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  • Les moyens d’actions d’Al-Qaida au Maghreb Islamique

    Les moyens d’actions d’Al-Qaida au Maghreb Islamique

    Tags : Al Qaïda au Maghreb Islamique, AQMI, EIGS, MUJAO, Etat Islamique, Daech, ISIS, Sahel,

    Al-Qaida au Maghreb Islamique (AQMI), branche du réseau Al-Qaida, a fait allégeance à Oussama Ben Laden le 13 septembre 2006 et est implanté dans la région du Sahel où il opère principalement. AQMI est organisée en deux commandements pour l’exécution de ses opérations : à l’Ouest sahélien, Mokhtar Belmokhtar dirige une unité qui concentre ses actions principalement sur la Mauritanie. A l’Est, Abou Zeid dirige et exécute des opérations armées au Nord du Mali jusqu’au Sud de la Tunisie.

    AQMI a pour objectif de créer un « Emirat Islamique » à l’échelle du Maghreb, le but étant de fondre l’Algérie, le Maroc, la Tunisie et la Mauritanie dans un unique Etat qui serait placé sous l’autorité d’un chef religieux, d’où la déstabilisation volontaire des régimes politiques de la sous-région. AQMI distingue généralement deux types d’ennemis : l’ennemi proche ou voisin qui fait référence aux pays maghrébins (qui se positionnent comme étant l’ennemi prioritaire à combattre) et l’ennemi lointain, qui renvoie à l’occident (et aux alliés des ennemies proches).

    A l’image des autres groupes terroristes existants, Al Qaida dispose de divers modes d’actions. En effet, une première fatwa, remonte au début des années 90, autorisait le financement du djihad par des activités illicites. Mais c’est 2001 qu’une autre fatwa de l’égyptien Abou Bassir al-Tartousi, légitime le recours au vol, au trafic en tout genre, à la contrebande et au racket, si cela pouvait servir le djihad. Depuis, ces pratiques ont largement été mis en œuvre et restent les principaux modes d’actions de l’AQMI.

    I. La prise d’otage ou les enlèvements

    La prise d’otage pour les groupes terroristes et plus particulièrement pour AQMI, reste le moyen le plus sure pour s’attirer tout le réseau média et l’attention de toute la communauté internationale. Le rapt, souvent accompagné de menaces de mort si les revendications de ses auteurs ne sont pas respectées, reste la source financièrement la plus rentable.

    Ainsi, les terroristes d’Al Qaida n’hésitent pas à recourir à ce moyen dès que l’occasion se présente pour d’une part, obtenir des rançons pour financer leur structure et acquérir des armements de plus en plus sophistiqué et puissants, et d’autre part, pour exiger la libération de membres terroristes emprisonnés dans les pays du Sahel. De ce fait, 90% des ressources d’AQMI proviennent des rançons versées et on évoque aussi 90 millions d’euros réclamés par AQMI, pour la libération des 4 otages (français enlevés au Niger en septembre 2010) encore retenus. Ce montant représente plus de deux fois l’aide annuelle de la France au Mali ou au Niger.

    1. Aperçu sur le nombre d’otages enlevés et tués dans le Sahel et au Nigeria depuis 2009

    3 juin 2009 : AQMI revendique la mort du Britannique Edwin Dyer, enlevé le 22 janvier dans la zone frontalière entre le Mali et le Niger. Trois autres touristes européens, deux Suisses et un Allemand enlevés avec lui sont libérés en avril et juillet.

    25 juillet 2010 : AQMI revendique l’exécution du Français, Michel Germaneau, un ancien ingénieur de 78 ans, enlevé dans le nord du Niger le 19 avril puis transféré au Mali.

    8 janvier 2011 : Antoine De Léocour et Vincent Delory (deux français) sont tués au cours d’une opération de sauvetage franco-nigérienne en territoire malien, au lendemain de leur enlèvement par des membres d’Aqmi dans un restaurant de Niamey.

    24 novembre 2011 : Philippe Verdon et Serge Lazarevic (deux Français) sont enlevés par des hommes armés dans le Nord-Mali. Un rapt qui porte aussi la griffe d’AQMI.

    25 novembre 2011 : Un Allemand est tué en tentant de résister à son enlèvement à Tombouctou (nord du Mali) par des hommes armés qui kidnappent trois autres touristes se trouvant avec lui. AQMI, qui a revendiqué l’enlèvement, a menacé en janvier dernier de tuer les trois otages, un Suédois, un Néerlandais et un Britannique ayant aussi la nationalité sud-africaine.

    8 mars 2012 : Deux ingénieurs britannique et italien, otages au Nigeria depuis le 12 mai 2011 sont tués. Les otages ont été « assassinés » par leurs ravisseurs appartenant au groupe islamiste Boko Haram.

    Les prises d’otages les plus marquantes restent celles des deux humanitaires espagnols Albert Vilalta et Roque Pascual enlevé en novembre 2009 puis libéré en mars 2010 en contrepartie d’une rançon estimée entre 5 et 10 millions de dollars versés à AQMI. Un français Pierre Camatte enlevée au Mali en 2009 a quant à lui été libéré en échange de la libération de quatre islamistes de l’organisation détenu par Bamako. Aujourd’hui, au total, 12 Européens dont 6 Français, sont encore retenus au Sahel par AQMI et le MUJAO.

    Si AQMI qui dispose de réseaux dans plusieurs pays sahéliens (Mauritanie, Mali, Niger, nord du Nigeria…) est bien derrière l’enlèvement des nombreux occidentaux, elle a aussi démontré qu’elle pouvait frapper les intérêts occidentaux dans toute la région sahélienne. Pour rappel, après la fin de la rébellion touareg au Niger en 2009, certains membres de la communauté touareg ont tissé des liens avec des islamistes armés et il leur arrive de vendre leurs services pour des enlèvements ou des trafics, sans pour autant partager leur idéologie, le but étant purement financier.

    Aussi, pour repérer ses cibles, AQMI s’appuie également sur le soutien des populations locales qui informe le groupe de la présence de touristes ou d’humanitaires dans la région et ce, par intérêt ou pour des raisons de solidarité ou par complicité. C’est dans ce sens que des groupes autonomes sans appartenance terroriste kidnappent et revendent des otages.

    Aujourd’hui il est difficile de chiffrer le nombre de prises d’otages dans le Sahel en raison de la nature même de ce type de crime. Les informations restent peu fiables et peu vérifiables car ce genre d’événements n’est pas toujours publiquement rapporté et les autorités des pays « victimes » ne sont pas toujours coopératifs. Cependant des consultants spécialisés dans la prise d’otage estiment qu’il y aurait annuellement entre 20.000 et 30.000 enlèvements dans le monde.

    2. Evolution de l’industrie de l’enlèvement dans le Sahel

    Au cours de cette décennie, ce sont près de 120 millions de dollars qui ont été collectés par les organisations terroristes en matière de paiements de rançons, avec en tête l’AQMI qui a encaissé le plus d’argent depuis 2008.

    A titre d’exemple, l’Espagne aurait payé 8 à 9 millions d’euros pour obtenir la libération de ses otages, le Canada quelques millions d’euros, l’Autriche entre 2 et 3,5 millions d’euros pour la libération de deux Autrichiens. L’Italie 3 millions d’euros en 2002/2003, l’Allemagne aurait payé 5 millions d’euros pour la libération d’otages européens, idem pour la Suisse. Des pays comme la Grande-Bretagne ne paient jamais de rançons.

    L’autre constat inquiétant, est l’augmentation continue des montants des rançons exigées, passant de 4,5 millions de dollars en 2010 à 5,4 millions de dollars en 2011. A titre d’exemple, une filiale d’Al-Qaïda aurait tenté d’extorquer des paiements annuels importants, estimés à des millions d’euros, auprès d’une société (probablement Areva) basée en Europe, en échange de la promesse de ne pas porter atteinte à ses intérêts en Afrique. Mais cela n’est que le début d’un cercle vicieux : en réalité payer une sorte de redevance annuelle à des groupes terroristes reviendrait à financer d’autres opérations d’enlèvements qui, à leur tour, conduisent à la demande d’autres rançons.

    Les américains appelleraient donc les gouvernements européens à ne plus payer de rançons, alors que les européens acceptent mal cette position car au final, tous les pays concernés finissent sous la pression et sous la menace d’exécuter les otages par payer des rançons pour voir libérer leurs ressortissants otages d’AQMI au Sahel. Lorsque ce ne sont pas les gouvernements qui paient, ce sont des entreprises privées qui sont sollicitées pour régler la rançon.

    II. Trafics, contrebande et racket

    Si le Sahel est considéré comme étant un véritable « hub » énergétique, il en est de même en matière de trafics en tout genre et de contrebande. La zone sahélienne est devenue le lieu de passage privilégié pour de nombreuses filières criminelles qui font aujourd’hui du Sahel une plaque tournante de plusieurs trafics. Aux portes de l’Europe (premier consommateur mondial), cette zone reste incontrôlée et l’Amérique du Sud n’est pas la seule région d’où provient la drogue qui transite par le Sahel : cocaïne et héroïne en provenance d’Afghanistan transit aussi par cette zone. Les marchandises remontent, ensuite vers l’Europe, empruntant des itinéraires clandestins à travers le Tchad, le Mali et le Niger. On estime ainsi aujourd’hui que le Sahel sert de transit à 50 voire 70 tonnes sur les 200 à 250 tonnes de cocaïne produite en Amérique du Sud.

    AQMI n’intervient donc pas directement dans le trafic, mais prélève une taxe imposée et illégale sur les transits de drogue, en contrepartie du contrôle et de la sécurité qu’elle assure aux trafiquants chargés d’approvisionner les pays du Sahel et lors des passages de convois.

    La contrebande de cigarettes à travers le Sahel est également une pratique très courante et génératrice de revenus difficilement chiffrable, mais qui se compterait annuellement en plusieurs centaines de millions d’euros. Les marchés visés par ces trafics sont d’abord ceux du Maghreb, de l’Egypte et du Moyen-Orient. Cette contrebande très lucrative attire fortement les groupes terroristes locaux qui, s’ils ne s’impliquent pas directement, imposent un « service de protection » aux contrebandiers contre une dîme sur la marchandise, d’où l’implication particulière de Mokhtar Belmokthar, un des responsables d’AQMI alias « Mister Marlboro», dans le trafic de cigarettes au Sahel.

    III. Appuis et investissements extérieurs

    Ces appuis sont constitués de dons plus ou moins volontaires en provenance des communautés maghrébines installées en Europe et plus généralement à l’étranger. Ces fonds sont transférés via des organismes financiers de transferts de fonds (Western Union…). Le rapatriement de ces fonds est peu contrôlé et les traces difficiles à remonter, compte tenu du fait que de faux documents et renseignements justifiant l’origine et la destination des fonds sont présentés.

    Aussi, AQMI serait soutenu voire assister financièrement et militairement par des pays comme : l’Arabie Saoudite, la Libye, l’Iran ou encore le Pakistan. L’objectif étant de bénéficier de la protection d’AQMI pour ce qui est de leurs intérêts économiques et financiers dans la région du Sahel.

    Depuis la prise en otage de 16 personnes travaillant pour la multinationale Areva, au Niger, en septembre 2010, AQMI tirerait aussi ses soutiens financiers de firmes multinationales qui utilisent AQMI comme un moyen criminel pour atteindre des fins stratégiques.

    IV. Recrutements, Kamikazes et le réseau Internet

    AQMI ne compterait aujourd’hui que 500 combattants actifs, autour de Abdelmalek Droukdal, le chef du Groupe salafiste pour la prédication et le combat, au nord-est de l’Algérie. On compte 400 autres combattants logés dans le nord du Mali, soit un faible nombre de terroristes, au sein d’une organisation marquée par des tensions internes entre chefs rivaux et dont certains sont idéologiquement intransigeants et d’autres tout simplement des trafiquants.  Au total, d’après les données qui circulent dans le milieu du renseignement, il y aurait entre 500 et un millier de terroristes membres d’AQMI, essentiellement répartis entre les katibas du Sahel et celles du nord de l’Algérie. Pour information, au moins 150 terroristes auraient été arrêtés, tués ou se sont rendus entre janvier et octobre 2012.

    Les moyens d’action d’AQMI ne sont pas que financiers, ils sont aussi humains, notamment à travers le recrutement des jeunes maghrébins généralement en détresse pour en produire des postulants au martyre. Le recrutement se fait principalement en Algérie, dont 40% de la population vit sous le seuil de pauvreté. Le recrutement se fait également au niveau des prisons (notamment françaises) où cohabitent délinquants mineurs et terroristes. Ces derniers enrôleraient des jeunes en leur inculquant une idéologie meurtrière durant des séances d’endoctrinement.

    Si ce n’est pas au sein des prisons, c’est sur le réseau Internet que le groupe AQMI attire des volontaires à travers des vidéos (diffusées en plusieurs langues pour toucher le maximum de zones géographiques) et des messages de vengeance à l’encontre des apostats, des juifs et des « mécréants ». Le but étant une propagande très bien étudiée pour promouvoir le djihad et inciter les jeunes au service de la cause d’AQMI.

    Enfin pour reprendre Jean Luc Marret, spécialiste des questions de violence, du terrorisme et des Etats fragiles, AQMI est « une entreprise politique, composée de professionnels, exigeant une formation, poursuivant une carrière et pratiquant un métier, ayant des partenaires (…) disposant d’un capital, à la recherche de publicité et dont le nom équivaudrait à une marque ».

  • Instabilités sur la frontière sud de l’Europe : questions de sécurité dans la région Sahel-Maghreb ?

    Instabilités sur la frontière sud de l’Europe : questions de sécurité dans la région Sahel-Maghreb ?

    Tags : Sahel, Maghreb, EIGS, État Islamique au Grand Sahara, GSIM, Groupe de soutien à l’Islam et aux Musulmans, Al Qaida, ISWAP, Etat Islamique en Afrique de l’Ouest, Boko Haram, Libye,

    La COVID-19 doit être appréhendée comme un flux mondialisé dans un contexte international en dégradation rapide et durable (Revue stratégique et de sécurité nationale, 2017). La pandémie a constitué un événement qui introduit du trouble. Comme pour tout événement « extraordinaire » de ce type, certains acteurs y ont vu une opportunité pour remettre en cause le fonctionnement et les rapports ordinaires dans les relations internationales. C’est particulièrement vrai dans les zones les plus belligènes du monde. Or, si l’on adopte le point de vue d’Edgar Morin, on peut voir au sud de l’Europe « une ligne sismique (qui) partant du Caucase et s’avançant en Méditerranée, concentre en elle de façon virulente, l’affrontement de tout ce qui s’oppose sur la planète : Occident et Orient, richesse et pauvreté ».

    En d’autres mots, cela revient à considérer que la frontière sud de l’Union européenne est un espace qui concentre une série de problématiques liés à cette ligne de fracture. La Méditerranée se caractérise comme une interface entre deux espaces très contrastés. Dans le cadre de la globalisation, cela se traduit notamment par des flux illicites, humains ou matériels, des Sud vers le Nord.

    La région Sahel-Maghreb constitue ainsi un espace d’importantes circulations migratoires mais aussi une voie d’acheminement d’armes, de drogues (cannabis, cocaïne, etc.)… La configuration géographique de la Méditerranée explique que les différents flux se concentrent plus particulièrement dans certaines zones (notamment les détroits de Gibraltar et de Sicile). Le traitement nécessairement sécuritaire des uns (drogues,…) s’est largement étendu aux autres (migrations à but économique) avec notamment le rôle de Frontex et les évolutions du fonctionnement cette agence. Le rôle des organisations criminelles transnationales dans ces circulations illicites est également un paramètre explicatif du prisme sécuritaire des politiques publiques, nationales ou européennes, sur les flux migratoires passant la frontière extérieure.

    Après les « printemps arabes », alors que se déroule une guerre civile en Libye, les coopérations précédemment nouées entre l’Union européenne et les Etats du Maghreb sont fortement fragilisées. On observe dès lors à des occurrences croissantes de morts et/ou de situations de détresse de migrants en Méditerranée qui participent à des tensions entre acteurs, institutionnels ou de la société civile, voire entre Etats.

    À ces éléments de contexte proprement méditerranéen viennent s’ajouter d’autres problématiques à l’échelle Maghreb-Sahel. Le contexte géographique (très faible densité dans le Sahara) et géopolitique (notamment la poussée de l’islamisme radical) a fait de la bande sahélo-saharienne un espace de fixation de groupes djihadistes (actuellement l’EIGS- État Islamique au Grand Sahara – ; le GSIM -Groupe de soutien à l’Islam et aux Musulmans – affilié à Al Qaida, et plus au sud, ISWAP – Etat Islamique en Afrique de l’Ouest – et Boko Haram). Après l’intervention française Serval (2013-2014), des dispositifs de maintien de la paix ont été mis en place : Minusma, coopération régionale dans le cadre du G5 Sahel, appui français avec l’opération Barkhane pour ne citer que les principaux.

    Les récents coups d’Etat au Mali et au Burkina Faso et leurs conséquences (notamment la fin de l’opération Barkhane) ouvrent la voie à de nouvelles recompositions des dispositifs de maintien de la paix et de la sécurité dans la région. Ces recompositions doivent être interrogées et mises en regard avec les évolutions internes des Etats du Maghreb. Par ailleurs, la crispation des relations entre Maroc et Algérie complexifie les processus de politiques régionales de paix et de sécurité. Enfin, dans un contexte de recompositions des domaines de conflictualités (multi-champs, multi-domaines), l’émergence stratégique et militaire de puissances non riveraines de la Méditerranée occidentale ou du Sahel participent aux dynamiques de déstabilisation de la zone.

    On observe ainsi une nette réaffirmation de l’influence russe dans la région. Elle s’est notamment traduite par des propositions d’assistance militaire, directe ou indirecte (groupe Wagner), en Libye ou encore au Mali, mais aussi plus largement par un travail sur l’information et les perceptions du jeu international par les populations locales. Les enjeux sur la frontière sud de l’Union européenne doivent ainsi être posés à plusieurs échelles géographiques et temporelles.

    A l’échelle géographique la plus resserrée, après la période de gestion exceptionnelle qu’a pu entraîner la pandémie de Covid, il s’agit de redéfinir une politique de contrôle de la frontière extérieure de l’Union européenne, en partenariat avec les Etats de transit des différentes formes de flux illicites sur la rive Sud.

    Cette politique doit prendre en compte les enjeux pour les sociétés du Maghreb : enjeux sociétaux générationnels, démocratiques, de développement économique, place de l’islamisme, … A une échelle plus large, il s’agit de réorganiser les politiques de stabilisation de la zone sahélienne ou de la Libye, de mettre en place ou de consolider ces politiques dans une articulation des trois D (défense, diplomatie, développement) prenant en compte le paramètre des changements climatiques. Pour ce faire, il convient d’analyser le jeu de l’ensemble des acteurs, et pas seulement régionaux ou étatiques, qui interagissent.

    Walter BRUYÈRE-OSTELLS (modérateur), professeur des Universités en Histoire contemporaine à Sciences Po Aix, co-responsable du master Géostratégie, défense et sécurité internationale et du mastère spécialisé Renseignement

    Source : Revue Diplomatie, décembre

    #Maghreb #Sahel #Mali #Burkina_Faso #Libye

  • La France capture un chef du groupe État islamique au Mali

    La France capture un chef du groupe État islamique au Mali

    France, Sahel, Mali, Barkhane, Etat Islamique, EIGS,

    Les troupes françaises au Mali ont capturé un haut responsable de la filiale sahélienne du groupe Etat islamique, a annoncé mercredi l’armée française.

    « Dans la nuit du 11 au 12 juin, une opération de la force Barkhane a permis la capture d’Oumeya Ould Albakaye, haut responsable de l’ Etat islamique au Grand Sahara (IS-GS) », a déclaré un porte-parole du chef d’état-major à l’AFP.

    La capture intervient alors que la France se prépare à achever son retrait du Mali après près d’une décennie de lutte contre une insurrection djihadiste dans le pays.

    Albakaye sera détenu par les forces françaises pour interrogatoire pendant plusieurs jours puis remis aux autorités maliennes, ont ajouté les militaires.

    Une source de sécurité qui a demandé à ne pas être nommée a déclaré à l’AFP qu’Albakaye avait autrefois été considéré comme un successeur potentiel de l’ancien chef de l’IS-GS Adnan Abu Walid al-Sahrawi, qui a été tué par les forces françaises en août 2021.

    Expert en explosifs , Albakaye était un chef régional du groupe, commandant les régions du Gourma au Mali et de l’Oudalan au Burkina Faso voisin.

    Il est responsable d’un grand nombre d’exactions contre des civils dans ces pays, selon l’armée.

    La France doit achever son retrait du Mali dans les prochains mois lorsque sa principale base militaire de Gao sera rendue aux forces maliennes.

    Les relations entre le Mali et la France se sont effondrées après la prise du pouvoir par l’armée à Bamako en août 2020.

    La junte a résisté à la fixation d’une date rapprochée pour rétablir le régime civil et a resserré les liens avec Moscou, faisant venir des « instructeurs militaires » que la France et ses alliés condamnent comme des mercenaires embauchés par le groupe pro-Kremlin Wagner.

    France24, 15 juin 2022

    #France #Mali #Sahel #EtatsIslamique

  • Les attaques contre les civils au Niger reflètent une crise de sécurité plus large

    Robin Kennedy

    Les civils au Niger ont été victimes de multiples attaques depuis le début de l’année 2021. Le 21 mars, 137 civils ont été tués lors de raids coordonnés sur des villages du sud-ouest du Niger. La semaine précédente, le 15 mars, 58 autres personnes ont été tuées alors qu’elles rentraient du marché local et une attaque antérieure, en janvier, a fait 100 victimes civiles. Ces 2021 attaques comptent parmi les pires pertes civiles que le pays ait connues récemment, en particulier dans la région de Tillabéri, dans le sud-ouest du pays, où les civils sont de plus en plus souvent victimes d’attaques au cours des deux dernières années. Nombreux sont ceux qui ont attribué la violence à des groupes islamistes, car les attaques surviennent au milieu d’une crise sécuritaire plus large due à l’activité des militants islamistes au Niger et dans la région du Sahel en Afrique de l’Ouest.

    Selon CNN, des militants de la société civile locale ont fait part de leurs inquiétudes quant au nombre croissant de victimes des milices islamistes. Harouna Abarachi, qui dirige des initiatives de paix dans le sud-ouest du Niger, qualifie cette région de « zone fragile ». Il a assisté à des conflits dans le passé, mais il estime que les attaques récentes contre des civils sont inquiétantes pour la stabilité de la région. Nombre de ces attaques sont des raids coordonnés qui ciblent systématiquement les civils ; un nouveau niveau de violence constituant de graves violations des droits de l’homme.

    À la suite de ces attaques meurtrières, le secrétaire général des Nations unies (ONU), António Guterres, a déclaré son soutien au Niger. Il a appelé les autorités nigériennes à « ne ménager aucun effort » pour traduire les auteurs en justice, tout en demandant aux autres pays du Sahel ouest-africain de continuer à collaborer entre eux et avec les organisations internationales pour faire face à ces menaces pour la sécurité. M. Guterres a également appelé à une meilleure protection des civils dans la région, ce dont s’est fait l’écho Marie-Pierre Poirier, directrice régionale de l’UNICEF pour l’Afrique occidentale et centrale. Dans une déclaration réagissant à l’attaque du 21 mars, dans laquelle 22 des victimes étaient des enfants, Mme Poirier a déclaré : « L’UNICEF est profondément choqué et indigné par les terribles attaques dirigées contre des familles et des enfants. » Elle a souligné qu’il s’agit d’une grave violation des droits de l’homme et s’est fait l’écho de l’appel de l’UNICEF à toutes les parties impliquées pour protéger les enfants. À la suite de cette attaque, l’UNICEF a réitéré son engagement à soutenir le gouvernement du Niger dans ses efforts pour assurer la sécurité des enfants.

    Le Niger est profondément touché par la violence islamiste depuis plusieurs années. Depuis que des rebelles et des milices islamistes ont pris le contrôle de villes dans le pays voisin du Mali en 2012, des menaces similaires se sont répandues dans tout le Sahel. L’État islamique dans le Grand Sahara, vaguement lié à l’État islamique, a mené des attaques aux frontières du Mali, du Niger et du Burkina Faso, ce qui a entraîné la crise sécuritaire dans le Sahel ouest-africain. Les efforts déployés par le Niger pour contenir l’État islamique au Grand Sahara n’ont pas abouti jusqu’à présent, comme en témoigne l’escalade des attaques contre les civils. En plus de faire des victimes, les militants islamiques ont incendié des salles de classe, volé du bétail et pillé des centres de santé, entraînant une destruction supplémentaire des communautés qu’ils ciblent.

    Ces attaques violentes ont également des répercussions plus larges. Selon l’ONU, 3,8 millions de personnes au Niger ont besoin d’aide, dont 2 millions d’enfants. L’UNICEF a identifié l’insécurité, les restrictions d’accès et les violences répétées comme des facteurs rendant plus difficile l’accès aux populations vulnérables de la région. La violence récente et en cours n’est pas seulement dévastatrice pour les communautés dans lesquelles elle se produit, mais elle a aussi un impact sévère sur la population plus large du Niger, car elle entrave la distribution de l’aide humanitaire.

    La réponse à cette crise sécuritaire sera un défi majeur pour le nouveau président du Niger, Mohamed Bazoum. Pour faire face à ces attaques et à la menace plus importante qu’elles représentent pour la sécurité et la stabilité du Sahel, il faudra une coopération régionale efficace et une collaboration avec les organisations internationales.

    The Organization For World Peace, 5 avr 2021

    Etiquettes : Niger, Sahel, Tillabéri, Mohamed Bazoum,

  • Pourquoi le terrorisme persiste en Afrique de l’Ouest, selon le président tchadien

    Par Bolaji Ogundele, Abuja

    Le Président de la République du Tchad, le Maréchal Idris Deby Itno, a déclaré samedi que le terrorisme reste un problème dans le bassin du lac Tchad et la région du Sahel en Afrique parce que la croisade contre lui n’a pas été adéquate.

    Le Président Itno était à la Villa Présidentielle Aso Rock à Abuja pour une visite officielle d’une journée, au cours de laquelle il a eu des discussions bilatérales avec le Président Muhammadu Buhari.

    Répondant aux questions des correspondants de la State House après sa rencontre avec le président Buhari, le président Itno a déclaré que les quatre pays partageant le bassin du lac Tchad avaient mis en place une formidable formation militaire, la Multinational Joint Task Force (MNJTF), pour éradiquer le terrorisme dans la région, mais a déploré que la formation n’ait pas mené suffisamment d’opérations nécessaires.

    Selon lui, il a discuté de la situation de la MNJTF avec le Président Buhari, et a déclaré qu’une situation dans laquelle la formation militaire conjointe n’entreprend qu’une seule opération par an a rendu la lutte difficile et la défaite des terroristes plutôt impossible.

    Il a toutefois exprimé son optimisme quant à la défaite des différents groupes terroristes, dont Boko Haram et l’État islamique, province d’Afrique de l’Ouest (ISWAP), grâce aux nouvelles stratégies déployées et à l’affectation de nouveaux officiers dotés d’idées nouvelles pour prendre les commandes aux niveaux national et régional.

    « Toutefois, avec le nouvel appareil de sécurité qui a été mis en place avec les nouveaux chefs de la sécurité et non seulement au Nigeria, mais même au sein de la Force opérationnelle interarmées multinationale elle-même, qui a également une nouvelle direction, que nous avons maintenant l’espoir qu’avec de nouvelles stratégies, et un nouveau dynamisme, que nous serons en mesure de traiter définitivement la question de Boko Haram. »

    The Nation, 27 mars 2021

    Etiquettes : Sahel, Mali, Niger, Nigeria, Tchad, Burkina Gaso, terrorisme, Boko Haram, JNIM, EIGS, Al Qaïda,

  • L’ONU accuse la France de possibles crimes de guerre suite à une frappe aérienne au Mali sur un mariage

    Au moins 22 personnes ont été tuées par une explosion, dont 19 civils et trois membres présumés d’un groupe djihadiste.

    Par Anna Pujol-Mazzini

    La France pourrait être coupable d’un crime de guerre pour avoir tué une grande majorité de civils lors d’une frappe aérienne sur un mariage dans un village malien isolé en janvier, selon la toute première enquête de l’ONU sur les opérations militaires françaises publiée mardi.

    Au moins 22 personnes ont été dynamitées et tuées, dont 19 civils et trois membres présumés d’un groupe djihadiste, selon les enquêteurs. Huit autres civils ont été blessés.

    « Le groupe d’individus touchés par la frappe était très majoritairement composé de civils qui sont des personnes protégées par le droit international humanitaire », indique le rapport de 36 pages.

    « Cette frappe soulève des préoccupations importantes quant au respect des principes de la conduite des hostilités », ajoute le rapport, qui reproche à la France de ne pas avoir pris suffisamment de précautions pour s’assurer qu’aucun civil ne serait tué.

    Après avoir interrogé 400 personnes, dont des survivants, des témoins, des membres de la famille et des groupes d’aide, l’ONU a également indiqué qu’un mariage avait lieu le jour de la frappe aérienne, ce que le gouvernement français a démenti à plusieurs reprises.

    Une personne ayant connaissance du rapport a déclaré au Telegraph qu’une version antérieure accusait les forces françaises de crime de guerre en raison de leur incapacité à prendre des mesures adéquates pour éviter le massacre aveugle de civils à Bounty.

    La formulation a ensuite été modifiée suite à la pression exercée par le gouvernement français, ont-elles ajouté.

    Conflit au Mali

    Le Dr Hamadoune Dicko, jeune président de la plus grande association de Peuls du Mali et premier à tirer la sonnette d’alarme sur la mort de civils à Bounty, a déclaré que le rapport n’allait pas assez loin.

    « Les Nations unies ont reconnu que la France a commis une erreur et qu’il devrait y avoir une justice. Elles auraient dû condamner ouvertement Barkhane et les autorités maliennes », a-t-il déclaré au Telegraph.

    « Maintenant, c’est aux autres organisations des droits de l’homme de terminer les enquêtes et de punir les auteurs de ces crimes contre l’humanité. Lâcher des bombes sur un Malien est un crime contre l’humanité. »

    Les victimes étaient toutes des hommes âgés de 23 à 71 ans. Parmi les blessés, l’un d’eux a été amputé de deux doigts et un autre a eu une fracture ouverte à la cuisse.

    Selon les enquêteurs de l’ONU, cinq hommes armés, soupçonnés d’avoir des liens avec Katiba Serma, une organisation locale affiliée à Al-Qaïda, étaient présents à Bounty ce jour-là, dont un qui portait son arme de manière visible. La centaine d’autres invités étaient des civils, ont-ils dit.

    « Tout cela est arrivé à cause de la présence de cet homme qui portait une arme », a déclaré une source à l’équipe de l’ONU.

    La France fait face à un examen de plus en plus minutieux de sa stratégie au Sahel, où elle combat depuis 2013 l’insurrection djihadiste qui se propage le plus rapidement sur terre. Le mois dernier, Paris a laissé entendre qu’elle voulait retirer une partie de ses 5 000 soldats au Mali, au Niger, au Burkina Faso, en Mauritanie et au Tchad.

    Lundi, Mohamed Bazoum, le président nouvellement élu du Niger, a qualifié la force française en Afrique de l’Ouest d’ »échec » et a déclaré qu’un retrait partiel des troupes n’aurait pas un grand impact sur le terrain.

    Les accusations de meurtres de civils, extrêmement rares avant 2021, s’accumulent également contre l’opération Barkhane. La semaine dernière, des responsables locaux du nord du Mali ont déclaré qu’au moins cinq civils avaient été tués dans une autre frappe aérienne.

    L’armée française a déclaré dans un communiqué qu’elle avait ordonné cette frappe « après une phase de renseignement et d’identification » afin de neutraliser un groupe terroriste armé.

    Mais le maire d’un village voisin, un ancien parlementaire de la région et une coalition de groupes rebelles ont déclaré que la frappe avait tué au moins cinq civils, dont des garçons âgés de 15 ans seulement.

    Mohamed Assaleh Ahmad, le maire du village voisin de Talataye, a déclaré à l’AP que les victimes étaient six civils de sexe masculin de son village, âgés de 15 à 20 ans. Il a déclaré qu’ils étaient partis chasser les oiseaux et qu’ils n’avaient qu’un seul fusil à eux tous.

    Si la plupart des victimes étaient mineures, les adolescents sont souvent recrutés par les groupes djihadistes pour poser des engins explosifs improvisés dans le nord du Mali, ont déclaré plusieurs experts au Telegraph.

    La France a jusqu’à présent refusé de publier les images des deux frappes ou d’ouvrir des enquêtes indépendantes. Mais des témoins ont déclaré aux enquêteurs de l’ONU que des soldats français s’étaient rendus sur le site de la frappe aérienne le 8 janvier, cinq jours après l’attaque.

    Les autorités françaises ont nié tout acte répréhensible dans une déclaration publiée mardi et ont exprimé des inquiétudes quant à la méthodologie de l’enquête de l’ONU.

    Un communiqué indique : « Le ministère des Armées maintient avec constance et réaffirme avec force : le 3 janvier, les forces françaises ont mené une frappe aérienne visant un groupe armé terroriste identifié comme tel. »

    The Telegraph, 30 mars 2021

    Etiquettes : Sahel, Mali, Niger, Barkhane, France, Tchad, JNIM, EIGS, Al Qaïda,

  • Au Niger, après des attaques djihadistes. « Ils veulent déstabiliser la zone » (Morelli, HCR.

    Patrizia Caiffa

    Plus de 200 victimes civiles au Niger, dont des dizaines d’enfants, ont été tuées ces dernières semaines par la violence des groupes terroristes djihadistes opérant dans le centre du Sahel. Depuis Niamey, Alessandra Morelli, représentante du Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR) s’est confiée à Monsieur : les agences des Nations Unies viennent d’envoyer un convoi dans la province de Tahoua pour suivre les besoins humanitaires. Déjà 600 personnes ont fui vers le Mali.

    Ils attaquent des villages dans le désert occidental du Niger, à la frontière avec le Mali. Ils brûlent les maisons et massacrent sans pitié des centaines de femmes, d’hommes et d’enfants innocents. La dernière attaque, perpétrée par des mouvements djihadistes, a eu lieu le dimanche 21 mars et a été menée avec une dynamique impitoyable, planifiée dans les moindres détails : des centaines d’hommes à moto ont encerclé les villages d’Intazayene, Bakorate et Wistane dans le département de Tillia, dans la région de Tahoua, au Niger, qui connaît une insécurité croissante. Ils ont ouvert le feu à bout portant sur des nomades touaregs qui vaquaient sereinement à leurs occupations quotidiennes : hommes avec des chameaux, femmes et enfants aux points d’eau. Déjà 137 personnes ont été tuées, dont 22 enfants âgés de 5 à 17 ans. « Ils ont été abattus de manière violente : ils ont ouvert le feu sur des personnes qui travaillaient dans les champs ou près des points d’eau, alors qu’elles s’occupaient des animaux qui buvaient ». C’est Alessandra Morelli, représentante du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), qui s’adresse à Monsieur depuis Niamey, capitale du Niger : depuis 2017, elle coordonne une équipe de 400 personnes qui aident les personnes déplacées et les réfugiés sur un territoire complexe et stratégique. Leur action s’étend du Niger au Burkina Faso et au Mali, de la Méditerranée centrale et de la Libye au bassin du lac Tchad, qui voit depuis 6 ans des flux de Nigérians du Nord fuyant les attaques de Boko Haram.

    Un terrorisme transfrontalier de matrice djihadiste. Alessandra Morelli a trente ans d’expérience dans les zones de conflit et a survécu à un grave attentat à la voiture piégée à Mogadiscio en février 2014, dont elle porte encore les séquelles. Malgré cela, elle poursuit son travail passionné aux côtés des personnes déplacées et des réfugiés dans les pires crises humanitaires. Depuis quelques années, des milices de la province ouest-africaine de l’État islamique (Iswap), un terrorisme transfrontalier qui se déplace depuis le Mali, semblent également s’être installées dans ces territoires.

    Dans le centre du Sahel, y compris au Niger, la dynamique est celle de « créer des espaces opérationnels en brûlant des villages et en chassant les gens pour continuer à opérer », explique Morelli. L’objectif ?

    « Pour déstabiliser la zone et démontrer que le gouvernement nigérien n’a pas le contrôle du territoire ».

    Cette dernière attaque a eu lieu un mois après l’élection du nouveau président Mohamed Bazoum, candidat du parti au pouvoir et successeur du président sortant Mahamadou Issoufou. Selon le chef de mission du HCR, il s’agit probablement d’un « message au gouvernement ».

    Un convoi de l’ONU est en route pour Tahoua. Les agences des Nations Unies surveillent la situation et les mouvements des personnes qui fuient la région de Tahoua. Un convoi avec des représentants du HCR, de l’UNICEF, du Wfp et du gouvernement vient de partir et fera une première analyse des besoins humanitaires. « Nous effectuons tout avec une extrême délicatesse et attention – précise Morelli – pour éviter de nous retrouver au milieu d’une embuscade ». La région de Tahoua est immense, il y a très peu de routes, il est donc très difficile pour les militaires de traquer les personnes à moto. De plus, « les informations arrivent au compte-gouttes car il s’agit de zones éloignées et isolées, avec des télécommunications très faibles ». Le HCR, cependant, a déjà des nouvelles de plus de 600 personnes ayant traversé la frontière pour chercher un abri au Mali. Les régions nigériennes de Tahoua et de Tillaberi, qui font frontière avec le Burkina Faso et le Mali, abritent actuellement 204 000 réfugiés et personnes déplacées à l’intérieur du pays.

    Dynamique de répétition. En janvier 2021, des attaques similaires ont eu lieu dans la région occidentale de Tillaberi, à Tchombangou et Zaroumdareye. Deux jours plus tôt, une patrouille des forces militaires nigériennes était passée par là, l’attaque a eu lieu le jour suivant. « La dynamique est la même – dit Morelli – ils observent le mouvement des troupes et quand elles partent, ils attaquent ». C’est le deuxième massacre contre des civils en l’espace d’une semaine. Le 15 mars, des groupes armés ont tué au moins 58 personnes, dont six enfants, qui revenaient du marché dans le département de Banibangou, dans la région de Tillaberi, près de la frontière avec le Mali.

    L’une des pires crises humanitaires. Le Niger, le Burkina Faso et le Mali sont aujourd’hui à l’épicentre de l’une des crises humanitaires qui connaît la croissance la plus rapide. La région accueille déjà près de trois millions de réfugiés et de personnes déplacées à l’intérieur du pays en raison des conflits. « Cinquante pour cent sont des réfugiés et les autres cinquante pour cent sont des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays, souligne Morelli, ce qui signifie qu’il y a un énorme problème de sécurité. Malgré cela, le gouvernement nigérien continue de faire preuve d’une grande ouverture et d’une grande générosité envers les personnes qui fuient la violence dans les régions du Sahel et du lac Tchad. La présence des principales agences des Nations unies et de nombreuses organisations non gouvernementales en est la preuve.

    L’appel du Pape et la présence de la CEI. Le 24 mars, le pape François a également lancé un appel pour le Niger, priant « pour les victimes, pour leurs familles et pour toute la population », demandant que « la violence subie ne fasse pas perdre la foi dans le chemin de la démocratie, de la justice et de la paix. » Pour ceux qui travaillent sur le terrain « les paroles du Pape ont une immense valeur d’espoir », commente le chef de mission du HCR, qui collabore également avec la Caritas italienne dans la planification des corridors humanitaires. En janvier, elle a rencontré à Niamey l’évêque d’Acireale, Monseigneur Nino Raspanti, vice-président de la CEI, pour vérifier les initiatives lancées ces dernières années, dont un projet de bourses pour les mineurs réalisé en collaboration avec Intersos.

    SIR Agencia Informazione, 26 mars 2021

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  • Niger. La lutte pour la terre au Sahel agit comme un moteur du djihadisme

    Paolo M. Alfieri

    Dans un monde distrait par le Covid-19, la crise environnementale s’est transformée en crise alimentaire, puis en crise sociale, économique, ethno-religieuse et humanitaire. Et dans le vide du pouvoir, les massacres se multiplient.

    Le 31 mars, après 43 ans d’exploitation, le groupe français Orano, anciennement Areva, abandonnera les activités minières dans une importante mine d’uranium (fondamental pour la production d’énergie nucléaire) dans la ville d’Arlit, au nord du Niger. Après le quasi-épuisement du site d’Akouta – par le biais de la filiale nigérienne Cominak – et la chute du prix de l’uranium sur les marchés mondiaux après des années de profits et de vaches grasses, les Français vont donc cesser leurs activités, laissant plus de 600 jeunes employés, plus 800 autres entrepreneurs et des centaines d’autres induits, sans travail et sans espoir dans l’une des régions les plus pauvres de la planète. Combien de ces jeunes, parmi ceux qui ne tenteront pas d’émigrer directement en Europe, iront grossir les rangs d’un djihadisme qui, jour après jour, étend ses tentacules dans tout le Sahel, à l’heure où la pandémie de coronavirus soustrait l’attention et les ressources au développement et à la coopération coordonnés ? La perte d’un emploi ne transforme pas nécessairement un être humain en un extrémiste violent, mais l’absence d’avenir peut être dévastatrice pour la stabilité personnelle et, en même temps, sociale et régionale.

    La dernière attaque contre des villages, au Niger, remonte à dimanche dernier : 137 civils – dont 22 enfants âgés de cinq à 17 ans – ont été tués et d’autres blessés ou séparés de leurs familles dans la région de Tahoua. Ils étaient en route pour aller chercher de l’eau lorsque les attaques ont eu lieu : les hommes armés ont tiré sur tout ce qui bougeait. « Nous prions pour les victimes, pour leurs familles, pour toute la population, afin que la violence ne fasse pas perdre la foi pour la justice et la paix », a été la pensée adressée aux victimes par le pape François hier à la fin de l’audience générale. Des groupes liés à Daesh, à Al-Qaïda, des milices qui se déplacent sur une base ethnique ou pour prendre le contrôle de la région en vue de faire de sales affaires dans un territoire dévasté par le changement climatique et la lutte pour l’accaparement des ressources. Le Niger, mais aussi le Mali et le Burkina Faso, dans un monde désormais également « distrait » par Covid-19, sont au centre d’une catastrophe humanitaire.

    Rien qu’en 2020, 5 000 personnes sont mortes, 1,4 million ont été déplacées à l’intérieur du pays et 3,7 millions ont été plongées dans l’insécurité alimentaire dans ce triangle tourmenté. Une grande partie de la dynamique des conflits en cours part d’un bien de plus en plus précieux et rare : la terre. La crise environnementale, soulignait également un récent rapport de Caritas, est devenue une crise alimentaire, puis sociale et économique, ethno-religieuse, et enfin humanitaire, devenant ainsi une forme grave de dégradation humaine. Victimes d’attaques terroristes, des centaines de milliers de familles abandonnent leurs foyers et leurs activités dans des régions que les États ne contrôlent plus depuis longtemps. La galaxie djihadiste n’a aucun mal à combler le vide du pouvoir dans ces territoires.

    À partir du 2 avril, le Niger aura un nouveau président, Mohamed Bazoum, 61 ans. Dans le pays qui, avec 7,6 enfants par femme, détient le record planétaire de fécondité, Bazoum devra montrer que les promesses d’avenir lancées lors de la campagne électorale – les enjeux de la famille, l’éducation des jeunes, la croissance de l’économie et la lutte contre l’insécurité imposée par les djihadistes – ne sont pas de vains mots, avec le soutien de la communauté internationale. Le développement et la défense des populations vulnérables, ainsi que la promotion de la cohésion sociale et de la paix, sont des objectifs incontournables et communs également pour les pays voisins, un goulot d’étranglement nécessaire à franchir pour changer le destin d’une région qui doit repenser son avenir.

    Avvenire.it, 25 mars 2021

    Tags : Afrique, Sahel, Niger, Mali, Burkina Faso, Tchad, Mauritanie, France, Barkhane, djihadisme, terrorisme, Al Qaida, JNIM, EIGS,