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  • Abdelkader et la France

    Algérie, France, colonisation, Emir Abdelkader,

    Par Dr A. Mellah

    La conquête de l’Algérie par l’armée Française en 1830 et la résistance acharnée qui s’en est suivie de 1832 à 1847, a projeté sur la scène publique algérienne un chef militaire algérien hors norme. Proclamé émir à l’âge de 24 ans, ce jeune homme voué aux études et la dévotion n’a jamais pensé un jour diriger une lutte armée, c’est à son corps défendant qu’on l’a chargé de mener cette lutte rude et implacable. De prime abord, on a du mal à croire qu’un fils de Zaouïa, élevé dans la pure tradition mystique, puisse être à la hauteur d’une tâche aussi lourde. Mais une fois sur le terrain, Abdelkader se révéla être un dirigeant militaire hors pair. En un laps de temps très court, il réalisa un travail phénoménal. C’est à partir d’une foule de gens pauvres et désœuvrés qu’il constitua une armée de volontaires inconstants et volatiles mais capables de faire subir de lourdes pertes aux troupes ennemies. Son franc-parler et son charisme réveilla très vite le sentiment de la nation algérienne libre, et dans une ambiance souveraine qui rappelle le recouvrement de la personnalité algérienne, il jeta les fondements de l’Etat algérien moderne. C’est avec ce travail éminemment réfléchi qu’Abdelkader fit une entorse à l’histoire coloniale -du moins pour un temps- en empêchant les troupes françaises de s’installer librement sur le sol d’Algérie et de décider de son destin politique. Sa stratégie combattive déstabilisa l’ennemi, elle laissa plus d’un général français sur sa soif. Tous les chefs militaires qui l’ont combattu reconnaissent en lui cette qualité imparable qui leur a donné le tournis. Pendant quinze longues années, Abdelkader demeura le chef militaire implacable, ouvert sur les initiatives de paix, mais intransigeant sur les principes et la parole donnée. Invaincu sur le terrain des opérations, Abdelkader resta ce chef militaire insaisissable. Dans l’incapacité de le réduire par les armes, les français ont alors eu recours à la ruse et aux fausses promesses qui ont vite fait de gagner sa confiance et augmenter sa foi en la France. C’est cette foi honnête en la France et ces idéaux de paix et de fraternité qui a conduit certains historiens de la colonisation à traiter Abdelkader de renégat : «Satisfait et tricolore tout proche du reniement» (1)

    Ces historiens peu soucieux de l’objectivité scientifique, ont fait montre d’une vision très courte ; soutenir des thèses aussi plates et décousues, c’est préjuger sur une personnalité dont on connait très mal les contours. Etre accommodant et affable ne signifie nullement reniement au vu du traitement humiliant réservé à Abdelkader après la soi-disant «reddition», toute autre personne de sa stature, aurait non seulement pris en aversion les français, mais les aurait honnis pour la vie.

    Procédé lâche et humiliant

    Les faits attestant de cette humiliation sont présents à l’esprit. Ils se focalisent sur l’épisode le plus triste de notre histoire où l’émir, auréolé d’honneur et de prestige, fut honteusement déchu et réduit au rang de prisonnier. Aucune explication ne fut donnée à cette incarcération brutale que l’intrigue et la manigance. On imagine le degré de déshonneur subi par l’émir devant sa famille et ses compagnons d’armes, tous unanimes à placer leur confiance en lui. Autre conséquence de la perfidie française, quand la parole d’honneur d’un grand homme comme Abdelkader fut délibérément piétinée par des calculs politiciens bas, sans le moindre égard pour sa personne et son rang, les répercussions morales de cette déconvenue furent certainement très pénibles pour une âme aussi scrupuleuse que celle d’Abdelkader.

    Autre intrigue et autre déshonneur, quand le gouvernement provisoire de la république de 1848 demanda à Abdelkader la rédaction d’un serment dans lequel il déclarerait ne jamais retourner en Algérie. Cette initiative, quoique contraignante, fut reçue avec beaucoup de tact et de répondant. Mais quand le document fut élaboré et signé de sa main, il reçut en guise de réponse une suite lâche et évasive : «La république ne se considérait liée par aucune obligation envers Abdelkader, et qu’elle le prenait comme le précédent gouvernement l’avait laissé en prisonnier».

    D’emblée, on peut considérer cette dérobade comme une énième trahison de la part de la France. Exiger d’une grande personnalité comme Abdelkader un serment écrit, puis se dérober et ne pas honorer ses engagements est un acte qui ne peut-être expliqué que par la lâcheté et la fourberie. Ainsi, sans qu’elle soit préparée à ces intrigues, la personnalité d’Abdelkader subissait les contrecoups d’hommes politiques malhonnêtes et perfides.

    L’émir peut-il être fidèle à un pays qui l’a traité avec tant de mépris et de dénégation ? Si on ajoutait à cela un environnement social et culturel très différent, des conditions de détention insupportables, on a du mal à imaginer les souffrances morales que cet illustre captif a enduré. Mais en dépit de toutes ces contraintes, Abdelkader demeura affable et parfaitement accommodant. Ecoutons le général Daumas le décrire à monseigneur Dupuch : «Vous allez voir l’illustre prisonnier du château de Pau, lui dit-il, Oh ! Vous ne regretterez certainement pas votre voyage. Vous avez connu Abdelkader au temps de sa prospérité, au moment où toute l’Algérie pour ainsi dire, reconnaissait son autorité. Eh bien, vous le trouverez encore plus grand et plus extraordinaire dans l’adversité que dans la prospérité. Comme toujours, il domine de sa grandeur les perspectives de sa position. Vous le trouverez affable, simple, affectionné, modeste, résigné et ne se plaignant jamais, excusant ses ennemis-mêmes ceux qui peuvent encore le faire souffrir- et ne permettant jamais qu’on dise du mal d’eux en sa présence. Qu’ils soient musulmans ou chrétiens, aussi justifiées que pourraient être ses plaintes à leur sujet, tous ont trouvé son pardon.»(2)

    Noblesse d’esprit et charisme

    La personnalité d’Abdelkader est d’une dimension surhumaine, son héroïsme et sa bravoure, sa piété et son extrême dévotion incarnent la parfaite symbiose du héros et du saint. Pour un esprit empêtré dans les bas appétits de la vie terrestre, il lui est difficile de comprendre cette personnalité hors norme, c’est pour cela qu’il faut user de beaucoup de circonspection et de tact quand il s’agit de juger une personnalité de la stature d’Abdelkader. Son respect immodéré de la vie humaine, son incroyable détachement vis-à-vis des biens terrestres prêtent à de sérieux équivoques qu’ils ne manquent pas le cas échéant, de conduire à une réelle méprise sur sa personne.

    En effet, pour comprendre Abdelkader, il est impérieux de faire d’abord la différence entre la personnalité accommodante et la personnalité intransigeante. Si la première peut s’accommoder des situations qui peuvent intervenir, la seconde est en revanche inflexible sur les grands principes qui font la grandeur et la noblesse de l’être humain.

    Abdelkader est accommodant quand il s’agit de promouvoir les hautes valeurs humaines, comme le respect, le pardon, la bienveillance, la générosité et autres égards qui élèvent l’homme au degré suprême de l’humanité. Les sentiments d’amour et de fraternité ne sont-ils pas faits pour cimenter et restaurer les relations humaines ? De ce côté-là, Abdelkader est le modèle d’homme qui, sa vie durant, n’a cessé de multiplier conseils et gestes pour raffermir la noblesse des sentiments humains.

    Pour lui, l’homme en tant qu’entité ennoblie par l’esprit et l’intelligence morale représente le modèle suprême de valeur. La preuve en est que Dieu tout-puissant, dès la création d’Adam, a ordonné aux anges de lui faire acte de soumission en se prosternant devant lui. C’est la raison pour laquelle l’homme revêt une importance capitale, puisque Dieu l’a non seulement créé dans la plus parfaite posture, mais l’a aussi élu son vicaire sur terre. (3)

    En revanche, l’émir est intransigeant quand il s’agit de principes fondamentaux qui règlent la conduite à tenir. Sur ces principes l’émir est resté inflexible. Il s’agit d’impératif qui ne se discutent pas mais exigent application et rigueur. Tel est son engagement solennel devant le peuple qui l’a élu émir. Il s’est engagé à lutter sans merci contre l’ennemi, à combattre sans relâche les traitres et les renégats, à établir la justice et la sécurité pour tous, à garantir à chaque personne le respect de ses droits. Ces engagements furent respectés à un point tel qu’Abdelkader apparut comme l’homme providentiel. En effet, l’histoire, bien qu’elle soit parfois implacable avec ceux qui la bâtissent, montre que durant la courte période de son règne, Abdelkader a rempli avec talent son devoir de chef. Quant aux traités et conventions qu’il a faits avec l’ennemi, il a veillé strictement à leur application en respectant à la lettre les clauses et les conditions.

    En effet, respecter un traité ce n’est pas seulement respecter l’autre partie, mais surtout élever sa parole au rang de valeur sacrée. Le traité Desmichels aussi bien que celui de la Tafna, bien qu’ils fussent à l’origine une proposition française, furent, en dépit des graves problèmes qu’ils ont créés, respectés jusqu’à la dernière minute par Abdelkader.

    Sur un autre plan, l’affaire du massacre des soldats de Sidi Brahim en avril 1846 est un épisode dramatique qui interpelle notre mémoire et invite les historiens honnêtes à faire justice à Abdelkader en confrontant deux réalités distinctes. D’une part, les intrigues et les rumeurs perfides qui furent à l’origine du massacre et, d’autre part, le respect quasi-religieux que l’émir avait pour les prisonniers. Peut-on faire la part des choses entre des intentions basses conçues dans le seul but de nuire et l’élévation morale sincère et désintéressée ? Quand on sait que derrière le grand respect que vouait Abdelkader aux prisonniers, il y a toute une philosophie de l’amour, on comprend alors la difficulté de la tâche. Dans un monde violent et injuste, où les hommes les plus forts sont livrés aux appétits les plus bas, il est quasi-impossible de leur faire entendre raison. Leur parler de détachement et autre élévation d’esprit, c’est tomber dans le ridicule le plus grotesque.

    Autre attitude intransigeante d’Abdelkader, en 1860, lors des évènements tragiques de Damas, c’est au péril de sa vie qu’il a pris la défense des chrétiens. Pour les musulmans de l’époque, l’attitude d’Abdelkader parut incompréhensible : comment un chef musulman réputé avoir combattu pendant quinze années des chrétiens mécréants prend-il aujourd’hui leur défense contre la volonté de ses frères de religion ? Certes, cela peut sembler étrange, mais quand on sait que le Coran condamne fermement la gratuité du crime, on comprend vite l’héroïsme intransigeant d’Abdelkader. Le droit à la vie passe au-dessus de l’appartenance religieuse, pour rétablir ce droit il n’hésita pas à donner de sa personne pour d’abord, restaurer la valeur de l’homme menacée de dérive fanatique obscure et aveugle, ensuite, honorer le principe coranique qui invite à protéger les faibles et les innocents, quelles que soient leur origine, leur confession ou leur race.

    Devant la noblesse de cet esprit et les actes hautement significatifs pour la promotion des valeurs humaines entre les hommes, les autorités françaises sont restées muettes, indifférentes aux sollicitations de cet homme pourtant très sincère dans ses paroles et dans ses actes. Obnubilées par leur prétendue supériorité matérielle, offusquées par l’arrogance et le mépris séculaire envers le musulman, les dirigeants français considéraient comme nulle toute initiative venant de leur part, même celle émanant d’une personnalité de la stature d’Abdelkader ! Ce n’est pas que les français ne comprenaient pas ces gestes mais leur culture imbue de préjugés et d’à priori haineux les poussait à honnir le musulman considéré dans l’inconscient collectif français comme «fanatique et barbare».

    Une parole sans faille

    Tout le monde connait la droiture d’Abdelkader, le respect quasi-religieux qu’il avait pour la parole donnée, l’honneur et la considération pour les hommes de haut rang, sa sincérité, sa franchise, sa probité ont fait de lui une victime potentielle de la duperie. Car, en face de lui, tous les hommes, dirigeants ou subalternes, ont usé de malhonnêteté. Le caractère perfide de leur démarche n’a pas tardé à se révéler au grand jour. Prenons l’exemple de ce que les historiens colonialistes appellent avec fierté «reddition» alors qu’en réalité, Abdelkader n’a jamais eu l’intention de remettre les armes. Devant la traitrise manifeste de ses «amis» et à leur tête le sultan Abderrahmane, l’émir a préféré abdiquer, abdication ne veut nullement dire reddition. C’est le chef militaire de la province d’Oran, en l’occurrence le général Lamoricière qui est le premier à avoir remis les armes en envoyant son épée et son sceau à Abdelkader. Sur ce détail important, les historiens sont peu bavards, l’honneur français se doit d’être préservé, et ce n’est pas un détail aussi infime qui va l’entacher.

    En faisant le choix d’arrêter le combat, Abdelkader a non seulement honoré la France en lui sauvant l’honneur d’être le vainqueur, mais par cet acte chevaleresque, il lui a signifié clairement l’incapacité de ses armées à le soumettre par les armes, ou du moins à le neutraliser malgré les immenses moyens dont disposait ces armées.

    Autre détail très important, en lui accordant cet honneur, Abdelkader a lancé un autre message à la France dont le contenu subtile et fin n’a pas été entendu et encore moins compris : «Qu’en dépit des sentiments de haine et de mépris que les conditions de guerre ont créées entre nous, et par-delà les différences de race, de coutumes et de religion qui nous séparent, j’ai élevé le sentiment de fraternité humaine au-dessus de nos différences temporelles et appelé la France à s’impliquer entièrement dans la réalisation de cet idéal, afin que ce grand sentiment humain triomphe et s’accomplit dans l’universel».

    La réponse, tout le monde la connait, c’est l’emprisonnement. Ce n’est ni la dignité ni l’honneur chevaleresque et encore moins la considération qui ont prévalu vis-à-vis de ce grand homme, mais la fourberie et le mépris caractéristique des autorités françaises de l’époque. En d’autres termes, peut-on traiter un homme de la stature d’Abdelkader avec tant de mépris ? Quand on sait que malgré les coups bas, la perfidie et la manigance pour le réduire, Abdelkader s’est élevé au-dessus de ces pratiques et a placé sa confiance en la France, autrement dit aux valeurs universelles comme la paix, la fraternité, la justice dont la France se défend ostensiblement d’être le champion invétéré.

    Quant aux sentiments qu’Abdelkader éprouva à l’égard de la France, ils sont l’émanation de sa grande foi aux valeurs humaines. Abdelkader savait que les autorités françaises lui faisaient du tort, mais il refusait de répondre à l’offense par de l’offense, éludant par sa grandeur de tomber dans le piège sordide de l’imitation. Répondre à un adversaire qui plus est sournois et perfide, par une attitude similaire, c’est tomber très bas dans l’échelle des valeurs. Au contraire, il œuvrait à résorber le mal par la patience et le pardon. C’est fort de cette foi qu’Abdelkader s’est placé au-dessus des humeurs changeantes en veillant constamment à la promotion et la grandeur des nobles sentiments. En revanche, si la France a matériellement triomphé d’Abdelkader par le feu et le sabre, Abdelkader a quant à lui allègrement triomphé de cette nation par la ferveur, la hauteur d’esprit et le pardon. Dans ses rapports avec la France, Abdelkader a toujours manifesté une volonté d’ouverture, sur le plan individuel, ou sur le plan officiel, on sait que cette volonté s’est le plus souvent terminée par une amère déception, et quoique déçu, Abdelkader ne s’en est jamais pris à ceux qui l’ont trahi. Au contraire, il a toujours prêché l’amour et la modération et prié afin que les hommes, fascinés par leur puissance éphémère, prennent conscience de leur égarement et regardent le monde sous une autre dimension.

    Abdelkader voulait tant exprimer son avis aux français qui n’ont pas tenus compte de sa parole et l’ont emprisonné sans aucune explication. Il voulait leur dire leur erreur, leur obstination à ne reconnaitre que leur «vérité». Leur violation délibérée de la parole donnée, leur manquement au respect de l’autre, leur mépris inqualifiable, leur prétendue supériorité. Une suprême occasion lui fut donnée lorsque la société asiatique par l’entremise de son président, lui demanda une contribution écrite, il rédigea alors sa fameuse «Lettre aux Français» (4). La lettre est certes adressée aux français, mais elle vise plus particulièrement les responsables politiques et militaires, ceux avec qui l’émir a négocié et établi des traités et qui par conséquent n’ont jamais été respectés par ces derniers.

    Le français, un esprit prétentieux et fier

    A ces messieurs, il leur adressa la lettre dont le choix du titre n’est pas fortuit, «Dh’ikra el’aaqil wa tenbih el ghaffil», littéralement cela se traduit par : «Rappel à l’intelligent, avis à l’indifférent». Le rappel est significatif du message cinglant qu’Abdelkader voulut adresser aux dirigeants français. «L’intelligent», c’est ce français prétentieux et fier qui pense avoir atteint un niveau de culture qui le prémunit de l’erreur et le prédispose à connaitre la vérité. A cet «intelligent», Abdelkader lui rappelle ses erreurs en lui signifiant son ignorance : «Sachez que l’homme intelligent doit considérer la parole et non la personne qui l’a dite», écrit-il avec un ton impératif, puis il ajoute par l’affirmative : «L’intelligent connait les hommes par la vérité, non la vérité par les hommes». (5)

    Il est certain que la chose qui a le plus fait souffrir Abdelkader, n’est pas seulement le séjour en prison, mais le peu de crédit accordé à sa parole. Il ne manque pas de revenir sur la question en utilisant un ton et un langage qui montre combien cette question lui tenait à cœur. Alors, à ces dirigeants qui ont sous-estimé sa parole, il leur reproche leur étourderie en leur disant : «L’intelligent considère la parole non la personne qui la dite», cela sous-entend en fait que l’intelligent -ce qui n’est pas le cas des dirigeants français- analyse la parole en l’examinant dans sa forme puis dans son fond et surtout dans sa portée, et ce n’est qu’à partir de cette analyse qu’il comprendra la valeur de la personne selon l’échelle de sa grandeur ou de sa petitesse.

    Mais cet «intelligent» français est têtu, il ne tient compte que de son opinion, cette opinion truffée de préjugés et d’à priori fustige le musulman et le considère comme foncièrement abominable. Il est donc tout à fait clair que l’erreur n’est pas dans la parole d’Abdelkader mais dans les jugements à priori que les dirigeants français ont des musulmans, tous les musulmans sans exception, y compris Abdelkader, tous des fanatiques cruels et barbares.

    On tient à le répéter, dans la préface, Abdelkader adresse sa critique aux dirigeants français qui n’ont pas cru à sa parole. Une critique somme toute virulente où se profile l’amère déception de n’avoir pas été pris au sérieux. Abdelkader tente de cerner l’esprit de cet «intelligent» en visant son profil psychologique. Pour lui, la démarche de cet «intelligent» est semblable en tout à celle du vulgaire parce qu’il procède par ouï-dire. «Il accepte la parole de quelqu’un en qui il a une bonne opinion même si sa parole est fausse, il rejette par contre la parole d’une personne en qui il a une mauvaise opinion même si sa parole est vraie». Ce procédé, Abdelkader le qualifie comme «le pire de l’ignorance et du mal». (6)

    Dans ce passage, Abdelkader tente d’expliquer l’attitude des dirigeants français à son égard par ce qu’il appelle opinion. Mais ce qu’il ne peut admettre en revanche, c’est le fait que ces dirigeants qui prétendent être savants n’arrivent pas à se défaire de cette opinion. C’est pourquoi il dirige sa critique contre ces français qui se disent savants en leur disant : «Le savant est celui qui saisit facilement la différence entre sincérité et mensonge dans les paroles, entre la vérité et la fausseté dans les croyances, entre le bon et le mauvais dans les actions, celui-là n’est pas savant pour lequel la vérité est cachée sous la fausseté, la sincérité sous le mensonge et le bon sous le mauvais et qui s’asservissent à un autre, adopte sa croyance et ses paroles, c’est là le propre des ignorants» (7).

    Ce que vise Abdelkader par cette critique, c’est ce qu’on appelle suivisme et imitation aveugle. Il a du mal à croire que l’esprit français, qui plus est cartésien, imprégné qu’il est d’objectivité et d’analyse critique, se laisse emporter par l’opinion et le ouï-dire. Cette influence provient selon lui de l’héritage culturel que l’habitude et les coutumes ont fini par incruster dans les esprits. L’allusion est très nette à ce sujet quand il dit : «Imitant leur père, leur aïeul, leurs ancêtres dans ce qu’ils croyaient et trouvaient bon, renonçant à l’esprit d’examen, ils invitent les hommes à les suivre aveuglément, mais l’aveugle est-il fait pour guider les aveugles» ? (8)

    Une culture de la haine et du mépris

    Il est vrai que l’influence de la culture sur les hommes est capitale. L’exemple de la culture française est assez édifiant. On sait que sur le plan spirituel, la culture française se revendique de la culture gréco-romaine et du rite judéo-chrétien, elle a de ce fait joué un rôle de premier plan dans la sauvegarde de cette culture. Elle a lutté contre les invasions arabes et nourri le sentiment que les musulmans sont des barbares, ennemis jurés de la culture et de la liberté. Ce sentiment s’est accru avec l’avènement des idéaux de liberté et de progrès, il a été transmis aux générations futures par le travail de grands écrivains comme Montesquieu, Voltaire et, plus près de nous, Alexis de Tocqueville et autre Renan. La colonisation n’a fait que raffermir ce sentiment de haine et de mépris. Dans la foulée de cette littérature du mépris, il est peut-être utile de signaler l’exaltation de Victor Hugo qui déclarait à Bugeaud, la veille de son départ pour l’Algérie en février 1841 : «C’est la civilisation qui marche sur la barbarie, c’est un peuple éclairé qui va trouver un peuple dans la nuit».

    Il y a donc une bonne raison pour l’émir de dire : «Imitant leur père, leur aïeul, leurs ancêtres», il vise justement cet héritage culturel qui couve dans l’inconscient collectif français et qui se réveille au contact du musulman avec un déchainement de haine et de mépris toujours plus grand.

    La réplique d’Abdelkader à l’égard de cette rancœur le mène à rappeler à ces français leur cruauté. Il ne manque pas de souligner le caractère ambivalent de leur discours qui d’une part, se dit civilisé et d’autre part agit à l’encontre de l’esprit civilisé. Les massacres collectifs perpétrés par le système de Barres si cher aux Bugeaud, Cavaignac, Pélissier et saint Arnaud, sont si présents dans la mémoire des algériens que l’on ressent un choc rien que d’y penser. Par euphémisme, l’émir évite d’en parler, mais en fait subtilement allusion. Il ne veut pas parler des idéaux de liberté, égalité, fraternité si fièrement scandés et outrageusement violentés par la sauvagerie des généraux d’Afrique. Car sitôt née, cette malheureuse devise fut brutalement enterrée dans les grottes du Dahra et les cruelles razzias du général Lamoricière. Que dire de plus si ce n’est l’orgueil frémissant qui peine à voiler ces horribles tueries par de douteux vocables de prospérité qui promettent beaucoup mais ne produisent rien de concret.

    Dans son discours, l’émir ne cesse d’accabler les autorités françaises en les mettant face à elles-mêmes. Vous vous vantez «d’être savants et civilisés», leur dit-il, mais un savant se doit d’être respectueux et affable même envers ses ennemis. Si vous entendez par «civilisé» le progrès matériel, vous vous trompez foncièrement, car le vrai civilisé se caractérise par l’affermissement du progrès moral, ce qui n’est guère le cas chez vous, les vocables de barbares, de fanatiques, de sanguinaires, dont vous affublez les musulmans sont le produit d’un esprit bas et foncièrement vulgaire.

    Ecoutons le discours de ce député qui déclare en 1846 devant l’assemblée nationale : «Vous avez affaire à des barbares qui ne font pas de prisonniers… Fanatiques et sanguinaires, ils procèdent par le meurtre et la mutilation».

    Après «l’intelligent», c’est au tour de l’indifférent qu’Abdelkader s’adresse, c’est ce français orgueilleux qui compte sur les seules facultés de la raison et se déclare libre et émancipé vis-à-vis de la religion. En d’autres termes, cet indifférent est le français laïc qui rejette les valeurs religieuses et les considère comme rétrogrades puisque génératrices de régression. C’est cette foi absolue en la raison qui fait croire à ces hommes leur supériorité et les fait sombrer dans le mépris et le rejet de l’autre. Le drame de ces hommes est qu’ils sont embués par leur prétention et leur suffisance qu’ils ne peuvent hélas s’apercevoir de leurs erreurs puisqu’ils persistent dans leur délire moral d’être les meilleurs et de ne croire qu’aux richesses matérielles les plus basses, alors que les valeurs religieuses qui l’invite à aimer les autres, à les soutenir, à leur venir en aide lui paraissent comme ridicules et grotesques.

    Il arrive très souvent que ce français orgueilleux se pare de religion et revendique son appartenance chrétienne en évoquant Jésus dans des calculs bas et emprunts d’opportunisme. Mais quand l’impératif religieux lui rappelle ses devoirs, ce même individu se dérobe et revendique son statut de civilisé oubliant par-là que Jésus, dans le sermon sur la montagne, a enseigné à ses fidèles les valeurs qui feront d’eux des hommes civilisés. «Aimez vos ennemis ! Leur dit-il, Bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous haïssent et priez pour ceux qui vous outragent et qui vous persécutent, afin que vous soyez enfant de votre père qui est dans les cieux… Car si vous n’aimez que ceux qui vous aiment, quelle récompense en aurez-vous ?… Soyez donc parfaits, comme votre père qui est dans les cieux est parfait.»

    Dans ces allusions allégoriques, Abdelkader laisse entendre une véritable leçon de morale à l’adresse de ces français «civilisés» qui ont pratiqués les pires cruautés sur le peuple d’Algérie. Devant ces crimes odieux qui vont à l’encontre du bon sens et la raison, Abdelkader qui n’est pas à proprement parler chrétien, mais musulman, a agi contrairement à eux, et en conformité avec le sermon sur la montagne. Il a fait du bien à ceux qui le haïssaient, il a pardonné à ceux qui l’ont trahi et persécuté, il a prié pour ceux qui étaient dans le doute et l’égarement, il a donné à ceux qui l’ont privé, de ce côté-là, il a été le digne enfant du «père». Autrement dit, il a été parfait comme le père qui est dans les cieux est parfait.

    A. M.

    *Professeur de philosophie

    Documents :

    La vie d’Abdelkader, introduction de Michel Habart p.34

    La vie d’Abdelkader p.284

    C’est fort inspiré du verset coranique conférant à Adam sa prééminence sur les anges, qu’Abdelkader voue un respect religieux à l’homme en tant qu’entité pensante. Dans le verset 31 sourate 2, Dieu ordonne aux anges de se prosterner devant Adam, et c’est dans cette prosternation qu’apparait la valeur accordée à l’homme par son créateur.

    Lettre aux français est la traduction récente du livre d’Abdelkader faite par Michel Habart à son intitulé arabe ذكرى العاقل وتنبيه الغافل La première traduction de ce livre a été faite en 1852 par l’Orientaliste Gustave Dugat et intitulé « Rappel à l’intelligent avis à l’indifférent ».

    Le livre d’Abdelkader p.7 et 8

    Idem p.7-8-9

    Idem p.9

    Idem p.9-10

    Source : Le Chélif

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  • Pourquoi la France n’arrive pas à faire son deuil de l’Algérie

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    Pourquoi la France ne peut pas contourner sa perte de l’Algérie. La décolonisation comme bourbier 60 ans plus tard

    Albert Camus, lauréat du prix Nobel de littérature, est né et a grandi dans l’Algérie coloniale. Il est largement considéré dans l’Algérie indépendante comme le porte-parole des colons blancs, peut-être même la fierté d’une classe sociale plus connue sous le nom de  » pieds noirs  » , descendants de colons blancs ou colons qui se sont installés après la conquête de l’Algérie en 1830. Ils ont acquis la terre fertile à une fraction du prix suite à la décimation des tribus arabes et aux politiques ruineuses qui ont conduit à la dépossession des habitants restants de leurs terres communales. Les premiers colons sont qualifiés de pionniers. Ils travaillaient la terre et la rendaient extrêmement productive.

    Au cours des années 1930, les colons disaient que si l’Amérique est fière de la Californie, la France est fière d’Orléansville, aujourd’hui la province de Chlef. Certes, ces colons étaient industrieux mais notoirement connus pour exploiter les Algériens dépossédés. Les condamnés russes, qui ont vécu sous le règne du dernier tsar et purgeaient des peines de prison à Bône, ont été choqués de constater que les colons traitaient les Algériens pire que des moutons . Avec la fin du régime militaire dans les années 1880, les colons étaient responsables – par des pratiques d’exclusion – d’avoir littéralement envoyé les Algériens derrière le soleil. Naturellement, au moment où la Révolution algérienne a éclaté en novembre 1954, tout ce que les colons ont combattu et défendu était en jeu. La plupart d’entre eux à ce moment-là pouvaient retracer leur lignée au moins 100 ans ou plus.

    Pour donner aux lecteurs non algériens et non français un avant-goût de la déchirure ou des malheurs de ces colons provoqués par l’indépendance de l’Algérie en 1962, considérons cette analogie. En Afrique du Sud, Nelson Mandella a reçu le prix Nobel de la paix simplement parce qu’il n’a pas répété le bourbier algérien. Mandella n’a pas lancé de politique ni propagé un processus menant à leur éventuelle expulsion ou dépossession. Les libéraux blancs et leurs médias adorent Mandella pour ne pas avoir fait ce que le FLN (Front de libération nationale) est censé avoir fait avec les colons blancs.

    Ici entre la rhétorique conciliante de Camus pendant la guerre d’indépendance d’Algérie. Camus est connu pour avoir adopté le point de vue de sa mère au détriment de la justice. Parce que je suis originaire des mêmes personnes envoyées derrière le soleil par les ancêtres de Camus, je trouve tout engagement avec cette discussion «justice contre mère» un cheval mort. Comment? Le terrorisme auquel Camus fait référence dans la citation n’était pas du terrorisme ; c’étaient des actions délibérées d’émancipation de certains, pour rentrer dans l’histoire. Ainsi, les festivités euphoriques rapportées dans des chansons populaires telles que « يا محمد مبروك عليك الجزائر رجعت ليك » Le lyrisme de Camus ne commence même pas à se rapprocher des nécessités historiques. Lire Camus peut rendre plus sensible à certaines complexités, mais en fin de compte, faire avancer cette position, j’en suis conscient, risque de porter une atteinte majeure aux sensibilités libérales puisque Camus a été le chouchou de cette classe. Mais Camus n’est pas issu de ces classes ; il avait été acculturé, non sans son approbation tacite cependant. Avec la classe comme matrice pour une analyse significative, la ligne méthodologique est tracée pour ce qui suit.

    De même, il convient de rappeler qu’avec la conclusion des accords d’Evian, les colons sont devenus des personas non grata , indésirables dans un pays qu’ils appelaient chez eux. Une grande partie d’entre eux ne connaissaient pas d’autre pays pour s’établir que l’Algérie. Les Algériens d’aujourd’hui comprennent parfaitement et même compatissent à leur malheur. Étrangement, les accords d’Evian garantissaient le droit de séjour des colons. Mais ce sont eux qui ont scellé leur sort en réclamant et en agissant pour que l’Algérie reste française.

    S’ils étaient restés, moi et les miens (pratiquement des fils de paysans pauvres) n’aurions jamais eu la chance d’aller au-delà de l’école primaire. Nous aurions été condamnés à des positions subalternes. Il n’est pas exagéré qu’en asservissant littéralement les Algériens, pas un petit nombre de colons aient vécu comme des rois. D’où le contexte de la nostalgie et la rumination d’une Algérie française dans la France contemporaine. Sachant qu’à l’origine ces colons étaient issus de milieux paysans et ouvriers, on comprend ce qu’ils ont gagné et perdu. Camus est une icône pour tout ce à quoi ils aspirent, le modèle entrepreneurial autodidacte.

    Maintenant, concernant la façon dont l’Algérie indépendante s’en est sortie sans colons, c’est moins important pour les colons et plus attrayant pour les capitalistes. Des volumes peuvent être écrits sur les dysfonctionnements ainsi que sur la corruption imaginaire ou réelle. Mais par souci d’équité, chaque Algérien a droit à l’éducation gratuite, à l’assurance maladie, à un logement digne, etc. Pourtant, la lutte des classes reste l’arbitrage parfait pour toute mesure de succès ou d’échec.

    Le discours nationaliste dominant après l’indépendance ne cherche qu’à asphyxier la lutte des classes. À travers plusieurs slogans, Le hirak (soulèvement pacifique) de février 2019 articulait cette dimension de classe. Mais le récit triomphal a tenté et réussi à le dépeindre comme une simple exaspération avec Bouteflika et ses acolytes. En effet, le hirak exprime une insurrection incendiaire contre toute la configuration de l’ordre postcolonial.

    Cela laisse les subalternes algériens sans haine contre la France ou du moins ils ne haïssent pas la France hors de l’espace et du temps. Les algériens ne résistent pas aux marques françaises. Pour la plupart des Algériens qui mènent pratiquement leur vie quotidienne, on ne peut pas rester assis à pleurer sur du lait renversé. Toujours, par souci d’exactitude historique : les colons ont maintenu les Algériens hors du temps. Ce n’est pas un nationaliste qui rumine sur les atrocités coloniales pour couvrir les lacunes postcoloniales !

    Qui s’est opposé à la politique progressiste de la France métropolitaine, qui depuis la fin du régime militaire dans les années 1880 a recherché le bien-être des Algériens ? Aucun mais les colons. En 1962, ces colons ont obtenu ce qu’ils méritaient historiquement en tant que classe. Exposer cela ne rend pas les Algériens aveugles au fait que plusieurs colons ont ouvertement soutenu la décolonisation. La violence pendant la révolution a réglé les comptes; cette violence comme Frantz Fanon (1925-1961) le dit avec brio dans Les Damnés de la Terre a eu des effets purificateurs en ce sens qu’elle permet l’émergence de l’être humain chez le colonisé. Rappelons que chez Fanon comme chez le savant franco-tunisien Albert Memmi (1920-2020), le colonisé est une étrange combinaison de difformités. Le colonisé devait tuer le colonisé en lui pour rejoindre le royaume de l’humain. La violence, telle qu’elle a eu lieu pendant la guerre révolutionnaire d’Algérie (1954-1962) a été, pour Fanon, une manœuvre malheureuse mais nécessaire pour permettre à l’homme du colonisé de naître.

    Quant aux relations franco-algériennes actuelles, elles aussi ne peuvent être décontextualisées. Toutes les critiques que l’on lit dans les médias français ne sont pas exactes ou innocentes. Quelques observateurs sont même prêts à admettre qu’il existe une corruption dans le signalement de la corruption en Algérie. Les premiers à attirer l’attention du public sur la surtarification de l’autoroute de 1200 km en 2006 sont les médias français. Pourquoi? Des entreprises françaises, comme américaines, japonaises et sud-coréennes ont fait leur offre. Mais le projet a été contracté par trois grands géants de la construction chinois appartenant à l’État. Comment? Simplement parce que les bureaucrates algériens ont confié le projet au moins disant.

    Comme partout dans le monde, le fonds initial destiné à couvrir la construction n’a pas suffi et les entreprises sous-traitantes ont demandé ce qui leur revenait légalement. L’autoroute n’est pas l’autoroute allemande mais son coût est raisonnable. Et l’infrastructure livrée n’est pas mauvaise comme on le rapporte souvent. De même, les médias français sont devenus furieux lorsque les autorités ont confié le contrat de construction du plus grand barrage du Maghreb, celui de Beni Haroun en 2001, aux Chinois. Le contrat donne l’eau à la bouche et bientôt les habituelles dénonciations médiatiques commencent. Le mandat de Bouteflika n’a pas été à court d’objections, mais il reste un devoir d’être juste.

    Les grands contrats de construction d’infrastructures clés comme celui décrit ci-dessus sont quelques exemples des raisons pour lesquelles les tensions ont toujours gouverné les relations entre l’Algérie indépendante et la France. L’explication culturelle telle que proposée par l’establishment algérien vise souvent à justifier, et rarement à expliquer. La tension a des racines profondes dans l’histoire matérielle et le sens de l’accumulation primitive. C’est la baisse tendancielle du taux de profit [telle que précisée par Karl Marx dans le volume trois du Capital] qui obligent les entreprises françaises à concurrencer des entreprises américaines plus dynamiques pour des parts sur les marchés algériens qui dictent la tension. La corruption dans les discussions porteuses de corruption cherche à couvrir le fait que la mauvaise gestion des actifs par les agents publics ne peut pas expliquer de manière significative les contradictions qui sous-tendent la mondialisation. Cette dernière ne précipite aucune préférence contractuelle pour un seul capital national – une situation qui reste pleine d’obstacles et génère des tensions entre les capitalismes concurrents qui marquent la mondialisation. A titre d’illustration, la décision de l’Algérie de nationaliser son secteur de l’énergie en février 1971 a donné un effet de levier aux entreprises américaines au détriment des entreprises françaises.

    Cela explique que si l’on vise à aborder les forces souterraines qui façonnent les relations franco-algériennes, alors il faut lire et considérer la thèse sous-jacente proposée par Gregory D. Cleva dans JFK Algeria Speech (2022). Ce n’est pas comme si nous voulions seulement lire le livre, mais nous devons le faire. L’essentiel du volume de Cleva précise qu’à la suite de ce discours, un modèle a été établi pour la relation non seulement entre les États-Unis et l’Algérie ou les États-Unis et la France, mais entre les établissements algériens et français. Sortir de l’éphémère (ce que les médias français jugent digne d’intérêt) et embrasser l’essentiel, le discours de JFK Algérie est la voie à suivre. Le réseau complexe de connexions est à peine mis en évidence, et encore moins suffisamment abordé, ni par les nationalistes algériens convaincus, ni par les journalistes et universitaires français largement nostalgiques.

    Pour une grande partie des Algériens ordinaires, le FLN a finalement gagné parce qu’il a forcé Charles de Gaulle à accepter des négociations. Sous le tapis, cependant, se cache le fait qu’au moment où JFK a prononcé son discours, la révolution algérienne a été militairement vaincu. Souvenez-vous, c’était dans le contexte peu après la bataille d’Alger en 1957 et lorsque les cerveaux révolutionnaires ont été décimés. La stratégie des généraux français pour vaincre l’insurrection a commencé à porter ses fruits. Et pourtant, la révolution, en dernière analyse, a obtenu ce qu’elle voulait ! Étrange, n’est-ce pas ? Certaines autres forces travaillaient contre les décideurs politiques français de l’époque et en faveur du FLN, pas nécessairement en faveur du peuple algérien ou des révolutionnaires. Nous lisons dans le récit de Cleva que les consuls généraux américains à Alger, en poste de 1942 à la fin des années 1950, ont joué un rôle clé en signalant les pièges de la politique coloniale française. En tant que membre de la commission de politique étrangère du Sénat et donc candidat probable à la présidence, JFK officialise ce que l’establishment américain, jusque-là, a toujours voulu.

    Les États-Unis ne sont pas sortis victorieux de la Seconde Guerre mondiale comme ça. Le monde se souvient encore de la réaction de l’ancien président Donald Trump en novembre 2018 face à l’allusion du président français Emmanuel Macron à la nécessité de créer une armée européenne indépendante, un cadre hors OTAN. Trump a répondu avec colère : « Sans l’aide des États-Unis dans les deux guerres mondiales, les Parisiens d’aujourd’hui parleraient allemand. » Le point ici est que si les généraux français ont massivement réussi à réprimer l’insurrection en Algérie, les politiciens français n’ont pas pu capitaliser sur ce succès parce que Washington voulait le contraire. Ce dernier s’est lancé dans une politique de décolonisation et même la Grande-Bretagne n’était pas à l’abri. L’Inde, joyau de l’empire, a conquis son indépendance !

    Avec son retour au pouvoir en 1958, de Gaulle a fait de son mieux pour sécuriser l’Algérie en tant que Française, mais finalement, il savait que ses manœuvres équivaudraient à un peu de mise en scène. Les intérêts géostratégiques américains voulaient la fin de la colonisation, de peur que les bouleversements et les insurrections dans les colonies ne brisent le nouvel ordre fragile. La décolonisation en tant que politique était censée contenir les colonisés, peu importe comment, en surface, elle leur offrait de meilleures conditions (pas les meilleures) pour négocier leurs futures émancipations. Pour les Indiens comme pour les Algériens ou les Kényans, les mouvements d’indépendance se sont largement décidés ailleurs, bien qu’il soit irrespectueux de présumer que les champs de bataille n’avaient pas d’importance.

    Naturellement, cela nous laisse une image précise de la façon dont l’establishment français perçoit l’Algérie aujourd’hui. Peut-être moins quand il s’agit de la façon dont la Grande-Bretagne perçoit l’Inde, la France voit l’Algérie comme un partenaire volage qui a simplement décidé d’échanger des partenaires et de coucher avec Washington. Toutes les autres approximations de ces relations sont destinées à justifier, jamais à expliquer ce que l’establishment français ne peut à ce jour surmonter ce qu’il considère comme la perte impossible ! Mais c’est précisément ici que les Algériens préfèrent ignorer le rôle américain et attribuer la victoire exclusivement aux sacrifices de leurs ancêtres.

    International Policy digest, 24/07/2022

    #Algérie #France #Guerre_de_libération #JFK #Etats_Unis #Colonisation #Décolonisation

  • Algérie: Il faut une mémoire sur toute la colonisation française

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    Abdelmadjid Tebboune a fait cette proposition lors d’un entretien avec l’historien Benjamin Stora, qui avait remis un rapport pourtant très critiqué en Algérie sur la mémoire de la colonisation dans le pays à Emmanuel Macron en 2021.

    Le président algérien Abdelmadjid Tebboune a proposé un «travail de mémoire» commun sur toute la période de la colonisation française en Algérie, lors d’un entretien avec l’historien français Benjamin Stora, a raconté ce dernier à l’AFP. L’entretien était d’autant plus inédit que le rapport de Benjamin Stora sur la mémoire de la colonisation et de la guerre d’Algérie, remis en janvier 2021 à Emmanuel Macron, avait été fraîchement accueilli en Algérie.

    L’historien, qui était porteur d’une lettre du président français, a été reçu plus d’une heure lundi à Alger par le président Tebboune, à la veille de la commémoration en grande pompe du 60e anniversaire de l’indépendance de l’Algérie. «C’est la première fois qu’il y avait une discussion au fond» côté algérien sur ces questions mémorielles depuis la publication du rapport, a souligné Benjamin Stora.

    Le rapport, sur lequel Emmanuel Macron s’est appuyé pour sa politique mémorielle, ne préconise ni excuses ni repentance, ce qui a été très critiqué en Algérie, notamment par les associations d’anciens combattants.

    Les relations franco-algériennes ont aussi connu un gros coup de froid lorsque en septembre 2021, le président Macron a reproché au système «politico-militaire» algérien d’entretenir une «rente mémorielle» autour de la guerre d’indépendance.

    «Conquête meurtrière»

    L’entretien témoigne du réchauffement en cours dans les relations franco-algériennes depuis quelques semaines. «Je pense qu’il y a une volonté, de relancer je ne sais pas si c’est le mot, mais de poursuivre un dialogue», estime Benjamin Stora, en notant un «changement de ton» entre Paris et Alger.

    Le président Tebboune lui a expliqué «l’importance majeure d’un travail de mémoire sur toute la période de la colonisation», au-delà de la seule guerre d’Algérie (1954-1962), un avis partagé par l’historien.

    «La guerre de conquête a été très longue et très meurtrière. Elle a duré pratiquement un demi-siècle», de 1830 à 1871, rappelle Benjamin Stora. Elle a été marquée par une «dépossession foncière et identitaire» – «lorsque les gens perdaient leur terre, ils perdaient leur nom» – et par la mise en place d’une «colonie de peuplement», avec au final un million d’Européens sur neuf millions d’habitants.

    Autant de traumatismes qui perdurent jusqu’à aujourd’hui dans la perception réciproque des deux peuples et qui «expliquent la difficulté des relations franco-algériennes», dit-il. «Les gens ne connaissent pas ce qu’il s’est passé. C’est le problème de la transmission aux jeunes générations et du travail en commun», souligne Benjamin Stora.

    «Polarisation sur 1962»

    «En Algérie, l’accent a été mis essentiellement sur la guerre de libération nationale. Il y a eu en France comme en Algérie une polarisation extrême sur l’unique séquence de la guerre et même de la fin de la guerre, les années 1960 à 1962», note-t-il. Avec en toile de fond les «affrontements de groupes mémoriels» autour des différents massacres, l’exode des pieds noirs, les luttes de pouvoir à l’intérieur du nationalisme algérien.

    «On s’est tous focalisés sur 1962», des accords d’Evian en mars à l’indépendance de l’Algérie le 5 juillet, dit-il. Mais «on ne peut pas rester prisonnier d’une seule date, 1962, il faut élargir le champ de réflexion», considère-t-il.

    Le président Tebboune n’est pas revenu durant l’entretien sur les propos controversés d’Emmanuel Macron, qui s’était également interrogé sur l’existence d’une «nation algérienne» avant la colonisation française. Le sujet mémoriel pourrait être l’objet de prochains échanges entre les deux chefs d’État.

    Dans la missive remise par Benjamin Stora, le président français appelle au «renforcement des liens déjà forts» entre les deux pays et réitère son «engagement à poursuivre sa démarche de reconnaissance de la vérité et de réconciliation des mémoires». Il évoque aussi une «prochaine» visite en Algérie.

    Source: Le Figaro, 10 jui 2022

    #Algérie #France #Colonisation #Mémoire #Tebboune #Macron

  • La Tunisie cœur battant de la Révolution Algérienne

    La Tunisie cœur battant de la Révolution Algérienne

    Tunisie, Algérie, Guerre de libération, colonisation, France,

    Deux lieux anodins au centre-ville de Tunis rappellent le rôle important qu’a joué la Tunisie de 1956, nouvellement indépendante dans la réussite de l’élan révolutionnaire algérien et sa concrétisation, six ans plus tard par sa libération.

    Le premier, petit hôtel coquet du centre-ville, le Majestic est aujourd’hui connu pour son bar retro et sa terrasse qui accueillent l’élite tunisoise et quelques touristes et qui a eu une histoire liée à la Révolution algérienne, car il deviendra en 1960 le siège du Gouvernement provisoire de la République Algérienne, jusqu’à 1962. Ses couloirs ont vu passer Saad Dahleb, Lamine Debbaghine et Krim Belkacem. L’EtatMajor politique algérien y avait accueilli les chefs d’Etats de passage à Tunis comme le Président Tito. Il a en outre servi de base pour les agents du Ministère de l’armement et des liaisons générales, ce fut d’ailleurs le lieu de résidence de Abdelhafid Boussouf son patron.

    Second lieu mythique lié à la guerre d’Algérie, le siège d’El Moudjahid, actuel siège de l’Amicale des
    algériens de Tunisie qui avait accueilli de grandes plumes de la Révolution algérienne comme Franz
    Fanon ou Redha Malek. Ce siège avait accueilli le journal d’octobre 1957 au 19 mars de 1962.

    Tunis a aussi été l’écrin d’une des plus belles armes du peuple algérien dans son combat contre le
    colonialisme, l’équipe du FLN, qui s’établira dans la capitale tunisienne en 1958. «Par le biais du sport, la cause nationale a avancé. Elle a gagné 10 ans sur le combat libérateur», dira Ferhat Abbas premier chef du GPRA. Ce qui est moins connu, c’est la création dans les bases de l’Ouest tunisien, de l’équipe de l’ALN en 1956, une équipe constituée de joueurs algériens évoluant en Tunisie et de réfugiés ou combattants algériens.

    Outre l’appareil médiatique et politique algérien, la Tunisie a abrité l’armée des frontières et l’étatmajor général dans la région frontalière. La proximité entre les deux peuples face au colonialisme s’est illustré le 8 février 1958, lors du bombardement par l’aviation française du village de Sakiet Sidi Youcef en Tunisie, à quelques encablures de la frontière. Un bombardement qui a conduit à la mort de 70 tunisiens et algériens et la blessure de 140 autres. Parmi les victimes, 12 enfants dans une école et des dizaines de réfugiés regroupés dans un camp de la Croix rouge.

    L’armée française avait commis ce crime contre des civils en réponse à l’activité transfrontalière des
    éléments de l’ALN. L’horreur de cette vengeance conduira à la chute du cabinet de Felix Gaillard une semaine plus tard.

    Le basculement de la Tunisie vers le soutien total à la cause algérienne a permis au FLN de s’installer durablement et d’établir une base arrière militaire pour assurer l’approvisionnement en armes et en hommes des maquis de l’intérieur. On verra s’installer à partir de la mi 1956 des bases de l’ALN dans les villes de Ghardimaou, Sakiet Sidi Youssef, Le Kef, Tajerouine, Thala, Thélepte, Gafsa et Kasserine.

    Un réseau de dépôts d’armes et de munitions est établi dans le Sud tunisien, il fait la jonction avec les réseaux d’acheteurs d’armes en Libye et en Europe et se charge de réceptionner les cargaisons venant d’Egypte.

    En 1958 l’ALN amasse une force considérable, prête à entrer en Algérie pour poursuivre le combat. Dans l’arrière-pays de Tabarka, 1200 et 1500 hommes se préparent à rejoindre les wilaya I et II, Le 15e bataillon de l’ALN, masse ses hommes pas loin de là pour préparer ses hommes à rejoindre la wilaya III.

    Plus au Sud du côté de Hydra, pas loin des mines de fer de Ouenza, deux bataillons se préparent à
    rejoindre les wilaya I et IV. Cette concentration de troupes donnera lieu à la guerre des frontières entre l’armée française et l’ALN

    les six premiers mois de l’année 1958. Plus de 2000 algériens tomberont au champ d’honneur pour
    assurer l’approvisionnement en armes des maquis de l’intérieur.

    Le 4 juillet 1962, la veille de l’indépendance, le 17e bataillon de l’armée des frontières stationné à
    Ghardimaou en Tunisie est le premier groupe de l’ALN à faire marche vers l’Algérie. Il prend position à Souk Ahras après avoir traversé la ligne Challe puis se déploie tout au long de la frontière.

    La visite du Président Kaïs Saïd en Algérie à l’occasion de la célébration du 60e anniversaire de l’indépendance du pays n’est que la continuation de ces relations. A rappeler que le président Saïed avait décoré la moudjahida Djamila Bouhired du Grand cordon de l’Ordre de la République tunisienne en janvier 2020.

    Akram Kharief

    Le Jeune Indépendant, 04/07/2022

    #Algérie #Tunisie #Guerre_de_libération

  • 05 juillet 1962: Esprit de victoire et de liberté d’un peuple

    Algérie, 60e anniversaire, indépendance, guerre de libération, colonisation, France,

    Par Tarek Benaldjia

    Le 05 juillet 1962, Allah prouva qu’il était des siècles durant avec le peuple algérien, Il lui a annoncé la bonne nouvelle qu’il le soutiendrait tous les temps et resterait à ses côtés sur cette voie de la victoire. Alors que nous continuons avec des pas plus fermes et plus forts dans cette grande marche. La «résistance implacable» se poursuit. C’est le destin pour nous, pour notre nation. C’est une date qui a vu le triomphe de l’esprit humain et la victoire de la démocratie et de la liberté sur l’oppression et la discrimination.

    Tous ceux qui sont tombés en martyr, devenus vétérans, handicapés, orphelins, qui ont travaillé avec les maquisards, qui ont porté leurs colères contre l’injustice, l’impérialisme colonial français dans les monts des Aurès et Djurdjura qui l’ont exprimée à travers leurs armes et écrits dans toutes les wilayas, nous leur exprimons ici, notre plus grande gratitude qui, à travers leurs engagements et leurs sacrifices, nous ont ouvert une voie vers l’indépendance et de meilleures conditions de vie.

    Malgré toute cette cruauté depuis l’époque coloniale à laquelle ont été confrontés les algériens durant 132 ans, ils restent convaincus de leur belle histoire, tiennent un discours basé sur le calme, la maturité, la sagesse, la raison et la grâce de la pensée philosophique et non pas avec la collaboration avec l’ennemi.

    Il est tout à fait claire que l’Algérie a besoin aujourd’hui des Hommes de la trempe de nos chouhadas, leur victoire sur l’ennemi est la conséquence directe à favoriser l’essor de l’intérêt suprême de la patrie au-dessus de toute considération politique étroite car il s’agit de l’avenir du peuple et du destin de la nation.

    Ces caractéristiques majestueuses seront Incha-Allah, transmises aux futures générations vont continuellement illuminer notre marche vers l’avenir et nous rendre encore et encore plus puissants.

    Ceux qui essaient d’affaiblir et de diluer cette lutte ne figureront jamais dans les pages honorables de notre histoire.

    05 juillet une victoire à la hauteur de l’esprit humain. Elle se poursuivra éternellement pour les algériens. C’est une responsabilité, chargée d’histoire, de géographie et d’identité. Les traîtres et tous ceux qui nuisent à la terre des Chouhadas, ont oublié que tôt ou tard, ils seront démasqués et échoueront dans leur sale besogne. Il est certain que tous ceux qui ont foi en le pacte des vaillants Chouhadas et leur éternel serment, contribueront en toute sincérité à la lutte contre la corruption et participeront avec abnégation et dévouement à la purification de l’Algérie des inféodés et serviteurs du colonialisme.

    Algériens , algériennes faites connaître votre présence et prenez la place réelle qui vous revient dans les premiers rangs. Le pays a besoin de vous. Les virtuoses de l’Algérie devraient monter sur la scène afin qu’ils prennent la décision qui fera en sorte que vraiment leurs intérêts seront protégés, défendus et moussés sur la scène internationale comme ils devraient l’être, c’est-à-dire qu’ils décident de se donner entièrement à leur propre pays, à la lumière de « Mustapha Benboulaid, Amirouche, Krim Belkacem , Ait Ahmed, Houari Boumediene… ». Ceux qui possèdent de grands talents, une grande habilité dans un domaine donné, devraient mettre à profit leurs connaissances et leurs expériences au service du pays et de la nation. Tel est l’esprit de la victoire et de la liberté d’un peuple.

    Vive l’Algérie Algérienne et gloire à nos glorieux combattants et chouhada.

    #Algérie #60anniversaire #Indépendance #GuerreDeLibération

  • Algérie. Droit constitutionnel

    Algérie, colonisation, France, logement, habitat, 60e anniversaire de l’indépendance,

    Du temps de la nuit coloniale, le gîte «indigène» représentait l’exemple type de la ségrégation spatiale.
    L’Algérien était confiné dans son douar ou vivotant aux portes des villes, invisible et noyé dans une impitoyable misère.

    À l’ère de l’indépendance, même si le problème de l’accès au logement persiste encore, il est indéniable que des efforts considérables sont consentis par l’État pour le régler.

    Le ministre de l’Habitat, de l’Urbanisme et de la Ville, Mohamed Tarek Belaribi, a relevé, hier, que 700.000 logements de différentes formules ont été livrés, depuis 2020, à ce jour, au profit de plus de trois millions de citoyens.

    Il s’exprimait en marge de la cérémonie de lancement de la distribution de 160.000 logements, toutes formules confondues, sur tout le territoire national, dans le cadre de la commémoration du 60e anniversaire de l’indépendance.

    L’Algérie reste un des rares pays — si ce n’est le seul — à pratiquer une politique de l’habitat à forte consonance sociale.

    Cela n’est pas fortuit. Le caractère social de l’État est l’un des fondements de la politique algérienne, inscrit dans la Déclaration du Premier novembre 1954 et dans la Constitution.

    À cet effet, les pouvoirs publics ont mis en place des moyens législatifs, institutionnels et financiers importants dans l’objectif de répondre le mieux aux attentes des familles, notamment les plus démunies.

    S’agissant du logement, l’État consacre des ressources budgétaires appréciables pour faire face à une forte demande qui nécessite des efforts et un rôle plus accru des autres agents économiques et du secteur privé.

    Sans omettre de signaler l’apport d’autres outils, comme l’amélioration des instruments de planification et d’urbanisme, une grande mobilisation de l’épargne nationale et la transparence des modalités d’attribution des logis.

    Le Président Tebboune insiste, à la fois, sur l’impératif de finaliser les programmes en cours dans les meilleurs délais, sur la réalisation d’un tout nouveau programme de construction d’immeubles, de prendre en compte les contraintes de financement, mais surtout de ne pas construire au détriment de la qualité, des aspects architecturaux et de l’aménagement urbain.

    El Moudjahid, 002/07/2022

    #Algérie #Logement #Habitat

  • Sénégal : Le combat politique par la culture

    Sénégal : Le combat politique par la culture

    Tchad, Mali, Sénégal, Burkina Faso, Françafrique, colonisation,


    Si les peuples africains au Tchad, au Mali et au Burkina Faso ont opté par la confrontation directe avec la puissance coloniale, la France en l’occurrence, leurs frères sénégalais suivent la même voie mais avec des armes culturelles.

    Dès sa nomination à la tête de la ville de Ziguinchor, Ousmane Sonko, a annoncé la rebaptisation des cinq rues portant jusqu’alors des noms français. Ces noms ont été catégoriquement remplacés par des noms africains de vaillants hommes et de vaillantes femmes qui ont marqué l’histoire du Sénégal. Ainsi, le maire de la municipalité de Ziguinchor, Ousmane Sonko, a procédé au changement des noms des rues et des boulevards de la ville qui portaient des noms coloniaux. La rue du Général de Gaulle s’appelle désormais, rue de la Paix. La Rue de France, rue de l’Union Africaine. Et ainsi de suite.

    « Nous avons le devoir de réconciliation avec la mémoire africaine et la mémoire de nos pères et mères qui se sont battus pour nous et pour la dignité. Nul part en France, vous verrez une « Rue Hitler » parce qu’il a été un poison pour l’histoire française. Pourquoi, chez nous au Sénégal, on doit donner les noms de tous ceux qui ont tué nos pères, nous ont colonisés, forcés à la soumission et tué toux ce qui bouge », a-t-il déclaré au média Africa24

    #Tchad #Mali #BurkinaFaso #Sénégal #Ziguinchor #Ousmane_Sonko #Françafrique #Colonisation

  • Le Rif marocain : La cause d’un peuple longtemps opprimé

    Le Rif marocain : La cause d’un peuple longtemps opprimé

    Le Rif marocain : La cause d’un peuple longtemps opprimé – Hirak, Maroc, Makhzen, colonisation, République du Rif,

    La cause rifaine remonte a l’année 1921 date de la proclamation de la première République du Rif, par la République confédérée des tribus du Rif, laquelle avait duré jusqu’en 1926. Depuis, ce peuple rifain s’est vu durant des années persécuté, pourtant il occupe une très large partie de la superficie du Royaume du Maroc, laquelle se subdivise en plusieurs régions, à savoir le Rif Oriental (Melilla, Driouch et Nador) et le Rif Central (Houceima et Targuist) correspondent au Nord Est du Maroc, tous deux habités par les rifains, tandis que le Rif occidental (Tétouan et Chefchaouen), également appelé péninsule tingitaine, occupe le Nord-Ouest du Maroc. Il est principalement habité par les Jbalas, Ghomara et Sanhadja de Srayr.

    L’histoire retiendra que plusieurs mouvements indépendantistes se sont succédés revendiquant la liberté et l’autodétermination du Rif, à chaque fois réprimés, à commencer par la résistance rurale dans le nord du Maroc pendant le colonialisme espagnol et menée par le prince moudjahid Muhammad ibn Abd-al-Karim al-Khattabí, l’une des résistances les plus féroces et les plus fortes d’Afrique du Nord et même de tous les pays du tiers monde.

    On peut dire que l’histoire se répète dans le Rif rebel du Maroc, un demi-siècle après les événements dont il a été témoin, qui se sont caractérisés par la répression par l’armée marocaine, pour effacer tout signe de la révolution. Malgré cela, la vague de protestations est revenue balayer à nouveau le Rif Marocain avec de nouveaux acteurs et héros, mais avec des objectifs similaires.

    Il est clair que la raison derrière ces protestations, et l’alimentation de la colère Rifaine, est que la situation dans la région n’a enregistré aucune amélioration significative. De plus, les problèmes qui ont longtemps épuisé ces terres pauvres demeurent. Tous ces facteurs ont agi comme un catalyseur de la rébellion et une impulsion majeure à l’exode vers des régions marocaines plus prospères ou à l’émigration vers l’Europe.

    En 1984, les protestations reprennent également dans la région contre la « marginalisation » et les autorités parviennent à contrôler à nouveau la situation. La ville d’Al Hoceima a été le centre des manifestations connues sous le nom des « émeutes du pain » en 1984. C’est la seule ville dans laquelle des personnes ont été tuées lors des manifestations de 2011.

    La plus récente d’entre elles remonte à ces dernières années, lorsque plusieurs leaders se sont fait emprisonnés (tel que ZAFZAFI et d’autres du mouvement du Hirak d’El-Houceima) avec des scènes, de torture, d’emprisonnements arbitraires, où la mort d’un résistant rifain a enclenché la révolte contre le régime central du Makhzen.

    A ce titre, la diaspora Rifaine établie à l’étranger, notamment en France et en Belgique, a condamné les violations des droits humains commises par les autorités marocaines.

    A Paris, un collectif de soixante-dix (70) associations et syndicats, a dénoncé la répression aveugle du Makhzen, suite à la confirmation des peines à l’encontre des militants du Hirak du Rif.

    Sur ce, des voix se sont élevées de nouveau pour réclamer une autodétermination du Rif.

    Dzair-tube, 12 mai 2022

    #Maroc #Rif #Hirak

  • Se souvenir du massacre de 45 000 Algériens

    Se souvenir du massacre de 45 000 Algériens

    Se souvenir du massacre de 45 000 Algériens – 8 mai 1948, France, crimes coloniaux, Guelma, Sétif, Kherrata, colonisation, mémoire,

    Quoi : Massacre français d’Algériens
    Quand : 8 mai 1945
    Où : Sétif, Guelma et environs

    Qu’est-il arrivé?
    Alors que l’Europe célébrait le début de la fin de la Seconde Guerre mondiale avec la capitulation de l’Allemagne le 8 mai 1945, des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants algériens ont été mobilisés par les Français en Algérie pour marquer la victoire des forces alliées sur les nazis.

    Le sentiment anti-français et le mouvement anticolonial se sont développés à travers l’Algérie pendant des mois, entraînant des manifestations avant le 8 mai. Quelque 4 000 manifestants sont descendus dans les rues de Sétif, une ville du nord de l’Algérie, pour faire pression sur de nouvelles demandes d’indépendance au gouvernement colonial et sur des droits accrus.


    De nombreuses organisations se sont jointes à la manifestation en brandissant des pancartes dont « Fin de l’occupation » et « Nous voulons l’égalité ». Lorsqu’un membre des scouts musulmans de 14 ans, Saal Bouzid, tenait un drapeau algérien, les Français, sur ordre du général Duval, ont ouvert le feu sur les manifestants non armés, tuant Bouzid et des milliers d’autres.

    La panique s’ensuit et les affrontements entre Algériens et Français conduisent rapidement à la violence, les Français utilisant toutes les tentatives pour contrôler la population. Les forces coloniales lancent une offensive aérienne et terrestre contre plusieurs villes de l’Est, notamment à Sétif et Guelma.

    Le chef du gouvernement provisoire de la France à l’époque, le général De Gaulle, a ordonné que les agriculteurs et les villageois des environs soient tués dans ce qui est rapidement devenu des opérations de lynchage et des exécutions sommaires.

    Des milliers de corps se sont accumulés si rapidement qu’il était impossible de les enterrer, ils ont donc souvent été jetés dans des puits ou des ravins environnants.

    La violence se poursuivra jusqu’au 22 mai, date à laquelle les tribus se rendront. À ce moment-là, 45 000 hommes, femmes et enfants algériens dans et autour de la région de Sétif, Guelma et Kherrata avaient été tués ainsi que 102 blessés français.

    Que s’est-il passé ensuite ?
    Le massacre par les Français a provoqué le mouvement anticolonial et neuf ans plus tard, l’Algérie a commencé sa guerre d’indépendance en novembre 1954 – un combat qui coûtera la vie à 1,5 million d’Algériens jusqu’à ce que l’indépendance soit déclarée en 1962.

    Le 8 mai est un jour de deuil officiel en Algérie qui contraste fortement avec la célébration anniversaire à travers l’Europe. En février 2005, Hubert Colin de Verdière, ambassadeur de France en Algérie, a officiellement présenté ses excuses pour le massacre, le qualifiant de « tragédie inexcusable ». Le président algérien Abdelaziz Bouteflika a qualifié le massacre de Sétif de début d’un « génocide » perpétré pendant la guerre d’Algérie par les forces d’occupation françaises. La France a dénoncé cette description.

    Yasmina Allouche

    MEMO, 8 mai 2022

    #Algérie #France #Mémoire #Colonisation #8mai1945 #Massacres #Sétif #Kherrata #Guelma

  • Algérie-France: Tebboune et Macron tracent la nouvelle voie

    Algérie-France: Tebboune et Macron tracent la nouvelle voie

    Algérie-France: Tebboune et Macron tracent la nouvelle voie – message de félicitations, communication téléphonique, mémoire, colonisation,

    Tout porte à croire que les relations algéro-françaises sont à l’orée d’une nouvelle ère. L’on s’achemine de go vers une nouvelle phase dans les relations entre les deux pays.

    Une phase qui contraste avec les périodes de crises et les tumultes qui ont presque été le lot de ces relations entre les deux parties comme cela a été le cas il y a tout juste quelques mois de cela. En effet, en quelques jours seulement deux faits majeurs sont venus étayer ces prévisions optimistes quant à l’avenir des relations entre Alger et Paris : le message de félicitations adressé par le président de la République Abdelmadjid Tebboune a son homologue français, Emmanuel Macron, après sa réélection pour un second mandat ainsi que la dernière communication téléphonique entre les deux Présidents. Deux faits qui laissent clairement présager que les deux pays semblent résolument décidés à tourner la page des tensions, des crises et des malentendus. Au vu du contenu tant du message de félicitations de Tebboune que de la teneur de la communication téléphonique, les observateurs sont presque catégoriques s’agissant de la volonté des deux hommes de tourner la page du passé pour mieux entrevoir celle de l’avenir ».

    Le Président français a remercié le président de la République pour son aimable attention et ses nobles sentiments », a indiqué le communiqué de la présidence de la République. Macron fait référence au message de félicitations que lui a adressé le Président Tebboune. La communication téléphonique, qui a eu lieu jeudi, a permis aux deux Présidents de « passer en revue les relations bilatérales et les moyens de les développer dans nombre d domaines au mieux des intérêts des deux peuples, ainsi que des questions régionales et internationales d’intérêt commun », a ajouté le communiqué.

    Selon le communiqué de l’Elysée les deux Présidents ont évoqué plusieurs dossiers internationaux, notamment la situation au Mali et la guerre en Ukraine et ont « réaffirmé leur volonté de poursuivre la dynamique positive dans la relation bilatérale entre la France et l’Algérie ». Une « dynamique positive » qui s’est curieusement enclenchée suite à la grave crise survenue dans les relations entre les deux pays l’automne dernier lorsque les propos malveillants du Président français sur l’Algérie, son histoire et son système politique ont irrité au plus haut point Alger qui a été amené, en guise de réaction, rappelé son ambassadeur accrédité en France pour « consultations ».

    Le diplomate algérien n’a rejoint son poste que trois mois après et ce suite au changement de ton de Paris opéré par la France répondant ainsi favorablement aux vœux souhaités par Alger pour normaliser les relations. Et depuis cette crise les responsables des deux pays prennent soin d’éviter les propos qui pourraient fâcher les uns et les autres leur substituant les déclarations sur les bonnes relations entre les deux parties et leurs intentions d’aller de l’avant pour les densifier et les conforter comme jamais auparavant.

    « Qu’il s’agisse de mémoire, de relations humaines, de consultations politiques ou de projections stratégiques, de coopération économique et d’interactions dans toutes les sphères de travail en commun, la vision rénovée, pleinement respectueuse des souverainetés et de l’équilibre des intérêts, que nous partageons, a le potentiel d’ouvrir à nos deux pays de vastes horizons d’amitié, de convivialité harmonieuse et de complémentarité mutuellement avantageuses », à a indiqué le Président Tebboune dans son message de félicitations à Macron.

    Par : KAMEL HAMED

    Le Midi Libre, 08 mai 2022

    #Algérie #France #Macron #Tebboune