Étiquette : crimes de guerre

  • «Crimes de guerre» à El Qods (Edito de L’Expression)

    Les agressions sionistes sur l’Esplanade des Mosquées, avec la tentative des colons protégés par la police israélienne, de s’emparer de la Mosquée El Aqsa, ont, de nouveau, occasionné, hier, des blessures à plus de 160 Palestiniens, harcelés par les gaz lacrymogènes, les grenades assourdissantes et les balles en caoutchouc. Chaque vendredi, on observe, désormais, les mêmes scènes sur cette Esplanade, devenue le coeur de la répression que mène l’Etat hébreu, par ailleurs occupé à chasser les familles palestiniennes de leur maison, à El Qods-Est, pour y renforcer sa politique de judéisation de la ville sainte.

    Ni les exhortations de la communauté internationale, ni les appels à la retenue de ses propres parrains occidentaux ne parviennent à tempérer les ardeurs d’un régime sioniste galvanisé par le soutien inconditionnel de l’ancien président américain Trump, dont le parti pris n’a guère ému certains régimes arabes, prompts à embrasser la normalisation avec Israël. Si la répression a toujours été le lot des Palestiniens, depuis de nombreuses décennies, elle illustre, ces derniers jours, la nature même du sionisme qui n’a cure des cris de vierge effarouchée, d’où qu’ils viennent, et ne connaît d’autre langage que celui de la force brutale.

    En faisant, sciemment, monter les tensions durant le Ramadan, il pratique une politique de l’usure, persuadé qu’avec ce regain de répression, il viendra à bout de la résistance des milliers de fidèles, déterminés à faire barrage à la colonisation rampante d’un lieu saint de l’islam. Nombreux ont été ceux qui ont été blessés au visage car ils étaient des dizaines de milliers à se mobiliser dans l’enceinte de l’Esplanade, pour le dernier vendredi du mois de Ramadan, conscients que l’ennemi sioniste est, constamment, à l’affût pour accroître sa mainmise sur les territoires. C’est le cas dans le quartier voisin de Cheikh Jarrah où d’autres manifestations nocturnes ont lieu, depuis plusieurs jours, alors que des familles palestiniennes sont sous la menace d’expulsions au profit de nouveaux colons israéliens, escortés par la police sioniste.

    Le «peuple héroïque», pour reprendre Mahmoud Abbas, se bat seul, tandis que les capitales arabes préparent fébrilement les fêtes de l’Aïd el Seghir. Par contre, l’Union européenne a appelé, hier, israël à agir de «toute urgence» pour une «désescalade», soulignant que «la violence et l’incitation sont inacceptables». Et l’ONU lui a demandé de mettre fin à toute expulsion forcée de Palestiniens à El Qods-Est, l’avertissant que ses actions pourraient constituer des «crimes de guerre». On n’en espérait pas tant…

    L’Expression, 09 mai 2021

    Etiquettes : Palestine, Jérusalem, AL Qods, Israël, répression, violence, crimes de guerre,

  • 8 MAI 1945 : L’horreur coloniale et le rituel politicien

    «La paix n’est qu’une forme, un aspect de la guerre: la guerre n’est qu’une forme, un aspect de la paix: et ce qui lutte aujourd’hui est le commencement de la réconciliation de demain.» (Jean Jaurès).


    Rituellement le 8 mai 1945 se rappelle à nous par toujours les «mêmes». Les mêmes laudateurs de la «‘abkaria algérienne»- le génie algérien- et les pourfendeurs des crimes coloniaux.

    Franchement, en dehors de la «famille révolutionnaire» dont il faudra bien qu’un jour on explique à ces millions d’Algériennes et d’Algériens, la clé de cooptation qui leur permet d’être les seuls à revendiquer cette Révolution, que les jeunes non seulement ne connaissent pas l’épopée réelle de la Révolution mais développent une réaction de rejet résumée par une phrase sans appel: «Dzaïr lihoume»- l’Algérie est à eux-. Cruelle sentence s’il en est et qui explique bien des drames, ceux de ces jeunes qui décident de jouer le tout pour le tout et de s’enfuir de leur pays pour des cieux plus cléments avec les désillusions que l’on connaît dans le pays d’accueil.

    45.000 morts

    De quoi il s’agit cette fois? Des évènements du 8 mai 1945. Il faut tout d’abord être convaincu qu’ils n’ont pas jailli du néant. C’est l’aboutissement d’une lente maturation de la détresse du peuple algérien catalysée par des décisions de plus en plus drastiques du pouvoir colonial. D’ailleurs, dès le 1er mai, les manifestations des Algériens avaient donné le ton. Il y eut 4 morts ce jour-là à Alger du fait d’une répression brutale. Le 8 mai, ce fut en Europe la fête de la victoire des Alliés. Les Algériens défilèrent pour d’autres motifs. La répression fut brutale et les statistiques sont contradictoires. Du côté algérien on s’en tient à 45 000 morts, du côté français on dénombre un millier de morts et cent vingt colons tués.

    Entre ces deux bornes, des rapports américains et britanniques donnent des chiffres plus proches des chiffres algériens. Il semble que le chiffre de 15.000 morts serait plus proche de la réalité si l’on croit une déclaration en petit comité du général Tubert chargé de l’enquête selon Yves Courrières dans son ouvrage: «Les fils de la Toussaint». En admettant, c’est une moyenne de 500 morts par jour pendant les mois qui s’en ont suivi. Comment peut-on appeler cela?
    Quelle que soit la vulgate occidentale, des millions de personnes ont été massacrées pendant 132 ans. Des vies brisées, des douleurs, du pillage, de la destruction furent le lot quotidien des 48.231 jours d’une occupation inhumaine.

    C’est bien des génocides continuels qui ont eu lieu au nom du mythe de la race supérieure et ceci un siècle avant le Troisième Reich. Poujalat, décidément en verve, voyait dans l’invasion française un message divin: «Le but de notre guerre d’Algérie est plus haut et plus sacré que nos guerres européennes. Ce qui est le plus en jeu, c’est la sainte cause de la civilisation,la cause immortelle des idées chrétiennes auxquelles Dieu a promis l’empire du Monde et dont le génie français est le soutien providentiel.»

    Le marquis de Clermont Tonnerre qui, dès 1827 dans le «Rapport au Roi» écrivait: «Ce n’est pas peut-être, sans des vues particulières que la Providence [souligné par le rédacteur] appelle le fils de saint Louis à venger à la fois la religion, l’humanité et ses propres injures.. Alger doit périr si l’Europe veut être en paix.» (1)

    Effectivement, sous les coups de boutoir des sinistres Montagnac qui se vantait de rapporter un plein baril d’oreilles récoltées par paires, des prisonniers amis ou ennemis, des Saint Arnaud, des Rovigo et Youssouf, l’Algérie perdit sa sève, sa structure sociale fut anéantie, sa structure religieuse fut démantelée par le rattachement des Habous trois mois après l’invasion. Ce qui fit dire à Tocqueville, auteur d’un rapport d’enquête sur les exactions de l’armée: «Autour de nous, les lumières se sont éteintes…»

    Il est donc incomplet de parler du 8 mai 1945 sans parler de la genèse du combat séculaire du peuple algérien. Le 8 mai 1945, que certains historiens situent comme le début de l’insurrection, fut le summum de la cruauté, de l’injustice et le plus grand contre-exemple de la France patrie autoproclamée des Droits de l’Homme. Il est vrai que Jules Ferry, lumineux dans l’imposition de l’Ecole républicaine que le pouvoir colonial à Alger acceptait difficilement pour la foule de gueux que nous étions, était lui aussi un colonialiste acharné. On lui doit ce fameux cri du coeur: «Les droits de l’Homme ne sont pas valables dans les colonies.» C’est tout dire!!

    Où en sommes-nous dans cette Algérie de 2010 qui peine à se redéployer? Beaucoup d’Algériennes et d’Algériens développent des crises d’urticaire quand ils voient la manipulation de la cause sacrée de la Révolution. Cette allergie est due au fait que pour des calculs bassement politiciens, on galvaude une noble cause. On dit que 120 députés auraient introduit un texte à l’APN, qui serait bloqué s’agissant de la criminalisation de la présence coloniale. Soit!
    Voilà un dossier de fond pris en charge par une centaine de personnes qui auraient dû d’abord, informer les citoyennes et les citoyens du contenu.

    A moins que cela ne soit, selon toute vraisemblance, un rituel avec un jeu de rôles: «Agitez-vous, monopolisez les médias, faites passer en boucle les mêmes images depuis près de cinquante ans, en un mot, amusez la galerie, mais pas trop, le 8 mais passe et on passe à autre chose jusqu’au prochain anniversaire.» Le 8 mai 1945 n’a pas vu la haine du pouvoir colonial s’arrêter ce jour-là. Tout le trop-plein de haine et de lâcheté, par la compromission avec Vichy, s’est déversé sur un peuple sans défense. Il y eut une traque pendant plusieurs années. Krim Belcacem prit le maquis dès cette date. Il y eut des jugements et même des peines de mort qui furent prononcées. Le 8 mai 1945, peu importe comment la doxa occidentale l’appelle pour amoindrir sa responsabilité dans l’horreur. Puisque, apparemment, le mot génocide est une marque déposée, nous l’appellerons à notre entendement, ethnocide.

    On ne peut pas avoir un double langage avec la France, d’un côté près de 50% de nos achats se font en France,qui se fait payer par un gaz naturel bradé et de l’autre on lui demande de reconnaître sa faute coloniale! Imaginons, pour rêver, que le pouvoir en France reconnaisse enfin, à l’instar de ce qu’il a fait pour la traite négrière, sa responsabilité dans l’ethnocide des Algériens pendant 132 ans.

    Que se passera-t-il? Rien au-delà de quelques dédommagements honteux à la El Gueddafi avec Berlusconi- donner une valeur marchande à l’épopée de ‘Omar El Mokhtar est indigne -. Est-ce une victoire pour ceux dont le fonds de commerce réside justement dans le refus de la repentance de la France.. J’en doute! Au contraire, ils n’auraient plus de grain à moudre…

    Est-ce une victoire pour les deux peuples algérien et français? C’est sans hésitation, oui! La France gagnerait énormément à être dans les bonnes grâces d’une Algérie qui, malgré ses pesanteurs conjoncturelles, est la porte du Maghreb et de l’Afrique. Rien de structurel ne se fera sans elle! Il n’est que de voir comment l’UPM bat de l’aile parce que le pouvoir français actuel a tout fait pour marginaliser l’Algérie. La vieille Europe est en train de s’effriter sous nos yeux.

    Le double langage de la France

    L’Algérie gagnerait à ne pas se tromper de combat. Notre douleur coloniale n’est pas monnayable. Elle fait partie intégrante de notre mémoire. L’Algérie peut cependant revendiquer au nom de l’histoire commune, au nom du formidable travail que nous faisons pour la francophonie, sans y être, de ne pas être seulement un marchand mais un demandeur réel de technologie.

    Un premier geste fort serait la construction d’une grande bibliothèque pour remplacer celle qui est partie en fumée par des Français qui voulaient effacer comme ils étaient venus, toute trace de culture. Il s’agira ensuite de développer ensemble, en impliquant les universités, des projets porteurs. C’est à titre d’exemple, toute la problématique des changements climatiques et du développement durable qui constituera un immense chantier.

    C’est enfin tout le contentieux de notre émigration malmenée et à qui on n’offre en France que le bâton. Une redéfinition des Accords de 1968, qui occulte cette dimension, est vouée à l’échec.
    Le moment est venu, de part et d’autre, de faire émerger, de part et d’autre de la Méditerranée des passeurs de culture, des forgerons de la fraternité. Au risque d’être utopique, un traité de l’Algérie avec la France est plus que jamais d’actualité.

    1.Rapport au Roi sur Alger, par le marquis de Clermont Tonnerre le 14-10-1827, Revue Africaine. Vol. 70. p.215, (1929)

    Pr Chems Eddine CHITOUR

    Ecole Polytechnique enp-edu.dz

    Source

    Tags : Algérie, France, colonialisme, 8 mai 1945, crime coloniaux, crimes de guerre, génocide,

  • Algérie-France : Histoire et mémoire, des dossiers plus que jamais d’actualité

    Les questions d’histoire et de mémoire devraient à l’avenir occuper une place importante dans la relation algéro-française et constituer un de ses dossiers marqueurs, voire décisifs de cette mesure attendue de part et d’autre depuis des années. C’est ce qui est suggéré en tout cas par le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian qui a déclaré hier lors d’une émission RTL/LCI/ Le Figaro qu’un « travail de mémoire » est souhaitable entre la France et l’Algérie.

    « La question qui se pose dans les relations entre la France et Algérie sur la mémoire, la manière dont les uns et les autres avons vécu ce conflit, reste là. Et il faudrait que nous ayons ensemble un travail de mémoire », a déclaré le chef de la diplomatie française qui a été invité à commenter la polémique franco-française suscitée par les déclarations du président Emmanuel

    Macron sur la Shoah et les rapprochements qu’on lui a prêté avec la
    « guerre d’Algérie » et les crimes coloniaux.

    L’intéressant dans ce qu’a déclaré M. Le Drian face aux médias de son pays est que les dossiers de l’histoire et de la mémoire relatifs à la séquence coloniale sont plus que jamais d’actualité et qu’ils constituent une partie importante des questions qui doivent être résolues dans le cadre de la relation bilatérale entre Alger et Paris.

    Cependant, bien des contraintes doivent être surmontées comme on le constate depuis la loi française de février 2005 qui reconnaîssait les
    « bienfaits de la colonisation », un texte voté par la droite et qui a été abandonné au temps du gouvernement Chirac après avoir provoqué l’ire de la partie algérienne et l’indignation d’une partie de l’opinion française : celle d’historiens qui revendiquaient un examen impartial des faits historiques durant la période coloniale et dénonçaient notamment, à l’image de l’éminent Claude Liauzu, une instrumentalisation de l’histoire à des fins politiques et politiciennes, au grand risque de l’occultation d’abominables crimes coloniaux disent encore des chercheurs comme Olivier Lecour Grandmaison.

    Hier, M. Le Drian a confirmé que les autorités algériennes souhaitaient ce processus et insisté sur le fait que les Français avaient eux aussi « besoin d’avoir sur ce sujet là un moment de rappel historique et de vérification », rappelant à nouveau l’énormité des contraintes qui subsistent pour parvenir à un règlement commun de la question historique et mémorielle. Le ministre français des Affaires étrangères, qui est, rappelons-le, historien de formation, a plaidé pour une réflexion « de manière sereine,y compris avec les historiens algériens », une proposition qui fait débat depuis des années sous nos cieux, depuis au moins l’appel du regretté Gilbert Meynier au milieu des années 2000 pour une « analyse commune » de l’histoire coloniale française en Algérie. Mais qui ne semble pas susciter l’enthousiasme de tous, des historiens algériens optant pour une « lecture nationale » de l’histoire algérienne et du mouvement national algérien. Il n’empêche que des promesses d’ouverture importantes sont signalées du côté français, depuis le début des années 2000 et en particulier depuis l’arrivée à l’Elysée du président Macron.

    Dans l’avion qui le ramenait jeudi d’Israël, où il participait à la commémoration du 75e anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz, indique une dépêche de l’AFP, le chef de l’Etat français s’est dit convaincu que la France devait revisiter la mémoire de la guerre d’Algérie (1954-1962) pour mettre un terme au « conflit mémoriel » qui « rend la chose très dure en France ».

    La politique au secours de la décantation historique ?

    Question nationale française seulement comme le suggère ces paroles ? Sans doute pas et l’on comprend mieux le communiqué de la diplomatie algérienne, avant-hier, sur la « surprise » de l’Algérie à voir le chef de l’Etat truc Reccep Tayyip Erdogan, reprendre des propos « sortis de leur contexte » du Président de la République, M. Tebboune, sur le bilan humain des crimes coloniaux dans notre pays avant 1962.

    Dans ce communiqué des Affaires étrangères algériennes, on pressent le souci de la mise au point adressée au président turc mais sans doute aussi la préoccupation de se charger des questions d’histoire et de mémoire dans le cadre du bilatéral algéro-français avec l’espoir qu’elles connaissent des avancées potentiellement annoncées par les déclarations du chef de l’Elysée et qui restent à concrétiser par de nouveaux gestes forts. Ces gestes pourraient venir de l’amélioration de la relation politique entre Alger et Paris. Après une période de crispation, celle-ci semble connaitre une évolution dans le sens d’une relance : « Nous avons en Algérie une situation qui est complètement nouvelle, qui va sans doute engager des évolutions significatives de ce pays », a estimé Jean-Yves Le Drian. » De nouvelles perspectives s’offrent pour les relations entre la France et l’Algérie. Si la mémoire partagée peut faire partie de cetensemble nouveau, ce serait une très bonne nouvelle pour tout le monde », a encore insisté le patron du Quai d’Orsay.

    Tags : France, Algérie, mémoire, crimes de guerre,