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  • Ben Jelloun « explique » le Maroc à Macron : Flagornerie contre monnaie sonnante et trébuchante !

    Tags : Maroc, France, Tahar Ben Jelloun, Emmanuel Macron,

    Tahar Ben Jelloun, à l’image du « français » Kamel Daoud, fait partie des « écrivains » qui ont définitivement et résolument choisi leur camp. Celui de la répression, du colonialisme et de la prédation. Sur les colonnes du magazine français Le Point, il vient de se livrer à un long article pédagogique et explicatif. D’entrée de jeu, le titre donne le ton, et marque le tempo d’une lecture qu’on ne saurait mener à son terme sans rendre toutes ses tripes sur les pages de ce torchon, ou l’écran de son ordi. « Le Maroc expliqué à Emmanuel Macron ». Mais oui. Vous avez bien lu.

    Vous n’hallucinez pas. Ben Jelloun, qui croit faire découvrir le Maroc à une France qui connaît ce royaume dans ses moindres recoins, jusques-y compris ses indicibles secrets d’alcôves, se voit obligé de grimer l’histoire récente des pays du Maghreb arabe. Il y ment avec une effronterie où la mauvaise foi le dispute à la vénalité aveuglante. Sinon, comment ce cloporte, toujours aux ordres de ses maitres occidentaux, a-t-il pu écrire que le Maroc serait une monarchie démocratique… la perfide insinuation selon laquelle les voisins algérien et tunisien ne seraient donc pas des démocraties dignes de ce nom, ne nécessite même pas de réponse sérieuse de notre part.

    En revanche, il est bon de s’appesantir sur la prétendue « démocratie » marocaine, dedans laquelle des journalistes croupissent en prison, sous de fallacieuses et infâmantes accusations, où les détenus d’opinion se comptent par centaines, et où la « justice du roi » ne peut oser le moindre pas sans l’accord de ses maitres de l’ombre.

    Le Maroc, c’est aussi cette « monarchie démocratique », qui use et abuse du logiciel espion Pegasus, afin de faire chanter les gens, jusques-y compris le président français Emmanuel Macron, et le président du gouvernement espagnol Pedro Sanchez. Le Maroc, c’est aussi cet endroit où, pour échapper au vent dévastateur des « printemps arabes », a accepté à contre cœur des réformes politiques de façade, qui ont porté au pouvoir les islamistes du PJD (parti pour la justice et la démocratie). Le machiavélisme de Mohamed VI et de ses conseillers sionistes, que sont André Azoulay and co, ne s’est pas arrêté là. Tant s’en faut. C’est en effet le PJD qui a servi de paravent, ou de cache-sexe à la signature de l’accord de normalisation et de coopération militaire entre Rabat et Tel Aviv. Le PJD a été jeté par la suite comme une chaussette puante et trouée au profit de l’oligarque et ami de Mohamed VI Aziz Akhanouch.

    Les élections, à en croire Ben Jelloun, étaient « démocratiques et transparentes », sic ! Y compris en terres sahraouies occupées. Une fois qu’un quidam franchit la ligne rouge du mensonge sans vergogne, il se met à débiter foultitude d’insanités. Oui, c’est le premier mensonge qui compte. A l’en croire, le peuple marocain serait assez masochiste pour choisir un vampire en train de lui sucer le sang à longueur de journée. Et de nuit aussi. Mais, les circonvolutions et détours rhétoriques de Ben Jeloun, où sont même mis au rébus l’héroïsme et les sacrifices algériens qui ont permis l’indépendance du Maroc, ne poursuivent que deux objectifs : Rabat en veut à Macron d’avoir choisi Alger pour y annoncer sa future visite au Maroc. Et d’un. Rabat attend que Paris soutienne sans réserve son plan d’autonomie du Sahara Occidental.

    Et de deux. Sachant que Ben Jelloun a écrit sous la dictée, force nous est de présupposer que les relations entre la France et le Maroc ne sont pas prêtes de revenir à leur niveau normal et habituel. D’abord, l’annonce de Macron a été faite depuis Alger. Rien n’y fera, à moins de posséder le pouvoir de voyager dans le temps.

    Ensuite, la France ne soutiendra jamais vertement le plan d’autonomie marocain. Après ce qui s’est passé avec l’Espagne et la trahison de Pedro Sanchez, Paris y réfléchira à mille fois avant de se risquer à une pareille éventualité ».

    In fine, la lecture des élucubrations de Ben Jelloun permettent de mieux cerner et sérier les attentes marocaines. D’évidence, elles ont pour nom de baptême Godot !

    Par Mohamed Abdoun

    Source : La Patrie News, 08/11/2022

    #Maroc #France #Benjelloun #Macron

  • Assassinat de Ben Barka : Le roi et le Mossad

    Tags : Maroc, France, Ben Barka, Israël, Mossad,

    L’affaire risque de souiller un peu plus le palais royal et son makhzen. Les services secrets marocains (le Mossad) ont donné un sacré de pouce au roi Hassan II pour se débarrasser de l’illustre opposant Mehdi Benbarka. Cet assassinat coordonné entre Rabat et Tel Aviv fait les choux gras de la presse israélienne, française et même marocaine.

    L’hebdomadaire marocain Tel Quel a publié de larges extraits de l’enquête. Premier à ouvrir la boite de pandore, le quotidien israélien Yedioth Aharonoth a publié le 23 de ce mois une enquête exhaustive sur les relations entre le Mossad et le Maroc et établi preuve à l’appui l’implication des services secrets israéliens dans l’enlèvement puis l’assassinat atroce de l’opposant Mehdi Ben Barka.

    Cette sulfureuse enquête s’appuie sur des «sources israéliennes», qui avouent l’existence de contacts entre le Mossad et le général Oufkir, ministre de l’Intérieur et de la Défense sous Hassan II. Pis encore, ces gorges profondes d’Israël racontent même les circonstances horribles dans lesquelles se serait déroulé l’assassinat de l’opposant d’Hassan II.

    Ronen Bergman et Shlomo Nakdmon, les deux journalistes à l’origine de ces révélations, ont expliqué s’être notamment appuyés sur des documents officiels israéliens secrets. Ils ont ainsi pu consulter des archives de l’un des plus proches conseillers du Premier ministre qui confirme des rencontres entre le chef du Mossad, Meir Amit, et le Premier ministre israélien Levi Eshkol.

    Une enquête explosive

    Pourquoi le Mossad a-t-il jugé utile de donner un coup de main au roi Hassan II pour tuer Ben Barka ? Explication des enquêteurs israéliens : «Au début des années 1960, le Mossad se fixe comme objectif de rentrer en contact avec les services marocains. Car le Maroc est un pays arabe en contact rapproché avec les principaux ennemis d’Israël. De plus, Hassan II est perçu comme un chef d’État « relativement pro-occidental».

    Ronen Bergman et Shlomo Nakdmon expliquent que la relation entre le royaume et l’État hébreu a débuté en 1960, lorsque ’Hassan II était encore prince héritier. Un an plus tard, suite à son couronnement, Israël demande au roi Hassan II de permettre aux Juifs marocains d’émigrer en Israël. Mohammed Oufkir, responsable des services secrets à l’époque, aurait servi d’intermédiaire et c’est lui qui aurait conclu l’accord avec les agents du Mossad, instituant le versement de 250 dollars pour chaque citoyen juif marocain, avancent les deux journalistes. La rétribution financière concernant le transfert de 80 000 citoyens juifs marocains (deux millions de dollars) aurait été placée, selon le Yedioth Aharonoth, sur un compte secret en Europe.

    Guerre des «Six Jours», le roi aux côtés d’Israël…
    Suite à la mise en place de ces contacts, Hassan II aurait demandé une protection rapprochée de la part des agents du Mossad. « Le roi avait peur d’être assassiné […], il avait beaucoup d’ennemis », a confié l’un de ses anciens gardes du corps, David Shmoron, au quotidien israélien.

    On y apprend aussi que le roi Hassan II était soucieux de la stabilité de son régime et soupçonnait l’Algérie et l’Égypte de soutenir «plusieurs éléments de l’opposition monarchique». Les choses s’accélèrent avec le début de la «guerre des Sables», en 1963, quand le Maroc a envahi le sud ouest algérien. L’enquête révèle que le chef du Mossad, Meir Amit, embarque dans un avion en direction de Marrakech, avec un faux passeport, et rencontre le roi Hassan II, lui déclarant : « Nous pouvons aider et nous voulons aider ».

    Une proposition qui aurait été acceptée par Hassan II, et qui aurait permis au Maroc de bénéficier des renseignements provenant d’Israël, mais aussi de pilotes aguerris ainsi que d’armement israélien. En échange, les services de l’État hébreu avaient accès aux prisonniers égyptiens venus combattre aux côtés des Algériens. Durant le même temps, le Mossad a également installé une station permanente à Rabat. «Vendre» ses frères pour la peau de Ben Barka Pire, l’agent du Mossad, Rafi Eitan a reconnu à Yedioth Ahronoth que les services marocains ont informé leurs homologues israéliens des «faiblesses militaires des pays arabes exposées lors de la conférence de la Ligue arabe de 1965 à Casablanca».
    De précieux renseignements qui ont été décisifs dans la défaite militaire des arabes lors de la guerre des «Six Jours» en 1967. Une collaboration marocaine qui a été «payée» auparavant par Israël dont les services de renseignements furent chargés de repérer puis liquider l’opposant marocain Mehdi Ben Barka en 1963.

    Le journal Yedioth Aharonoth souligne que dans les documents des services israéliens, le nom de code de l’opposant est généralement «BB». Mehdi Ben Barka est localisé à Genève et aurait débarqué à Paris le 29 octobre 1965, «équipé d’un passeport diplomatique algérien » selon le journal. Ce jour-là, il part à la rencontre d’un journaliste à la brasserie Lipp. Une rencontre qui n’aurait été qu’un leurre censé attirer Ben Barka, selon l’historien Yigal Ben-Nun. A quelques encablures du restaurant, l’opposant est embarqué par deux policiers, qui n’auraient été en fait que des mercenaires français payées par le second d’Oufkir, Ahmed Dlimi. Il aurait ensuite été emmené vers un appartement où il aurait été torturé pendant au moins 3 jours : «battu, et brûlé avec des cigarettes».

    Des agents du Mossad racontent l’horrible crime

    La victime a, ensuite selon le Yedioth Ahronoth, été électrocuté et sa tête plongée dans une baignoire. « Ils (les Marocains, ndlr) ont rempli une baignoire d’eau. Dlimi a plongé sa tête et voulait qu’il (Ben Barka, ndlr) révèle des informations […], ils ont mis sa tête sous l’eau un peu trop longtemps jusqu’à ce qu’il devienne complètement bleu», a témoigné Elizer Sharon, un agent du Mossad qui s’est confié aux deux journalistes avant son décès.

    Une fois la mort de l’opposant constatée, les agents du Mossad, lit-on encore, «se sont emparés de son corps et ont décidé de s’en débarrasser en l’enterrant dans le bois de Saint-Germain-en-Laye et en le saupoudrant de produits chimiques qui devaient consumer le corps». Le corps de Mehdi Ben Barka est certes réduit en poudre, mais son cri d’outre tombe résonne encore dans les oreilles des anciens du makhzen.

    Bien que l’establishment français maintienne la chape de plomb sur cette scabreuse affaire d’assassinat politique, la vérité commence à faire son chemin. Le journal Le Monde a publié lundi un entretien avec l’un des journalistes auteur de l’enquête qui confirme l’implication du Mossad dans le meurtre de Ben Barka. La justice française pourra-t-elle rester indéfiniment aveugle face à de telles révélations ? Pas si sûr.

    #Maroc #France #Israël #Mossad #Ben_Barka

  • Journalistes français corrompus : Entre Ben Ali et Mohammed VI

    Tags : Maroc, France, Mireille Duteil, Dominique Lagarde, José Garçon, Vincent Hervouet,

    Le Maroc et la Tunisie, deux pays d’Afrique du Nord étroitement liés à leur ancienne métropole, la France. Sous le régime de Ben Ali, ils avaient le système dictatorial comme dénominateur commun. Malgré les relations de complicité avec le gouvernement français, Rabat et Tunis partagent aussi la peur de la société française. Raison pour laquelle les deux régimes vont dépenser des sommes faramineuses dans le lobbying.

    En Tunisie, Ben Ali avait créé l’Agence tunisienne de communication extérieure (ATCE). Au Maroc, c’est la DGED, le service d’espionnage marocain qui fait le boulot de soigner l’image du pays à l’Etranger. Les moyens et les méthodes sont les mêmes : l’argent et la corruption. Des rémunérations gracieuses, beaucoup d’avantages et des vacances sous le soleil de Tunisie et du Maroc. Les bénéficiaires de la générosité des dictateurs du Maroc et de la Tunisie ne sont ni plus ni moins que le nec plus ultra de la presse française.

    Le 29 juin 2011, le Canard Enchaîné se faisait l’écho du scandale qui a secoué la sphère médiatique française. Il dévoilait la liste des journalistes que l’ATCE leur a graissé la patte avec des sommes mirobolantes, avec des voyages sous des prétextes futiles ou fictifs, ou des frais imaginaires : Etienne Mougeotte du Figaro, Nicolas de Tavernost de M6, Dominique de Montvalon du journal Le Parisien, Alain Weil, patron de RMC-BFM TV, mais également Michel Schifres et Marie-Ange Horlaville, journalistes du Figaro, Gérard Gachet, ancien de « Valeurs actuelles », Françoise Laborde, présentatrice du JT de France 2.

    « L’histoire, comme une idiote, mécaniquement se répète», a dit Paul Morand (1888-1976). En voilà un exemple encore. Trois ans après le scandale des amis de Ben Ali, vient la honte des amis de Mohammed VI. Ils ont été dénudés par le cyber-activiste connu sous le nom de Chris Coleman. Leurs noms sont bien connus : Vincent Hervouet, de LCI et ancien président de l’association de la presse diplomatique française, Mireille Duteil, du Point, Dominique Lagarde, de L’Express et José Garçon, ancienne journaliste à Libération. Cette dernière est connue en Algérie pour son acharnement contre le régime de ce pays et se présente actuellement comme spécialiste du monde arabe et elle s’est découvert un côté humain en lançant une initiative de soutien aux victimes civiles en Syrie. Elle critique violemment le régime de Bachar Al-Assad, alors qu’elle n’a que de louanges pour le régime sanguinaire de Rabat.

    #Maroc #France #Presse #Journalistes

  • Laurent Fabius est intervenu pour museler Mustapha Adib

    Tags : Maroc, France, Mustapha Adib, Abdelaziz Bennani, Laurent Fabius,

    Après l’incursion de l’ex-capitaine Mustapha Adib dans la chambre du général Abdelaziz Bennani à l’hôpital du Val-de-Grâce, c’est le roi du Maroc en personne qui a donné instruction à son ambassadeur à Paris, le franco-marocain Chakib Benmoussa, pour qu’il demande au ministre des affaires étrangères français Laurent Fabius d’agir contre le trublion. C’est-à-dire de l’empêcher de continuer à harceler les autorités marocaines en France.

    Dans un document révélé par le hacker Chris Coleman, Laurent Fabius donne à son homologue marocain Salaheddine Mezouar des informations sur Mustapha Adib, puis lui annonce que le ministre de la défense, Jean-Yves Le Drian, a demandé à la justice française « que des poursuites soient engagées » contre Adib pour « injures, propos diffamatoires et menaces ».

    Les enseignements à tirer de cette lettre sont de deux ordres :

    1 / Si le roi Mohamed VI en personne donne maintenant des instructions, fussent-elles orales, à son ambassadeur en France pour demander aux autorités française de mater Mustapha Adib cela veut dire que l’activisme de ce dernier, souvent ferme mais solitaire, a porté ses fruits. Et encore. Adib ne fait pas de l’agit-prop, c’est-à-dire de l’agitation politique et professionnelle. On n’ose penser ce qui arriverait si l’ex-officier se professionnalisait …

    2 / Deuxièmement, contrairement à ce qu’avancent les autorités politiques françaises (Voir affaire Jouyet-Sarkozy-Fillon), le pouvoir donne bien desinstructions à la justice française pour gêner ses adversaires ou, comme c’est ce cas, embêter les adversaires de ses amis, en l’occurrence les autorités marocaines. Car Adib a été arrêté par la gendarmerie et gardé à vue pendant 8 heures. Ce qui était, comme l’ont reconnu plusieurs sources du Palais de justice de Paris, totalement disproportionné.

    #Maroc #France #Mustapha_Adib

  • Note sur la persécution des responsables marocains à l’étranger

    Tags : Maroc, harcèlement pénal, CPI, compétence universelle, Espagne, France,

    Note
    Le harcèlement pénal des officiels de l’Etat en déplacement à l’étranger
    – Identification du risque et pistes de prise en charge –

    Synthèse

    Les hauts responsables marocains peuvent être exposés – et certains le sont déjà – à des actions devant des juridictions pénales étrangères, notamment pour actes supposés de torture, sur la base du principe de la « compétence universelle ». Jusqu’à présent, ces actions ne sont ni systématiques ni coordonnées. Elles pourraient, toutefois, le devenir, si l’Algérie et le Polisario se laissaient tenter par le crédo du harcèlement pénal, comme un axe tactique de leur action internationale.

    La portée effective de l’exposition des officiels marocains dépend, notamment, de la protection juridique que le Droit international coutumier offre, ou pas, selon les cas précis. Ainsi, le Chef de l’Etat, le Chef du Gouvernements et le Maec bénéficient d’une protection juridique de droit (rationae personae), tandis que les autres responsables de l’Etat ne bénéficient que d’une protection ad hoc (rationae materiae), compliquée à mettre en œuvre et dépendante de la volonté de l’Etat d’accueil.

    Les zones d’exposition au risque de harcèlement pénal s’ajustent sur les pays qui souscrivent à la compétence universelle. Virtuellement, les officiels marocains seraient exposés dans 154 pays à des poursuites pour torture, et dans 195 pays à des poursuites pour crimes de guerre, sur la base des conventions multilatérales en vigueur.

    Mais dans la pratique, seuls les 8 pays qui incriminent ces infractions dans leur droit interne, peuvent enclencher des poursuites, à savoir : la France, la Belgique, l’Espagne, l’Allemagne, la Suisse, le Canada, le Rwanda et les États-Unis (uniquement en matière civile). Ce risque direct peut, toutefois, être démultiplié par les mandats d’arrêt internationaux et le Forum shopping. La Cour Pénale Internationale, elle, ne constitue pas une menace directe en l’état actuel du Droit international.

    La gestion de ce risque juridique se complique par l’incertitude qu’il recèle. Celle-ci découle, d’un côté, de l’imprévisibilité de certaines Ong actives dans le domaine du harcèlement pénal et, d’un autre côté, de l’attitude politique – coopérative ou passive – du pays où les poursuites sont engagées. L’indépendance de la justice renforce d’autant plus l’imprévisibilité, vu que des actions peuvent être activées sans le consentement, ou même la connaissance, des autorités diplomatiques du pays des poursuites.

    A défaut de pouvoir le prévenir systématiquement, le risque peut être géré et ses conséquences circonscrites : lorsque la menace n’est encore que potentielle, il s’agit de sécuriser la protection juridique des responsables en déplacement à l’étranger ; en revanche, lorsque des actions judiciaires sont effectivement enclenchées, il s’agit de gérer les déplacements de manière à éviter le champ d’action des tribunaux compétents. Outre l’outil juridique, l’outil diplomatique doit se déployer pour favoriser, en amont, les conditions de juguler ce risque.

    La présente étude se propose de faire le point sur ces aspects, en répondant aux 5 interrogations suivantes : Les officiels marocains peuvent-ils être inquiétés devant des juridictions étrangères ? Dans quelle mesure est-il possible de prendre en charge le risque de harcèlement pénal à auquel ils peuvent être exposé ? Quels sont ceux susceptibles le plus d’être inquiétés et sur quelle protection juridique peuvent-ils compter le cas échéant ? Quelles sont les pays présentant un risque crédible en termes de harcèlement pénal ? Quelles pistes de travail pour juguler, en amont, ce risque ?

    1. Les officiels marocains peuvent-ils être inquiétés devant des juridictions pénales étrangères ?

    1.1. La réponse à cette question est affirmative. Ce type de poursuites pourrait même avoir tendance à se multiplier, à la faveur d’une évolution propice du Droit international et d’une adhésion internationale grandissante au principe de la « compétence universelle ».

    1.2. Les tribunaux européens ont été saisis de plusieurs cas de hauts responsables étrangers poursuivis (Israël, Etats-Unis, Chine, Salvador, Guatemala, Chili, Mongolie, Rwanda, Tunisie). Une bonne partie des officiels attaqués est constituée de hauts responsables civils et militaires, notamment des Services de sécurité. Le terrain des violations des droits de l’homme est le plus propice à de telles poursuites extraterritoriales.

    1.3. Concernant les responsables marocains, et outre les plaintes récentes engagées à Paris à l’encontre du Dgst, des hauts responsables militaires font l’objet, depuis plusieurs années, de poursuites pénales en Espagne et en France. Des actions en justice, supposément en rapport avec des activités d’agents de renseignement marocains en Europe, ont également été portées devant des tribunaux allemand et néerlandais.

    1.4. Jusqu’à présent, ces actions ne sont ni systématiques ni coordonnées. Elles pourraient, toutefois, le devenir, si les adversaires du Maroc – l’Algérie, le Polisario et les Ong tournant dans leur orbite – s’approprient le crédo du harcèlement pénal, comme un axe tactique de leur action internationale.

    1.5. Dans ce dernier schéma, les poursuites pénales tirerait partie non plus seulement des chefs d’accusation liées aux droits de l’homme (torture, traitements inhumains ou dégradants), mais aussi ceux découlant du droit international humanitaire, notamment crimes de guerre. En particulier, la flexibilité des règles de « proportionnalité » et de « différenciation » dans les conflits armés, permettent, relativement aisément, de monter des poursuites sur la base de témoignages plutôt que sur de preuves factuelles. Le fait que le Maroc soit, techniquement, encore en « état de guerre », élargi le spectre de la menace pour couvrir des actes supposés avoir eu lieu avant ou après le cessez-le-feu de 1991.

    1.6. Le risque de voir le Maroc investir, en représailles1, ce même crédo du harcèlement judiciaire contre l’Algérie et le Polisario, devrait dissuader ces derniers de s’impliquer massivement et directement sur ce chapitre. Mais, sans s’en détourner, ils pourraient le sous-traiter via la nébuleuse des Ong affidées, disséminées en Europe et rompues à l’exploitation médiatique.

    1.7. Dans ce contexte, l’arme du harcèlement judiciaire devient une composante d’appoint, dans une confrontation plus large sur le terrain juridique de la question du Sahara ; terrain sur lequel le Maroc est désormais frontalement défié. L’on serait, alors, pleinement dans une stratégie de « guerre juridique » (lawfare ou legal warfare), telle que définie par le Général Charles Dunlap (Etats-Unis) comme étant « la stratégie de l’usage du droit comme un substitut pour les moyens militaires traditionnels, afin de parvenir à un objectif opérationnel ».

    1.8. Particulièrement bien adaptée aux conflits asymétriques, la lawfare – autant par le harcèlement pénal que par les actions de contestation (recours) et de lobbying juridique (Bds) – peut infliger au Maroc des dégâts disproportionnés par rapport aux moyens modestes qu’elle mobilise. Des dégâts en termes d’opinion publique certes, mais aussi en termes d’impact psychologique (découragement et dissuasion de l’appareil de l’Etat) et, en ultime ressort, en termes de fragilisation, voire de destruction, des positions juridiques et politiques du Maroc sur la question du Sahara.

    1.9. Dans ce contexte, le harcèlement pénal des officiels est aux actions juridiques de fond, ce que la tactique est à la stratégie. Pour spectaculaire, grandissant et dangereux qu’il soit, il n’est qu’un auxiliaire d’épuisement des ressources et du moral de l’Etat. Le « cœur de cible » demeure les positions politiques et juridiques du Maroc sur le Sahara (soutiens politiques stratégiques, statut du territoire, statut de la zone à l’est du mur, applicabilité des accords, exploitation des ressources naturelles, légalité des activités économique…). Des positions (au sens militaire) que les adversaires attaqueront de manière de plus en plus forte et sophistiquée, sinon pour les faire céder, du moins pour faire bouger en leur faveur les lignes et les dynamiques du conflit. L’on peut penser que, plus les adversaires concentreront leurs efforts propres sur le « cœur de cible », plus les officiels marocains seront judiciairement harcelés par des Ong à l’étranger2.

    1.10. La prise en charge de ce nouveau front d’hostilités appelle une réponse de type stratégique, qui soit globale, multi-dimensionnelle, coordonnée et inscrite dans la durée. Le Maec, mais aussi la Dged et le Ministère de la Justice notamment, sont appelés à joindre leurs efforts pour travailler, en amont, sur les moyen de juguler la menace et, en aval, pour la prendre en charge.

    2. Dans quelle mesure est-il possible de prendre en charge le risque de harcèlement pénal à l’encontre des officiels marocains ?

    2.1. Il n’est pas possible de prévenir le risque d’une action judiciaire dans les pays démocratiques, même si cette action était illégitime ou basée sur des motifs fallacieux. En revanche, il peut être possible de traiter ce risque, notamment en gardant les responsables marocains ciblés hors de portée des tribunaux étrangers.

    2.2. Lorsque le risque de poursuite n’est que potentiel, il s’agit de sécuriser la protection juridique des responsables en déplacement à l’étranger. En revanche, lorsque des informations judiciaires ou des poursuites sont effectivement enclenchées, il s’agit de gérer les déplacements de manière à éviter le champ d’action des tribunaux compétents, bien que le risque peut être démultiplié par le jeu des mandats d’arrêts internationaux.

    2.3. D’un point de vue Maec, le risque suscité par le harcèlement pénal se pose en des termes doubles :
    3.a. en termes de protection juridique immédiate des responsables de l’Etat en déplacement officiel à l’étranger ; protection dont il convient de s’assurer de l’existence et de la portée.

    3.b. en termes d’endiguement des implications sur les intérêts du Maroc, que ce soit au regard d’une responsabilité juridique ou politique éventuelle de l’Etat du fait du comportement de ses agents, ou au regard de la sauvegarde des objectifs diplomatiques.

    2.4. Dans ce contexte précis, le risque se définit comme la conjonction d’un évènement (présence des officiels à l’étranger) et d’une norme juridique (compétence des tribunaux étrangers sur les officiels marocains), de nature à générer des conséquences sur lesdits officiels (dissuasion de déplacement et risque de sanctions) et, à travers eux, sur l’Etat lui-même (image et intérêts).

    2.5. La prise en charge de ce risque implique : a) l’identification des officiels « sensibles » ; b) la cartographie des pays et/ou régions « risqués » ; c) la gestion de l’incertitude, qui découle, en l’occurrence, de l’attitude politique – coopérative ou passive – du pays où les poursuites éventuelles sont engagées. Cette incertitude est accentuée, d’un côté, par l’activisme de certaines Ong dans le domaine du harcèlement pénal et, d’un autre côté, par la possibilité de lancer des informations judiciaires sans le consentement, ou même la connaissance, des autorités diplomatiques du pays d’accueil. Plus encore, des mandats d’arrêt, y compris internationaux, peuvent être obtenus même dans les cas où l’aboutissement des poursuites est improbable, faute de preuves suffisantes3.

    2.6. L’action judiciaire devient, dans le contexte du harcèlement pénal, un vecteur politique par excellence, pour une action qui ne pourrait pas autrement être obtenue par les voies politiques régulières.
    L’indépendance de la justice dans les pays démocratiques permet, effectivement, aux plaignants – en particulier les Ong – de contourner la politique étrangère de l’État des poursuites, si elle est incompatible avec leur agenda. C’est la raison pour laquelle il y a lieu de prendre garde à ne pas tomber dans le piège des tensions diplomatiques, là où l’objectif d’embarrasser les autorités de l’Etat d’accueil et de créer des tensions diplomatiques avec le Maroc, fait partie intégrante des plans des instigateurs du harcèlement.


    3. Quels sont les officiels susceptibles d’être inquiétés et sur quelle protection juridique peuvent-ils compter le cas échéant ?

    3.1. Théoriquement, l’exposition des officiels marocains à des actions judiciaires à l’étranger pourrait résulter de quatre facteurs principaux :

    a. La charge symbolique inhérente à leur statut officiel. Il s’agit des hauts responsables qui incarnent l’Etat au regard du droit international, à savoir : le Chef de l’Etat4, le Chef du Gouvernement5 et le Maec.

    b. Le potentiel de responsabilité lié à leurs fonctions. Il s’agit des officiels qui dirigent les institutions de l’Etat accusés de l’acte transgressif à l’origine des poursuites. Il peut s’agir, par exemple, du Ministre de l’Intérieur/Défense6, des hauts responsables militaires7 et des chefs des Services de sécurité8.

    c. Le degré d’implication personnelle dans le processus décisionnel relatif à l’acte transgressif à l’origine des poursuites. Il peut s’agir de personnes qui, sans appartenir formellement aux structures de l’Etat, ont une influence avérée sur leur action9.

    d. La responsabilité du fait de leur action personnelle directe. Il peut s’agir de membres d’appareils de l’Etat poursuivis en raison de leurs agissements dans le cadre de missions plus ou moins officielles, notamment des militaires ou membres des services de sécurité de rang intermédiaire10.

    3.2. Toutefois, la portée effective de ces critères est relativisée par la protection juridique que le Droit international offre dans certains cas et sous certaines conditions. Lorsqu’elle existe, cette protection juridique internationale ne prévient pas le dépôt de plaintes en pénal contre des officiels de l’Etat, mais peut empêcher la compétence des tribunaux à les instruire.

    3.3. Ainsi, le Chef de l’Etat, le Chef du Gouvernements et le Maec bénéficient d’une immunité totale. Dite rationae personae, elle couvre la durée de leur mandat et subsiste après la cessation de leurs fonctions, pour les actes accomplis à titre officiel. Elle inclut, notamment, l’immunité de juridiction administrative et pénale, et l’inviolabilité de la personne. Elle est reconnue comme faisant partie du Droit international coutumier, codifiée dans plusieurs instruments internationaux11 et consacrée par la jurisprudence internationale12. Les immunités reconnues à ce trio ont été reconnues, par extension, à des responsables de rang équivalent, dans des circonstances rares13. Enfin, les agents diplomatiques bénéficies du même type de protection, mais uniquement dans l’Etat où ils sont accrédités et pour la durée de leur accréditation.

    3.4. En dehors de ce cercle restreint protégé de jure, la protection internationale n’existe que par la volonté de l’Etat de réception, dans le cadre des missions spéciales qu’il reçoit. Il s’agit, alors, d’une immunité fonctionnelle, dite rationae materiae, similaire à l’immunité consulaire. Son régime juridique a été codifié par la Convention de New York sur les Mission spéciale de 1969, qui ne compte, toutefois, que 38 Etats parties14. Cependant, cette protection est largement admise par les Etats comme faisant partie du Droit international coutumier.

    3.5. L’immunité rationae materiae constitue l’unique protection juridique pour les officiels marocains en déplacement à l’étranger, en l’état actuel du Droit international et en l’absence de Conventions spécifiques conclus par le Maroc dans ce domaine.

    3.6. La sécurisation de cette protection dépend de formalités diplomatiques lourdes, pour faire correspondre le déplacement en question à une Mission spéciale, c’est-à-dire « une mission temporaire, ayant un caractère représentatif de l’Etat, envoyée par un Etat auprès d’un autre Etat avec le consentement de ce dernier pour traiter avec lui de questions déterminées ou pour accomplir auprès de lui une tâche déterminée ». Les formalités consistent à :

    a. Obtenir le consentement préalable de l’Etat de réception, communiqué par la voie diplomatique.

    b. Définir les fonctions de la mission spéciale, par consentement mutuel entre l’Etat d’envoi et l’Etat de réception.

    c. Notifier à l’Etat de réception la composition proposée de la mission spéciale, en indiquant les noms et qualités de ses membres, ainsi que de son chef.

    d. Notifier l’arrivée et le départ définitif des membres de la mission, ainsi que la cessation de leurs fonctions dans la mission.

    e. Notifier les adresses où résident les membres de la mission, ainsi que tout renseignement nécessaire pour les identifier, aux fins de l’inviolabilité.

    3.7. Appliquées de manière souple dans des circonstances normales, ces formalités doivent être scrupuleusement observées dans tout environnement propice au harcèlement pénal, au risque de compromettre la protection juridique des officiels. La jurisprudence européenne contient des cas où des représentants d’Etats étrangers présents sur le territoire en qualité officielle, ont été inquiétés par la justice pénale, parce que des défauts ont été trouvés – et parfois volontairement provoqués – dans le respect des formalités susmentionnées. Le cas de l’inculpation au Royaume Uni et l’extradition en Allemagne du Directeur du Département de la Sécurité Nationale de Mongolie, M. Khurts Bat, en 2011, est très significatif à cet égard15.

    3.8. Enfin, il convient de lever une fausse idée reçue, en précisant que le passeport diplomatique ne confère à son porteur, quel qu’il soit, aucune protection juridique. Il s’agit d’un document de voyage qui, certes, accordent des facilités en termes d’entrée et de séjour dans des pays étrangers, mais ne confère pas d’immunités, en tant que tel, à son titulaire, que celui-ci soit ou pas membre du personnel diplomatique. D’ailleurs, un diplomate accrédité dans une ambassade ne bénéficie des immunités que dans le pays où il est accrédité, et pas au-delà.

    4. Quelles sont les pays et/ou régions présentant un risque crédible pour les officiels marocains en termes de harcèlement pénal ?

    4.1. A côté des principes de territorialité, de nationalité et de légalité, un quatrième principe de compétence pénale s’est mis en place progressivement à partir des années 1990, à savoir la compétence universelle : c’est-à-dire la compétence exercée par un État qui poursuit les auteurs de certains crimes dits d’ordre public international, quel que soit le lieu où le crime a été commis, et sans égard à la nationalité des auteurs ou des victimes.

    4.2. Par application de ce principe, les officiels marocains seraient face à un risque, virtuellement, universel. Des poursuites pénales pour le chef de torture peuvent, en théorie, être enclenchées contre des officiels marocains dans les 154 pays ayant ratifié la Convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants, adoptée à New York le 10 décembre 1984 et entrée en vigueur le 26 juin 1987. De même, des poursuites pénales pour le chef de crime de guerre peuvent, théoriquement aussi, se faire dans les 195 Etats parties aux 4 Conventions de Genève de 1949. Car, en devenant partie à ces instruments juridiques, les Etats ont souscrit au principe de la compétence universelle.

    4.3. Mais dans la pratique, seuls les Etats qui ont incriminé ces infractions dans leur droit interne, sont en mesure d’enclencher effectivement des poursuites pénales sur leur base. Ceci découle du principe de légalité, et qui veut que les tribunaux ne puissent juger que les infractions prévues et réprimées par la législation nationale en vigueur.

    4.4. Ce principe réduit à 8 pays, le spectre de la menace de poursuites contre des officiels marocains :

    a. La Belgique est le premier pays à reconnaitre la compétence universelle dès 1993, avant de la restreinte drastiquement en 2003. La loi dite de la compétence universelle de 1993 couvrait les crimes de guerre et crimes contre l’humanité, avant d’être étendue au génocide en 1999. Ces lois s’appliquaient sans considération du lieu où l’auteur présumé peut être trouvé, opéraient par simple constitution de partie civile, et ignoraient les immunités. En conséquence, la Belgique est devenue le pays dont les tribunaux étaient les plus sollicités16. De nombreuses tensions diplomatiques ont poussé la Belgique à installer un système de filtrage des plaintes, par la loi du 5 août 2003. Celle-ci fait du Procureur fédéral un garde-fou politique, qui apprécie l’opportunité des poursuites, ce qui a drastiquement circonscrit les plaintes pénales déposées en Belgique, qui se sont reportées sur l’Espagne.

    b. L’Espagne reconnait la compétence universelle depuis 1985, mais se dirige vers son abandon. La portée de cette compétence a été étendue par la jurisprudence espagnole en 2005, pour couvrir les crimes les plus graves quelle que soit l’identité de la victime ou de l’auteur, qu’il existe ou non un intérêt national pour l’Espagne. Près d’une vingtaine enquêtes différentes concernant des crimes de torture, génocide ou crime contre l’humanité sont ouvertes, contre des dizaines de hauts responsables étrangers, dont des marocains17. Bien qu’il n’y ait eu qu’une unique condamnation à ce jour (l’officier argentin Adolfo Scilingo en 2005), cette profusion a suscité de nombreuses tensions diplomatiques. Dès 2009, le Gouvernement limite la compétence des juges en imposant la subsidiarité au profit du pays de nationalité et en exigeant l’existence d’une victime espagnole au moins. Plus récemment, le 23 janvier 2014, le Parti Populaire a déposé une proposition de loi limitant la compétence aux crimes impliquant au moins un accusé de nationalité espagnole ou résidant en Espagne, ce qui revient à abandonner la compétence universelle. Selon El Pais18, la réforme pourrait aboutir dans les deux prochains mois.

    c. La France admet la compétence universelle sur la base de son Code de Procédure Pénale, qui autorise de telles poursuites pour les chefs de torture (art. 689-2) lorsque les auteurs ou complices de ces actes « se trouve en France » (art. 689-1), et pour les chefs de crimes de guerre lorsqu’ils ont résidence habituelle en France (art. 689-11). Les poursuites pour tortures sont relativement aisées en France, vu qu’elles peuvent être engagées par des plaintes privées, contrairement à celles concernant les crimes de guerre, qui relèvent d’un monopole de poursuites du Ministère public.

    d. L’Allemagne dispose d’une loi dite Code pénal de droit international. Cette législation instaure une compétence universelle couvrant les crimes de Droit international, dont la torture et les crimes de guerre, pour les actes intervenus après son entrée en vigueur le 30 juin 2002. Les poursuites dans ce cadre ne peuvent être engagées que par le Procureur près la Cour fédérale, et non par un particulier (fut-il victime) – contrairement à ce que prévoient les législations belge, française et espagnole notamment. En outre, la loi prévoit une sorte de « filtre procédural », via deux conditions cumulatives : la double subsidiarité (priorité des poursuites revient à l’Etat de nationalité ou à la Cpi), et un lien de rattachement avec l’Allemagne (présence de l’auteur sur le sol allemand). Le Ministère public apprécie l’opportunité des poursuites, de manière discrétionnaire. Sa décision est sans recours s’il décide de ne pas poursuivre, mais peut être contestée si des poursuites sont engagées en l’absence d’un lien de rattachement suffisant avec l’Allemagne.

    e. La Suisse consacre la compétence universelle dans son Code pénal, qui réprime les crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide. La mise en œuvre de cette compétence est conditionnée par la présence de l’auteur du crime sur le sol Suisse. L’activation des poursuites est, en outre, subordonnée à une décision d’opportunité par les autorités judiciaires, qui peuvent renoncer ou suspendre les poursuites, notamment pour insuffisance de preuves, ou si la personne poursuivie ne se trouve plus en Suisse et qu’elle n’y retournera pas. En outre, le Code pénal suisse consacre, aussi, une compétence universelle liée aux conventions internationales concernant la torture. L’unique précédent en la matière est celui de l’affaire Habib Ammar, du nom d’un Ministre de l’Intérieur sous le Régime Ben Ali. La plainte pour torture déposée en 2003 par un collectif d’Ong, est classée par le Procureur, au motif que l’intéressé bénéficiait d’une immunité au titre de membre d’une délégation tunisienne à l’Uit.

    f. Le Canada consacre la compétence universelle par la loi du 23 octobre 2000. En vertu de cette loi, l’auteur d’un crime contre l’humanité, d’un crime de guerre ou de génocide peut être poursuivi au Canada, quelle que soit sa nationalité ou le lieu de la commission des actes (art.6). Cette loi s’applique même aux actes commis avant son entrée en vigueur. Pour contourner le principe de non-rétroactivité, elle étend sa compétence aux faits antérieurs à la condition que l’acte commis soit considéré comme un crime au moment de sa commission au regard du droit international coutumier, conventionnel ou des principes généraux de droit reconnus par l’ensemble des nations (ce qui la fait remonté jusqu’à 1949).

    g. Le Rwanda consacre la compétence universelle depuis la réforme judiciaire de 2003. Sur cette base, sa Haute Cour est compétente pour statuer sur les accusations dirigées contre toute personne, y compris les étrangers, présente sur le territoire rwandais, pour avoir commis au Rwanda ou à l’étranger les infractions qualifiées de crimes à caractère international, la torture, les traitements inhumains ou dégradants, le crime de génocide, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre. La particularité – et peut-être aussi l’intérêt pour le Maroc – de la compétence universelle rwandaise, est qu’elle s’applique aussi à des personnes morales étrangères (Polisario), ayant commis des actes de terrorisme, de traite des êtres humains et d’esclavage.

    h. Les États-Unis, enfin, reconnaissent une compétence universelle en matière civil, aux fins de poursuites en dommages et intérêts contre les auteurs d’actes de torture ou d’exécutions extrajudiciaires. Le Alien Torts Claims Act de 1789 et le Torture Victim Protection Act de 1992, autorisent l’instruction de plaintes devant les juridictions civiles, engagées par des étrangers à l’encontre d’auteurs non-américains de violations de règles fondamentales du droit international19.

    4.5. Mais, si la menace directe de la compétence universelle est circonscrite aux 8 pays susmentionnés, le risque de harcèlement qu’elle génère sur les officiels marocains peut, lui, est démultiplié par l’effet de deux facteurs :

    a. Les mandats d’arrêt internationaux et de l’entraide judiciaire internationale. Ceci vaut, tout particulièrement, pour l’Union européenne, dont les Etats membres sont liés par l’Acte du Conseil du 29 mai 2000 établissant la Convention relative à l’entraide judiciaire en matière pénale entre les États membres de l’Union européenne. La jurisprudence européenne contient des cas de ressortissants non-Ue arrêté à l’occasion de leur séjour dans un pays membre, sur la base de poursuites engagées dans un autre pays membre20.

    b. Le Forum shopping, dit aussi Libel tourism. Il s’agit de la sélection opportuniste du lieu d’engagement des poursuites, en fonction des chances de succès de l’affaire en question, compte tenu de l’état du droit national en vigueur ou de la sensibilité du pays à la cause en question. Le forum shopping peut, également, prendre la forme d’une dissémination des plaintes sur plusieurs pays concomitamment, dans le but de disperser les efforts des défendeurs et épuiser leurs ressources.

    4.6. La Cour Pénale Internationale – dont le Maroc n’a pas ratifié le Statut – ne constitue pas une menace immédiate au regard de ce qui précède, pas plus qu’une autre juridiction régionale ou internationale existante. En effet, il apparait clairement que le risque juridique qui peut peser sur les officiels marocains du fait d’actions de harcèlement pénal, découle essentiellement des juridictions nationales en Europe. Plus particulièrement, le risque peut raisonnablement être circonscrit aux pays où les poursuites pénales peuvent être engagées par des particuliers et/ou des Ong, à savoir : l’Espagne, la France, la Suisse et, moins vraisemblablement, le Rwanda.

    5. Quelles pistes de travail pour juguler, en amont, le risque de harcèlement pénal des officiels marocains ?

    5.1. Si l’outil juridique rend l’identification du risque possible et son traitement envisageable, la prévention du risque, elle, appelle un déploiement de l’outil politique et diplomatique, pour favoriser, en amont, les conditions de juguler la menace. Les pistes de réflexion suivantes peuvent être considérées :

    1.a. Le renforcement du cadre juridique de la protection internationale des officiels marocains en déplacement à l’étranger. Il s’agirait, notamment, d’adhérer à la Convention de New York sur les missions spéciales de 1969. Ceci permettrait de sécuriser une protection conventionnelle vis-à-vis de l’Espagne et du Rwanda, mais pas vis-à-vis des 6 autres pays où un risque a été identifié, du fait qu’ils ne sont pas parties à cet instrument.

    1.b. Prêter une attention particulière à assurer la sécurité juridique des officiels marocains en déplacement en France. Dans une interview en date du 02.03.2014, le Mae français a fait état de la conception restrictive de la France en matière d’immunité rationae materiae, en évoquant l’incident de la convocation de M. Hammouchi à Paris. Il y aurait lieu d’examiner avec les Services du Quai d’Orsay, les moyens de sécuriser une protection juridique pour les officiels marocains, sur la base des outils offerts par le Droit international et de l’étendue des relations de confiance entre les deux pays.

    1.c. Riposter systématiquement pour dissuader le harcèlement pénal manipulé par les adversaires du Maroc. Toute action pénale qui aurait été introduite ou encouragée par le Polisario et/ou l’Algérie, devrait donner lieu à des actions en représailles contre leurs propres responsables. A cet effet, les règles juridiques qui favorisent le harcèlement pénal des officiels marocains, sont parfaitement réversibles contre ceux du Polisario et de l’Algérie. De plus, les thématiques de l’esclavage, de la traite des êtres humains, de la déportation des enfants et leur utilisation dans les conflits armées, sont de nature à offrir des opportunités appréciables pour rendre le Polisario comptable de ses politiques, individuellement ou avec la complicité de l’Algérie.

    1.d. Investir les fora où se déploient les négociations multilatérales concernant la compétence universelle. Celle-ci fait, encore, l’objet d’un large débat international, appelé à en définir les contours et les limites. En particulier, le Maroc aurait tout intérêt à investir la Commission du Droit International (Cdi), mandatée pour réfléchir sur la question – et dans laquelle il n’a pas siégé depuis 1981 (à la différence de l’Algérie). De même, le Maroc pourrait jouer un rôle plus actif sur la question au niveau de la 6ème Commission de l’Ag-Onu, y compris dans le cadre des Groupes Africain, Oci et Nam – très actifs sur le sujet.

    1.e. Prêter l’attention appropriée au monitoring des Ong, qui jouent – et sont appelées à le faire davantage – un rôle important dans l’activation de la compétence universelle contre les officiels marocains. Il s’agirait, en particulier, de répertorier les Ong hostiles, afin d’identifier celles qui seraient les plus à mêmes à présenter un risque du point de vue du harcèlement pénal des officiels marocains et de retracer leurs filières de financement. Un document publié par Hrw en 2004 décrit les actions entreprises par les Ong, et qui incluent, notamment, celle d’informer les autorités judiciaires sur les crimes commis et sur le contexte historique et politique des violations des droits de l’homme, l’accompagnement des victimes et des témoins, l’offre d’avocats spécialisés, l’envoi de renseignements sur les cas à un gouvernement qui est partie au Statut de Rome ou même au Conseil de sécurité, et en leur demandant de renvoyer une affaire à la Cpi.

    1.f. Le harcèlement pénal doit être appréhendé dans le cadre plus large du lobbying juridique menée contre le Maroc. Dans cette logique, l’attention la plus soutenue doit être consacrée à défendre les positions juridiques fondamentales sur la question nationale (statut du territoire, statut de la zone à l’Est du dispositif de défense, territorialité des accords, statut juridique du Maroc vis-à-vis du territoire). Une telle action peut avoir des implications directes contre le harcèlement pénal.

    #Maroc #Harcèlement_pénal #Abdellatif_El_Hammouchi #Espagne #France #CPI #Loi_compétence_internationale

  • L’Algérie, une histoire millénaire dans la résistance: 1830/1962

    Tags : Algérie, France, colonisation, mémoire, guerre de libération,

    Professeur des universités, expert international docteur d’ Etat 1974- Abderrahmane MEBTOUL Fils du feu Moudjahid Ali emprisonné à El Harrach et Lambèse 1958/1962

    La jeunesse a besoin de connaître son histoire, très riche, qui ne saurait se limiter à la période contemporaine de 1963 à 2022. L’histoire, fondement de la connaissance et de l’action future, une nation sans son histoire étant une nation sans âme. L’histoire de l’Algérie est une histoire millénaire devant remonter de la période des Numides à la période romaine, du kharidjisme et de la période de la dynastie des Almohades en passant par la période de l’occupation espagnole et ottomane (voir A. Mebtoul google.com 2010). Cette présente contribution, certainement imparfaite comme toute recherche à approfondir, en espérant qu’elle suscitera un débat contradictoire au profit exclusif de l’Algérie, sera scindée en deux parties: de la colonisation française au du nationalisme algérien à la révolution du 1er novembre 1954 pour aboutir à l’indépendance de l’Algérie le 5 novembre 1962.

    1.-De .la colonisation française au nationalisme algérien

    La conquête de l’Algérie de 1830 à 1871 par la France marque la fin de la domination ottomane et le début de la domination française. Il semblerait, peut être un prétexte, que tout aurait commencé par la fameuse affaire de l’éventail. Le 30 avril 1827 à Alger, le Dey soufflette avec son éventail le Consul de France, Deval. L’épisode entraîne la rupture diplomatique avec la France. Le Conseil des ministres français décide d’organiser une expédition punitive en Algérie le 31 janvier 1830. D’abord nommés «possessions françaises dans le Nord de l’Afrique», ces territoires prendront officiellement le nom d’Algérie, le 14 octobre 1839. La population algérienne est estimée à 3 millions d’habitants avant la conquête française de 1830.

    Selon l’ouvrage «Coloniser, exterminer» de l’historien Olivier Le Cour Grandmaison, je cite : «Le bilan de la guerre, presque ininterrompue entre 1830/1872 souligne son extrême violence ; il permet de prendre la mesure des massacres et des ravages commis par l’armée d’Afrique. En l’espace de quarante-deux ans, la population globale de l’Algérie est en effet passée de 3 millions d’habitants environ à 2 125 000 selon certaines estimations, soit une perte de 875 000 personnes, civiles pour l’essentiel. Le déclin démographique de l’élément arabe était considéré comme bénéfique sur le plan social et politique, car il réduisait avantageusement le déséquilibre numérique entre les indigènes et les colons».

    Plusieurs observateurs s’accordent à dire que la conquête de l’Algérie a causé la disparition de presque un tiers de la population algérienne. Guy de Maupassant écrivait dans «Au Soleil en 1884», je le cite : «Il est certain aussi que la population primitive disparaîtra peu à peu ; il est indubitable que cette disparition sera fort utile à l’Algérie, mais il est révoltant qu’elle ait lieu dans les conditions où elle s’accomplit». Nous pouvons scinder cette période historique en plusieurs phases.

    Sous Louis Philippe 1er de 1830 à 1848, l’Emir Abdelkader figure charismatique, fondateur de l’Etat algérien selon certains historiens, résiste pendant de longues années à l’occupation coloniale. Il attaque des tribus alliées de la France et bat le général Trézel dans les marais de la Makta près de son fief de Mascara dans l’Ouest algérien. Il encercle la ville voisine d’Oran pendant 40 jours. Arrivé en renfort de métropole, le général Bugeaud inflige une défaite à Abdelkader. Le traité de Tafna est signé, le 30 mai 1837 entre le général Bugeaud et l’Émir qui reconnaît la souveraineté de la France. En échange de pouvoirs étendus sur les provinces de Koléa, Médéa et Tlemcen, il peut conserver 59 000 hommes en armes. L’armée française passe, en septembre 1839, les Portes de fer dans la chaîne des Bibans territoire que l’émir comptait annexer.

    L’Emir Abdelkader, considérant qu’il s’agit d’une rupture du traité de Tafna, reprend la guerre contre la France le 16 mai 1843. Le 14 août 1844 le général Bugeaud écrase l’armée du sultan marocain à la bataille d’Isly. L’armée marocaine se replie en direction de Taza. Le sultan s’engage alors à interdire son territoire à Abdelkader, en traitant avec la France. Le 23 septembre, les troupes d’Abdelkader sortent victorieuses lors de la bataille de Sidi Brahim, engagée par le colonel Montagnac. En décembre 1847 , l’Emir Abdelkader se rend aux spahis (nomades des régions steppiques de l’Algérie). Placé en résidence surveillée pendant quatre ans en France, l’émir fut libéré par Napoléon III, visita plusieurs villes de la métropole avant de rejoindre Damas et résida le restant de sa vie en Syrie.

    Le 11 décembre 1848, la Constitution de 1848 proclame l’Algérie partie intégrante du territoire français. Bône, (Annaba actuellement) Oran, Alger deviennent les préfectures de trois départements français. Les musulmans et juifs d’Algérie deviennent «sujets français» sous le régime de l’indigénat. Le territoire de l’ex-Régence d’Alger est donc officiellement annexé par la France, mais la région de la Kabylie qui ne reconnaît pas l’autorité française résiste encore. L’armée française contrôle alors tout le nord-ouest de l’Algérie.

    Les succès remportés par l’armée française sur la résistance d’Abd el-Kader, renforcent la confiance française, et permettent de décréter, après débats, la conquête de la Kabylie qui devait intervenir à l’issue de la guerre de Crimée (1853-1856) et qui a mobilisé une partie des troupes françaises. C’est à cette époque que Fatma N’soumer la femme rebelle marqua une grande résistance. Née en 1830, l’année même de l’occupation française d’Algérie, en 1853, elle avait 23 ans dans son Djurjura natal. Elle est arrêtée le 27 juillet 1857 dans le village de Takhliit Ath Atsou près de Tirourda. Placée, ensuite, en résidence surveillée à Béni Slimane, elle y meurt en 1863, à l’âge de trente-trois ans, éprouvée par son incarcération.

    En mars 1871, profitant de l’affaiblissement du pouvoir colonial à la suite de la défaite française lors de la guerre franco-prussienne (1870-1871), une partie de la Kabylie se soulève, favorisée par plusieurs années de sécheresse et de fléaux. Elle débute au mois de janvier avec l’affaire des Spahis et en mars avec l’entrée en dissidence de Mohamed El Mokrani qui fait appel au Cheikh El Haddad, le grand maître de la confrérie des Rahmaniya. La révolte échoue et une répression est organisée par les Français pour «pacifier» la Kabylie, avec des déportations. À la suite d’un ordre qui a été donné par l’armée de les envoyer en France, les Spahis se soulèvent fin janvier 1871 à Moudjebeur et à Ain-Guettar dans l’Est algérien à la frontière avec la Tunisie. Le mouvement est rapidement réprimé. Dès lors, le seul moyen de prévenir les révoltes, c’est d’introduire une population européenne nombreuse, de la grouper sur les routes et les lignes stratégiques de façon à morceler le territoire en zones qui ne pourront pas, à un moment donné, se rejoindre. La loi du 21 juin 1871 (révisée par les décrets des 15 juillet 1874 et 30 septembre 1878) attribue 100 000 hectares de terres en Algérie aux immigrants d’Alsace-Lorraine.

    De 1871 à 1898 les colons acquièrent 1 000 000 d’hectares, alors que de 1830 à 1870 ils en avaient acquis 481 000. Le 26 juillet 1873 est promulguée la loi Warnier, visant à franciser les terres algériennes et à délivrer aux indigènes des titres de propriété. Cette loi donne lieu à divers abus et une nouvelle loi la complétera en 1887. Son application sera suspendue en 1890. Le Code de l’Indigénat est adopté le 28 juin 1881 distinguant deux catégories de citoyens : les citoyens français (de souche métropolitaine) et les sujets français, c’est-à-dire les Africains noirs, les Malgaches, les Algériens, les Antillais, les Mélanésiens. Le Code était assorti de toutes sortes d’interdictions dont les délits étaient passibles d’emprisonnement ou de déportation. Après la loi du 7 mai 1946 abolissant le Code de l’indigénat, les autochtones sont autorisés à circuler librement, de jour comme de nuit, et récupérer le droit de résider où ils voulaient et de travailler librement. Cependant, les autorités françaises réussirent à faire perdurer le Code de l’indigénat en Algérie jusqu’à l’indépendance en maintenant le statut musulman et en appliquant par exemple le principe de responsabilité collective qui consistait à punir tout un village pour l’infraction d’un seul de ses membres. L’Algérie possède un nouveau statut en 1900 : elle bénéficie d’un budget spécial, d’un gouverneur général qui détient tous les pouvoirs civils et militaires.

    Après une longue lutte de l’Emir Abdelkader considéré comme le précurseur de la fondation de l’Etat algérien, Messali Hadj dès 1927 réclame l’indépendance de l’Algérie ayant été le fondateur du Parti du peuple algérien (PPA). Cependant, bien que la résistance ait toujours existé depuis toutes les invasions, ce sont les guerres mondiales qui permirent une prise de conscience plus forte de l’injustice qui frappait la majorité des Algériens souvent analphabètes et travaillant à des salaires de misère. Pour faire face aux pertes humaines de la Grande Guerre, la France mobilisa les habitants des départements français d’Algérie: musulmans, juifs et Européens.73.000 mobilisés dans la population française, et 176. 000 dans la population «indigène». Le 08 mai 1945 alors que la Seconde Guerre mondiale prend fin en Europe, en Algérie, des manifestations nationalistes algériennes sont réprimées par l’armée française à Sétif et Guelma,, selon la source algérienne 45000 morts.

    Suite au Manifeste du peuple algérien de Ferhat Abbas en 1943, les élections législatives de 1946 sont un succès pour l’Union démocratique du Manifeste algérien (UDMA). Son parti remporte onze des treize sièges réservés à l’Algérie à l’Assemblée nationale. La loi sur le statut de l’Algérie est promulguée en septembre 1947: l’Algérie reste composée de trois départements et le pouvoir est représenté par un gouverneur général nommé par le gouvernement français. En 1948 trente-six des 59 candidats du MLTD sont arrêtés. Il est utile de préciser qu’au début du XXe siècle, plusieurs leaders algériens revendiquent le droit à l’égalité ou à l’indépendance. La plupart des figures du Mouvement national algérien vont être surveillées de près par les services policiers français, d’autres seront exilées vers d’autres pays comme l’a été l’émir Khaled El Hassani Ben El Hachemi en Égypte puis en Syrie. Nous avons des figures et sans être exhaustif, Messali Hadj, Malek Bennabi, Mohamed Hamouda Bensai, Ben Badis, Mohamed Bachir El Brahimi, Larbi Tebessi, Ferhat Abbas, Omar Ouzeggane qui ont posé le problème de l’indépendance de l’Algérie avec des approches différentes.

    2.-De la révolution 1954-1962 à l’indépendance politique

    Le CRUA est fondé en mars 1954 et organise la lutte armée. Le parti du Mouvement national algérien est fondé en juillet 1954 par les messalistes. Le Front de Libération nationale FLN lui succède en octobre 1954 par la branche du CRUA (Comité révolutionnaire d’unité et d’action). Par la suite, existera une divergence entre la tendance de Messali Hadj et celle du FLN, suite à l’échec de la médiation de Ben Boulaïd, ce qui entraînera par la suite des luttes fratricides. Le déclenchement de la révolution algérienne a été décidé dans la casbah d’Alger et à Batna sous la présidence de Mostefa Ben Boulaïd dans la réunion des 22 cadres du Comité révolutionnaire d’unité et d’action CRUA). Il s’agit de Badji Mokhtar- Belouizdad Athmane- Benboulaïd Mustapha- Benabdelmalek Ramdane- Benaouada Amar- Ben M’hidi Larbi- Bentobbal Lakhdar- Bitat Rabah- Bouadjadj Zoubir- Bouali Saïd- Bouchaïb Ahmed- Boudiaf Mohamed- Boussouf Abdelhafid- Derriche Elias- Didouche Mourad- Habachi Abdesslam- Lamoudi Abdelkader- Mechati Mohamed- Mellah Rachid- Merzougui Mohamed- Souidani Boudjema-Zighoud Youcef.

    L’une des décisions stratégiques du groupe est la mise en place d’un découpage territorial du pays en cinq zones coiffées par Mostefa Benboulaïd pour la zone 1, Didouche Mourad pour la 2, Krim Belkacem pour la 3 – Rabah Bitat pour la 4 et Larbi Ben M’hidi pour la 5, Mohamed Boudiaf assurant la coordination et les relations avec l’extérieur. La déclaration du 1er novembre 1954 est émise à partir de Tunis . Dans la nuit du 1er novembre 1954, la caserne de la ville de Batna est attaquée par les moudjahidine. Et c’est la guerre. Environ 100 000 soldats français sont affectés dans les Aurès et plus tard ils seront plus de 400 000 en Algérie. Le massacre de Skikda (ex-Philippeville) la mort d’une centaine de manifestants algériens, eut lieu du 20 au 26 du mois d’août 1955. La même année, à l’Assemblée générale de l’O.N.U, l’inscription de l’affaire algérienne est à l’ordre du jour. Le Congrès de la Soummam organisé par Abane Ramdane, Larbi Ben M’hidi, et Krim Belkacem le 26 août 1956 aux villages Ighbane et Ifri dans la commune d’Ouzellaguen (Kabylie) a été déterminant et a été l’acte fondateur de l’Etat algérien moderne et pilier déterminant pour la réussite de la révolution algérienne.

    Après le congrès de la Soummam, l’Algérie a été divisée en six wilayas ou états-majors. Une wilaya est divisée en quatre zones. Chaque zone est divisée en quatre régions. La région est divisée en quatre secteurs. Le Conseil national de la révolution algérienne CNRA désigné par le congrès de la Soummam se composait de 34 membres: 17 titulaires et 17 suppléants. Pour les titulaires, nous avons Mostefa Ben Boulaïd, Youcef Zighoud, Belkacem Krim, Amar Ouamrane, Med Larbi Ben M’hidi- Rabah Bitat, Mohammed Boudiaf, Ramdane Abane -Ahmed Ben Bella, Mohammed Khider, Hocine Aït Ahmed, Med Lamine Debbaghine, Idir Aïssat, Ferhat Abbas, M’hamed Yazid, Benyoucef Ben Khedda, Taoufik El Madani. Après la condamnation de Larbi Ben M’hidi et le déroulement du congrès de la Soummam, le FLN intègre les dirigeants du Mouvement national algérien (MNA).

    Plusieurs partis algériens adhèrent à la cause du FLN. Les Aurès, le Constantinois, l’Ouest de l’Algérie, la Kabylie, et. seront les zones les plus sensibles du point de vue stratégique et logistique. Les deux pays(le Maroc et la Tunisie) sont sous protectorat français mais aideront le FLN. Ils hébergent les deux armées de l’ALN aux frontières. Cependant, l’histoire se précipite. La délégation des principaux dirigeants du FLN Mohamed Khider, Mostefa Lacheraf, Hocine Ait Ahmed, Mohamed Boudiaf, et Ahmed Ben Bella est arrêtée, à la suite du détournement, le 22 octobre 1956 par l’armée française, de leur avion civil marocain, entre Rabat et Tunis. En 1959, Messali Hadj sort de prison, il est assigné à résidence.

    Durant cette période, des Algériens de l’armée française désertent, venant grossir les rangs de l’ALN dont certains seront connus au lendemain de l’indépendance politique et qui ont contribué à la modernisation de l’ANP, contrairement à certaines supputations de véritables patriotes, comme Khaled Nezzar, Larbi Belkheir, Mohamed Touati, Mohamed Lamari, Abbas Gheziel, Abdelmalek Guenaïzia etc… Les étudiants algériens s’impliquent. Après la création de l’UGEMA, en 1955, par Belaïd Abdesselam, Mohamed Seddik Benyahia, Lamine Khène, et Aït Challal, la section locale de Montpellier élit à sa tête Mohamed Khemisti (futur ministre des Affaires étrangères qui fut assassiné durant la période Ben Bella). Des intellectuels français vont aider le FLN comme Maurice Audin qui fut torturé et tué par les services français.

    Frantz Fanon s’engage auprès de la résistance algérienne. Albert Camus, natif d’Algérie, fut un défenseur des droits des Algériens, dans les années 1940, avant de refuser de prendre position pour l’indépendance avec cette phrase célèbre prononcée à Stockholm en 1957: «Si j’avais à choisir entre la justice et ma mère, je choisirais encore ma mère». Dès 1956, Jean-Paul Sartre, et la revue Les Temps modernes prennent parti contre l’idée d’une Algérie française et soutiennent le désir d’indépendance du peuple algérien. La découverte de pétrole dans le Sud algérien favorise les convoitises et ainsi est annoncé le plan de développement économique et social dit Plan de Constantine visant à la valorisation de l’ensemble des ressources de l’Algérie, mettant en relief les relations financières entre l’Algérie et la métropole (juin 1955) et les perspectives décennales du développement économique de l’Algérie (mars 1958).

    En 1960, l’ONU annonce le droit à l’autodétermination du peuple algérien. Le côté français organise des pourparlers avec le gouvernement provisoire algérien Plusieurs réunions à l’extérieur du pays vont aboutir aux accords d’Evian. Le 17 octobre 1961, la nuit noire appelée aussi la bataille de Paris avec le massacre du 17 octobre 1961. Plusieurs Algériens sont tués en métropole lors d’une manifestation du FLN. Il y aura aussi des milliers d’arrestations au sein des Algériens. Le tournant a été les accords d’Evian qui sont le résultat de négociations entre les représentants de la France et du Front de Libération nationale, accords signés le 18 mars 1962 à Evian -les- Bains (Haute- Savoie) et se traduisent immédiatement par un cessez-le-feu applicable sur tout le territoire algérien.

    Du côté algérien, nous avons la délégation du FLN, Krim Belkacem, Saâd Dahlab, Benmostefa Benaouda dit Si-Aamar, Lakhder Bentobbal, Taïeb Boulahrouf, Mohamed Seddik Benyahia, Seghir Mostefaï, Redha Malek, M’hamed Yazid, Ahmed Boumendjel et Ahmed Francis. Côté français, il y avait Louis Joxe, Bernard Tricot, Roland Cadet, Yves Roland-Billecart, Claude Chayet, Bruno de Leusse, Vincent Labouret, le général Jean Simon, le lieutenant- colonel Hubert de Seguins Pazzis, Robert Buron et Jean de Broglie. Dans la foulée, le CNRA se réunit à Tripoli (Libye) du 27 mai au 5 juin 1962 pour, en principe, entériner les termes des accords d’Evian. L’ordre du jour est rapidement débordé et la conférence adopte, après amendements, un programme de gouvernement préalablement élaboré à Hammamet -Tunisie.

    Ce document que l’histoire retient sous le nom de programme ou parfois Charte de Tripoli, caractérisé par bon nombre de dissensions internes au sein de la direction, certains acteurs affirmant qu’il n’a jamais été adopté, établit pourtant le régime socialiste comme modèle de développement et impose le parti unique comme système politique. Rappelons que de septembre 1958 à janvier 1960, Ferhat Abbas a été président du GPRA, Benyoucef Benkhedda d’août 1961 à aout 1962, Abderrahmane Farés de juillet 1962 à septembre 1962, président de l’Exécutif provisoire et à nouveau Ferhat Abbas du 20 septembre au 25 septembre 1962 président de ‘l’Assemblée nationale constituante ANC. Lors du référendum d’autodétermination de l’Algérie où les électeurs ont eu à se prononcer par «Oui» ou par «Non» sur la question suivante: «Voulez- vous que l’Algérie devienne un Etat indépendant, Le ‘’Oui » l’emporte par 99,72% (5 994 000 sur 6 034 000 votants et 530 000 abstentions). La France reconnaît l’indépendance de l’Algérie le 3 juillet et celle- ci est proclamée le 5 juillet 1962.

    #Algérie #1ernovembre #Colonisation

  • Avant le roi du Maroc, Sarkozy avait loué aussi Ben Ali

    Il est vrai que Sarkozy, ainsi que d’autres lobbystes du Makhzen ont beaucoup à perdre avec des changements véritablement démocratiques dans les » pays du sud » dont les peuples luttent entre autres, pour une véritable indépendance, une démocratie respectable.

    Pour les français, l’Etat marocain est un véritable relais dans la région. Un fidèle gendarme. Un Maroc national, démocratique et populaire c’est, entre autres, une mamelle perdue pour la françafrique

    De la même manière que Nicolas Sarkozy avait loué en 2008 son homologue Ben Ali pour les progrès accomplis en matière de libertés en Tunisie, Nicolas Sarkozy a fait le choix de s’engager aux côtés du roi Mohammed VI et n’hesite pas à afficher son soutien inconditionnel à la monarchie médiévale marocaine. Pourtant on est encore loin des réformes nécessaires pour engager le Maroc sur le chemin de la démocratie et d’un état de droit.

    Le roi continue de garder l’essentiel des pouvoirs politique, judiciaire et militaire. Par ailleurs aucune annonce n’est faite contre la corruption et les inégalités sociales qui minent la société marocaine. Le peuple marocain ne demande qu’un petit geste du roi pour appaiser ses souffrances quotidiennes.

    La jeunesse marocaine, les associations de défense des droits humains, les partis de la gauche démocratique dénoncent l’alignement de l’Elysée avec le pouvoir corrompu de Rabat.

    Tags : Maroc, Sarkozy, France, Mohammed VI, dictature,

  • Chirac reconnaît le pillage de l’Afrique par la France

    Chirac reconnaît le pillage de l’Afrique par la France

    Topics : France, Afrique, pillage, néocolonialisme, Françafrique,

    Dans une interview accordée à la presse après son départ de l’Elysée, Jacques Chirac a reconnu que les richesses de l’Afrique ont été pillées y compris par son pays. Et il a demandé qu’on rende aux Africains ce qu’on leur a pris 

    « Une grande partie de l’argent qui est dans notre porte-monnaie vient précisément de l’exploitation, depuis des siècles, de l’Afrique. Pas uniquement, mais beaucoup vient de l’exploitation de l’Afrique. Alors, il faut avoir un petit peu de bon sens, je dis pas de générosité, de bon sens, de justice, pour rendre aux africains ce qu’on leur a pris, d’autant que c’est nécessaire si on veut éviter des pires convulsions ou difficultés avec les conséquences politiques que ça comporte dans un prochain avenir ».

    Durant sa présidence, qui a duré 12 ans, Jacques Chirac a défendu l’Afrique contre vents et marées. Même à la retraite, il a dénoncé ceux qui ont saigné ce continent pendant des siècles, y compris son propre pays. Malgré les critiques sur le clientélisme de la Françafrique et son soutien aux régimes corrompus, Jacques Chirac garde une image plutôt positive auprès des Africains.

    “Nous avons saigné l’Afrique pendant quatre siècles et demi, commença-t-il. Ensuite, nous avons pillé ses matières premières ; après, on a dit : ‘Ils (les Africains) ne sont bons à rien.’ Au nom de la religion, on a détruit leur culture et maintenant, comme il faut faire les choses avec plus d’élégance, on leur pique leurs cerveaux grâce aux bourses. Puis, on constate que la malheureuse Afrique n’est pas dans un état brillant, qu’elle ne génère pas d’élites. Après s’être enrichi à ses dépens, on lui donne des leçons.”

    [youtube https://www.youtube.com/watch?v=KIHFgealnYM&w=560&h=315]
  • L’Afrique pillée et transformée en poubelle pour nations riches

    Tags : France, Françafrique, colonisation, spoliation,

    Ça barde en Afrique ces temps-ci. Qui dit Afrique dit « Françafrique » dans la plupart des cas. Et il est goûteux le fumet barbouzard qu’exhalent – depuis Bugeaud et de Gaulle – les affaires africaines. Savante alliance de commandos musclés, d’espions de la DGSE, de « cellules élyséennes » (où les de Gaulle, Mitterrand et autres Sarkozy décident sans aucun contrôle parlementaire de la politique excoloniale), de « secret-défense », d’enlèvements, de torture, de dissimulation mafieuse, de recherches d’intérêts sordides – diamants, pétrole et minerais en tout genre –, de traques sanglantes des opposants démocratiques, de coups d’État organisés depuis Paris, de présidents fantoches élus à des majorités délirantes, d’aides au développement bidonnées, de ventes d’armes occultes, de coups tordus, de tactiques contre-révolutionnaires (mises au point par des Français et exportées avec grand succès et contre espèces sonnantes en Amérique du Sud, en Israël, jusqu’aux Zétazunis et bien sûr en Afrique), avec une brochette de vedettes attachantes comme l’OAS, le Sac, Pasqua, Foccart, Paul Barril ou l’inoubliable commandant Prouteau. Tout cela dans une tradition de secret, de titatas mystificateurs et de mépris des non-initiés et des populations. Moyennant quoi, l’ordre règne sur la misère des peuples de pays africains systématiquement pillés et transformés en poubelles pour nations riches.

    Quand on veut s’informer sur l’Afrique, ne jamais perdre de vue les règles françafricaines de secret et de dissimulation de pratiques inavouables. En ce moment, c’est chaud à propos des élections ivoiriennes et du « terrorisme » au Niger. Il y a gros à parier que ce qui s’y passe vraiment est caché, au mieux dénaturé, et qu’à moins de procéder à une investigation longue et dangereuse auprès d’un grand nombre de sources différentes et scrupuleuses, on ne saura le fin mot de ces histoires que dans plusieurs décennies. Qui est qui, qui fait quoi, que se cache derrière qui, quel rôle joue la Françafrique, qui prétend quoi et pour quels intérêts politiques ou économiques – ce qui revient au même –, voilà les questions à se poser en la matière. Et puis en Afrique il y a également le Maghreb. Ça barde aussi de ce côté. Le peuple tunisien supporte mal son sort peu enviable et se paye le luxe de le signifier à la caste de voyous de son président. En Algérie, voire au Maroc, ce fut, c’est et ce sera encore la même révolte et pour les mêmes raisons. Pourtant les Mohammed VI, Ben Ali et Bouteflika, trois prédateurs avérés, sont toujours d’officiels grands amis de la France et de sa Françafrique. Tant que ça lui rapporte, les gueux peuvent crever et on ne saura par les grands médias que ce qu’elle veut bien lâcher. En ce domaine aussi, il appartient aux anarchistes de rechercher minutieusement des faits avérés et de les faire connaître à tous.

  • Le déjeuner maladroit : Macron snobe Scholz à Paris

    Le déjeuner maladroit : Macron snobe Scholz à Paris

    Tags : France, Allemagne, Ammanuel Macron, Olaf Scholz, crise énergétique, Chine, Ukraine,

    Les assistants français et allemands disent que la réunion s’est bien déroulée. L’absence d’une apparition conjointe dans la presse raconte une autre histoire.

    BERLIN/PARIS — Les relations sont désormais si glaciales entre Emmanuel Macron et Olaf Scholz, les dirigeants des deux puissances économiques de l’UE, qu’ils n’osent même pas être vus ensemble devant la presse.

    Le président français et la chancelière allemande ont eu un tête-à-tête à Paris mercredi, mais il n’y a pas eu de conférence de presse conjointe devant les caméras, ce qui est normalement la plus sèche des courtoisies diplomatiques de routine après des réunions bilatérales. Berlin avait annoncé plus tôt qu’une telle apparition dans la presse allait avoir lieu. Puis le Palais de l’Elysée l’a exclu.

    À la fin du déjeuner de travail, des responsables des deux côtés – qui ne voulaient pas être identifiés – ont affirmé que la réunion avait été un succès.

    « C’était très constructif, très stratégique », a déclaré l’un des conseillers de Macron. « Nous avons tous eu le nez sur la meule de l’énergie, et aujourd’hui nous avons pu élever la conversation et discuter de ce que nous voulons faire dans cinq, dix ans. » Selon un responsable allemand, la réunion a été « un succès total ».

    Mais la conférence de presse annulée a raconté sa propre histoire comme un camouflet à Scholz. Il avait voyagé avec un corps de presse complet à Paris, et de là continuait à Athènes pour une autre visite d’État. Refuser une conférence de presse à un dirigeant en visite est une tactique politique généralement appliquée pour adresser une réprimande, comme l’a récemment fait Scholz lors de la visite du Premier ministre hongrois Viktor Orbán à Berlin .

    « Vraisemblablement, il y a eu jusqu’à présent un manque de contact et d’échange entre les nouvelles équipes gouvernementales respectives de Scholz et Macron », a déclaré Sandra Weeser du Parti libéral démocrate allemand, qui siège au conseil d’administration de l’Assemblée parlementaire franco-allemande. « Donc, nous sommes certainement aussi au début de nouvelles relations politiques interpersonnelles, pour lesquelles la confiance doit d’abord être construite. »

    La bagarre autour d’une émission médiatique n’est que le dernier épisode d’une querelle croissante entre les deux plus grandes puissances de l’UE.

    Ces dernières semaines, Scholz et Macron se sont affrontés sur la manière de faire face à la crise énergétique, de surmonter l’impuissance de l’Europe en matière de défense et de la meilleure approche pour traiter avec la Chine.

    La semaine dernière, ces tensions se sont révélées au public lorsqu’une réunion du cabinet franco-allemand prévue dans la ville française de Fontainebleau a été reportée à janvier au milieu de divergences majeures sur le texte d’une déclaration commune, ainsi que des projets de vacances contradictoires de certains ministres allemands. Le désaccord entre les deux gouvernements était également largement visible lors du sommet européen de la semaine dernière à Bruxelles.

    La guerre en Ukraine et la crise de l’inflation et de l’énergie ont mis à rude épreuve les alliances européennes, juste au moment où elles étaient le plus nécessaires. Ce qui a toujours été une alliance vitale entre Paris et Berlin a semblé au mieux discordant.

    Les responsables français se plaignent que Berlin ne les traite pas suffisamment comme un partenaire proche. Par exemple, les Français affirment qu’ils n’ont pas été informés à l’avance du programme d’ allègement des prix de l’énergie de 200 milliards d’euros de l’Allemagne – et ils se sont assurés que leurs homologues à Berlin sont conscients de leur frustration.

    « Lors de mes entretiens avec des parlementaires français, il est devenu clair que les Parisiens souhaitent une coordination plus étroite et plus étroite avec l’Allemagne », a déclaré Chantal Kopf, députée des Verts, l’un des trois partis de la coalition au pouvoir en Allemagne, et membre du conseil d’administration de l’Assemblée parlementaire franco-allemande.

    « Jusqu’à présent, cette coopération a toujours bien fonctionné en temps de crise – pensez, par exemple, au fonds de relance pendant la crise du coronavirus – et maintenant les Français veulent aussi à juste titre les réponses à la crise énergétique actuelle, ou comment faire face à la Chine , à coordonner étroitement », a déclaré Koff.

    Une conclusion similaire est tirée par Weeser du FDP, un autre partenaire de la coalition au sein du gouvernement de Berlin. « Paris est irritée par le fait que l’Allemagne fasse cavalier seul sur le frein du prix du gaz et le manque de soutien aux projets européens conjoints de technologie de défense », a-t-elle déclaré. Dans le même temps, elle a accusé le gouvernement français de s’être jusqu’à récemment traîné les pieds sur une nouvelle liaison par pipeline entre la péninsule ibérique et l’Europe du Nord.

    Des tensions sans précédent
    Plus récemment, le gouvernement français a été irrité par la nouvelle selon laquelle Scholz prévoyait de se rendre à Pékin la semaine prochaine pour rencontrer Xi Jinping dans le cadre de ce qui serait la première visite d’un dirigeant étranger depuis que le président chinois a obtenu un troisième mandat en rupture avec la norme. L’Allemagne et la Chine planifient également leur propre spectacle en ce qui concerne les consultations gouvernementales prévues en janvier.

    La pensée à l’Elysée est qu’il aurait été préférable que Macron et Scholz aient visité la Chine ensemble – et de préférence un peu plus tard plutôt que juste après le congrès du Parti communiste chinois où Xi a obtenu un autre mandat. Selon un responsable français, une visite peu après le congrès « légitimerait » le troisième mandat de Xi et serait « trop coûteuse politiquement ».

    L’approche non coordonnée de l’Allemagne et de la France à l’égard de la Chine contraste avec la dernière visite de Xi en Europe en 2019 lorsqu’il a été accueilli par Macron, qui avait également invité l’ancienne chancelière Angela Merkel et l’ancien président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker à Paris pour montrer l’unité européenne.

    Macron s’est abstenu de critiquer directement un accord controversé sur le port de Hambourg avec la société chinoise Cosco, que Scholz pousse avant son voyage à Pékin. Mais la semaine dernière, le président français a remis en question la sagesse de laisser la Chine investir dans des « infrastructures essentielles » et a averti que l’Europe avait été « naïve » envers les achats chinois dans le passé « parce que nous pensions que l’Europe était un supermarché ouvert ».

    Jean-Louis Thiériot, vice-président de la commission de la défense de l’Assemblée nationale française, a déclaré que l’Allemagne se concentrait de plus en plus sur la défense en Europe de l’Est au détriment de projets communs franco-allemands. Par exemple, Berlin a signé un accord avec 13 membres de l’OTAN, dont beaucoup sur le flanc de l’Europe du Nord et de l’Est, pour acquérir conjointement un bouclier antiaérien et antimissile – au grand dam de la France .

    « La situation est sans précédent », a déclaré Thiériot. « Les tensions s’aggravent maintenant et rapidement. Au cours des deux derniers mois, l’Allemagne a décidé de mettre fin aux travaux sur l’hélicoptère Tigre [franco-allemand], a abandonné les patrouilles conjointes de la marine… Et la signature du bouclier de défense aérienne est un coup fatal [à la relation de défense] », a-t-il déclaré.

    L’investissement massif de l’Allemagne via un fonds de mise à niveau militaire de 100 milliards d’euros, ainsi que l’engagement de Scholz envers l’objectif de l’OTAN de consacrer 2% du PIB aux dépenses de défense, augmenteront probablement le budget annuel de la défense à plus de 80 milliards d’euros et sign ifient que Berlin sera sur la bonne voie pour dépasser le budget français de la défense de 44 milliards d’euros.

    Certificat médical
    La suspension la semaine dernière du conseil des ministres conjoint franco-allemand n’était pas de loin le premier affrontement entre Berlin et Paris en matière de réunions de haut niveau.

    En août, la question était de savoir si Scholz et Macron se rencontreraient à Ludwigsburg le 9 septembre pour le 60e anniversaire d’ un célèbre discours de l’ancien président français Charles de Gaulle dans la somptueuse ville du sud-ouest de l’Allemagne. Mais malgré la nature hautement symbolique de cette cérémonie, la réunion des dirigeants n’a jamais eu lieu – les responsables présentant des comptes rendus contradictoires sur les raisons pour lesquelles c’était le cas, des conflits de nomination aux prétendus désaccords sur qui devrait assumer les coûts.

    À la fin du mois dernier, Paris s’est senti snobé par Berlin lorsque Scholz n’a pas trouvé le temps de parler au Premier ministre français Elisabeth Borne : une réunion entre les deux dirigeants à Berlin avait été annulée parce que la chancelière avait été testée positive pour le coronavirus. Mais plusieurs responsables français ont déclaré à POLITICO qu’une vidéoconférence organisée par la suite avait également été annulée, prétendument parce que les Allemands avaient déclaré au bureau de Borne que Scholz se sentait trop malade.

    Paris a été encore plus surpris – et agacé – lorsque Scholz est ensuite apparu le même jour par vidéo lors d’une conférence de presse, au cours de laquelle il ne semblait pas aussi malade, mais a plutôt annoncé avec confiance son programme d’aide énergétique de 200 milliards d’euros. Les Français disent qu’ils n’ont même pas été informés au préalable. Un porte-parole allemand a refusé de commenter.

    Yannick Bury, un législateur de l’opposition allemande de centre-droit qui se concentre sur les relations franco-allemandes, a déclaré que Scholz devait commencer à reconstruire les liens avec Macron. « Il est important que la France reçoive un signal clair que l’Allemagne a un grand intérêt à un échange étroit et confiant », a déclaré Bury. « La confiance a été brisée. »

    Politico, 26/10/2022

    #France #Macron #Allemagne #Olaf_Scholz #Ukraine #Chine