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  • Maroc : Depuis la guerre des sables, les FAR se préparent pour une confrontation éventuelle avec l’Algérie (document officiel)

    Depuis la guerre des sables, l’équipement, la formation et la disposition de l’armée ont été orientés dans la perspective, d’une confrontation éventuelle avec l’Algérie (document officiel)

    Dans un document confidentiel révélé par le hacker Chris Coleman, l’armée met en exergue l’identité des deux principaux ennemis du Maroc : L’Algérie et l’Espagne.

    Concernant l’Algérie, le document précise que « au delà du différend de frontières à l’est entre le Maroc et l’Algérie, le conflit était surtout idéologique c’est ce qui générait un grand manque de confiance mutuelle qui dure relativement jusqu’à nos jours ».

    C’est la raison pour laquelle « l’équipement, la formation et la disposition des unités des « Forces Armées Royales » FAR, ont depuis ce jour été orientés dans cette perspective, d’une confrontation éventuelle avec l’Algérie ».

    « Les leçons tirées, ajoute-t-il, de « la guerre des sables » opposant les deux pays en Octobre 1963, façonnent jusqu’à nos jours les dispositifs et tactiques des FAR, se caractérisant à ce stade grosso modo, par le souci de stopper l’assaut d’un ennemi en supériorité numérique et d’arrêt de colonnes blindées venant de l’Est ».

    « Ceci, précise-t-il, par le biais d’un binôme puissant d’artillerie automotrice et blindés, s’appuyant sur une machine logistique infaillible et l’appui d’une aviation de chasse essentiellement tournée vers l’appui feu rapproché « close air support », ceci aux dépend du rôle « air-air » qui a toujours été négligé chez les « Forces Royales Air » (FRA) ».

    « L’expérience de la guerre du Sahara, opposant le Maroc aux séparatistes du Polisario appuyés par l’Algérie a été un tournant décisif dans la construction de la doctrine des FAR, qui ont vu leur effectif doubler durant la période de guerre et qui ont pu développer une expérience pionnière en matière de guerre de désert mondialement reconnue ».

    « Le début de guerre n’a pas été aisé pour les FAR, notamment à cause de la non maîtrise du terrain sahraoui et à cause de la faiblesse des moyens logistiques des FAR à l’époque, ceci en plus de l’effet de choc qu’a représenté la présence de certains armements chez l’ennemi notamment son arsenal DCA (1) précisément le SAM-6 (2) entre-autres et son effet dévastateur sur les FRA dont les chasseurs étaient à l’époque dépourvus de mesures ECM (3) voire même de contre mesures IR (4) contre la menace des MANPADS (5) et missiles à guidage thermique en général ».

    « La construction du mur défensif à partir de la période 1982 a catégoriquement changé le cap en faveur des FAR qui ont pu stopper l’hémorragie des pertes causées par les attaques « Hit-and-run » (6) de la guerre asymétrique dont le Polisario faisait un art ».

    « La guerre au Sahara a montré la primordialité de la logistique comme facteur principal de la défaite ou victoire dans un milieu désertique, de plus la nécessité de miser sur la mobilité des unités pour faire face à un ennemi imprévisible dans un territoire vaste, sur ce point la composante transport des FRA, ainsi qu’au sol les unités des différents « régiment d’infanterie mécanisé » RIM ont joué un rôle décisif dans la victoire légendaire des FAR ».

    Source : Maroc Leaks, 25 avr 2021

    Etiquettes : Maroc, Algérie, Sahara Occidental, Front Polisario, armement, FAR, ANP, Guerre des Sables,

  • Le Maroc va acquérir prochainement des drones turcs

    En pleine guerre contre le peuple sahraoui , le Maroc va acquérir prochainement des drones turcs, dont les Forces armées royales recevront une douzaine de drones armés de type Bayraktar TB2 fabriqués par l’entreprise turque Baykar, dirigé par Selçuk Bayraktar, qui n’est aute que le mari de Soumaya, la plus jeune fille du président Recep Tayyip Erdoğan. Selon des sources médiatiques, il s’agit également d’acquérir quatre stations de contrôle au sol pour piloter les opérations.

    Les avions Bayraktar TB2 sont des drones qui volent à une altitude moyenne avec une capacité de voler plus de 24 heures. « Drone Al- Bayraktar» est un drone moins cher, de petite taille et efficace dans sa mission d’attaque, fabriquée par la Turquie en assemblant ses pièces fabriquées au Canada, en Autriche et aux États-Unis. Ce drone entrera en service au Maroc en tant qu’un drone offensif moins couteux en même temps que des plusieurs autres drones de haute technologie pour la surveillance, et la guerre électronique offensive afin d’atteindre des objectifs de grande importance.
    Rabah Karali
    Crésus, 17 avr 2021
    Etiquettes : Maroc, Sahara Occidental, Front Polisario, Drones, Bayraktar,
  • Média Allemand / Silence radio au Sahara : Entre l’héritage colonial et la politique étrangère des Etats-Unis

    Crise diplomatique entre le Maroc et l’Allemagne

    Par Leonhard Pfeiffer*

    Le gouvernement marocain met fin à tout contact diplomatique avec l’ambassade d’Allemagne à Rabat, la capitale du Royaume du Maroc. La raison en est la position allemande sur le conflit du Sahara occidental. Ce différend, non résolu depuis des décennies, sur le statut du territoire au regard du droit international a connu une nouvelle escalade à la fin de l’année dernière. Qu’est-ce que l’héritage colonial et la politique étrangère américaine ont à voir avec cela ? Une analyse.

    Avec fracas, le ministre marocain des affaires étrangères, Nasser Bourita, a brusquement gelé le contact avec l’ambassade d’Allemagne au début du mois de mars. Mais l’ambassade d’Allemagne n’est pas la seule à être affectée, des fondations politiques telles que la Fondation Konrad-Adenauer, la Fondation Friedrich-Ebert et la Fondation Friedrich-Naumann, qui ont leurs propres bureaux au Maroc, n’ont plus de contact avec le gouvernement marocain. En fait, les relations sont « étroites, amicales et sans tension » – selon le ministère allemand des affaires étrangères à la fin du mois de février. Cependant, la situation est plus complexe : Il existe de nombreux contacts dans le domaine des affaires, de la science et de la culture.

    Alors pourquoi ce changement soudain ? La lettre du ministre des affaires étrangères ne parle que de « profondes divergences », une déclaration officielle des deux gouvernements n’a pas encore été faite. Les raisons résident probablement dans l’attitude de l’Allemagne vis-à-vis du conflit du Sahara occidental. Le Maroc revendique depuis longtemps le territoire du Sahara occidental, au sud du pays, tandis que l’ethnie sahraouie qui y vit réclame l’indépendance. Son statut au regard du droit international est contesté depuis des décennies. La communauté internationale, y compris l’Allemagne, appelle à un référendum, mais cela ne progresse guère. Une solution est donc encore loin d’être trouvée. Maintenant plus que jamais.

    Les origines se trouvent dans le colonialisme

    Comme tant de conflits d’aujourd’hui, l’origine du conflit du Sahara Occidental peut être trouvée dans l’époque coloniale, plus précisément dans la Conférence du Congo de Berlin de 1884, où le continent africain a été divisé entre les grandes puissances européennes – le Sahara Occidental est devenu une colonie espagnole. La résistance de la tribu nomade sahraouie qui y vit n’a finalement pas abouti, tout comme les demandes annuelles des Nations unies d’organiser un référendum sur l’indépendance. L’Espagne a conservé le contrôle du territoire jusqu’à la mort du dictateur Francisco Franco en 1975. La mort de Franco aurait pu être un tournant pour le mieux pour les Sahraouis. Les troupes espagnoles se sont retirées, l’Espagne a soutenu les demandes de référendum et de création d’un État indépendant. Mais les choses se sont passées différemment : les États voisins du Maroc et de la Mauritanie, respectivement au nord et au sud, ont profité de la vacance du pouvoir et ont revendiqué le territoire. Au même moment, le mouvement de libération Front Polisario, fondé sous l’occupation espagnole, a proclamé un État indépendant, la République arabe sahraouie démocratique. Le Maroc a répondu par la « Marche Verte », au cours de laquelle 350 000 Marocains ont immigré au Sahara occidental. Après le retrait de la Mauritanie, le Maroc a annexé toute la région en 1979, mais cela n’a jamais été reconnu par l’ONU.

    La situation est confuse

    Une solution diplomatique pour le Sahara Occidental est toujours recherchée aujourd’hui. Bien que le conflit se soit quelque peu apaisé avec un cessez-le-feu entre le Polisario et le Maroc, la mission d’observation des Nations unies MINURSO n’a pas pu trouver un accord pour un référendum qui pourrait clarifier le statut juridique. L’une des raisons de cette situation est également la « Marche verte », car on ne sait toujours pas quels habitants du Sahara occidental ont le droit de voter lors du référendum : uniquement les Sahraouis ou également les Marocains et leurs descendants qui y vivent depuis près de 50 ans ? Alors que les experts en droit international cherchent une solution à ce problème, le Maroc crée des faits. Une clôture frontalière de 2 700 km de long – en partie minée – sépare les précieuses zones côtières de l’Atlantique d’une étroite bande de désert à l’est du pays. Là-bas, et dans quatre camps de réfugiés en Algérie voisine, les Sahraouis vivent aujourd’hui dans une solution temporaire qui dure depuis 45 ans. Nombre d’entre eux ont désormais abandonné tout espoir de retour, et plus de 200 000 réfugiés sahraouis vivent à l’étranger.

    L’exploitation des ressources conduit à une nouvelle guerre

    Pour le Maroc, cette situation est une affaire lucrative. La région du Sahara occidental est riche en ressources naturelles : L’or, le pétrole et sans doute l’un des plus grands gisements de phosphate du monde se trouveraient dans la région. Malgré une population clairsemée, le tourisme est en train de devenir un secteur économique lucratif dans la région. Cependant, les touristes ne sont pas les seuls à être attirés par le climat chaud et désertique du Sahara occidental ; les entreprises européennes montrent également un grand intérêt pour la production d’énergie solaire et éolienne dans la région, dans le cadre de la transition énergétique. Le projet « Desertec », qui vise à produire de l’hydrogène vert dans les déserts d’Afrique, a été salué par de nombreux observateurs comme une avancée majeure dans le développement des énergies renouvelables. Les principaux consommateurs de ce vecteur énergétique sans émissions seraient l’UE et ses États membres. Le projet est donc un élément important de la stratégie européenne visant à atteindre la neutralité climatique d’ici 2050. La politique européenne est donc étroitement liée aux actions du Maroc dans la région. En fin de compte, c’est cette exploitation de la région qui a provoqué une nouvelle flambée du conflit en novembre 2020. Afin d’empêcher les transports de la région via une route illégalement construite, 200 activistes sahraouis ont mis en place un blocus routier comme action de protestation pacifique. En raison de l’étroitesse du réseau routier, la manifestation a durement touché l’économie marocaine. La réaction a été aussi rapide qu’importante : le 13/11/2020, les militaires marocains ont levé le blocus par la force. Ce faisant, elle a violé l’accord de cessez-le-feu, après quoi le Polisario a repris les hostilités. Aujourd’hui, la guerre fait à nouveau rage au Sahara occidental.

    Un héritage de la politique étrangère américaine

    Le Maroc des États-Unis s’enhardit, malgré une condamnation diplomatique généralisée. En décembre 2020, ils ont reconnu la domination du Maroc sur le Sahara occidental. En contrepartie, le Maroc est devenu le quatrième pays musulman à accepter l’existence de l’État d’Israël. Comme souvent au cours des quatre dernières années, la politique étrangère des États-Unis s’est montrée plus intéressée par les « accords » fructueux et les gros titres positifs que par le droit international, les institutions internationales ou la situation complexe de la région. La nouvelle escalade de la violence dans la région fait également partie de l’héritage peu glorieux de la présidence de Donald Trump. Parmi les critiques les plus virulentes de l’accord figure l’Allemagne. En tant que détenteur de la présidence du Conseil de sécurité des Nations unies, il a mis l’accent sur une solution multilatérale. Vient alors la rupture diplomatique du contact. Ce n’est pas la première fois que le Maroc tente d’exercer des pressions de cette manière, déjà en 2016, lors du conflit sur un accord de pêche avec l’UE, les canaux diplomatiques ont été bloqués – sans succès. L’accord n’inclut pas les zones de pêche au large du Sahara Occidental réclamées par le royaume, la CEJ ayant également rejeté la demande du Maroc.

    Où allons-nous à partir d’ici ?

    L’expérience passée montre qu’une réponse unifiée des États européens est nécessaire pour contrer toute nouvelle augmentation de la violence. Il n’y a pas de solution magique au conflit, la situation politique est trop complexe, trop d’intérêts doivent être pris en compte. Néanmoins, il n’y a pas d’alternative à la renonciation à la violence, au respect des droits de l’homme et à l’action diplomatique.

    *Président de la JEF Passau et membre du conseil régional de la JEF Bavière. Il étudie le droit à Passau avec une spécialisation en droit pénal et se réjouit de l’un de ses derniers séjours Erasmus au Royaume-Uni. Il est rédacteur au journal étudiant « Der Jurist » et remplit ses tours de jogging avec des sessions de podcast d’une heure.

    Die Webmagazine der Jungen Europäischen Föderalisten, 15 avr 2021

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  • Sahara Occidental : La RASD réclme un siège à l'ONU

    La République arabe sahraouie démocratique (RASD) a indiqué lundi vouloir solliciter « un siège » à l’ONU, où le Conseil de sécurité doit de nouveau débattre ce mois du dossier du Sahara occidental qui oppose de longue date un mouvement indépendantiste au Maroc. « La RASD, membre fondateur de l’Union africaine (UA), réclame la place qui lui revient au sein du concert des nations », a déclaré lors d’une conférence de presse à Alger le chef de la diplomatie sahraouie, Mohamed Salem Ould Salek.

    A ce jour, la RASD ne dispose d’aucun statut à l’ONU. Et « il ne faut pas que le peuple sahraoui et l’Etat sahraoui soient pénalisés par cette attitude intransigeante qui défie la légalité internationale », a-t-il ajouté, en allusion au refus du Maroc d’organiser un référendum d’autodétermination dans le territoire.
    La question du Sahara occidental, considéré comme un « territoire non autonome » par l’ONU en l’absence d’un règlement définitif, oppose le Maroc aux indépendantistes du Front Polisario depuis le départ du colonisateur espagnol dans les années 1970.
    Devant la presse lundi, le diplomate sahraoui a de nouveau demandé à la France de « cesser son soutien aveugle » au Maroc. Il s’en est également pris à l’Espagne « qui refuse d’assumer ses responsabilités » historiques d’ancienne puissance coloniale, l’accusant de « trahison » envers le peuple sahraoui.
    Comme chaque année, le Conseil de sécurité de l’ONU doit se réunir ce mois –le 21 avril– pour discuter du conflit et proroger le mandat de sa mission sur place (Minurso). Cette réunion interviendra alors que le nouveau secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, a demandé au secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres d’accélérer la nomination d’un nouvel envoyé spécial au Sahara occidental. Le dernier titulaire du poste, Horst Kohler, a démissionné en mai 2019.En outre, pour la première fois en trois décennies, des accrochages armés sont survenus en novembre dans l’extrême sud du Sahara occidental, et le Polisario se dit depuis « en état de guerre de légitime défense ».
    Une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU avait eu lieu en décembre pour discuter de cette rupture inédite du cessez-le-feu.
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  • Nouvelle phase dans le vieux conflit entre les Sahraouis et le Maroc

    L’une des dernières réalisations de M. Trump avant la fin de son mandat présidentiel a été l’obtention d’un accord belliciste avec le Maroc.

    Le 10 décembre 2020, Donald Trump a annoncé un accord diplomatique négocié par les États-Unis, dans lequel la reconnaissance par les États-Unis de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental a été échangée contre la reconnaissance par le Maroc de l’État d’Israël.

    Une solidarité qui s’effrite

    Le Maroc, quant à lui, est le quatrième État arabe à normaliser ses relations avec Tel-Aviv à la suite d’une offensive ciblée de l’administration Trump en matière de politique étrangère – malgré l’occupation des territoires palestiniens par Israël. En septembre 2020, les Émirats arabes unis et Bahreïn avaient déjà signé des accords de normalisation avec Israël, et le Soudan leur a emboîté le pas en octobre. Ce faisant, ils ont suivi les traces de l’Égypte (1979) et de la Jordanie (1994), qui avaient déjà reconnu l’État israélien par le passé sans offrir de garanties politiques aux Palestiniens, telles que l’autodétermination ou un État propre.

    Les Émirats arabes unis, Bahreïn, le Soudan et le Maroc ont signé des accords de normalisation avec Israël en 2020.

    Jusqu’à récemment, tous les pays arabes ont approuvé l’initiative de paix formulée en 2002, qui stipule que la normalisation des relations avec Israël ne peut intervenir que si et quand ce dernier se retire des territoires palestiniens occupés et établit un État palestinien indépendant avec Jérusalem-Est comme capitale. Ce principe a encore été affirmé par les pays arabes en 2017, mais les Émirats arabes unis ont ainsi été les premiers à le jeter par-dessus bord.

    Satisfaire Israël, le principal allié américain au Moyen-Orient, était l’un des piliers les plus univoques de la politique étrangère de l’administration Trump. Pendant sa présidence, Trump a reconnu Jérusalem (y compris Jérusalem-Est illégalement occupée depuis 1967) comme capitale d’Israël, a déplacé l’ambassade des États-Unis de Tel-Aviv à Jérusalem, a supprimé l’aide financière structurelle des États-Unis aux réfugiés palestiniens. a reconnu l’annexion par Israël des hauteurs du Golan syrien, a exprimé son soutien à la construction de colonies juives illégales en Cisjordanie occupée et a lancé un plan de paix pour Israël et la Palestine – « l’accord du siècle » – sans impliquer les Palestiniens d’aucune manière.

    Faire plaisir à Israël était l’un des piliers les moins équivoques de la politique étrangère de l’administration Trump.

    Chercher à normaliser les relations entre certains pays arabes et Israël faisait partie du plan de paix de Trump. Les pays visés se sont vus offrir un grand nombre de choses intéressantes en guise de compensation pour avoir renoncé à leur solidarité avec les Palestiniens. Les Émirats arabes unis ont été achetés grâce à un contrat d’armement avec les États-Unis d’une valeur de plus de 23 milliards de dollars, comprenant 50 avions de combat F-35, des drones Reaper et toute une série de missiles et de munitions. Le Soudan a été retiré de la liste des États soutenant le terrorisme et a ainsi échappé – après de nombreuses années – aux sanctions strictes qui l’accompagnent. Et pour Rabat, la reconnaissance américaine du Sahara Occidental comme territoire marocain s’est avérée une proposition irrésistible.

    Conflit historique

    La majeure partie du Sahara occidental est occupée par le Maroc depuis le retrait des colonisateurs espagnols dans les années 1970. Le territoire a été incorporé par la force et l’autodétermination de la population locale, les Sahraouis, a été ignorée pendant des décennies.

    Malgré de nombreuses résolutions des Nations unies et un jugement de la Cour internationale de justice condamnant l’occupation marocaine comme illégale, Rabat continue de désigner systématiquement la région comme ses provinces du sud. Le parallèle avec Israël – qui, lui aussi, a tout simplement ignoré pendant des décennies les condamnations de l’ONU concernant l’occupation des territoires palestiniens – est clair. Et ce n’est pas tout. 

    Toute une série de résolutions de l’ONU et de verdicts juridiques condamnent l’occupation marocaine du Sahara Occidental.

    Au cours des années 1980, le Maroc a construit un mur de sable à l’est du Sahara occidental pour faciliter l’arrêt des troupes du Front Polisario – le mouvement de libération nationale des Sahraouis. Du nord au sud, cette « verge » lourdement gardée compte 2700 km. Le mur militarisé marocain est donc plus long et plus ancien que le mur d’apartheid internationalement condamné construit par Israël en Palestine occupée. Pourtant, le monde connaît à peine son existence.

    Le territoire occupé à l’ouest du mur est la partie la plus grande et la plus intéressante économiquement du Sahara Occidental (environ 80% du territoire total) et est hermétiquement fermé de la longue et étroite bande orientale, qui est sous le contrôle du Polisario. Cette bande est appelée par les Sahraouis « la zone libérée », mais le terrain est inutilisable, ne contient presque aucune ressource naturelle et est jonché de mines antichars et antipersonnel (également fabriquées par la Belgique).

    La zone n’est pas propice à la vie. La majorité des Sahraouis de l’est du mur marocain vivent dans des camps de réfugiés très rudimentaires à l’extrême ouest de l’Algérie, dans la province de Tindouf. Les Sahraouis qui ont fui l’invasion marocaine il y a plusieurs décennies ont maintenant des enfants et parfois des petits-enfants qui sont nés et ont grandi dans des camps de réfugiés, tout comme les Palestiniens.

    La plupart des Sahraouis vivant du côté oriental du mur de sable marocain vivent dans des camps de réfugiés en Algérie depuis des décennies.

    Une fois le mur de sable marocain achevé, le conflit avec le Polisario s’est retrouvé dans l’impasse. Aucune des deux parties n’a été en mesure de faire des conquêtes territoriales plus décisives, mais les attaques d’artillerie et les tirs de sniper du Polisario ont été un fardeau et ont continué à faire des ravages.

    L’état de guerre a également empêché le Maroc de commencer l’exploitation extensive des nombreuses ressources naturelles du Sahara Occidental occupé. Rabat s’est donc rendu à la table des négociations. Après 16 ans de guerre avec le Polisario, un cessez-le-feu a été négocié par l’ONU en septembre 1991.

    Dans l’accord conclu, il était écrit noir sur blanc qu’un référendum sur l’indépendance serait organisé en 1992. Dès le début, le Maroc a eu recours à toutes sortes de tactiques dilatoires et, au fil des ans, il est devenu de plus en plus évident que si cela dépendait de Rabat, il n’y aurait jamais de référendum. Près de trois décennies après la signature de l’accord de cessez-le-feu, le peuple sahraoui est plus que fatigué d’attendre.

    Répression

    L’accord de 1991 a également créé une mission de maintien de la paix des Nations unies, la MINURSO. Aujourd’hui, les casques bleus sont encore présents des deux côtés de la muraille marocaine. Cependant, ils sont seulement autorisés à « maintenir la paix entre les deux parties », mais ne sont pas autorisés à intervenir en cas de violations ouvertes des droits de l’homme contre les Sahraouis dans le territoire occupé, ni même à les signaler.

    Cependant, le peuple sahraoui vivant à l’ouest de la frontière de sable est systématiquement confronté à la répression marocaine. Depuis les années 1970, des milliers de citoyens ont été mis derrière les barreaux, torturés ou assassinés pour leur résistance à l’occupation. Selon la liste annuelle de Freedom House, qui classe les pays et territoires en termes de liberté, le Sahara occidental occupé était le septième pays le moins libre du monde en 2020, juste derrière la Corée du Nord.

    Depuis les années 1970, des milliers de Sahraouis ont été emprisonnés, torturés ou assassinés pour leur résistance à l’occupation.

    La dernière grande vague de protestations (intifadah) du peuple sahraoui a eu lieu en octobre 2010. À Gdeim Izik, à 12 km au sud-est d’El Aaiún (la capitale administrative du territoire occupé), un camp de protestation a été installé et a rapidement compté plusieurs milliers de khaimas (tentes traditionnelles). Des Sahraouis de tout le Sahara occidental se sont rendus au camp pour protester pacifiquement contre le régime d’occupation marocain qui les soumet à la discrimination, à la pauvreté et aux violations des droits de l’homme.

    Après un mois, le camp de protestation – qui abritait également de nombreuses femmes, enfants et personnes âgées – a été pris d’assaut en pleine nuit par les forces de sécurité marocaines et brutalement rasé. Le Polisario a fait état de 11 morts, de plusieurs centaines de blessés et d’arrestations massives. Les initiateurs de la protestation ont été condamnés à de très longues peines, voire à la perpétuité. 

    Les Sahraouis du Sahara occidental occupé ne représentent plus qu’un tiers de la population totale.

    Le nombre de Sahraouis dans le Sahara Occidental occupé est estimé à 160.000, mais ils ne représentent qu’un tiers de la population totale de la région. Depuis les années 1970, le Maroc a mis en place des programmes de colonisation délibérée pour peupler le Sahara occidental de Marocains – comparable aux efforts israéliens pour loger des colons juifs dans les territoires palestiniens occupés. Ils sont attirés par des avantages fiscaux, des emplois, etc. Le transfert de citoyens de la puissance occupante vers le territoire occupé est illégal en vertu du droit international.

    Complicité

    Les Etats-Unis sont la première grande puissance mondiale à reconnaître formellement la souveraineté marocaine sur le Sahara Occidental. L’accord avec le Maroc a été salué par la Maison Blanche comme une étape majeure dans la « promotion de la stabilité régionale ». En réalité, elle ne fait qu’accomplir la légitimation de deux occupations illégales.

    L’occupation du Sahara Occidental a pu se poursuivre pendant si longtemps grâce à une combinaison d’ignorance et/ou d’indifférence à l’égard du sort des Sahraouis parmi le grand public, le manque de volonté de la communauté internationale de faire pression ou d’imposer des sanctions au Maroc, et la complicité économique des pays puissants (en particulier occidentaux) et des entreprises dans la perpétuation de la situation.

    L’occupation du Sahara Occidental peut être maintenue grâce à la complicité économique de plusieurs pays puissants et de sociétés.

    Dans ce sens, la reconnaissance américaine explicite de la souveraineté marocaine sur le Sahara Occidental est moins hypocrite que, par exemple, l’approche douteuse de l’Union Européenne. Cette dernière condamne formellement l’occupation, mais la tolère officieusement, et plusieurs États européens contribuent même activement à son maintien.

    Ici aussi, un parallèle peut être établi avec le régime d’occupation israélien. Officiellement, elle est condamnée par l’Europe, mais cela n’empêche pas l’UE de maintenir un accord d’association avec Israël qui donne au pays un accès privilégié au marché européen, ou d’accorder l’argent des impôts européens aux entreprises de défense israéliennes via le programme de recherche scientifique de l’UE.

    Le Maroc a ancré son emprise économique sur le Sahara occidental par l’exploitation de ses nombreuses ressources minérales (phosphates, sable, sel) et autres ressources naturelles (pêche, produits agricoles) en partenariat avec des entreprises de plus de 40 pays. Le résultat est un renforcement de la position politique du Maroc au niveau international. Au lieu de chercher une solution au conflit, de nombreux pays puissants contribuent à bafouer les droits fondamentaux du peuple sahraoui et à piller ses ressources naturelles.

    Europe

    Un parfait exemple de complicité internationale est la politique commerciale agressive de l’Union européenne au Sahara occidental. En décembre 2016, la plus haute juridiction de l’UE a rendu une décision historique concernant l’accord de libre-échange Europe-Maroc de 2012 sur l’agriculture et la pêche. Selon la cour, le Sahara Occidental a un « statut séparé et distinctif en vertu du principe d’autodétermination ». Par conséquent, elle doit être considérée comme une « tierce partie » dans la conclusion d’accords commerciaux bilatéraux entre l’Europe et le Maroc. En tant que tierce partie, elle ne peut être légalement soumise à de tels traités sans « le consentement exprès de son peuple ».

    Cette décision de justice constituait une menace pour la lucrative industrie de la pêche. Par exemple, sur les 100.000 tonnes de poisson que l’Espagne importe chaque année du Maroc, la plupart proviennent des eaux occupées au large du Sahara Occidental. De même, 90 % du poisson capturé par les chalutiers européens dans les eaux contrôlées par le Maroc l’est en réalité dans la zone côtière.

    Cette décision de justice menaçait la lucrative industrie de la pêche. Par exemple, sur les 100.000 tonnes de poisson que l’Espagne importe chaque année du Maroc, la plupart proviennent des eaux occupées au large du Sahara Occidental. De même, 90% du poisson que les chalutiers européens capturent eux-mêmes dans les eaux contrôlées par le Maroc est en fait collecté dans les zones côtières au large du Sahara Occidental.

    Afin de contourner la décision de la Cour, l’Europe a rapidement entamé des négociations sur un nouvel accord de pêche qui inclut les eaux du Sahara Occidental dans son champ d’action. L’accord de pêche maroco-européen (actuel) qui en résulte a finalement été conclu de manière douteuse et sans le consentement légalement requis du peuple sahraoui. Selon ses termes, l’Union verse à Rabat 52 millions d’euros par an pour l’accès à toutes les eaux sous son contrôle. L’Europe participe donc activement au pillage marocain du poisson sahraoui.

    Et ce n’est qu’un exemple. De nombreux pays occidentaux qui prétendent défendre le droit international et les droits de l’homme participent au pillage du Sahara Occidental et aident ainsi à maintenir le régime d’occupation.

    Le Maroc peut également compter sur des partenaires étrangers volontaires pour le soutien logistique de l’occupation.

    Le Maroc peut également compter sur des partenaires étrangers volontaires pour le soutien logistique de l’occupation, dont plusieurs grandes entreprises européennes. La société allemande Siemens, par exemple, joue un rôle crucial en facilitant les opérations minières du Maroc et en fournissant de l’énergie à diverses autres activités économiques dans le territoire occupé.

    Fin du cessez-le-feu

    L’accord de Trump avec Rabat est intervenu quelques semaines seulement après la rupture du cessez-le-feu d’un an entre le Maroc et le Polisario. Le 21 octobre, les Sahraouis ont bloqué une autoroute majeure dans la zone tampon de Guerguerat avec un sit-in. Ce poste frontière situé à l’extrême sud du Sahara occidental occupé, avec la Mauritanie, est une porte d’entrée majeure en Afrique de l’Ouest et est considéré par les Sahraouis comme l’une des voies par lesquelles leur terre est pillée.

    Rapidement, le blocus vers la Mauritanie a provoqué l’encombrement d’environ 200 camions remplis de produits alimentaires tels que du poisson et des produits agricoles. La pression a augmenté et le 13 novembre, l’armée marocaine est entrée dans la zone tampon – une violation de l’accord de cessez-le-feu de 1991 – pour disperser par la force les manifestants pacifiques. Le Polisario a répondu à son tour en entrant dans la zone tampon afin de déplacer les civils en toute sécurité hors de la zone. Les deux camps se sont tirés dessus. Le cessez-le-feu a ensuite été annulé par le Polisario.

    Depuis lors, les combattants du Polisario, depuis leur base en Algérie, ont lancé plusieurs attaques contre les positions marocaines le long de la frontière sablonneuse. Mais le mur en lui-même, ainsi que l’avantage technologique et numérique des Marocains rendent ces attaques presque symboliques.

    En effet, la plupart des Sahraouis ne se font aucune illusion sur les chances de succès d’une libération armée de leur territoire, mais ils sont également conscients du fait évident que près de 30 ans de protestation pacifique ne leur ont déjà rien apporté du tout. Les Sahraouis ont le droit international derrière eux et ont gagné des procès dans divers tribunaux, mais le Maroc n’est pas gêné. Au contraire. L’annonce de Trump en a été la confirmation.

    Près de 30 ans de protestation pacifique n’ont absolument rien fait pour les Sahraouis.

    Alors que les médias internationaux ont ignoré le conflit pendant des décennies, les Sahraouis et leur lutte légitime ont été complètement oubliés. La frustration et le désespoir face à l’inaction de la communauté internationale et à la perpétuation de la situation n’ont cessé de croître, notamment dans les camps parmi la jeune génération de Sahraouis qui n’a jamais vécu activement la guerre de 1975-1991.

    La direction du Polisario, officiellement reconnu par l’ONU comme le représentant politique des Sahraouis, est principalement composée de vétérans de la guerre qui ont consacré en vain près de 3 décennies à la lutte diplomatique pacifique. Le fait de ne pas répondre à l’attaque marocaine contre les manifestants à Guerguerat, a totalement sapé la légitimité du leadership parmi la jeune génération sahraouie agitée. Le cessez-le-feu était littéralement devenu intenable.

    Une guerre ouverte ?

    La stratégie militaire de l’Armée de libération du peuple sahraoui, le bras militaire du Polisario, consiste en des attaques d’artillerie à distance sur les positions marocaines et des unités motorisées à déplacement rapide qui effectuent des attaques éclairs. L’idée est probablement d’épuiser le Maroc, et de l’endommager moralement et économiquement.

    Les Marocains tirent aussi régulièrement des coups d’artillerie à distance par-dessus le mur de sable, et ils ont planté de nouvelles mines terrestres, notamment autour de Guerguerat, mais jusqu’à présent Rabat ne semble pas intéressé à pousser plus loin les opérations de guerre.

    Il est difficile de prévoir comment la situation va évoluer. D’une part, le soutien américain ouvert à l’occupation pourrait donner au Maroc la confiance nécessaire pour tenter de capturer la zone du Sahara occidental contrôlée par le Polisario.

    D’autre part, les manœuvres de guerre marocaines visant à prendre tout le Sahara occidental ou à vaincre le Polisario une fois pour toutes pourraient provoquer l’ire de son voisin, l’Algérie, farouchement anticolonialiste, qui s’est toujours explicitement rangée du côté des Sahraouis pendant le conflit. La Mauritanie, qui partage une longue frontière avec la partie du Sahara occidental contrôlée par le Polisario, ne serait pas non plus servie par une guerre ouverte dans la région. Donc, si le Maroc ne veut pas provoquer ces pays, il ferait mieux de s’abstenir de tout projet de guerre sauvage.

    L’Algérie voisine a toujours explicitement choisi le camp des Sahraouis dans le conflit.

    En outre, Rabat traverse une crise économique et compte beaucoup sur le retour du tourisme dans la période post-coronation pour se remettre sur pied. Une guerre ne ferait qu’entraver cette activité et d’autres activités économiques dans la région. Le Maroc semble donc n’avoir aucun intérêt dans une guerre longue ou ouverte.

    Quelle que soit l’évolution de la situation à long terme, il faudra à un moment donné reprendre les négociations. Cependant, il sera difficile pour le Polisario d’accepter à nouveau un cessez-le-feu sans une garantie renouvelée et convaincante d’un référendum d’indépendance pour les Sahraouis.

    Il y a aussi la question d’un médiateur crédible. À moins que le président Biden ne revienne sur la décision de son prédécesseur – ce que rien n’indique pour l’instant – les États-Unis sont déjà éliminés, mais les Nations unies ont également perdu beaucoup de crédibilité auprès des Sahraouis au fil des ans.

    Les Nations unies ont perdu beaucoup de crédibilité auprès du peuple sahraoui au fil des ans.

    Non seulement parce que les nombreuses résolutions condamnant l’occupation du Sahara Occidental ne sont jamais suivies dans la pratique (par exemple avec des sanctions), mais aussi parce que le mandat de la MINURSO est maintenu ridiculement faible au Conseil de Sécurité de l’ONU, en particulier par la France, qui apporte systématiquement un soutien diplomatique à son ancienne colonie, le Maroc. L’Union africaine, dont la République arabe sahraouie démocratique en exil est un membre fondateur, pourrait peut-être jouer un rôle de médiateur.

    Décision

    Depuis l’effondrement du cessez-le-feu, la répression dans le Sahara occidental occupé s’est considérablement accrue. L’accord diplomatique bilatéral conclu par Trump avec le Maroc semble avoir donné à Rabat une confiance supplémentaire à cet égard.

    La présence de la police et de l’armée dans la région a été considérablement renforcée. Les manifestations pacifiques sont brutalement réprimées et les militants sahraouis sont enlevés et maltraités par les forces de sécurité marocaines.

    Les journalistes locaux sont sous surveillance constante et assignés à résidence. De toute façon, les journalistes étrangers ne sont pas autorisés à se rendre dans la région, ce qui permet de violer les droits de l’homme en toute discrétion et en toute impunité.

    Le 2 mars, plus de 100 organisations de la société civile sahraouie du territoire occupé, des camps de réfugiés en Algérie et de la diaspora ont adressé une lettre ouverte au président américain Biden. Il y est rappelé que le dossier du Sahara occidental « n’est pas un conflit ethnique ou religieux, ni une guerre civile, mais plutôt une question fondamentale de décolonisation non résolue – comme l’ont reconnu les Nations unies et ses différents organes depuis 1963. »

    Reconnaissant la capacité des États-Unis à faire pression sur le Maroc pour qu’il respecte les droits de l’homme et le droit international, il est demandé à Biden de revenir sur la décision de Trump de reconnaître la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental. Les organisations sahraouies lui demandent également d’œuvrer pour « une solution urgente, pacifique et durable à la décolonisation du Sahara occidental basée sur l’exercice » du « droit inaliénable à l’autodétermination et à l’indépendance » des Sahraouis.

    Toutefois, tant que de nombreux pays (occidentaux) estimeront que leurs intérêts économiques et sécuritaires dans la région sont mieux servis par une occupation continue, une solution juste et permanente à ce conflit de longue date sera loin d’être trouvée.

    Vrede.be, 31 mars 2021

    Etiquetas : Sahara Occidental, Maroc, ONU, Front Polisario, Union Européenne,

  • La longue ombre du colonialisme – Escalade au Sahara occidental

    Dans la première partie de cet article, notre auteur Jakob Reimann décrit le conflit au Sahara occidental occupé par le Maroc. L’auteur replace la situation actuelle dans son contexte historique pour expliquer la résurgence du conflit en novembre 2020 après 29 ans de cessez-le-feu. Ce faisant, il cite Nadjat Hamdi, le représentant du mouvement de libération socialiste Frente Polisario en Allemagne qu’il a interviewé. La partie 2 analyse ensuite le rôle de l’UE et des entreprises allemandes dans le conflit du Sahara Occidental. (Editorial)

    À la mi-novembre, le conflit entre l’armée marocaine et le mouvement de libération socialiste Front Polisario dans le Sahara occidental occupé par le Maroc a repris pour la première fois après 29 ans de cessez-le-feu. Un référendum sur l’indépendance promis par l’ONU mais qui n’a jamais eu lieu, plus de 50 ans de misère et d’absence de perspectives dans les camps de réfugiés sahraouis en Algérie, et une UE néocoloniale qui exploite illégalement les trésors du Sahara occidental en complicité avec la puissance occupante marocaine – un mélange explosif qui pourrait transformer le conflit latent en guerre ouverte.
    Le Sahara occidental est un État non reconnu du nord-ouest de l’Afrique. Avec un peu moins de 600 000 habitants, cet État désertique de la taille de la Nouvelle-Zélande est l’un des endroits les moins peuplés du monde. Le Maroc a occupé le Sahara occidental en 1975. Sur la liste de l’ONU des 17 dernières colonies du monde, le Sahara occidental est de loin la plus grande et la plus peuplée. C’est la dernière colonie d’Afrique. Le Maroc occupe toujours les deux tiers de l’ouest du pays où vivent quelque 95 % de la population – dont une grande partie sont des Marocains réinstallés, en violation des conventions de Genève, dont l’article 49 interdit à une puissance occupante de réinstaller « des parties de sa propre population civile dans le territoire qu’elle occupe ». Le mouvement de libération socialiste Front Polisario contrôle le tiers presque inhabité à l’est depuis les camps de réfugiés de Tinduf, en Algérie. Pour comprendre l’embrasement actuel du conflit du Sahara occidental, il est d’abord nécessaire de jeter un coup d’œil à l’histoire.
    Le jouet des impérialistes
    Avec le début des campagnes de conquête au 15e siècle, les conquistadors de l’empire espagnol ont jeté leur dévolu sur le Sahara occidental, situé à proximité, à partir des îles Canaries conquises, qui devaient plus tard servir de plaque tournante pour le commerce d’esclaves outre-mer. Au XVIIIe siècle, l’intérêt des Espagnols s’est ensuite déplacé principalement vers l’exploitation des riches zones de pêche au large de la côte sahraouie. À la fin du XIXe siècle, lorsque l’impérialisme européen s’est partagé l’ensemble du continent africain – à l’exception de l’Éthiopie et du Liberia – la Couronne espagnole a pu annexer deux zones au nord et au sud du Maroc ainsi que l’ensemble du Sahara occidental lors de la conférence de Berlin (« conférence du Congo ») en 1884/85. Dès le début, les colonialistes ont rencontré une résistance farouche de la part des tribus indigènes sahraouies. Une multitude de soulèvements s’ensuivent, qui sont tous réprimés dans le sang par l’Espagne, en partie en collaboration avec la France. En 1924, le Sahara occidental est devenu officiellement la colonie du Sahara espagnol, qui a été à son tour uni à la petite colonie d’Ifni, située au Maroc, pour former l’Afrique occidentale espagnole en 1946.
    Après des siècles d’occupation et d’influence européennes et partiellement ottomanes, le Maroc a été officiellement divisé en un protectorat français et un protectorat espagnol bipartite en 1912. En 1956, en raison de la tendance croissante à la décolonisation dans le monde, les deux puissances ont été contraintes de « libérer » le Maroc de son indépendance, tandis que le Sahara occidental restait sous occupation espagnole. En 1973, d’anciens étudiants pour la plupart ont fondé le Front Polisario socialiste, un mouvement populaire qui a toujours cherché à obtenir l’indépendance du Sahara occidental. À la fin de l’année 1975, le roi du Maroc Hassan II a organisé la Marche verte, à laquelle 350 000 personnes – suivies et en partie déjà infiltrées par des militaires marocains – ont pénétré pacifiquement dans les zones septentrionales du Sahara occidental et, peu après la mort du dictateur Franco, ont finalement chassé les troupes espagnoles du Sahara occidental : Le retrait du « Sahara espagnol » peut donc être considéré comme le dernier clou du cercueil de l’empire espagnol, vieux de 500 ans.
    Les Sahraouis, quant à eux, ont été chassés d’une occupation à l’autre. Après des accords antérieurs entre Madrid, Rabat et Nouakchott, les deux tiers nord du Sahara occidental ont été occupés par le Maroc et le tiers sud par la Mauritanie en vertu de l’accord de Madrid avant même le retrait des Espagnols. Soutenu par l’Algérie, le mouvement de libération sahraoui, le Front Polisario, lance une guérilla contre les deux puissances occupantes et proclame la République arabe sahraouie démocratique (RASD) en 1976. Le DARS a été officiellement reconnu par 86 pays, aujourd’hui il y a encore 36 états – parmi eux pas un seul pays du Nord Global, mais en plus de l’Algérie d’autres poids lourds africains comme l’Ethiopie, le Nigeria et l’Afrique du Sud, ainsi que des états qui ont tendance à être en aversion de l’impérialisme occidental, comme l’Iran, Cuba, le Mexique, la Corée du Nord, la Syrie et le Venezuela [1] L’Union Africaine (UA) reconnaît également le DARS à ce jour comme la seule représentation légitime du peuple du Sahara Occidental. En 1984, le DARS est devenu membre de l’UA, après quoi le Maroc a quitté l’organisation en signe de protestation et a été le seul pays du continent à ne pas être membre de l’organisation panafricaine pendant 33 ans, jusqu’à sa réintégration en 2017.
    Napalm et phosphore blanc – le vol vers l’Algérie
    En 1979, après trois ans de guerre, le gouvernement mauritanien a été contraint de se retirer du sud du Sahara occidental en raison de la résistance sahraouie et des attaques de guérilla du Polisario au cœur de la Mauritanie. Les parties libérées sont immédiatement réoccupées par le Maroc. La guerre du Polisario contre le Maroc occupant s’est prolongée jusqu’au cessez-le-feu négocié par l’ONU en 1991. Dans les années 1980, les militaires marocains ont successivement encerclé les territoires conquis au moyen d’un mur d’environ 2 700 kilomètres de long, le long duquel des postes de garde ou des bases militaires ont été installés à quelques kilomètres d’intervalle, ce qui en fait la plus longue zone minée en continu au monde. Les Sahraouis l’appellent le « Mur de la honte ». La barrière sépare les territoires occupés par le Maroc – les deux tiers de la superficie du Sahara occidental, où vivent environ 95 % des Sahraouis – des zones peu peuplées, voire non peuplées, sous le contrôle du gouvernement du DARS. Dans cette zone dite libre, 30 000 personnes seulement vivent sur un territoire grand comme le Portugal[2].
    À la suite de la guerre, les Sahraouis ont fui vers des camps de réfugiés dans l’est du Sahara occidental à partir de 1976. Lorsque l’armée de l’air marocaine a bombardé ces camps au napalm et au phosphore blanc dans le cadre d’opérations de nettoyage, la population a fui vers l’Algérie voisine. Les camps de la province de Tinduf abritent toujours les sièges du Front Polisario et du gouvernement en exil du DARS. Aujourd’hui, environ 174 000 Sahraouis vivent dans les camps algériens – la troisième génération grandit ici en tant que réfugiés dans les conditions les plus dures[3]. Dans le cadre du cessez-le-feu, la mission de l’ONU MINURSO a été mise en place il y a presque 30 ans, en avril 1991, pour organiser un référendum sur l’indépendance du Sahara occidental (plus tard également pour contrôler le cessez-le-feu et la démilitarisation du territoire). Le référendum est censé donner aux Sahraouis le choix entre l’intégration dans l’État marocain, l’autonomie ou l’indépendance, mais il n’a pas eu lieu à ce jour parce que le Maroc construit des conflits autour de sa mise en œuvre, l’empêchant ainsi en permanence.
    La combustion spontanée comme ultime protestation
    À l’extrémité sud-ouest du Sahara occidental occupé par le Maroc se trouve le village de Guerguerat, qui se trouve à cinq kilomètres de l’océan Atlantique et à onze de la Mauritanie et qui revêt une grande importance stratégique. Pour le Maroc, c’est le seul transit vers la Mauritanie : « Le Maroc veut maintenant s’orienter davantage vers l’Afrique de l’Ouest pour y vendre ses marchandises, et a donc ouvert le mur de séparation à Guerguerat et construit une route commerciale », explique Nadjat Hamdi, le représentant du Front Polisario en Allemagne, dans une interview accordée à Grassroots Revolution (GWR)[4]. Cette route, déjà planifiée depuis le début des années 2000, doit être développée pour devenir l’artère commerciale marocaine vers l’Afrique subsaharienne. En 2019, le chiffre d’affaires des marchandises passant par Guerguerat a déjà triplé par rapport à l’année précédente. Pour le Polisario, ce talon d’Achille stratégique du Maroc – le blocage de la traversée, en d’autres termes – est à son tour l’un des rares moyens de pouvoir exercer une pression sur Rabat. Le mur de séparation du Maroc délimite une bande de quelques kilomètres de large le long de la frontière mauritanienne, qui fait office de zone tampon dans laquelle toute présence militaire est interdite en vertu de l’accord de paix de 1991, tout comme en vertu de l’accord militaire n° 1 de 1997/98. Mais en août 2016, les forces de sécurité marocaines sont entrées dans la zone démilitarisée pour surveiller la construction de la route, rompant ainsi les deux accords. Le Polisario est alors intervenu pour arrêter les militaires marocains[5].
    Pour protester contre cette violation de l’accord par le Maroc, la route commerciale a été bloquée à plusieurs reprises depuis 2017 par des civils sahraouis, qui sont autorisés à accéder à la zone tampon en vertu du droit international. La police marocaine a répondu aux manifestants, parfois par la violence et les enlèvements, tandis que l’ONU a toujours laissé le Maroc libre de réprimer les Sahraouis. Du côté de l’ONU et de son envoyé spécial, l’ancien directeur du FMI et président allemand Horst Köhler, qui a occupé le poste d’août 2017 à mai 2019, aucune objection à cette violation du droit international par le Maroc n’était audible. Le 27 janvier 2019, Ahmed Salem Ould Ahmed Lemgheimadh, commerçant sahraoui de 24 ans, a bloqué la circulation des marchandises près de Guerguerat et s’est immolé par le feu pour protester contre l’arbitraire de la police et l’occupation marocaine. Trois jours plus tard, le jeune Sahraui a succombé à ses blessures[6].
    30 ans de non-violence, non concluants
    Fin septembre 2020, des dizaines de civils non armés des camps algériens ont fait le voyage de 1 500 kilomètres vers Guerguerat le long du mur de séparation miné, s’installant initialement dans la zone tampon près de Guerguerat à partir de la mi-octobre. En parallèle, les Sahraouis ont organisé des sit-in et des manifestations initiales devant la barrière, à la vue des militaires marocains et des troupes de la MINURSO. À partir de la fin octobre, une soixantaine de militants ont occupé l’importante route commerciale vers la Mauritanie pendant plus de trois semaines, avec pour résultat d’empêcher quelque 200 camions marocains, principalement chargés de nourriture, de poursuivre leur route vers le nord par la Mauritanie [7]. « Il y avait surtout des femmes et des jeunes hommes. Il n’y avait pas de militaires sahraouis là-bas. Il s’agissait de civils provenant des camps de réfugiés et des zones libérées », a déclaré à GWR Nadjat Hamdi, représentant du Polisario. Cependant, début novembre, les troupes marocaines se sont positionnées dans la zone d’accès restreint et ont fini par pénétrer dans la zone tampon le 13 novembre, à nouveau en violation du droit international et sous les yeux des unités de la MINURSO. Le blocus devait être levé et la libre circulation des marchandises rétablie.
    Les troupes marocaines ont mené « une attaque brutale contre des civils sahraouis non armés qui manifestaient pacifiquement à Guerguerat », selon une lettre du président sahraoui Brahim Ghali au secrétaire général des Nations unies António Guterres. Les troupes du Polisario sont intervenues pour mettre les militants en sécurité, affrontant les forces de sécurité marocaines ; le ministre sahraoui des Affaires étrangères, Mohamed Salem Ould Salek, a qualifié cette intervention de « légitime défense »[9]. Hamdi poursuit : « Ils n’ont pas seulement déplacé les civils, mais ont également occupé une nouvelle partie du pays et étendu le mur marocain. Et ils n’ont pu faire ça que parce qu’ils savent que l’ONU ne ferait rien. » Elli Lorz, un photojournaliste actif au Sahara occidental, a également signalé l’extension du mur et l’exploitation minière immédiate de la zone environnante, ce qui signifie que l’accès sahraoui à l’océan Atlantique est maintenant essentiellement coupé complètement[10]. Un jour plus tard, le Polisario a déclaré la guerre au Royaume du Maroc le 14 novembre, mettant fin au cessez-le-feu après 29 ans. Dans les jours qui ont suivi, le Polisario a déclaré avoir attaqué les positions marocaines à plusieurs endroits le long de la barrière de 2700 kilomètres, et avoir riposté.[11] Il n’y a aucune information officielle sur les personnes tuées ou blessées. Nadjat Hamdi a confirmé à GWR les attaques du Polisario à travers le mur de séparation, déclarant qu’il n’y avait pas de victimes du côté sahraoui lors de la récente vague de violence. Il a ajouté que les combats n’étaient pas terminés mais se poursuivaient, « ils vont s’intensifier. […] J’en suis sûr, ce n’est que le début. »
    Dans l’interview, Nadjat Hamdi décrit comment, il y a 30 ans, le Front Polisario a délibérément choisi la non-violence afin de mener à bien la lutte de libération sahraouie par des moyens pacifiques. Par exemple, le Polisario a choisi la voie du droit et a poursuivi avec succès l’UE, affirmant que son accord de libre-échange avec le Maroc ne devait pas inclure les territoires sahraouis occupés[12]. Mais qu’est-ce que Siemens, Continental ou HeidelbergCement ont à faire d’un arrêt de la Cour de justice européenne ? L’UE, et surtout les entreprises allemandes, continuent d’exploiter illégalement les matières premières du Sahara occidental, les zones de pêche, le phosphate, les minerais, les pastèques, le sable, le vent ou les tomates. « Tout le monde se comporte comme des voleurs », accuse Nadjat Hamdi. Le Polisario a dû douloureusement se rendre compte que le droit européen n’est pas en mesure d’établir la justice, mais que l’UE, en tant qu’acteur néocolonial, ne sert que les intérêts des sociétés européennes. Trente ans de lutte non-violente ont échoué. Nadjat Hamdi :
    « Attendre patiemment pendant 30 ans signifie beaucoup. C’est toute une génération qui a grandi dans des camps de réfugiés dans des conditions difficiles. Trente ans d’exploitation, trente ans de fuite, trente ans de misère. Nous avons bien sûr continué à nous battre, par d’autres moyens, politiquement, diplomatiquement, juridiquement, mais pas militairement. Mais tout cela n’a servi à rien. Et maintenant, nous utiliserons également la lutte armée comme un moyen légitime pour défendre et libérer notre pays. Nous ne glorifions pas la guerre, car nous l’avons vécue et nous savons ce qu’elle signifie. Nous ne voulons pas la guerre, et pourtant, pour la deuxième fois, on nous y force. »
    La deuxième partie de cet article analyse le rôle de l’UE et des entreprises allemandes dans le conflit du Sahara occidental.
    Cet article de notre auteur Jakob Reimann a été publié dans le numéro de février du mensuel Graswurzelrevolution.
    Die Freiheitsliebe, 29 mars 2021
    Etiquettes : Sahara Occidental, front Polisario, Maroc, ONU, MINURSO,
  • Sahara Occidental : « Le Maroc cache ses pertes militaires » (Bachir Mustapha sayed)

    LE RESPONSABLE SAHRAOUI, BACHIR MUSTAPHA SAYED : « Le Maroc cache ses pertes militaires »

    Suite à sa rencontre mercredi dernier, avec le président de la République mauritanienne, Mohamed Ould Cheïkh Al-Ghazwani, lequel a été destinataire d’une lettre de son homologue, de la république arabe Sahraouie démocratique, Brahim Ghali, le membre du secrétariat national du Front Polisario, Bachir Mustapha Sayed, a indiqué, dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux, que le président mauritanien est au courant de tout ce qui a trait à la situation et à ses développements, dans la région d’EL-Guerguerat, et de la réalité de la répression marocaine, dans les territoires sahraouis occupés. 
    Depuis le 13 novembre dernier, suite à l’agression militaire marocaine, contre des civils sahraouis, à El-Guerguerat, en violation du cessez-le-feu onusien conclu entre le Front Polisario et le Maroc, l’Armée de libération du peuple sahraoui a riposté et depuis la guerre a repris au Sahara occidental, territoire soumis à un processus de décolonisation à l’ONU, auquel s’opposent le Maroc et ses soutiens, dont la France, faisant perdurer ainsi le dernier, système colonial en Afrique. 
    Poursuivant son intervention dans la vidéo précitée, le ministre-conseiller en charge des affaires politiques à la présidence sahraouie, a affirmé que Rabat persiste à vouloir résoudre le conflit qui l’oppose au Front Polisario, par la force des armes et le fait accompli, en torpillant toute solution basée sur le droit international, lequel consacre le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination.
    Poursuivant, le membre du secrétariat national du Front Polisario est revenu sur le black-out médiatique marocain sur la guerre de libération que mène contre lui l’Armée de libération du peuple sahraoui (ALPS), depuis le 13 novembre dernier , ciblant les positions militaires du royaume chérifien, stationnées tout au long du mur de la honte séparant les territoires du Sahara occidental, affirmant que Rabat persiste « à cacher ses pertes ». Après avoir des années durant, depuis la date du cessez-le-feu sous les auspices des Nations unies, et la création de la mission de l’ONU pour l’organisation du référendum au Sahara occidental (Minurso), la partie marocaine, souligne le responsable sahraoui, « œuvre à perturber et torpiller la voie de la solution par le référendum » jusqu’ à violer, a-t-il déclaré « le cessez-le-feu, novembre dernier, à El-Guerguerat ». 
    Rapportant l’audience qui lui a été accordée par le président mauritanien, Ould Cheïkh Al-Ghazwani, l’agence de presse mauritanienne a indiqué que, le responsable sahraoui, Bachir Mustapha Sayed, « a remis la lettre du président sahraoui Brahim Ghali » au chef de l’État de la Mauritanie, message portant sur « l’évolution de la question sahraouie et des relations bilatérales » entre les deux pays voisins, la Mauritanie et le Sahara occidental.
    Karima B.
    Etiquettes : Sahara Occidental, Maroc, Front Polisario, ONU, MINURSO, 
  • Sahara Occidental : La Mauritanie aux côtés des sahraouis

    Diplomatie : Nouakchott aux côtés de la cause sahraouie

    Par Ali Oussi
    Nouveau coup dur pour les médias aux ordres du Makhzen. Ces derniers, écrivant sous la dictée des conseillers forts peu avisés du roi Mohamed VI, s’étaient en effet aventurés à prétendre que le président mauritanien Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani aurait refusé de recevoir l’envoyé spécial du chef d’Etat de la RASD (république arabe sahraouie et démocratique) Brahim Ghali.
    Or, le camouflet lié à cette campagne médiatique tendancieuse et mensongère n’a pas tardé à se faire jour par la voie, et la voix, la plus officielle qui soit. Un communiqué de la présidence mauritanienne, daté de ce mercredi a en effet administré un gifle magistrale à Rabat en évoquant cette rencontre dont le Maroc ne voulait absolument pas entendre parler.
    Mieux encore, les éléments de langage utilisés dans ce communiqué officiel transcendent de loin la sémantique diplomatique traditionnelle pour constituer une cinglante et indirecte réponse mauritanienne à la campagne médiatique et politique du Maroc. Nouakchott, en effet, qualifie de « frère » le président sahraoui ce qui vaut son pesant de sens et de puissance.
    Des sources très au fait de ce genre de dossiers particulièrement sensibles, nous révèlent en effet que le « protocole a été scrupuleusement respecté par Nouakchott dans l’annonce de cette audience, telle réservée aux personnalités de très haut rang. Il faut dire aussi que le Polisario a lui aussi honoré à sa manière son voisin du sud en lui envoyant un émissaire loin d’$être n’importe qui.
    Il ne s’agit rien moins que de Béchir Moustapha Sayed, membre du Secrétariat national du Front Polisario, ministre Conseiller chargé des Affaires politiques à la Présidence sahraouie. Ce haut responsable au sein de la direction du Polisario est également le frère de El Ouali Mustapha Sayed, dirigeant historique et fondateur de ce front.
    Finalement, le soutien clairement affiché de la Mauritanie à la cause sahraouie bat en brèche la campagne menée tambour battant par le Makhzen sur un prétendu changement d’attitude et de position de la part de Nouakchott vis-à-vis de la question sahraouie depuis l’arrivée de Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani à la tête de la présidence mauritanienne….
    La Patrie News, 26 mars 2021
    Tags : Mauritanie, Sahara Occidental, RASD, Front Polisario,
  • N'est-il pas temps pour l'Espagne de sauver la mise au Sahara Occidental ?

    Par : Deich Mohamed Saleh

    L’Espagne ne peut pas rester à l’écart des développements drastiques qui ont lieu sur les terres de son ancienne colonie adjacente du Sahara Occidental. Il est clair que le Maroc cherche à impliquer des puissances extérieures dans un jeu géopolitique pour compliquer la solution du conflit. Cependant, les obligations de l’Espagne en tant que puissance administrante du territoire lui permettent de plaider pour l’application du droit international afin d’éviter toute escalade dans la région et de sauvegarder ses intérêts.
    Une initiative opportune visant à pousser le gouvernement espagnol à se conformer à ses obligations envers la décolonisation du Sahara Occidental, a été signée par la majorité des partis politiques représentés au Sénat espagnol le 10 mars, exhortant leur gouvernement à « faciliter activement la réalisation d’une solution politique au conflit du Sahara Occidental ». Dans une motion, promue par le sénateur PNV, Luis Jesús Uribe-Etxabarria, les groupes ont souligné que la résolution du conflit du Sahara Occidental « est essentielle pour la coopération régionale entre les pays du Maghreb et la stabilité, la sécurité et la prospérité de la région. » Plusieurs porte-parole des groupes ont confirmé la « responsabilité historique » du gouvernement de l’Espagne qui continue à être la puissance administrante du Sahara Occidental alors que l’ONU le considère comme un territoire non autonome en attente de décolonisation, ce que le gouvernement de l’Espagne a rejeté à plusieurs reprises.
    Cette initiative recoupe les appels constants du front Polisario, en tant que représentant légitime du peuple sahraoui, pour que le gouvernement de l’Espagne corrige son erreur historique qui a conduit à beaucoup de souffrance pour le peuple sahraoui depuis plus de 45 ans. En 1975, l’Espagne était sur le point de transférer tous les pouvoirs dans le territoire au Polisario sur la base d’un accord entre eux. En revanche, l’Espagne a poignardé le peuple sahraoui dans le dos en s’accordant avec le Royaume du Maroc pour envahir le Sahara occidental, en violation flagrante du droit international et des résolutions des Nations unies et de l’Organisation de l’unité africaine, prédécesseur de l’Union africaine. Néanmoins, le Front Polisario continue de saluer toute initiative de la part de l’Espagne qui ferait avancer le processus de décolonisation au Sahara occidental.
    La motion « reconnaît que l’Espagne a un lien historique et affectif dans le conflit politique au Sahara Occidental », par conséquent elle « demande au gouvernement espagnol de soutenir activement et de faciliter au sein de l’ONU, de l’UE et du reste des organisations internationales une solution politique en accord avec le droit international et les résolutions de l’ONU. »
    Si les sénateurs ont appelé à la « reprise de pourparlers permanents, crédibles et constructifs sous la direction des Nations Unies », ils ont souligné la nécessité d’une « feuille de route efficace, avec des objectifs concrets et des échéances claires. » Ils sont convaincus que « seuls le dialogue, la négociation et l’accord menés de bonne foi et de manière constructive, conformément au droit international et aux résolutions de l’ONU, sont le seul moyen de parvenir à la paix, à la coexistence, à la confiance, à la sécurité et au progrès économique et social dans la région. »
    La reconnaissance par les groupes politiques du Sénat que la responsabilité de l’Espagne consiste à donner au peuple sahraoui son droit inaliénable à l’autodétermination, une question qui devrait être évidente dans le discours politique espagnol, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur. Le gouvernement espagnol insiste toujours pour ignorer cette responsabilité, en lançant vaguement la balle dans le but de l’ONU. La ministre des affaires étrangères, Arancha Gonzalez Laya, a tourné le dos à ces voix en déclarant simplement, lors d’une interrogation au Sénat espagnol, que « l’Espagne ne promouvra pas une solution concrète, mais soutiendra les efforts des Nations unies pour trouver une solution mutuellement acceptable. » Il semble que l’Espagne, comme d’habitude, parle à peine du Sahara Occidental pour que Paris et Rabat ne se mettent pas en colère !
    Le peuple sahraoui est fatigué d’attendre un référendum que les Nations Unies ne semblent pas vouloir organiser. L’ONU n’a pas encore condamné la violation par le Maroc du cessez-le-feu à Guerguerat le 13 novembre dernier, ce qui est compris comme une sorte de collusion contre les droits du peuple sahraoui. Il ne fait aucun doute que l’escalade peut coûter de nombreuses vies et aura des répercussions sur la région, mais cela vaut peut-être mieux qu’une mort lente et impitoyable en attendant le mirage d’une solution politique.
    Le Maroc n’a pas réussi à prouver ses revendications sur le Sahara Occidental, il a donc recouru au troc, espérant que cela aiderait à retarder son départ imminent. Son accord du 10 décembre avec l’administration américaine de Trump pour reconnaître sa souveraineté sur le territoire n’a aucun effet juridique, mais seulement pour surenchérir sur la position de l’Union européenne et faire chanter l’Espagne en particulier pour qu’elle prenne une mesure ignoble comme celle qu’elle a prise en 1975. L’actuelle crise diplomatique maroco-allemande s’inscrit dans le cadre d’un plan d’extorsion poursuivi par le Maroc pour imposer ses thèses. Mais l’Allemagne persiste à défendre l’application de la légalité internationale au Sahara occidental et critique la décision de Trump.
    Il existe une intention claire de la part du Maroc de restreindre l’Espagne, non seulement par le biais de vagues de migration illégale ou de bandes de trafiquants de drogue, mais aussi en changeant la nature du partenariat dans la région afin de resserrer son contrôle des deux côtés de l’Atlantique et de la Méditerranée. Ainsi, le Royaume du Maroc hypothèque le Sahara occidental à des pays tels qu’Israël et les EAU en échange de sa protection.
    Dans ce contexte, le gouvernement espagnol doit bien ouvrir les yeux et se libérer du cauchemar de la peur franco-marocaine toujours présente. Les deux voisins ont profité de la vulnérabilité de l’Espagne en 1975, lors de la mort du général Franco et de la période de transition, pour contraindre le gouvernement de l’époque à abandonner le Sahara occidental, laissant derrière lui le processus incomplet de décolonisation du territoire. Mais les choses ont changé. Aujourd’hui, l’Espagne n’a aucune excuse pour ne pas être aux côtés du peuple sahraoui dans sa lutte pour la libération des territoires occupés par le Maroc.
    L’expérience du Portugal au Timor Oriental est un véritable exemple que l’Espagne doit adapter pour sauver la situation au Sahara Occidental, étant donné que les deux problèmes sont similaires. Le peuple sahraoui a grand besoin d’un cri fort de la part du gouvernement de l’Espagne afin d’accélérer le référendum d’autodétermination pour éviter la tragédie de la guerre qui a éclaté à nouveau et qui aura sans aucun doute des répercussions très graves sur toute la région de l’Afrique du Nord et du Sahel. L’Espagne est appelée à intervenir rapidement pour protéger les civils sahraouis qui sont soumis à une répression brutale sans précédent dans les territoires occupés du Sahara Occidental, comme le cas de Sultana Sid Brahim Khaya et de sa famille. De même, le gouvernement espagnol est appelé à sauver la vie du journaliste sahraoui prisonnier, Mohamed Lamin Haddi, qui risque la mort suite à sa grève de la faim en protestation contre les mauvais traitements dans la prison marocaine de Teflet2.
    Il n’est pas nécessaire de rappeler aux peuples, aux partis politiques et au gouvernement espagnol, en vertu de leur étroite coexistence, que le peuple sahraoui est pacifique et garde ses bons voisins, car ils le savent très bien. Mais le Royaume du Maroc a toujours été la source de tous les malheurs, et il est la raison derrière l’instabilité dans la région. Dans ce cas, prendre le bâton du milieu est la position la plus dangereuse que l’on puisse prendre, comme c’est le cas pour le gouvernement espagnol.
    Il existe de nombreux facteurs qui peuvent aider l’Espagne à jouer un rôle central dans la résolution de la question du Sahara Occidental :
    1. Le large soutien international pour l’application de la légalité internationale au Sahara occidental, accompagné d’une forte critique de la décision de Trump de ses derniers jours au pouvoir.
    2. La force du droit, la Cour européenne de justice ayant renouvelé à plusieurs reprises ses arrêts conformément à la Charte et aux résolutions de l’ONU et aux avis consultatifs de la Cour internationale de justice en 1975 et du sous-secrétaire général de l’ONU aux affaires juridiques, Hans Corell, en 2002. La CJCE a conclu que le Royaume du Maroc et le Sahara Occidental sont deux territoires distincts.
    3. Que le peuple du Sahara Occidental a été capable de résister à toutes les tentatives visant à contourner ses droits légitimes. Récemment, ils ont célébré le 45ème anniversaire de la proclamation de la RASD (République arabe sahraouie démocratique) à la lumière de grands acquis, auxquels s’ajoute la réalité irréversible de l’Etat sahraoui, qui jouit d’une position prestigieuse au sein de l’Union africaine.
    Il ne fait aucun doute qu’un État indépendant de l’autre côté de l’Atlantique renforcera les intérêts de l’Espagne, car elle sera le principal bénéficiaire du Sahara occidental après le conflit. La plupart des défis auxquels l’Espagne est confrontée, en particulier ceux liés à la sécurité nationale, à la migration et à la pêche, disparaîtront avec un État indépendant sur ce territoire. Il est grand temps pour le gouvernement espagnol d’annoncer son soutien à la lutte légitime du peuple du Sahara Occidental pour l’autodétermination et l’indépendance. L’Espagne aurait alors ouvert la voie à la décolonisation complète de son ancienne colonie.
    Deich Mohamed Saleh
    Libres Opinions, 24.03.21
    Tags : Sahara Occidental, Maroc, Espagne, Front Polisario, 
  • Offensive diplomatique marocaine contre l’Allemagne

    En ouvrant une crise avec l’Allemagne, la diplomatie marocaine vise le principal pays de l’Union européenne. Un partenaire économique important, mais qui refuse de se plier à la vision de Rabat concernant le conflit du Sahara occidental.

    Khadija Mohsen Finan, Aboubakr Jamai

    Le 2 mars, Nasser Bourita, le ministre marocain des affaires étrangères a adressé un communiqué au chef du gouvernement, mentionnant que du fait de « malentendus profonds avec la République fédérale d’Allemagne, les départements ministériels, et les organismes relevant de leurs tutelles doivent suspendre tout contact, interaction ou action de coopération ». Cette position inhabituelle reflète l’ampleur des différends qui se sont accumulés au cours des années entre les deux pays, et d’abord autour de la question du Sahara occidental.

    Dans son rapport de mars 2021 [Réengager des efforts internationaux au Sahara occidental, Briefing no. 2, 11 mars 2021.]] consacré au conflit du Sahara occidental, International Crisis Group révèle que le Maroc a émis des conditions à la nomination de l’envoyé spécial du secrétaire général des Nations unies en remplacement de Horst Köhler qui avait démissionné en mai 2019. Réalisant au cours du mandat de l’ancien président allemand qu’il était difficile de « contrer Berlin », Rabat ne voulait plus d’un émissaire allemand. L’intransigeance de Berlin avait déjà fait grincer les dents des diplomates marocains. Elle allait bientôt les exaspérer un peu plus : l’Allemagne a refusé d’emboiter le pas aux États-Unis sur le dossier du Sahara après l’annonce du président américain Donald Trump, le 11 décembre 2020, de la reconnaissance de la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental.

    Quelques jours plus tard, les Allemands réaffirmaient leur détermination « à parvenir à une solution juste, durable et mutuellement acceptable sous la médiation des Nations unies », avant de demander, une semaine plus tard, une réunion d’urgence du conseil de sécurité de l’ONU pour discuter de ce dossier. Le communiqué1 du représentant allemand à l’ONU Christoph Heusgen à l’issue de cette réunion d’urgence réaffirme la centralité du processus onusien et se démarque de l’initiative américaine. Il va même plus loin en faisant endosser au Maroc l’échec du processus référendaire mis en place par l’ONU au début des années 1990, quand il affirme que « 10 000 colons ont été transférés par le Maroc dans la région qu’il occupait ». Pour Berlin, les transferts de Marocains vers le Sahara occidental pour venir grossir le corps électoral sont à l’origine de l’enlisement du processus référendaire.

    L’Allemagne rend le Maroc responsable de l’échec de l’organisation d’un référendum, mais n’en continue pas moins d’entretenir une coopération très active avec le Maroc. Elle répète à l’envi que le Maroc est son meilleur allié dans la région, et qu’il s’agit d’un pays ami avec lequel elle ne manque pas de se montrer généreuse et solidaire. Pour preuve, le 2 décembre 2020 — soit 20 jours seulement avant la publication du communiqué précité —, Berlin débloquait une enveloppe de 1,387 milliard d’euros d’appui financier dont 202,6 millions d’euros sous forme de dons, et le reste sous forme de prêts bonifiés, en soutien aux réformes du système financier marocain et en aide à la lutte contre la Covid-19.

    AMBIGUÏTÉ AMÉRICAINE ET RÉTICENCE EUROPÉENNE

    Si la tension était déjà grande entre les deux pays à la fin 2020, pourquoi les autorités marocaines ont-elles attendu plus de deux mois pour réagir ? Était-ce un effet de la lettre ouverte qu’adressaient au président Joe Biden, le 17 février 2021, 27 sénateurs américains emmenés par le républicain James Inhofe et le démocrate Patrick Leahy pour l’inciter à revenir sur la décision de Donald Trump de reconnaître la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental ? « Nous vous exhortons respectueusement à revenir sur cette décision malheureuse et à réengager les États-Unis dans l’organisation d’un référendum d’autodétermination pour le peuple du Sahara occidental. »

    La réponse ambiguë du porte-parole du département d’État Ned Price, le 22 février, à une question sur le sujet révèle une possible prise de distance avec la position de l’équipe Trump. Après avoir exprimé l’appui et la satisfaction de l’administration Biden pour la normalisation des relations entre le Maroc et Israël, Ned Price s’est empressé d’ajouter que les États-Unis « soutiennent le processus onusien pour trouver une solution juste et durable au conflit ».

    L’échange montre que si l’administration Biden n’est pas revenue sur la décision de l’administration Trump sur le Sahara occidental, elle ne le proclame pas haut et fort pour autant. Et que pour les États-Unis, l’ONU et la Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (Minurso) restent des acteurs centraux dans le processus de résolution du conflit.

    Un mois plus tôt, le Maroc mesurait déjà les limites de l’effet d’entrainement de l’initiative Trump. Ce 15 janvier 2021, Il espérait capitaliser sur celle-ci et organisait conjointement avec l’administration américaine en fin de course une conférence virtuelle de soutien au plan d’autonomie. Le succès de l’événement dépendait du nombre de pays participants, et surtout de leur importance géostratégique. Le moins qu’on puisse dire est que la montagne a accouché d’une souris, puisque la France était le seul pays occidental à y prendre part. Et la participation africaine était également en deçà des attentes. Par sa politique économique offensive et son adhésion à l’Union africaine en 2017, le Maroc espérait gagner des pays à sa cause saharienne. Or l’Afrique du Sud, le Nigeria, l’Éthiopie et même le Kenya étaient absents de cette conférence.

    Concernant l’autonomie du Sahara, la diplomatie allemande tient un discours bien plus nuancé que les autres pays européens qui entretiennent de très bonnes relations avec le Maroc. Dans un entretien du 12 janvier 2021 diffusé sur YouTube2, l’ambassadeur d’Allemagne au Maroc Götz Schmidt-Bremme explique que le confit du Sahara « n’a que trop duré », et qu’une solution juridique est nécessaire pour que Berlin puisse encourager et soutenir les entreprises allemandes à investir dans le Sahara sans s’exposer à des plaintes déposées par le Front Polisario auprès de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). Le diplomate prend soin d’expliquer que le Front Polisario doit « obtenir quelque chose » et que la solution devrait être acceptée par les deux parties.

    Si Berlin considère que le plan d’autonomie proposé par Rabat constitue une solution « réaliste et pratique », le diplomate précise toutefois qu’elle ne satisfait pas pleinement son pays. Et c’est peut-être la conclusion de l’interview qui a cristallisé le mécontentement de Rabat. L’ambassadeur y qualifie en des termes peu diplomatiques les insuffisances de la politique de régionalisation. « Il y a des voix ici au Maroc, qui disent qu’avec la régionalisation avancée nous avons le modèle pour les régions du Sud. Ça ne marche pas. »

    Cet argument met le doigt sur la principale faiblesse de la proposition d’autonomie. Le Maroc ne veut pas seulement que la communauté internationale accepte le principe d’autonomie comme unique solution au conflit. Il insiste pour que son plan d’autonomie soit accepté sans discussion. Et c’est là que le bât blesse, car même si la diplomatie marocaine parvenait à faire accepter le principe d’autonomie à la communauté internationale, il lui sera difficile d’appliquer aux Sahraouis ses institutions autoritaires. Accepteraient-ils sans sourciller la multiplication des violations des droits humains, un appareil sécuritaire qui ne rend compte qu’au roi, et une justice rendue au nom du seul souverain et qui n’est en rien indépendante du pouvoir exécutif ? Certains parlent même d’une « benalisation » du régime.

    UNE DIPLOMATIE « SÉCURITAIRE » MISE À MAL

    C’est une affaire de violation des droits humains qui a contribué à la récente crise : l’affaire Mohamed Hajib. Arrêté par les autorités marocaines, ce militant islamiste maroco-allemand a été condamné en 2010 à sept ans de prison pour terrorisme. Libéré en 2017, il est retourné en Allemagne d’où sont diffusées sur YouTube des vidéos3 dans lesquelles il dénonce des violations des droits humains au Maroc. Sa présence en Allemagne fait craindre aux autorités marocaines une seconde affaire Zakaria Moumni, du nom de cet ancien champion de kick-boxing qui, en France, avait déposé plainte pour torture contre Abdelatif Hammouchi, le directeur de la Direction générale de la sécurité du territoire (DGST). L’affaire avait conduit un juge d’instruction français à convoquer Hammouchi, provoquant une immense colère des dirigeants marocains et une crise entre Paris et Rabat. Après une année d’arrêt de la coopération judiciaire entre les deux pays, la France finira par accéder à la signature d’un accord remettant en cause la compétence universelle des tribunaux français à l’égard du Maroc.

    Les craintes du Palais sont d’autant plus fondées que le dossier Mohamed Hajib pourrait être plus épineux encore. En effet, en alléguant que ses vidéos incitaient au terrorisme, la justice marocaine a demandé à Interpol, l’organisation policière intergouvernementale, d’émettre une « notice rouge » pour l’arrestation de Mohamed Hajib. La requête a été rejetée, Interpol s’appuyant sur l’avis du comité de l’ONU contre la torture de 2012. Pour le comité onusien, qui prend en compte les rapports du personnel consulaire allemand, les plaintes pour torture déposées par Hajib lors de sa détention au Maroc étaient crédibles.

    Plus grave encore : dans ses vidéos, Mohamed Hajib promet la prison aux responsables sécuritaires marocains et évoque des poursuites contre Abdelatif Hammouchi en Allemagne. Ces paroles pouvaient passer pour de la forfanterie, jusqu’à la condamnation le 24 février 2021 d’un ancien membre des services secrets syriens par la Haute Cour régionale de Coblence en Allemagne pour complicité de crime contre l’humanité. Cette condamnation souligne la volonté des tribunaux allemands de faire jouer la compétence universelle dans les cas de crimes contre l’humanité.

    Le Maroc redoute aussi que l’affaire porte atteinte à l’image de sa diplomatie « sécuritaire ». La presse favorable au régime ne cesse de mettre en avant la perspicacité des services de renseignement, dont les informations communiquées aux pays amis ont été d’une grande utilité. C’est donc la crédibilité même du renseignement marocain qui est en jeu, dans la mesure où cette presse est instrumentalisée par Rabat pour donner un caractère politique à certaines enquêtes. Le journaliste Ignacio Cembrero avait révélé dans son ouvrage La España de Ala comment les services de renseignement marocains signalaient comme terroristes islamistes des militants de la cause sahraouie.

    En donnant consigne à l’administration marocaine de bouder l’Allemagne et ses institutions présentes au Maroc, Nasser Bourita adopte une attitude conforme à la diplomatie de Mohamed VI. Une approche qui a porté ses fruits notamment avec la France et l’Espagne. Avec l’Allemagne, il est possible que le Maroc soit tombé sur un État qui refuse de considérer ce que le régime marocain appelle un « partenariat global », qui inclut la coopération économique et sécuritaire, et naturellement la reconnaissance de la marocanité du Sahara.

    Khadija Mohsen-Finan

    Politologue, enseignante (université de Paris 1) et chercheuse associée au laboratoire Sirice (Identités, relations internationales et civilisations de l’Europe). Dernière publication (avec Pierre Vermeren) : Dissidents du Maghreb (Belin, 2018). Membre de la rédaction d’Orient XXI.

    Aboubakr Jamai

    Journaliste marocain, directeur du programme des relations internationales à l’Institut américain universitaire (IAU College) d’Aix-en-Provence. Il a fondé et dirigé les hebdomadaires marocains Le Journal Hebdomadaire et Assahifa Al Ousbouiya.

    Orient XXI, 24 mars 2021

    Tags : Maroc, Allemagne, Sahara Occidental, Front Polisario, ONU, MINURSO, Union Européenne,