Étiquette : crimes coloniaux

  • Algérie : La criminalisation du colonialisme repoussée

    Algérie : La criminalisation du colonialisme repoussée – Les parlementaires invoquent l’urgence et l’absence d’un consensus national qui ouvrirait la voie à la publication de ce projet

    Les blocs parlementaires les plus représentatifs de l’Assemblée nationale populaire ont refusé d’approuver l’initiative visant à criminaliser le colonialisme, qui a été présentée par le Mouvement de la société pour la paix, en invoquant l’urgence et l’absence d’un consensus national qui ouvrirait la voie à la publication de ce projet.

    Entre-temps, les initiateurs ont confirmé que les partis politiques représentés au Parlement ont reçu un délai d’un mois pour discuter de cette mesure au niveau des partis, mais sans résultat.

    Les représentants des blocs parlementaires – FLN et RND- ont justifié leur échec à se joindre à l’initiative du projet de criminalisation du colonialisme, qui a été déposé par le Mouvement de la Société pour la Paix, auprès du bureau du Conseil, coïncidant avec la commémoration de l’anniversaire de la Journée de la Révolution, et ont exprimé leur refus d’accorder une « approbation pour un projet urgent qui n’a pas bénéficié d’un consensus national », ce qui a été confirmé par le chef du bloc du parti du Front de Libération Nationale, Sid Ahmed Tamamri, qui a déclaré à Echorouk que le premier accord entre les députés était basé sur l’orientation vers un traitement global du texte du projet de loi et la prise en compte de tous ses aspects politiques, économiques, juridiques et historiques.

    « Le parti MSP a pris l’initiative de présenter ce projet, même si les députés étaient en accord global sur le dossier, et a exigé un délai pour le traiter dans tous ses aspects, donc nous avons vu qu’il y avait une urgence à le présenter, d’autant plus que la question n’est pas seulement liée à une réaction, mais plutôt dans une loi dont dépendent les générations car elle représente le dossier de la mémoire nationale ».

    « Le FLN a été le premier à présenter un projet de criminalisation du colonialisme, mais ce dernier n’a pas vu la lumière pour plusieurs raisons, notamment le manque de connaissance complète du projet, qui nécessite une discussion globale, car la question n’est pas liée uniquement à la classe politique, mais au peuple et au gouvernement et aux institutions dans leur ensemble, ce qui fixe un délai pour présenter une décision incorrecte. Nous ne voulons pas utiliser cet important dossier lié à la mémoire pour des objectifs spécifiques, mais nous voulons qu’il représente l’importance de notre cause ».

    Le leader du Rassemblement national démocratique et porte-parole officiel du parti, Arbi Safi, a le même point de vue et a considéré, dans une déclaration à Echorouk, que le projet de criminalisation du colonialisme est une question nationale qui concerne le peuple algérien et la classe politique du pays, et qu’il a donc besoin d’un consensus national populaire, ajoutant que son parti a longtemps plaidé pour lever la main pour ce projet, mais le reproposer de cette manière est rejeté par le RND, d’autant plus que l’idée n’est pas née aujourd’hui, ce qui rend l’unanimité à son sujet plus que nécessaire car elle n’accepte pas le désaccord.

    « Il était censé élargir la discussion autour et coordonner entre tous pour l’enrichir, en commençant par le Parlement et en atteignant les chefs de partis qui en décident, considérant qu’un tel projet a besoin d’une approche en douceur pour atteindre son objectif sans obstacles qui le ramèneraient au point zéro ».

    Le chef du bloc parlementaire du Mouvement pour une société de la paix, Ahmed Sadouk, confirme que tous les députés, toutes orientations politiques confondues, sont convaincus de la nécessité d’aller vers la résurrection du projet de criminalisation du colonialisme dans les plus brefs délais, mais nous avons été surpris par le retour au point zéro après que les blocs parlementaires aient exigé de lui donner plus de temps, ce qui a été accepté par le MSP, qui a été accordé pour un mois entier sans résultat et sans faisabilité.

    « Nous ne voulons pas de fanfare sans farine. Le premier novembre est une occasion importante pour présenter le projet, ce qui a déjà été fait. Des représentants de l’extérieur de notre bloc, comme le FLN, le RND, des députés indépendants et le Mouvement de la construction nationale ont rejoint l’initiative. Nous nous réservons le droit de refuser de mentionner leurs noms ».

    Echourouk online, 01/11/2021

  • Novembre ou le message de Jugurtha

    Novembre ou le message de Jugurtha – Hier comme aujourd’hui, c’est l’Histoire que l’on convoque pour interpréter les faits actuels. On la manipule aussi, on l’instrumentalise à rebours de ce qu’elle nous apprend quand on est résolu à chercher ou à approcher sa vérité.

    Hier comme aujourd’hui, c’est l’Histoire que l’on convoque pour interpréter les faits actuels. On la manipule aussi, on l’instrumentalise à rebours de ce qu’elle nous apprend quand on est résolu à chercher ou à approcher sa vérité.

    L’Histoire est une suite d’évènements sans fin. Elle est le témoin de la vie des nations, de leur grandeur, mais aussi des faiblesses qui précèdent leur disparition. On ne peut changer le cours du passé, mais l’avenir de l’humanité appartient à tous ceux qui savent tirer les enseignements et fonder de nouveaux rapports à l’Histoire que nous écrivons.
    La civilisation européenne a largement utilisé les apports de la civilisation musulmane, née aux confins du Maghreb musulman, ayant duré près de huit siècles.
    Son point d’aboutissement coïncide avec la renaissance de l’Europe occidentale et de sa pire créature : le colonialisme. En moins d’un siècle, les pays européens étendront leur domination sur l’ensemble du monde et, en particulier, sur les pays musulmans.
    Au cours de cette période, alors que les dessous de cartes de la Méditerranée sont peu à peu discernés, les stratèges militaires européens, de façon générale, les Espagnols, en particulier, ne sous-estiment pas l’émergence des Turcs-Ottomans qui, tel un mouvement de balancier, ont pris du poids à l’autre bout de l’Europe, dans les Balkans (la Grèce, la Serbie, la Bulgarie actuelles). Un peuple avec lequel nous, Maghrébins, allons partager plus de trois siècles d’existence, sous sa domination (ou sa tutelle).

    Revenons à ce qui nous touche de plus près
    Les princes d’Alger, de Tlemcen, de Béjaïa et de Tunis ont pris conscience de l’état de délabrement avancé de leurs territoires, de la posture hypothétique de leurs pouvoirs. Ils ont examiné, au cours de leurs longs conciliabules, les dangers de l’expansion chrétienne et de la politique inquisitrice, menée sans rapport avec les enseignements religieux qu’elle prétend étendre…
    Arroudj prend Alger et Kheir-Eddine, à sa suite, lance un programme d’équipement à travers toutes les villes. Alger bénéficie d’une attention particulière que ses successeurs poursuivent jusqu’au dey Hussein, le dernier de la lignée des sultans turcs en Algérie.
    La présence turque a permis de délivrer le pays des Espagnols, accrochés aux villes côtières, Alger de 1509 à 1518, Béjaïa de 1510 à 1545 et Oran de 1509 à 1709.
    Cette présence ne se manifeste pas par une politique coloniale au sens de peuplement et d’accaparement des terres, mais sa politique fiscale ingrate, ajoutée à l’arbitraire comme mode opératoire de la collecte d’impôts, détruit la cohésion sociale, menace ou hypothèque le champ vivrier. Le règlement d’un contentieux judiciaire devient aléatoire. Cette situation, les Maghrébins l’ont déjà vécue au cours de leur longue histoire.
    La politique suivie par les Turcs-Ottomans a souvent été méprisante ; elle a véhiculé des ressentiments que les populations assimilent à la détestation du régime colonialiste. L’amertume se développe, la résistance à l’oppression aussi.
    Le Maghreb découvre le statut de vassal à l’intérieur de son sol historique. Il va découvrir, bientôt, la sous-traitance pour le compte de l’Empire ottoman et permettre à celui-ci de tenir un rôle dans le concert européen, en s’engageant avec François 1er, roi de France(1) (1515-1547). Et voilà que les Maghrébins, Algériens et Tunisiens, constituent «un second front» contre l’Empire hispano-allemand, assailli, par ailleurs, en Europe centrale et en Méditerranée.
    Le temps s’écoule et Kheir-Eddine passera bientôt le flambeau. Disons encore ce mot sur ce souverain : les qualités d’homme d’État et de fondateur d’Alger (sur les restes de la ville de Bologuine ibn Ziri) lui sont reconnues et son souvenir est honoré dans les pages turco-ottomanes d’histoire de notre pays.

    Les relents d’un régime colonialiste
    La Régence, État national militaire, traîne comme un boulet un pays pour lequel elle n’a conçu ni réforme structurelle, ni stratégie économique, ni encore, tant s’en faut, de politiques sociale et culturelle ou encore moins un développement de la connaissance, de la production intellectuelle ou artistique. Les Turcs sont davantage attachés à leurs commerces, essentiellement orientés vers la course et la piraterie. Ils ne peuvent imaginer engendrer un quelconque profit d’une activité intellectuelle.
    Les autochtones cherchent à survivre dans un climat souvent de terreur qui ne facilite guère l’accès à la science ou aux arts. Sécheresse culturelle quasi totale qui sera compensée par l’apprentissage du Coran dans les confréries religieuses (zaouïas). Certaines de ces dernières dispensent un enseignement de haute teneur intellectuelle.
    À cette époque-là, la France, de son nom adopté sous Philipe Auguste au XIIe siècle, était encore sous le régime de Royaume de droit divin dans lequel le roi dispose d’un pouvoir absolu. C’est la Révolution française, en 1789, qui mit un terme à ce régime et c’est « le 17 juin 1789, que se constitue, par le serment du Jeu de paume, la première unité politique se réclamant du peuple français : c’est l’acte de naissance de l’État actuel».(2)
    À cette époque, aussi, Béjaïa, la capitale berbère, hafside, ouvrit ses portes au célèbre mathématicien italien Leonardo Fibonacci, venu acquérir les sciences auprès d’un des illustres enseignants de la ville, un savoir qui a permis le décollage de l’Europe

    Que nous réserve l’avenir ?
    Qu’avons-nous fait depuis 1962 pour déconstruire l’œuvre culturelle coloniale et prouver qu’elle s’inscrivait dans un long processus d’aliénation historique et d’annihilation de notre propre anthropologie culturelle et linguistique ?
    La célébration du 1er Novembre 1954, date de l’unification de toutes les forces du pays depuis la défaite du roi Jugurtha, mort en 104 av. J.-C., à Rome, après huit années de résistance, et celle de l’Émir Abdelkader qui a vainement tenté d’unifier les États régionaux de l’ensemble du territoire, est une date qui nous invite à une introspection historique pour capitaliser sur les leçons de notre propre histoire et celles d’autres pays.

    Le message de Jugurtha et les hommes de Novembre
    Novembre 1954 n’est pas si loin, et ses innombrables leçons sont, sans aucun doute, bien apprises ! L’une de ces leçons dont se sont nourris les hommes de Novembre se résume dans le message de Jugurtha, à savoir «Résistance, liberté et unité contre le colonialisme, injuste et oppresseur». «L’Émir Abdelkader, lui aussi, avait combattu le colonisateur français, pendant une quinzaine d’années. C’est dire son héroïsme et son courage. Cependant, il a fini par connaître le même sort que Jugurtha, puisque, lui aussi, il fut trahi par les Français en croyant à leur ‘’loyauté’’.»(3)
    Le message de Jugurtha, livré par toutes les péripéties de son combat pour la liberté, est dramatiquement d’actualité pour nous. Il est triple. Il est, d’abord, un vibrant appel à la résistance contre tout occupant étranger. Car toute occupation étrangère se traduit, partout, par les mêmes effets destructeurs des structures politiques, économiques et culturelles du pays occupé pour finir par porter atteinte jusqu’aux fondements de son identité.
    Une résistance aussi longue que nécessaire et par tous les moyens est le seul moyen à opposer à l’ennemi. Jugurtha, lui-même, durement imprégné de cette réalité, mena une résistance contre l’occupation romaine jusqu’à sa capture, après 8 ans de guérilla, et sa mort dans les prisons de Rome dans d’affreuses souffrances.
    Il est, ensuite, un fier appel au recouvrement de la pleine souveraineté du pays sur ses richesses et contre toute forme d’exploitation étrangère, reprenant de la sorte la fameuse devise de son grand-père, Massinissa : «L’Afrique aux Africains.» Rome, en effet, disposait à sa guise du pays de Jugurtha, d’abord, de ses produits agricoles (ne disait-on pas que ce pays est «le grenier de Rome»), ensuite, de ses hommes qu’elle enrôlait dans ses légions pour les envoyer, comme chair à canon, guerroyer à travers l’Empire.
    Cet appel retentira dans l’Histoire pour devenir, au XXe siècle, le leitmotiv de tous les pays sous domination étrangère : le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.
    Il est, enfin, un douloureux appel à l’unité des rangs dans le combat commun pour éviter de donner à l’ennemi l’occasion de mettre en application la devise bien connue de toujours, car toujours efficace : «Diviser pour régner.» Jugurtha vécut dans sa chair le résultat tragique de la désunion à travers la trahison du roi berbère voisin, Bocchus, (Boukechouche, son beau-père), qui l’invita chez lui pour ensuite le livrer aux Romains.
    Tous les résistants algériens, plus particulièrement ceux de Novembre 1954, ont visiblement entendu et compris ce message pour le porter par des sacrifices suprêmes jusqu’ à l’indépendance. Aujourd’hui, nous devons nous-mêmes ne pas faire la sourde oreille à ce message sous peine de vivre les dangers contre lesquels il nous met bien en garde, car l’occupation étrangère est sous nos yeux en mesure de se renouveler dans ses formes sans changer dans ses effets.

    L’Algérie de demain
    En 1954, le continent africain demeure colonisé par les puissances européennes, mais en novembre de cette année, sur le sol d’Algérie, éclate une Révolution qui contribuera largement à changer, non seulement, le cours de notre histoire nationale, mais aussi l’évolution du monde. Nous ne sommes pas isolés dans le monde et notre soulèvement entraînera l’émancipation de l’Afrique entière. Il fallait de l’intelligence aux combattants de ce temps-là pour anticiper la redistribution des cartes qui allait se produire six ans plus tard à l’échelle continentale ; il fallait de l’ambition pour donner au peuple algérien un destin qui ne dépende que de ses propres choix ; il fallait une culture, largement partagée, pour puiser, dans les leçons de l’Histoire, la conviction que l’Algérie était un rêve qui avait habité les hommes et les femmes de ce pays, surtout lorsque la liberté leur était confisquée.
    Et si, pour célébrer l’événement de cette date de renaissance, nous repartions vers nos origines, vers les grands noms qui attestent de notre existence en tant que nation dans l’acception moderne du terme ? Si nous redécouvrions les souffrances de celles et de ceux qui nous ont précédés sur notre terre ? Si nous refaisions un parcours dans notre antériorité pour que notre mémoire se rafraîchisse de ce qui nous est arrivé et de ce que nous avons appris comme leçons ?
    Depuis l’épopée des héros de l’opposition à l’Empire romain tels que Massinissa et Jugurtha par exemple, jusqu’aux glorieux militants du mouvement de libération nationale, il se trouva à chacune des pages de notre histoire des hommes et des femmes qui nous ont poussés vers la liberté. C’est qu’ils avaient découvert l’identité de notre pays, ils avaient développé sa culture, ils avaient contribué à construire sa civilisation.
    Cet écrit est une contribution à la célébration de cette date mémorable. Comme toute contribution, elle est appelée à prendre place dans les réflexions que les Algériennes et les Algériens ne manqueront pas d’alimenter à l’heure où le destin se forge dans le rougeoiement des incendies, sous les nuages noirs des menaces, mais aussi sur une terre, au milieu d’un peuple riche de possibilités encore insoupçonnées, mais que l’Histoire révèle à qui sait la lire.
    K. Y.

    1) En conflit ouvert avec Charles Quint
    2) Jeu de paume reste l’un des moments forts de la Révolution française et un acte fondateur de la République.
    3) Rédha Malek : Mohand Cherif Sahli est le précurseur de la critique historique.

    Par Karim Younes

    Le Soir d’Algérie, 31/10/2021

  • La France doit reconnaître tous les crimes de la colonisation

    La France doit reconnaître tous les crimes de la colonisation – Tourner la page de la colonisation, ne signifie en aucun cas la déchirer.

    Il est indéniable que le président Emanuel Macron est, de tous les chefs d’Etat français sous la Vème République, celui qui a fait le plus de pas symboliques sur la voie de la reconnaissance des crimes de la colonisation. Mais il est tout aussi incontestable qu’il est celui qui aura le plus appliqué la devise de « un pas en avant, un pas en arrière ».

    Candidat à l’Elysée en déplacement à Alger en 2017, il avait en effet qualifié les crimes de la colonisation de « crime contre l’humanité », pour mieux rétropédaler une fois revenu en France où il s’est senti contraint de rassurer les différents lobbys de la mémoire et de ménager les électorats de droite et d’extrême-droite qui voient en la colonisation une œuvre de « civilisation » et mettent généralement sur le même pied d’égalité les crimes de la colonisation et la violence anticolonialiste utilisée par les Algériens pour leur indépendance.

    Ensuite, à la faveur du rapport controversé du respectable historien de la colonisation Benjamin Stora, rapport commandé par le président Macron, ce dernier a reconnu un crime symbolique, celui de l’avocat nationaliste Ali Boumedjel. Puis, dans un remarquable exercice de funambulisme mémoriel et de gymnastique électoraliste, il a reconnu les crimes de masse du 17 octobre 1961 pour mieux les attribuer à l’initiative individuelle et isolée d’un simple haut fonctionnaire, et déresponsabiliser ainsi l’Etat français. Un pas en avant, un pas en arrière, devise macronienne par excellence.

    Il semble qu’il conçoit ainsi la meilleure manière de tourner la page douloureuse de la colonisation, dans une sorte d’opération de solde de tout compte où l’Etat français serait globalement exonéré de toute reconnaissance officielle de l’ensemble des crimes de la colonisation et de toutes excuses ad hoc à ce sujet. Mais tourner la page de la colonisation, ne signifie en aucun cas la déchirer.

    Cette vérité intangible avait été rappelée au président Valery Giscard d’Estaing par le président Houari Boumediene, à Alger, en 1975.

    En 2017, ce fut au tour du président Abdelaziz Bouteflika de la rappeler au jeune président Emanuel Macron. A l’occasion de la célébration du 55e anniversaire de l’Indépendance, le prédécesseur de M. Abdelmadjid Tebboune lui avait donc affirmé que l’Algérie, lorsqu’elle exerce son devoir de mémoire, elle le fait sans haine à l’égard de la France d’aujourd’hui, malgré le poids des mémoires antagoniques, et en dépit des incompréhensions et des écarts de langage de part et d’autre.
    Une France qui a cependant l’obligation de reconnaître les souffrances incommensurables infligées par la colonisation au peuple algérien durant 132 ans d’occupation. Le «partenariat d’exception» que la France et l’Algérie s’évertuaient tant bien que mal à construire, «gagnera en sérénité et en élan dans une reconnaissance des vérités de l’Histoire», avait alors souligné le président Abdelaziz Bouteflika.

    Je reconnais , j’avoue

    La reconnaissance du long martyre du peuple algérien est plus que jamais une condition politique nécessaire à toute normalisation et à toute forte impulsion des relations bilatérales. Cela pourrait signifier que ce partenariat ne sera jamais d’exception tant que les souffrances endurées par le peuple algérien pendant la nuit coloniale ne seraient pas officiellement reconnues en bloc par l’Etat français. Mais que demandait au juste le chef de l’Etat algérien ? Tout simplement, une reconnaissance des crimes de la colonisation et du confiteor ad hoc (le fameux «je reconnais, j’avoue» chrétien). Il ne s’agit donc pas de repentance qui est mêlée au regret douloureux que l’on a de ses péchés, de ses fautes, et du désir de se racheter, commun aux religions monothéistes.

    Les pays colonisés, dont l’Algérie qui a pâti le plus de la colonisation française, ne se sont pas inscrits franchement dans une approche foncièrement culpabilisante de l’ex-puissance coloniale. Les anciennes colonies de confession musulmane, elles, peuvent même exciper de l’argument religieux qui veut qu’«aucune âme ne portera le fardeau d’autrui, et qu’en vérité l’homme n’obtient que le fruit de ses efforts» (sourate 62 de l’Etoile, versets 37, 38). En tout cas, il n’a jamais été envisagé de demander à la France d’aller à Canossa. D’exiger d’elle une dure pénitence, une douloureuse flagellation.

    Personne ne lui demande donc d’être tondue, en robe de bure, et de s’agenouiller pour demander, assez contrite, le pardon.

    D’ailleurs, ni les Algériens, ni les autres peuples qui ont subi eux aussi le joug de la colonisation française ne veulent l’amener à se couvrir la tête de cendres. Les excuses attendues de la France officielle d’aujourd’hui ne serait en rien une repentance à connotation religieuse et pénitentielle. Elle est juste une simple reconnaissance, c’est-à-dire officielle, des souffrances subies par les peuples qu’elle a colonisés. Et cette reconnaissance ne doit en aucun cas se borner à juste souligner «le caractère inacceptable des répressions engendrées par les dérives du système colonial», comme l’a fait le président Jacques Chirac en 2005. Ou encore de défoncer une porte ouverte en admettant que la colonisation en Algérie fut «une tragédie inacceptable», comme l’avait fait l’ancien ambassadeur à Alger Bernard Bajolet. Ou, enfin, de dire, banalement il est vrai, comme d’ailleurs le président Nicolas Sarkozy, en 2007, à Constantine, que «le système colonial a été profondément injuste ». Et comme l’ont fait ensuite les présidents François Hollande et Emanuel Macron qui sont restés finalement au stade de la reconnaissance évidente, purement pudique et symbolique, de certains crimes de la colonisation mais pas de l’ensemble des crimes de toute l’ère coloniale.

    L’anti-reconnaissance
    A la réflexion, ce qui est demandé à la France, ce n’est pas tant une reconnaissance officielle globale et des excuses subséquentes, qui seraient cantonnés au seul domaine franco-algérien. C’est un devoir de vérité et de reconnaissance pour toutes les victimes de la colonisation française, quelles que soient leurs origines. En fin de compte, ce n’est pas verser dans le délire mémoriel, encore moins attiser la guerre des mémoires que d’accepter que les anciens peuples colonisés reçoivent comme juste réparation une collective reconnaissance expiatoire qui dénonce, de manière officielle, solennelle et symbolique, le fait colonial.

    Ce n’est pas la mémoire sereinement assumée, c’est évident, qui dresse les murs de l’incompréhension et nourrit la haine de l’Autre. C’est l’anti-reconnaissance, entreprise d’auto-exonération par excellence, qui cependant empêche l’Algérie et la France d’édifier ce « partenariat d’exception » tant vanté en leur temps respectifs par les présidents Jacques Chirac et François Hollande. Ne jamais perdre de vue que le devoir de mémoire est un devoir de vérité, une obligation de reconnaissance. C’est un impératif catégorique de la loi morale envers les vivants qui portent le poids d’un passé toujours lourdement et douloureusement vivace.

    « La honte est dans l’offense et non dans l’excuse », disait au 17ème siècle le Français Pierre-Claude Nivelle, auteur notamment de la pièce théâtrale « La Fausse antipathie ».

    Par Nadji Azouz

    Le Jeune Indépendant, 31/10/2021

  • « Ce n’est pas à la France de juger les dirigeants de l’Algérie »

    « Ce n’est pas à la France de juger les dirigeants de l’Algérie » – Selon François Hollande, les rapports entre les deux pays étaient “extrêmement délicats” compte tenu du passé colonial.

    L’ancien président français, François Hollande, a indiqué qu’il n’était pas a la France de “juger” les dirigeants de l’Algérie, soulignant que les rapports entre les deux pays étaient “extrêmement délicats” compte tenu du passé colonial.

    “Les rapports entre la France et l’Algérie, compte tenu de ce qui s’est produit, une guerre, sont des rapports extrêmement délicats. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas se dire un certain nombre de vérités, les uns et les autres (…) Il ne faut pas avoir de mots qui puissent blesser. Ce n’est pas a nous de juger les dirigeants de l’Algérie”, a indiqué M. Hollande a la chaîne “TV5MONDE Info“.

    Evoquant une “bonne intention d’aller vers des travaux communs pour aller jusqu’au fond des sujets” de la part des présidents des deux pays, M. Hollande a affirmé qu’”il n’y a pas de tabous ou d’interdits pour se prononcer sur les affaires algériennes, mais il y a une forme de délicatesse dans les expressions a avoir”.

    M.Hollande était le premier chef d’Etat français a reconnaître en 2012 les massacres d’Algériens du 17 octobre 1961 a Paris, en rendant hommage a la mémoire des victimes d’”une sanglante répression”.

    “Le 17 octobre 1961, des Algériens qui manifestaient pour le droit a l’indépendance ont été tués lors d’une sanglante répression. La République reconnaît avec lucidité ces faits”, avait-il déclaré dans un communiqué diffusé par l’Elysée.

    Echourouk online, 31/10/2021

  • Algérie-France: le « couple malheureux » qui ne divorcera jamais

    Algérie-France: le « couple malheureux » qui ne divorcera jamais. Les souvenirs entre les deux nations sont intimes, mais se lisent très différemment

    La relation entre l’Algérie et la France n’a jamais été aussi tempétueuse que ces dernières semaines. Les dirigeants algériens ont été surpris par une déclaration du président français Emmanuel Macron le 30 septembre, dans laquelle il a évoqué le « système politico-militaire dur » d’Alger qui se maintient grâce à la « rente mémorielle » payée par l’héritage durable du colonialisme français. Il a ajouté que le régime algérien instille dans la société une haine envers la France incompatible avec l’espoir d’une amitié entre les deux pays.

    M. Macron estime également que le président algérien, Abdelmajid Tebboune, est sous la coupe de hauts gradés de l’armée qui ne lui laissent pas assez de marge de manœuvre pour diriger l’État.

    En soulignant la nature autoritaire du gouvernement d’Alger et en désignant les militaires comme l’une des sources de ses problèmes, M. Macron aurait pu obtenir un certain soutien parmi les Algériens qui s’opposent à la direction prise par leur pays. Malheureusement, le président français a anéanti ces perspectives lorsqu’il a ajouté que l’Algérie n’existait pas en tant que nation avant sa colonisation par la France et qu’il ne comprenait pas pourquoi les Algériens étaient plus durs envers la France qu’envers la Turquie, par exemple, qui les a subjugués pendant une plus longue période de l’histoire.

    À la suite de ces déclarations, l’Algérie a rappelé son ambassadeur à Paris et a interdit son espace aérien à tout avion militaire français à destination du Mali, où il participe à une guerre contre les guérillas islamistes dans le Sahel. Une rupture diplomatique totale entre l’Algérie et la France est peu probable, mais la crise actuelle est grave – aussi intense que celle qui a suivi la nationalisation des compagnies pétrolières françaises par le gouvernement algérien en 1971.

    Depuis la fin de la guerre d’indépendance algérienne, qui a fait des dizaines de milliers de morts entre 1954 et 1962, l’Algérie et la France n’ont pas réussi à construire une relation stable. L’histoire est lue différemment de part et d’autre de la Méditerranée. Le gouvernement algérien tire parti du manque d’empathie de Paris pour apparaître, aux yeux de la population locale, comme un protecteur de l’identité nationale, et cette réaction est à son tour exploitée par les différents gouvernements français pour attiser les passions lors des élections.

    Se préparant à sa propre campagne de réélection lors d’un scrutin prévu en 2022, M. Macron a cherché à réconcilier définitivement ces souvenirs contradictoires. L’année dernière, il a demandé à Benjamin Stora, un historien français d’origine algérienne connu pour être une autorité en matière d’histoire algérienne, de rédiger un rapport et de formuler des recommandations pour un règlement franco-algérien. Il a discuté du rapport à l’avance avec le gouvernement algérien, l’invitant à apporter sa contribution. L’Algérie a nommé Abdelmadjid Chikhi, le responsable de ses archives nationales, pour servir d’homologue à Stora.

    Lorsque le rapport Stora est finalement publié en février, Alger se montre réticent face au produit final. Si elle a reconnu que le rapport avait fait quelques pas en avant, elle a finalement estimé qu’ils étaient insuffisants. Les Algériens avaient espéré, par exemple, que la France reconnaîtrait que son armée s’est rendue coupable de crimes de guerre pendant la guerre. Le rapport ne fait aucune recommandation en ce sens.

    Mais malgré toute sa colère, il ne fait aucun doute que le gouvernement algérien utilise les détails du passé comme levier pour obtenir des gains diplomatiques dans le présent. Il demande au gouvernement français, par exemple, de soutenir la position algérienne à l’ONU dans son conflit avec le Maroc au sujet du Sahara occidental.

    A côté de ce conflit de mémoire, qui n’est pas prêt de disparaître, il y a un autre point de discorde : le cas des sans-papiers algériens installés en France. Chez nous, on les appelle les « harragas », c’est-à-dire « ceux qui brûlent ». Ils risquent leur vie pour traverser la Méditerranée et atteindre l’Espagne. De là, ils se rendent en France et, à leur arrivée, certains brûleraient leurs passeports. Les autorités françaises demandent à plusieurs reprises à leurs homologues algériens de les aider à les expulser.

    Mais l’Algérie se montre peu disposée à les reprendre, à la grande colère du ministre français de l’intérieur Gérard Darmanin, lui-même d’origine algérienne. Dans une récente interview télévisée, le président algérien a laissé entendre que M. Darmanin était malhonnête, aggravant ainsi la crise entre les deux gouvernements.

    Il est largement soupçonné que le gouvernement algérien souhaite l’extradition de certains de ses opposants politiques installés en France en échange d’une coopération sur la question des sans-papiers. Les autorités algériennes veulent que la France extrade, par exemple, Ferhat M’Henni, un séparatiste kabyle, Amir Boukhris, connu sous le nom d’Amir DZ, un militant des médias sociaux, et Hicham Abboud et Abdou Semmar, tous deux journalistes. En l’absence d’une décision de justice, l’administration française ne peut toutefois pas les envoyer en Algérie. En tout état de cause, Paris craint que s’ils sont expulsés, ils ne soient torturés.

    Pour le gouvernement algérien, déjà affaibli par le mouvement de protestation populaire du Hirak, la présence d’opposants politiques en France, où vivent des centaines de milliers d’autres Algériens, est alarmante.

    Les relations humaines entre la France et l’Algérie sont très profondes. Il y a 7 à 8 millions de citoyens français dont les parents ont eu dans le passé une relation intime avec l’Algérie, soit pour y avoir vécu, soit pour avoir d’autres liens familiaux ou commerciaux. Il y a également un million de citoyens français d’origine algérienne et 800 000 autres migrants algériens vivant légalement en France. Et la France est le troisième plus grand partenaire d’importation de l’Algérie, après la Chine et l’Italie.

    Pourtant, l’enracinement profond des deux pays sur leurs territoires respectifs ne rend pas leur relation facile. Au contraire, elle la rend plus difficile. Chaque fois qu’une crise diplomatique éclate, un grand nombre de vies sont touchées et des liens commerciaux établis de longue date sont perturbés. Ces problèmes touchent les citoyens français autant que les Algériens, et ils nuisent également aux entreprises françaises.

    Mais l’étroitesse des relations complique les choses d’une autre manière. Si le marché algérien est certainement important pour le gouvernement français, Paris estime qu’il a également des intérêts culturels à défendre en Algérie. L’Algérie a beaucoup contribué au paysage culturel de la France. Malgré l’arabisation du système scolaire algérien, la langue française est toujours utilisée par l’administration publique et des millions de personnes parlent le français, en plus de l’arabe ou de l’amazigh. De nombreux écrivains algériens francophones sont bien connus en France, notamment Yasmina Khadra, Boualem Sansal et Kamel Daoud. Face à l’hégémonie mondiale de la langue anglaise, l’Algérie est pour la France un bastion linguistique à préserver. Tout cela, naturellement, pourrait donner à Alger un sentiment d’insécurité – un coin du monde francophone, plutôt qu’un centre de sa propre histoire.

    La France et l’Algérie forment un couple – un couple torturé, mais avec des souvenirs d’intimité. Ils ne seront peut-être jamais stables, mais ils ne divorceront jamais. Une telle rupture serait trop brutale et, en définitive, un gaspillage de tant d’histoire.

    The National, 29/10/2021

  • La rage contre l’Algérie se poursuit

    La rage contre l’Algérie se poursuit. Le système de propagande français essaie, en se coupant en quatre de donner une version erronée au litige opposant l’Algérie à la France

    La rage contre l’Algérie se poursuit du côté français. Tous les moyens sont – à vrai dire – bons et payant en vue de ternir l’image d’une Algérie, ne cherchant que le droit de ne pas se laisser traiter comme un fief ou chasse gardée à la merci d’une entité qui ne se lasse pas à se regarder comme une puissance hégémonique, mettant les autres sous sa botte. La France et ses français devraient, en principe, regarder vers le futur et cesser du coup à se cramponner dans un passé qui n’est plus d’actualité. Ils doivent savoir que la “fameuse grandeur” de la France qui tenait sous son joug des millions de nations piétinées et exploitées à volonté est un passé révolu à jamais.

    Le système de propagande français essaie, en se coupant en quatre de donner une version erronée au litige opposant l’Algérie à la France. Selon cette version, les algériens seraient en train de fomenter et d’instrumentaliser des crises avec la France, en vue de dépasser leurs problèmes internes …Nous n’allons pas quand même oublier que le funeste projet visant à démembrer le pays, celui de MAK – par exemple- a été conçu, dirigé et entretenu par la France, en collaboration étroite avec l’entité sioniste.

    En même temps, les officiels et les ambassadeurs de la métropole accrédités à Alger ne cessent de nous tracasser par des discours tautologiques sur l’amitié, la coopération et la nécessité de tourner les pages tragiques du passé. Toutefois et depuis l’indépendance du pays à nos jours, les relations qu’elles soient économiques culturelles ou toute autre, ont été à la défaveur de l’Algérie et les pertes de l’Algérie dans cette flagrante inégalité seraient, si je puis dire, énormes.

    L’Algérie n’a rien fait que de défendre ses intérêts, ses principes et notamment sa mémoire combattante. Y a-t-il des problèmes non réglés entre les deux pays ? effectivement ! et la France de par le statut “d’entité supérieure” qu’elle s’était donné ou qu’elle s’imaginait être, refuse toujours, de les voir plus clairement et y faire face surtout.

    La reconnaissance des crimes commis pendant 132 ans de colonialisme, la restitution des archives nationales dérobées.. si la France cherchait l’escalade, l’Algérie est tout à fait prête pour toutes les options possibles y compris la table des négociations pour des relations aux intérêts réciproques à la faveur des deux pays, basé sur un socle de respect mutuel…tant qu’un esprit forcené toujours attaché à la mentalité désuète de la dualité, du colon et de l’indigène, les français ne vont nullement savoir diriger leurs relations avec leurs anciennes colonies à l’aide d’une sagesse qui prendrait en considération les changements du temps et des générations.

    Abdelkader Benabdellah

    Le Carrefour d’Algérie, 28/10/2021

  • Macron a perdu les Français et n’a pas conquis les Algériens

    Macron a perdu les Français et n’a pas conquis les Algériens. La crise provoquée par Macron a uni les visions des milieux politiques et médiatiques en Algérie contre la France.

    L’un des avantages de la crise provoquée par le président français Emmanuel Macron, au niveau des relations algéro-françaises, est qu’elle a unifié les visions des milieux politiques et médiatiques en Algérie dans le traitement de l’ancienne puissance coloniale, contrairement à ce qui se passe sur la rive nord de la Méditerranée, qui connaît une grave rupture dans le traitement de ce dossier brûlant.

    Alors que les Algériens se sont rangés derrière une position unifiée, car ce qui a été émis par le président français est une déviation inacceptable qui appelle à revoir la nature des relations bilatérales et à les reconstruire sur la base de l’égalité. Ses positions ne sont pas calculées.

    L’expression la plus éloquente de la scène française est ce qu’écrit le journal d’investigation MediaPart, qui s’en prend à Macron : « Après avoir été trompé par son aveuglement sur la réalité du régime, et sa déception de voir des obstacles inattendus se dresser contre sa volonté de tourner la page de la mémoire, égaré par les conseils d’une cellule diplomatique éparpillée partout, le président a déclenché avec « l’Algérie une crise diplomatique sans précédent ».

    La radio « France Inter » a qualifié de « terrible » ce qui se passe entre les partis politiques notamment à propos des rapports de la France avec l’Algérie. » « La gauche anticoloniale refuse la fausseté de la vérité historique sur la répression, et la droite refuse ce qu’elle appelle une politique de repentance qui nous affaiblirait », écrit-elle sur son site internet, tout en commentant la position de Macron sur le passé colonial de son pays.

    C’est l’approche dessinée par « France Inter » à propos de la démarche du président français concernant les événements sanglants du 17 octobre 1961 à Paris. Quant au quotidien « Le Figaro », connu pour ses tendances de droite, il estime que la meilleure solution pour surmonter la tension au niveau de l’axe Alger-Paris est d’établir « des relations équilibrées basées sur la réciprocité ».

    Les ennuis de Macron ne se sont pas arrêtés aux critiques des différents médias français, mais ont également fait l’objet d’une violente attaque de la part des politiciens français, notamment les personnalités qui ont décidé de se présenter aux élections présidentielles qui devraient être organisées en avril prochain.
    La chef de file de l’extrême droite, Marine Le Pen, candidate vétéran à la présidence française, n’est pas passée à côté des récentes déclarations de Macron, qui ont été reprises dans le communiqué publié par l’Élysée, tout comme les candidats potentiels du « Parti républicain », la droite, Michel Barnier et Valérie Pecresse, qui ont exprimé leur rejet de ce qu’ils appellent « une excuse constante » du président français pour l’Algérie sur le sombre passé colonial de son pays.

    Ils estiment qu’Emmanuel Macron « est allé trop loin », en parlant de crimes « injustifiés pour la République française », en référence aux horribles exactions commises par la police française sous l’autorité du préfet criminel Maurice Papon, et ils pensent qu’il faut mettre fin à ce que Marine Le Pen appelle « la repentance répétée », qu’elle considère comme « des insultes répétées de l’Algérie à son pays ».

    Les critiques de la politique et des positions de Macron insistent pour souligner que les victimes étaient des deux côtés, et cette introduction n’était rien d’autre qu’une tentative des candidats de droite d’établir la conviction que si des excuses sont nécessaires, elles doivent venir des deux côtés, ce qui est rejeté par la gauche française, ou ce que certains appellent la « gauche éduquée », qui reconnaît l’entière responsabilité de l’État français dans les crimes hideux qui ont eu lieu dans l’ancienne colonie.

    Mohamed Mouslim

    Echourouk online, 20/10/2021

  • Macron nie toujours le crime d’Etat

    Algérie, France, crimes d’Etat, crimes coloniaux, colonialisme, 17 octobre 1961,

    /Comment la République française sous la conduite de Macron continue à tourner le dos à son histoire.
    Hier dans la journée, l’équipe de communicants de l’Elysée ont concocté une activité politique pour leur patron avec pour objectif avoué de tenter de récupérer une base électorale d’origine algérienne qui avait été choquée par la phraséologie utilisée lors de la rencontre du président Macron avec les jeunes d’origine algérienne. 
    Après une cérémonie de recueillement sur le pont de Bezons présentée comme une première pour un président français, le service de presse de l’Elysée «pond» un communiqué attendu par bon nombre d’observateurs, politologues et historiens. A la lecture dudit communiqué, le président Macron, et en évoquant les événements du 17 octobre, parle de «répression sanglante» et de «crimes» au pluriel «commis cette nuit-là» en désignant un seul coupable selon lui. Le préfet de police de l’époque en la personne de Maurice Papon. 
    L’ensemble des termes utilisés seront minutieusement choisis pour éviter de parler d’un seul et unique crime et dont le seul et unique coupable est l’Etat français. Pourtant, dans son rapport sur «Les questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d’Algérie» remis en début d’année à Emmanuel Macron, l’historien Benjamin Stora proposait d’inclure cette date dans une liste d’«initiatives de commémorations importantes». 
    Avec comme préalable la reconnaissance de cette date comme «crime d’Etat». Macron, comme à son habitude, va privilégier l’aspect communication de sa démarche politique en donnant l’impression d’avoir pris en compte la question des événements du 17 octobre sur la question mémorielle mais sans faire avancer l’histoire qui lie les deux pays depuis bon nombre d’années.
    Gisèle Halimi déjà victime collatérale
    Le traitement du clan Macron de la question mémorielle est souvent marqué par le poids de l’ultra droite et les harkis. Encore une fois, dans son communiqué d’hier, la président français a trouvé le moyen de rassurer son flanc droit en évoquant le «cortège de crimes commis de tous côtés», remettant dos à dos le colonisateur et un peuple en lutte. 
    En annonçant que «la France regarde toute son Histoire avec lucidité et reconnaît les responsabilités clairement établies», le président français aurait pu gagner quelques points en matière de crédibilité sur la question mémorielle mais quand on sait que quelques semaines auparavant, les services de l’Elysée, sous la pression du lobby pied noir et des harkis, ont privé l’ancienne avocate du FLN, Gisèle Halimi d’une place au panthéon… 
    De nombreuses personnalités s’étaient engagées en faveur d’une panthéonisation de Gisèle Halimi, faisant circuler une pétition qui a récolté plus de 35.000 signatures. Mais Macron avait déjà cédé à la pression : elle n’aura finalement droit qu’à un hommage national aux Invalides en 2022. Mais pas au Panthéon.
    L’élection présidentielle, seule leitmotiv
    La toile de fond de la communication de Macron est intimement liée à la tenue des prochaines élections présidentielles en France. Et quand dans son communiqué, il évoque le rôle de la France qui «regarde toute son Histoire avec lucidité et reconnaît les responsabilités clairement établies», il estime que la France, «le doit en particulier à sa jeunesse, pour qu’elle ne soit pas enfermée dans les conflits de mémoires», il interpelle encore une fois les jeunes français d’origine algérienne pour tenter de les rallier à son camp.
    C. S.
  • Macron et sa prose

    Algérie, Emmanuel Macron, France, Colonialisme, crimes coloniaux, 17 octobre 1961, #Algérie, #Macron,

    Le rivage de la réconciliation mémorielle entre l’Algérie et la France est si lointain. Le « nouveau geste» d’apaisement annoncé en grande pompe à l’occasion de la célébration du massacre du 17 octobre 1961, tant attendu lors de la sortie du président français, n’a pas eu lieu. Déception totale à Alger qui n’a vu aucune évolution positive dans l’attitude de la France officielle. En affirmant «reconnaître les faits» dont il attribue la responsabilité au préfet de police, Maurice Papon, le chef de l’État français entretenant l’amalgame entre le bourreau et sa victime et en reniant les faits pourtant clairs, finit, en bout de course, par s’enfermer lui-même dans les «conflits de mémoires» qu’il perpétue. Comme un crabe, le président Macron avance à reculons.

    C’est à peine qu’il reconnaît du bout des lèvres la tragédie du 17 octobre 1961et s’interdit de présenter des excuses au peuple algérien, mais pour les harkis il s’est bien excusé. Plus encore, il impute la tragédie au préfet de l’époque, Maurice Papon alors que c’est un crime d’État qui implique la République française avec ses rouages administratifs et policiers. Papon dirigeait une police républicaine au nom de laquelle il a commis un carnage. Les propos de Macron sonnent alors comme une fuite en avant, une esquive qui consiste à exonérer les responsables politiques de toute culpabilité dans les crimes commis au nom de la République française.

    Le préfet Papon n’est qu’un rouage dans l’appareil d’État français qui a froidement planifié et exécuté une campagne massive d’arrestations et d’exécutions.

    Cette nouvelle posture de l’Hexagone n’ est pas faite pour primer l’apaisement et la réconciliation qui vont panser les profondes déchirures mémorielles qui traversent les sociétés algérienne et française. Mais faisons l’hypothèse charitable qu’il est écrit quelque part que les dirigeants français ont un goût immodéré de la controverse. Macron ne déroge pas à cette culture héritée du général de Gaulle qui a toujours excellé dans cet «art».

    Saluant «l’immortel génie de la France, (…) pour élever les hommes au sommet de la dignité…», en 1944, lors de la conférence de Brazzaville, le général cautionne vaillamment la déportation de Messali El Hadj la même année et dans la même ville. Le général n’avait-il pas lancé le plan de Constantine, proposé la paix des braves et accepte de négocier avec le GPRA, tout en rappelant 15 000 militaires réservistes, et ordonnant au général Challe «d’écraser la rébellion du FLN».

    La France de Macron n’a pas encore trouvé le courage collectif pour affronter ses crimes. «Tendre la main, retisser les liens, ce n’est pas s’humilier par je ne sais quelle repentance, c’est se grandir, c’est être fort.», c’est la prose du président Emmanuel Macron. Y croit-il vraiment?

    Brahim TAKHEROUBT

    L’Expression, 18/10/2021

  • El Moudjahid : Macron disculpe l’Etat français

    Algérie, France, Emmanuel Macron, Mémoire, 17 octobre 1961, massacre, crimes coloniaux, #Algérie, #Macron,

    En n’assurant n’avoir aucune attache avec les partisans de la « nostalgérie » le président français veut résumer par ce barbarisme la douleur et l’émotion des proches des victimes tout en affirmant s’engager résolument dans la voie de la réconciliation des peuples français et algérien. La peine des gens qui ont vu mourir les leurs, jetés dans la Seine, les mains attachées, peut-elle être réductible à de la nostalgie. Il y a des mots qui blessent autant que les balles quand on se moque du respect.

    L’auteur de la Gangrène et l’oubli aura bien du mal à le convaincre de franchir le Rubicon, car Emmanuel Macron ne cesse de mettre de la politique dans son vin mémoriel.

    C’est un véritable déni de vérité, une hallucinante disculpation de l’Etat français qu’a accomplis le Président Macron en lavant cet Etat de la responsabilité des horribles crimes perpétrés en ce 17 octobre 1961.

    Il s’est contenté de faire porter la responsabilité de ces assassinats sur le seul préfet de Paris, Maurice Papon, évitant également de les qualifier de crime d’État.

    Il faut être absolument naïf pour croire que Papon pouvait avoir pris la décision de donner ordre à la police parisienne de réprimer avec une extrême sauvagerie, des manifestants pacifiques et sans armes.

    En vérité, le préfet, dont ce n’est pas la première équipée sanglante, ne pouvait qu’être missionné par les très hautes sphères du régime gaulliste pour accomplir la sale besogne.

    Se rendre sur un lieu de mémoire, observer une minute de silence et lancer une gerbes de fleurs dans la Seine, témoin éternel de la nuit d’horreur, ne trompe personne. L’acte, aussi solennel soit-il, est totalement improductif.

    On comprend bien que le crime d’Etat n’entre pas dans la volonté de ce président. Faut-il le répéter. Il y a là, tout au plus, un clin d’œil évident en direction d’un électorat qu’il courtise dans la course à l’Elysée.

    Tout compte fait, Macron s’inscrit dans la continuité de la politique française et ne change dans le fond, rien à l’affaire.
    Que vaut, en réalité, la portée de son «geste» ? Presque rien. Contrairement à de nombreux pays qui ont reconnu les crimes perpétrés au cours de leur histoire coloniale, contre les autochtones, comme l’Allemagne, la Grande-Bretagne, la Belgique, sans oublier les Etats-Unis, la Nouvelle-Zélande, l’Australie ou le Canada, la France se signale par cette attitude inacceptable pour les victimes et leurs descendants, ainsi que pour le peuple algérien.

    Encore une fois, elle se dérobe en accomplissant un acte, sur le pont de Bezons, historiquement et politiquement irrecevable.

    Pour Mehdi Lallaoui, cinéaste et auteur d’un excellent documentaire sur la douloureuse tragédie du 17 octobre 1961, président de l’Association Au nom de la mémoire, « c’est une occasion ratée, très en-deçà de ce que l’on attendait ». « Les assassins ne sont pas nommés. Il n’y a que Maurice Papon qui l’est. C’est insupportable de continuer dans ce déni, que l’on ne puisse pas nommer la police parisienne, que l’on ne puisse pas citer Michel Debré, Premier ministre à l’époque, ou le général de Gaulle ».

    EL MOUDJAHID, 18/10/2021