Étiquette : Emirats Arabes Unis

  • San Leon Energy sous enquête pour ses activités au Sahara Occidental

    Global Legal Action Network (GLAN), une ONG, a déposé une plainte officielle auprès de l’OCDE

    La société d’exploration pétrolière et gazière San Leon Energy, basée à Dublin, fait l’objet d’une enquête de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en relation avec ses activités au Sahara occidental.
    Le Global Legal Action Network (GLAN), une ONG, a déposé une plainte officielle auprès de l’OCDE au sujet de l’entreprise par l’intermédiaire de son représentant en Irlande, le PCN, en octobre 2018.
    Il alléguait que l’entreprise ne respectait pas les lignes directrices de l’OCDE, en particulier le principe de «l’engagement significatif avec les parties prenantes… et le principe du respect des droits de l’homme internationalement reconnus».
    La plainte de GLAN affirmait que «puisque le Sahara occidental est un territoire non autonome, le peuple sahraoui – la population autochtone – a un droit internationalement reconnu à l’autodétermination, qui comprend la souveraineté permanente sur ses ressources naturelles».
    GLAN fait valoir que les activités d’exploration de San Leon Energy se sont déroulées sans le consentement du peuple sahraoui.
    En réponse, la société soutient que tous les aspects de la plainte ont été abordés, qu’elle s’est pleinement conformée aux exigences des Nations Unies et déclare qu’elle «n’a plus d’intérêts ni de licences dans la région».
    En ce qui concerne la conduite éthique, la société a déclaré que «la norme à respecter pour déterminer si les activités de San Leon sont éthiques est l’article 73 de la charte des Nations Unies qui précise que les intérêts de la population locale sont primordiaux».
    La société a déclaré avoir consulté les représentants élus de l’ensemble de la population locale «y compris les Suhrawi et les non-Suhrawis [SIC]» pour déterminer les souhaits et les intérêts de la population locale.
    Il a ajouté que «le Polisario ne peut pas être considéré comme le représentant légitime de la population locale et pour cette raison, San Leon Energy n’engage pas de dialogue avec cette organisation».
    Le PCN a décidé qu’il y avait «une preuve prima facie de procéder» sur la base à la fois de la plainte et de la réponse de la société selon laquelle il y avait des «différences importantes de points de vue» entre le plaignant et la société.
    Le PCN irlandais a déclaré que l’acceptation de la plainte «ne constituait en aucun cas une constatation de non-respect des directives» par l’entreprise.
    Le PCN irlandais demandera formellement aux parties si elles sont disposées à s’engager dans une médiation en vue de parvenir à une résolution. Sous réserve de leur réponse, le PCN irlandais assurera la liaison avec les parties pour organiser des réunions de médiation.
    Si ces réunions aboutissent à une résolution, le PCN irlandais a déclaré qu’il en tiendrait compte dans une déclaration finale sans se prononcer sur le bien-fondé de la réclamation quant à savoir si l’entreprise avait agi conformément aux directives.
    Si une solution négociée n’est pas possible, le PCN irlandais procédera à un examen de l’affaire et reflétera le résultat dans une déclaration finale qui pourra inclure des recommandations.
    The Irish Times, 29 ene 2021
    Tags : Sahara Occidental, Maroc, Arabie Saoudite, Emirats Arabes Unis, Soudan, israël, Normalisation, Global Legal Action Network, OCDE,

  • Des ressources exploitées politiquement au sein d’un conflit aux enjeux régionaux et internationaux

    Le territoire du Sahara occidental recèle d’importantes richesses, considérée comme la plus grande réserve mondiale de phosphate, ces réserves sont estimées à plus de 3 milliards de tonnes.

    Le Sahara occidental dispose également de 1.200 km de côtes, donnant sur l’océan Atlantique, les eaux les plus poissonneuses au monde.
    Ces richesses contribuent largement et de manière illégale, aux recettes d’exportation de l’occupant marocain et recouvrent de plus en plus à son développement économiques.
    Selon l’économiste Souhima Beraho, la crise au Maroc ne date pas d’aujourd’hui, la situation économique actuelle est un cumule d’échec dans divers secteurs à savoir (la politique, l’économie et sociale).
    Pour Mme Souhima Beraho, les principales facteurs de la crise économique au Marco sont: la pauvreté qui a atteint 9 millions (25%) de la population marocaine souffre de la pauvreté. Le recule des recettes touristiques impactées par le coronavirus, soulignant que 12% des recettes du Maroc proviennent des activités touristiques.
    *Les ressources pillées du Sahara Occidental 
    Pour Amine Ould Chérif, Dr du centre d’études franco-sahraoui, le Maroc à depuis toujours envahi le Sahara occidentale, dans un seul et unique but et celui de exploité les richesses du Sahara.
    « L’économie du Sahara occidental révèle des richesses minérales, la plus connue étant le phosphate mais également du métal ainsi que du pétrole trouvé dans de grandes poches découvertes et pleinement exploités par des sociétés étrangères dans la zone administrée par le Maroc ».
    L’intervenant a indiqué que les exportations de phosphate sahraoui des dernières années ont généré pour le Maroc un revenu annuel d’environ 200 millions de dollars US en moyenne, provenant d’une mine qui ne lui appartient pas.
    “Le phosphate constitue une ressource stratégique pour les économies contemporaines. Sans le phosphate, pour lequel il n’existe aucun produit de substitution, il est impossible de fabriquer les engrais indispensables à ’agriculture moderne”, a-t-il souligné. De ce point de vue, ajoute-il, “le Sahara occidental constitue une terre d’avenir”.
    Le secteur de la pêche représente 70% de l’activité économique du Sahara occidental et “lorsque l’UE a accordé 70 millions de dollars au Maroc pour développer le secteur de la prêche, Rabat a dépensé la majeure partie de ce subside au Sahara occidental”.
    Le territoire sahraoui dispose également de réserves hydrologiques importantes. On notera, toutefois, que l’agro-industrie marocaine surexploiterait les réserves d’eau du pays, spécialement dans la région de Dakhla occupée.
    APS
    #Maroc #SaharaOccidental #WesternSahara #Normalisation #Israel #Palestine #DonaldTrump #JoeBiden #RessourcesNaturelles
  • Politique américaine au Moyen-Orient: «Tout se joue autour de l’Iran»

    Les États-Unis vont repenser leur politique au Moyen-Orient, c’était l’une des promesses du nouveau président Joe Biden. À peine en poste, son chef de la diplomatie Antony Blinken a annoncé notamment, le « réexamen » du soutien militaire aux monarchies du Golfe et poser les premiers pas vers une reprise progressive du dialogue avec l’Iran. RFI a posé trois questions à Bertrand Badie, spécialiste des relations internationales et professeur émérite à Sciences Po Paris.

    Ces annonces correspondent parfaitement à ce que Joe Biden avait lui-même annoncé avant d’être élu, à savoir la nécessité de réinventer la politique étrangère. Les premières mesures qui ont été annoncées autant par Biden lui-même que par Blinken vont précisément dans ce sens. Il y a donc un changement de forme, un changement de grammaire, ça ne veut pas dire pour autant qu’il faille s’attendre à des virages spectaculaires, la marge de manœuvre de Joe Biden reste limitée. Il y a un nationalisme très profond dans la politique étrangère américaine qui est enraciné dans un comportement protectionniste très perceptible au sein de la population américaine.

    RFI : L’une des premières annonces est celle de suspendre temporairement les ventes d’armes en cours vers les monarchies du Golfe. Est-ce qu’on peut sérieusement imaginer qu’elle soit annulée après réexamen ?

    Bertrand Badie : Il y a d’abord un effet d’annonce. C’est une façon de marquer sa méfiance à l’égard de régimes qui ne sont pas vraiment conformes à l’idéal des droits de l’homme – c’est le moins qu’on puisse dire. Notamment le régime des Émirats arabes unis du fameux MBZ et celui de l’Arabie saoudite de MBS. Pour les modalités, évidemment, les choses seront beaucoup plus compliquées, mais ça suffit aujourd’hui pour rassurer l’électorat et la communauté internationale, pour lancer une sorte d’avertissement aux partenaires de la péninsule arabique, et pour envoyer un discret message à l’Iran. Parce que je pense que tout se joue là.

    L’idée de Joe Biden est de pouvoir renouer les fils avec l’Iran tout en obtenant très vite de Téhéran un engagement d’arrêter sa politique d’enrichissement de l’uranium. L’Iran, de son côté, affirme qu’il n’est pas question de changer tant que les États-Unis n’auront pas réintégré l’accord sur le nucléaire de 2015. La formule intermédiaire qui semble être tentée par l’administration Biden, c’est d’envoyer des signaux positifs pour que ceux-ci enclenchent en Iran des réactions positives et que peu à peu on se remette dans les conditions d’une négociation.

    Le problème est de ne pas perdre la face. Donc, il y a une sorte de partie de cache-cache, une partie où chacun se tient par la barbichette. L’idée semblerait être de trouver dans les marges de cet accord les éléments qui puissent dénouer la situation et mettre en marche un mouvement positif.

    Dans les marges de la relations Iran-États-Unis il y a notamment le conflit yéménite. L’Iran soutient les rebelles houthis alors que l’Arabie saoudite, grand allié des Américains, mène la coalition internationale qui les combat. Le chef de la diplomatie américaine a pris plusieurs décisions à ce sujet; est-ce à nouveau un message vers l’Iran ?

    La structure du discours d’Antony Blinken à ce sujet était très intéressante parce qu’il a essayé de renvoyer les deux parties dos à dos en disant : « Les Houthis ont commis l’erreur de prendre la ville de Sanaa et donc de commettre un acte d’agression. Ils ont en quelque sorte renversé le  » gouvernement légal  » qui était installé. Mais, ajoute Blinken, ce qu’a fait la coalition n’est pas très propre non plus, puisque cela a créé une crise humanitaire extrêmement grave. »

    Les États-Unis, eux, n’étaient pas directement engagés dans la guerre du Yémen, donc ils n’ont pas besoin de gestes concrets. Mais c’est une façon de dire « nous n’acceptons pas systématiquement la politique menée par l’Arabie saoudite et par ses alliés du Golfe. Nous avons une politique indépendante par rapport au conflit qui se développe dans la région. » C’est une manière de dire à l’Iran : « Vous ne pouvez pas nous reprocher d’intervenir dans cette affaire et de ne pas être neutre. Mais à vous aussi, Iraniens, de montrer également un certain recul par rapport à ce conflit. »

    C’est aussi une façon subtile d’ouvrir le dossier très complexe des interventions de l’Iran dans la région. Puisque vous savez qu’à côté du nucléaire à proprement parler, il y a deux dossiers brûlants que sont le programme balistique iranien et les interventions de l’Iran dans la région. Les États-Unis voudraient que l’Iran bouge sur ces deux dossiers. L’Iran ne veut pas en entendre parler. En revanche, si les États-Unis expliquent qu’eux ne sont pas partie prenante dans ce conflit, c’est une manière très discrète de dire, nous attendons que l’Iran fasse la preuve qu’elle n’est pas partie prenante directe dans ce type d’affrontement régional.

    Autre dossier en réexamen, les engagements offerts par Washington en échange d’un rapprochement de quatre pays arabes avec Israël. Est que l’on peut, là aussi, imaginer un retour en arrière sur ce dossier ?

    Biden lui-même a dit qu’il n’entendait pas remettre en cause cette politique de reconnaissance bilatérale de quatre États arabes (Émirats, Bahreïn, Maroc et Soudan) de l’État d’Israël. Donc, il n’y aura pas de rupture à attendre puisque Biden a dit qu’il approuvait cette diplomatie un peu étrange de troc par laquelle les États-Unis consentaient un certain nombre d’avantages à des pays arabes qui, en échange, reconnaissaient l’État d’Israël.

    Mais, il y a un deuxième point qui est peut-être encore plus important, c’est que Biden brûle d’envie bien entendu de pouvoir avancer sur le dossier iranien. Et donc il va se mettre Benyamin Netanyahu à dos. On sent bien qu’il y a en Israël une très grande méfiance à l’égard des intentions prêtées au nouveau locataire de la Maison Blanche. Donc, on ne peut pas blesser Netanyahu deux fois. Les concessions que les États-Unis feront peut-être en direction de l’Iran l’empêchent d’avancer sur le dossier palestinien et de mettre à nouveau à mal les relations entre Washington et Tel Aviv. Donc, il n’y a pas grand-chose à attendre du côté de ce dossier. Peut-être que les F35 promis aux Émirats ne seront pas livrés aussi facilement que prévu. Peut-être que la reconnaissance par les États-Unis de la souveraineté marocaine sur le Sahara Occidental ne sera pas aussi formalisée qu’on pouvait l’espérer à Rabat. Il y aura probablement des corrections à la marge, mais il n’y aura certainement pas de modification profonde dans la politique à l’égard d’Israël et de la Palestine. Encore une fois, ce sont les Palestiniens qui feront les frais de tous ces deals.

    Press From, 28 jan 2021

    Tags : Sahara Occidental, Maroc, Arabie Saoudite, Emirats Arabes Unis, Soudan, israël, Normalisation,

  • Normalisation avec Israël: Biden va-t-il maintenir les engagements US envers Abou Dhabi, Khartoum et Rabat?

    Par Kamal Louadj

    Washington et Tel-Aviv renforceront leur partenariat sécuritaire «en s’appuyant sur le succès des accords de normalisation conclus par Israël avec les Émirats, Bahreïn, le Soudan et le Maroc», a affirmé le conseiller américain à la Sécurité nationale. Mais, la question sur les engagements US reste posée.

    Samedi 23 janvier, lors d’un entretien téléphonique avec son homologue israélien Meir Ben Shabbat, le nouveau conseiller américain à la Sécurité nationale Jake Sullivan a assuré que son pays allait soutenir tous les accords de normalisation conclus par Israël avec des pays arabes, surnommés «Accords d’Abraham», indique un communiqué de la Maison-Blanche publié sur son site.

    Affirmant que Washington tient «à la sécurité d’Israël», le responsable n’a cependant pas précisé si les décisions liées à la vente d’avions de combat F-35 aux Émirats arabes unis, à la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental et au retrait du Soudan de la liste des pays sponsors du terrorisme international allaient être maintenues.

    «Un engagement sans faille»

    Durant l’entretien, M.Sullivan a souligné «l’engagement sans faille du Président Biden pour la sécurité d’Israël». Les deux hommes «ont discuté des possibilités de renforcer le partenariat au cours des prochains mois, notamment en s’appuyant sur le succès des accords de normalisation conclus par Israël avec les Émirats arabes unis, Bahreïn, le Soudan et le Maroc».

    Enfin, Jake Sullivan a assuré que «les États-Unis consulteront étroitement Israël sur toutes les questions de sécurité régionale».

    Des engagements «à examiner attentivement»

    Lors de leur audition au Congrès pour confirmation de leur nomination, le chef du département d’État Antony Blinken et le secrétaire à la Défense Lloyd Austin s’étaient exprimés sur les engagements pris par Donald Trump dans le sillage des accords de normalisation.

    «Il y a certains engagements qui ont pu être pris dans le contexte de la normalisation de leurs relations avec Israël par ces pays, que je pense que nous devrions examiner attentivement, et j’imagine que le comité [Commission des Affaires étrangères du Sénat, ndlr] est du même avis», avait répondu M.Blinken à un membre du Congrès, reliait l’Institut de Washington pour la politique proche-orientale.

    Dans le même sens, il a ajouté qu’il applaudissait «le travail qui a été fait pour faire avancer la normalisation avec Israël», espérant pouvoir «également bâtir sur cet acquis».

    Lloyd Austin, pour sa part, avait répondu au sénateur James Inhofe, président de la commission des Forces armées, que la reconnaissance américaine de la marocanité du Sahara occidental «est une question que je voudrais certainement examiner de plus près, monsieur le président, avant que je vous donne une réponse détaillée».

    Enlisement de la situation au Sahara occidental

    La reconnaissance unilatérale américaine le 10 décembre de la souveraineté du Maroc sur le territoire du Sahara occidental a été décidée après l’intervention le 13 novembre de l’armée marocaine pour prendre le contrôle du passage frontalier de Guerguerat.

    Suite à cette action armée, le Président de la République arabe sahraouie démocratique (RASD) Ibrahim Ghali avait signé un décret mettant fin à l’engagement de la RASD à respecter l’accord de cessez-le-feu avec le Maroc signé en 1991 sous les auspices de l’Onu.

    Dimanche 24 janvier, le ministère sahraoui de la Défense a annoncé de nouvelles opérations militaires menées la veille contre les unités de l’armée marocaine déployées au passage de Guerguerat, d’après l’agence officielle sahraouie (SPS). C’est le 73e jour consécutif d’attaques contre les forces marocaines le long du mur de séparation, ajoute la même source.
    Les autorités marocaines affirment quant à elles que la situation est calme au passage de Guerguerat et que le trafic commercial se poursuit normalement dans cette zone.

    Sputnik, 26 jan 2021

    Tags : Sahara Occidental, Maroc, Arabie Saoudite, Emirats Arabes Unis, Soudan, israël, Normalisation,

  • Pourquoi Biden interrompt la vente d’armes avec l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis

    Biden semble avoir une approche différente de son prédécesseur envers ses deux alliés du Golfe. Mais dans quel but ?

    Précisons d’emblée qu’il s’agit d’un gel temporaire. Et que les contrats signés précédemment seront bien exécutés. Il met toutefois sur pause un accord de livraison de 50 avions de combat F-35 aux Émirats arabes unis, ainsi que d’autres armes à l’Arabie saoudite.

    Comment comprendre ce blocage ? Il faut d’abord se replonger dans l’administration Trump. Le président sortant a eu une stratégie claire durant son mandat: pacifier les relations entre les pays arabes et Israël.

    Cela s’est matérialisé de plusieurs façons:

    Les Émirats arabes unis ont officialisé leurs relations diplomatiques avec l’État hébreu contre la vente de F-35.
    L’administration Trump a reconnu la souveraineté du Maroc sur le territoire contesté du Sahara occidental après que Rabat a normalisé ses relations avec Israël.
    L’Arabie saoudite a été le premier pays arabe à faire un pas vers Israël contre une très grande quantité d’armes livrées par les Etats-Unis. Le pays de Mohammed ben Salmane est l’un des plus grands importateurs d’armes au monde.
    En outre, il y a aussi eu la pacification entre L’Arabie saoudite et le Qatar.

    En toile de fond, le conflit avec l’Iran. Le point commun qui rassemble les pays du Golfe. C’était le point central de la stratégie menée par Trump et son gendre, Jared Kushner.

    Que veut faire Biden ? L’administration Biden ne compte pas inverser la politique américaine envers l’Iran. D’ailleurs, un bombardier B-52 a été envoyé hier pour survoler le Golfe persique, escorté par des avions saoudiens et jordaniens. Ce que faisait régulièrement l’administration Trump. Le message: ‘Montrer l’engagement des États-Unis en faveur de la sécurité dans la région’, a expliqué le commandement central de l’armée américaine (CENTCOM).

    Ceci étant dit, Biden, qui s’affiche du côté des droits de l’homme, ne compte pas signer un chèque en blanc aux pays arabes concernés. Antony Blinken, le nouveau secrétaire d’État, a déclaré aux journalistes examiner les engagements pris par l’administration précédente.

    Concernant l’Arabie saoudite, Antony Blinken a en tête l’affaire Khashoggi et le récent conflit avec le Yémen. Le soutien américain pourrait être conditionné. Il en est de même pour les Émirats arabes unis qui ont également participé au conflit contre les rebelles Houthis, alliés de l’Iran, qui se sont emparés de la capitale yéménite en 2014. Les organisations humanitaires y ont pointé du doigt de nombreuses exactions.

    ‘Nous avons vu une campagne [au Yémen], menée par l’Arabie saoudite, qui a également contribué à ce qui, selon de nombreuses estimations, est la pire crise humanitaire dans le monde aujourd’hui, et cela en dit long’, a déclaré M. Blinken, dans des propos repris par le Wall Street Journal.

    D’un autre côté, les États-Unis ne sont pas prêts à lâcher leurs alliés historiques dans la région. Il s’agit là aussi d’un message. Alliés, oui, mais pas à n’importe quel prix.

    Wallonie
    La vente d’armes à l’Arabie saoudite est une critique récurrente contre la Wallonie, dont l’industrie des armes est florissante. En 2018, la Wallonie a exporté pour 950 millions d’euros d’armes en tout.

    Si son principal marché est le marché nord-américain, la Région wallonne a tout de même vendu pour 225 millions d’euros à l’Arabie saoudite et 6,5 millions d’euros aux Émirats arabes unis.

    Pointée du doigt par Amnesty, la Wallonie n’a jamais vraiment agi contre l’un de ses fleurons. Elio Di Rupo, ministre-président wallon, a toutefois déclaré début 2020 suspendre les accords avec l’Arabie saoudite concernant ‘les forces aériennes’ ainsi qu’en direction du ministère de la défense saoudien. Les licences à destination de la Garde royale et la Garde nationale du pays ont toutefois été exécutées.

    Source: Wall Street Journal

    Business AM, 28 jan 2021

    Tags : Etats-Unis, USA, Arabie Saoudite, Emirats Arabes Unis,

  • Etats-Unis: Biden suspend des ventes d’armes à Ryad et de chasseurs F-35 aux Emirats

    La mesure est spectaculaire car elle concerne notamment des munitions de précision promises à l’Arabie saoudite, et des F-35 vendus aux Emirats arabes unis en échange de la reconnaissance par ce pays du Golfe de l’Etat d’Israël, sous l’égide de Donald Trump.

    Le nouveau gouvernement américain de Joe Biden a suspendu des ventes d’armes à l’Arabie saoudite et de chasseurs F-35 aux Emirats arabes unis afin de « réexaminer » la décision prise sous la présidence de Donald Trump, a-t-on appris mercredi du département d’Etat américain.
    Washington « suspend temporairement la mise en œuvre de certains transferts et ventes en cours de matériel de défense américain », « pour permettre aux nouveaux dirigeants de les réexaminer », a assuré un responsable interrogé par l’AFP. Il s’agit de « faire en sorte que les ventes d’armes par les Etats-Unis répondent à nos objectifs stratégiques », a-t-il ajouté, évoquant « une mesure de routine administrative typique de la plupart des transitions ».
    La mesure est toutefois spectaculaire car elle concerne notamment des munitions de précision promises à l’Arabie saoudite, et des F-35 vendus aux Emirats arabes unis en échange de la reconnaissance par ce pays du Golfe de l’Etat d’Israël, sous l’égide de Donald Trump.
    Ryad, très proche allié des Etats-Unis notamment sous l’administration Trump, dirige une coalition militaire en soutien du gouvernement du Yémen dans le conflit qui l’oppose aux rebelles Houtis, appuyés par l’Iran. Les Emirats en font aussi partie. Or les démocrates et certains républicains dénoncent depuis longtemps le soutien américain à cette coalition, accusée de nombreuses bavures contre les civils.
    Le Soir.be, 27 jan 2021
    Tags : Etats-Unis, Arabie Saoudite, Emirats Arabes Unis, EAU, UAS, Joe Biden, armes, F-35,
  • Les accords d’Abraham ont sapé la paix indispensable avec les Palestiniens


    Par Ghassan Michel Rubeiz

    Depuis de nombreuses décennies, je préconise la paix entre Israël et les Palestiniens. ( Justice et Intifada: les Palestiniens et les Israéliens parlent de la paix, Friendship Press, 1991; Unified in Hope: les Arabes et les Juifs parlent de la paix , publications du COE, 1987). Malheureusement, j’ai vu le «processus de paix» être exploité, maintes et maintes fois, avec des tactiques évolutives pour adoucir les attitudes envers l’injustice.

    Il est difficile d’imaginer que quelque chose de bon puisse sortir d’un projet politique dirigé par le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, gardien du statu quo, le président américain le plus unilatéraliste Donald Trump et certains dirigeants imprudents du Golfe arabe. Pourtant, le dernier produit de «paix» au Moyen-Orient récemment sorti de Tel-Aviv, de Washington et du Golfe a reçu une réaction plutôt favorable dans les médias occidentaux.

    Je parle des soi-disant accords d’Abraham, une récente vague d’accords de «normalisation» entre Israël et les Émirats arabes unis, Bahreïn, le Soudan et le Maroc. Ces accords ont été intelligemment conçus pour influencer l’opinion publique. Ils sont présentés comme des initiatives de paix, de réconciliation (entre les communautés religieuses) et de mesures de défense justifiables contre un adversaire «belligérant» commun, à savoir l’Iran.

    Tout en critiquant surtout le président Trump, les médias occidentaux ont été indulgents envers le président américain en ce qui concerne sa politique sur Israël. Et pour les accords d’Abraham, les commentateurs américains ont donné un soutien inhabituel; le message de «paix» a été efficace. Pour illustrer, dans le numéro du 1er janvier du Washington Post, Marc A. Thiessen met en évidence les 10 meilleures choses que Trump a faites en 2020. Le chroniqueur affirme que Trump a «transformé le Moyen-Orient» avec les accords d’Abraham: le président américain a «négocié» quatre Les accords de paix israéliens. Une telle réalisation «digne d’un prix Nobel» a démontré qu’il pouvait y avoir «une paix séparée sans les Palestiniens». Le parti pris de Thiessen devient clair quand on regarde le reste ses 10 «meilleures choses»; la réalisation la plus étonnante répertoriée est «l’amélioration de la vie d’une majorité d’Américains ».Comme le reste des analystes qui trouvent des signes d ‘«espoir» dans ces accords, Thiessen n’explique pas comment Israël fait progresser la paix dans la région. En ignorant le fait qui donne à réfléchir que la population palestinienne sous la sphère de contrôle d’Israël – c’est-à-dire ceux qui vivent entre le Jourdain et la mer Méditerranée – a déjà dépassé la population juive israélienne? L’apartheid doit-il être ignoré à jamais? Comment parvenir à la paix en élargissant constamment les colonies, en élargissant les annexions, en promulguant deux poids deux mesures et en violant les accords internationaux établis sur la guerre et la gouvernance? Cliquez ici .

    On se demande comment Abraham-ic (œcuménique) sont ces accords. Le nom biblique Abraham est généralement utilisé pour mettre en évidence les points communs entre les trois religions monothéistes enracinées au Moyen-Orient: le judaïsme, le christianisme et l’islam. Les accords qui lient Israël fort à quatre pays arabes sunnites peu sûrs, censés affronter la République islamique (chiite) d’Iran, ne sont pas en harmonie avec l’esprit du patriarche de l’Ancien Testament. Abraham des temps modernes parle d’œcuménisme, pas d’accords politiques.
     
    Et dans quelle mesure ces actes de normalisation sont-ils «normaux»? Les accords d’Abraham ne constituent pas un véritable mouvement de réconciliation entre Arabes et Juifs, comme ses auteurs le prétendent. Il n’y a absolument aucun remède contre les tensions régionales, ce que font ces accords. Depuis que ces accords ont émergé, les observateurs internationaux ont regardé si Trump et / ou Netanyahu lanceraient une attaque aérienne sur les sites nucléaires iraniens. Washington et Tel Aviv poussent de plus en plus Téhéran à riposter, peut-être pour préparer le terrain à une contre-attaque collective contre la République islamique. Regardez les nouvelles quotidiennes au cours des prochaines semaines alors que Trump et Netanyahu cherchent des moyens de maintenir la légitimité, le pouvoir et l’influence.  Cliquez ici .

    Chacun des cinq États impliqués dans les accords d’Abraham a ses propres raisons de normalisation. Israël parvient à détourner l’attention du monde de son occupation en concluant des «accords» de paix avec des «Arabes modérés», c’est-à-dire des sunnites non palestiniens. Bahreïn cherche à s’abriter de l’Iran et de la montée des troubles intérieurs; à Manama, la royauté sunnite règne sur une population majoritairement chiite. Le Maroc se normalise avec Israël, en partie, afin de recevoir la reconnaissance par le président Trump de sa prétendue souveraineté sur le territoire du Sahara occidental. Washington récompense le Soudan pour sa normalisation en le retirant de la liste des États terroristes. Et Washington récompense la conformité des Émirats arabes unis en vendant à Abu Dhabi des armes lourdes et meurtrières que les émirats fragiles ont utilisé imprudemment dans la guerre désastreuse au Yémen. Cliquez ici .

    En résumé, les accords de normalisation entre Israël et les Émirats arabes unis, Bahreïn, le Soudan et le Maroc sont en fait des actes de normalisation de l’injustice.

    Le printemps arabe sert de toile de fond aux accords d’Abraham. Les accords ressemblent à des mesures désespérées de la part de régimes arabes du Golfe très peu sûrs qui cherchent la protection d’un État colonial puissant. Et Israël, ironiquement l’agence de l’abri et du confort, légitime son occupation tout en se mobilisant avec les nations arabes sunnites contre l’Iran chiite.

    Marc A. Thiessen rêve-t-il d’un prix Nobel pour les accords d’Abraham?

    The Arab Daily News, 3 jan 2021

    Tags : Proche Orient, Palestine, Israël, normalisation, Maroc, Soudan, Emirats Arabes Unis, EAU, UAE, Sahara Occidental, Iran, sunnistes, chiites,

  • La recomposition géo-politique programmée du Moyen Orient

    par Pierre Hillard

    Les tensions et les violences qui secouent le Moyen-Orient depuis l’intervention israélienne au Liban, le 12 juillet 2006, ne sont que la partie visible d’un immense enjeu politique, économique, religieux et philosophique opposant l’Occident aux Etats islamiques de la région. L’occupation américaine de l’Irak en mars 2003 a permis le lancement d’un projet révolutionnaire en vue de remodeler une vaste zone géographique allant du Maroc au Pakistan: le Grand Moyen-Orient. Derrière cette appellation, c’est une recomposition profonde qui attend ces pays musulmans. Beaucoup de théories et de supputations courent sur les ambitions des Etats-Unis et d’Israël au sujet de la politique poursuivie par leurs dirigeants. Cependant, des signes avant-coureurs apparaissent et permettent d’apercevoir concrètement les plans en cours. C’est tout l’enjeu des cartes ci-jointes appelant à recomposer le Moyen-Orient.

    Ces cartes (« before » : situation en 2006 (ci-dessus) et « after » : situation après recomposition (ci-dessous)) sont parues dans une revue militaire américaine, AFJ (Armed Forces Journal), en juin 2006 sous la plume d’un lieutenant-colonel américain à la retraite, Ralph Peters. Ce dernier s’est illustré dans une division d’infanterie mécanisée à partir de 1976 pour, ensuite, poursuivre ses activités dans le renseignement militaire en 1980. Auteur de nombreux ouvrages traitant de la stratégie et des relations internationales, Ralph Peters s’est retiré officiellement de l’armée en 1999. Cependant, ses contacts restent étroits avec ce milieu puisqu’il fait partie de l’équipe dirigeante d’AFJ. Cette revue n’est qu’une partie d’un véritable empire de la presse militaire américaine. Fondé en 1863, ce mensuel s’adresse aux officiers des Etats-Unis traitant de sujets aussi variés comme : la technologie militaire, la logistique, la stratégie, la doctrine ou encore la tactique. En fait, AFJ est coiffé par une maison mère, Army Times Publishing Company, dont les publications s’articulent autour de trois axes :

    The Military Times Media Group qui publie: Army Times, Navy Times, Air Force Times et Marine Corps Times.
    The Defense News Media Group, groupe mondial des revues de défense et qui publie: Defense News, Armed Forces Journal (AFJ), Training § Simulation Journal et C4ISR Journal (renseignement, surveillance et reconnaissance).

    The Federal Times, hebdomadaire d’informations traitant des nouvelles technologies et des sujets financiers.

    Depuis le 1er août 1997, Army Times Publishing Company est une filiale d’un groupe encore plus puissant, la société Gannett. Fondé en 1906 par Frank Gannett, cet empire de presse et des médias publie aux Etats-Unis près de 90 quotidiens dont les plus connus sont USA Today et USA Weekend et contrôle 22 stations de télévision. Ses activités débordent aussi au Royaume-Uni puisque 17 quotidiens sont sous son influence. L’ensemble génère des revenus financiers colossaux estimés à 7,6 milliards de dollars pour 2005.

    Cette présentation permet de mieux saisir dans quel milieu la revue AFJ évolue et la signification des travaux de Ralph Peters. En effet, les propositions de ce dernier et les appels lancés à un changement radical des frontières du Moyen-Orient ne sont évidemment pas le résultat des réflexions d’un seul homme soucieux d’occuper son temps. De nombreuses études ont été lancées au sein des instances militaires américaines comme dans de nombreux think tanks appelant à revoir les limites frontalières de ces Etats. Comme le montre la carte (« after »), les modifications apportées aux frontières sont le fruit d’une lente mais sûre réflexion intellectuelle dont la publication dans une revue militaire américaine de haut rang n’est pas l’effet du hasard. Le but recherché est aussi de tester les réactions en particulier celles des musulmans de la région. Cela dit, il ne faut pas voir ce document comme définitif. En fait, c’est un prototype susceptible de connaître des changements que certains appelleraient des variables d’ajustement. En réalité, l’intérêt majeur de ces travaux est de révéler que les instances militaires et politiques des Etats-Unis se sont résolument engagées dans un domaine en n’hésitant plus à l’officialiser. En même temps, cette entreprise doit se faire en adéquation avec Israël concerné au premier chef par ces bouleversements. A l’égard de ce pays, Ralph Peters se définit comme un ami « de longue date » (New York Post, 22 juillet 2006).

    L’article de ce militaire américain, intitulé « Frontières ethniques, que faire pour améliorer le Moyen-Orient », part du principe qu’il faut lever le tabou de la sacro-sainte frontière inamovible. Pour l’auteur, les nouvelles frontières doivent se modeler en fonction du critère ethnique et confessionnel. Même s’il n’est pas possible de tracer des frontières respectant la totalité des particularismes en tout genre nombreux et numériquement très variables, il faut pour Ralph Peters se rapprocher au maximum de ce concept.

    Comme il le souligne : « Nous parlons de difformités énormes faites par les hommes qui n’arrêteront pas de générer la haine et la violence tant qu’elles n’auront pas été corrigées ». Dans son esprit, il s’agit de remettre radicalement en cause les frontières nées des Accords Sykes-Picot de 1916 préparant le démantèlement de l’Empire ottoman.

    En observant l’ensemble de cette zone en partant de la Péninsule arabique, on constate immédiatement le démantèlement du royaume d’Arabie Saoudite. Les propos de l’auteur sont très clairs à l’égard d’un pays qui a bénéficié de la protection américaine suite aux discussions entre le président Roosevelt et le roi Ibn Saoud, le 14 février 1945, à bord du croiseur USS Quincy. Désormais, le royaume d’Arabie Saoudite passe à la trappe. Deux grandes entités territoriales échappent à l’autorité de Riyad. Sur la côte Ouest, il s’agit de créer un « Etat sacré islamique ». Comme le précise Ralph Peters dans des propos lourds de conséquences : « La cause principale de la large stagnation du monde musulman réside dans le traitement réservé à la Mecque et à Médine considérés comme leur fief par la famille royale saoudienne. Les lieux saints de l’Islam soumis au contrôle de la police d’Etat de la part d’un des plus bigots et oppressifs régimes au monde ont permis au Saoud (ndlr : la famille régnante d’Arabie Saoudite) de projeter leur croyance wahhabite à la fois intolérante et disciplinée au-delà de leurs frontières. (…) Imaginez comme le monde musulman se sentirait mieux si la Mecque et Médine étaient dirigés par un Conseil représentatif tournant issu des principales écoles et mouvements de l’Islam dans le monde au sein d’un Etat sacré islamique – une sorte de super Vatican musulman – où l’avenir de la foi serait débattu au lieu d’être arbitrairement fixé ».

    Ce point est capital puisqu’il révèle la volonté de réformer l’Islam afin de l’adapter aux principes occidentaux. Une sorte « d’Islam des Lumières » élaboré au cœur de cet Etat sacré islamique permettrait de rayonner sur l’ensemble du monde musulman et de remodeler les esprits afin qu’ils épousent pleinement la philosophie mondialiste. Il est vrai que contrôler les esprits a toujours permis de contrôler les hommes. C’est d’ailleurs dans le même ordre d’idée que l’on retrouve ces mesures préconisées par la Fondation Bertelsmann, think tank allemand qui, dans ses travaux débattus dans le cadre des « Discussions de Kronberg » en 2002 et 2003 (Europe, the mediterranean and the Middle East, strengthening responsibility for stability and development et Die Zukunft der europäischen Politik im Nahen Osten nach dem Irak Krieg), relève l’inadéquation de l’Islam à l’évolution du monde moderne et prône une refonte des mentalités et la remise en cause des frontières. Ces recommandations allemandes soulignent aussi la convergence des buts à atteindre de part et d’autre de l’Atlantique pour refondre entièrement le Moyen-Orient. Il est vrai aussi que les concepts ethno-confessionnels développés par Ralph Peters cadrent parfaitement avec la vision ethniciste germanique.

    Sur la côte du Golfe persique, c’est la province de Hassa dont la population est majoritairement chiite qui est détachée de l’Arabie Saoudite et intégrée à un « Etat chiite arabe », vestige d’un Irak littéralement explosé. L’application de cette mesure entraînerait la mort économique du royaume car c’est à cet endroit que se concentre l’essentiel de l’extraction des hydrocarbures autour de la triade Dammam-Dharhan-Al-Khobar. L’Etat chiite arabe verrait ses réserves pétrolières et gazières monter en flèche et deviendrait incontournable car, outre les vastes ressources de Hassa et de la production off-shore, il faudrait ajouter celles de la région de Bassora (ex-Irak) et des provinces arabes iraniennes, détachées de Téhéran, riches en hydrocarbures jouxtant le Chatt el-Arab (Arabes chiites du Khouzistan et Arabes sunnites du Bouchir). De plus, Riyad perdrait ses provinces du Sud (Jizrane, Najran et l’Assir) au profit du Yémen, territoires acquis en 1934 lors du Traité de Taëf, et qui ont conservé leur identité yéménite. Enfin, la curée sera complète avec l’octroi d’une façade maritime à la Jordanie, Etat pro-occidental, en arrachant à l’Arabie Saoudite les provinces de Tabouk et une partie du Jouf.

    La destruction du royaume des Al Saoud affichée par la carte (« after ») de Ralph Peters n’est que la confirmation de projets élaborés au sein de certaines instances américaines. David Rigoulet-Roze, spécialiste du Moyen-Orient, dans son ouvrage « Géopolitique de l’Arabie Saoudite » (Editions Armand Colin) le souligne clairement :

    « Il y eut notamment la publication le 6 août 2002, par le Washington Post, d’un briefing qui a eu lieu le 10 juillet 2002 au Defense Policy Board (DPB, ndlr : organisme de planification stratégique créé en 1985 par Donald Rumsfeld), alors dirigé par le très influent Richard Perle, surnommé le Prince des ténèbres lorsqu’il officiait au Pentagone entre 1981 et 1987 sous l’administration Reagan. Au cours de ce briefing, l’Arabie Saoudite avait été qualifiée par Laurent Murawiec, un analyste du prestigieux centre de recherches stratégiques de la Rand Corporation, de pays ennemi. (…) Pire encore, Murawiec avait évoqué la légitimité de sanctions, dont le gel des avoirs saoudiens, voire… la scission de la province orientale du royaume renfermant ces gisements et ces réserves pétrolières qui font de l’Arabie le maître du quart des réserves d’or noir.

    (…) Quelques temps seulement après l’affaire Murawiec, c’était au tour d’un think tank proche des néo-conservateurs, le Hudson Institute – dont Perle est membre, et où officie désormais Murawiec – de reprendre et de développer les idées avancées par le DPB. Etait alors ouvertement évoqué un plan de démantèlement de l’Arabie Saoudite qui, en réalité, existe depuis la fin des années 70, à l’initiative d’Henry Kissinger, alors Secrétaire d’Etat de l’Administration Nixon. (…) C’est également dans le même ordre d’idées que semble s’inscrire un rapport remontant à la fin de l’année 2002, circulant au plus haut niveau dans les milieux officiels de Washington. Il envisagerait rien moins que le démembrement pur et simple de l’Arabie Saoudite selon le scénario suivant : les Lieux saints de la Mecque et de Médine se verraient confiés aux Hachémites qui, en tant que descendants du Prophète, bénéficient d’une légitimité qui fait largement défaut à la dynastie des Al Saoud et la province du Hassa serait poussée à faire sécession dans le but de se constituer en Emirat pétrolier. »

    Les révélations de ce spécialiste français continuent sur la même lancée puisqu’il affirme la volonté des Etats-Unis de favoriser une « recomposition politique radicale du Moyen-Orient qui passerait notamment en Irak même par une dévolution du pouvoir à la majorité chiite par les grâces d’une démocratie arithmétique ». C’est justement ce que révèle la carte (« after ») de Ralph Peters où l’Etat irakien a disparu au profit d’un Etat chiite arabe et d’un résidu appelé « Irak sunnite » que le militaire américain propose même d’unifier à la Syrie qui, entre-temps, a perdu sa façade maritime au profit d’un Grand Liban. Il est même évoqué sous sa plume la renaissance de l’antique Phénicie (Phoenecia reborn) tandis que l’Etat d’Israël est conservé dans ses frontières d’avant 1967. Il est étonnant de constater, en raison du véritable chambardement des frontières au Moyen-Orient, que Ralph Peters conserve le territoire de la Cisjordanie (West Bank) au rang de statut indéterminé. Peut-être que le statut définitif de Jérusalem, siège de trois grandes religions, nécessite de ne pas révéler tout de suite l’avenir d’une zone éminemment convoitée.

    En tout cas, la partition de l’Irak sur la carte (« after ») commence à prendre forme sur le terrain. L’ambassadeur britannique à Bagdad, William Patey, et le général américain John Abizaid ont clairement affiché leurs craintes d’une guerre civile suivie d’une division du pays comme l’a révélé un document confidentiel publié par la BBC (Spiegelonline, 3 août 2006). Leurs affirmations ne font que confirmer les propos du journal d’Istanbul, Vatan, qui évoquait les propos tenus à des représentants turques par des responsables américains, début 2006, au sein des think tanks de Washington : « Arrêtez de vous soucier de l’intégrité territoriale de l’Irak. En réalité, ce pays est déjà divisé ! Vous [les Turcs] feriez mieux de vous préoccuper maintenant de votre Sud-Est [région à majorité kurde]. Essayez d’imaginer quelles seront les répercussions de l’autonomie du Kurdistan irakien dans votre pays » (Courrier International n°805).

    C’est d’ailleurs le même son de cloche de la part des dirigeants européistes de Bruxelles qui susurrent à Ankara que « Si la Turquie se séparait de son Sud-Est, elle entrerait plus facilement dans l’Union européenne » (Courrier International n°805). L’ethno-régionalisme prôné par les instances bruxelloises ne ferait qu’accélérer le phénomène de décomposition de l’Etat turc. Finalement, les propos de Ralph Peters ne font que confirmer ces prises de position puisqu’il ajoute qu’un cinquième de la partie Est de la Turquie est un « territoire occupé » et qu’un « Kurdistan libre, s’étendant de Diyarbakir jusqu’à Tabriz deviendrait l’Etat le plus occidental entre la Bulgarie et le Japon ».

    La création d’un Etat kurde (Free Kurdistan) construit à partir des territoires Sud-Est de la Turquie, du Nord de la Syrie et de l’Irak, et de l’Ouest de l’Iran aboutirait à l’émergence d’un bloc estimé à environ 30 millions d’habitants. Fort des installations pétrolières de Kirkouk, cet Etat kurde pro-américain serait avec l’Etat chiite arabe les deux grands pôles de la production d’hydrocarbures et de gaz du Moyen-Orient. L’importance de cet Etat kurde serait d’autant plus grande que l’oléoduc BTC évacue le pétrole de la Mer Caspienne à partir de Bakou (Azerbaïdjan), passe par Tbilissi (Géorgie) pour, ensuite, traverser tout le Sud-Est de la Turquie et aboutir à Ceyhan en Méditerranée. Les Kurdes seraient donc les grands maîtres de ce corridor énergétique voulu par les Américains en 1994. En plus du pétrole, il faut ajouter l’autre grande richesse, l’eau. Le « Grand projet anatolien » (GAP) poursuit l’objectif, grâce à 22 barrages, de dompter le Tigre et l’Euphrate qui prennent leurs sources dans les montagnes kurdes. L’achèvement de ce projet qui doit avoir lieu vers 2013, permettant l’irrigation de 1,7 million d’hectares et la production d’électricité, sera une arme redoutable aux mains de l’Etat kurde et pèsera lourdement sur la vie des habitants de tout le Moyen-Orient.

    A l’Est des Etats kurdes et chiites, l’Iran est remodelé en fonction des critères ethniques. Après avoir cédé sa partie kurde, la zone turcophone du Nord est octroyée à l’Azerbaïdjan. En revanche, la province iranienne du Khorasân s’agrandit vers l’Est en acquérant le territoire Ouest de l’Afghanistan, la région de Hérat, en conformité avec la volonté de Ralph Peters de reconfigurer la région selon les critères ethno-linguistiques. Comme le confirme Bernard Hourcade, directeur au CNRS (équipe de recherche : monde iranien), dans son ouvrage « Iran, nouvelles identités d’une République » (Editions Belin) : « L’immense province de Khorasân, (…) les limites anciennes incluaient les régions de Hérat dans l’actuel Afghanistan et celles de Samarcande et Boukhara en Ouzbékistan ». Enfin, un « Baloutchistan libre » (Free Baluchistan) est créé à partir des deux entités iraniennes et pakistanaises tandis que l’Afghanistan se voit agrandi au dépens du Pakistan jusqu’au fleuve Indus afin d’y rattacher les populations pachtounes. L’Etat pakistanais réduit de près de la moitié de sa superficie verrait sa puissance économique fortement amoindrie au point d’être incapable de servir d’allié de revers au profit de la Chine face à l’Inde. Sur ce point, les Etats-Unis seraient gagnants. Seuls des Etats comme Oman, le Qatar, les Emirats arabes unis et le Koweït échappent à ces modifications. Cependant, cette carte (« after ») étant un prototype, rien n’interdit à leurs concepteurs de se rattraper. En tout cas, la finalité américaine est de contrôler tout ce Moyen-Orient par la parcellisation ethnique et religieuse selon le bon vieux principe « diviser pour régner ». Les Etats-Unis, cherchant à s’assurer la production d’hydrocarbures à leur profit, seraient en mesure de priver la Chine, puissance montante et rivale, de l’arme énergétique si nécessaire à son accession à la cour des grands.

    L’impression générale qui se dégage du remodelage annoncé par cet auteur comme de la part de nombreux think tanks américains et allemands est celle d’un bouleversement mettant à feu et à sang ces pays du Moyen-Orient. En effet, on ne voit pas ces Etats se laisser charcuter, voire disparaître, sans se laisser faire. Comment réagira, par exemple, le Pakistan qui possède l’arme nucléaire ? En réalité, l’objectif est d’intégrer ces immenses territoires à la sphère d’influence occidentale. Le discours de Joschka Fischer à la 40è Conférence de Munich sur la politique de sécurité dans le cadre de l’OTAN, le 7 février 2004, annonçait la volonté du monde occidental de mettre ces pays du Moyen-Orient aux normes euro-atlantistes. Ces mesures furent confirmées par « l’alliance germano-américaine pour le XXIè siècle » signée, le 27 février 2004, entre le président Bush et le chancelier Schröder à Washington, annonçant la couleur : « Nous devons construire un véritable partenariat qui relie l’Europe et l’Amérique aux Etats du Proche et Moyen-Orient (…) ». Cette immense construction politique et métaphysique doit obligatoirement obéir à des règles communes qui sont politiques, économiques et civilisationnelles.

    Une logique, mais une logique folle, anime les concepteurs de ce projet. C’est le think tank German Marshall Fund (GMF) qui, indirectement, a révélé l’engagement profond des instances atlantistes. En effet, il s’est engagé sous l’égide du très influent Bruce Jackson à développer une nouvelle politique en Mer Noire intitulée « A new euro-atlantic strategy for the Black Sea region ». Il s’agit en liaison avec l’Union européenne de créer une eurorégion de la Mer Noire qui doit voir le jour pour 2007 selon les affirmations de Giovanni di Stasi, président du Congrès des Pouvoirs Locaux et Régionaux d’Europe (CPLRE). Or une « petite » phrase résume tout. Paru en 2004, le rapport du GMF dans sa préface précise que « La Mer Noire est la nouvelle interface entre la communauté euro-atlantique et le Grand Moyen-Orient ». Une « interface » géographique obéit aux lois de la physique. Pour fonctionner et jouer pleinement sa mission de charnière, cette interface doit s’articuler entre deux mondes, le bloc euro-atlantiste d’une part, et le bloc moyen-oriental d’autre part, régis par les mêmes lois et les mêmes concepts édictés par la philosophie mondialiste. Cela suppose nécessairement une refonte généralisée de cet espace arabo/perse musulman pour qu’il y ait adéquation. Pour réussir cette entreprise, les moyens mis en œuvre risquent d’aboutir à un chaos inimaginable dans cette région et, par ricochet, à l’échelle planétaire. Tout compte fait, les adeptes de cette politique ne font qu’appliquer les fameux vers du poème de Goethe, « l’apprenti sorcier », qui rappelaient : « Les esprits que j’ai réveillés ne veulent plus m’écouter ».

    Pierre Hillard

    Pierre Hillard est docteur en sciences politiques, B.I n°113 (*) est professeur d’histoire-géographie. Il a publié différents articles dans Le Figaro, Géostratégiques, Conflits Actuels, Intelligence et Sécurité, Balkans-Infos.

    Emission « Le Dessous Des Cartes »

    Source : Knowledge-TV

    Tags : Moyen Orient, Proche Orient, Palestine, Syrie, Irak, Arabie Saoudite, Liban, Emirats Arabes Unis,

  • Un Emir d’Abu Dhabi accusé de tentative de viol

    Associated Press
    Le président du festival littéraire britannique Hay a déclaré dimanche que l’événement n’aura plus à Abu Dhabi après que l’un des curateurs du festival ait allégué qu’elle avait été agressée sexuellement par le ministre de la tolérance des Émirats arabes unis alors qu’elle travaillait avec lui. Les avocats de la ministre ont par la suite nié son récit.

    Caitlin McNamara a affirmé avoir été agressée en février par le cheikh Nahyan bin Mubarak Al Nahyan, membre de la famille dirigeante d’Abou Dhabi, a rapporté le Sunday Times.

    Le Times a déclaré que McNamara, qui s’était rendue aux Émirats arabes unis pour travailler au lancement du festival littéraire là-bas, a affirmé qu’elle avait été agressée par le cheikh lors de leur rencontre dans une villa isolée de l’île.

    Les avocats britanniques du cheikh Nahyan ont nié le récit de McNamara, affirmant qu’il était «surpris et attristé par cette allégation».

    Le ministère des Affaires étrangères des Émirats arabes unis, une fédération de sept cheikhs de la péninsule arabique qui abrite également Dubaï, a déclaré qu’il ne commentait pas les questions personnelles. Interrogée sur l’affaire, la police métropolitaine britannique a confirmé qu’une femme avait contacté la force le 3 juillet pour signaler une allégation de viol, et a déclaré qu’une déclaration initiale lui avait été enlevée.

    L’Associated Press ne nomme généralement pas les victimes d’agression sexuelle, mais McNamara a accepté d’être identifiée par le Sunday Times, qui a publié sa photo en première page.

    La présidente du Hay Festival, Caroline Michel, a déclaré que ses collègues étaient déterminés à soutenir McNamara dans la recherche d’une action en justice et a déclaré que le festival ne reviendrait pas à Abu Dhabi tant que le cheikh resterait à son poste.

    « Ce qui est arrivé à notre amie et collègue Caitlin McNamara à Abu Dhabi en février dernier était une violation effroyable et un abus de confiance et de position hideux », a déclaré Michel dans un communiqué.

    «Le cheikh Nahyan bin Moubarak Al Nahyan s’est moqué de ses responsabilités ministérielles et a tragiquement sapé la tentative de son gouvernement de travailler avec Hay Festival pour promouvoir la liberté d’expression et l’autonomisation des femmes», a-t-elle ajouté.

    Le ministère du cheikh a financé le festival de quatre jours à Abu Dhabi, qui a eu lieu fin février et a présenté plusieurs auteurs célèbres.

    Le cheikh Nahyan a reçu une attention internationale alors que les Émirats ont accueilli le pape François et s’orientent vers la normalisation des relations avec Israël tout en accueillant les Juifs dans cette nation gouvernée par les musulmans.

    Tags : Emirats Arabes Unis, Festival de littérature britannique, cheikh Nahyan bin Moubarak Al Nahyan, harcèlement sexuel, viol, Caitlin McNamara,