Étiquette : espionnage

  • Pourquoi la plainte du Maroc est vouée à l’échec

    En France, la plainte portée par l’Etat marocain n’est pas la première dans son genre. Le 27 février 2015, le Maroc a assigné en justice le franco-marocain Zakaria Moumni qui avait dénoncé sur deux chaïnes de télévision françaises des actes de torture à son encontre dans les prisons du roi Mohammed VI.

    Le 10 mai 2019, la Cour de Cassation de Paris s’est prononcé sur l’affaire et son verdict était d’un raisonnement d’une simplicité biblique. Elle a repoussé tous les recours de l’Etat marocain pour défendre sa plainte contre l’ex-champion de boxe marocain. Un État n’est pas un « particulier ». Il ne peut donc engager une procédure en diffamation « envers les particuliers », comme le prévoit la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881.

    Le verdict précise que « l’article 32, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ne permet pas à un Etat, qui ne peut pas être assimilé à un particulier au sens de ce texte, d’engager une poursuite en diffamation ».
    « En droit interne, la liberté d’expression est une liberté fondamentale qui garantit le respect des autres droits et libertés. Les atteintes portées à son exercice doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées à l’objectif poursuivi. Il en est de même au sens de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (pourvoi n° 18-82.737) ».

    « A la supposer invocable, il ne résulte pas de l’article 8 de ladite Convention qu’un Etat peut se prévaloir de la protection de sa réputation pour limiter l’exercice de cette liberté (pourvoi n° 18-82.737). De même, il ne résulte pas de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme que les organes de la Convention peuvent créer, par voie d’interprétation de son article 6, § 1, un droit matériel de caractère civil qui n’a aucune base légale dans l’Etat concerné (pourvois n°s 17-84.509 et 17-84.511) ».

    « Ainsi, il n’existe aucun droit substantiel, dont le droit processuel devrait permettre l’exercice en organisant un accès au juge de nature à en assurer l’effectivité ».

    « En conséquence, aucun Etat, qui soutient être victime d’une diffamation, ne peut agir en réparation du préjudice qui en résulterait ».

    Par conséquent, pour l’action en diffamation intentée par le Maroc devant le Tribunal correctionnel de Paris contre Forbidden Stories et Amnesty International, un État ne peut être victime de diffamation en droit français. De ce fait, il y a lieu de conclure que la plainte de l’Etat marocain n’a d’autre but que celui d’amuser la foule marocaine remontée par les déclarations incendiaires de ses responsables.

    Etiquettes : Maroc, France, Forbidden Stories, Amnesty International, Pegasus, logiciels espions, espionnage, NSO Group,

  • Crise France-Maroc: "Une tempête dans un verre d'eau" (Alain Chouet)

    Alain Chouet (ex-DGSE): «Quand on a des choses secrètes à dire, on le dit sur des réseaux secrets»

    L’un des téléphones du président Emmanuel Macron a-t-il été la cible des services secrets marocains via le logiciel israélien Pegasus ? Oui, selon le consortium de presse Forbidden Stories et l’ONG Amnesty International. Non, réplique le gouvernement marocain, qui menace de lancer des procédures judiciaires contre quiconque l’accuse d’avoir eu recours à ce logiciel d’espionnage. Alain Chouet, ancien maître-espion et chef du service de renseignement de sécurité de la DGSE, est l’invité de RFI.
    RFI : Si l’on en croit le consortium de presse Forbidden Stories et l’ONG Amnesty International, il y a eu une frénésie de surveillance de la part du Maroc. Plus de 10 000 numéros ciblés. Êtes-vous surpris ?
    Alain Chouet : Je suis surtout surpris que cela surprenne tout le monde. Et si nos hommes politiques, nos journalistes et nos médias font l’objet de ce genre d’attaques, c’est parce qu’ils ne prennent pas les précautions élémentaires que tous les services de sécurité français passent leur temps à leur seriner, notamment en matière d’utilisation de téléphone portable. Quand on a des choses secrètes à dire, on le dit sur des réseaux secrets, en tout cas sur des réseaux protégés, et pas sur des Iphone du commerce.
    Donc, vous êtes d’accord avec le sénateur d’opposition (LR) Bruno Retailleau qui dit que, dans l’utilisation de ses téléphones portables, le président Emmanuel Macron a été « naïf » et « imprudent » ?
    Il n’a pas été… Bon, d’abord, je ne connais pas monsieur Retailleau. Mais le président [Emmanuel] Macron a été, comme tous les autres hommes politiques français, on l’a vu avec Nicolas Sarkozy, Bismuth et compagnie, effectivement d’une grande imprudence et d’une grande naïveté dans l’utilisation de ce genre de moyen de communication.
    Mais il faut bien que le chef de l’État puisse converser avec des gens au téléphone !
    Mais, absolument. Mais il a pour cela à sa disposition des services techniques qui seront en mesure de lui fournir des logiciels de cryptage ou des téléphones cryptés qui peuvent très bien être utilisés.
    Alors, vous dites que les Marocains s’intéressent notamment à leur diaspora en Europe et en France. Est-ce à dire qu’ils privilégient la lutte antiterroriste ou est-ce qu’ils sont dans une obsession contre tous les adversaires du « Sahara marocain » ?
    C’est plus large que cela. Les services marocains sont des services extrêmement professionnels, qui fonctionnent à peu près sur le modèle français. Là, ils s’intéressent à tout ce qui intéresse la sécurité du Royaume, c’est-à-dire le terrorisme bien sûr, les problèmes de la relation avec l’Algérie et les problèmes sahraouis, mais aussi l’opposition éventuelle au régime.
    On prête aux services marocains une participation active dans la localisation et la neutralisation d’Abdelhamid Abaaoud, l’un des organisateurs de l’attentat du Bataclan de novembre 2015. Est-ce à dire que les services marocains sont très utiles aux services français ?
    Ils ont toujours été extrêmement précieux, extrêmement utiles. Depuis une cinquantaine d’années, les services marocains et les services français travaillent la main dans la main en matière d’antiterrorisme. Avant, c’était le terrorisme euro palestinien, ou les terrorismes d’État -Iran, Syrie, Libye-, et maintenant, c’est le terrorisme islamiste. Les services marocains ont toujours aidé les services français, mais aussi les services belges ou les services allemands dans la détection et le suivi d’un certain nombre de menaces.
    Vous dites que vous n’êtes pas surpris par tout cela. Mais, tout de même, est-ce que le fait de cibler le téléphone personnel du chef de l’État français n’est pas un acte hostile de la part de l’allié marocain ?
    Oui, si on veut. Mais, les écoutes de la NSA [National Security Agency, l’agence de renseignement américaine chargée des écoutes électroniques] également sur le président de la République [à l’époque de Jacques Chirac, de Nicolas Sarkozy et de François Hollande] ou sur la chancelière allemande Angela Merkel, ce sont aussi des actes hostiles. Et ce que cette histoire révèle, c’est que tout le monde, en tout cas tous ceux qui en ont la possibilité, écoutent les autres dans leurs domaines d’intérêt.
    Est-ce à dire que les services français écoutent le roi Mohammed VI ?
    Ah, ça, je n’en sais rien et même si je le savais, je ne vous le dirais pas. Mais si cela présentait un intérêt quelconque, on a les moyens techniques de le faire.
    Alors vous dites que tout vient de deux services importants à Rabat, la Direction générale des études et de la documentation (DGED) et la Direction générale de la surveillance du territoire (DGST). Quel est le plus puissant des deux ?
    Je pense que c’est le service intérieur, parce que c’est celui le plus impliqué dans la sécurité du Royaume.
    La DGST ?
    Oui, c’est ça. La Direction générale de surveillance du territoire, un héritage de la DST (Direction de la surveillance du territoire] française. C’est certainement le service qui a à la fois le plus de moyens et le plus de puissance.
    Et on dit que son chef, Abdellatif Hammouchi, est l’un des hommes forts du régime. Vous confirmez ?
    Les chefs des services spéciaux, dans tous les pays arabes, sont toujours les hommes forts du régime.
    Oui, mais celui-là en particulier ?
    Celui-là en particulier est un homme fort du régime.
    Vous le connaissez ?
    Pas personnellement. Mais enfin, je vois bien qui c’est. Mais vous savez, [Mohamed] Oufkir était aussi le personnage le plus puissant du régime. On sait comment il a fini !
    Il a essayé de renverser le roi Hassan II [lors d’un coup d’État raté en 1972, au terme duquel il a été éliminé] …
    Donc, les monarques ou les présidents du monde arabe savent très bien que leurs chefs des services spéciaux sont des gens extrêmement puissants et ils les ont extrêmement à l’œil.
    Le roi Mohammed VI lui-même aurait été écouté par ses propres services. Est-ce que c’est crédible ?
    Je n’en sais rien. Il faudrait en avoir la preuve pour pouvoir gloser là-dessus. Moi, je ne sais pas quel est l’état actuel de la relation entre sa majesté le roi et ses services. Je les vois mal prendre le risque de faire quelque chose qu’il n’aurait pas approuvé.
    L’épouse du roi Lalla Salma Bennani sur écoute ?
    C’est pareil. On est à peu près dans la même configuration que pour le roi lui-même.
    « Si les faits sont avérés, ils sont graves », déclare le Premier ministre français, Jean Castex. Est-ce que, après enquête, la France est susceptible d’émettre une vive protestation contre le Royaume marocain ?
    On peut toujours émettre de vives protestations. On a émis aussi de vivres protestations sur les écoutes de la NSA depuis une vingtaine d’années et, régulièrement, on fait une vive protestation. Le résultat n’est pas vraiment tangible. On émettra des vives protestations. On ne va pas aller faire la guerre aux Marocains.
    Est-ce que cela peut changer la vision du Maroc par la France ?
    À mon avis, non. Ça, c’est une tempête dans un verre d’eau. Dans 15 jours, plus personne n’en parlera.
    RFI, 22/07/2021
    Etiquettes : France, Maroc, Emmanuel Macron, espionnage, logiciels espions, ONS Group, Pegasus, Sahara Occidental, lutte antiterroriste,
  • Macron organise aujourd'hui une réunion exceptionnelle sur l'espionnage de Pegasus

    Paris, 22 juil. (EFE) – Le président français Emmanuel Macron organise jeudi une réunion « exceptionnelle » sur le système d’espionnage Pégase avec des membres de son gouvernement pour discuter de l’avancement des enquêtes lancées pour vérifier les révélations de la presse selon lesquelles il figurait lui-même sur la liste des cibles.

    Le porte-parole du gouvernement français, Gabriel Attal, a déclaré à France Inter que M. Macron « suit cette affaire de très près et la prend très au sérieux ».
    D’où ce « conseil de défense exceptionnel » dédié à la cybersécurité et plus particulièrement au système d’espionnage Pegasus, développé par la société israélienne NSO afin que les pays auxquels il a été vendu puissent accéder aux téléphones portables des personnes qu’ils choisissent afin d’accéder à leur contenu et d’avoir accès, par exemple, à leurs caméras et microphones.
    Un consortium de médias internationaux soutenu par Amnesty International a publié ces derniers jours des informations selon lesquelles une douzaine de pays ont utilisé ce système pour tenter d’espionner des journalistes, des défenseurs des droits de l’homme et des hommes politiques.
    Le président français figure sur la liste d’environ 1 000 personnalités en France dont les téléphones ont été ciblés par les services secrets marocains pour être mis sur écoute, selon le consortium Forbidden Stories.
    M. Attal a rappelé que la France a lancé des enquêtes pour vérifier si les numéros de toutes ces personnalités étaient infectés – ce que l’enquête journalistique n’a pas pu prouver – et si, dans ce cas, Pegasus a effectivement absorbé des données ou capturé des conversations et des images des téléphones.
    Il a déclaré que ces enquêtes « progressent » et que si les soupçons sont confirmés, ce serait « très grave ».
    Il ne s’est toutefois pas étendu sur les conséquences que cela pourrait avoir sur les relations privilégiées de la France avec le Maroc, sujet sur lequel tous les responsables français se sont montrés jusqu’à présent très prudents.
    Le porte-parole de l’exécutif s’est défendu contre certains reproches de naïveté qui ont été lancés en direction de Macron ces derniers jours, notamment pour la façon dont il utilise ses téléphones portables, prétendument sans tenir compte des règles de sécurité.
    « Nous ne découvrons pas la question de la cyberdéfense et de la cybersécurité », a-t-il déclaré, avant d’insister sur le fait qu’ »il y a beaucoup de protection » dans l’utilisation des téléphones portables par le président de la République.
    Sans donner de détails « pour des raisons de sécurité », il a précisé que Macron change régulièrement de téléphone portable, que les paramètres sont modifiés et que lorsque l’exécutif organise des vidéoconférences, cela se fait avec des réseaux sécurisés et dans des lieux spécifiquement dédiés. EFE
    Swissinfo, 22/07/2021
    Etiquettes : Maroc, France, espionnage, Emmanuel Macron, logiciels espions, NSO Group,
  • Espionnage marocain : Communiqué du MAE algérien

    L’Algérie exprime sa profonde préoccupation suite aux révélations émanant d’un consortium de nombreux organes de presse de grande renommée professionnelle et faisant état de l’utilisation à large échelle par les autorités de certains pays, et tout particulièrement par le Royaume du Maroc, d’un logiciel d’espionnage dénommé « Pegasus » contre des responsables et citoyens algériens, ainsi que des journalistes et des défenseurs des droits de l’homme à travers le monde.

    L’Algérie condamne vigoureusement cette inadmissible atteinte systématique aux droits de l’homme et libertés fondamentales qui constitue également une violation flagrante des principes et normes régissant les relations internationales.

    Cette pratique illégale, malvenue et dangereuse, met en péril le climat de confiance qui doit présider aux échanges et interactions entre les responsables et représentants des Etats.

    Étant directement concernée par ces attaques, l’Algérie se réserve le droit de mettre en œuvre sa stratégie de riposte, et se tient prête à participer à tout effort international destiné à établir collectivement les faits et à faire la lumière sur la matérialité et l’ampleur de ces crimes qui menacent la paix et la sécurité internationales, ainsi que la sécurité humaine.

    Toute impunité constituerait un précédent extrêmement dommageable à la conduite de relations amicales et de coopération entre les Etats conformément au droit international.

    Source: Akram Kharief, 22/07/2021

    Etiquettes : Maroc, Algérie, espionnage, logiciels espions, ONS Group,

  • Enquête ouverte à Paris sur l’espionnage par le Maroc

    Le parquet de Paris a ouvert mardi une enquête sur l’espionnage de journalistes français dont l’infiltration de téléphones par le logiciel Pegasus pour le compte de l’Etat marocain, a été révélé dimanche par un consortium de médias, a-t-il annoncé dans un communiqué. Cette enquête a été ouverte pour une longue liste de dix infractions dont « atteinte à la vie privée », « interception de correspondance », « accès frauduleux » à un système informatique et « association de malfaiteurs ».

    Elle fait suite à la plainte déposée par le site Mediapart, dont deux journalistes ont été espionnés, à laquelle doit s’ajouter une plainte similaire du Canard enchaîné. L’enquête vise également d’autres infractions d’atteintes à un système informatique, telles que l’introduction, l’extraction et la transmission frauduleuses de données, qui peuvent être potentiellement reprochées aux utilisateurs de Pegasus. Elle concerne aussi la « mise à disposition et détention d’un équipement » permettant des atteintes à un système de données et « l’offre et la vente sans autorisation d’un dispositif de captation de données », qui visent cette fois potentiellement la commercialisation du logiciel et les intermédiaires impliqués.

    Plusieurs médias dont Le Monde, le Guardian et le Washington Post ont révélé dimanche que le fondateur de Mediapart Ewdy Plenel et la journaliste de son média Lénaïg Bredoux avaient été espionnés par les services secrets marocains. Le Canard Enchaîné, lui, aurait été visé notamment à travers son ancienne collaboratrice Dominique Simmonnot, aujourd’hui contrôleure générale des lieux de privation de liberté, qui a également annoncé qu’elle allait saisir personnellement la justice. Les investigations ont été confiées à l’Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication (OCLCTIC), a précisé le parquet.


    Selon l’enquête publiée dimanche par un consortium de 17 médias internationaux, le logiciel Pegasus, élaboré par l’entreprise sioniste NSO Group, aurait permis d’espionner les numéros d’au moins 180 journalistes, 600 hommes et femmes politiques, 85 militants des droits humains ou encore 65 chefs d’entreprise de différents pays. Le logiciel espion Pegasus, introduit dans un smartphone, permet d’en récupérer les messages, photos, contacts et même d’écouter les appels de son propriétaire.

    Ces révélations ont suscité l’indignation dans le monde entier d’organisations de défense des droits humains, de médias et de dirigeants politiques. NSO, régulièrement accusé de faire le jeu de régimes autoritaires, assure que son logiciel sert uniquement à obtenir des renseignements contre des réseaux criminels ou terroristes.

    Le travail mené par les 17 médias, dont les quotidiens français Le Monde, britannique The Guardian et américain The Washington Post, se fonde sur une liste obtenue par le réseau basé en France Forbidden Stories et l’ONG Amnesty International. Elle compte, selon eux, 50.000 numéros de téléphone sélectionnés par les clients de NSO depuis 2016 pour une surveillance potentielle.

    Le Maghreb, 22/07/2021

    Etiquettes : Pegasus, Maroc, espionnage, NSO Group, logiciels espions, Francem journalistes, Médiapart, Le Canard Enchaîné, Forbidden Stories, Amnesty International,

  • "Pegasus": Le logiciel "massivement" utilisé pour espionner les société civiles à travers le monde

    Le quotidien Le Monde a consacré dans son édition du mardi un dossier sur l’affaire lié au logiciel espion « Pagasus » dans lequel a démontré comment un programme censé lutter contre le terrorisme était massivement utilisé pour surveiller les sociétés civiles par plusieurs pays, dont le Maroc. Une enquête internationale de 6 mois réunissant 17 médias, dont « Le Monde », montrent que cet outil, baptisé « Pegasus » officiellement destiné à lutter contre le terrorisme, est massivement utilisé pour surveiller les sociétés civiles. 

    Depuis 2016, 50 000 téléphones ont été sélectionnés comme cibles, un millier en France, notamment pour le compte du Maroc. Hommes politiques, avocats, militants et journalistes sont les premières victimes. C’est un annuaire « ahurissant », dans lequel se trouve un chef d’Etat et deux chefs de gouvernement européens, des dizaines de députés de l’opposition d’un pays africain, des princes et des princesses, des chefs d’entreprise, quelques milliardaires, des ambassadeurs, des généraux. Et puis, aussi et surtout, des centaines de journalistes, d’avocats, de militants des droits de l’Homme. 
    Depuis sa création, en 2011, l’entreprise israélienne NSO vend son logiciel comme un outil destiné uniquement à la lutte contre le terrorisme. Or, l’analyse des données consultées par Le Monde et ses partenaires montre que, pour une grande partie des clients de NSO, terrorisme et grand banditisme ne constituent qu’une infime partie des utilisations. En France comme dans les pays qui ont acheté l’accès à ce logiciel espion, c’est aussi et surtout la société civile qui est visée : des athlètes, des prêtres et des imams, des journalistes, des youtubeurs, des avocats. 
    A la suite des révélations sur Pegasus, beaucoup de journalistes, d’hommes politiques, d’hommes d’affaires et de militants se demandent si leur smartphone a pu être surveillé par les Etats qui en sont clients : le Maroc, la Hongrie, Bahreïn, les Emirats arabes unis, l’Arabie saoudite, la Hongrie, et plusieurs autres pays. Au Maroc, les numéros de nombreux journalistes marocains ont été sélectionnés comme cibles potentielles par le logiciel en question. Les listes de numéros de téléphone sélectionnés comme des cibles potentielles dans l’outil de NSO par plusieurs de ses clients, que l’organisation Forbidden Stories et Amnesty International ont partagées avec dix-sept rédactions, dont Le Monde, confirment qu’un service de sécurité marocain a utilisé Pegasus pour viser, de manière systématique, des journalistes critiques du pouvoir, et des dirigeants des grandes rédactions du pays.
    Les journalistes marocains ne sont pas les seuls à intéresser les services de renseignement du royaume. Une trentaine de journalistes et de patrons de médias français figurent sur la liste des cibles de Pegasus. En Inde, depuis 2016, une trentaine de journalistes indiens ont été espionnés à travers leurs smartphones grâce au même logiciel. Au moins vingt­ cinq reporters mexicains sont aussi sur les listes. Parmi les numéros ciblés figurent les grandes rédactions du pays, ainsi qu’un correspondant du New York Times. En Hongrie, la société civile est également sous contrôle. Hommes d’affaires et patrons de presse figurent parmi les 300 numéros ciblés pour le compte de Budapest, bien qu’elle nie les faits.
    Le Maghreb, 22/07/2021
    Etiquettes : Pegasus, logiciels espions, espionnage, NSO Group,
  • Les révélations d’espionnage du programme NSO –PEGASUS posent des problemes

    Dr. Abderrahmane Mebtoul

    La maîtrise des nouvelles technologies reposant sur le savoir est le défi principal du XXIème siècle, engageant la sécurité mondiale et toute inadaptation à ces mutations isolerait encore plus le pays

    L’organisation Forbidden Stories et 17 rédactions viennent de révéler un important scandale qui touche tant la sécurité des Nations que la vie privée des citoyens. Le programme phare de NSO nommé Pegasus, un logiciel d’origine israélienne via le Maroc, surnommé « cheval de Troie », a permis de fouiller dans les données (calendriers, photos, contacts, messageries, appels enregistrés, coordonnées GPS…) des Smartphones, iPhone comme Android, infectés, mais aussi de contrôler à distance la caméra et les micros intégrés à l’appareil. Cela donne la possibilité d’écouter des conversations dans une pièce alors que le téléphone apparaît inactif. Ce logiciel en est à sa troisième version.

    Dans les premières moutures, la victime devait cliquer sur un lien pour charger le virus. Mais, depuis au moins deux ans, Pegasus est devenu une technologie dite « zéro clic  » où la victime reçoit ce qui ressemble à un appel vidéo qui suffit à infecter le téléphone dès la première sonnerie, même si elle ne répond pas. Selon Forbidden Stories, la réception d’un « iMessage », la messagerie d’Apple, ou d’un SMS infecté servirait de viatique pour prendre le contrôle de l’appareil. C’est un puissant logiciel qui au départ devait contrecarrer les actions terroristes mais, seules des enquêtes précises en cours le détermineront, qui aurait été utilisé pour espionner le compte d’une dizaine d’Etats, et une liste de plus de 50.000 numéros de téléphone de personnalités diverses de par le monde dont l’Algérie.

    Cependant les nouvelles technologies ne concernent pas seulement les écoutes. Les drones sans pilotes commencent à remplacer l’aviation militaire classique pouvant cibler avec précision tout adversaire à partir de centres informatiques sophistiquées à des milliers de kilomètres. Les satellites remplissant l’atmosphère, permettent d’espionner tout pays, de détecter le mouvement des troupes et la diffusion d’images de toute la planète.

    Le contrôle de l’information grâce à l’informatisation permet le développement des sites d’information, impliquant une adaptation des journaux papier, une nouvelle organisation des entreprises et administrations en réseaux, loin de l’organisation hiérarchique dépassée, l’interconnexion bancaire et éclectique, pouvant bloquer tout pays dans ses transactions financières et la panne des réseaux peut plonger tout pays dans les ténèbres. L’utilisation de Facebook et Twitter par la diffusion d’informations parfois non fondées où faute de transparence, la rumeur dévastatrice supplante l’information officielle déficiente.

    Face à cette situation ayant des impacts géostratégiques, économiques et sécuritaires, où les relations diplomatiques de chefs d’Etat à Etat ont de plus en plus peu d’impacts , étant supplantés par des réseaux décentralisés, l’Etat major de l’ANP à travers les dernières éditions El-Djeich tire la sonnet d’alarme afin que la majorité des responsables des institutions stratégiques en Algérie en déphasage par rapport aux nouvelles réalités tant internes que mondiales, s’adaptent en urgence, nécessitant un important investissement dans le savoir. C’est que la nouvelle révolution mondiale du numérique a un impact sur le comportement des citoyens, sur la gestion des institutions et des entreprises et d‘une manière générale sur la gouvernance et sur notre nouveau mode de vie.

    Politiques, Militaires, entrepreneurs, citoyens, nous vivons tous aujourd’hui dans une société de la communication électronique, plurielle et immédiate qui nous contraint à prendre des décisions en temps réel. La naissance des NTIC est due notamment à la convergence de l’informatique, des télécommunications et de l’audiovisuel. Le développement d’Internet à haut débit, la démocratisation de l’ordinateur et des nouvelles technologies découlent d’une baisse des tarifs proposés par les fournisseurs d’accès et d’une demande de plus en plus présente de la clientèle. Le boum des blogs et des messageries électroniques donne aux TIC une place de plus en plus vaste dans notre société.

    Cette interaction de l’électronique et de l’informatique explique que les applications des NTIC puissent répondre aux besoins aussi bien des entreprises et de l’Etat que des ménages et des individus. Désormais soumises aux mêmes lois du marché que n’importe quelle autre activité de production marchande, les NTIC constituent, en outre, un secteur où la concurrence se joue directement à l’échelle mondiale. La globalisation des entreprises, des marchés et des circuits de la finance n’a pas seulement impliqué un remodelage des structures économiques et des flux d’échange, elle a aussi conduit à la professionnalisation de la communication et de l’information, ainsi qu’à une intégration de plus en plus poussée des phases de la conception, de la création et de la consommation des produits, parallèlement à la fusion de sphères d’activités jadis séparées, voire opposées.

    Plus qu’une ouverture vers le grand public les TIC révolutionnent l’organisation interne de l’entreprise, les logiciels de gestion appelés les ERP (Entreprise Ressource Planning) gèrent différentes tâches comme les stocks ou la trésorerie, le travail collaboratif est simplifié grâce à l’utilisation de l’intranet et de la messagerie, le système «wireless» ou «sans fil» maintient un lien permanent avec des collaborateurs en déplacement tout comme la vidéo-conférence, tout cela génère un meilleur partage ainsi qu’une meilleure circulation de l’information interne.

    Le Maghreb 22/07/2021

    Etiquettes : Pegasus, NSO Group, espionnage, logiciels espions,

  • Espionnage mondial: Le Maroc et la NSO, principaux acteurs

    Des fuites révèlent que des gouvernements espionnent des journalistes et des opposants avec le logiciel Pegasus
    Plusieurs États autoritaires auraient utilisé le logiciel pour espionner une partie d’une liste de 50 000 numéros de téléphone, selon une enquête du consortium Forbidden Stories.

    Marc Bassets

    Il s’agit d’une nouvelle étape dans la surveillance des opposants et des journalistes indépendants par des régimes plus ou moins autoritaires, un système qui permet furtivement d’espionner les téléphones portables des personnes gênantes pour les gouvernants, avec tout leur contenu : appels, messages, contacts, photos. L’existence du programme Pegasus, développé et commercialisé par la société israélienne NSO Group, était connue. Selon le consortium de journalistes Forbidden Stories et Amnesty International, près de 50 gouvernements, dont plusieurs gouvernements autoritaires, l’ont utilisé pour surveiller des dizaines de milliers de cibles potentielles dans le monde.

    Cette révélation – publiée dimanche par Le Monde et The Guardian, entre autres médias internationaux – s’appuie sur la fuite d’une liste de 50 000 numéros de téléphone identifiés comme des cibles potentielles depuis 2016 par les clients de NSO, même si tous n’ont pas été infectés. Parmi les États qui ont utilisé le programme de l’ONS, selon les révélations, figurent le Mexique, la Hongrie, le Maroc, l’Inde, l’Arabie saoudite, le Rwanda et l’Azerbaïdjan.

    Parmi les 180 journalistes figurant sur la liste des cibles potentielles, selon The Guardian, figurent des professionnels des principaux médias internationaux, dont le Financial Times, le New York Times et El País (aucun nom précis des personnes concernées n’avait été révélé lundi). De même, des journalistes comme le Marocain Omar Radi, arrêté en juillet 2020 et accusé d’espionnage et d’atteinte à la sûreté de l’État, ainsi que de viol, et qui a été condamné à six ans de prison lundi. Également des personnes de l’entourage de Jamal Khashoggi, l’opposant saoudien assassiné à Istanbul en 2018, et des professionnels d’Azerbaïdjan, de Hongrie et d’Inde.

    La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a déclaré que ces révélations devaient être vérifiées, mais que si elles étaient confirmées, il serait « absolument inacceptable » d’utiliser des programmes d’espionnage contre des journalistes, rapporte Reuters. Le porte-parole du gouvernement français, Gabriel Attal, a qualifié ces révélations d’ »extrêmement graves ». « Il est très grave qu’il y ait des manipulations, des techniques qui visent à porter atteinte à la liberté des journalistes, à leur liberté d’enquêter, d’informer », a déclaré Attal à France Info.

    Un millier de numéros de téléphone français figurent parmi ceux espionnés par le programme Pegasus, selon le radiodiffuseur public Radio France, qui précise que la France n’est pas cliente de NSO. Les révélations ajoutent que le Maroc est la source probable de l’espionnage de journalistes français, comme Edwy Plenel, directeur du quotidien d’investigation de gauche Mediapart, ou de journalistes d’autres pays, comme l’Espagnol Ignacio Cembrero, spécialiste du Maghreb.

    « Pendant longtemps, les journalistes ont cru que les nouvelles technologies – l’armada de communications cryptées sur laquelle ils s’appuient – étaient leurs alliées : une protection clé contre la censure », écrivent Laurent Richard et Sandrine Rigaud de Forbidden Stories dans The Guardian. « Avec l’existence d’outils de cybersurveillance aussi avancés que Pegasus, ils ont pris conscience de manière brutale que les plus grandes menaces se cachent dans des endroits qu’ils croyaient autrefois les plus sûrs. C’est-à-dire, dans leurs téléphones.

    En réponse aux journalistes qui ont découvert ce prétendu espionnage, NSO a répondu : « NSO Group dément fermement les fausses allégations soulevées dans son enquête. Ces allégations sont, dans de nombreux cas, des théories non fondées, qui jettent de sérieux doutes sur la crédibilité de ses sources, ainsi que sur le cœur de l’enquête.

    En juillet 2020, une enquête menée par El País et The Guardian révélait déjà que les téléphones portables de plusieurs dirigeants indépendantistes catalans, dont le président du Parlement catalan de l’époque, Roger Torrent, avaient été ciblés par le programme Pegasus. Tant le ministère espagnol de l’Intérieur que la police et la garde civile ont alors assuré qu’ils n’avaient jamais fait appel aux services de NSO. Le Centre national de renseignement (CNI) a déclaré qu’il « agit toujours dans le plein respect de la loi ».

    Contrairement au programme de l’Agence nationale de sécurité américaine (NSA), révélé en 2013 et capable de surveiller sans discernement les enregistrements téléphoniques, le programme Pegasus permet aux États qui l’ont acquis de cibler des individus précis, de pénétrer dans leur téléphone, d’en capturer le contenu et même d’activer leur microphone et leur caméra. Une autre particularité est que, dans ce cas, il ne s’agit pas de hackers ou de gouvernements de puissances mondiales, mais d’une entreprise privée qui vend un produit aux gouvernements, dont les services secrets disposent ainsi d’une capacité d’espionnage qui, autrement, ne serait à la portée que des États les plus riches et les plus puissants.

    Le problème du programme Pegasus, si la liste des 50 000 cibles est confirmée, est qu’il ne sert pas uniquement à espionner et à combattre les organisations criminelles ou terroristes, usage auquel il était théoriquement destiné. Le problème serait qu’il ait été utilisé en dehors de tout cadre légal et principalement pour espionner les militants des droits de l’homme, les journalistes et les opposants, ainsi que les chefs d’État et de gouvernement, les diplomates et les responsables d’autres services de renseignement.

    L’analyse des données, écrit Le Monde, montre que, pour une grande partie des clients de NSO, le terrorisme et la grande criminalité ne constituent qu’une infime partie des usages ». Le Monde ajoute que l’enquête « prouve, de manière incontestable, que ces abus sont la norme et non l’exception ».

    L’ONS ne nie pas les éventuels abus. La société israélienne a promis, selon sa déclaration en réaction aux révélations de Forbidden Stories, de « continuer à enquêter sur les allégations crédibles d’abus [du programme] et d’agir en fonction des résultats de ces enquêtes ». Il ajoute : « Cela peut inclure la résiliation de l’accès de certains clients au système en cas d’abus confirmé. Elle l’a fait dans le passé et n’hésitera pas à le faire à nouveau ».

    Source : El País, 19/07/2021

    Etiquettes : Maroc, Israël, NSO Group, espionnage, logiciels espions,

  • Pour Rabat, il y a une cabale impérialiste contre le Maroc

    L’article dont une image est postée en premier commentaire ci-dessous est un contre-feu allumé par les services marocains pour faire diversion sur l’affaire d’espionnage généralisé dont ils sont accusés. Ils cherchent par là à mobiliser les sentiments nationalistes et chauvins pour transformer la bataille en confrontations des identités plutôt qu’une confrontation des valeurs. Pour cela :

    * Ils laissent entendre qu’il y a une cabale contre le Maroc (et non contre ses barbouzes), organisée à l’échelle mondiale et à l’initiative des puissances impérialistes.

    * Ils affirment qu’il y a une campagne de dénigrement raciste systématique à l’égard de l’ensemble des marocains,

    * Ils en apportent pour preuve un article qu’ils distribuent avec en-tête de Médiapart.

    Il convient de relever que l’article en question n’est pas un article du journal, mais celui d’un blog hébergé par Médiapart. Tout abonné à ce journal peut librement ouvrir un blog et y écrire ce qu’il veut, tant qu’il ne viole pas la déontologie du journal. Mais les services qui ont fait la diffusion à outrance de cet article ont « coupé » l’en-tête qui indique que c’est un blog afin de faire croire qu’il émane du journal et qu’il représente la ligne directrice d’une prétendue campagne haineuse et généralisée de la presse française ou occidentale.

    L’auteur de ce papier a annoncé hier, toujours sur son blog, que le journal lui a adressé une demande visant à retirer les propos qui peuvent être considérés comme inappropriés, ou bien à retirer l’intégralité de cet article. Il a affirmé que son propos relevait du second degré et qu’il n’a aucun penchant raciste, mais qu’il l’avait quand même retiré puisque certains avaient réagi en créant la confusion.

    Evidemment, des criminels qui sont pris la main dans le sac chercheront toujours à noyer le poisson en déplaçant le débat et en lançant des contre-accusations. Et il est normal qu’une telle démarche puisse porter avec des peuples qui portent encore les stigmates de la colonisation et souffrent toujours de la domination occidentale. Il n’en est pas moins dommage que certaines élites éclairées du pays se laissent manipuler par des stratagèmes aussi grossiers.

    Nous sommes en présence d’un Etat policier qui a abusé des pouvoirs de l’Etat pour nous soumettre (roi, famille royale, ministres, députés, dirigeants de partis, activistes, journalistes…) à un espionnage généralisé dont le peuple marocain est la première victime, et pour faire chanter nos élites et leur faire faire et dire ce que les sécuritaires désirent qu’elles fassent et disent.

    Ce faisant, ils ont mis les données de nos intimités entre les mains d’entreprises privées et de services étrangers (les israéliens à coup sûr, et on ne sait qui d’autre) une quantité phénoménale d’informations qui ne peuvent qu’être utilisées au détriment de nos intérêts nationaux. Le problème est trop grave pour nous laisser entraîner dans de fausse querelles.

    Fouad Abdelmoumni

    Source : Facebook, 22/07/2021

    Etiquettes : Maroc, France, Pegasus, espionnage, logiciels espions, NSO Group, Emmanuel Macron,

  • Dubaï: Deux princesses espionnées avec le logiciel Pegasus

    Deux princesses ont fui le souverain de Dubaï. Puis elles ont été étiquetées comme des cibles potentielles de logiciels espions de l’ONS.

    La princesse Latifa a fui son père, l’émir de Dubaï, en 2018 ; la princesse Haya, l’une de ses épouses et demi-sœur du roi de Jordanie, l’a également quitté. Toutes deux ont été sélectionnées comme cibles potentielles de l’ONS, selon un rapport du Washington Post.

    Deux membres de la famille royale de Dubaï ont été sélectionnés comme cibles potentielles de logiciels espions fabriqués par la société israélienne de cyberespionnage NSO Group, a révélé mercredi l’enquête internationale Project Pegasus.

    Ces révélations s’inscrivent dans le cadre d’une enquête mondiale appelée Projet Pegasus, basée sur une fuite de quelque 50 000 numéros sélectionnés comme cibles potentielles du logiciel espion Pegasus par des clients de NSO.

    Ne manquez jamais une cyber-actualité : Inscrivez-vous à notre newsletter technologique et recevez toutes les mises à jour concernant NSO et le projet Pegasus.

    Une enquête sur la multitude de numéros de téléphone divulgués a conduit le Washington Post à des numéros appartenant à la princesse Latifa bint Mohammed al-Maktoum et à la princesse Haya bint Hussein, respectivement fille et sixième épouse du dirigeant de Dubaï et premier ministre des Émirats arabes unis, le cheikh Mohammed bin Rashid Al Maktoum.

    D’autres numéros de téléphone appartenant à leurs amis et associés ont également été trouvés dans la base de données.

    La princesse Latifa a fui son père à bord d’un yacht qu’elle avait affrété aux Émirats arabes unis en 2018. Elle a finalement été recapturée au large des côtes indiennes et ramenée à Dubaï. La princesse avait affirmé avoir été soumise à des traitements inhumains par son père, notamment des passages à tabac et des mises à l’isolement.

    Un avocat de NSO a déclaré au Washington Post que la forme « n’a pas d’aperçu des activités de renseignement spécifiques de ses clients. »

    Un fonctionnaire qui s’est entretenu avec le Washington Post a déclaré que NSO avait coupé ses liens avec les EAU plus tard dans l’année.

    Des rapports antérieurs ont établi un lien entre sa capture et des sociétés de cyberespionnage israéliennes. Plus tôt cette année, le Bureau of Investigative Journalism et The Guardian ont affirmé que la société privée de renseignement israélienne Rayzone Group avait exploité une faille dans le réseau mondial de téléphonie mobile pour suivre la princesse.

    Selon cette enquête, Rayzone a loué l’accès à un système de messagerie mondial obscur dans les îles anglo-normandes, ce qui lui a permis de « géolocaliser » les utilisateurs de téléphones portables dans le monde entier, y compris celui de la princesse Latifa après qu’elle ait tenté d’échapper à son père. Le groupe Rayzone a démenti les allégations selon lesquelles il aurait été impliqué dans les efforts visant à retrouver la princesse.

    Mercredi, une enquête menée par le Washington Post a révélé que la technologie de NSO avait également été utilisée contre la princesse.

    Selon les conclusions du journal, bien qu’il soit impossible de savoir quel rôle le logiciel espion de NSO a joué dans sa capture réelle, « les dossiers montrent que dans les heures et les jours qui ont suivi sa disparition en février 2018, les agents ont entré les numéros de téléphone de Latifa et de ses amis dans un système qui enregistre les numéros que les clients de NSO ont sélectionnés pour la surveillance », indique le rapport.

    La princesse Latifa, rapporte le Post, avait abandonné son téléphone dans un café de Dubaï avant de fuir l’émirat. Cependant, les numéros associés à son assistant personnel et à d’autres personnes de son entourage, ainsi que les numéros des téléphones temporaires utilisés par elle sur son yacht de fuite, figuraient sur la liste des cibles potentielles, selon le rapport.

    Selon le rapport, la fille du dirigeant de Dubaï n’est pas la seule à avoir été prise pour cible alors qu’elle tentait de fuir : La princesse Haya, sa sixième épouse, dont il est séparé, a également été choisie comme cible potentielle. La princesse Haya est la fille de feu le roi Hussein de Jordanie et de sa troisième épouse, la reine Alia. L’actuel dirigeant de la Jordanie, le roi Abdullah II, est son demi-frère. Elle a épousé le cheikh Mohammed en 2004. Le couple a deux enfants (le cheikh aurait environ 25 enfants de ses différentes épouses). En 2019, elle a fui Dubaï pour Londres et a occupé un poste à l’ambassade de Jordanie.

    Selon le Washington Post, après son départ des Émirats arabes unis, le système de l’ONS a reçu les numéros de « la princesse Haya, de sa demi-sœur, de son assistant, de son entraîneur de chevaux [c’est une passionnée d’équitation] et des membres de ses équipes juridiques et de sécurité. » Ces numéros ont été sélectionnés comme cibles début 2019 « dans les jours précédant et dans les semaines suivant sa fuite de Dubaï », note le rapport.

    Forbidden Stories (une association de journalisme à but non lucratif basée à Paris) et Amnesty International ont eu accès à la liste divulguée des numéros de téléphone que les clients de NSO ont sélectionnés pour la surveillance. La fuite a été communiquée à Haaretz et à 16 autres organismes de presse, qui ont travaillé ensemble pour effectuer des analyses et des reportages supplémentaires au cours des derniers mois afin de créer le projet. Forbidden Stories a supervisé l’enquête et Amnesty International a fourni des analyses médico-légales et un soutien technique.

    Selon une analyse de ces dossiers, plus de 180 journalistes ont été sélectionnés dans 21 pays par au moins 12 clients de l’INS. Parmi les cibles potentielles figurent également des chefs d’État tels que le Français Emmanuel Macron et le Pakistanais Imran Khan, tandis que les clients proviennent de Bahreïn, du Maroc, d’Arabie saoudite, d’Inde, du Mexique, de Hongrie, d’Azerbaïdjan, du Togo et du Rwanda.

    NSO a publié une réponse à l’enquête du Projet Pegasus en début de semaine, qualifiant la fuite de « conspiration internationale ».

    « Le rapport de Forbidden Stories est plein d’hypothèses erronées et de théories non corroborées qui soulèvent de sérieux doutes sur la fiabilité et les intérêts des sources. Il semble que les ‘sources non identifiées’ aient fourni des informations qui n’ont aucune base factuelle et sont loin de la réalité », a déclaré la société dans le communiqué.

    « Les numéros figurant sur la liste ne sont pas liés à NSO Group, et ne l’ont jamais été – affirmer qu’ils le sont est une information fabriquée. Ce n’est pas une liste de cibles ou de cibles potentielles des clients de NSO, et votre confiance répétée dans cette liste et l’association des personnes sur cette liste comme cibles potentielles de surveillance est fausse et trompeuse. »

    Le laboratoire de sécurité d’Amnesty International a effectué des analyses médico-légales de téléphones portables ciblés par Pegasus. Ses conclusions sont cohérentes avec les analyses antérieures des personnes ciblées par le logiciel espion de NSO, notamment le cas de dizaines de journalistes prétendument piratés aux Émirats arabes unis et en Arabie saoudite et identifiés par Citizen Lab en décembre dernier.

    Haaretz, 21/07/2021

    Etiquettes : Dubaï, princesse Haya de Jordanie, Latifa bint Mohammed al-Maktoum, Pegasus, espionnage,