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  • Derrière le Qatargate, le Marocgate

    Tags : Parlement Européen, Antonio Panzeri, Eva Kaili, Francesco Giorgi, DGED, Mohamed Bellahrach, Maroc,

    Soupçons de corruption au parlement européen : derrière le Qatar, le Maroc

    Le Qatar et le Maroc ont-ils réussi à acheter la bienveillance de plusieurs parlementaires européens ? La cellule investigation de Radio France et le journal belge Le Soir dévoilent les coulisses de ce scandale qui ébranle la démocratie européenne.

    “Tout s’est bien passé. On nous a fait passer comme des VIP !”

    “Vous avez vu les boîtes ?”

    “Oui, on les a vues. Il a ajouté/mis quelques produits dans les sacs avant de partir.”
    Ce 4 juin 2022, les agents du renseignement belge ne perdent pas une miette de la conversation très codée qu’ils interceptent entre l’ancien eurodéputé socialiste italien Pier Antonio Panzeri et son épouse alors en déplacement au Maroc. Elle vient d’y rencontrer Abderrahim Atmoun, aujourd’hui ambassadeur du Maroc en Pologne. Et pour les enquêteurs, les “produits” évoqués par l’épouse Panzeri seraient de l’argent remis par le diplomate marocain. Plus tard, ils retrouveront 600.000 euros en liquide au domicile bruxellois de Pier Antonio Panzeri et 17.000 euros chez lui en Italie. “L’argent gagné pour le compte du Maroc est transféré presque certainement par des enveloppes d’argent liquide transmises par [Abderrahim, ndlr] Atmoun”, écrivent dans une note les services secrets belges.

    “Monsieur Atmoun ramenait de temps à autre de l’argent, mais pas de manière régulière”, expliquera de son côté sur procès-verbal un ancien collaborateur de Pier Antonio Panzeri, Francesco Giorgi, en décembre 2022. “Monsieur Atmoun venait à Bruxelles ou on se déplaçait chez lui, dans son appartement, à Paris. Quand on allait chercher de l’argent, on disait qu’on allait chercher des cravates ou des costumes”, précise Francesco Giorgi.

    Le contre-espionnage marocain suspecté

    Les services de sécurité belges ont été alertés en 2021 par cinq services de renseignement européens. Depuis, ils soupçonnent l’ex-eurodéputé Pier Antonio Panzeri d’être la cheville ouvrière d’un vaste réseau d’ingérence et de corruption œuvrant au sein des institutions européennes. En juillet 2022, ils transmettent le résultat de leurs investigations au procureur fédéral belge. Ce dernier ouvre une enquête pour corruption et blanchiment d’argent en bande organisée qu’il confie au juge Michel Claise.

    Pour les services de renseignement belges, “il existe au sein des institutions européennes, un réseau impliquant un lobbyiste, plusieurs parlementaires européens et des assistants parlementaires [qui] travaillent de manière clandestine afin d’influencer les décisions des institutions de l’Union européenne en faveur du Maroc d’une part et du Qatar d’autre part.” C’est ce qu’ils écrivent dans une note déclassifiée. Ils précisent : “Des sommes considérables (plusieurs millions d’euros) sont payées clandestinement, en liquide, par le Maroc et le Qatar.”

    Au cœur de ce réseau, “une équipe de trois Italiens” aurait été particulièrement active. Elle se compose d’abord de Pier Antonio Panzeri. Ce personnage incontournable du Parlement européen a présidé la délégation pour les relations avec les pays du Maghreb ainsi que la sous-commission aux droits de l’Homme. Il a également co-présidé la commission parlementaire mixte Maroc-Union européenne. Dans ce petit groupe, on trouve aussi l’eurodéputé italien Andrea Cozzolino, et l’attaché parlementaire Francesco Giorgi (compagnon de la vice-présidente grecque du parlement Eva Kaili), qui a travaillé successivement pour l’un et pour l’autre.

    “Cette équipe est pilotée par un officier de la DGED [le contre-espionnage marocain] basé à Rabat, Mohammed B., estime le renseignement belge. Connu (…) depuis 2008 pour des activités d’ingérence en Belgique, il a aussi été actif en France, où il est poursuivi pour corruption d’agents publics à cause du recrutement d’un fonctionnaire de la police des frontières.” Comme l’avait révélé le journal Libération en 2017, Mohammed B. avait effectivement été soupçonné d’avoir corrompu un policier français (avec de l’argent et des voyages) afin d’obtenir l’identité de personnes “fichées S” pour le compte du Maroc.

    Une infiltration des travaux parlementaires ?

    Mais il ne se serait pas arrêté là. “Mohammed B a aussi obtenu des renseignements sur les déplacements en France de ministres algériens, l’Algérie étant la puissance voisine et rivale de Rabat, explique le journaliste Pierre Alonso, coauteur de l’enquête pour Libération. Il a également pu découvrir grâce à sa taupe au sein de la police ce que les services français savaient sur lui. On est plus proche d’une opération d’espionnage visant la France que d’une action de lutte contre le terrorisme.”

    Cinq ans plus tard, le même agent marocain se retrouverait donc au cœur des soupçons d’ingérence visant les institutions européennes. Pour les enquêteurs belges, “la coopération entre Cozzolino, Panzeri et Giorgi avec les services de renseignements marocains ne fait aucun doute. Tous prennent leurs ordres le plus souvent d’Atmoun. Ils sont aussi en contact direct avec (…) le directeur général de la DGED [le renseignement marocain, ndlr]. (…) L’équipe (…) fonctionne avec une discrétion qui dépasse la simple prudence, évitant de paraitre trop ouvertement pro-marocain au sein du Parlement européen, utilisant un langage codé et cachant l’argent liquide dans leur appartement.” Toujours selon le renseignement belge, l’accord avec la DGED aurait formellement été conclu en 2019.

    Les enquêteurs s’interrogent aussi sur une possible infiltration de travaux parlementaires susceptibles d’intéresser le Maroc, notamment ceux qui concernent l’utilisation du logiciel Pegasus. “Nous avons relevé que [Andrea] Cozzolino aurait été nommé à la Commission parlementaire spéciale sur le programme Pegasus en janvier 2022 et [Eva] Kaili à la vice-présidence suite au soutien de Pier Antonio Panzeri, notent les policiers belges le 20 juillet 2022. (…) Monsieur Panzeri étant soupçonné de travailler pour le compte du Maroc, ces nominations semblent suspectes.”

    Le Maroc, lui, a toujours fermement démenti avoir le moindre lien avec ce scandale de corruption autour du Parlement européen. Contactés, l’avocat français du Maroc et l’ambassadeur du Maroc à Bruxelles n’ont pas répondu à nos sollicitations.

    Le Sahara occidental, un enjeu crucial

    Pourquoi un tel réseau aurait-il été mis en place auprès des institutions européennes par les services marocains ?

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    #Qatargate #Maroc #Marocgate #Parlement_Européen #Antonio_Panzeri #Francesco_Giorgi

  • Espagne: nationalité refusée pour espionnage pour le Maroc

    Tags : Espagne, nationalité, Maroc, espionnage, CNI, DGED, services secrets marocains,

    « La CNI fait allusion aux activités du plaignant en tant qu’agent local des services de renseignement marocains », indique le juge en chef.

    Le Tribunal national a déclaré « conformément à la loi » la décision du ministère de la Justice de refuser la nationalité espagnole à un employé du consulat du Maroc à Séville et résidant dans cette ville, selon un rapport du Centre national de renseignement (CNI) qui confirme son « étroite collaboration avec l’état-major des services de renseignement marocains stationnés en Espagne ».

    Plus précisément, dans un arrêt rendu le 14 septembre et recueilli par Europa Press, la chambre contentieuse de la Cour nationale traite d’un recours formé par un homme d’origine marocaine, contre une résolution rendue en 2019 par le ministère de la Justice, lui refusant la nationalité espagnole pour  » raisons d’ordre public ou d’intérêt national ».

    Selon le ministère de la justice, cet homme « n’a pas justifié la bonne conduite civique qu’exige l’article 22.4 du Code civil , puisque selon le constat obligatoire au dossier, l’intéressé n’accrédite pas ladite exigence pour des raisons d’ordre public. ou d’intérêt national », pesant « la preuve de son étroite collaboration, depuis son arrivée en 2016 au consulat du Maroc à Madrid en tant qu’agent local , avec l’actuel chef des services de renseignement marocains en Espagne ».

    Enfants espagnols, « bonne conduite » et « adaptés » à l’Espagne

    Face à cela, ledit homme a soutenu dans son recours contentieux contre ladite résolution de refus, qu’il est marié à une citoyenne marocaine naturalisée espagnole et qu’il a deux enfants, « tous deux de nationalité espagnole » ; qu’« il travaille depuis 2010 comme interprète pour le consulat général du Maroc à Séville » ; que le ministère public « ne s’oppose pas à l’octroi de la nationalité espagnole » ; que l’état civil de Séville confirme que cette personne « connaît la langue espagnole, a une bonne conduite, s’est adaptée au mode de vie et à la vie espagnole et dispose de moyens de subsistance » ; en plus du fait que la Police Nationale a émis des rapports selon lesquels « il n’y a pas de trace » de la police sur cet homme.

    Ainsi, dans son recours, il a réclamé l’« unanimité » des voix en faveur de sa « bonne conduite civique », à l’exception d’un rapport du Centre national de renseignement (CNI), qui selon lui ne détaille pas une activité de « collaboration ». avec les Renseignements marocains et « ne précise aucune délimitation chronologique, spatiale ou géographique permettant la défense ». « L’imprécision du rapport empêche des poursuites afin d’évaluer l’impact de l’activité sur la sécurité nationale », a-t-il affirmé, réclamant l’annulation de la décision refusant la nationalité espagnole et l’octroi de celle-ci.

    « Des liens étroits avec leur pays d’origine »

    Toutefois, la Cour nationale indique que « le contenu du rapport de la CNI est suffisamment expressif. A travers celui-ci, la CNI fait allusion aux activités du plaignant en tant qu’agent local des services de renseignement marocains « . « Cette circonstance, jointe au fait que le demandeur a fourni des services au consulat du Maroc à Séville, soit en tant qu’interprète, soit en tant que fonctionnaire, met en évidence les liens étroits de l’intéressé avec son pays d’origine, confirmant ce qui a été rapporté par la CNI. » plaide la Cour nationale.

    « Le rapport de la CNI, ainsi que le reste du dossier et les motifs avancés par l’Administration (…) expriment clairement quelle est l’activité de l’intéressé qui permet de s’interroger sur la pertinence d’accéder à la demande de nationalité, pour des raisons de l’ordre public et la sécurité nationale, circonstance qui s’éclaire à l’énonciation des faits : que le demandeur exerce ses fonctions au Consulat du Maroc à Séville et que le CNI vérifie une étroite collaboration avec la Direction des services de renseignement marocains en poste en Espagne. de telles conditions, il est clair que la décision de refus était pleinement justifiée », tranche le Tribunal national, qui rejette ainsi le recours contentieux de celui-ci et déclare « conformément à la loi »la décision rejetant votre demande d’octroi de la nationalité espagnole.

    Source

    #Espagne #Maroc #CNI #Nationalité #Espionnage #DGED

  • Qatargate : Le juge Michel Claise trahi par l’Elysée

    Tags : Maroc, DGED, France, Marocleaks, hacker Chris Coleman, Parlement Européen, corruption,

    Quelle sera la réaction du juge belge chargé de l’instruction de l’affaire Qatargate après les informations diffusées par Le Figaro. Une exclusisivité utilisée par la diplomatie française pour envoyer une alerte aux responsables marocains susceptibles d’être concernées par le mandat d’arrêt international émis par le parquet belge.

    Nous ne voulons pas une répétition de l’affaire Hammouchi qui en 2013 a provoqué une crise entre la France et le Maroc, semble être le message lancé par Paris aux autorités marocaines. Curieusement, cette crise se trouve derrière l’apparition des Marocleaks dont les documents révélés servent actuellement comme preuve accablante contre les détenus dans le cadre de l’affaire Qatargate.

    Le message est d’une clarté épostouflante : Il prévient « plusieurs responsables marocains » qui « ont des enfants en France » qu’ils pourraient être arrêtés « à leur descente d’avion ». Le message vise, entre autres :

    – Yassine Mansouri et l’un de ses subordonnés, Mohammed Bellahrach, recherché notamment en France où il dirigeait l’antenne de la DGED,

    – Abderrahim Athmoun, l’ambassadeur du Maroc en Pologne qui faisait de porte-valises

    -Lahcen Haddad, qui a remplacé le porteur de valises Abderrahim Athmoun à la tête de la commission parlementaire mixte Maroc-UE

    #Maroc #UE #Qatargate #France #DGED

  • Guerre de renseignement entre le Maroc et la France?

    Tags : DGSE, DGED, Abdellatif El Hammouchi, Marocleaks, hacker Chris Coleman,

    Une guerre secrète du renseignement entre le Maroc et la France ?

    Bien que la France se soit récemment montrée prête à renforcer ses liens avec le Maroc, une guerre d’espionnage entre les pays se poursuit sans relâche.

    Qui était à l’origine de la publication de milliers de documents marocains confidentiels, dont beaucoup sont maintenant mis en lumière dans la presse internationale pour étayer les accusations de corruption portées contre des députés européens actuels et anciens au centre de Qatar Gate et de Morocco Gate ?

    C’est une affaire mystérieuse. En 2014, un « hacker » du nom de Chris Coleman a publié des milliers de documents sur Twitter et divers réseaux sociaux, dont beaucoup sont classés comme « confidentiels » ou « secrets », ainsi qu’une énorme masse de correspondances, de courriels et d’archives. de toutes sortes exposant de manière très détaillée le fonctionnement de la DGED (Direction générale des études et de la documentation, l’agence marocaine de renseignement extérieur) et du ministère marocain des Affaires étrangères.

    Il y avait de tout : des rapports sur tout et sur tout le monde, des études, des correspondances, des demandes d’instructions, et surtout les noms des collaborateurs réguliers de la DGED. Pas les mouchards habituels de la police, mais des personnalités éminentes de la société, Marocains et étrangers, journalistes, hommes politiques, experts, hauts fonctionnaires, membres de la société civile, etc. Des listes de cadeaux et de généreuses sommes d’argent versées à certains hommes politiques, clôturaient cet incroyable état des lieux.

    Par exemple, les noms de Pier Antonio Panzeri, l’ancien eurodéputé italien, et de son assistant Francesco Giorgi, tous deux actuellement emprisonnés à Bruxelles pour l’affaire Qatar Gate et Morocco Gate, sont apparus dans ces documents sans que personne ne s’en aperçoive.

    Un autre exemple était Fight Impunity, l’association créée par Panzeri à Bruxelles, et qui est maintenant au centre du scandale, qui a été révélé comme une idée originale de feu l’ambassadeur du Maroc auprès de l’Union européenne, Menouar Alem, dans un rapport confidentiel envoyé à ministère marocain des Affaires étrangères en 2012.

    A l’époque, à savoir en 2014, quelques personnes ont rapidement accusé « Chris Coleman » d’être un faussaire et se sont moqués de ce « Marocleaks », avant de se rétracter. L’Etat marocain n’a à aucun moment mis en doute l’authenticité de cette immense documentation alors que certains médias ont accusé l’Algérie voisine d’être à l’origine de cette fuite géante.

    Mais qui est ce « Chris Coleman » ? Qui se cache derrière ce génie de l’informatique qui a réussi à pomper près de cinq gigaoctets, et sûrement plus, de données des serveurs de la DGED et de la diplomatie marocaine pour les disperser sur le web ? C’est une question qui a été posée mille fois. Certains ont affirmé qu’il s’agissait bien d’un « hacker », d’autres l’ont présenté comme un ex-chef de la DGED qui a rompu avec sa direction, et il y a même ceux qui ont vu la main d’un autre service secret marocain discréditer la DGED, dirigé depuis 2005 par Mohamed Yassine Mansouri, un ami du roi Mohamed VI. Bref, une guerre des services.

    Il y a toujours eu beaucoup d’imagination dans le monde des espions. Dans ce cas pourtant, la vérité est simple si l’on scrute attentivement les aléas des relations entre le Maroc et certains pays considérés comme « alliés ».

    La personne qui a choisi le nom de « Chris Coleman », du nom de l’ancien footballeur international gallois, est apparemment un fan de football, mais ce n’est pas un hacker caché quelque part dans un bureau miteux entouré d’écrans d’ordinateur. Et l’Algérie, qui est détestée par certains Marocains, n’est absolument pas impliquée dans cette affaire, comme certains ont tenté de l’accréditer.

    The structure – a state one – behind “Chris Coleman” and which has exposed Moroccan counterespionage and diplomacy is probably the French DGSE (Direction générale de la Sécurité extérieure).

    Ce qui suit est le résultat de plusieurs semaines d’enquêtes et de recoupements qui révèlent qu’une guerre souterraine et très inamicale dure depuis une décennie, voire plus, entre la DGSE française et la DGED marocaine.

    Tout a commencé le 24 mai 2014, avec un article paru sur le site marocain le360 . L’article intitulé « Convocation de l’ambassadeur de France : nouvelles révélations » a été rédigé par Mohamed Chakir Alaoui, ancien subalterne du bureau de l’Agence France-Presse (AFP) à Rabat.

    Alaoui n’était pas connu dans le monde journalistique marocain, n’ayant jamais révélé de cas sensible. Mais ce jour-là, il a lâché une information qui allait mettre le feu au monde. « Agnès Féline », écrit-il, la « deuxième secrétaire à l’ambassade de France » est la « chef d’antenne de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) au Maroc ».

    Cette révélation a surpris l’ambassade de France à Rabat et par extension la direction parisienne de la DGSE. Diplomates et espions français se demandaient comment un journaliste qui n’était pas expert dans le monde ténébreux du renseignement savait que Féline était bien le « chef de l’antenne DGSE à Rabat ». En même temps, révéler la véritable fonction de Féline revenait à la mettre en grave danger.

    Le centre de renseignement français est rapidement parvenu à la conclusion que l’information avait été dictée à Alaoui par le service de renseignement marocain, le seul à connaître le véritable statut de Féline.

    Mais pourquoi le site le360 a- t-il révélé la véritable fonction d’un espion français ? Les services de renseignement marocains cherchaient à se venger d’une terrible humiliation subie quelques mois plus tôt par le patron de la DST (Direction générale de la sécurité du territoire). En février 2014, la police française a cherché à arrêter le directeur général de la DST Abdellatif Hammouchi à la résidence de l’ambassadeur du Maroc en France à Neuilly-sur-Seine. Un juge a voulu entendre le chef des espions marocains après des plaintes pour torture au Maroc déposées par plusieurs citoyens français, dont l’ancien champion du monde de kickboxing Zakaria Moumni. Hammouchi a dû quitter la France précipitamment, sans passer par les aéroports parisiens. Ce fut une grande humiliation pour le chef des services secrets marocains.

    La révélation par le360 de l’identité du chef de la DGSE à Rabat était donc un acte de représailles. Féline a dû être exfiltrée du Maroc en 48 heures et la DGSE lui a depuis donné une nouvelle identité.

    Dans le monde du renseignement, on ne brûle pas un agent en livrant son nom à la presse. Surtout s’il s’agit d’un fonctionnaire d’un Etat ami et allié du Maroc.

    La vengeance est traditionnellement un plat qui se mange froid, mais ici, les espions français n’ont pas tardé à réagir.

    Cinq mois plus tard, en octobre 2014, le mystérieux pirate fait son apparition sur Twitter. Et le grand déballage a commencé. Les tweets étaient souvent écrits en français, mais aussi dans d’autres langues. Parfois même en arabe ou en portugais. Cela prouve que les espions français ont dû s’amuser, surtout quand « Chris Coleman » prenait un malin plaisir à se faire passer pour un défenseur du Front Polisario, le mouvement indépendantiste sahraoui en guerre contre le Maroc au Sahara Occidental.

    Les efforts pour suspendre le compte qui révélait des secrets d’État marocains ont peu d’effet. Il réapparaîtrait immédiatement ou quelques semaines plus tard sous un autre nom et sauterait d’un réseau social à l’autre avant de disparaître un beau jour, laissant son précieux trésor enfoui dans un recoin du vaste filet.

    Selon ce que nous avons appris depuis, la décision de « sanctionner » la DGED a été prise au plus haut niveau de l’Etat français. Le projet de représailles a été décidé par la direction de la DGSE, qui l’a soumis à son ministre de tutelle de l’époque, le chef du portefeuille de la défense, Jean-Yves Le Drian, qui l’a communiqué au Premier ministre Manuel Valls avant que ce dernier n’obtienne la décision finale. feu vert du président de la République François Hollande.

    Un fin connaisseur des relations franco-marocaines a obtenu il y a quelques années confirmation de cet incident auprès des plus hautes autorités de l’Etat français. Il faut dire que les services de renseignement marocains ont toujours su qui se cachait derrière « Chris Coleman ». Lorsqu’il y a quelques semaines Bernard Bajolet a été mis en examen en France pour « complicité de tentative d’extorsion » et « atteinte arbitraire à la liberté individuelle par personne en autorité » dans une sombre affaire d’escroquerie, la presse marocaine s’est étrangement emparée de cette affaire avec grand bruit, même s’il n’a aucun rapport avec le Maroc.

    Bajolet a été directeur général de la DGSE entre 2013 et 2017. En 2018, dans le livre intitulé  Le soleil ne se lève plus à l’est .  Mémoires d’Orient d’un ambassadeur  peu diplomate aux éditions Plon, il affirmait qu’Abdellatif Hammouchi, qui avait fui la France en 2014, ne méritait  pas la Légion d’honneur, la plus haute décoration française, lui a été décernée par Hollande.

    Ali Lmrabet

    Ali Lmrabet est un journaliste marocain et ancien diplomate. Il est le fondateur et directeur de plusieurs médias au Maroc, en arabe et en français, qui ont tous été interdits. Il est titulaire de plusieurs prix de la presse internationale et a été l’un des principaux reporters du quotidien espagnol El Mundo. Il est actuellement chercheur en histoire et continue de collaborer avec plusieurs médias internationaux.

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    #Maroc #France #Marocleaks #Abdellatif_El_Hammouchi #DGSE #DGED #Hacker_chris_coleman

  • Maroc : Mandat d’arrêt contre Yassine Mansouri

    Tags : Maroc, France, Parlement européen, corruption, DGED, services secrets,

      Des responsables des services secrets marocains sont demandé par la justice belge.

      Les juges de Bruxelles ont émis des mandats d’arrêt contre des responsables marocains et principalement contre le directeur des renseignements, Mohamed Yassin al-Mansouri.

      Ces mandats font suite aux enquêtes des services de sécurité belges qui sont arrivés à prouver l’implication des poursuivis dans l’affaire de corruption de l’Union européenne, connue sous le nom de « Maroc Gate ».

       Ces mandats ont été délivrés à la justice française, afin d’arrêter les responsables marocains, en vertu de leur résidence sur le sol français, selon ce qu’a rapporté lundi le journal « Le Figaro ».

      Selon le journal français, qui a publié une photo du directeur du renseignement marocain en tête de la liste des personnes recherchées, la justice belge a remis à son homologue français la liste des Marocains recherchés afin de les arrêter, notant qu’un diplomate français a commenté le cas que ces responsables marocains avaient des enfants vivant en France, et cette dernière s’est retrouvée dans l’embarras, car « l’affaire va aggraver sa relation avec le Maroc, donc elle ne veut pas les arrêter à la descente de l’avion alors qu’ils viennent voir leurs enfants en France », a-t-il déclaré.

      Les mesures prises par la justice belge interviennent quelques jours après que la police belge a arrêté vendredi dernier le député belge Mark Tarabella, impliqué dans la même affaire après que le Parlement européen a levé son immunité parlementaire.

      #Maroc #France #Qatargate #Parlement_européen #Corruption

    • Marocgate : Des pistes mènent au Palais royal

      Tags : Maroc, Qatargate, DGED, Yassine Mansouri, Parlement européenm corruption,

      Il ne se passe pas un jour sans que de nouvelles révélations n’enfoncent un peu plus le régime marocain et démonter son rôle central dans les réseaux de corruption au Parlement européen. Si la presse belge et italienne ont déjà largement évoqué ce scandale, c’est au tour du quotidien allemand Der Spiegel de faire de nouvelles révélations qui mettent d’ailleurs en lumière les liens directs qu’entretiennent les agents du Makhzen à l’œuvre au sein des réseaux de corruption au Parlement européen avec le Palais royal vers le roi Mohamed VI.

      Selon l’enquête publié par le quotidien allemand et qui s’appuie sur les éléments apportés par l’examen de pas de 1.300 documents issus de l’enquête belge sur ce scandale retentissant, le chef des services de renseignement marocains (Direction générale des études et de la documentation, Yassine Mansouri est directement impliqué dans des tentatives d’influencer des eurodéputés. Un fait gravissime qui prouve l’implication du régime marocain et au plus haut sommet dans ce scandale, d’autant plus que « Mansouri était l’un des enfants triés sur le volet choisis pour fréquenter le Collège royal avec l’actuel roi Mohammed VI ».

      Selon Der Spiegel, les enquêteurs belges ont recueilli encore plus de preuves sur le réseau de l’ex-eurodéputé Pier Antonio Panzeri qui travaillait apparemment secrètement pour influencer les institutions de l’Union européenne (UE), en particulier le Parlement européen, au profit du Maroc ».

      « Le chef des services de renseignement marocains (Direction générale des études et de la documentation, DGED), Yassine Mansouri lui-même aurait été directement impliqué dans la tentative d’influencer les parlementaires européens », souligne Der Spiegel, relevant que le responsable marocain a, selon les preuves recueillies par les enquêteurs belges, « rencontré l’eurodéputé Andrea Cozzolino, qui ferait également partie du réseau de Panzeri, et peut-être Panzeri lui-même ». 

      « L’implication de la DGED est un détail politiquement sensible. Si elle était fondée, cela signifierait que les tentacules du scandale s’étendraient aux plus hauts niveaux de l’Etat marocain », selon l’article co-signé par cinq journalistes du quotidien allemand.Pour étayer leurs propos, les journalistes du Der Spiegel révèlent que « Mansouri était l’un des enfants triés sur le volet choisis pour fréquenter le Collège royal avec l’actuel roi Mohammed VI ». 

      « Le Collège royal est une école du Palais royal qui n’ouvre une nouvelle classe que lorsque l’enfant d’un roi atteint l’âge scolaire », ont-ils souligné, notant que plus tard, le prince (héritier) et Mansouri ont étudié le droit et que lorsque Mohammed VI est monté sur le trône, il a nommé Mansouri à la tête du service de renseignement étranger du pays.

      Le journal allemand a également dressé un organigramme des personnalités marocaines figurant dans les dossiers des enquêteurs belges, Mansouri est tout en haut, suivi Abderrahim Atmoun, l’ambassadeur du Maroc en Pologne, qui dispose de relations à Bruxelles et Paris.

      A ce titre, l’article du quotidien allemand a fait savoir que « les enquêteurs pensent qu’il dirigeait les activités du groupe Panzeri sur le terrain.Lorsqu’il se rendait à Paris via Bruxelles, Atmoun apportait fréquemment de l’argent, a déclaré l’assistant parlementaire Francesco Giorgi, lui aussi impliqué dans le « Marocgate », selon le procès-verbal de l’interrogatoire du 10 décembre.

      Si les accusations sur l’implication du Maroc dans le scandale de corruption qui éclabousse le Parlement européen seront confirmées au terme de l’enquête, « il y aura des conséquences », assure un responsable de l’UE, cité par Der Spiegel.Les sanctions possibles, a déclaré le responsable, « vont des mesures restrictives au niveau diplomatique et de la coopération entre les services secrets à des sanctions contre des individus spécifiques ».

      #Qatargate #Marocgate #DGED #Yassine_Mansouri

    • Qatargate : Une réunion secrète dans la suite 412

      Tags : Moroccogate, Qatargate, Maroc, DGED, Parlement Européen, Antonio Panzeri, Eva Kaili, Francesco Giorgi, Marocleaks, Mohamed Belahrach, Fight Impunity, No peace without justice, corruption,

      DER SPIEGEL a obtenu des centaines de documents issus de l’enquête sur le scandale de corruption qui éclabousse le Parlement européen. Ils offrent un aperçu approfondi du trafic d’influence généralisé d’une poignée d’eurodéputés et montrent qu’il pourrait y avoir beaucoup plus à venir.
      Lorsque Eva Kaili a appris, le matin du 9 décembre 2022, que son compagnon avait été arrêté et sa voiture saisie, elle a dit qu’elle n’a pas immédiatement réalisé que sa vie telle qu’elle la connaissait prenait fin. « Je pensais qu’il avait eu un accident de voiture », a déclaré plus tard la Grecque lors d’un interrogatoire.

      Mais ensuite, selon une transcription de ses interrogatoires, la femme de 44 ans a lu les premiers rapports sur les raids et les arrestations à Bruxelles. Ils portaient sur la corruption au Parlement européen, dont Kaili était vice-présidente. Et elle tombe sur un nom : Pier Antonio Panzeri, ancien député européen et ex-patron de son compagnon, Francesco Giorgi. Si elle ne l’avait pas encore compris, c’est à ce moment-là qu’elle a dû se rendre compte que l’affaire avait probablement à voir avec les montagnes d’argent liquide que Giorgi, collaborateur d’un membre italien du Parlement européen, avait à nouveau entreposées dans l’appartement qu’ils partageaient.

      Kaili a essayé frénétiquement de joindre Panzeri et d’autres membres de son réseau. Puis elle a appelé son père, qui se trouvait à Bruxelles pour une visite et se promenait avec la fille de Kaili, âgée de 22 mois. Kaili s’est emparée d’une valise pleine d’argent liquide et a caché l’argent sous des biberons et des couches. « Prends ça et pars ! » a-t-elle dit à son père.

      Mais il n’est pas allé bien loin. Les enquêteurs ont saisi le père de Kaili ainsi que la valise pleine d’argent au Sofitel de la place Jourdan, un hôtel de luxe très prisé des hommes politiques de premier plan. Kaili a elle aussi été arrêtée et démise de sa vice-présidence du Parlement européen quatre jours plus tard. Elle est actuellement en détention provisoire, tout comme Panzeri et Giorgi. Il y a d’autres suspects, et la police a fouillé plus d’une douzaine d’appartements et de bureaux. Les enquêteurs se concentrent actuellement sur les allégations d’appartenance à une organisation criminelle, de blanchiment d’argent et de corruption.

      C’est ainsi qu’a commencé le plus grand scandale de l’histoire du Parlement européen, point culminant préliminaire de l’opération « Mezzo », une enquête en cours depuis plusieurs mois et qui impliquerait les services secrets de cinq pays européens. Plus de 1300 documents internes, que DER SPIEGEL a consultés, permettent de reconstituer en détail l’enquête. Les documents suggèrent fortement que des hauts fonctionnaires du Qatar et du Maroc sont impliqués dans le scandale – et que les informations rendues publiques jusqu’à présent ne sont que la partie émergée de l’iceberg.

      La profondeur de cet iceberg pourrait bientôt devenir plus claire. Mardi, le ministère public belge a annoncé que M. Panzeri était devenu un témoin public, ce qui signifie qu’il est apparemment prêt à témoigner – sur la façon dont son organisation fonctionnait, sur les transactions avec les pays concernés, sur les structures financières – en échange d’une peine plus légère. Selon les fonctionnaires belges, Panzeri est également prêt à citer les noms d’autres personnes impliquées, y compris celles qu’il prétend avoir soudoyées. Bruxelles pourrait connaître des jours passionnants.

      D’après les résultats de l’enquête menée jusqu’à présent, le groupe de Panzeri faisait preuve d’un amateurisme choquant : Ils ont apparemment reçu des paiements en espèces, qu’ils ont ensuite cachés dans des appartements privés ; ils ont tenu une réunion conspiratoire dans un hôtel équipé de caméras de surveillance ; et ils ont passé des centaines d’appels téléphoniques en utilisant des connexions non cryptées.

      Néanmoins, le groupe a apparemment pu opérer sans être détecté pendant plusieurs années, collectant des pots-de-vin non seulement au Qatar et au Maroc, mais aussi en Mauritanie et peut-être même en Arabie saoudite.

      Nombreux sont ceux qui ont du mal à croire que le réseau de Panzeri est le seul de ce type à Bruxelles. « Il y a un certain nombre de pays qui ont systématiquement acheté de l’influence sur une longue période », déclare l’eurodéputée du Parti des Verts Viola von Cramon. En plus du Qatar et du Maroc, dit-elle, le groupe comprend le Kazakhstan, l’Azerbaïdjan et la Russie. « Il faut mener une enquête exhaustive », dit-elle. « Il n’y a rien de moins en jeu que la crédibilité de la démocratie européenne ».

      1. Les débuts : Du Maroc au Qatar

      Le Qatar est au centre du scandale depuis le premier jour, ce qui est principalement dû au fait que les Qataris ont apparemment été pris sur le fait. Mais c’est au Maroc que les autorités ont d’abord jeté leur dévolu.

      L’enquête a apparemment été lancée à la suite d’une dénonciation : Les services secrets d’un pays allié ont averti les Belges qu’une organisation criminelle de Bruxelles tentait de faire valoir les intérêts marocains avec l’aide de parlementaires européens.

      En avril 2022, le service de sécurité de l’État belge (VSSE) était convaincu que l’affaire représentait une « menace sérieuse pour la sécurité intérieure du pays et pour la continuité de l’ordre démocratique et constitutionnel ». Dans de tels cas, les agents de sécurité sont autorisés à déployer des « mesures exceptionnelles », y compris les « mesures prévues à l’article 18/12 » – la surveillance secrète des suspects à leur domicile.

      Des agents des services secrets ont perquisitionné le domicile d’Antonio Panzeri, avenue Eugène Plasky, dans le quartier de Schaerbeek à Bruxelles. Ils ont trouvé une valise sous le lit contenant des liasses de billets – un total de 380 050 euros en billets de 50 euros. Dans le coffre-fort, ils ont découvert 320 000 euros supplémentaires en coupures de 50, 100 et 200 euros.

      Avant de partir, les enquêteurs ont pris soin de tout remettre exactement comme avant leur arrivée, et Panzeri n’a rien appris de la perquisition. Dans un premier temps, aucune charge n’a été retenue. Les enquêteurs ont averti le procureur fédéral Frédéric Van Leeuw, dans une lettre datée du 26 avril 2022, qu’ »une enquête criminelle pourrait potentiellement nuire aux enquêtes en cours des services de renseignement. »

      Panzeri a continué comme avant – désormais sous la surveillance étroite de la VSSE. Les enquêteurs ont recueilli encore plus de preuves indiquant que son réseau travaillait apparemment en secret pour influencer les institutions de l’UE, en particulier le Parlement européen, au profit du Maroc.

      Andrea Cozzolino, parlementaire européen

      Dès le début de l’enquête, le service de renseignement extérieur marocain DGED est apparu sur le radar. En effet, le chef de la DGED, Yassine Mansouri, aurait lui-même été directement impliqué dans la tentative d’influencer les parlementaires européens. Selon les preuves recueillies par les enquêteurs, Mansouri a rencontré l’eurodéputé Andrea Cozzolino , qui ferait également partie du réseau de Panzeri, et peut-être Panzeri lui-même.

      L’implication potentielle de la DGED est un détail politiquement sensible. Si elle était avérée, elle signifierait que les tentacules du scandale s’étendent jusqu’aux plus hauts niveaux de l’État marocain.

      Mansouri était l’un des enfants triés sur le volet choisis pour fréquenter le Collège Royal en compagnie de l’actuel roi du Maroc Mohammed VI. Le Collège Royal est une école du palais royal qui n’ouvre une nouvelle classe que lorsque l’enfant d’un roi atteint l’âge scolaire. Plus tard, le prince et Mansouri ont étudié le droit. Lorsque Mohammed est monté sur le trône, il a nommé Mansouri à la tête du service de renseignement extérieur du pays.

      Dans une sorte d’organigramme de la filière marocaine que l’on retrouve dans les dossiers des enquêteurs belges, Mansouri est tout en haut. Juste en dessous de lui se trouve Abderrahim Atmoun, l’ambassadeur du Maroc en Pologne, qui a d’excellentes relations à Bruxelles et à Paris. Les enquêteurs pensent qu’il a piloté les activités du groupe Panzeri sur le terrain. En 2014, il a publié sur Facebook une photo le montrant en compagnie de son « cher ami » Panzeri.

      L’amitié était apparemment profitable. Lorsqu’il se rendait à Paris via Bruxelles, Atmoun apportait fréquemment de l’argent, a déclaré Giorgi lors de l’interrogatoire du 10 décembre, selon le procès-verbal de l’interrogatoire. « De plus petites sommes, mais tout de même quelques dizaines de milliers d’euros ». Les personnes impliquées semblent avoir été pleinement conscientes que leurs actions étaient illégales, ce qui explique leur utilisation de mots codés. « Quand vous ramassiez de l’argent, vous parliez de ramasser des costumes ou des cravates », a déclaré Giorgi aux enquêteurs. Le gouvernement marocain et Atmoun ont refusé de répondre aux nombreuses demandes de commentaires.

      Le fait que le gouvernement de Rabat soit apparemment prêt à déployer des manœuvres sournoises pour défendre ses intérêts à Bruxelles n’est pas sans raison. Les deux tiers du commerce extérieur du Maroc se font avec l’Union européenne, comme l’a récemment souligné Josep Borrell, Haut représentant de l’UE pour les affaires étrangères, lors d’un voyage dans la capitale marocaine. Il a également noté que plus de la moitié de tous les investissements étrangers au Maroc proviennent de l’UE, ce qui est, a-t-il dit, « difficile à dépasser. » En outre, a indiqué M. Borrell, le Maroc est le plus grand bénéficiaire des fonds de coopération de l’UE dans la région – avec un total attendu de 1,6 milliard d’euros de 2021 à 2027. La Commission européenne est chargée de décider de l’utilisation de cet argent.

      Le Maroc est également désireux d’obtenir le soutien politique de l’UE dans le conflit en cours sur le Sahara occidental. Rabat a occupé de larges pans de la région pendant des décennies et continue de résister aux demandes d’indépendance du peuple sahraoui. De son côté, l’UE compte sur le gouvernement marocain pour empêcher les migrants africains d’atteindre l’Europe.

      II. Les imitateurs : Le Qatar et la Mauritanie
      Par rapport au Maroc, les intérêts poursuivis par le Qatar semblent beaucoup plus banals. Selon les enquêteurs, le pays souhaitait avant tout redorer son image, ternie par des informations faisant état des conditions souvent proches de l’esclavage dans lesquelles se trouvaient de nombreux travailleurs migrants au cours des années précédant la Coupe du monde de football, organisée par le pays en novembre et décembre. Là aussi, le vaste réseau de connexions de Panzeri s’est avéré avantageux.

      « Tout a commencé en 2018 », a déclaré son protégé Giorgi aux enquêteurs. Selon le récit de Giorgi, Panzeri a rencontré Ali bin Samikh Al Marri, qui était à l’époque à la tête du comité national des droits de l’homme du Qatar. Marri est ensuite devenu ministre du travail en octobre 2021, ce qui le rend directement responsable des conditions de travail sur les sites de construction liés à la Coupe du monde.

      Heureusement pour Marri, sa relation avec Panzeri signifiait qu’il avait un accès direct à un réseau établi pour exercer une influence sur le Parlement européen. En d’autres termes, le Qatar a pu bénéficier des structures que le Maroc a mis plusieurs années à mettre en place.

      En 2019, Panzeri et le Qatar sont parvenus à un accord – à l’automne, affirme-t-il, quelques mois après la fin de son mandat au Parlement européen. Giorgi, qui faisait alors partie du personnel de l’eurodéputé Cozzolino, affirme avoir personnellement lancé un « projet de lobbying » pour le Qatar. Un fichier Excel enregistré dans le cloud Google de Giorgi décrit une « approche en trois volets » : « Stopper les attaques des autres pays, souligner les aspects positifs, attaquer les autres pays ». Giorgi a déclaré qu’un accord a également été conclu concernant le paiement, bien qu’il ait dit aux enquêteurs qu’il ne se souvient plus des montants impliqués.

      Giorgi a déclaré que le ministre du travail Marri jouait « à peu près le même rôle » que le Marocain Atmoun. Cela signifierait que le ministre du travail était directement responsable de l’orientation du groupe Panzeri et des paiements. La question de savoir si cela est vrai reste ouverte. Marri n’a pas répondu à plusieurs tentatives pour le contacter.

      Les personnes impliquées étaient apparemment conscientes, dès le début, que leurs activités allaient bien au-delà du travail normal de lobbying. Cela semble évident au vu des méthodes de paiement clandestines utilisées. Giorgi a déclaré à ses interrogateurs que le système impliquait qu’il contacte une personne en Turquie qui avait apparemment un passé palestinien. La personne de contact lui fournissait ensuite un numéro de téléphone belge à composer pour accéder à l’argent. « La personne de contact était différente à chaque fois », a déclaré Giorgi, ajoutant qu’il supprimait ensuite tous les numéros de téléphone après chaque transaction « afin de ne laisser aucune trace. » Le processus se répétait au maximum deux ou trois fois par an, a-t-il précisé. « C’était stressant », s’est plaint Giorgi pendant son interrogatoire.

      Puis, a-t-il dit aux enquêteurs, une idée a émergé de faire appel à une organisation non gouvernementale pour traiter l’argent. Cette suggestion a apparemment donné naissance à une ONG appelée Fight Impunity, qui prétend lutter pour que les violations des droits de l’homme ne restent pas impunies. Le site Internet de l’organisation mentionne toujours Panzeri comme président.

      Presque en aparté, Giorgi a admis lors de son interrogatoire que l’équipe de Panzeri avait également travaillé pour le compte de la Mauritanie et peut-être même pour l’Arabie saoudite. Une semaine seulement avant son arrestation, il a affirmé que lui et Panzeri avaient rencontré l’ambassadeur saoudien à la mission mauritanienne auprès de l’Union européenne. Le diplomate « voulait des informations sur ce qui se disait sur son pays au Parlement européen », a déclaré Giorgi aux enquêteurs. La représentation diplomatique de l’Arabie saoudite n’a pas répondu à une demande de commentaire.

      La Mauritanie elle-même a également « un problème d’image », a déclaré M. Giorgi, et c’est un problème que le pays voulait apparemment éliminer. « Ils ont engagé M. Panzeri pour obtenir des conseils sur ce qui pouvait être fait ». Le résultat, a-t-il dit, a été une coopération similaire à celle avec le Maroc et le Qatar – « mais n’impliquant pas les mêmes sommes d’argent. »

      Il a déclaré aux enquêteurs qu’il avait feint la location d’un appartement à l’ambassadeur de Mauritanie, recevant 1 500 euros de loyer et 300 euros de frais annexes – une « compensation » qui est arrivée mois après mois, à partir de janvier 2021 au plus tard, selon les données du compte. Le montant pour la période couverte par ces chiffres s’élevait à près de 40 000 euros. Panzeri, selon Giorgi, a reçu 25 000 euros supplémentaires en espèces. L’avocat de Panzeri, Laurent Kennes, n’a pas répondu aux questions concernant cette allégation et d’autres.

      III. Une réunion de comité scénarisée
      Les services fournis par Panzeri et ses alliés peuvent être reconstitués à l’aide d’une réunion de la sous-commission des droits de l’homme du Parlement européen le 14 novembre 2022. Le Marri qatari a été invité à la réunion en tant qu’invité, mais les préparatifs avaient commencé plusieurs semaines auparavant.

      Le 3 octobre, les enquêteurs ont écouté une conversation téléphonique entre Panzeri et Giorgi dans laquelle ils planifiaient une réunion avec « nos gars » – une référence aux représentants du Qatar – dans l’hôtel de luxe bruxellois Steigenberger Wiltcher’s.

      Le 9 octobre à 14 h 48, trois berlines noires se sont présentées à l’hôtel cinq étoiles, une Mercedes S 380 de la représentation diplomatique qatarie et deux Mercedes S 350 de location. Les images des caméras de surveillance montrent que Marri était l’un des trois premiers hommes à sortir des voitures. Cinq autres ont suivi avec des bagages et ont disparu dans la suite 412.

      Le lendemain, à 17 h 50, Panzeri et Giorgi sont arrivés. Giorgi poussait un landau dans le hall moderne contenant sa fille et celle de Kaili. Huit minutes plus tard, un homme que Giorgi semble connaître les rejoint, suivi par un autre homme alors qu’ils attendent l’ascenseur. Ensemble, ils sont montés dans la suite 412. Comme les témoignages ultérieurs l’établiront, Panzeri, Giorgi et Marri ont profité de la réunion pour se préparer à la réunion du comité qui approchait.

      La réunion dans la suite 412 s’est terminée à 19 h 21. Le sac de Panzeri semblait plus gros qu’avant la réunion, comme les enquêteurs l’ont noté dans leurs dossiers.

      Trois jours avant la réunion du comité, le 14 novembre, Panzeri et Giorgi se sont de nouveau rencontrés, cette fois dans l’appartement de Panzeri. Et cette fois, les enquêteurs écoutaient. Panzeri a lu à haute voix le discours qu’il avait préparé pour le ministre qatari du travail Marri, Giorgi le traduisant de l’italien à l’anglais. Ce discours portait sur les progrès réalisés par le Qatar en matière de réforme du droit du travail et sur l’hypocrisie présumée des Européens qui critiquent le Qatar.

      Panzeri avait également préparé des réponses aux questions que les députés européens pourraient poser. Que peut dire le ministre sur le traitement des membres de la communauté LGBTQ ? Qu’en est-il de l’empreinte écologique des stades ?

      Le 14 novembre, la réunion de la commission a été très suivie. Il ne restait que six jours avant le début de la Coupe du monde et beaucoup voulaient entendre ce que le ministre qatari du travail avait à dire. La séance, dirigée par la présidente de la commission, Maria Arena, a été diffusée en direct sur Internet. Citoyenne belge aux racines italiennes, Arena est une proche confidente de Panzeri. Selon les dossiers d’enquête, tous deux se sont entretenus au téléphone 389 fois entre la mi-décembre 2021 et la mi-septembre 2022. Et Arena n’était pas la seule personne du comité sur laquelle Marri pouvait compter. Panzeri s’en était assuré.

      Dans son discours d’introduction, Marri s’est félicité et a félicité son pays pour ses réformes sans précédent et a accusé les opposants du Qatar de faire deux poids deux mesures. Tout comme Panzeri l’avait écrit.

      Panzeri, cependant, ne voulait rien laisser au hasard. À 16 h 55, il a appelé Giorgi, qui était assis au dernier rang. Selon les procès-verbaux de surveillance, Panzeri a demandé si la « nana » était arrivée, un mot qui peut également être traduit par « poussin ».

      Il s’agissait de la députée européenne italienne Alessandra Moretti.

      Elle est arrivée, chuchote Giorgi dans son téléphone, et demande s’il doit aussi demander à Marc Tarabella de parler. Les enquêteurs pensent que le parlementaire belge est également membre du réseau de Panzeri.

      Oui, a répondu Panzeri, Tarabella devrait s’exprimer : « Je n’ai pas remarqué un tel intérêt lorsque la Coupe du monde s’est déroulée en Russie il y a quatre ans » – et qu’il espère qu’un intérêt similaire sera manifesté pour les droits de l’homme avant la prochaine Coupe du monde aux États-Unis et au Mexique.

      Mais d’abord, Moretti a pris la parole. Elle a déclaré que des militants des droits de l’homme étaient également emprisonnés en Égypte. Et que des accidents de travail mortels, par centaines, se produisent également en Italie.

      À 17 h 03, Arena a demandé à Tarabella de poser la dernière question de la session. Et il a répondu. Avant la Coupe du monde de 2018 et les Jeux olympiques d’hiver en Russie et à Pékin, a-t-il dit, il n’y a pas eu de critiques du type de celles qui sont actuellement adressées au Qatar. Certains, a-t-il poursuivi, semblent peindre une image du Qatar tel qu’il était il y a dix ans. Mais le pays a fait avancer les réformes, a-t-il poursuivi, et cela doit être respecté.

      Il est « possible » que Panzeri ait suggéré à son ami Tarabella de « dire quelque chose de précis », admettra plus tard Maxim Töller, l’avocat de Tabella. Mais son client, insiste Töller, ne savait pas que Panzeri « avait monnayé leur amitié. »

      Puis, l’interrogatoire de Marri est terminé. La commission a abordé un autre sujet avant qu’Arena ne mette fin à la séance à 18 h 41. Elle a appelé Panzeri 40 minutes plus tard – et a reçu les éloges qu’elle méritait. Marri, lui a dit Panzeri, était satisfaite.

      IV. Contrôle des dégâts

      La présidente du Parlement, Roberta Metsola, espère maintenant prendre des mesures immédiates pour empêcher de telles activités à l’avenir, ou du moins pour les rendre plus difficiles. Cette semaine, la politicienne conservatrice de Malte a présenté un plan en 14 points. Il comprend des mesures telles que l’interdiction pour les législateurs européens de poursuivre des activités de lobbying après avoir quitté le Parlement, tant qu’ils bénéficient d’une allocation transitoire. Le site Internet du Parlement fournira également à l’avenir des informations transparentes sur les cadeaux reçus par les députés européens, ainsi que sur leurs voyages et réunions.

      Les « groupes d’amitié » controversés entretenus par certains parlementaires seront interdits afin de garantir que les pays non membres de l’UE ne puissent utiliser que les canaux officiels pour approcher le Parlement.

      Les législateurs européens ont toujours été tenus d’enregistrer les cadeaux qu’ils ont reçus auprès du président. Mme Metsola a elle-même publié 142 de ces cadeaux la semaine dernière. Elle en a reçu 125 entre le début du mois de février et la fin du mois de novembre 2022, enfreignant ainsi 125 fois les règles parlementaires. Ces règles stipulent que les législateurs doivent enregistrer la réception d’un cadeau avant la fin du mois suivant.

      Dans le cas de Metsola, en tout cas, les cadeaux étaient plutôt petits, comme des écharpes, des vases et des livres. D’autres députés européens, en revanche, ont semblé se souvenir soudainement de voyages entiers qu’ils avaient effectués lorsque le scandale de corruption a été dévoilé.

      Le démocrate-chrétien roumain Cristian-Silviu Bușoi, par exemple, a pris un vol en classe affaires en février 2020 pour se rendre à une conférence au Qatar et a passé quatre nuits dans l’hôtel exclusif Ritz Carlton – l’addition étant payée par quelqu’un d’autre. Il n’a déclaré ce voyage que le 19 décembre 2022. Interrogé à ce sujet, il a déclaré qu’il n’avait pas soumis les formulaires requis en temps voulu parce qu’un membre du personnel avait supposé à tort que la participation de Bușoi à la conférence n’était pas couverte par la règle.

      Le Qatar a également payé un voyage effectué par Marc Tarabella en février 2022 – qu’il a omis de déclarer. Maria Arena n’a pas non plus déclaré un voyage en mai 2022 payé par le Qatar, ce qui l’a conduite à renoncer la semaine dernière à son poste de présidente de la sous-commission des droits de l’homme. Dans une déclaration, elle a rejeté la faute sur le personnel de son bureau. Elle a déclaré à DER SPIEGEL qu’elle n’avait jamais reçu d’argent ou d’autres gratifications de la part de représentants du Qatar ou du Maroc.

      Les violations du code de conduite peuvent être sanctionnées de différentes manières, y compris par la confiscation de l’ »indemnité journalière », mais cela n’arrive que rarement. Et ces violations ne constituent pas une preuve valable de corruption.

      Jusqu’à présent, toutes les allégations de corruption ont été dirigées contre les sociaux-démocrates. La détention provisoire de Kaili a été une nouvelle fois prolongée jeudi. Panzeri est également toujours en détention, et les procureurs belges ont déclaré qu’il serait probablement condamné à une peine de prison et à une amende. En outre, le million d’euros qu’il a gagné grâce à ses activités illégales sera confisqué.

      Le groupe Socialistes & Démocrates au Parlement européen a mis Tarabella et Cozzolino devant un choix cette semaine : Soit ils quittent le groupe de leur propre chef, soit ils seront mis à la porte. Cozzolino est parti, Tarabella a été mis à la porte. À la demande des autorités belges, le Parlement européen doit se prononcer à la mi-février sur la suspension de leur immunité, avec une majorité considérée comme certaine.

      Der Spiegel, 20/01/2023

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      La comptable de Panzeri assignée en résidence surveillée

      L’Euro-corruption découvert par le juge belge Michel Claise conduit à une nouvelle arrestation : Monica Rossana Bellini est assignée à résidence depuis hier. Le parquet de Milan dirigé par Marcello Viola étudie actuellement l’opportunité d’ouvrir un dossier indépendant pour blanchiment d’argent.

      La comptable, qui fait l’objet d’une demande d’extradition, est liée aux deux principaux protagonistes du « Qatargate », l’ancien député européen Pier Antonio Panzeri et son ancien assistant, Francesco Giorgi. Il faisait déjà l’objet d’une enquête du parquet belge en décembre dernier mais, comme nous le verrons, c’est le témoignage de Giorgi qui a conduit à son arrestation.

      Mais Bellini’s n’est pas le seul nom sur lequel les Belges ont demandé à leurs collègues italiens d’enquêter.

      Le 11 décembre, le juge d’instruction Claise a envoyé un dossier de 23 pages au parquet de Milan. À la page 6, il leur demande d’enquêter sur la comptable Monica Bellini – elle sera perquisitionnée par la Guardia di Finanza quelques jours plus tard – qui, deux pages plus loin, lorsque son bureau à Opera (dans la province de Milan) est mentionné, figure explicitement dans la boîte des suspects (en Italie, nous l’appellerions un suspect). La veille, Giorgi a mentionné le nom de Bellini pour la première fois :
      « Il y avait une demande du Qatar pour offrir des billets d’avion et des billets pour les matchs de la Coupe du monde à Panzeri, sa fille et Monica Bellini (la comptable de Panzeri…) ».

      Vingt-quatre heures plus tard, le parquet belge a expliqué à ses collègues italiens qu’il avait identifié une « organisation criminelle » présumée qui se consacrait à la « corruption de membres du Parlement européen ».

      Elle ajoute que « le Qatar envoie de l’argent », également en « espèces », à « l’organisation criminelle dont Panzeri est le chef, afin de corrompre ceux qui ont le pouvoir de prendre des décisions ou d’influencer la politique au sein du Parlement européen dans le but de ne pas nuire à l’image du Qatar ».

      Puis il ajoute : « Le bénéfice de ces actes illicites est souvent transféré sur des comptes en Italie », voire pour « acquérir des biens immobiliers ». Les procureurs invitent leurs collègues italiens (le dossier sera ensuite confié au procureur adjoint Fabio De pasquale) à enquêter sur les comptes en Italie. A la page 8, deux autres noms sont mentionnés (non soumis à enquête, ndlr) : Luciano Giorgi et Iole Valli, les parents de Francesco Giorgi, que Claise invite à être entendus comme personnes ayant des informations sur les faits.

      Il s’avère que Bellini gravite dans une entreprise où il y a Giorgi, mais c’est son frère Stefano (non mis en examen, ndlr), anciennement directeur d’Equality Consultancy srl, créée en 2018 et cédée en 2021. Et c’est précisément Equality Consultancy srl qui est au centre de l’arrestation de mardi. « Mme Bellini, lit-on dans le mandat d’arrêt international, semble avoir joué un rôle important dans le rapatriement d’argent liquide du Qatar. »

      Pour l’accusation, Bellini aurait créé « avec Silvia Panzeri, la fille de Pier Antonio, une structure de société » destinée à donner « une apparence légale aux flux d’argent ».

      C’est ce qu’a expliqué Francesco Giorgi lui-même : « Au début de 2019, a-t-il déclaré aux enquêteurs à Bruxelles, Panzeri a pensé qu’au lieu de prendre l’argent liquide, il serait préférable de créer une structure juridique au sein de laquelle nous pourrions participer » – surtout lui, car j’avais mon travail – et ainsi gérer les flux d’argent de manière légale. Pour cela, il s’est adressé à sa comptable, Monica Bellini, qui s’était d’ailleurs rendue au Qatar avec Panzeri pendant la Coupe du monde.

      Une société de conseil, Equality, a été créée en Italie ». Il ajoute ensuite qu’Equality « a fourni des services à une société basée en Angleterre ».

      Plus tard, il explique que le contact avec la société anglaise, dont il ne se souvient pas du nom, a été assuré par un citoyen palestinien.

      Mon rôle, poursuit-il, était de mettre Panzeri, Bellini et sa fille Silvia (dont aucun ne parlait anglais) en contact avec un certain Hakan. « Silvia, conclut-il, a préparé les dossiers en tant qu’avocat, j’ai contribué à la création d’Equality sur la base de mes compétences linguistiques.

      Teleradio news, 19/01/2022

      Parlement européen. Qatargate ? Non, Marocgate

      Le Maroc a confié la gestion de son réseau d’influence à son service secret extérieur, ce qui a suscité l’ouverture d’un débat au Parlement européen sur les allégations de corruption et d’ingérence étrangère de Rabat, alors même que l’institution s’apprête à voter pour la première fois depuis un quart de siècle une résolution critiquant la situation des droits humains dans ce pays.

      À l’automne 2021, les 90 députés membres des commissions des affaires étrangères et du développement du Parlement européen ont dû, comme chaque année, choisir les trois candidats sélectionnés pour obtenir le prix Sakharov des droits de l’homme, le plus prestigieux de ceux que décernent les institutions européennes. Au premier tour sont arrivés ex aequo Jeanine Añez, l’ancienne présidente de la Bolivie, candidate présentée le parti d’extrême droite espagnol Vox au nom du groupe Conservateurs et réformistes, et l’activiste saharaouie Sultana Khaya, parrainée par Les Verts et le Groupe de gauche. La première des deux femmes purge une peine de prison dans son pays pour « terrorisme, sédition et conspiration » à la suite du coup d’État qui a mis fin à la présidence d’Evo Morales en novembre 2019. La deuxième était, en octobre 2021, depuis un an en réclusion à son domicile de Boujador (Sahara occidental) et affirme avoir été violée, ainsi que sa sœur, par les forces de l’ordre marocaines.

      Pour départager les deux candidates, il a fallu revoter pour que l’une ou l’autre rentre dans la short list de trois sélectionné·es susceptibles de recevoir le prix. Tonino Picula, un ancien ministre socialiste croate, a alors envoyé un courriel urgent à tous les députés de son groupe, leur demandant de soutenir Jeanine Añez. Ce n’était pas une initiative personnelle. Il a précisé qu’il avait écrit ce courriel au nom de Pedro Marqués, député portugais et vice-président du groupe socialiste. Celui-ci agissait vraisemblablement à son tour sur instruction de la présidente du groupe, l’Espagnole Iratxe García. Añez est donc sortie victorieuse de ce deuxième tour de vote.

      LES SOCIALISTES BLOQUENT LES RÉSOLUTIONS SUR LES DROITS HUMAINS

      Cet épisode illustre à quel point le Maroc a été, depuis des décennies, l’enfant gâté du Parlement européen. Socialistes, surtout espagnols et français, et bon nombre de conservateurs, ont multiplié les égards vis-à-vis de la monarchie alaouite. Alors que de nombreux pays tiers ont fait l’objet de résolutions critiquant durement leurs abus en matière de droits humains, le Maroc a été épargné depuis 1996. « Pendant de longues années, les socialistes ont systématiquement bloqué tout débat ou résolution en séance plénière qui puisse déranger un tant soit peu le Maroc », regrette Miguel Urban, député du Groupe de gauche.

      Rabat n’a été épinglé que dans de très rares cas pour sa politique migratoire. Il a fallu que plus de 10 000 immigrés irréguliers marocains, dont 20 % de mineurs, entrent le 17 et 18 mai 2021 dans la ville espagnole de Ceuta, pour que le Parlement européen se décide à voter, le 10 juin 2021, une résolution appelant le Maroc à cesser de faire pression sur l’Espagne. L’initiative est partie non pas des socialistes ni des conservateurs, mais de Jordi Cañas, un député espagnol de Renew Europe (libéraux). Elle a obtenu 397 votes pour, 85 contre et un nombre exceptionnellement élevé d’abstentions (196). Parmi les abstentionnistes et ceux qui s’y sont opposé figuraient nombre de députés français.

      UN RÉSEAU DE CORRUPTION

      Derrière la longue liste de votes favorables aux intérêts du Maroc, empêchant d’aborder les questions gênantes en matière de droits humains, ou sur des sujets plus substantiels comme les accords de pêche et d’association, il n’y a pas eu que le réseau de corruption que la presse appelle « Qatargate » alors que, chronologiquement, c’est davantage d’un « Marocgate » qu’il s’agit. Il y a eu d’abord ces idées répandues entre eurodéputés que le voisin du Sud est un partenaire soucieux de renforcer ses liens avec l’Union européenne ; qu’il est en Afrique du Nord, et même dans le monde arabe, le pays le plus proche de l’Occident et celui dont les valeurs et le système politique ressemblent davantage à une démocratie.

      Nul besoin donc, apparemment, de mettre en place un réseau de corruption quand la partie était pratiquement gagnée d’avance. C’est pourtant ce que le royaume a fait depuis une douzaine d’années d’après les fuites sur l’enquête menée depuis juillet 2022 par le juge d’instruction belge Michel Claise, spécialisé dans la criminalité financière, et publiées par la presse belge et italienne depuis la mi-décembre. « Le Maroc ne se contentait pas de 90 %, il voulait les 100 % », expliquent, en des termes identiques, les députés espagnols Miguel Urban, du Groupe de gauche, et Ana Miranda, des Verts.

      L’engrenage du Marocgate est né en 2011 quand s’est nouée la relation entre le député européen socialiste italien Pier Antonio Panzeri et Abderrahim Atmoun, député marocain du parti Authenticité et modernité, fondé par le principal conseiller du roi Mohamed VI, et coprésident de la commission parlementaire mixte Maroc-UE jusqu’en juin 2019. Cette année-là il fut nommé ambassadeur du Maroc à Varsovie.

      RÉVÉLATIONS DE WIKILEAKS

      Les révélations de ce que l’on a appelé le Wikileaks marocain révèleront, fin 2014, à quel point les autorités marocaines apprécient Panzeri. Des centaines de courriels et de documents confidentiels de la diplomatie marocaine et du service de renseignements extérieurs (Direction générale d’études de documentation) ont alors été diffusés sur Twitter par un profil anonyme qui se faisait appeler Chris Coleman. On sait aujourd’hui qui se cachait derrière cet anonymat : la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE). Les services secrets français se vengeaient ainsi de plusieurs coups bas que leur avaient infligés leurs collègues marocains, à commencer par la divulgation par Le 360, un journal proche du palais, du nom de leur cheffe d’antenne à Rabat.

      Dans ces câbles diplomatiques marocains, Panzeri est décrit comme « un allié pour combattre l’activisme grandissant des ennemis du Maroc en Europe ». Il a occupé, pour cela, des postes clefs au Parlement, comme celui de président de la délégation pour les relations avec les pays du Maghreb et de la sous-commission droits de l’homme. Selon l’enquête du juge Claise, Panzeri a impliqué son ex-femme et sa fille, mais surtout Eva Kaili, vice-présidente socialiste du Parlement européen, et Francesco Giorgi, qui fut son assistant parlementaire et qui était en couple avec la députée grecque. Il a été le premier à avouer, lors d’un interrogatoire en décembre 2022, qu’il travaillait pour le Maroc. Il a signé mardi 17 janvier un mémorandum avec le procureur fédéral (en vertu de la loi sur les repentis) dans lequel s’engage à faire « des déclarations substantielles, révélatrices, sincères et complètes » dans le cadre de l’enquête pour corruption.

      La justice belge a aussi demandé la levée de l’immunité parlementaire de deux autres socialistes, le Belge Marc Tarabella, et l’italien Andrea Cozzolino. Ce dernier avait partiellement pris le relais de Panzeri dans les deux organes qu’il présidait. Il s’était aussi montré très actif, tout comme Eva Kaili, au sein de la commission d’enquête parlementaire sur Pegasus et autres logiciels espions qui concerne de près le Maroc. « Kaili a cherché à freiner l’enquête sur le logiciel Pegasus », a affirmé, le 19 décembre, Sophie in’t Veld, la députée néerlandaise qui a rédigé le rapport préliminaire sur ce programme informatique d’espionnage, dans une interview au journal italien Domani.

      L’« équipe Panzeri », qui compterait d’autres membres non encore dévoilés, aurait reçu 50 000 euros pour chaque amendement anti-Maroc torpillé, selon le quotidien belge De Standaard. La somme semble modeste en comparaison de celles supposément versées par Ben Samikh Al-Marri, ministre d’État du Qatar, pour améliorer l’image du pays qui s’apprêtait à accueillir la Coupe du monde de football à Doha. L’essentiel du million et demi d’euros en liquide saisi par la police fédérale belge lors des perquisitions effectuées à la mi-décembre proviendrait de l’émirat. Il s’est apparemment servi du réseau constitué par Panzeri. Celui-ci a continué à fonctionner après sa défaite aux élections européennes de 2019. Pour ce faire le député battu a d’ailleurs fondé une ONG bidon à Bruxelles, Fight Impunity.

      En marge des bribes de l’enquête publiées par la presse, Vincent Van Quickenborne, le ministre belge de la Justice, a laissé entrevoir l’implication du Maroc dans ce réseau, le 14 décembre, sans toutefois le nommer. Il a fait allusion à un pays qui cherchait à exercer son influence sur les négociations de pêche menées par l’UE, or c’est avec le Maroc que la Commission a signé son plus gros accord, et sur la gestion du culte musulman en Belgique. Les immigrés marocains constituent la plus importante communauté musulmane en dans ce pays.

      PASSAGE DE RELAIS AUX SERVICES

      En 2019, Abderrahim Atmoun, l’homme politique marocain devenu ambassadeur, est passé au second plan. La DGED, le service de renseignements marocain à l’étranger, a pris le relais et commencé à chapeauter directement le réseau Panzeri, d’après les informations recueillies par la presse belge. Concrètement, c’est l’agent Mohamed Belahrech, alias M 118, qui en a pris les rênes. Panzeri et Cozzolino auraient d’ailleurs voyagé séparément à Rabat pour y rencontrer Yassine Mansouri, le patron de la DGED, le seul service secret marocain qui dépend directement du palais royal.

      Belahrech n’était pas un inconnu pour les services espagnols et français. Sa femme, Naima Lamalmi, ouvre en 2013 l’agence de voyages Aya Travel à Mataró, près de Barcelone, selon le quotidien El Mundo. On le revoit après à Paris, en 2015, où il réussit à être le destinataire final des fiches « S », de personnes fichées pour terrorisme, qui passent entre les mains d’un capitaine de la police aux frontières en poste à l’aéroport d’Orly, selon le journal Libération.

      L’intrusion des espions marocains dans les cercles parlementaires bruxellois attire rapidement l’attention des autres services européens. Vincent Van Quickenborne a confirmé que l’investigation a été menée, au départ, par la Sûreté de l’État belge, le service civil de renseignements, avec des « partenaires étrangers ». Puis le dossier a été remis, le 12 juillet 2022, au parquet fédéral. Il Sole 24 Ore, quotidien économique italien, précise que ce sont les Italiens, les Français, les Polonais, les Grecs et les Espagnols qui ont travaillé d’arrache-pied avec les Belges.

      Ces derniers ont, tout comme les Français, des comptes à régler avec les Marocains. En 2018 ils avaient déjà détecté une autre opération d’infiltration de la DGED au Parlement européen à travers Kaoutar Fal. Ce fut le député européen français Gilles Pargneaux qui lui a ouvert les portes de l’institution pour organiser une conférence sur le développement économique du Sahara occidental. Elle a finalement été expulsée de Belgique en juillet de cette année, car elle constituait une « menace pour la sécurité nationale » et collectait des « renseignements au profit du Maroc », selon le communiqué de la Sûreté. En janvier 2022, il y a eu une autre expulsion : celle de l’imam marocain Mohamed Toujgani, qui prêchait à Molenbeek (Bruxelles). Il cherchait, semble-t-il, à mettre la main sur les communautés musulmanes de Belgique pour le compte de la DGED.

      Si le réseau Panzeri avait fonctionné correctement au service du Maroc du temps où il était en apparence géré par Abderrahim Atmoun, quel besoin de recourir il y a quatre ans aux hommes de l’ombre pour le piloter au risque d’ameuter des services européens ? Aboubakr Jamai, directeur du programme des relations internationales de l’Institut américain universitaire d’Aix-en-Provence, ose une explication : « Les services secrets sont enhardis au Maroc ». « La diplomatie y est menée par le contre-espionnage et d’autres services intérieurs. L’État profond, le makhzen, est aujourd’hui réduit à sa plus simple expression : son expression sécuritaire ». Et cette expression manque de tact quand il s’agit de mener la politique étrangère du royaume. Le ministre marocain des affaires étrangères Nasser Bourita a, lui, un autre point de vue sur le scandale dont pâtit le Parlement. Son pays subit un « harcèlement et des attaques médiatiques multiples (…) qui émanent de personnes et de structures dérangées par ce Maroc qui renforce son leadership », a-t-il affirmé, le 5 janvier à Rabat, lors d’une conférence de presse avec Josep Borrell, le haut représentant de l’UE pour les affaires étrangères. Celui-ci n’a pas hésité à exprimer en désaccord : « Nous sommes préoccupés par ces événements rapportés par la presse ». Ils sont inquiétants et les accusations sont graves. La position de l’UE est claire : il ne peut y avoir d’impunité pour la corruption. Tolérance zéro.

      Les propos de Borrell ne faisaient qu’anticiper un autre changement de ton, celui du Parlement européen. La conférence des présidents de groupes parlementaires a donné son accord, le 12 janvier, à ce que soit soumise à la séance plénière du 19 une résolution réprobatrice sur la liberté de presse au Maroc et les journalistes qui y sont emprisonnés, surtout les trois plus influents, Omar Radi, Souleiman Raissouni et Toufiq Bouachire. Ce sera la première fois, depuis plus d’un quart de siècle, que sera voté dans l’hémicycle un texte critique sur le premier partenaire arabe de l’UE qui ne concerne pas sa politique migratoire. Il a été précédé, le mardi 17, d’un autre débat, aussi en séance plénière, sur les « Nouveaux développements des allégations de corruption et d’ingérence étrangère, y compris celles concernant le Maroc ». Le temps de l’impunité semble terminé pour le Maroc.

      IGNACIO CEMBRERO >

      18 JANVIER 2023

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    • Qatargate : Tous les chemins mènent à la sous-commission des droits de l’homme

      Tags : Eva Kaili, Maddalena Kaili, Moroccogate, Qatargate, Maroc, DGED, Parlement Européen, Antonio Panzeri, Francesco Giorgi, Marocleaks, Mohamed Belahrach, Fight Impunity, No peace without justice, corruption,

      Vols gratuits, accord secret et tempête de corruption : au sein du comité « Qatargate » de l’UE
      Dans une enquête criminelle tentaculaire, tous les chemins mènent à la sous-commission des droits de l’homme du Parlement européen.

      Maria Arena blâme sa secrétaire.

      L’eurodéputée socialiste, qui préside la commission des droits de l’homme du Parlement européen, a accepté un voyage au Qatar – et n’a ensuite pas déclaré correctement que le gouvernement qatari avait payé ses vols et son hôtel, peut révéler POLITICO.

      Arena a admis le délit administratif, mais l’a imputé à son assistante de bureau qui, selon elle, n’a pas rempli les documents requis.

      L’eurodéputée senior pourrait désormais faire face à des sanctions, notamment une amende pouvant aller jusqu’à 10 140 € ou être interdite de représenter le Parlement pendant un an, s’il s’avère qu’elle a enfreint le code de conduite de l’institution – mais de telles sanctions sont rarement appliquées.

      Son erreur peut se résumer à un peu plus qu’une note de bas de page au milieu des allégations de corruption engloutissant Bruxelles, avec des affirmations dramatiques selon lesquelles les gouvernements du Qatar et du Maroc ont distribué d’importantes sommes d’argent et des cadeaux pour que les politiciens de l’UE fassent ce qu’ils veulent. La police a saisi 1,5 million d’euros lors d’une série de descentes le mois dernier.

      Mais même si « l’erreur » d’Arena est peut-être minime comparée aux accusations auxquelles d’autres sont confrontés, le comité des droits de l’homme qu’elle dirige est maintenant au centre de la tempête.

      Pour la première fois, l’étendue des liens du Qatar avec le comité peut maintenant être exposée dans son intégralité. Une enquête de POLITICO révèle : Un accord spécial a été conclu entre l’État du Golfe et l’ancien président du panel de l’UE ; comment les principaux suspects criminels ont travaillé avec le comité dans les coulisses ; et les inquiétudes quant au déséquilibre de certaines audiences parlementaires.

      Dans le cadre de l’enquête dite du Qatargate des autorités belges, quatre personnes ont jusqu’à présent fait l’objet d’accusations préliminaires de corruption, de blanchiment d’argent et de participation à une organisation criminelle. Trois d’entre eux ont des liens étroits avec le même comité.

      Les quatre suspects sont : Pier Antonio Panzeri, un autre socialiste et ancien député européen qui a précédemment présidé la commission des droits de l’homme ; Francesco Giorgi, l’ancien assistant de Panzeri qui a depuis travaillé pour l’un des membres actuels du comité ; et la partenaire de Giorgi, Eva Kaili, une eurodéputée socialiste grecque qui a été évincée de son poste de vice-présidente du Parlement après la révélation des allégations du Qatargate. La quatrième personne détenue sur les mêmes chefs d’inculpation est également intimement liée à ce panel d’eurodéputés : Niccolò Figà-Talamanca.

      Andrea Cozzolino, un autre eurodéputé socialiste membre de la commission, fait maintenant face à une enquête potentielle dans le cadre de l’enquête sur la corruption après que les autorités belges ont demandé la levée de son immunité. Cozzolino a nié les actes répréhensibles et a déclaré qu’il aimerait que l’immunité soit levée pour pouvoir effacer son nom.

      Il n’est pas clair ce que ces personnes auraient fait en termes d’actes spécifiques. Le bureau du procureur n’a pas divulgué publiquement les détails des accusations portées contre eux, au-delà des grandes lignes.

      Mais les questions qui tourbillonnent maintenant autour de ces personnalités bruxelloises et de la commission des droits de l’homme du Parlement touchent au cœur de la crédibilité de l’UE et de sa légitimité politique.

      L’engagement historique de l’Union européenne en faveur des droits de l’homme est l’une de ses valeurs fondatrices fondamentales, et ce groupe de députés européens est le gardien de ces principes au sein du Parlement. Même s’il ne s’agit pas d’un pouvoir législatif, le comité joue toujours un rôle d’influence et d’établissement de l’ordre du jour dans le débat public.

      Connu sous le nom de « DROI » en raccourci européen pour les droits de l’homme français , le groupe braque les projecteurs sur les violations des droits de l’homme par des pays extérieurs au bloc, attirant l’attention internationale et en faisant une cible idéale pour le lobbying.

      La question à laquelle Arena et ses collègues sont maintenant confrontés est de savoir si ce collectif de députés européens n’est devenu rien de plus qu’un panel de zombies, infiltré par des puissances étrangères qui l’utilisent pour blanchir leurs propres dossiers en matière de droits de l’homme.

      Arena elle-même n’est pas suspecte dans l’enquête criminelle. Elle nie fermement tout acte répréhensible et rejette avec passion les affirmations selon lesquelles son comité est autre chose qu’un organe pleinement légitime effectuant un travail vital. Elle s’est temporairement écartée de son rôle de présidente lorsque l’enquête criminelle a commencé.

      Certains de ses collègues restent tout de même profondément inquiets.

      Coup gratuit
      Hannah Neumann, a German MEP who is the Greens’ spokesperson in DROI, is also head of a separate parliamentary Delegation for Relations with the Arab Peninsula. She told POLITICO she was uncomfortable watching witnesses at the human rights committee given a free pass to attack Qatar’s political enemies like the UAE or Saudi Arabia.

      Neumann said: “It was sometimes difficult for me, to see Qatar being allowed to make its points at length.” Doha’s rivals like UAE or Saudi Arabia “were harshly attacked by NGOs, some of them with unclear funding, without being able to defend themselves in the sessions,” she said. “Let me be clear, they have all their human rights problems and it is good that we address all of them, but the way this happened in DROI sometimes had an imbalance.”

      For Neumann, one meeting in particular stands out.

      Le 10 mai dernier, à 17 h 55, Mme Arena présidait une séance de commission dans la salle 4Q1 du bâtiment József Antall du Parlement européen, à Bruxelles. Vêtue d’une veste jaune pâle et de boucles d’oreilles pendantes, elle sourit en se penchant vers le microphone de son bureau. Puis elle a officiellement ouvert un « échange de vues sur l’impact sur les droits de l’homme de l’ingérence étrangère des pays du Golfe ». Elle a invité son principal témoin expert, le patron d’une ONG, Nicola Giovannini, à présenter son témoignage.

      Giovannini, vêtu d’une chemise blanche immaculée et d’une cravate sombre, a présenté un rapport de 237 pages publié par Droit au Droit, la petite ONG qu’il dirige. Il a refusé de dire qui avait financé le journal, mais son objectif était assez clair : les Émirats arabes unis, a-t-il allégué, utilisaient des tactiques de lobbying louches pour faire danser Bruxelles sur son rythme.

      Les Émirats arabes unis sont depuis longtemps l’un des adversaires les plus farouches du Qatar.

      L’audience a eu lieu six mois avant la Coupe du monde de football au Qatar. Cela aurait pu être l’occasion pour les législateurs de discuter des efforts de Doha pour donner une tournure positive au tournoi de football, après des années de tollé face aux mauvais traitements infligés aux travailleurs migrants au Qatar. Au lieu de cela, les orateurs se sont concentrés sur les activités de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis, deux des rivaux les plus féroces du Qatar dans la région .

      Ce qui rend la comparution de Giovannini à cette audience significative dans le contexte de la controverse du Qatargate n’est pas seulement ce qu’il a dit sur les ennemis du Qatar ; c’est qu’il occupait un autre poste en même temps qu’il dirigeait Droit au Droit. Il était coordinateur des affaires publiques pour No Peace Without Justice, une plus grande ONG de défense des droits de l’homme qui a des liens avec le gouvernement qatari et qui est elle-même maintenant prise au piège de l’enquête des procureurs belges.

      ‘Rien à cacher’
      « Nous n’avons rien à cacher », a déclaré Giovannini, alors qu’il présentait son rapport aux députés ce jour-là. « Il n’y a certainement pas de marionnettistes travaillant derrière notre organisation. » Pourtant, il n’a pas révélé son rôle dans No Peace Without Justice. Pas plus qu’Arena, qui présidait la réunion. Il n’y a aucune suggestion d’acte répréhensible de la part de Giovannini, qui n’a pas répondu aux multiples tentatives de POLITICO de le contacter. Arena a déclaré à POLITICO qu’il appartenait aux orateurs de décider s’ils déclaraient ou non leurs autres emplois.

      Le patron de Giovannini à No Peace Without Justice était Niccolò Figà-Talamanca, l’un des quatre suspects actuellement détenus en prison pour des accusations préliminaires de corruption.

      Figà-Talamanca a également joué un rôle dans cette même audience du comité du 10 mai, aidant dans les coulisses à organiser la session. Deux e-mails vus par POLITICO suggèrent qu’il a joué un rôle dans la coordination de la réunion et a agi en tant que liaison non officielle entre les orateurs et le comité.

      Des personnes familières avec le fonctionnement interne des commissions parlementaires ont déclaré que même si cet arrangement ne constituait pas une violation de règles strictes, cela restait étrange, d’autant plus que Pas de paix sans justice ne figurait pas à l’ordre du jour de l’audience ce jour-là. « Je suis certain que ce sera une session très mémorable, avec un grand impact sur la façon dont le PE [Parlement européen] et l’UE en général influencent les opérations », a écrit Figà-Talamanca aux orateurs potentiels dans l’un des e-mails.

      Un avocat de Figà-Talamanca a fait valoir que son implication dans les coulisses de cette audience faisait partie de la défense normale des droits humains que son ONG menait régulièrement au Parlement européen, sur des sujets relatifs aux droits humains dans des pays allant de l’Afghanistan au Brésil.

      « Dans une société démocratique, une telle défense légitime des droits de l’homme est essentielle au bon fonctionnement des institutions démocratiques et ne devrait certainement pas être une raison pour que des gens soient emprisonnés », poursuit l’avocat. Arena n’a pas répondu lorsqu’on lui a demandé pourquoi Figà-Talamanca avait joué ce rôle en coulisses dans l’organisation de l’audience du comité le 10 mai.

      Le même jour, Arena a invité des représentants de Fight Impunity, l’ONG de Panzeri, à présenter son rapport annuel à son comité. Fight Impunity et No Peace Without Justice sont tous deux enregistrés à la même adresse cossue du 41 rue Ducale à Bruxelles, en face du parc royal.

      Pour rappel : Panzeri est le prédécesseur d’Arena à la présidence du comité. Il est désormais détenu en détention provisoire, aux côtés de Figà-Talamanca.

      Peu de temps avant cette audience, les 8 et 9 mai, Arena elle-même était à Doha, lors d’un voyage payé par le gouvernement du Qatar. Son objectif était de participer à un atelier sur les droits de l’homme organisé par le Comité national des droits de l’homme du Qatar, intitulé « L’Union européenne et les droits de l’homme ». Un autre participant était Figà-Talamanca, dont le voyage et l’hébergement ont également été pris en charge par le Qatar.

      Arena a défendu sa participation à l’atelier, déclarant à POLITICO : « La réunion de Doha était intéressante pour mieux comprendre la politique des droits de l’homme du pays et comment elle s’inscrit dans les réformes annoncées. Les frais ont été pris en charge par le comité des droits de l’homme du Qatar.

      « J’ai juste été invité à donner un mot d’introduction sur l’importance des droits de l’homme et leur universalité », a déclaré Arena. Elle a nié que le Parlement ait co-organisé l’atelier, malgré une photo la montrant s’exprimant devant un pupitre portant le logo du Parlement.

      Cependant, Arena s’est excusée de ne pas avoir déclaré la réunion conforme aux règles de transparence du Parlement pour les voyages payants, après que ses vols et son hôtel aient été fournis par le Qatar. « C’est une erreur », a-t-elle déclaré, ajoutant que sa secrétaire était responsable d’avoir omis de déclarer l’un de ses voyages à l’étranger alors qu’Arena lui avait demandé de le faire. « Je viens de lui demander pourquoi cette mission n’a pas été enregistrée. Elle répond qu’elle n’a enregistré aucune mission à l’étranger. C’est donc une erreur que je lui demande de corriger immédiatement », a déclaré Arena.

      L’accord
      La relation amicale du comité avec le Qatar n’a pas commencé en mai dernier. En fait, cela remonte à l’époque où Panzeri était président, au cours de laquelle il a conclu un accord spécial avec l’État du Golfe.

      Panzeri, un socialiste italien qui a été député européen pendant 15 ans, a dirigé la commission dans la période précédant son départ, de 2017 à 2019, date à laquelle Arena a pris le relais.

      En 2018, Panzeri s’est rendu à Doha avec son assistant Francesco Giorgi, un autre des quatre principaux suspects de l’enquête. Pendant leur séjour au Qatar, ils ont rencontré des membres du gouvernement et, selon quelqu’un qui travaillait au sein du comité à l’époque, ont conclu un accord spécial avec le comité des droits de l’homme nommé par l’État du Qatar.

      L’existence de ce « protocole d’ accord », bien qu’informel, est soutenue par une publication Instagram du gouvernement qatari et des reportages des médias qatariens . « On peut dire que nous sommes parvenus à un accord bilatéral qui sert les deux parties », a déclaré Panzeri, cité par les médias arabophones. Il était en visite au Qatar à l’époque – en avril 2018 – pour constater l’impact de l’embargo économique et diplomatique de l’Arabie saoudite sur la petite nation péninsulaire, qu’il aurait condamné comme dévastateur et inacceptable.

      Une fois de retour à Bruxelles, Panzeri a informé ses collègues du comité de l’accord, selon la personne qui travaillait à l’époque sur le panel.

      Aucun document énonçant les termes de l’accord n’est accessible au public. Mais Arena a confirmé l’existence de l’accord à POLITICO, affirmant qu’elle ne l’avait pas renouvelé lorsqu’elle a pris la présidence du comité de Panzeri en 2019. Arena a ajouté qu’il ne s’agissait « pas d’un engagement pris au nom du sous-comité des droits de l’homme ». , mais un accord bilatéral entre lui et le Qatar. Je n’ai signé aucun protocole d’accord depuis que j’ai pris mes fonctions.

      Rien n’indique que l’accord que Panzeri a conclu avec le comité des droits de l’homme du Qatar a enfreint des lois ou des règles parlementaires. Un avocat de Panzeri a refusé de s’engager sur ce point précis, déclarant : « Pour le moment, mon client est décrit comme pire que quiconque, alors qu’il est détenu et vulnérable. Il est incapable de réagir aux 10 articles qui sortent chaque jour pendant sa détention. La justice sera rendue devant les tribunaux, pas dans la presse.

      Cependant, les Qataris semblent avoir bénéficié d’une visibilité importante pour leurs points de vue depuis la conclusion de l’accord en 2018. Le comité a donné une tribune à Ali bin Samikh Al Marri, qui était à la tête de l’organisme qatari des droits de l’homme lorsque Panzeri a signé l’accord. accord, trois fois au cours des quatre dernières années.

      Aujourd’hui ministre du Travail du Qatar, Al Marri a comparu récemment devant le comité de l’Arena en novembre, quelques jours seulement avant le début de la Coupe du monde. Il a profité de l’occasion pour faire valoir que les reportages des médias sur les statistiques sur les décès de migrants faisaient partie d’une « campagne de diffamation » contre son pays.

      Des partenaires solides
      Quoi qu’en dise Arena, les hauts responsables qatariens ont clairement continué à apprécier ce qu’ils considèrent comme une collaboration fructueuse avec son comité DROI. Le 14 mai 2022, le secrétaire général de la NHRC Sultan bin Hassan Al Jamali a décrit la relation entre les deux comités comme un partenariat solide, selon un article paru dans les médias qatariens sur l’atelier auquel Arena et Figà-Talamanca ont participé.

      Rien n’indique qu’Arena soit coupable d’actes criminels ou ait fait partie d’un complot présumé.

      Parfois, la position habituellement redoutable d’Arena en matière de droits de l’homme a semblé s’adoucir lorsque le Qatar était à l’ordre du jour. L’année dernière, elle a voté contre une pression pour que le Parlement adopte une résolution condamnant le bilan du Qatar en matière de droits de l’homme en tant qu’hôte de la Coupe du monde. Elle a déclaré à POLITICO qu’elle l’avait fait afin de permettre une résolution « plus rigoureuse » contre le Qatar en 2023.

      Alors que la Coupe du monde est en cours, Arena a déclaré aux députés européens à Strasbourg qu’une partie du blâme pour les manquements aux droits de l’homme au Qatar incombait aux entreprises européennes. «Nous devons examiner les responsabilités qui incombent à nos entreprises», a-t-elle déclaré . « Nos entreprises n’ont pas toujours respecté les exigences minimales de la législation qatarienne. » Bien qu’il y ait eu des morts et qu’une indemnisation doive être versée, « le Qatar », a-t-elle dit, « a fait quelques pas en avant ».

      Arena a rejeté l’affirmation selon laquelle elle a été douce avec le Qatar. « Mes positions politiques envers les pays qui ne respectent pas les droits de l’homme n’ont jamais souffert d’aucune sorte d’ambiguïté et ni le Qatar, ni le Maroc, ni aucun autre pays n’ont bénéficié d’un traitement privilégié », écrit-elle à POLITICO.

      Dans l’enquête belge, les rouages ​​de la justice tournent lentement. Parmi les suspects, Kaili a nié les accusations, tandis que Panzeri et Giorgi ont, via leurs avocats, refusé de les commenter. Une déclaration de No Peace Without Justice a déclaré que Figà-Talamanca s’était provisoirement retiré de ses fonctions, ajoutant que l’ONG espère que l’enquête le disculpera de tout acte répréhensible. Le Qatar a qualifié les allégations à son encontre de « discriminatoires ».

      Et maintenant, qu’en est-il de la sous-commission des droits de l’homme du Parlement ? La haute fonctionnaire en charge du DROI, Mychelle Rieu, a fait perquisitionner son bureau par la police dans le cadre de l’enquête des forces de l’ordre. Un porte-parole du Parlement a déclaré: «Nous n’avons connaissance d’aucune implication directe d’un membre du personnel dans les problèmes actuels. Aucun membre du personnel n’a été arrêté et le bureau que vous mentionnez a été mis sous scellés pour récupérer du matériel informatique lié au travail de la sous-commission des droits de l’homme.

      Le Parti populaire européen de centre-droit demande l’arrêt des travaux de la commission pendant le déroulement des enquêtes. « Tous les faits et les personnes impliquées tournent autour de la commission des droits de l’homme (DROI) et de certains députés et conseillers qui y sont actifs », a déclaré Manfred Weber, président du groupe PPE.

      Weber a demandé qu’Arena soit officiellement suspendu en tant que président. « Il y a tout simplement trop de questions sans réponse sur l’étendue de l’implication des socialistes dans ce réseau corrompu », a-t-il déclaré.

      Le panel doit se réunir à nouveau le 25 janvier, sous la présidence de l’un des vice- présidents.

      Politico, 11/01/2023


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    • Qatargate: L’étau se resserre sur Marie Arena

      Tags : Eva Kaili, Maddalena Kaili, Moroccogate, Qatargate, Maroc, DGED, Parlement Européen, Antonio Panzeri, Francesco Giorgi, Marocleaks, Mohamed Belahrach, Fight Impunity, No peace without justice, corruption,

      Vols gratuits, accord secret et tempête de corruption : au sein du comité « Qatargate » de l’UE
      Dans une enquête criminelle tentaculaire, tous les chemins mènent à la sous-commission des droits de l’homme du Parlement européen.

      Maria Arena blâme sa secrétaire.

      L’eurodéputée socialiste, qui préside la commission des droits de l’homme du Parlement européen, a accepté un voyage au Qatar – et n’a ensuite pas déclaré correctement que le gouvernement qatari avait payé ses vols et son hôtel, peut révéler POLITICO.

      Arena a admis le délit administratif, mais l’a imputé à son assistante de bureau qui, selon elle, n’a pas rempli les documents requis.

      L’eurodéputée senior pourrait désormais faire face à des sanctions, notamment une amende pouvant aller jusqu’à 10 140 € ou être interdite de représenter le Parlement pendant un an, s’il s’avère qu’elle a enfreint le code de conduite de l’institution – mais de telles sanctions sont rarement appliquées.

      Son erreur peut se résumer à un peu plus qu’une note de bas de page au milieu des allégations de corruption engloutissant Bruxelles, avec des affirmations dramatiques selon lesquelles les gouvernements du Qatar et du Maroc ont distribué d’importantes sommes d’argent et des cadeaux pour que les politiciens de l’UE fassent ce qu’ils veulent. La police a saisi 1,5 million d’euros lors d’une série de descentes le mois dernier.

      Mais même si « l’erreur » d’Arena est peut-être minime par rapport aux accusations auxquelles d’autres sont confrontés, le comité des droits de l’homme qu’elle dirige est maintenant au centre de la tempête.

      Pour la première fois, l’étendue des liens du Qatar avec le comité peut maintenant être exposée dans son intégralité. Une enquête de POLITICO révèle : un accord spécial a été conclu entre l’État du Golfe et l’ancien président du panel de l’UE ; comment les principaux suspects criminels ont travaillé avec le comité dans les coulisses ; et les inquiétudes quant au déséquilibre de certaines audiences parlementaires.

      Dans le cadre de l’enquête dite du Qatargate des autorités belges, quatre personnes ont été jusqu’à présent visées par des accusations préliminaires de corruption, de blanchiment d’argent et de participation à une organisation criminelle. Trois d’entre eux ont des liens étroits avec le même comité.

      Les quatre suspects sont : Pier Antonio Panzeri, un autre socialiste et ancien député européen qui a précédemment présidé la commission des droits de l’homme ; Francesco Giorgi, l’ancien assistant de Panzeri qui a depuis travaillé pour l’un des membres actuels du comité ; et la partenaire de Giorgi, Eva Kaili, une eurodéputée socialiste grecque qui a été évincée de son poste de vice-présidente du Parlement après la révélation des allégations du Qatargate. La quatrième personne détenue sur les mêmes chefs d’inculpation est également intimement liée à ce panel d’eurodéputés : Niccolò Figà-Talamanca.

      Andrea Cozzolino, un autre eurodéputé socialiste membre de la commission, fait maintenant face à une enquête potentielle dans le cadre de l’enquête sur la corruption après que les autorités belges ont demandé la levée de son immunité. Cozzolino a nié les actes répréhensibles et a déclaré qu’il aimerait que l’immunité soit levée pour pouvoir effacer son nom.

      Il n’est pas clair ce que ces personnes auraient fait en termes d’actes spécifiques. Le bureau du procureur n’a pas divulgué publiquement les détails des accusations portées contre eux, au-delà des grandes lignes.

      Mais les questions qui tourbillonnent maintenant autour de ces personnalités bruxelloises et de la commission des droits de l’homme du Parlement touchent au cœur de la crédibilité de l’UE et de sa légitimité politique.

      L’engagement historique de l’Union européenne en faveur des droits de l’homme est l’une de ses valeurs fondatrices fondamentales et ce groupe de députés européens est le gardien de ces principes au sein du Parlement. Même s’il ne s’agit pas d’un pouvoir législatif, le comité joue toujours un rôle d’influence et d’établissement de l’ordre du jour dans le débat public.

      Connu sous le nom de « DROI » en raccourci européen pour les droits de l’homme français , le groupe braque les projecteurs sur les violations des droits de l’homme par des pays extérieurs au bloc, attirant l’attention internationale et en faisant une cible idéale pour le lobbying.

      La question à laquelle sont confrontés Arena et ses collègues est maintenant de savoir si ce collectif de députés européens n’est devenu rien de plus qu’un panel de zombies, infiltré par des puissances étrangères qui l’utilisent pour blanchir leurs propres dossiers en matière de droits de l’homme.

      Arena elle-même n’est pas suspecte dans l’enquête criminelle. Elle nie fermement tout acte répréhensible et rejette avec passion les affirmations selon lesquelles son comité est autre chose qu’un organe pleinement légitime effectuant un travail vital. Elle s’est temporairement écartée de son rôle de présidente lorsque l’enquête criminelle a commencé.

      Certains de ses collègues restent tout de même profondément inquiets.

      Coup gratuit
      Hannah Neumann, eurodéputée allemande porte-parole des Verts au DROI, est également à la tête d’une délégation parlementaire distincte pour les relations avec la péninsule arabique. Elle a déclaré à POLITICO qu’elle était mal à l’aise de voir des témoins au comité des droits de l’homme recevoir un laissez-passer gratuit pour attaquer les ennemis politiques du Qatar comme les Émirats arabes unis ou l’Arabie saoudite.

      Neumann a déclaré: « C’était parfois difficile pour moi de voir le Qatar autorisé à faire valoir ses points longuement. » Les rivaux de Doha comme les Emirats Arabes Unis ou l’Arabie Saoudite « ont été durement attaqués par des ONG, dont certaines avec des financements incertains, sans pouvoir se défendre lors des sessions », a-t-elle déclaré. « Soyons clairs, ils ont tous leurs problèmes de droits de l’homme et c’est bien que nous les abordions tous, mais la façon dont cela s’est passé dans DROI avait parfois un déséquilibre. »

      Pour Neumann, une réunion en particulier se démarque.

      At 5.55 p.m. on May 10 last year, Arena was chairing a committee session in room 4Q1 of the Parliament’s József Antall building in Brussels. Wearing a pale, pastel-yellow jacket and pendant earrings, she smiled as she leaned in toward her desk microphone. Then she formally opened an “exchange of views on the human rights impact of foreign interference by Gulf countries.” She invited her key expert witness, NGO boss Nicola Giovannini, to present his evidence.

      Giovannini, vêtu d’une chemise blanche immaculée et d’une cravate sombre, a présenté un rapport de 237 pages publié par Droit au Droit, la petite ONG qu’il dirige. Il a refusé de dire qui avait financé le journal, mais sa cible était assez claire : les Émirats arabes unis, selon lui, utilisaient des tactiques de lobbying louches pour faire danser Bruxelles sur son rythme.

      Les Émirats arabes unis sont depuis longtemps l’un des adversaires les plus farouches du Qatar.


      Ce qui rend la comparution de Giovannini à cette audience significative dans le contexte de la controverse du Qatargate n’est pas seulement ce qu’il a dit sur les ennemis du Qatar. C’est qu’il occupait un autre poste en même temps qu’il dirigeait Droit au Droit. Il était coordinateur des affaires publiques pour No Peace Without Justice, une plus grande ONG de défense des droits de l’homme qui a des liens avec le gouvernement qatari et qui est elle-même maintenant prise au piège de l’enquête des procureurs belges.

      ‘Rien à cacher’
      « Nous n’avons rien à cacher », a déclaré Giovannini, alors qu’il présentait son rapport aux députés ce jour-là. « Il n’y a certainement pas de marionnettistes travaillant derrière notre organisation. » Pourtant, il n’a pas révélé son rôle dans No Peace Without Justice. Pas plus qu’Arena, qui présidait la réunion. Il n’y a aucune suggestion d’acte répréhensible de la part de Giovannini, qui n’a pas répondu aux multiples tentatives de POLITICO de le contacter. Arena a déclaré à POLITICO qu’il appartenait aux orateurs de décider s’ils déclaraient ou non leurs autres emplois.

      Le patron de Giovannini à No Peace Without Justice était Niccolò Figà-Talamanca, l’un des quatre suspects actuellement détenus en prison pour des accusations préliminaires de corruption.

      Figà-Talamanca a également joué un rôle dans cette même audience du comité du 10 mai, aidant dans les coulisses à organiser la session. Deux courriels vus par POLITICO suggèrent qu’il a joué un rôle dans la coordination de la réunion et agit comme une sorte de liaison non officielle entre les orateurs et le comité.

      Des personnes familières avec le fonctionnement interne des commissions parlementaires ont déclaré que même si cet arrangement ne constituait pas une violation de règles strictes, cela restait étrange, d’autant plus que Pas de paix sans justice ne figurait pas à l’ordre du jour de l’audience ce jour-là. « Je suis certain que ce sera une session très mémorable, avec un grand impact sur la façon dont le PE [Parlement européen] et l’UE en général influencent les opérations », a écrit Figà-Talamanca aux orateurs potentiels dans l’un des e-mails.

      Un avocat de Figà-Talamanca a fait valoir que son implication dans les coulisses de cette audience faisait partie de la défense normale des droits humains que son ONG menait régulièrement au Parlement européen, sur des sujets relatifs aux droits humains dans des pays allant de l’Afghanistan au Brésil.

      « Dans une société démocratique, une telle défense légitime des droits de l’homme est essentielle au bon fonctionnement des institutions démocratiques et ne devrait certainement pas être une raison pour que des gens soient emprisonnés », poursuit l’avocat. Arena n’a pas répondu lorsqu’on lui a demandé pourquoi Figà-Talamanca avait joué un rôle dans les coulisses de l’organisation de l’audience du comité le 10 mai.

      Le même jour, Arena a invité des représentants de Fight Impunity, l’ONG de Panzeri, à présenter son rapport annuel à son comité. Fight Impunity et No Peace Without Justice sont tous deux enregistrés à la même adresse cossue du 41 rue Ducale à Bruxelles, en face du parc royal.

      Pour rappel : Panzeri est le prédécesseur d’Arena à la présidence du comité. Il est désormais détenu en détention provisoire, aux côtés de Figà-Talamanca.

      Peu de temps avant cette audience, les 8 et 9 mai, Arena elle-même était à Doha, lors d’un voyage payé par le gouvernement du Qatar. Son objectif était de participer à un atelier sur les droits de l’homme organisé par le Comité national des droits de l’homme du Qatar intitulé «L’Union européenne et les droits de l’homme». Un autre participant était Figà-Talamanca, dont le voyage et l’hébergement ont également été pris en charge par le Qatar.

      Arena a défendu sa participation à l’atelier, déclarant à POLITICO : « La réunion de Doha était intéressante pour mieux comprendre la politique des droits de l’homme du pays et comment elle s’inscrit dans les réformes annoncées. Les frais ont été pris en charge par le comité des droits de l’homme du Qatar.

      « J’ai juste été invité à donner un mot d’introduction sur l’importance des droits de l’homme et leur universalité », a déclaré Arena. Elle a nié que le Parlement ait co-organisé l’atelier, malgré une photo la montrant s’exprimant devant un pupitre portant le logo du Parlement.

      Cependant, Arena s’est excusée de ne pas avoir déclaré la réunion conforme aux règles de transparence du Parlement pour les voyages payants, après que ses vols et son hôtel aient été fournis par le Qatar. « C’est une erreur », a-t-elle déclaré, ajoutant que sa secrétaire était responsable d’avoir omis de déclarer l’un de ses voyages à l’étranger alors qu’Arena lui avait demandé de le faire. « Je viens de lui demander pourquoi cette mission n’a pas été enregistrée. Elle répond qu’elle n’a enregistré aucune mission à l’étranger. C’est donc une erreur que je lui demande de corriger immédiatement », a déclaré Arena.

      L’accord
      La relation amicale du comité avec le Qatar n’a pas commencé en mai dernier. En fait, cela remonte à l’époque où Panzeri était président, au cours de laquelle il a conclu un accord spécial avec l’État du Golfe.

      Panzeri, un socialiste italien qui a été député européen pendant 15 ans, a dirigé la commission dans la période précédant son départ, de 2017 à 2019, date à laquelle Arena a pris le relais.

      En 2018, Panzeri s’est rendu à Doha avec son assistant de l’époque, Francesco Giorgi, un autre des quatre principaux suspects de l’enquête. Pendant qu’ils étaient au Qatar, ils ont rencontré des membres du gouvernement et, selon quelqu’un qui travaillait au sein du comité à l’époque, ont conclu un accord spécial avec le comité des droits de l’homme nommé par l’État du Qatar.

      L’existence de ce « protocole d’ accord », bien qu’informel, est soutenue par une publication Instagram du gouvernement qatari et des reportages des médias qatariens . « On peut dire que nous sommes parvenus à un accord bilatéral qui sert les deux parties », a déclaré Panzeri, cité par les médias arabophones. Il était en visite au Qatar à l’époque – avril 2018 – pour constater l’impact de l’embargo économique et diplomatique de l’Arabie saoudite sur la petite nation péninsulaire, qu’il aurait condamné comme dévastateur et inacceptable.

      Une fois de retour à Bruxelles, Panzeri a informé ses collègues du comité de l’accord, selon la personne qui travaillait à l’époque sur le panel.

      Aucun document énonçant les termes de l’accord n’est accessible au public. Mais Arena a confirmé l’existence de l’accord à POLITICO, affirmant qu’elle ne l’avait pas renouvelé lorsqu’elle a pris la présidence du comité de Panzeri en 2019. Arena a ajouté qu’il ne s’agissait «pas d’un engagement pris au nom du sous-comité sur droits de l’homme, mais un accord bilatéral entre lui et le Qatar. Je n’ai signé aucun protocole d’accord depuis que j’ai pris mes fonctions.

      Rien n’indique que l’accord que Panzeri a conclu avec le comité des droits de l’homme du Qatar a enfreint les lois ou les règles parlementaires. Un avocat de Panzeri a refusé de s’engager sur ce point précis, déclarant : « Pour le moment, mon client est décrit comme pire que quiconque, alors qu’il est détenu et vulnérable. Il est incapable de réagir aux 10 articles qui sortent chaque jour pendant sa détention. La justice sera rendue devant les tribunaux, pas dans la presse.

      Cependant, les Qataris semblent avoir bénéficié d’une visibilité importante pour leurs points de vue depuis la conclusion de l’accord en 2018. Le comité a donné une tribune à Ali bin Samikh Al Marri, qui était à la tête de l’organisme qatari des droits de l’homme lorsque Panzeri a signé l’accord. accord, trois fois au cours des quatre dernières années.

      Aujourd’hui ministre du Travail du Qatar, Al Marri a comparu récemment devant le comité de l’Arena en novembre, quelques jours seulement avant le début de la Coupe du monde. Il a profité de l’occasion pour faire valoir que les reportages des médias sur les statistiques sur les décès de migrants faisaient partie d’une « campagne de diffamation » contre son pays.

      Des partenaires solides
      Quoi qu’en dise Arena, les hauts responsables qatariens ont clairement continué à apprécier ce qu’ils considèrent comme une collaboration fructueuse avec son comité DROI. Le 14 mai 2022, le secrétaire général de la NHRC Sultan bin Hassan Al Jamali a décrit la relation entre les deux comités comme un partenariat solide, selon un article paru dans les médias qatariens sur l’atelier auquel Arena et Figà-Talamanca ont participé.

      Rien n’indique qu’Arena soit coupable d’actes criminels ou ait fait partie d’un complot présumé.

      Parfois, la position habituellement redoutable d’Arena en matière de droits de l’homme a semblé s’adoucir lorsque le Qatar était à l’ordre du jour. L’année dernière, elle a voté contre une pression pour que le Parlement adopte une résolution condamnant le bilan du Qatar en matière de droits de l’homme en tant qu’hôte de la Coupe du monde. Elle a déclaré à POLITICO qu’elle l’avait fait afin de permettre une résolution « plus rigoureuse » contre le Qatar en 2023.

      Alors que la Coupe du monde est en cours, Arena a déclaré aux députés européens à Strasbourg qu’une partie du blâme pour les manquements aux droits de l’homme au Qatar incombait aux entreprises européennes. «Nous devons examiner les responsabilités qui incombent à nos entreprises», a-t-elle déclaré . « Nos entreprises n’ont pas toujours respecté les exigences minimales de la législation qatarienne. » Bien qu’il y ait eu des morts et qu’une indemnisation doive être versée, « le Qatar », a-t-elle dit, « a fait quelques pas en avant ».

      Arena a rejeté l’affirmation selon laquelle elle a été douce avec le Qatar. « Mes positions politiques envers les pays qui ne respectent pas les droits de l’homme n’ont jamais souffert d’aucune sorte d’ambiguïté et ni le Qatar, ni le Maroc, ni aucun autre pays n’ont bénéficié d’un traitement privilégié », écrit-elle à POLITICO.

      Dans l’enquête belge, les rouages ​​de la justice tournent lentement. Parmi les suspects, Kaili a nié les accusations, tandis que Panzeri et Giorgi ont, via leurs avocats, refusé de les commenter. Une déclaration de No Peace Without Justice a déclaré que Figà-Talamanca s’était provisoirement retiré de ses fonctions, ajoutant que l’ONG espère que l’enquête le disculpera de tout acte répréhensible. Le Qatar a qualifié les allégations à son encontre de « discriminatoires ».

      Et maintenant, qu’en est-il de la sous-commission des droits de l’homme du Parlement ? La haute fonctionnaire en charge du DROI, Mychelle Rieu, a fait perquisitionner son bureau par la police dans le cadre de l’enquête des forces de l’ordre. Un porte-parole du Parlement a déclaré: «Nous n’avons connaissance d’aucune implication directe d’un membre du personnel dans les problèmes actuels. Aucun membre du personnel n’a été arrêté et le bureau que vous mentionnez a été mis sous scellés pour récupérer du matériel informatique lié au travail de la sous-commission des droits de l’homme.

      Le Parti populaire européen de centre-droit demande l’arrêt des travaux de la commission pendant le déroulement des enquêtes. « Tous les faits et les personnes impliquées tournent autour de la commission des droits de l’homme (DROI) et de certains députés et conseillers qui y sont actifs », a déclaré Manfred Weber, président du groupe PPE.

      Weber a demandé qu’Arena soit officiellement suspendu en tant que président. « Il y a tout simplement trop de questions sans réponse sur l’étendue de l’implication des socialistes dans ce réseau corrompu », a-t-il déclaré.

      Le panel doit se réunir à nouveau le 25 janvier, sous la présidence de l’un des vice- présidents.

      Politico, 11/01/2022

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