «Sur les 9169 soldats en juin 1918, on en dénombre 2477 travaillant pour l’agriculture, 660 à la coupe de bois et 217 à des travaux divers.»

    Toujours selon Remi Adam, «les autres, soit 5815 (63,3%), sont répertoriés comme ‘‘réfractaires au travail’’».
    La forte volonté des Russes de rejoindre la révolution se retrouve dans le témoignage du commandant de la compagnie de Laghouat «(…) Je suis et resterai officier de l’armée russe, et je ne peux donc appartenir à une autre armée.»

    En face de leur détermination à sortir de cet enfer, la réponse d’un officier français à ses supérieurs nous éclaire sur la brutalité de la puissance coloniale : «(…) Vouloir les traiter comme des hommes libres est impossible, sans s’exposer, non seulement à ce qu’ils ne travaillent pas, mais encore à ce qu’ils commettent des scènes de désordre et se livrent, dans la population agricole française ou indigène, à une propagande néfaste.»

    Ces milliers de soldats russes ont découvert l’univers colonial et le sort abominable réservé à des paysans algériens qui, instinctivement, leur ont exprimé leur solidarité en les voyant soumis aux mêmes conditions de travail et aux mêmes humiliations.

    Qu’est-il resté de tout cela ?

    Il est peut-être inutile de rechercher des traces dans l’état civil puisque l’armée française avait refusé qu’un cimetière russe leur soit réservé bien que de plusieurs endroits du pays viennent des informations sur des noms à consonance russe dans certains cimetières chrétiens.

    Il est curieux après tout que la présence de presque dix mille soldats-prisonniers russes, aux quatre coins de l’Algérie, de 1917 à 1920, ait pu être occultée, éloignée du regard scrutateur des historiens du mouvement national.

    On peut se demander pourquoi aucune trace n’a perduré dans les chansons populaires bien que nous soyons à une étape historique où «l’imaginaire colonisé produit rumeurs, prophéties et millénarismes», selon Abdelkader Djeghloul dans son indispensable Éléments d’histoire culturelle algérienne.

    On peut d’autant s’interroger sur cette absence de signes de cette présence russe alors que la présence furtive des Américains en 1942 avait inspiré nos troubadours :
    «Ya diwan essalhine, ya diwan essalhine
    Nekhlaana ki dja l’amerik,
    Hsebnah gaa radjel malik
    Houwa slahou machi lik
    Wa maa fransa dima chrik.»

    Même les Allemands qui n’ont pourtant jamais mis un pied en Algérie sont évoqués dans l’imaginaire collectif par la fameuse chanson de Hadj Guillaume, le kaiser allemand dont on espérait la victoire sur la France :
    «Ya francis wach fi balek
    Edzair machi lik
    Ydji lalman nediwhalek
    Lhaj guillaume yetlaa saadou.»

    Des figures éparses

    Au milieu des années 60, une femme russe, que tout le monde appelait Mme Fiodorov, semblait appartenir à la nomenklatura des chancelleries étrangères au point que la légende disait qu’elle était une aristocrate déchue ou qu’elle était la maîtresse déclarée du consul d’Angleterre à Alger.

    Un photographe de presse se rappelle l’avoir vue exercer son talent d’interprète lors de la visite, à Alger, de la cosmonaute russe Valentina Terechkova. Pour provoquer son départ, certains hauts fonctionnaires suggérèrent aux services de sécurité qu’elle avait participé au financement du quotidien Alger ce soir de Mohamed Boudia et Serge Michel.

    Une amie qui a bien connu Alger des années 40 et 50 se rappelle parfaitement d’une femme russe, Mme Kravchenko, moitié enseignante et moitié travailleuse sociale.

    Et, last but not least, j’ai appris dernièrement par un ami qui a longtemps travaillé à Menea (ex-El Golea) que son mécanicien, un certain Maurice Kovaltchok, était bel et bien un Russe totalement algérianisé, vraisemblablement installé là-bas de longue date. Que dire aussi à propos du premier maire d’El Affroun que tout le monde appelait Koutchenko sans vraiment savoir pourquoi ?

    Et si d’autres rescapés de cette déportation avaient continué à vivre sous nos cieux sans que personne se soit intéressé à leur parcours si atypique ?

    Le Soir d’Algérie, 06/11/2022

    #Algérie #Russie #France #Colonisation #Guerre1914_1918

  • L’Algérie, une histoire millénaire dans la résistance: 1830/1962

    Tags : Algérie, France, colonisation, mémoire, guerre de libération,

    Professeur des universités, expert international docteur d’ Etat 1974- Abderrahmane MEBTOUL Fils du feu Moudjahid Ali emprisonné à El Harrach et Lambèse 1958/1962

    La jeunesse a besoin de connaître son histoire, très riche, qui ne saurait se limiter à la période contemporaine de 1963 à 2022. L’histoire, fondement de la connaissance et de l’action future, une nation sans son histoire étant une nation sans âme. L’histoire de l’Algérie est une histoire millénaire devant remonter de la période des Numides à la période romaine, du kharidjisme et de la période de la dynastie des Almohades en passant par la période de l’occupation espagnole et ottomane (voir A. Mebtoul google.com 2010). Cette présente contribution, certainement imparfaite comme toute recherche à approfondir, en espérant qu’elle suscitera un débat contradictoire au profit exclusif de l’Algérie, sera scindée en deux parties: de la colonisation française au du nationalisme algérien à la révolution du 1er novembre 1954 pour aboutir à l’indépendance de l’Algérie le 5 novembre 1962.

    1.-De .la colonisation française au nationalisme algérien

    La conquête de l’Algérie de 1830 à 1871 par la France marque la fin de la domination ottomane et le début de la domination française. Il semblerait, peut être un prétexte, que tout aurait commencé par la fameuse affaire de l’éventail. Le 30 avril 1827 à Alger, le Dey soufflette avec son éventail le Consul de France, Deval. L’épisode entraîne la rupture diplomatique avec la France. Le Conseil des ministres français décide d’organiser une expédition punitive en Algérie le 31 janvier 1830. D’abord nommés «possessions françaises dans le Nord de l’Afrique», ces territoires prendront officiellement le nom d’Algérie, le 14 octobre 1839. La population algérienne est estimée à 3 millions d’habitants avant la conquête française de 1830.

    Selon l’ouvrage «Coloniser, exterminer» de l’historien Olivier Le Cour Grandmaison, je cite : «Le bilan de la guerre, presque ininterrompue entre 1830/1872 souligne son extrême violence ; il permet de prendre la mesure des massacres et des ravages commis par l’armée d’Afrique. En l’espace de quarante-deux ans, la population globale de l’Algérie est en effet passée de 3 millions d’habitants environ à 2 125 000 selon certaines estimations, soit une perte de 875 000 personnes, civiles pour l’essentiel. Le déclin démographique de l’élément arabe était considéré comme bénéfique sur le plan social et politique, car il réduisait avantageusement le déséquilibre numérique entre les indigènes et les colons».

    Plusieurs observateurs s’accordent à dire que la conquête de l’Algérie a causé la disparition de presque un tiers de la population algérienne. Guy de Maupassant écrivait dans «Au Soleil en 1884», je le cite : «Il est certain aussi que la population primitive disparaîtra peu à peu ; il est indubitable que cette disparition sera fort utile à l’Algérie, mais il est révoltant qu’elle ait lieu dans les conditions où elle s’accomplit». Nous pouvons scinder cette période historique en plusieurs phases.

    Sous Louis Philippe 1er de 1830 à 1848, l’Emir Abdelkader figure charismatique, fondateur de l’Etat algérien selon certains historiens, résiste pendant de longues années à l’occupation coloniale. Il attaque des tribus alliées de la France et bat le général Trézel dans les marais de la Makta près de son fief de Mascara dans l’Ouest algérien. Il encercle la ville voisine d’Oran pendant 40 jours. Arrivé en renfort de métropole, le général Bugeaud inflige une défaite à Abdelkader. Le traité de Tafna est signé, le 30 mai 1837 entre le général Bugeaud et l’Émir qui reconnaît la souveraineté de la France. En échange de pouvoirs étendus sur les provinces de Koléa, Médéa et Tlemcen, il peut conserver 59 000 hommes en armes. L’armée française passe, en septembre 1839, les Portes de fer dans la chaîne des Bibans territoire que l’émir comptait annexer.

    L’Emir Abdelkader, considérant qu’il s’agit d’une rupture du traité de Tafna, reprend la guerre contre la France le 16 mai 1843. Le 14 août 1844 le général Bugeaud écrase l’armée du sultan marocain à la bataille d’Isly. L’armée marocaine se replie en direction de Taza. Le sultan s’engage alors à interdire son territoire à Abdelkader, en traitant avec la France. Le 23 septembre, les troupes d’Abdelkader sortent victorieuses lors de la bataille de Sidi Brahim, engagée par le colonel Montagnac. En décembre 1847 , l’Emir Abdelkader se rend aux spahis (nomades des régions steppiques de l’Algérie). Placé en résidence surveillée pendant quatre ans en France, l’émir fut libéré par Napoléon III, visita plusieurs villes de la métropole avant de rejoindre Damas et résida le restant de sa vie en Syrie.

    Le 11 décembre 1848, la Constitution de 1848 proclame l’Algérie partie intégrante du territoire français. Bône, (Annaba actuellement) Oran, Alger deviennent les préfectures de trois départements français. Les musulmans et juifs d’Algérie deviennent «sujets français» sous le régime de l’indigénat. Le territoire de l’ex-Régence d’Alger est donc officiellement annexé par la France, mais la région de la Kabylie qui ne reconnaît pas l’autorité française résiste encore. L’armée française contrôle alors tout le nord-ouest de l’Algérie.

    Les succès remportés par l’armée française sur la résistance d’Abd el-Kader, renforcent la confiance française, et permettent de décréter, après débats, la conquête de la Kabylie qui devait intervenir à l’issue de la guerre de Crimée (1853-1856) et qui a mobilisé une partie des troupes françaises. C’est à cette époque que Fatma N’soumer la femme rebelle marqua une grande résistance. Née en 1830, l’année même de l’occupation française d’Algérie, en 1853, elle avait 23 ans dans son Djurjura natal. Elle est arrêtée le 27 juillet 1857 dans le village de Takhliit Ath Atsou près de Tirourda. Placée, ensuite, en résidence surveillée à Béni Slimane, elle y meurt en 1863, à l’âge de trente-trois ans, éprouvée par son incarcération.

    En mars 1871, profitant de l’affaiblissement du pouvoir colonial à la suite de la défaite française lors de la guerre franco-prussienne (1870-1871), une partie de la Kabylie se soulève, favorisée par plusieurs années de sécheresse et de fléaux. Elle débute au mois de janvier avec l’affaire des Spahis et en mars avec l’entrée en dissidence de Mohamed El Mokrani qui fait appel au Cheikh El Haddad, le grand maître de la confrérie des Rahmaniya. La révolte échoue et une répression est organisée par les Français pour «pacifier» la Kabylie, avec des déportations. À la suite d’un ordre qui a été donné par l’armée de les envoyer en France, les Spahis se soulèvent fin janvier 1871 à Moudjebeur et à Ain-Guettar dans l’Est algérien à la frontière avec la Tunisie. Le mouvement est rapidement réprimé. Dès lors, le seul moyen de prévenir les révoltes, c’est d’introduire une population européenne nombreuse, de la grouper sur les routes et les lignes stratégiques de façon à morceler le territoire en zones qui ne pourront pas, à un moment donné, se rejoindre. La loi du 21 juin 1871 (révisée par les décrets des 15 juillet 1874 et 30 septembre 1878) attribue 100 000 hectares de terres en Algérie aux immigrants d’Alsace-Lorraine.

    De 1871 à 1898 les colons acquièrent 1 000 000 d’hectares, alors que de 1830 à 1870 ils en avaient acquis 481 000. Le 26 juillet 1873 est promulguée la loi Warnier, visant à franciser les terres algériennes et à délivrer aux indigènes des titres de propriété. Cette loi donne lieu à divers abus et une nouvelle loi la complétera en 1887. Son application sera suspendue en 1890. Le Code de l’Indigénat est adopté le 28 juin 1881 distinguant deux catégories de citoyens : les citoyens français (de souche métropolitaine) et les sujets français, c’est-à-dire les Africains noirs, les Malgaches, les Algériens, les Antillais, les Mélanésiens. Le Code était assorti de toutes sortes d’interdictions dont les délits étaient passibles d’emprisonnement ou de déportation. Après la loi du 7 mai 1946 abolissant le Code de l’indigénat, les autochtones sont autorisés à circuler librement, de jour comme de nuit, et récupérer le droit de résider où ils voulaient et de travailler librement. Cependant, les autorités françaises réussirent à faire perdurer le Code de l’indigénat en Algérie jusqu’à l’indépendance en maintenant le statut musulman et en appliquant par exemple le principe de responsabilité collective qui consistait à punir tout un village pour l’infraction d’un seul de ses membres. L’Algérie possède un nouveau statut en 1900 : elle bénéficie d’un budget spécial, d’un gouverneur général qui détient tous les pouvoirs civils et militaires.

    Après une longue lutte de l’Emir Abdelkader considéré comme le précurseur de la fondation de l’Etat algérien, Messali Hadj dès 1927 réclame l’indépendance de l’Algérie ayant été le fondateur du Parti du peuple algérien (PPA). Cependant, bien que la résistance ait toujours existé depuis toutes les invasions, ce sont les guerres mondiales qui permirent une prise de conscience plus forte de l’injustice qui frappait la majorité des Algériens souvent analphabètes et travaillant à des salaires de misère. Pour faire face aux pertes humaines de la Grande Guerre, la France mobilisa les habitants des départements français d’Algérie: musulmans, juifs et Européens.73.000 mobilisés dans la population française, et 176. 000 dans la population «indigène». Le 08 mai 1945 alors que la Seconde Guerre mondiale prend fin en Europe, en Algérie, des manifestations nationalistes algériennes sont réprimées par l’armée française à Sétif et Guelma,, selon la source algérienne 45000 morts.

    Suite au Manifeste du peuple algérien de Ferhat Abbas en 1943, les élections législatives de 1946 sont un succès pour l’Union démocratique du Manifeste algérien (UDMA). Son parti remporte onze des treize sièges réservés à l’Algérie à l’Assemblée nationale. La loi sur le statut de l’Algérie est promulguée en septembre 1947: l’Algérie reste composée de trois départements et le pouvoir est représenté par un gouverneur général nommé par le gouvernement français. En 1948 trente-six des 59 candidats du MLTD sont arrêtés. Il est utile de préciser qu’au début du XXe siècle, plusieurs leaders algériens revendiquent le droit à l’égalité ou à l’indépendance. La plupart des figures du Mouvement national algérien vont être surveillées de près par les services policiers français, d’autres seront exilées vers d’autres pays comme l’a été l’émir Khaled El Hassani Ben El Hachemi en Égypte puis en Syrie. Nous avons des figures et sans être exhaustif, Messali Hadj, Malek Bennabi, Mohamed Hamouda Bensai, Ben Badis, Mohamed Bachir El Brahimi, Larbi Tebessi, Ferhat Abbas, Omar Ouzeggane qui ont posé le problème de l’indépendance de l’Algérie avec des approches différentes.

    2.-De la révolution 1954-1962 à l’indépendance politique

    Le CRUA est fondé en mars 1954 et organise la lutte armée. Le parti du Mouvement national algérien est fondé en juillet 1954 par les messalistes. Le Front de Libération nationale FLN lui succède en octobre 1954 par la branche du CRUA (Comité révolutionnaire d’unité et d’action). Par la suite, existera une divergence entre la tendance de Messali Hadj et celle du FLN, suite à l’échec de la médiation de Ben Boulaïd, ce qui entraînera par la suite des luttes fratricides. Le déclenchement de la révolution algérienne a été décidé dans la casbah d’Alger et à Batna sous la présidence de Mostefa Ben Boulaïd dans la réunion des 22 cadres du Comité révolutionnaire d’unité et d’action CRUA). Il s’agit de Badji Mokhtar- Belouizdad Athmane- Benboulaïd Mustapha- Benabdelmalek Ramdane- Benaouada Amar- Ben M’hidi Larbi- Bentobbal Lakhdar- Bitat Rabah- Bouadjadj Zoubir- Bouali Saïd- Bouchaïb Ahmed- Boudiaf Mohamed- Boussouf Abdelhafid- Derriche Elias- Didouche Mourad- Habachi Abdesslam- Lamoudi Abdelkader- Mechati Mohamed- Mellah Rachid- Merzougui Mohamed- Souidani Boudjema-Zighoud Youcef.

    L’une des décisions stratégiques du groupe est la mise en place d’un découpage territorial du pays en cinq zones coiffées par Mostefa Benboulaïd pour la zone 1, Didouche Mourad pour la 2, Krim Belkacem pour la 3 – Rabah Bitat pour la 4 et Larbi Ben M’hidi pour la 5, Mohamed Boudiaf assurant la coordination et les relations avec l’extérieur. La déclaration du 1er novembre 1954 est émise à partir de Tunis . Dans la nuit du 1er novembre 1954, la caserne de la ville de Batna est attaquée par les moudjahidine. Et c’est la guerre. Environ 100 000 soldats français sont affectés dans les Aurès et plus tard ils seront plus de 400 000 en Algérie. Le massacre de Skikda (ex-Philippeville) la mort d’une centaine de manifestants algériens, eut lieu du 20 au 26 du mois d’août 1955. La même année, à l’Assemblée générale de l’O.N.U, l’inscription de l’affaire algérienne est à l’ordre du jour. Le Congrès de la Soummam organisé par Abane Ramdane, Larbi Ben M’hidi, et Krim Belkacem le 26 août 1956 aux villages Ighbane et Ifri dans la commune d’Ouzellaguen (Kabylie) a été déterminant et a été l’acte fondateur de l’Etat algérien moderne et pilier déterminant pour la réussite de la révolution algérienne.

    Après le congrès de la Soummam, l’Algérie a été divisée en six wilayas ou états-majors. Une wilaya est divisée en quatre zones. Chaque zone est divisée en quatre régions. La région est divisée en quatre secteurs. Le Conseil national de la révolution algérienne CNRA désigné par le congrès de la Soummam se composait de 34 membres: 17 titulaires et 17 suppléants. Pour les titulaires, nous avons Mostefa Ben Boulaïd, Youcef Zighoud, Belkacem Krim, Amar Ouamrane, Med Larbi Ben M’hidi- Rabah Bitat, Mohammed Boudiaf, Ramdane Abane -Ahmed Ben Bella, Mohammed Khider, Hocine Aït Ahmed, Med Lamine Debbaghine, Idir Aïssat, Ferhat Abbas, M’hamed Yazid, Benyoucef Ben Khedda, Taoufik El Madani. Après la condamnation de Larbi Ben M’hidi et le déroulement du congrès de la Soummam, le FLN intègre les dirigeants du Mouvement national algérien (MNA).

    Plusieurs partis algériens adhèrent à la cause du FLN. Les Aurès, le Constantinois, l’Ouest de l’Algérie, la Kabylie, et. seront les zones les plus sensibles du point de vue stratégique et logistique. Les deux pays(le Maroc et la Tunisie) sont sous protectorat français mais aideront le FLN. Ils hébergent les deux armées de l’ALN aux frontières. Cependant, l’histoire se précipite. La délégation des principaux dirigeants du FLN Mohamed Khider, Mostefa Lacheraf, Hocine Ait Ahmed, Mohamed Boudiaf, et Ahmed Ben Bella est arrêtée, à la suite du détournement, le 22 octobre 1956 par l’armée française, de leur avion civil marocain, entre Rabat et Tunis. En 1959, Messali Hadj sort de prison, il est assigné à résidence.

    Durant cette période, des Algériens de l’armée française désertent, venant grossir les rangs de l’ALN dont certains seront connus au lendemain de l’indépendance politique et qui ont contribué à la modernisation de l’ANP, contrairement à certaines supputations de véritables patriotes, comme Khaled Nezzar, Larbi Belkheir, Mohamed Touati, Mohamed Lamari, Abbas Gheziel, Abdelmalek Guenaïzia etc… Les étudiants algériens s’impliquent. Après la création de l’UGEMA, en 1955, par Belaïd Abdesselam, Mohamed Seddik Benyahia, Lamine Khène, et Aït Challal, la section locale de Montpellier élit à sa tête Mohamed Khemisti (futur ministre des Affaires étrangères qui fut assassiné durant la période Ben Bella). Des intellectuels français vont aider le FLN comme Maurice Audin qui fut torturé et tué par les services français.

    Frantz Fanon s’engage auprès de la résistance algérienne. Albert Camus, natif d’Algérie, fut un défenseur des droits des Algériens, dans les années 1940, avant de refuser de prendre position pour l’indépendance avec cette phrase célèbre prononcée à Stockholm en 1957: «Si j’avais à choisir entre la justice et ma mère, je choisirais encore ma mère». Dès 1956, Jean-Paul Sartre, et la revue Les Temps modernes prennent parti contre l’idée d’une Algérie française et soutiennent le désir d’indépendance du peuple algérien. La découverte de pétrole dans le Sud algérien favorise les convoitises et ainsi est annoncé le plan de développement économique et social dit Plan de Constantine visant à la valorisation de l’ensemble des ressources de l’Algérie, mettant en relief les relations financières entre l’Algérie et la métropole (juin 1955) et les perspectives décennales du développement économique de l’Algérie (mars 1958).

    En 1960, l’ONU annonce le droit à l’autodétermination du peuple algérien. Le côté français organise des pourparlers avec le gouvernement provisoire algérien Plusieurs réunions à l’extérieur du pays vont aboutir aux accords d’Evian. Le 17 octobre 1961, la nuit noire appelée aussi la bataille de Paris avec le massacre du 17 octobre 1961. Plusieurs Algériens sont tués en métropole lors d’une manifestation du FLN. Il y aura aussi des milliers d’arrestations au sein des Algériens. Le tournant a été les accords d’Evian qui sont le résultat de négociations entre les représentants de la France et du Front de Libération nationale, accords signés le 18 mars 1962 à Evian -les- Bains (Haute- Savoie) et se traduisent immédiatement par un cessez-le-feu applicable sur tout le territoire algérien.

    Du côté algérien, nous avons la délégation du FLN, Krim Belkacem, Saâd Dahlab, Benmostefa Benaouda dit Si-Aamar, Lakhder Bentobbal, Taïeb Boulahrouf, Mohamed Seddik Benyahia, Seghir Mostefaï, Redha Malek, M’hamed Yazid, Ahmed Boumendjel et Ahmed Francis. Côté français, il y avait Louis Joxe, Bernard Tricot, Roland Cadet, Yves Roland-Billecart, Claude Chayet, Bruno de Leusse, Vincent Labouret, le général Jean Simon, le lieutenant- colonel Hubert de Seguins Pazzis, Robert Buron et Jean de Broglie. Dans la foulée, le CNRA se réunit à Tripoli (Libye) du 27 mai au 5 juin 1962 pour, en principe, entériner les termes des accords d’Evian. L’ordre du jour est rapidement débordé et la conférence adopte, après amendements, un programme de gouvernement préalablement élaboré à Hammamet -Tunisie.

    Ce document que l’histoire retient sous le nom de programme ou parfois Charte de Tripoli, caractérisé par bon nombre de dissensions internes au sein de la direction, certains acteurs affirmant qu’il n’a jamais été adopté, établit pourtant le régime socialiste comme modèle de développement et impose le parti unique comme système politique. Rappelons que de septembre 1958 à janvier 1960, Ferhat Abbas a été président du GPRA, Benyoucef Benkhedda d’août 1961 à aout 1962, Abderrahmane Farés de juillet 1962 à septembre 1962, président de l’Exécutif provisoire et à nouveau Ferhat Abbas du 20 septembre au 25 septembre 1962 président de ‘l’Assemblée nationale constituante ANC. Lors du référendum d’autodétermination de l’Algérie où les électeurs ont eu à se prononcer par «Oui» ou par «Non» sur la question suivante: «Voulez- vous que l’Algérie devienne un Etat indépendant, Le ‘’Oui » l’emporte par 99,72% (5 994 000 sur 6 034 000 votants et 530 000 abstentions). La France reconnaît l’indépendance de l’Algérie le 3 juillet et celle- ci est proclamée le 5 juillet 1962.

    #Algérie #1ernovembre #Colonisation

  • L’Afrique pillée et transformée en poubelle pour nations riches

    Tags : France, Françafrique, colonisation, spoliation,

    Ça barde en Afrique ces temps-ci. Qui dit Afrique dit « Françafrique » dans la plupart des cas. Et il est goûteux le fumet barbouzard qu’exhalent – depuis Bugeaud et de Gaulle – les affaires africaines. Savante alliance de commandos musclés, d’espions de la DGSE, de « cellules élyséennes » (où les de Gaulle, Mitterrand et autres Sarkozy décident sans aucun contrôle parlementaire de la politique excoloniale), de « secret-défense », d’enlèvements, de torture, de dissimulation mafieuse, de recherches d’intérêts sordides – diamants, pétrole et minerais en tout genre –, de traques sanglantes des opposants démocratiques, de coups d’État organisés depuis Paris, de présidents fantoches élus à des majorités délirantes, d’aides au développement bidonnées, de ventes d’armes occultes, de coups tordus, de tactiques contre-révolutionnaires (mises au point par des Français et exportées avec grand succès et contre espèces sonnantes en Amérique du Sud, en Israël, jusqu’aux Zétazunis et bien sûr en Afrique), avec une brochette de vedettes attachantes comme l’OAS, le Sac, Pasqua, Foccart, Paul Barril ou l’inoubliable commandant Prouteau. Tout cela dans une tradition de secret, de titatas mystificateurs et de mépris des non-initiés et des populations. Moyennant quoi, l’ordre règne sur la misère des peuples de pays africains systématiquement pillés et transformés en poubelles pour nations riches.

    Quand on veut s’informer sur l’Afrique, ne jamais perdre de vue les règles françafricaines de secret et de dissimulation de pratiques inavouables. En ce moment, c’est chaud à propos des élections ivoiriennes et du « terrorisme » au Niger. Il y a gros à parier que ce qui s’y passe vraiment est caché, au mieux dénaturé, et qu’à moins de procéder à une investigation longue et dangereuse auprès d’un grand nombre de sources différentes et scrupuleuses, on ne saura le fin mot de ces histoires que dans plusieurs décennies. Qui est qui, qui fait quoi, que se cache derrière qui, quel rôle joue la Françafrique, qui prétend quoi et pour quels intérêts politiques ou économiques – ce qui revient au même –, voilà les questions à se poser en la matière. Et puis en Afrique il y a également le Maghreb. Ça barde aussi de ce côté. Le peuple tunisien supporte mal son sort peu enviable et se paye le luxe de le signifier à la caste de voyous de son président. En Algérie, voire au Maroc, ce fut, c’est et ce sera encore la même révolte et pour les mêmes raisons. Pourtant les Mohammed VI, Ben Ali et Bouteflika, trois prédateurs avérés, sont toujours d’officiels grands amis de la France et de sa Françafrique. Tant que ça lui rapporte, les gueux peuvent crever et on ne saura par les grands médias que ce qu’elle veut bien lâcher. En ce domaine aussi, il appartient aux anarchistes de rechercher minutieusement des faits avérés et de les faire connaître à tous.