Étiquette : francophonie

  • Le «nouvel espéranto»

    Le «nouvel espéranto»

    Topics : Francophonie, langue française, anglais, Algérie,

    par El-Houari Dilmi

    «La langue française est en déclin en Afrique du Nord, l’anglais est une nouvelle langue commune que les gens ont acceptée», a reconnu le président français Emmanuel Macron, lors du XVIIIe Sommet de la Francophonie à Djerba en Tunisie. Le «projet pour la francophonie est celui de la reconquête», a déclaré, sans trop d’optimisme, le locataire de l’Elysée pour lequel dans les pays du Maghreb, on parle moins français qu’il y a 20 ou 30 ans; «c’est une réalité», a-t-il confié. En Algérie, le français est en perte de vitesse et depuis un bon bout de temps déjà.

    Si la langue de Molière n’a pas été définitivement bannie au pays de Moufdi Zakaria, son remplacement par l’anglais est une question de temps. Au niveau officiel, l’anglais est déjà usité par nombre d’administrations et institutions publiques, sonnant la fin de la langue française dans le deuxième pays francophone après la France.

    Les langues nationales et communautaires pour ne pas dire les ultranationalismes sont en vogue dans beaucoup de pays. Dans les milieux de la francophonie, l’on reconnaît volontiers que l’anglais est le «nouvel espéranto», principalement grâce à sa facilité d’apprentissage et son rôle prépondérant dans la communication universelle, mais aussi de facteurs politiques. Ce qui a fait dire au président français que la «résistance anticolonialiste contre la France dans les pays du Maghreb a fait que la langue de Shakespeare détient désormais une place prépondérante en tant que première langue étrangère». Le «butin de guerre» sera-t-il pour autant rangé au musée de l’histoire ?

    En Algérie, la langue de Molière peine à se démarquer d’un contexte en relation constante avec un lourd passé colonial. «Le français ne mène nulle part», avait un jour déclaré un ancien ministre algérien. L’anglais, comme langue étrangère dominante dans le système éducatif algérien, est la volonté proclamée des autorités algériennes, mais aussi de la majorité de la société politique, civile et universitaire.

    Trop présente dans l’humus social algérien, la langue française peut-elle pour autant être «dégagée» du jour au lendemain ? Seul l’avenir nous le dira.

    Le Quotidien d’Oran, 22/11/2022

    #Francophonie #Français #Algérie #Langue_française

  • La francophonie, un cheval de Troie

    La francophonie, un cheval de Troie

    Topics : Francophonie, France, OIF, néocolonisation, Françafrique, Franc CFA, Mali, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, République démocratique du Congo,

    Lors du dernier Sommet de la francophonie, tenu en Tunisie, la France a touché de la main les conséquences de sa politique en Afrique. En effet, au moment où les anciennes colonies espéraient construire des rapports positifs avec l’ancienne puissance occupante, cette dernière leur a proposé un concept fourre-tout où les Africains étaient censés tirer profit de la langue française qu’ils ont en partage avec la France. Ils étaient loin de douter des desseins peu glorieux que Paris fomentait à travers ce vaste espace culturel commun. Et pour cause, pour l’ancien colonisateur, l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) n’était rien d’autre qu’un cheval de Troie, dont la fonction était et est toujours la perpétuation de la colonisation sous de nouvelles formes. Les intellectuels africains ont utilisé la langue de Molière pour qualifier la démarche française. C’est la néo-colonisation.

    Cette pratique qui consiste à piller les richesses des pays anciennement colonisés par ce qui fut durant deux siècles un empire, a usé de la francophonie pour isoler de nombreux pays africains et les soustraire à toute dynamique de développement humain. De fait, les pays de ce que l’Occident appelle la zone d’influence française en Afrique ont vécu sous la domination de Paris et l’on constate cela à travers le maintien d’une monnaie qui n’est autre que le Franc des colonies française d’Afrique (CFA). Il était possible de faire évoluer ce système financier pour au final accorder leur indépendance réelle à des pays africains qui ont cru en la « bonne foi » d’un ancien colonisateur qui s’est simplement transformé en néo-colonisateur. Mais ce n’était pas dans les tablettes de la démarche « francophonique » de la France.

    Il faut dire que cette manière de tenir en laisse des pays entiers n’est pas la seule « trouvaille » de Paris pour maintenir sa domination sur une partie de l’Afrique. Il y a aussi l’intrigue politique, les coups d’Etat à répétition, des contrats juteux accordés à des pontes de la finance et un tas d’autres pratiques, dont la résultat aura été que les pays les moins développés de la planète sont précisément les pays jadis colonisés par la France.

    Aujourd’hui, grâce à la montée en puissance de la Chine et de la Russie, les dirigeants de ces pays se rendent compte de la stratégie française du «Cheval de Troie». Au Mali, au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire, en République démocratique du Congo, les élites commencent à prendre publiquement leur distance par rapport à la France. Celle-ci ne réagit pas comme elle devrait le faire en pareilles circonstances. Au lieu de jouer franc jeu et construire de nouvelles relations avec ces pays, Paris continue de brandir la francophonie et jouer à l’intrigue…

    Par Nabil G.

    Ouest Tribune, 21/11/2022

  • Francophonie : Les crises politiques africaines en débat

    Francophonie : Les crises politiques africaines en débat

    Topics : Francophonie, France, Emmanuel Macron, Djerba, Tunisie, Afrique,

    L’OIF, fondée en 1970, compte 88 pays membres, associés ou observateurs et a trois missions principales : promouvoir le français, notamment par des programmes éducatifs, développer la coopération économique dans un espace francophone de 321 millions de locuteurs appelés à plus que doubler d’ici à 2050.

    Le sommet de la Francophonie en Tunisie s’est tenu à Djerba, en Tunisie, avec, au menu, une réunion consacrée à l’instabilité politique en Afrique francophone qui alimente une défiance citoyenne croissante. Après une journée dédiée au numérique comme outil de développement et à l’ambition des 88 membres de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) de renforcer son rôle international, les dirigeants se sont retrouvés hier pour de nouvelles réunions, dont une à huis clos axée sur la «défiance citoyenne». Avant le sommet, la secrétaire générale de l’OIF, Louise Mushikiwabo, avait dit vouloir provoquer une «réflexion» pour une prise de conscience chez les dirigeants du continent. Pour elle, «la révolte qu’on voit dans la jeunesse francophone en Afrique vient d’un désenchantement politique», des «frustrations du quotidien» et vis-à-vis «de la classe dirigeante». «Ce n’est pas du tout un rejet de la langue française», a estimé l’ancienne cheffe de la diplomatie rwandaise, en concédant que cela rejaillissait parfois sur la France, ancienne puissance colonisatrice dans la région.

    Pour se distinguer des sommets ponctués par une litanie de discours, la rencontre de Djerba a adopté un nouveau format de tables rondes entre hauts dirigeants, avec un rapporteur chargé de restituer au grand public l’essentiel des discussions.

    L’OIF, fondée en 1970, compte 88 pays membres, associés ou observateurs et a trois missions principales: promouvoir le français, notamment par des programmes éducatifs, développer la coopération économique dans un espace francophone de 321 millions de locuteurs appelés à plus que doubler d’ici à 2050, et participer à la médiation des conflits internationaux. Au premier jour du sommet, Mme Mushikiwabo a insisté sur l’ambition du bloc d’affirmer son «influence dans un monde fracturé» et d’avoir une «Francophonie plus soudée dans l’élaboration de positions communes» à proposer aux autres organisations multilatérales. Des tensions entre pays francophones ont toutefois éclaboussé l’ouverture du sommet quand le Premier ministre de République démocratique du Congo, Jean-Michel Sama Lukonde a refusé de poser sur la photo de famille, à côté de Paul Kagame, président du Rwanda que Kinshasa accuse de soutenir les rebelles du M23 dans l’est de la RDC.

    Autre dossier international brûlant: l’Ukraine, pays observateur de l’OIF, qui compte d’autres non francophones parmi ses membres, associés ou observateurs, comme les Emirats arabes unis et la Serbie.

    Le président français Emmanuel Macron, présent au sommet samedi, a fait état d’une «déclaration de tous les membres» exprimant «une position très claire sur la guerre lancée par la Russie en Ukraine».Le fossé au sujet de ce conflit s’est pourtant creusé récemment entre les pays africains qui regrettent le peu d’intérêt des Occidentaux pour leurs propres crises, contrastant avec la rapidité de leur intervention sur la guerre en Ukraine. Une Déclaration de Djerba a été adoptée à l’ issue du sommet qui fut aussi l’occasion de réélire Mme Mushikiwabo, seule candidate en lice, pour un nouveau mandat de quatre ans. Avant de repartir pour Paris, Macron a annoncé que la France était candidate pour succéder en 2024 à la Tunisie, à la présidence de la Francophonie.

    Pendant le sommet, la France a annoncé un prêt de 200 millions d’euros à la Tunisie, pour soutenir son économie chancelante, très dépendante des importations alimentaires notamment ukrainiennes et russes. Avant des élections législatives prévues mi-décembre en Tunisie pour renouveler un Parlement au rôle sensiblement diminué par une récente réforme constitutionnelle, Macron a rappelé que «les libertés fondamentales étaient intrinsèques» à «l’acquis démocratique en Tunisie».

    Le sommet a officiellement mis l’accent sur l’économie, avec comme slogan «le numérique comme vecteur de développement». «Il est de notre ressort de mener la bataille pour l’emploi des jeunes dans notre espace», a dit Mme Mishikiwabo, dont les projets sont aussi axés sur l’entreprenariat féminin.

    Le président Kaïs Saïed qui accueille ce sommet a émis le souhait de voir la réunion apporter des «résultats tangibles et effectifs» face «aux bouleversements que connaît le monde». Faisant allusion aux fractures grandissantes entre pays pauvres et Etats développés siégeant au sein de l’OIF, le président Saïed a appelé à «rêver d’un monde meilleur pour l’humanité toute entière, pour un développement universel fondé sur la justice et la liberté». Outre Macron, d’autres dirigeants comme le Canadien Justin Trudeau, le président du Conseil européen Charles Michel ou le Sénégalais Macky Sall étaient présents à Djerba. En revanche, le président de République démocratique du Congo, Felix Tshisekedi, a préféré rester dans son pays en plein conflit dans l’Est avec les rebelles du M23.

    L’Expressio, 21/11/2022

    #Francophonie #OIC #Sommet_Djerba

  • La langue française en Algérie, en Tunisie et au Maroc

    Topics : Algérie, Tunisie, Maroc, Francophonie, Mauritanie, langue française,

    Selon les dernières statistiques pour 2022 publiées par l’Organisation internationale de la francophonie, la langue française est de moins en moins adoptée en Algérie. D’après la même source, il a été constaté que l’influence de la langue française en Algérie est moindre par rapport à ses voisins, et confirmé que plus de la moitié des Tunisiens parlent la langue française. Plus précisément 52%, ce qui équivaut à six millions et 321 mille, d’une population totale dans le pays de Bourguiba.

    Le Maroc détient le plus grand score : avec 36% du total des Marocains, soit 13 millions et 454 mille personnes sur un total de 37,7 millions d’habitants, puis l’Algérie avec 33%, soit l’équivalent de 14 millions et 904 mille personnes, d’une population totale de 45,3 millions.

    La Mauritanie occupe la quatrième place avec 13% de la population, ce qui équivaut à 656 mille francophones, sur un total de 4,9 millions de personnes, qui composent la population de ce pays situé sur le flanc ouest de la région du Maghreb.

    Malgré qu’elle n’est pas membre de l’OIF, l’Algérie participe aux sommets de la Francophonie en tant qu’invité spécial, ce qui semble déplaire un grand nombre de français.

    Dernièrement, l’apparition d’un billet de banque algérien de 2000 DZD, qui comportait une phrase en anglais, a déclenché un débat politique et médiatique en France, regrettant le déclin continu de la langue française sur la scène algérienne qui laisse place à l’anglais devenu matière d’enseignement dans les écoles primaires en Algérie.

    #France #Francophonie #Algérie #Maroc #Tunisie

  • 14 pays africains payent à la France une taxe coloniale

    14 pays africains payent à la France une taxe coloniale

    France, Afrique, Françafrique, colonialisme, impôt colonial, francophonie, Franc CFA, FCFA,

    Saviez-vous que de nombreux pays africains continuent de payer des impôts coloniaux à la France depuis leur indépendance jusqu’à aujourd’hui ?

    Lorsque Sékou Touré de Guinée a décidé en 1958 de sortir de l’empire colonial français, et a opté pour l’indépendance du pays, l’élite coloniale française à Paris est devenue furieuse, et dans un acte de fureur historique, l’administration française en Guinée a détruit tout dans le pays qui représentait ce qu’ils appelaient les bienfaits de la colonisation française.

    Trois mille Français ont parcouru le pays, s’emparant de tous leurs biens et détruisant tout ce qui ne pouvait être déplacé : les écoles, les crèches, les bâtiments de l’administration publique ont été démolis ; les voitures, les livres, les médicaments, les instruments des instituts de recherche, les tracteurs ont été écrasés et sabotés ; les chevaux, les vaches dans les fermes ont été tués, et les aliments dans les entrepôts ont été brûlés ou empoisonnés.

    Le but de cet acte scandaleux était d’envoyer un message clair à toutes les autres colonies : les conséquences d’un rejet de la France seraient très lourdes.

    Lentement, la peur se répand dans l’élite africaine, et aucun des événements de Guinée ne trouve le courage de suivre l’exemple de Sékou Touré, dont le slogan est « Nous préférons la liberté dans la pauvreté à l’opulence dans l’esclavage ».

    Sylvanus Olympio, le first président de la République du Togo, un minuscule pays d’Afrique occidentale, a trouvé une solution intermédiaire avec les Français.

    Il ne voulait pas que son pays continue à être un dominion français, il a donc refusé de signer le pacte de continuation de la colonisation proposé par De Gaule, mais a accepté de payer une dette annuelle à la France pour les soi-disant bénéfices que le Togo a obtenu de la colonisation française.

    C’était la seule condition pour que les Français ne détruisent pas le pays avant de partir. Cependant, le montant estimé par la France était si important que le remboursement de la soi-disant « dette coloniale » représentait près de 40 % du budget du pays en 1963.

    La situation financière du Togo nouvellement indépendant était très instable, et pour s’en sortir, Olympio décida de retirer la monnaie coloniale française FCFA (le franc des colonies africaines françaises), et d’émettre la propre monnaie du pays.

    Le 13 janvier 1963, trois jours après qu’il ait commencé à imprimer sa propre monnaie, un groupe de solitaires analphabètes soutenu par la France a tué le first président élu de l’Afrique nouvellement indépendante. Olympio a été tué par un ancien sergent de la Légion étrangère française appelé Etienne Gnassingbe, qui aurait reçu une prime de 612 dollars de l’ambassade française locale pour ce travail de tueur à gages.

    Le rêve d’Olympio était de construire un pays indépendant, auto-sufficient et autonome. Mais les Français n’aimaient pas cette idée.

    Le 30 juin 1962, Modiba Keita , le first président de la République du Mali, décide de se retirer de la monnaie coloniale française FCFA qui était imposée à 12 pays africains nouvellement indépendants. Pour le président malien, qui penchait plutôt vers une économie socialiste, il était clair que le pacte de continuation de la colonisation avec la France était un piège, un fardeau pour le développement du pays.

    Le 19 novembre 1968, comme Olympio, Keita sera victime d’un coup d’Etat mené par un autre ex légionnaire français, le lieutenant Moussa Traoré.

    En fait, durant cette période agitée de fighting africain pour se libérer de la colonisation européenne, la France utilisera à plusieurs reprises de nombreux ex légionnaires étrangers pour mener des coups d’état contre des présidents élus :

    – Le 1er janvier 1966, Jean-Bédel Bokassa, un ancien légionnaire étranger français, réalise un coup d’État contre David Dacko, le first président de la République centrafricaine.

    – Le 3 janvier 1966, Maurice Yaméogo, le first président de la République de Haute-Volta, aujourd’hui appelée Burkina Faso, est victime d’un coup d’État mené par Aboubacar Sangoulé Lamizana, un ancien légionnaire français qui a combattu avec les troupes françaises en Indonésie et en Algérie contre l’indépendance de ces pays.

    – le 26 octobre 1972, Mathieu Kérékou qui était un agent de sécurité du Président Hubert Maga, le first Président de la République du Bénin, a fait un coup d’état contre le président, aher il a5endu les écoles militaires françaises de 1968 à 1970.

    En fait, au cours des 50 dernières années, un total de 67 coups d’État ont eu lieu dans 26 pays d’Afrique, dont 16 sont des ex-colonies françaises, ce qui signifie que 61 % des coups d’État ont eu lieu en Afrique francophone.

    NOMBRE DE COUPS D’ÉTAT EN AFRIQUE PAR PAYS

    PAYS NOMBRE DE COUP D’ÉTAT

    EX-COLONIES FRANÇAISES

    Togo 1

    Congo 3
    Tchad 3
    Burundi 4
    Centrafrique 4
    Niger 4
    Mauritanie 4
    Burkina Faso 5
    Comores 5
    Guinée Bissau 2
    Côte d’Ivoire 1
    Algérie 2
    Mali 2
    Madagascar 1
    Tunisie 1

    AUTRES PAYS D’AFRIQUE

    Egypte 1
    Libye 1
    Guinée équatoriale 1
    Rwanda 1
    Libéria 2
    Nigeria 3
    Congo – RDC 2
    Éthiopie 3
    Ouganda 4
    Guinée Conakry 2
    Soudan 5

    Comme ces chiffres le démontrent, la France est tout à fait désespérée mais active pour garder une forte emprise sur ses colonies, quel qu’en soit le coût, quoi qu’il arrive.

    En mars 2008, l’ancien président français Jacques Chirac a déclaré :

    « Sans l’Afrique, la France glissera au rang de troisième puissance [mondiale] » Le prédécesseur de Jacques Chirac, François Mi5erand, avait déjà prophétisé en 1957 que : « Sans l’Afrique, la France n’aura pas d’histoire au XXIe siècle ».

    Au moment même où j’écris cet article, 14 pays africains sont obligés par la France, par le biais d’un pacte colonial, de placer 85 % de leurs réserves étrangères dans la banque centrale française sous le contrôle du ministre français des finances. Jusqu’à aujourd’hui, 2014, le Togo et environ 13 autres pays africains doivent encore payer la dette coloniale à la France. Les dirigeants africains qui refusent sont tués ou victimes d’un coup d’état. Ceux qui obéissent sont soutenus et récompensés par la France avec un style de vie somptueux alors que leur peuple endure une pauvreté extrême et le désespoir.

    Ce système est tellement diabolique qu’il a été dénoncé par l’Union européenne, mais la France n’est pas prête à se défaire de ce système colonial qui lui rapporte chaque année environ 500 milliards de dollars en provenance d’Afrique.

    Nous accusons souvent les dirigeants africains de corruption et de servir plutôt les intérêts des nations occidentales, mais il y a une explication claire à ce comportement. Ils se comportent ainsi parce qu’ils ont peur d’être tués ou victimes d’un coup d’État. Ils veulent qu’une nation puissante les soutienne en cas d’agression ou de problème. Mais, contrairement à la protection d’une nation amie, la protection occidentale est souvent offered en échange du renoncement de ces dirigeants à servir les intérêts de leur propre peuple ou nation.

    Les dirigeants africains travailleraient dans l’intérêt de leur peuple s’ils n’étaient pas constamment traqués et brimés par les pays coloniaux.

    En 1958, effrayé par les conséquences du choix de l’indépendance vis-à-vis de la France, Léopold Sédar Senghor dé- clare : « Le choix du peuple sénégalais est l’indépendance ; il ne veut qu’elle se fasse que dans l’amitié avec la France, non dans la contestation. »

    Dès lors, la France n’accepte qu’une « indépendance sur le papier » pour ses colonies, mais signe des « Accords de coopération » contraignants, détaillant la nature de leurs relations avec la France, en particulier les liens avec la monnaie coloniale française (le franc), le système éducatif français, les préférences militaires et commerciales.

    Voici les 11 principaux éléments du pacte de continuation de la colonisation depuis les années 1950 :

    #1. Dette coloniale pour les bénéfits de la colonisation française

    Les nouveaux pays « indépendants » doivent payer pour les infrastructures construites par la France dans le pays pendant la colonisation.

    Je dois encore findir les détails complets sur les montants, l’évaluation des benefits coloniaux et les conditions de paiement imposées aux pays africains, mais nous y travaillons (aidez-nous avec des infos).

    #2. Confiscation automatique des réserves nationales

    Les pays africains devraient déposer leurs réserves monétaires nationales à la Banque centrale de France.

    Depuis 1961, la France détient les réserves nationales de quatorze pays africains : Bénin, Burkina Faso, Guinée-Bissau, Côte d’Ivoire, Mali, Niger, Sénégal, Togo, Cameroun, République centrafricaine, Tchad, Congo-Brazzaville, Guinée équatoriale et Gabon.

    « La politique monétaire qui régit un ensemble aussi diversifié de pays n’est pas compliquée car elle est, en fait, conduite par le Trésor français, sans référence aux autorités centrales fiscales de l’UEMOA ou de la CEMAC. Aux termes de l’accord qui a mis en place ces banques et le CFA, la Banque centrale de chaque pays africain est tenue de conserver au moins 65 % de ses réserves de change dans un « compte d’opérations » détenu au Trésor français, ainsi que 20 % supplémentaires pour couvrir les engagements financiers.

    Les banques centrales du CFA imposent également un plafond sur les crédits accordés à chaque pays membre équivalent à 20 % des recettes publiques de ce pays l’année précédente. Même si la BEAC et la BCEAO disposent d’une facilité de caisse auprès du Trésor français, les tirages sur ces facilités de caisse sont soumis à l’accord du Trésor français. Le final dire est celui du Trésor français qui a placé les réserves de change des pays africains en son nom propre à la Bourse de Paris.

    En résumé, plus de 80% des réserves de change de ces pays africains sont déposées sur les « comptes d’opérations » contrôlés par le Trésor français. Les deux banques CFA sont africaines de nom, mais n’ont pas de politique monétaire propre. Les pays eux-mêmes ne savent pas, et on ne leur dit pas, quelle part du pool de réserves étrangères détenues par le Trésor français leur appartient en tant que groupe ou individuellement.

    Les revenus de l’investissement de ces fonds dans le pool du Trésor français sont censés être ajoutés au pool mais aucun compte n’est rendu aux banques ou aux pays sur les détails de ces changements. Le groupe limité de hauts officials du Trésor français qui ont connaissance des montants dans les « comptes d’opérations », où ces fonds sont investis ; s’il y a un profit sur ces investissements ; sont interdits de divulguer aucune de ces informations aux banques CFA ou aux banques centrales des États africains . » Écrit par le Dr. Gary K. Busch

    On estime aujourd’hui que la France détient près de 500 milliards d’argent des pays africains dans son trésor, et ferait tout pour fichir quiconque voudrait faire la lumière sur ce côté obscur du vieil empire.

    Les pays africains n’ont pas accès à cet argent.

    La France ne leur permet d’accéder qu’à 15% de l’argent dans une année donnée. S’ils ont besoin de plus que cela, ils doivent emprunter l’argent supplémentaire sur leurs propres 65 % au Trésor français à des taux commerciaux.

    Pour rendre les choses plus tragiques, la France impose un plafond sur le montant que les pays peuvent emprunter à la réserve. Le plafond est fixé à 20 % de leurs recettes publiques de l’année précédente. Si les pays doivent emprunter plus de 20 % de leur propre argent, la France a un droit de veto.

    L’ancien président français Jacques Chirac a récemment parlé de l’argent des nations africaines dans les banques françaises. Voici une vidéo (www.youtube.com/embed/OzPITL1WLY0) de lui parlant du système d’exploitation français. Il parle en français, mais voici un court extrait de la transcription : « Nous devons être honnêtes, et reconnaître qu’une grande partie de l’argent dans nos banques provient précisément de l’exploitation du continent africain. »

    #3. Droit de first refusal sur toute matière première ou ressource naturelle découverte dans le pays.

    La France a le first droit d’acheter toute ressource naturelle découverte sur les terres de ses ex-colonies. Ce n’est qu’après que la France ait dit : « Je ne suis pas intéressé », que les pays africains sont autorisés à chercher d’autres partenaires.

    #4. Priorité aux intérêts et entreprises françaises dans les marchés publics et les adjudications publiques

    Dans l’attribution des marchés publics, les entreprises françaises doivent être considérées first, et c’est seulement aher que ces pays pourraient chercher ailleurs. Il importe peu que les pays africains puissent obtenir un meilleur rapport qualité-prix ailleurs.

    En conséquence, dans de nombreuses ex-colonies françaises, tous les principaux actifs économiques des pays sont entre les mains d’expatriés français. En Côte d’Ivoire, par exemple, les entreprises françaises possèdent et contrôlent tous les principaux services publics – eau, électricité, téléphone, transports, ports et grandes banques. Il en va de même dans le commerce, la construction et l’agriculture.

    En fin de compte, comme je l’ai écrit dans un article précédent, les Africains vivent désormais sur un continent appartenant aux Européens !

    #5. Droit exclusif de fournir des équipements militaires et de former les officers militaires du pays.

    Grâce à un système sophistiqué de bourses d’études, de subventions et d’ »accords de défense » annexés au Pacte colonial, les Africains devraient envoyer leurs officers militaires de haut rang se former en France ou dans des centres de formation français.

    La situation actuelle sur le continent est que la France a formé des centaines, voire des milliers de traîtres et les nourrit. Ils sont dormants quand on n’a pas besoin d’eux, et activés quand on a besoin d’eux pour un coup d’état ou tout autre but !

    #6. Droit pour la France de pré-déployer des troupes et d’intervenir militairement dans le pays pour défendre ses intérêts

    En vertu de ce que l’on appelle les « accords de défense » annexés au pacte colonial, la France avait le droit légal d’intervenir militairement dans les pays africains, et aussi de stationner des troupes en permanence dans des bases et des installations militaires dans ces pays, gérées entièrement par les Français.

    Les bases militaires françaises en Afrique

    Lorsque le président de la Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo, a tenté de mettre fin à l’exploitation française du pays, la France a organisé un coup d’État. Au cours du long processus visant à évincer Gbagbo, les chars, les hélicoptères de combat et les forces spéciales de la France sont intervenus directement dans le conflit, ont firé sur les civils et ont fait de nombreux morts.

    Pour ajouter l’insulte à la blessure, la France a estimé que la communauté d’affaires française avait perdu plusieurs millions de dollars lorsque, dans la précipitation à quitter Abidjan en 2006, l’armée française a massacré 65 civils non armés et en a blessé 1 200 autres.

    Après avoir réussi le coup d’État et transféré le pouvoir à Alassane Ou5ara, la France a demandé au gouvernement Oua5ara de verser une compensation aux milieux d’affaires français pour les pertes subies pendant la guerre civile.

    En effet, le gouvernement Oua5ara leur a versé le double de ce qu’ils disaient avoir perdu en partant.

    #7. Obligation de faire du français la langue official du pays et la langue d’enseignement Oui, Monsieur. Vous devez parler français, la langue de Molière !

    Un organisme de diffusion de la langue et de la culture françaises a été créé, appelé  » Francophonie « , avec plusieurs satellites et organismes affiliés supervisés par le ministre français des Affairs étrangers.

    Comme démontré dans cet article, si le français est la seule langue que vous parlez, vous auriez accès à moins de 4 % des connaissances et des idées de l’humanité. C’est très limitatif.

    #8. Obligation d’utiliser la monnaie coloniale française FCFA

    C’est la véritable vache à lait pour la France, mais c’est un système tellement diabolique, même dénoncé par l’Union européenne, mais la France n’est pas prête à se défaire de ce système colonial qui fait entrer environ 500 milliards de dollars d’Afrique dans son trésor.

    Lors de l’introduction de l’euro en Europe, les autres pays européens ont découvert le système d’exploitation français. Beaucoup, en particulier les pays nordiques, ont été consternés et ont suggéré à la France de se débarrasser de ce système, mais sans succès.

    #9. Obligation d’envoyer à la France un rapport annuel sur le solde et les réserves. Sans ce rapport, pas d’argent.

    Quoi qu’il en soit, le secrétariat des banques centrales des ex-colonies et le secrétariat de la réunion semestrielle des ministres des finances des ex-colonies est assuré par la banque centrale française/le Trésor.

    #10. Renonciation à conclure une alliance militaire avec tout autre pays, sauf autorisation de la France.

    Les pays africains en général sont ceux qui ont le moins d’alliances militaires régionales. La plupart des pays n’ont que des alliances militaires avec leurs ex-colonisateurs ! (drôle, mais on ne peut pas faire mieux !).

    Dans le cas de la France ex-colonies, la France leur interdit de chercher d’autres alliances militaires que celle qu’elle leur a offered.

    #11. Obligation de s’allier à la France en cas de guerre ou de crise mondiale

    Plus d’un million de soldats africains ont combattu pour la défaite du nazisme et du fascisme pendant la seconde guerre mondiale.

    Leur contribution est souvent ignorée ou minimisée, mais quand on pense qu’il n’a fallu que 6 semaines à l’Allemagne pour vaincre la France en 1940, la France sait que les Africains pourraient être utiles pour lutter pour la « Grandeur de la France » à l’avenir.

    Il y a quelque chose de presque psychopathique dans la relation de la France avec l’Afrique.

    D’abord, la France est gravement dépendante du pillage et de l’exploitation de l’Afrique depuis l’époque de l’esclavage. Ensuite, il y a ce manque total de créativité et d’imagination de l’élite française pour penser au-delà du passé et de la tradition.

    Tinalement, la France a 2 institutions qui sont complètement figées dans le passé, habitées par des « hauts fonctionnaires » paranoïaques et psychopathes qui répandent la peur de l’apocalypse si la France changeait, et dont la référence idéologique vient toujours du romantisme du 19ème siècle : ce sont le Ministre des Finances et du Budget de la France et le Ministre des Affairs Etrangers de la France.

    Ces 2 institutions ne sont pas seulement une menace pour l’Afrique, mais pour les Français eux-mêmes.

    C’est à nous, Africains, de nous libérer, sans demander la permission, car je n’arrive toujours pas à comprendre, par exemple, comment 450 soldats français en Côte d’Ivoire peuvent contrôler une population de 20 millions de personnes !

    La firmière réaction des gens lorsqu’ils apprennent l’existence de l’impôt colonial français est souvent la question : « Jusqu’à quand ? ».

    Pour une comparaison historique, la France a fait payer à Haïti l’équivalent moderne de 21 milliards de dollars de 1804 à 1947 (presque un siècle et demi) pour les pertes causées aux négriers français par l’abolition de l’esclavage et la libération des esclaves haïtiens.

    Les pays africains ne paient l’impôt colonial que depuis 50 ans, donc je pense qu’il reste un siècle de paiement !

    Silicona Africa, 28 jan 2014

    #Africa #France #Françafrique #Francophonie #Colonialisme #Impotcolonial #FrancCFA #FCFA

  • L’Algérie adopte l’anglais dans l’enseignement primaire

    L’Algérie adopte l’anglais dans l’enseignement primaire

    Algérie, enseignement primaire, école primaire, anglais, français, langues,

    Pour la première fois comme alternative au français

    ALGER – Les autorités algériennes ont annoncé pour la première fois dans l’histoire du pays l’adoption de la langue anglaise dans l’enseignement primaire.

    L’annonce a été faite par le bureau du président algérien dans un communiqué, notant que l’introduction de la nouvelle langue se fera après une « étude approfondie par des experts et des spécialistes ».

    L’Algérie connaît depuis de nombreuses années un débat animé sur l’utilisation prédominante de la langue française dans l’enseignement au lieu de l’anglais.

    L’usage du français est très répandu en Algérie et, à l’exception du ministère de la défense, tous les ministres algériens utilisent cette langue dans la plupart des correspondances internes ainsi que dans les déclarations officielles, bien que la constitution stipule que « l’arabe est la première langue nationale et officielle ».

    Selon les experts et les historiens, l’utilisation généralisée du français en Algérie est due à son imposition pendant l’ère coloniale, qui a duré 132 ans (1830 -1962).

    ANSAmed, 20 juin 2022

    #Algérie #Langues #Français #Anglais #Enseignement_primaire #Ecole_primaire

  • Mediterranews : Le Maroc et la francophonie

    La célébration par le Royaume du Maroc de la Journée de la Francophonie réaffirme sa diversité culturelle et linguistique, a déclaré vendredi la directrice de la coopération et de l’action culturelle au ministère des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger, Nadia El Hnot. La célébration de cette journée par le Maroc est aussi une manière de réaffirmer son attachement à la grande famille francophone en partageant les mêmes valeurs universelles de paix, de dialogue et de solidarité, a relevé Mme El Hnot qui s’exprimait lors d’une vidéoconférence. à l’occasion de la célébration par le ministère de la Journée internationale de la Francophonie, placée sous le signe de la jeunesse, de la responsabilité et des questions d’égalité entre les sexes. En effet, les relations du Royaume avec l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) n’ont cessé de se développer et de se diversifier pour inclure, outre la coopération dans les domaines d’action de l’OIF, des actions de partenariat et de mobilisation sur des questions globales d’intérêt commun. le représentant du Maroc auprès de l’OIF

    Nous vivons dans un monde globalisé où de nouvelles voies et de nouveaux acteurs internationaux vont s’ouvrir dans les années à venir. L’Organisation internationale de la Francophonie doit devenir de plus en plus un acteur mondial. La promotion de la langue française ne suffit pas, il est nécessaire de renforcer la coopération commerciale, économique et sociale afin de créer un espace d’échange où les nations de différents continents et de différentes religions peuvent surmonter les obstacles d’une culture qui, dans certains cas, semble être coincée dans la « guerre froide ».

    D’une certaine manière, le monde arabe peut aussi trouver son unité à travers la francophonie. Il y a des nations qui sont francophones dans cette partie du monde qui, même si elles sont francophones, ne font pas partie de l’OIF et la présence du Maroc peut être un facteur d’agrégation et une table pour chercher un dialogue même avec ceux qui aujourd’hui semblent ne pas vouloir dialoguer.

    Pour l’Italie, qui ne fait pas partie de la Francophonie mais dans certaines régions comme la Vallée d’Aoste et le Piémont est reconnue comme une langue officielle ou historique peut être un moment de dialogue comme les nombreux citoyens marocains qui résident dans notre pays. Croire en la francophonie, c’est faire une action de paix.

    Les rencontres culturelles franco-italiennes ont inauguré il y a quelques années à Solferino une plaque en mémoire de la francophonie et ont voulu pour l’occasion avoir la présence des autorités françaises du Maroc (en tant que communauté majoritaire non communautaire) et de la Roumanie (en tant que communauté majoritaire favorable à l’UE).

    La Francophonie est un espace de paix et de tolérance ce que souhaite le Maroc ainsi que les autres nations qui composent cette organisation.

    Marco Baratto

    Rencontres culturelles franco-italiennes

    Mediterranews, 22 mars 2021

    Tags : Maroc, Francophonie, France, Journée de la Francophonie, Organisation internationale de la francophonie, OIF,

  • La francophonie patrimoine universel ou françafrique par d’autres moyens ?

    Chems Eddine Chitour*

    «Passionnée, étais-je à vingt ans, par la stature d’Averroes, cet Ibn Rochd andalou de génie dont l’audace de la pensée a revivifié l’héritage occidental, mais alors que j’avais appris au collège l’anglais, le latin et le grec, comme je demandais en vain à perfectionner mon arabe classique » Assia Djebbar de l’Académie française(…) j’ai dû restreindre mon ambition en me résignant à devenir historienne, En ce sens, le monolinguisme français, institué en Algérie coloniale, tendant à dévaluer nos langues maternelles, nous poussa encore davantage à la quête des origines ».
    Assia Djebbar de l’Académie française

    La ministre ruandaise Louise Mushikiwabo a été intronisée par « consensus » comme la nouvelle secrétaire générale, Michaelle Jean la secrétaire générale sortante n’a même pas pu défendre son bilan. La Francophonie est entre les mains d’un petit pays anglophone qui a supprimé le français de l’enseignement ! De plus , il ne brille pas sur le chapitre des droits de l’homme ou de l’alternance. Voilà pour la politique et ses desseins impénétrables !

    Qu’est ce que la francophonie ?

    Le terme francophonie désigne l’ensemble des gouvernements, pays ou instances officielles qui ont en commun l’usage du français dans leurs travaux ou leurs échanges. La carte de la francophonie se confond largement avec celle de l’expansion coloniale française. Dès le début des années 1960, des chefs d’État, des anciennes colonies françaises, comme le Sénégalais Léopold Senghor,- l’agrégé de grammaire- proposent de regrouper les pays nouvellement indépendants, désireux de poursuivre avec la France des relations fondées sur des affinités culturelles et linguistiques.

    La Francophonie naît officiellement en 1970, à la conférence de Niamey. La francophonie est elle seulement au nom de la realpolitik, une continuation de la Franceafrique ? Ou est-ce, aussi un vecteur culturel universel qui paradoxalement ferme la porte à celles et ceux qui maîtrisent de loin la langue de Voltaire au profit , de pays qui n’ont qu’un lointain rapport avec le français .

    Abdelkader Kherfouche écrit à ce propos Au cours d’un point de presse organisé au musée copte du Caire le 18 avril, François Hollande a déclaré : « La francophonie n’est pas un cadeau simplement de ceux qui parlent français. La francophonie c’est un combat, un combat pour des valeurs, un combat pour la culture, un combat pour la diversité » Les mots qu’utilise le président ne sont pas sans rappeler la rhétorique qu’employaient les élites françaises du XIXe siècle pour justifier la colonisation. La langue française, la langue d’une nation civilisée pour faire sortir le colonisé de sa barbarie primitive, la langue française comme un don « humanitaire et civilisateur » pour reprendre la formule de Jules Ferry. Comme le rappelle l’écrivaine algérienne d’expression française, ce n’est pas par les œuvres de Pierre de Ronsard ou de Jean Racine que les Algériens sont entrés dans la langue française, c’est la langue française qui est entrée par effraction en Algérie () La langue française était un outil au service de la colonisation. Une partie des colonisés était formée en français,« la langue des autres, celle des colonisateurs, ses maîtres », la langue de l’école coloniale : Le français donc, celui de l’école, celui de « nos ancêtres, les Gaulois », or ils n’étaient pas « nos ancêtres », et ils n’étaient pas Gaulois ! Mes, nos ancêtres parlaient, ou criaient, ou chantaient en arabe, en berbère, en Ma grand-mère, en arabe, racontait aux enfants autour d’elle, la guerre, les otages, l’incendie des oliviers, à la zaouïa. À l’école française, l’institutrice venue de France racontait Charlemagne, et même Charles Martel à Poitiers confie Assia Djebar dans un poème »(1).

    Les «défenseurs grincheux» du français

    C’est un fait, et de l’avis de plusieurs spécialistes, la langue française perd du terrain dans le domaine scientifique «l’usage du français dans les sciences tombe en désuétude, la moitié des publications scientifiques est en anglais, seulement 7% en français. Aux Nations unies, le français bataille pour garder son rang: aujourd’hui, seulement 14% des discours sont tenus en français, plus de la moitié le sont en anglais. L’écart entre les deux langues se creuse aussi à l’Union européenne, notamment dans la rédaction des rapports de la Commission, et ce phénomène s’est accentué depuis l’entrée des dix nouveaux pays membres qui parlent plutôt l’anglais. La domination de l’anglais sur les ondes, est aussi avérée. (2)

    Promouvoir la francophonie en parlant anglais, le paradoxe n’a pas manqué d’irriter les inconditionnels de la langue française . Après l’injonction vaine en son temps, de Jaques Toubon à parler français, après le prix de la carpette, décernée à ceux qui parlent anglais : « un organisme québécois de défense de la langue française a décerné dimanche un «prix citron» au président français Emmanuel Macron pour des propos défendant son usage occasionnel de l’anglais sur la scène internationale. L’organisme culturel «Impératif français» a choisi le président Macron pour avoir, créé en 1975, Impératif français se décrit comme un «oranisme voué à la promotion de la langue française, de la culture d’expression française et de la francophonie.» Lors de la visite à Paris début mars du Premier ministre québécois, le président Macron avait déclaré ne pas faire partie «des défenseurs grincheux» de la langue française, égratignant au passage les tenants d’une stricte prééminence du français. «lors de la visite du Premier ministre du Québec Philippe Couillard, déclaré vouloir renouveler le logiciel’ de la francophonie en s’inspirant de l’exemple nord-américain’ selon lequel parler l’anglais renforce la francophonie’! Ouf!», écrit cet organisme sur son site ». (3)

    La francophonie et l’arabophonie

    On pourrait se demander pourquoi l’Algérie veut prendre la défense de la langue arabe en France en lieu et place de plusieurs pays arabes qui sont dans la francophonie. Pourtant l’un des vecteurs de l’acculturation croisée, en l’occurrence la langue arabe , perd elle aussi du terrain en France. Ce que dit Assia Djebbar est important, en ce sens que la langue arabe est consubstantielle de notre personnalité. L’enseignement de la langue arabe est ancien sur le territoire français. Il remonte à l’époque de François 1er. L’agrégation d’arabe fut créée en 1905. A l’époque, l’enseignement de l’arabe était essentiellement lié au phénomène colonial. Durant la période coloniale, la politique «intégro-assimilationniste» de la puissance coloniale fut en grande partie menée contre la langue arabe. Après la décolonisation, la langue arabe continua d’être enseignée et en 1975 le Capes d’arabe fut créé. Depuis, l’arabe semble appelé à connaître un déclin inéluctable. En 2005, la session du Capes d’arabe a été supprimée Pourtant, la langue arabe ne peut pas être considérée comme une langue «rare» puisqu’elle est parlée par plus de 250 millions d’individus dans le monde et qu’elle est la langue officielle de plus de vingt pays (.. 😉 L’éducation nationale en France considère que l’arabe est une langue étrangère alors qu’elle fait partie intégrante du patrimoine culturel de millions de Français. Elle est usitée dans les familles, dans les cages d’escaliers, dans les quartiers. Elle domine dans les banlieues, dans les prisons. Pourtant, elle n’est pas enseignée à l’école primaire, elle est marginalisée au lycée. L’arabe en France est la langue des sous-scolarisés et des savants.»(3)

    Etat des lieux de l’usage du français en Algérie

    Avant 1962 l’enseignement du français à dose homéopathique faisait que les Algériens étaient des voleurs de feu selon l’élégante expression de Jean Amrouche. Ce fut pour nous la la langue du roumi mais aussi la langue pain On dit que les Algériens sont comme monsieur Jourdain ils font de la prose sans le savoir, ils «font de la francophonie» sans le savoir. Ils contribuent efficacement au rayonnement de la langue française sans y émarger ou attendre un quelconque subside. Les Algériens font autant pour la diffusion de la langue française -belle langue au demeurant- que plusieurs pays faisant partie de la liste des pays francophones sans plus mais qui, au premier vent défavorable, tournent casaque, comme c’est le cas des pays de l’Est ou des pays anglophones. L’usage du français véritable butin de guerre pour Kateb Yacine que nous avons préservé sans réciprocité est quotidien. C’est un lieu commun que de dire que l’Algérie est le deuxième pays francophone. Qu’est-ce que cela veut dire au juste? C’est d’abord l’enseignement du français depuis l’indépendance d’une façon intensive avec des fortunes diverses mais tout de même déterminée à telle enseigne qu’il y avait à l’indépendance moins de cent mille francophones- il y a de nos jours plus de 12 millions – d’autres sources parlent d’un tiers des Algériens- qui, d’une façon ou d’une autre, parlent le français de Voltaire . C’est le rai, le cinéma Ce sont des centaines de mots arabes notamment algériens qui sont passés dans la cagnotte de la langue française..

    La génération de l’indépendance qui a été acculturée à son corps défendant s’était faite un point d’honneur d’être partout autant que possible malgré tous les obstacles, à l’école ou au lycée, la première notamment en orthographe et en mathématiques. En discutant avec des collègues universitaires français il m’est arrivé de les reprendre gentiment quand ils se prenaient les pieds dans des subjonctifs pas commodes. J’étais étonné de leurs « insuffisances » et ils étaient étonnés de constater que l’enseignant des sciences dures, paléo-bougnoule que j’étais, venu du plus profond du bled se permettait de leur apprendre la fameuse poésie de Malherbes : « Et rose elle a vécu ce que vivent les roses l’espace d’un matin » ou encore la belle poésie la ballade des pendus de François Villon Nous sommes à nous demander, en le paraphrasant mais où est la langue d’antan ? La Révolution de 1789 nous a accompagnés par le vent de liberté qu’elle avait déclenché. Bien plus tard au collège nous récitions le Chant des Partisans pendant que les valeureux moudjahid se battaient pour arracher l’indépendance du pays . Bref tout a été fait par le pouvoir colonial pour magnifier la langue française, l’histoire de France et faire apparaitre les indigènes que nous étions comme des êtres in-civilisés. Il nous fallait cependant nous battre avec les armes de la colonisation pour avoir des chances d’émerger après un parcours du combattant à travers les interstices de tolérance du pouvoir colonial

    Les humains dit on ne sont pas seulement eux-mêmes , ils sont aussi le milieu où ils sont nés , le foyer ou la chaumière où ils ont appris à faire les premiers pas, les contes qu’ils ont entendus de leurs grands-mères, les poètes qu’ils ont lus les auteurs qui ont bercé leurs enfances au point de les mettre sur des piédestaux comme ce fut en l’occurrence les auteurs du Moyen âge au XIXe siècle qui ont bercé notre enfance, notamment décrits dans le Lagarde et Michard C’est enfin les instituteurs « ces hussards noirs de la République » Ces instituteurs, on ne le rendra jamais assez justice pour avoir traversé le no man’s land qui nous séparait des européens d’Algérie Ils nous ont appris outre le bon usage du français, le bel usage du français.

    La francophonie du XXIe siècle entre l’Algérie et la France

    La France apprécie-t-elle à sa juste mesure l’apport inconditionnel des millions d’Algériennes et d’Algériens qui, qu’on le veuille ou non, font plus pour la langue française que des dizaines de pays qui émargent au râtelier de la Francophonie ? Il faudra bien qu’un jour «on rende à César ce qui appartient à César», en reconnaissant à l’Algérie un rôle majeur dans la diffusion du français.

    C’est toute la littérature algérienne d’expression française, c’est une cinquantaine de quotidiens francophones, c’est 80% des vols des Algériens vers la France, c’est des milliards de dollars pour le tourisme c’est enfin le marché algérien qui fait que la France est le deuxième partenaire depuis l’indépendance malgré toutes les vicissitudes. Quand on parle français, on consomme français, on roule français et ceci malgré la mondialisation. De la même manière, la culture francophone est toujours prégnante, notamment dans la fonction publique que nous avons héritée pour le meilleur et pour le pire, la littérature, la musique, les arts plastiques, le cinéma, la mode vestimentaire.Bref le vécu au quotidien.

    Enfin, il ne faut pas cacher la réalité; des dizaines de milliers d’universitaires, ingénieurs, médecins s’installent en France, participant de ce fait au dynamisme scientifique de la France et ceci sans que la France n’ait déboursé un maravédi à l’Algérie qu’il faut rappeler et les normes de l’Unesco l’attestent, près de 100.000 dollars pour la formation d’un universitaire. Mieux encore, l’Algérie participe enfin à l’enrichissement de la langue française en y apportant de nouveaux mots qui ont été adoptés. Cette acculturation croisée est peut-être un signe que la vitalité d’une langue a besoin de sang exogène pour conjurer son dépérissement. Malgré cela, la France des arts, des armes et des lois selon du Bellay fait une sélection incompréhensible. Il nous parait qu’il est plus facile d’obtenir un visa commercial qu’un visa pour les intellectuels, notamment les enseignants.

    Tout d’abord et pour toutes les raisons, deuxième pays francophone, pays arabophone et amazighophone, l’Algérie ne peut pas et ne devrait pas de mon point de vue être traitée comme les autres pays pour ce qu’elle fait pour la langue française En tant qu’universitaires qui, pendant des dizaines d’années, avons enseigné en français, nous sommes nombreux à penser que la France doit développer une relation spéciale avec l’Algérie au nom de l’histoire des liens de sang tissés, du sang versé sans rapport dominant dominé mais avec une parole désarmée et une réelle volonté de faire un aggiornamento de notre histoire commune pour la reconnaissance du fait que la colonisation ne fut pas un long fleuve tranquille

    La « reconnaissance objective» de l’Algérie pour la France passe par la résolution des contentieux en premier lieu, la restitution sans condition des restes des patriotes algériens qui sont entreposés dans les musées de France et de Navarre, C’est aussi la mémoire constituée par toutes archives qui contribueront certainement à la sérénité des relations , c’est enfin cette diaspora trait d’union qui peut être un vecteur de stabilité et vivification de la langue dans une acculturation apaisée Un signe fort et symbolique serait celui de la mise en place d’une grande bibliothèque numérique qui contribuerai ce faisant à l’apaisement des mémoires, par la restitution sous une forme ou une autre des fonds d’archives .

    Souvenons nous ! Quand Mitterrand a inauguré la Bibliothèque d’Alexandrie, les députés égyptiens anglophones qui se sont fait traduire son discours l’ont acclamé debout Pour rappel il faut bien le dire que l’armée d’invasion a brûlé en 1837 la bibliothèque de Sidi Hammouda Constantine et comme rapporté par Adrien Berbrugger : « chaque soldat voulait avoir «son Coran» et que faute de bois, on allumait le feu avec les ouvrages. » .Dans le même ordre du plaidoyer il est utile de rappeler qu’un matin de juin 1962 , le cadeau de l’OAS a pris la forme d’un gigantesque incendie. Ce furent 600.000 ouvrages de la Bibliothèque d’Alger dont certains uniques, qui furent dévorés par le feu.

    Si on y ajoute la mise en place d’une présence culturelle digne de ce nom en France dans sa double dimension arabe et amazighe, rien ne s’opposerait alors de mon point de vue à l’acceptation par l’Algérie de donner la pleine mesure de son talent au sein de la Francophonie. Cependant et pour terminer la question qui se pose est la suivante : La francophonie devra t-elle continuer à être une sorte de « françafrique » par d’autres moyens ? Ou doit elle s’affranchir du passé pour aller vers l’universel ? De notre point de vue si elle veut perdurer la francophonie ne doit pas se départir de sa fonction culturelle qui devrait , sans condescendance, favoriser le dialogue des cultures qui peuvent s’exprimer en langue française tout en favorisant une altérité croisée par un accueil bienveillant des autres expressions linguistiques.

    Note

    1.Abdelkader Kherfouche http://orientxxi.info/magazine/l-heritage-colonial-de-la-francophonie,1356,1356

    2.Chems Eddine Chitour https://www.mondialisation.ca/francophonie-que-peut-faire-de-plus-lalgerie/5304176

    3.https://www.huffingtonpost.fr/2018/03/25/macron-recoit-un-prix-quebecois-parodique-pour-ses-propos-sur-la francophonie_a_23394921/?

    Professeur Chems Eddine Chitour

    Ecole Polytechnique Alger

    Source : Blog du Professeur Chitour

    Tags : Afrique, France, françafrique, Francophonie, coloniaslime, colonisation, exploitation, spoliation, pillage, ressources naturelles, 

  • L’œuvre négative du néocolonialisme français et Européen en Afrique. La francophonie

    La diffusion de la langue française en Afrique est partie intégrante du projet colonial. Elle fait partie intégrante de l’ « œuvre civilisatrice » que prétendait apporter le colonialisme. La civilisation est, en effet, entendue dans le projet colonial, comme l’extraction de l’homme africain de ses cultures « barbares » pour le faire entrer dans l’histoire et dans la civilisation par l’assimilation. Les indépendances africaines de la décennie 60 voient ainsi arrivées au pouvoir des « élites » francophones dans des pays où les cultures et langues maternelles ont été asphyxiées quand elles n’ont pas été réduites à du folklore. Ce qui s’appelle déjà dès l’ère coloniale « francophonie » s’impose rapidement comme politique publique de maintien de la dépendance des élites et d’aliénation des masses populaires africaines.



    Langue française et colonisation

    Le terme de francophonie apparaît en 1883 sous la plume du géographe Onésime Reclus dans ses analyses de défense de la politique coloniale française. Prônant une expansion coloniale offensive, il considère que l’expansion et l’imposition de la langue française est une des assises essentielle de celle-ci. Dans son livre « France, Algérie et colonies » où il utilise pour la première fois ce néologisme, il argumente comme suit l’importance de l’imposition du français aux indigènes des colonies :

    Nous les amènerons à nous en leur donnant notre langue : le Kabyle n’y perdra que des patois sans littérature, et qui osera comparer à nos livres ce qu’il y a de vrais chefs-d’œuvre dans l’idiome osseux, décharné, dur, prodigieusement guttural, d’ailleurs poétique, énergique et bref, dont Mahomet usait avec l’ange Gabriel, et l’ange Gabriel avec lui ? Il nous faut donc asseoir les enfants des indigènes à côté des nôtres sur les bancs de l’école. Dès que la jeune génération musulmane parlera le français, tout le reste viendra par surcroît[i].

    Les diverses institutions de la francophonie revendiquent l’héritage de Reclus en suggérant qu’il était partisan d’un colonialisme non raciste. Le site de la Documentation française le présente encore aujourd’hui comme suit : « C’est un hymne à la conquête coloniale que compose le géographe, concevant une véritable doctrine de l’impérialisme français. Mais sa conception du colonialisme ne s’appuie pas sur des considérations mercantilistes ou raciales ; son argumentation est géographique, linguistique, démographique. La théorie qu’échafaude Onésime Reclus repose sur l’idée d’influence du milieu ; la langue apparaît comme le socle des empires, le lien solidaire des civilisations [ii]. »

    Loin d’être isolé l’idée d’une langue française civilisatrice préside à la création de « l’Alliance française » (dont le titre intégral est : Association nationale pour la propagation de la langue française dans les colonies et à l’étranger) en juillet 1883. La diversité politique des fondateurs de cette institution souligne le consensus colonial quasi-total de l’époque : Le général Faidherbe, le cardinal de Lavigerie, Ferdinand de Lesseps, Paul Bert, Louis Pasteur, Ernest Renan, etc. Les objectifs sont, en effet, sans ambiguïtés et sont résumés comme suit deux ans après la création de l’institution coloniale : « Par l’école, vulgariser l’usage du français dans nos colonies et nos protectorats ; par l’école, soutenir le prestige de la France dans les contrées barbares [sic] où il domine depuis longtemps, particulièrement dans les pays musulmans du Levant ; etc[iii]. »

    La troisième république laïque n’hésite pas à s’appuyer sur l’Église pour diffuser cette langue française que l’on considère nécessaire à la « conquête des esprits » devant parachever la conquête militaire. « Les missionnaires doivent être des agents de l’influence française par la diffusion de la langue. […] L’objectif fixé aux écoles confessionnelles est précis et limité : [faire des élèves] des auxiliaires de la colonisation[iv] » résume le prêtre et historien Joseph Roger Benoist. Le chercheur en sciences sociales Raberh Achi évoque même une « exception coloniale à la laïcité ».

    Il n’y a donc aucun projet de scolarisation généralisée des colonisés mais volonté de créer une « élite » francisée au service de la colonisation. « Les autorités françaises utilisaient ces élites comme instruments de leur domination sur les masses indigènes. Elles espéraient également qu’elles guideraient par leur exemple l’évolution de leur société dans la voie de l’association, du rapprochement, voire de la « fusion des races[v] » analyse l’historien Guy Pervillé. Faisant le bilan de l’œuvre civilisatrice française dans les colonies en 1943, l’historien et directeur de l’école coloniale en Afrique Occidentale Française de 1926 à 1943, Georges Hardy insiste sur la fonction politique de cette élite indigène :

    L’amélioration morale et intellectuelle de l’indigène n’est pas moins nécessaire à l’augmentation de son rendement et c’est ici l’œuvre de l’école. […] Il faut reconnaître que, dans l’ensemble, le développement de l’enseignement français a dès maintenant fourni à la colonisation un nombre considérable d’auxiliaires indigènes vraiment utiles et qu’au prix de quelques précautions – adaptation, éducation morale – l’école française aux colonies doit devenir de plus en plus un précieux instrument d’amélioration matérielle et d’apprivoisement[vi].

    L’auteur développe dans ses thèses l’idée d’une limitation de l’accès à l’enseignement à une infime élite. Une ouverture plus large aurait des effets dangereux pour le système colonial : « On reproche souvent à l’enseignement des indigènes de former des déclassés, des « dévoyés », hostiles à la fois à leurs congénères et aux Européens, et il est bien certain qu’un jeune indigène qui est passé par l’école française peut paraître moins souple qu’un autre[vii] » remarque-t-il. La solution proposée est duale : la production d’une petite élite accédant à l’enseignement secondaire d’une part et la limitation à la maîtrise d’un français usuel et fonctionnel pour la grande masse des colonisés.

    Un grand soin est apporté à la production de cette élite conçue comme chainon entre le colonisateur et le colonisé. On se préoccupe par exemple de leur mariage avec la création d’écoles féminines visant à produire les épouses de ces « évolués » : « C’est un malaise de constater le nombre croissant de jeunes hommes instruits et le petit nombre de femmes éduquées que nous plaçons à côté d’eux […]. Qui épouseront-ils tous ces médecins, ces comptables, ces employés de postes et quantité d’hommes évolués que nous créons à jets continus suivant les besoins de la colonie[viii]. » Il s’agit bien de produire un groupe social spécifique culturellement et socialement attaché à la culture et à la langue du colonisateur. L’historienne Pascale Barthélémy mentionne et cite un document non signé et non daté d’une trentaine de pages argumentant comme suit la nécessité de cet enseignement féminin : « La France a fait des unités éclairées, elle n’a pas de familles éclairées. Elle s’est occupée de l’homme. Elle s’est peu souciée de la femme. Or l’individu isolé est un faible, le couple seul est fort. La France veut faire entrer l’Afrique dans la voie de la civilisation, elle n’y parviendra que quand elle élèvera la mentalité de la femme, cheville ouvrière de la société indigène[ix]. »

    L’enseignement offert à cette élite évoluée est articulé à un processus d’aliénation qu’un livre consacré à « l’aliénation colonialiste » en Algérie décrit comme suit en 1961 :

    « Convaincre les indigènes de leur infériorité, à tous égards par rapport aux français est selon lui (Cavaignac) le devoir fondamental des dirigeants de l’entreprise en Algérie ». Complexe qu’on s’est efforcé de créer surtout chez ceux qui ont eu le privilège des bancs de l’école. En effet, chez ces derniers les enseignants et la propagande officielle ont contribué à faire exister, valoriser, admirer en exclusivité comme étant le bien et le beau absolus, le patrimoine de la France : sa culture, son histoire, ses héros, ses poètes, ses savants, ses coutumes, sa mode vestimentaire, etc., en bref la civilisation française. Par là même, tout a concouru à nier l’existence d’autres valeurs, à refuser toute qualité à ce qui n’est pas français ou au moins occidental et en premier lieu donc, à tout ce qui est algérien[x].

    La confrontation avec l’injustice coloniale conduira une partie non négligeable de cette élite au combat pour l’indépendance. Cependant les socialisations scolaires et les habitus continuent de les rattacher à l’ancienne puissance coloniale : habitudes de vie, modes de consommation, contenus des enseignements, réseaux d’amis, souvenirs de voyages et/ou d’études en France, capital de lectures et donc système de références, etc. Le dispositif institutionnel de la francophonie s’appuie sur cette dépendance culturelle pour la faire perdurer et la renforcer au-delà les indépendances.

    La toile d’araignée francophone

    Si Onésime reclus est présenté par le discours officiel de la francophonie comme le père fondateur du concept, l’événement fondateur pour la « mythistoire francophone[xi] » est la publication en 1962 du numéro de la revue esprit intitulé «Le français, langue vivante ». La raison de ce mythe fondateur est la suivante :

    Cette date […] est en effet présentée comme la véritable naissance de la véritable francophonie. Ses défenseurs veulent ainsi prouver que ce sont bien les anciens colonisés, africains et asiatiques – et non pas l’ancienne métropole – qui décidèrent de faire de la langue française l’objet et le sujet d’une organisation internationale. Ainsi, il est systématiquement rappelé que ce sont des héros des indépendances africaines et asiatiques (on comptait parmi les auteurs Habib Bourguiba, Hamani Diori, Norodom Sihanouk), proclamant à la fois leur attachement à la langue et leurs identités culturelles qui créèrent la francophonie[xii].

    L’insistance est, à elle seule, significative des critiques nombreuses de « néocolonialisme » qui accompagnent le déploiement du dispositif institutionnel francophone des indépendances à nos jours. Si le numéro de la revue esprit est réellement une défense de la francophonie à laquelle participent des chefs d’État de l’ancien empire colonial, il n’est pas contrairement à l’affirmation officielle « l’acte de naissance ». Deux ans plus tôt le gouvernement français prenait l’initiative de créer la « Conférence des Ministres de l’Éducation des pays africains et malgache d’expression française» (Confemen) qui est de ce fait la première institution intergouvernementale francophone postcoloniale. Cette institution qui regroupe à sa naissance 15 États (c’est-à-dire la plupart des pays de l’ancien empire colonial africain français et la France) se réunit tous les deux ans pour « pour tracer les orientations en matière d’éducation et de formation au service du développement[xiii] ».

    Le choix de l’éducation nationale comme premier terrain de la francophonie n’est, bien entendu, pas anodin. La colonisation et sa scolarisation sélective ont suscité une soif et une attente de scolarité qu’aucun État nouvellement indépendant ne peut ignorer. La légitimité politique passe, entre autre, au moment des indépendances, par une démocratisation de l’enseignement. De fait tous les États nouvellement indépendant d’Afrique, quel que soit leur orientation politique mettront en place une telle orientation qui en quelques années donneront des résultats laissant loin derrière toute « l’œuvre scolaire » coloniale.

    Dans ce contexte l’enjeu devient dès lors le contenu et la langue de cette scolarisation. En témoigne la passe d’arme lors de l’inauguration de l’Université de Dakar le 9 décembre 1959 entre le recteur français Lucien Paye et le président de l’Union générale des Étudiants d’Afrique occidentale (UGEAO) Daouda Sow. Le premier déclare : « Est-il plus noble programme que celui auquel le Conseil de l’université, lors de sa récente séance, apportait une adhésion unanime : « Être une université française au service de l’Afrique ? » Le second lui rétorque : « L’Université de Dakar se doit de porter, selon nous, un cachet typiquement africain. On y doit sentir battre le cœur de l’Afrique d’hier et de demain. Vous comprenez alors que notre souhait demeure de voir cette université devenir un foyer de chercheurs à vocation africaine, mais au service de l’Universel et de la vérité[xv]. » L’auteur à qui nous empruntons ces citations, l’historien ivoirien Chikouna Cissé, analyse comme suit la stratégie française de ces premiers pas de la francophonie postcoloniale :

    Confrontée à l’exaltation de la ferveur panafricaniste, la France choisit de resserrer les liens avec ses anciennes colonies, au début des années 1960, à des fins de contrôle politique. Ce bornage du pré-carré trouva son expression tangible dans la multitude de rencontres des ministres de l’Éducation d’expression française où l’on pouvait noter souvent, une surreprésentation française. Dix-huit conférences, selon le décompte de l’historien Laurent Manière, réunirent Français et Africains entre 1960 et 1969, dans le cadre de la signature et de l’application d’accords de coopération signés[xvi].

    Cette première institution francophone inscrite dans les accords de coopération (dont nous avons soulignés la dimension néocoloniale dans une livraison antérieure[xvii]), sera suivie de nombreuses autres : l’Association des universités partiellement ou entièrement de langue française en 1961, qui devient l’Agence Universitaire de la Francophonie en 1999 ; l’association internationale des parlementaires de langue française en 1967 qui se transforme en Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF) en 1997 ; La Conférence des ministres de la Jeunesse et des Sports (Conféjes) en 1969 ; L’Agence de coopération culturelle et technique (ACCT) en 1970 qui se renomme Organisation Internationale de la Francophonie en 2005 (OIT); Le Conseil international des radios télévisions d’expression française (CIRTEF) créé en 1978 ; etc. L’ensemble des champs éducatif, sportif, médiatique et culturel sont désormais couvert par le réseau institutionnel francophone. Outre leurs propres réseaux, ces institutions peuvent s’appuyer sur le plus que centenaire réseau des « alliances françaises » qui regroupe 835 agences en 2018 dont 115 en Afrique couvrant 35 pays.

    Pour couronner l’ensemble du dispositif des « Sommets des chefs d’État et de gouvernement des pays ayant le français en partage », plus connus sous le nom « Sommet de la Francophonie » se réunissent à partir de 1986 tous les deux ans avec pour objectif de définir « les orientations de la Francophonie de manière à assurer son rayonnement dans le monde, dans un Cadre stratégique décennal[xviii] ». Comme dans les autres domaines de coopération la sphère géographique n’a cessé de s’élargir sous le coup de la montée en puissance de l’Union Européenne et de la hausse de la concurrence économique liée à la mondialisation. Le dernier sommet de 2016 a ainsi vu la participation de 54 États membres, 4 membres associés et 26 observateurs (dont 31 pays africains).

    Les mécanismes de la dépendance

    La question et le problème que pose la Francophonie n’est, bien entendu pas réductible à la question de l’usage du français. L’approche essentialiste de la langue n’aide en rien à comprendre l’enjeu posé par la francophonie néocoloniale. Comme le souligne Kateb Yacine, la langue de l’ancien colonisateur, peut s’appréhender comme un « butin de guerre » pouvant être mis au service de l’émancipation. Après tout de nombreux leaders des indépendances ont subvertit les enseignements appris à l’école coloniale française pour les mettre au service de la libération de leurs pays. Il ne s’agit donc pas de rejeter une langue en soi mais d’interroger les mécanismes d’un dispositif institutionnel politique et ses conséquences sur les États africains.

    Le refus de l’essentialisme en matière de langue ne doit cependant pas nous amener à faire l’erreur exactement inverse c’est-à-dire ne considérer celle-ci que comme un instrument de communication neutre rendant toutes les langues interchangeables sans conséquences. La langue est un système […] par le biais duquel les membres d’une communauté se représentent la réalité (physique, psychologique, sociale, conceptuelle, virtuelle, etc.), communiquent entre eux et s’identifient culturellement[xix] » explique le chercheur canadien en sciences de l’éducation Pierre Legendre. « Il est clair que la langue est nécessaire à la constitution d’une identité collective, qu’elle garantit la cohésion sociale d’une communauté, qu’elle en constitue d’autant plus le ciment qu’elle s’affiche[xx] » complète le linguiste français Patrick Charaudeau. On ne change pas de langue comme de lunettes. Celle-ci apporte au sujet une dimension culturelle et identitaire, une vision du monde résultat d’une expérience historique collective. Elle inscrit le sujet dans une filiation et une histoire.

    Bien entendu la langue est une réalité vivante mutant avec l’expérience collective du groupe qui la parle. L’utilisation d’une même langue ne signifie donc pas en soi une similitude des identités. Qu’un sénégalais ou un québécois parlent le français ne signifient donc pas qu’ils ont la même identité. Cependant la présence d’une situation et de rapports de domination ouvre un processus d’aliénation qui à son tour alimente et renforce la domination. C’est pourquoi le choix de la langue nationale n’est jamais une question secondaire et c’est aussi la raison d’une telle insistance à promouvoir la francophonie de la part de l’ancienne puissance coloniale.

    Sur le plan de chaque nation la question linguistique s’articule à la question des classes sociales du fait d’une maîtrise inégale de la langue officielle selon l’appartenance sociale. Le romancier kenyan N’Gugi wa Thiong’o explique comme suit sa décision de ne plus écrire en anglais pour écrire désormais en Kikuyu et en kiswahili : « Coupée du peuple [la littérature des premières décennies des indépendances], prisonnière des barrières linguistiques héritées du colonialisme, la nouvelle littérature échouait à rassembler au-delà d’une frange d’étudiants, de professeurs et de fonctionnaires en tous genres[xxi]. ». Autrement dit l’inégalité de maîtrise de la langue nationale contribue au renforcement des pouvoirs néocoloniaux. « Préconiser la francophonie dans le cadre d’un enseignement de classe destiné à for­mer une élite de technocrates, c’est vouloir tout simplement perpétuer le système de relais de domination entre l’ancienne métropole et les peuples exploités[xxii] » résume Hassan Benaddi un des animateurs de la revue progressiste marocaine Souffles. Pour prévenir les critiques il précise : « clamons-le encore nous sommes contre la Francophonie et seuls les messieurs Jourdain du néo-colonialisme oseront désormais nous traiter de francophobes[xxiii]. »

    Le lien entre la Francophonie et les classes dominantes de nombreux pays africains et résumé comme suit par le chercheur en sciences politiques François Constantin :

    En Afrique francophone, les comportements politiques reproduisent peut être les attitudes plus idéologiques de la culture politique française. […] Paris demeure un centre de ralliement, non seulement pour des raisons financières, mais aussi parce qu’il est source de légitimité politique […] Les classes dirigeantes actuelles appartiennent encore à une génération dont la socialisation a été fortement métropolitaine, y compris les militaires qui sont passés dans les écoles militaires françaises. […] Les liens coloniaux entre établissements d’enseignement, des écoles techniques aux Universités, se sont maintenus comme s’ils étaient dans la nature éternelle des choses[xxiv].

    L’auteur précise les mécanismes qui ont présidés à cette articulation entre classes dominantes locales et ancienne puissance coloniale : « réseaux de relation prioritaires » des nouveaux pouvoirs ; « rencontres régulières au sommet » ; « études des élites en métropole » ; « liens clientélistes » ; prédominance de la littérature hexagonale ; etc. La place centrale de la francophonie dans ce processus d’ensemble est pour sa part résumée de la manière suivante : « Ces regroupements des pays francophones […] n’étaient signifiants que pour les classes dirigeantes francophiles et pour la France ; ils permirent de récupérer les satellites culturels qu’étaient les anciens territoires belges, en particulier le Zaïre et le Rwanda, dont aucune économie politique sérieuse du colonialisme ne peut expliquer le rattachement au conglomérat franco- centré. C’était en tout cas suffisant pour gêner une unité africaine qui eût pu être préjudiciable au Nord[xxv]. »

    La figure de Senghor illustre pleinement la dimension aliénante de la francophonie dominante c’est-à-dire celle qui fonctionne réellement et concrètement. Celui qui est présenté avec le tunisien Habib Bourguiba comme un des « fondateurs » de la francophonie) défend la thèse d’une symbiose harmonieuse entre le français (langue officielle) et les six langues nationales (le wolof, le serere, le diola, le peul, le manding, le soninke). Pourtant plus de cinquante ans après l’indépendance le français reste la langue de l’élite, de ses institutions et du pouvoir, alors que les langues nationales sont la langue des masses et de la rue. Un de ses arguments est le nombre important de langues africaines empêchant d’en choisir une (c’est-à-dire rendant nécessaire de choisir le français comme langue commune). Cet argument ne tient pas pour le Sénégal. D’une part comme l’a démontré Cheikh Anta Diop, les différentes langues du Sénégal sont apparentées entre elles[xxvi]. D’autre part toutes les minorités sont très majoritairement bilingues et parlent la langue majoritaire le Wolof. « Environ 80 % de la population le pratique sur toute l’étendue du territoire[xxvii] » rappellent le linguiste sénégalais Jean Léopold Diouf et la linguiste française Marina Yaguello. La situation est sensiblement la même dans de nombreux pays africains.

    En outre le choix du français reproduit la balkanisation issue des anciennes puissances coloniales. Ainsi la Gambie « anglophone » et le Sénégal « francophone » ont le Wolof comme langue commune. Alors qu’existent de nombreuses langues transnationales de communication, chacun des États continue d’utiliser comme langue officielle celle de son ancien colonisateur. C’est le cas du Haoussa qui est utilisé au Nigéria, au Niger et au Tchad ; du Soninké parlé au Sénégal, au Mali et en Mauritanie ; du peul que l’on trouve au Mali, en Mauritanie, au Sénégal, en Guinée, au Burkina Faso, au Niger et au Nigéria ; etc. Ces différentes langues parlées par les paysans et les ouvriers constituent des ponts entre les États africains pouvant servir de base à un développement économique autocentré correspondant aux besoins de ces peuples. C’est ce que souligne Cheikh Anta Diop dans son combat pour l’adoption de langues officielles africaines. Dès 1954 il soulignait qu’ « on ne saurait insister suffisamment sur le fait que l’impérialisme culturel est la vis de sécurité de l’impérialisme économique ; détruire les bases du premier c’est donc contribuer à la suppression du second[xxviii] ».

    La francophonie ne se limite pas à sa seule dimension linguistique. Cette dernière n’est qu’une des facettes et un des outils de ce que Diop nomme « impérialisme culturel ». Kwame Nkrumah nous invite à prendre toute la mesure de cet impérialisme culturel. Décrivant les mécanismes du néocolonialisme états-uniens, il insiste sur les mises en dépendance culturelles en citant pêle-mêle l’encouragement du gouvernement états-uniens à des échanges entre syndicalistes ou universitaires; à la mise en place d’Organisations Non Gouvernementale dans de nombreux secteurs ; la mise en place d’organes de presses écrites; l’implantation divers groupe évangélistes ; la promotion de la littérature états-uniennes ; la diffusion de films et de séries télévisuelles ; etc. Sur ce dernier aspect, il présente comme suit les effets :

    Même les scénarios des films d’Hollywood sont des armes. Il suffit d’écouter les applaudissements des spectateurs africains quand les héros hollywoodiens massacrent les Indiens ou les Asiatiques pour se rendre compte de la puissance d’un tel moyen. En effet, dans les continents en voie de développement où l’héritage colonialiste a laissé une grande majorité d’illettrés même le plus petit enfant est atteint par le message contenu dans les histoires de sang et de violence venues de Californie. Et avec le meurtre et le Far West arrive un barrage incessant de propagande antisocialiste, dans lequel le syndicaliste, le révolutionnaire ou l’homme à la peau sombre joue généralement le rôle du traitre, alors que le policier, le détective, l’agent fédéral – en un mot l’espion type CIA – est toujours un héros[xxix]

    Ingérences et résistances

    Le socio-économiste malien Hamidou Magassa propose de situer la Francophonie dans l’histoire de la domination colonialiste et dans ses différentes phases. Il dénombre trois phases : celle de la « mission civilisatrice » allant de la conquête coloniale à 1956 ; celle de la « communauté française » qui lui succède jusqu’aux indépendances et celle de la Francophonie depuis. Concernant cette dernière, il souligne : « la troisième phase néocoloniale est celle actuelle de la récupération indirecte, des acquis de cette lutte [la lutte pour l’indépendance] en s’appuyant sur l’élite locale, « francophonisée » au préalable[xxx]. »

    Le lien entre francophonie et intérêts économiques est parfois publiquement assumé comme en témoigne la déclaration du ministre français des affaires étrangères, Yvon Bourges, à l’assemblée nationale française le 23 octobre 1967 :

    Et naturellement le premier objectif de mon département est de favoriser la pénétration de la langue et de la culture françaises dans les pays d’Afrique et de Madagascar…; le second objectif que nous nous proposons est d’ordre économique : le maintien et le développement des intérêts commerciaux et industriels français constituent également une préoccupation constante du Secrétariat d’Etat aux Affaires Etrangères en charge de la coopération. Je le dis sans aucune honte. Cela n’a d’ailleurs rien d’illégitime ni de sordide. La coopération n’est pas une entreprise intéressée au sens égoïste du terme, mais il ne peut s’agir ni de gaspillage ni de prodigalité …[xxxi]

    La parole se fera plus prudente ultérieurement mais l’articulation entre francophonie et défenses des intérêts économiques français reste une constante jusqu’à aujourd’hui. L’évolution des thèmes des sommets de la francophonie en témoigne. Ainsi en est-il du quinzième sommet de Dakar en 2014 dont l’objectif était d’adopter une « stratégie économique pour la Francophonie ». Ceux qui pensent encore que la Francophonie institutionnelle est une affaire de « langue en partage » sont ou naïfs ou malhonnêtes face à la simple idée d’une stratégie économique commune possible en maintenant le franc CFA, les accords de partenariat économique (APE), la dette et ses plans d’ajustement structurel, les multiples interventions militaires, etc. L’annulation de la dette publique de 7 pays africains par le Canada lors du sommet du Québec en 1987 puis l’annulation partielle de la dette publique par la France lors du sommet de Dakar en 1989 pèsent peu face à l’immensité de la dette privée et aux pressions des « amis francophones » pour qu’elle soit remboursée au prix de Plans d’ajustement structurel qui empêchent toute possibilité de développement.

    Au fur et à mesure des différents sommets se sont tous les aspects de vie politique et économique d’une part et de la souveraineté nationale d’autre part qui sont abordés c’est-à-dire mis en conformité avec les intérêts des puissances occidentales francophones et en particulier de la France. Le troisième sommet à Dakar en 1989 met ainsi en place « une coopération juridique et judiciaire ». Celui de Paris en 1991 et de Maurice en 1993 se donnent pour objectif de « faire avancer le processus de démocratisation » c’est-à-dire de légitimer l’ingérence dans les affaires intérieures des États africains. Le sommet de Cotonou en 1995 est consacré à « l’affirmation politique de la communauté internationale dans le contexte d’après-guerre froide ». Ces quelques exemples suffisent pour illustrer que nous ne sommes pas en présence d’une « langue en partage » mais d’un processus de production et de reproduction des dépendances néocoloniales.

    Donnons un dernier exemple qui se déroule lors du sommet de Kinshasa en 2012. Interviewé par la journaliste Belge Colette Braeckman, le commissaire congolais du sommet Isidore Ndaywel déclare : « Un effort est en cours et le Sommet de la francophonie sera l’opportunité d’une plus grande ouverture qui s’adresse cette fois à tout le monde, dont nos partenaires traditionnels, les pays francophones du Nord et du Sud, et pas seulement à la Chine, comme on nous l’a reproché [xxxii]. » Nous sommes bien en présence d’un outil visant à influer sur les choix économiques des pays africains dans l’objectif de défendre les intérêts des pays francophones occidentaux en général et de la France en particulier.

    Si la Francophonie connaît un élargissement notable des pays membres en s’élargissant désormais à des pays de l’Est de l’Europe, elle est en revanche de plus en plus critiquée et remise en cause en Afrique. En témoigne les multiples écrits visant à démontrer qu’elle n’est pas de nature néocolonialiste. Les arguments mis en avant sont sans cesse les mêmes :

    Il suffit d’un coup d’œil à la liste des pays membres de plein droit et observateurs de l’OIF pour abolir l’idée que la Francophonie décalque les frontières des anciennes colonies françaises, et encore plus qu’elle ne serait que l’un des habits neufs du néo-colonialisme. [ …] Le reproche de néo-colonialisme repose en outre sur un contresens historique. Ce n’est pas, en effet, par la France qu’a été conçu le projet de structurer l’ensemble des pays francophones, mais par un groupe de personnalités dont beaucoup avaient en commun d’avoir été, justement, de grandes figures du mouvement des indépendances dans les années cinquante et soixante. Ils s’appelaient Léopold Sédar Senghor, Habib Bourguiba, Hamani Diori, Norodom Sihanouk, notamment[xxxiii].

    L’argument de l’élargissement extra-africain souligne justement que la francophonie est devenue un des outils dans la concurrence mondiale entre les USA, l’Union européenne et le Canada qui n’a cessé de s’exacerber depuis le début de la mondialisation. Celui de l’origine de ses fondateurs rappelle simplement le mode d’accès à l’indépendance ayant pour cœur la préparation d’une transition entre le colonialisme et le néocolonialisme. Les trois chefs d’État africains généralement cités (Senghor, Bourguiba et Diori) ont été dans cette période de transition de « bons élèves ».

    Les voix africaines remettant en cause la francophonie institutionnelle ne cessent en revanche de se multiplier. « Si le français, en Afrique de l’Ouest, à mesure que les colons justifiaient leur « mission » civilisatrice, a longtemps valu comme langue du progrès, il constitue aujourd’hui, pour certains, de par son ambiguïté, un symbole d’assujettissement qui, du point de vue local, serait à l’origine de la négation, voire de la destruction des cultures africaines. […] il est alors possible d’entendre à Bamako : « À bas la francophonie ! » dans un meeting associatif[xxxiv] » remarque la sociolinguiste Cécile Canut. A l’occasion du quarantième anniversaire de la francophonie en 2010, le quotidien Burkinabais « Le pays-Ouagadougou » va dans le même sens en soulignant :

    En francophonie, on note un réel déséquilibre entre pays du Nord et du Sud, les seconds étant étroitement dépendants des premiers qui assurent pour la plupart le financement du développement. Ce déséquilibre s’est accentué au fil du temps du fait du poids de la France en rapport avec les visées géostratégiques de l’Élysée. Le rayonnement culturel étant sous-jacent à l’influence économique, la France qui n’a plus ses colonies, sent qu’elle perd de son lustre d’antan. La francophonie devient
    alors le cadre idéal pour restaurer cette influence. On le sent lors des
    grandes messes rituelles. Paris dissimule à peine qu’elle se trouve au centre
    des prises de décisions[xxxv].

    Plus grave encore pour la stratégie néocoloniale, on assiste à un mouvement populaire de réaffirmation de soi et de réinvestissement des langues locales. Ainsi au Sénégal présenté par l’histoire officielle francophone comme le berceau de la francophonie, « le français recule au profit du wolof. Un phénomène de fond qui n’est pas sans conséquence sur la vie quotidienne[xxxvi] » souligne un article au titre significatif (« Le Sénégal est-il encore un pays francophone ? ») de SlateAfrique de 2016. Une émission de TV 5 Monde titre dans le même sens en février 2018 : « Le Sénégal perd son français au profit du wolof. »

    Ces réactions populaires convergent avec des prises de position politique à l’exemple de l’appel à un « contre-sommet anti-francophone » en 2014 à l’occasion du sommet de la francophonie : « Les parties signataires de la présente plateforme considèrent que les Sommets dits francophones ne sont qu’un mauvais cirque destiné, principalement à couvrir et cautionner les abus de puissance multiformes du néocolonialisme français en Afrique, aujourd’hui placé sous la tutelle des Usa depuis sa réintégration dans le commandement de l’Otan ; et accessoirement à entretenir la corruption, la concussion et des trafics « françafricains » en tous genres[xxxvii].» L’évènement a été évalué comme suffisamment important pour susciter une interdiction des manifestations publiques par le gouverneur de Dakar pendant la durée du sommet francophone pour des raisons de « sécurité ».

    Comme tous les autres fronts s’opposant au néocolonialisme que nous avons mentionnés dans nos livraisons précédentes, ces militants qui s’opposent à la francophonie institutionnelle restent encore largement minoritaire. Leur simple existence est un signe du développement des consciences au regard de la période précédente. Le jeune âge de ces militants souligne l’émergence d’une nouvelle génération militante porteuse d’avenir pour les peuples africains.

    [i] Onésime Reclus, France, Algérie et colonies, Hachette, Paris, 1883, p. 690.

    [ii] Les pères de la Francophonie, http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/d000124-la-francophonie/les-peres-de-la-francophonie, consulté le 11 août 2018 à 16 h 50.

    [iii] Paul Dupuy, conférence intitulée « les deux premières années de l’alliance française », 1886, cité in Ivan Barko, L’alliance française : les années Foncin (1883-1914). Contexte, naissance, mutations, Documents pour l’histoire du français langue étrangère ou seconde, n° 25, 2000, p. 9.

    [iv] Joseph Roger Benoist, Eglise et pouvoir colonial au Soudan français. Administrateurs et missionnaires dans la boucle du Niger (1885-1945), Karthala, Paris, 1987, p. 47.

    [v] Guy Pervillé, La notion d’élite dans la politique indigène de la France, in Sylvie Guillaume (coord.), Les élites fin de siècles (XIXe-XXe siècles), Editions de la Maison des sciences de l’homme Aquitaine, 1992, p. 181.

    [vi] Georges Hardy, Histoire de la colonisation française, Larose, Paris, 1943, p. 322.

    [vii] Ibid, p. 322.

    [viii] Cité in Pascale Barthelemy et Jean Hervé Jezequel, Marier les « demoiselles frigidaires » et les « mangeurs de craies » : l’idéal du ménage lettré et l’administration coloniale en Afrique, in Odile Goerg (dir.), Perspectives historiques sur le genre en Afrique Occidentale française, L’Harmattan, Paris, 2007, pp. 77-96.

    [ix] Cité in Pascale Barthelemy, Instruction ou éducation ? La formation des africaines à l’Ecole normale d’institutrices de l’AOF de 1938 à 1958, Cahiers d’études africaines, n° 169-170, 2003, p. 375.

    [x] Saadia-et-Lakhdar, L’aliénation colonialiste et la résistance de la famille algérienne, La Cité éditeur, Lausanne, 1961, p. 46.

    [xi] Nous empruntons l’expression à la chercheuse en sciences politiques Alice Goheneix, Les élites africaines et la langue française : une appropriation controversée, Documents pour l’histoire du français langue étrangère ou seconde, n° 40-41, 2008, p. 3.

    [xii] Ibid, pp. 3-4.

    [xiii] Une histoire de la Francophonie, Organisation Internationale de la Francophonie (OIT), https://www.francophonie.org/Une-histoire-de-la-Francophonie.html, consulté le 12 août 2018 à 17 h 50.

    [xv] Cité in Chikouna Cissé, Le « CAMES » (Conseil Africain et Malgache pour l’Enseignement Supérieur) avant le CAMES (1968-2018) : Un demi-siècle au service de l’enseignement supérieur et de la recherche en Afrique, éditions Science et Bien Commun, Québec, 2018, pp. 13-14.

    [xvi] Ibid, p. 28-29.

    [xvii] Conférer : Saïd Bouamama, L’œuvre négative du néocolonialisme français et européen en Afrique. Les Accords de partenariat économique (APE) : de la Françafrique à l’Eurafrique, https://bouamamas.wordpress.com/2018/08/05/loeuvre-negative-du-neocolonialisme-francais-et-europeen-en-afrique-les-accords-de-partenariat-economique-franc-ape-de-la-francafrique-a-leurafrique/.

    [xviii] Le sommet, Organisation Internationale de la Francophonie, https://www.francophonie.org/Le-Sommet.html, consulté le 12 août 2018 à 20 h 10.

    [xix] Renald Legendre, Dictionnaire actuel de l’éducation, Guerin, Montréal, 2005, p. 825.

    [xx] Patrick Charaudeau, Langue, discours et identité culturelle, Revue Ela, n° 123-124, 2001/3, p. 342.

    [xxi] Ngugi wa Thiong’o, Décoloniser l’esprit, La Fabrique, Paris, 2011, pp. 48-49.

    [xxii] Hassan Benaddi, Francophonie et néocolonialisme, Souffles, n° 18, mars-avril 1970, p. 24.

    [xxiii] Ibid, p. 25.

    [xxiv] François Constantin, Et si le pouvoir était au bout de la culture ? Réalités culturelles et politique internationale de l’Afrique, Politique Africaine, n° 9, mars 1983, p. 16.

    [xxv] Ibid, p. 17.

    [xxvi] Cheikh Anta Diop, Les fondements économiques et culturels d’un Etat fédéral d’Afrique Noire, Chapitre 2, Présence Africaine, Paris, 1960.

    [xxvii] Jean Léopold Diouf et Marina Yaguello, J’apprends le Wolof, Karthala, Paris, 1991, p. 8.

    [xxviii] Cheikh Anta Diop, Nations nègres et culture, Présence Africaine, Paris, 2009 (première édition 1954), p. 407.

    [xxix] Kwame Nkrumah, Le néocolonialisme, Présence Africaine, Paris, 1973 (première édition 1965), pp. 251 -252.

    [xxx] Hamidou Magassa, Les langues et leur statut en Afrique dite francophone, Etudes maliennes, n° 22, 1977, pp. 40-71.

    [xxxi] Yvon Bourges, intervention à l’assemblée nationale du 25 octobre 1967, journal officiel du 26 octobre 1967, p. 4088, http://archives.assemblee-nationale.fr/3/cri/1967-1968-ordinaire1/026.pdf, consulté le 13 août 2018 à 20 h 30.

    [xxxii] Colette Braeckman et Isidore Ndaywel, la réunion la plus importante jamais tenue au Congo du 10 octobre 2012, http://www.lesoir.be/archive/d-20121010-300L51?referer=%2Farchives%2Frecherche%3Fdatefilter%3Dlast10year%26sort%3Ddate%2Bdesc%26start%3D1790%26word%3DColette%2BBraeckman, consulté le 14 août 2018 à 18 h 30.

    [xxxiii] Claire Tréan, Idées reçues. La Francophonie, La cavalier bleu, Paris, 2006, pp. 19-20.

    [xxxiv] Cécile Canut, « A bat la francophonie ! » De la mission civilisatrice du français en Afrique à sa mise en discours postcoloniale, Langue française, n° 167, 2010/3, pp. 142-143.

    [xxxv] Francophonie. Un instrument politique au service de la France, https://www.courrierinternational.com/article/2010/03/25/un-instrument-politique-au-service-de-la-france, consulté le 14 août 2018 à 19 h 30.

    [xxxvi] Le Sénégal est-il encore un pays francophone ?, http://www.slateafrique.com/21377/linguistique-senegal-est-il-encore-un-pays-francophone, consulté le 14 août 2018 à 20 h 00.

    [xxxvii] Dialo Diop et Moussa Dembélé, Plate-forme pour un contre-sommet anti-francophone à Dakar, 26 novembre 2014, https://www.pambazuka.org/fr/governance/n%C3%A9ocolonialisme-plateforme-pour-un-contre-sommet-anti-francophone-%C3%A0-dakar, consulté le 14 août 2018 à 20 h 15.

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