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    Maroc, Front social, inflation, prix,

    Le Maroc s’enfonce dans une crise sociale aiguë. Le pari de pouvoir échapper aux effets de l’inflation et la hausse des prix tous azimuts, et dans le prolongement à la fronde sociale, a buté contre les dures réalités du vécu quotidien d’une population arrivée à bout de patience. Le Front social, un mouvement composé de formations politiques et d’organisations de gauche, a appelé à une marche nationale, dimanche 29 mai, à Casablanca.

    Dans un appel publié sur sa page Facebook, le mouvement a expliqué que cette forme de protestation intervient «contre la flambée des prix, l’oppression et la normalisation». Serait-ce un acte de naissance d’un mouvement populaire similaire au ‘Hirak’ algérien, ou le Makhzen arrivera-t-il à le réprimer, comme il a pu le faire jusque-là, en étouffant les contestations qui éclataient d’une manière cyclique ces derniers mois, particulièrement en avril dernier, mois durant lequel ce mouvement populaire marocain a organisé plusieurs sit-in dans des villes marocaines « contre la flambée des prix et la répression systématique des voix libres » ? On voit bien que le mot d’ordre de la marche n’est pas seulement social, il aspire à la démocratie. Car, ce mot d’ordre porte sur des questions sociales et sur des demandes hautement politiques, qui dérangent le Makhzen, notamment l’exigence de l’annulation de la normalisation des relations avec l’Etat sioniste et la dénonciation de la répression qui s’abat contre les Marocains à chaque fois qu’ils expriment leur colère contre les dures conditions de vie.

    Dans son post publié sur sa page Facebook, le Front a expliqué que cette marche est destinée à faire entendre la voix des manifestants appelant à «faire baisser les prix des carburants et transférer les actifs de la société La Samir à l’État marocain». Le Front a appelé aussi à «rendre les 17 milliards de dirhams volés par le lobby des carburants». L’appel évoque plusieurs autres revendications, dont l’arrêt de la spoliation immobilière, mettre fin au recrutement par contrat dans le secteur public et à garantir le droit au travail et aux indemnités au chômage. Non sans plaider pour le «respect des libertés» et appeler à «libérer tous les détenus politiques» et à «annuler les accords de normalisation avec l’Etat sioniste». C’est le climat social, tendu à l’extrême, qui imprègne l’atmosphère au Maroc. Pourtant, la presse étrangère reste, étrangement, muette face aux souffrances du peuple marocain. On s’attache plutôt à faire ressortir les titres en gras les solutions du gouvernement pour faire baisser la tension, comme l’accord signé le 30 avril entre le gouvernement et les syndicats, en y associant le patronat, qui prévoit une revalorisation du salaire minimum de 10% sur deux ans dans les secteurs de l’industrie, du commerce et des services, ainsi que les aides débloquées notamment au profit du secteur agricole (près d’un milliard d’euros) et des transporteurs routiers (200 millions d’euros).

    Hélas, rien ne marche comme on le voudrait, et ces actions se sont avérées impuissantes devant l’ampleur des dégâts qui affectent de larges pans de la société marocaine. La protesta ne faiblit pas. Même si on tente de l’ignorer, la grogne des Marocains se fait entendre, notamment grâce aux réseaux sociaux. C’est à se demander pourquoi toute cette délicatesse de la presse internationale face à la crise qui secoue le Maroc, alors qu’ailleurs le moindre bruissement de la rue est relayé à outrance ?

    par Abdelkrim Zerzouri

    Le Quotidien d’Oran, 25 mai 2022

    #Maroc #Inflation #Prix #Crise_sociale

  • Algérie: Du changement dans l’air ?

    Algérie: Du changement dans l’air ? Abdelmadjid Tebboune, prime Covid, front social, climat, prix,

    Le président Tebboune est en colère et pour cause. Beaucoup de choses ne fonctionnent pas comme il le souhaite ni au rythme qu’il veut imposer au moment où le célèbre adage «le temps c’est de l’argent» prend toute sa signification. Pour des observateurs avertis du fonctionnement du «modèle politique» algérien, des signes sont perceptibles qu’un changement est en train de se décider. L’évaluation que fait le chef de l’Etat sur le fonctionnement de certains secteurs est pour le moins négative.

    Pour l’Algérien de la rue, il est bien sûr évident que les hommes en charge de la gestion de certains départements ministériels sont en déphasage total avec la réalité du terrain. Mais aussi par rapport aux orientations du président de la République. Comme reconnu par le chef de l’Etat himself, les instructions présidentielles ne sont pas toujours appliquées sur le terrain, à l’image de la prime Covid qui a fait couler beaucoup d’encre et de salive. Un gouvernement remanié dans son armature s’impose pour le premier responsable du pays comme une urgence, pour apporter du sang neuf et insuffler un nouvel élan à la machine économique en pleine régénération et un front social en ébullition.

    L’Algérie n’a plus le temps et ne peut plus se permettre le «luxe» de placer les hommes qu’il ne faut pas à la place qu’il ne faut pas. La folie qui s’est emparée des mercuriales et l’insupportable envolée des prix semblent être l’autre motif de colère du Raïs. La faute à ne pas commettre justement est celle de ne pas laisser l’Etat et ses prérogatives régaliennes se déliter par la faute d’hommes incompétents. L’incapacité de certains membres de l’exécutif gouvernemental à suivre le tempo imposé par le président Tebboune doit être absolument corrigée et au plus tôt. Les compétences n’ont jamais manqué dans ce pays, pour peu qu’elles soient considérées et surtout exploitées à bon escient. Tebboune n’a cessé de dire et redire que la dignité et le bien-être du citoyen algérien lambda figurent en en-tête de sa feuille de route.

    par El-Houari Dilmi

    Le Quotidien d’Oran, 21/04/2022

  • Face à un front social en ébullition : Fortes pressions sur un gouvernement désarmé

    La situation n’est guère rassurante sur le front social. La colère est bien montée au cours de ces dernières semaines dans plusieurs secteurs. Une période marquée par la multiplication des mouvements de protestation qui viennent rappeler le malaise profond dans lequel se débattent les travailleurs avec la dégradation des conditions sociales et des réactions disproportionnées du côté des pouvoirs publics qui ont préféré parler de manipulation face l’ampleur prise par le mouvement.

    En l’absence d’un plan d’attaque gouvernemental efficace et d’une prise en charge effective des revendications déjà exprimées et pour lesquelles des engagements ont été pourtant pris du côté du gouvernement, notamment dans le cadre du plan d’action du gouvernement adopté après l’élection du chef de l’Etat, Abdelmadjid Tebboune, les promesses sont de retour quant à l’instauration du dialogue avec les partenaires sociaux.

    Mais la méfiance est bien là du côté des syndicalistes puisque, jusque-là, les décisions annoncées n’ont pas été totalement mises en œuvre. Celles qui l’ont été sont en deçà des attentes des travailleurs. C’est le cas, à titre illustratif, pour ce qui est de la revalorisation du Salaire national minimum garanti (SNMG), dont la hausse de 2000 DA (avec effet rétroactif à partir du 1er juin 2020) est jugée insuffisante.

    Cette hausse, la première depuis celle de 2012, contrairement à celle des prix qui se sont accrus dans certains cas de 200%, est pour bon nombre de syndicalistes insignifiante comparativement à la dévalorisation du dinar et à la chute du pouvoir d’achat. Cette mesure relève pour d’autres du bricolage tant que les questions de fond ne sont pas réglées, à l’image des statuts particuliers, de la politique salariale pour laquelle les syndicalistes se battent depuis des années sans que les solutions ne suivent. D’où d’ailleurs cet enchaînement des mouvements de grève et cette ébullition sur le front social.

    Le mécontentement des postiers, des fonctionnaires de la santé publique, des pompiers et des enseignants reflète cette tension difficile à apaiser en ces temps de crise sanitaire, de difficultés économiques et de baisse du pouvoir d’achat. Même les retraités sont mécontents étant toujours en attente de la revalorisation, certes dérisoire de leurs pensions, appliquée habituellement le 1er avril de chaque année.

    Cette fois, le gouvernement n’a pas encore tranché pour une catégorie dont la vulnérabilité s’accentue, car même les augmentations opérées dans le passé n’ont pas amélioré leurs pensions étant vite récupérées dans l’Impôt sur le revenu global (IRG). «Je touche une pension de 43 700 DA.

    Ce montant était de 42 300 DA en 2018. La hausse est minime, alors que l’IRG est passé de 4400 DA en 2018 à 5700 DA en 2020», nous confie un retraité, avant de regretter : «Ce qu’on nous donne d’une main, on nous le reprend de l’autre, et maintenant on nous fait attendre pour d’autres miettes en rappelant à chaque fois le déficit de la caisse dont nous ne sommes pas responsables.»

    Urgences

    C’est dire que le bricolage est non seulement dans la prise en charge des revendications socioprofessionnelles des travailleurs, mais aussi dans la protection des couches en situation de précarité. Pour les syndicalistes, la question urge et il y a réellement risque d’explosion avec une éventuelle propagation des protestations à la veille de l’élection législative. «Si le gouvernement ne prend pas des mesures pour renforcement du pouvoir d’achat, la situation pourrait devenir très grave», avertit Boualem Amoura, président du Syndicat autonome des travailleurs de l’éducation et de la formation (Satef), rappelant dans le même sillage qu’avec l’érosion du pouvoir d’achat, les fonctionnaires algériens sont dans la précarité, qu’ils soient pompiers, enseignants ou policiers. Nabil Ferguenis du Syndicat des travailleurs de l’éducation (STE) va plus loin et parle plutôt de pouvoir de survie au lieu de pouvoir d’achat. «Actuellement, il est plus logique de parler de pouvoir de survie au lieu de pouvoir d’achat !», nous dit-il. Pour lui, les promesses tenues jusque-là sont vaines.

    Et pour cause, soutiendra-t-il : «L’exécutif n’a pas le courage de prendre des décisions à la hauteur des événements. La preuve est là, car en 2014, un décret exécutif est promulgué sous le n° 14/266 et n’est pas exécuté à ce jour plus grave encore lorsqu’un ministre promet par écrit son application avant le 31 Mars 2020 et rien n’est fait !» «La grogne ne sera que normale et grandissante tant que les problèmes sociaux professionnels des travailleurs de différents secteurs ne sont pas réglés de manière définitive et effective, surtout de la fonction publique.»

    Pouvoir de «survie»

    Nabil Ferguenis nous donnera comme exemple les revendications des travailleurs de la Protection civile qui sont anciennes. «On peut faire aussi du copier-coller pour le les revendications du secteur de l’éducation et autres. Les doléances sont les mêmes», nous rappellera-t-il. «Nos gouvernants sont déconnectés de la réalité sociale du terrain, c’est pour cela que la grogne sociale s’élargira encore de plus en plus avec le cumul des problèmes sans prise en charge réelle», insiste notre syndicaliste. Comment est-on arrivé à ce stade ? En réponse à cette question, Mourad Ouchichi économiste nous dira : «Il est tout à fait clair que la mauvaise gestion du choc pétrolier de 2014, les conséquences de la pandémie et la chute des prix des hydrocarbures de 2019/2020 ont trempé l’économie algérienne dans une récession forte et durable.

    Tous les indicateurs montrent la gravité de la situation économique. Ceci se répercute inéluctablement sur la situation sociale de la population : celle-ci se manifeste à travers l’érosion du pouvoir d’achat, la baisse de l’emploi et le basculement généralisé vers l’économie informelle. Une situation qui touche particulièrement des détenteurs aux revenus fixes», nous expliquera M. Ouchichi. Pour ce dernier : «Conséquemment à cette situation, le front social va connaître une ébullition qui se manifestera par la montée des revendications socioprofessionnelles.»

    A terme, notre interlocuteur prévoit même une certaine jonction entre ces revendications et les aspirations du mouvement politique contestataire (hirak). «Cette jonction est fort probable, car le pays ne dispose plus de moyens financiers qui permettrons aux dirigeants de ‘calmer’ le front social par des augmentations aussi minimes soient- elles de salaires ou autres prestations sociales», avertit Mourad Ouchichi. Comment opérer face à une telle situation ? «Des révisons déchirantes s’imposent, mais encore faut-il rappeler qu’elles ne peuvent avoir lieu avec efficacité sans la soustraction du champ économique des manipulations politiques», nous explique notre économiste.

    Comme mode opératoire, il propose de couper avec les anciennes pratiques, c’est-à-dire l’interférence du politique dans l’économique. Ouchichi parle en effet de la remise en cause «radicale et structurelle de la nature de l’articulation entre le politique et l’économique en œuvre jusque-là». Dans ce cadre, il propose la mise en place de mécanismes permettant la libération des dynamiques d’accumulation productive dans le cadre d’un marché libre, concurrentiel et rigoureusement régulé par des institutions représentatives et neutres. Mais, faudrait-i assurer certaines conditions.

    Il y a lieu toujours, selon cet enseignant universitaire, de redonner à la Banque centrale son indépendance, aux variables de régulation (prix, taux de change, salaires…) leur autorité et aux institutions politiques leur légitimité électorale. «En d’autres termes, se constituer politiquement en Etat de droit, économiquement en marché et sociologiquement en société civile autonome», résumera-t-il en conclusion.

    Samira Imadalou

    El Watan, 17 mai 2021

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