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  • La Banque Mondiale au coeur d’une arnaque africaine ?

    Une partie de l’aide aux pays pauvres est détournée par les élites africaines qui placent l’argent dévoyé dans les paradis fiscaux, accuse une étude. Papa Demba Thiam, un ancien fonctionnaire de la Banque mondiale, appelle à des réformes en profondeur et suggère que l’institution aiderait davantage l’Afrique en y menant une politique active d’industrialisation.

    Dévoilé il y a une dizaine de jours, le scandale de détournement de l’aide au développement versée par la Banque mondiale à des pays pauvres défraie la chronique, particulièrement en Afrique. Selon l’étude «Elite Capture of Foreign Aid» réalisée par l’un de ses cadres et deux collaborateurs extérieurs, une partie des financements serait dévoyée par les élites des pays assistés et placée dans des comptes offshore en Suisse, au Luxembourg et dans d’autres paradis fiscaux. Pour Papa Demba Thiam, un économiste sénégalo-suisse qui a travaillé pendant quatorze ans à la Banque mondiale, le rapport qui incrimine les dirigeants africains corrompus reflète la réalité. Mais ce n’est que le côté pile de la pièce.

    Côté face, selon Papa Demba Thiam, «la corruption est à la Banque mondiale. Ses cadres sont présents à chaque étape – de la conception à l’évaluation finale, en passant par le financement par tranches – de tout projet, détaille-t-il. Le décaissement ne se fait pas sans avoir obtenu le satisfecit de la mise en œuvre. Il y a forcément des complicités à l’intérieur.»

    Ce n’est pas la première fois que la Banque mondiale est confrontée à de telles accusations. Pour ne pas rester les bras croisés, elle a mis en place une unité spécialisée dans la lutte contre la corruption. Une unité qui traque les pots-de-vin dans l’exercice d’appel d’offres pour des projets financés par elle. Mais pour Papa Demba Thiam qui dit connaître le mal de l’intérieur, la bureaucratie étouffe les initiatives. «Des lanceurs d’alerte sont censurés et dans certains cas, ils sont licenciés sous des prétextes divers», accuse-t-il. Mais plus généralement, selon lui, des collaborateurs ne daignent pas dénoncer leurs collègues ou leurs supérieurs.

    L’économiste sénégalais tient à signaler que des centaines de collaborateurs de la Banque mondiale, originaires d’Afrique et d’Asie, se complaisent dans leurs rôles respectifs par peur d’être licenciés. «Ils préfèrent garder leur emploi de fonctionnaire international avec les privilèges (le salaire moyen est de 15 000 dollars, sans taxe) qui vont avec, y compris le permis de séjour aux Etats-Unis, raconte-t-il. Pour certains, il est impensable de sacrifier leur emploi dans la mesure où leurs enfants sont scolarisés aux Etats-Unis ou ont des prêts à rembourser.» Et d’ajouter: «Le système se nourrit de lui-même et tous les maillons sont solidaires.»

    La Banque Mondiale au coeur d’une arnaque africaine ?
    La Banque mondiale est mise dans une position inconfortable par l’étude. Cette dernière était prête déjà en novembre 2019 mais, pour la direction, les conclusions étaient trop à charge. C’est seulement après que l’un des auteurs l’a publiée sur son propre site internet, faisant éclater le scandale au grand jour, que la Banque mondiale l’a adoptée et finalement fait paraître le 18 février, non sans avoir nuancé certains propos. C’est dans le sillage de cette affaire que sa cheffe économiste Pinelopi Goldberg a démissionné de son poste.

    Dans une note laconique postée sur son site internet le même jour, l’institution reconnaît que l’étude commençait à attirer beaucoup l’attention. «La direction prend au sérieux la corruption et les risques de fiduciaire, peut-on lire. L’étude «Elite Capture of Foreign Aid» a été revue plusieurs fois et a, par conséquent, été améliorée.»

    Selon Papa Demba Thiam, cette étude serait restée dans les tiroirs sans le courage de ses auteurs. Le fait qu’elle a été réalisée par trois économistes ressortissants de pays nordiques a joué un rôle décisif. «Ils ont une culture de bonne gouvernance et du respect de la loi, commente-t-il. Ils ont bravé le système d’autant plus que leurs pays sont les premiers pourvoyeurs d’aide.»

    La Banque mondiale reste-t-elle tout de même pertinente? Papa Demba Thiam, qui la qualifie de «gestionnaire de la pauvreté», affirme que David Malpass, son président depuis avril 2019, est partisan des réformes. «Il faut aller revoir la mission de cette institution de sorte qu’elle fonctionne comme une banque commerciale. Elle ne doit prêter que pour financer des projets solides et avérés. Mais surtout, elle doit promouvoir en Afrique une politique d’industrialisation fondée sur les matières premières locales, avec des partenaires qui acceptent qu’une partie de la valeur ajoutée revienne au continent.»

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    Tags : Afrique, banque mondiale, arnaque, détornement, corruption, développement, crime, éducation, emploi, environnement, économie, sécurité, pauvreté, Sahel,



  • Wikileaks : La « mafia Fassi » contrôle l’économie de Casablanca

    Un câble envoyé par le Consulat américain à Casablanca fait état de la prospérité de Casablanca, la capitale économique du Maroc.

    Après avoir cité les recettes des MRE, du tourisme et investissements étrangers, le diplomate américain cite des sources d’enrichissement illicites, notamment notamment le trafic de drogue, le blanchiment d’argent et la corruption endémique.

    « Le phénomène facilement observable de la richesse à Casablanca soulève la question de savoir d’où vient cet argent. Beaucoup de Casablancais citent l’argent de la famille comme l’un des principaux facteurs ayant contribué à l’affluence de la ville. D’après Samir Benmakhlouf, président de Century 21 Maroc, l’Assemblée de l’industrie textile, basée à Fès, a traditionnellement conduit l’économie de l’industrie textile marocaine. Dans les années 70 et 80, les producteurs de textile se sont installés dans les années à Casablanca pour les opportunités du commerce de détail, créant une dynamique économique et apportant de l’argent à la ville », souligne le câble.

    « Un article paru dans le Middle East Report sur la bourgeoisie marocaine soutient ce point de vue historique, malgré qu’il mentionne des dates reléguant à la fin de la Seconde Guerre mondiale : « Le centre de gravité économique s’est déplacé vers les villes côtières, en particulier Casablanca. Les hommes d’affaires ont quitté Fès pour Casablanca, où ils ont continué à être connus en tant que Fassis. » Encore aujourd’hui, les natifs de Fès gardent leur réputation de membres d’une élite avisée en affaires. Un des hommes les plus riches du Maroc, Othman Benjelloun, originaire de Fès, est Président Directeur Général de BMCE, Troisième banque du Maroc. Selon les employés de BMCE, la « mafia de Fès » domine la culture de la banque. Benjelloun et d’autres comme lui appartiennent à une élite argentée de longue date qui contribue à la prospérité de Casablanca », ajoute-t-il.

    « La plupart des Casablancais reconnaissent qu’au moins une partie de la richesse de Casablanca provient d’activités illicites telles que le trafic de drogue et le blanchiment d’argent. Selon Khalid Belyazid, PDG du groupe d’édition Eco-Medias, « Nous avons de l’argent sale. Le problème, c’est qu’on ne sait pas combien ».

    « Il n’existe pas de statistiques permettant de quantifier la part de la richesse de Casablanca qui peut être attribuée à des activités illicites. Toutefois, une indication peut être trouvée dans le rapport 2007 de l’USG sur la stratégie internationale de contrôle des stupéfiants : « Le Maroc est le plus grand producteur mondial de résine de cannabis (haschisch) et se classe régulièrement parmi les plus grands producteurs mondiaux de cannabis. Le rapport estime que le commerce de la drogue au Maroc (principalement vers l’Europe) rapporte environ 13 milliards de dollars par an, soit plus de deux fois les revenus du tourisme en 2007. Une partie de cet argent se retrouve à Casablanca, où il est soit dépensé en bijoux, voitures, maisons et autres articles, soit blanchi. Se référant à l’utilisation des cafés comme façade pour des activités commerciales illégitimes, un professionnel de la finance a plaisanté en disant que « le blanchiment d’argent crée une belle culture de café à Casablanca ».

    « La corruption représente également une partie de la richesse de Casablanca. « Vous ne pouvez pas imaginer l’ampleur de l’impact « , a déclaré un résident de longue date après avoir expliqué le phénomène des responsables qui exploitent de l’information privilégiée et/ou du pouvoir à des fins lucratives. Dans un cas notoire, un policier a créé une entreprise pour importer des motos BMW après avoir appris que la police avait l’intention d’équiper une brigade de motocyclistes. Benmakhlouf, de Century 21, a noté que les permis de construire pour les terrains mis de côté par la ville deviennent parfois disponibles pour les promoteurs qui paient des pots-de-vin. Cette corruption permet à ceux qui en bénéficient d’accumuler des richesses importantes, même si elles ne sont pas déclarées».

    Tags : Maroc, mafia fassi, fassis, économie, monopole, Makhzen, monarchie alaouite,