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  • Sécurité au Sahel et fin de l’opération Barkhane

    Sécurité au Sahel et fin de l’opération Barkhane

    France, Barkhane, Mali, Sahel, Burkina Faso, Tchad, Mauritanie, Niger, G5 Sahel, MINUSMA,

    Le conflit armé qui dure depuis une décennie au Sahel est à un tournant. Le retrait de la France du Mali et la redéfinition de sa stratégie dans la région se sont accompagnés d’une aggravation de la violence et de l’insécurité, d’un retour des autocraties militaires et de tentatives de la Russie de jouer un rôle plus important dans la sécurité régionale.

    Benjamin Pétrini*

    Début 2022, la France a commencé à retirer ses forces du Mali et à reconfigurer l’opération Barkhane , sa mission de contre-insurrection qui est en cours dans plusieurs pays sahéliens depuis 2014. La dernière unité militaire française a quitté le Mali le 15 août . Les soldats restés au Sahel ne joueront plus un rôle de combat direct dans les conflits armés régionaux et soutiendront et formeront à la place les forces locales. La Russie, quant à elle, est devenue un nouvel acteur de la sécurité dans la région. Ce sont les changements géopolitiques les plus importants qui se sont produits au Sahel depuis 2012, lorsqu’un soulèvement sécessionniste de groupes armés touaregs et islamistes non étatiques dans le nord du Mali a failli renverser le gouvernement et s’étendre au Burkina Faso voisin et à l’ouest du Niger.

    L’échec de la France au Mali est encore un autre cas, comme l’intervention de près de deux décennies des États-Unis en Afghanistan, au cours de laquelle une puissance occidentale est intervenue dans un conflit armé à l’étranger et s’est avérée incapable d’atteindre ses objectifs en matière de stabilité et de sécurité. En janvier 2020, la France a porté le nombre de soldats engagés à Barkhane – principalement des forces d’opérations spéciales – d’environ 4 000 à 5 100. Mais il a commencé à se retirer après qu’une junte militaire malienne a consolidé le contrôle du gouvernement en mai 2021. L’incapacité de la France à définir des objectifs réalisables pour l’opération Barkhaneau-delà de mener des frappes contre des chefs djihadistes et de fournir aux forces maliennes un soutien général à la lutte contre le terrorisme et un renforcement des capacités, la mission aurait pu se poursuivre sans but dans un avenir prévisible. Mais les dirigeants de la junte malienne s’étaient aigris de la mission française parce que, selon eux, elle ne fournissait pas un soutien adéquat aux forces armées maliennes, qui subissaient la plupart des pertes dans la lutte contre les groupes extrémistes salafistes, et à cause des pertes civiles connexes.

    Le fossé entre Paris et Bamako s’est creusé peu après la prise de pouvoir de la junte et l’établissement de liens sécuritaires avec la Russie. Le fossé est devenu permanent lorsque le Groupe Wagner – une société militaire privée liée au Kremlin – a déployé des forces mercenaires dans le pays fin 2021. Ce développement a incité plusieurs pays de l’Union européenne à se retirer de la Task Force Takuba dirigée par la France, une unité multinationale de forces spéciales créée en 2020 pour contribuer à la mission de Barkhane. La task force a été dissoute peu de temps après.

    La France, en tant qu’ancienne puissance coloniale dans la majeure partie de l’Afrique de l’Ouest, y est restée l’acteur extérieur dominant. Lorsqu’il a envoyé des forces au Mali en janvier 2013 dans le cadre de ce qui s’appelait alors l’ opération Serval, ils ont d’abord réussi à repousser l’insurrection djihadiste. La mission a été renforcée en 2014 dans le but d’aider les forces armées locales à prévenir la résurgence de groupes armés non étatiques et à mener des opérations antiterroristes dans d’autres pays, dont le Burkina Faso, le Tchad, la Mauritanie et le Niger. L’objectif s’est toutefois révélé trop ambitieux, notamment au regard de la petite taille de la force engagée par la France : près de 6 000 à son apogée en 2021.

    La mission de maintien de la paix des Nations unies MINUSMA au Mali depuis 2013 et, plus récemment, la Task Force Takuba, avec une taille de force maximale d’environ 600, a peu contribué à l’objectif de la France de formation militaire et de renforcement des capacités au Mali. Par ailleurs, le retrait unilatéral du Malien mai 2022 de la coalition de sécurité régionale du G5 Sahel, qui avait permis aux forces du Burkina Faso, du Tchad, du Mali, de la Mauritanie et du Niger de mener des opérations frontalières conjointes et de partager des renseignements, a plongé l’effort dans le désarroi.

    La détérioration des conditions de sécurité dans les pays du Sahel – et leur vulnérabilité générale aux groupes armés non étatiques – est le résultat d’une faiblesse étatique de longue date. Et, à l’inverse, les activités de ces groupes armés ont rendu plus difficile pour les États le renforcement de leurs capacités administratives et militaires. Un recul démocratique s’est produit en conséquence. Depuis 2020, des coups d’État ont eu lieu au Burkina Faso et au Mali et les deux pays ont été sanctionnés par l’organe régional de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest ; Le Tchad et la Guinée ont été gouvernés par des gouvernements militaires ; et la Guinée Bissau et le Niger ont subi des tentatives de coup d’État. Depuis 2010, les pays occidentaux ont dépensé des milliards de dollars américains pour l’assistance des forces de sécurité dans la région, mais cela a souvent été inefficace ou parfois contre-productif en raison d’une aide non coordonnée et d’objectifs irréalistes. Le manque de capacité militaire locale et la tendance de l’aide à être consommée par la corruption et la mauvaise gestion ont aggravé la situation.

    La France est désormais dans une position délicate et le Sahel est à la croisée des chemins. L’invasion russe de l’Ukraine en février 2022 s’est produite alors que Moscou commençait à jouer un rôle plus actif au Sahel en envoyant des mercenaires combattre au Mali. Il l’avait déjà fait en République centrafricaine, en Libye, au Soudan et ailleurs à la recherche d’une influence diplomatique et d’opportunités économiques, y compris des concessions minières. La France a revu à la baisse ses ambitions dans la région et a rompu ses liens avec le Mali tout en participant à l’effort occidental pour contenir l’agression russe via des sanctions et des transferts d’armes vers l’Ukraine. Par conséquent, si la Russie augmente son implication au Mali et dans d’autres pays sahéliens, elle pourrait obliger Paris à redéfinir à nouveau ses objectifs politiques et sécuritaires dans la région. Les pays du Sahel, pour leur part, peu capables d’établir la sécurité à l’intérieur de leurs frontières. De plus, le niveau de soutien extérieur qu’ils recevront sera imprévisible, compte tenu de la relation conflictuelle entre la France et l’Union européenne d’une part et la Russie d’autre part. Ainsi, l’objectif de parvenir à plus de paix et de sécurité dans les pays du Sahel semble plus irréalisable qu’à aucun moment de la dernière décennie.

    * Chargé de recherche sur les conflits, la sécurité et le développement

    ISS, 05/09/2022

    #Sahel #France #Mali #Barkhane

  • Nouvelle reconfiguration régionale: L’Algérie en pole position

    Nouvelle reconfiguration régionale: L’Algérie en pole position

    Algérie, Maghreb, Sahel, G5 Sahel, Serval, Barkhane, MINUSMA, Mali,

    Le «décès» du G5 Sahel a été acté, il y a quelquessemaines, parla décision du Mali de se retirer du groupe. Une démarche qui, pour bon nombre d’observateurs et autresspécialistes des questionssécuritaires, est amplement justifiée. Ces derniers soutiennent, en effet, que les critiques faites autour de ce dispositif sont fondées. Bamako a expliqué sa décision de retrait : «L’instrumentalisation d’une institution comme le G5 Sahel dont le mandat est de mutualiser les moyens pour garantir des conditions de développement et de sécurité dans l’espace des pays membres est fondamentalement contraire aux intérêts de nos pays et de nos peuples qui font face à d’importants défis dans le domaine de la lutte contre le terrorisme», ont souligné les autorités maliennes de transition. Pour autant, pour les spécialistes, toutes les opérations militaires et les forces multinationales expérimentées ou présentes au Sahel, de Serval à Barkhane, en passant par la force mixte et la MINUSMA jusqu’à Takuba ne sont pas parvenues à résoudre la crise sécuritaire qui menace aujourd’hui l’existence même du continent.

    Et force est de rappeler aussi qu’au cours des dix dernières années, les pays du Sahel ont tenté de coordonner leurs efforts pour faire face à la détérioration de la situation sécuritaire marquée par une forte propagation des groupes terroristes sans pour autant parvenir à rétablir la stabilité à leurs frontières ou dans la région.

    Cet échec est expliqué par le professeur des universités et spécialistes des questions géopolitiques et internationales, Makhlouf Sahel, qui estime que «l’initiative G5 Sahel avait comme objectif le redéploiement de la présence française dans la région pour contrer d’un point de vue stratégique la venue d’un certain nombre de puissances qui commençaient à s’intéresser de très près à cet espace géopolitique qu’est le Sahel, soit pour des considérations géostratégiques pour certains ou géoéconomiques pour d’autres».

    Et d’ajouter que «l’autre objectif inavoué, mais clairement identifiable pour tout observateur averti, était le torpillage de l’expérience des pays du champ qui commençait à être perçue comme une dynamique d’émancipation et de coordination de la région sur le plan sécuritaire, ce qui contredisait totalement les desseins hégémoniques de la France». Et de poursuivre en indiquant que «l’échec du G5 Sahel était prévisible dès le départ, car il y avait un décalage structurel au sein de ce groupe». Mais pas que puisque, il avance une autre raison. Elle consiste selon lui en «le manque de conviction dans la mise en place de l’initiative en elle-même, car non seulement elle n’émanait pas des réalités profondes de la région mais elle semblait aussi être le pendant politique et économique sahélien de l’opération militaire française Barkhane, ce qui arrangeait les objectifs de la France, mais pas ceux des pays membres du G5».

    C’est pourquoi, estimera le spécialiste, «il serait plus judicieux pour les pays de la région du Sahel à adopter une approche qui mène sur la voie structurée de la paix et de la sécurité dans la région du Sahel de manière identique et complémentaire à l’architecture africaine de paix et de sécurité qui est sous la tutelle de l’Union africaine». Dans cette nouvelle configuration qui se dessine pour la sous-région, l’Algérie est appelée à jouer un rôle crucial. Pour le professeur Barkouk, sa position lui permet d’être «la locomotive pour la constitution d’un système de sécurité régional soucieux du respect de la souveraineté des autres pays et refusant toute ingérence étrangère».

    Elle est aussi, selon lui, «capable de créer une dynamique de coopération sécuritaire sur le long terme qui pourrait associer les quatre pays du Centre, à savoir l’Algérie, le Mali, la Mauritanie et le Niger avant d’être élargis à d’autres pays, notamment le Burkina Faso, le Tchad et le Nigeria». Un rôle qui est écrit pour elle et que nul autre pays ne saurait jouer ou assumer. Et pour cause, le professeur Sahel tient à rappeler que «l’Algérie est pionnière et leader en matière de construction et d’engineering sécuritaire tant au niveau continental (en Afrique) que régional (au Sahel)».

    Et de souligner que «les efforts de notre pays pour édifier une assise sécuritaire collective sous-régionale, en complément à ces efforts dans le cadre de la mise en place de l’architecture de paix et de sécurité en Afrique (APSA), ont été des efforts considérables et foncièrement importants pas seulement pour l’Algérie mais pour toute la région du Sahel et au-delà pour le continent». Il poursuivra en indiquant que «l’importance et l’efficience de toutes ces initiatives résident particulièrement dans la consécration des préalables de souveraineté des Etats africains à mettre en orbite le principe d’africanisation des solutions et des mécanismes dédiés à la prévention des conflits, la gestion des crises et aussi à la lutte antiterroriste». Et si l’Algérie risque une nouvelle fois de porter l’Afrique en matière de sécurité, c’est aussi parce que son expertise en la matière est reconnue et recherchée.

    Le professeur Sahel indiquera que «forte de son expérience amère du fléau terroriste et de sa victoire seule dans sa lutte contre le terrorisme, l’Algérie a de tout temps eu comme conviction que pour faire face aux menaces sécuritaires actuelles, la coordination et la coopération sont des variables indispensables». Elle s’est également efforcée de «contribuer efficacement et en permanence à la construction de perceptions communes, que ce soit au niveau continental ou régional et même à l’international, sachant qu’elle est membre fondateur du Forum mondial antiterroriste».

    En outre, il ne faut pas oublier que le Traité sur la prévention du terrorisme a été conclu en Algérie en 1999, où il évoquait déjà dans son préambule et bien avant les événements du 11 septembre 2001, que le phénomène du terrorisme constitue une menace à la sécurité mondiale et affecte la cohésion de la communauté internationale ; il représente également un grave danger pour les droits de l’homme.

    Dans le prolongement de cet accord, le Plan d’action d’Alger a été approuvé en 2002, ce qui a abouti à la création du Centre africain d’études et de recherches sur le terrorisme le 13 octobre 2004. Il sera aussi indiqué que c’est «l’Algérie qui a contribué de façon significative au développement d’un certain nombre de règles internationales, à l’image de la résolution 19-04 de l’ONU interdisant le payement des rançons». Pour notre interlocuteur «Toutes ces données permettent de dire que l’Algérie a été le précurseur de cette logique de coordination et de coopération en matière de lutte antiterroriste, particulièrement en Afrique et dans la région du Sahel, ce qui lui permet de se mettre en pole position de leader pour la reconsolidation d’une architecture régionale de paix et de sécurité».

    Nadia Kerraz

    El Moudjahid, 12/07/2022

    #Algérie #Sahel #Maghreb #Mali #France #G5_Sahel #Serval #Barkhane


  • L’Occident pour le retour de la machine de guerre au Nord-Mali

    L’Occident pour le retour de la machine de guerre au Nord-Mali

    Mali, Sahel, Barkhane, France, Takuba, G5-Sahel, Wagner, Russie, Algérie,

    Depuis l’éviction de Barkhane du Mali, la machine de guerre occidentale mise sur rails dans le Sahel se détraque pièce par pièce. Fin de Barkhane, fin de Tabuka et fin du G5-Sahel. A l’inverse, le Mali gagne des points, même si la machine de guerre de propagande occidentale fait des dégâts sur le plan médiatique.

    C’est la France qui mène la locomotive médiatique contre les Russes au Mali, point de fixation de l’Elysée. La société Wagner est diabolisée à l’outrance, jusqu’à la faire passer pour un autre groupe terroriste, non affilié à l’Etat islamique mais située dans la proche périphérie. De toute évidence, les pays de l’Europe, solidaires, suivent la politique africaine de la France, quoi qu’il leur en coûte. Cependant, « face à Moscou qui déploie ses mercenaires sur le terrain et qui mène une campagne de propagande efficace sur les réseaux sociaux, la France semble pour le moment enregistré des revers dans la bataille de l’opinion », s’afflige « Le Monde » dans son édition d’hier.

    L’image de ces jeunes maliens se prenant en photo devant une affiche du président russe Vladimir Poutine, lors de la manifestation portée par le mouvement Yerewolo contre la présence militaire française au Mali, place de la Tour de l’Afrique, à Bamako, le 4 février 2022, a fait le tour des salles de rédaction des quotidiens français et semble avoir fait mal. De même que les drapeaux russes brandis pendant que ceux de la France flambent dans les manifestations de l’opposition au Tchad.

    L’Algérie est directement intéressée par ce qui se passe à ses portes sud : les accords d’Alger, leur application, après la dernière réunion du groupe international menée par l’Algérie, l’agitation saharo-sahélienne contre la présence française, etc.

    En réalité, la France perd pied au Sahel ; cela leur fait mal et le ressenti se répercute sur tous les articles de la presse occidentale spécialisée. Comme pour la guerre Russie-Ukraine, vous ne lirez sur la presse internationale mainstream que ce qui va dans le sens souhaité par ces capitales occidentales.

    A décrypter avec le maximum de précautions…

    L’Express, 30 mai 2022

    Lire aussi : Mali: L’UE mise sur le rôle central de l’Algérie

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    #Algérie #Mali #Sahel #G5Sahel #Barkhane #Takuba #France #Occident

  • France, Macron, Barkhane : quand l’opinion publique s’impose

    France, Macron, Barkhane : quand l’opinion publique s’impose

    France, Macron, Barkhane : quand l’opinion publique s’impose – Serval, Takuba, Mali, Mauritanie, Tchad, Niger, Burkina Faso, Russie, Wagner, Sahel, G5 Sahel, MINUSMA,

    L’impossible mission de la France au Sahel. Le retrait de février dernier est le fruit d’un mécontentement entre les populations françaises et sahéliennes, devenu décisif en vue des élections présidentielles

    Par Naomi Moreno-Cosgrove/ Institut Royal Elcano

    Le 17 février 2022 , le président français Emmanuel Macron a annoncé le retrait des troupes françaises et européennes du Mali . Une telle déclaration, qui faisait suite à une rupture rapide des relations avec la junte au pouvoir au Mali – qui a pris le pouvoir après un coup d’État en mai 2021 – a mis un terme brutal aux neuf années d’engagement militaire de la France dans le pays.
    Le communiqué de l’Elysée est intervenu à un moment où les réactions sociales avaient alimenté le scepticisme entourant l’opération Barkhane . Dans le contexte des élections françaises alors imminentes, cette manœuvre semblait suggérer que l’engagement français au Sahel avait pris soin d’éviter d’être surnommé «l’Afghanistan français».

    Le Mali était le point focal de la contre-insurrection française au Sahel , une ceinture de 4 millions de kilomètres carrés qui s’étend sur la frontière savane-désert de l’Afrique. L’opération a vu le jour en 2013 avec l’ Opération Serval . Il a donné suite à la demande du Mali d’évincer les djihadistes qui avaient profité des griefs des minorités existantes, utilisant la rébellion touareg comme cheval de Troie pour conquérir les territoires du nord du Mali.
    Comme ce fut le cas au début de la guerre en Afghanistan, Serval s’est avéré être un succès tactique. En 2014 , l’ Opération Serval a été étendu à toute la région , y compris la Mauritanie , le Niger , le Burkina Faso et le Tchad , dans ce qui est devenu connu sous le nom d’ opération Barkhane . Ce dernier ne devait durer que quelques semaines mais ne s’est pas déroulé comme prévu. Plutôt que d’apaiser la situation, le déroulement de Barkhane s’est heurté à une augmentation des pertes , à une escalade de l’insurrection et à une baisse des soutiens sur le terrain et à l’intérieur .

    Ces dernières années , l’implication du contre-terrorisme français au Sahel a vu une escalade de l’opposition locale , avec des protestations incitées par les médias sociaux et une colère généralisée contre l’insécurité. D’une part, le désenchantement local s’est produit car, contrairement à ce qui était attendu, les Sahéliens ont longtemps été témoins de l’échec de la France à éviter les pertes de l’armée locale . De plus, bien que Barkhane ait été promu comme « agissant pour le bénéfice maximum des populations locales », l’armée française n’a pas réussi à empêcher l’augmentation des pertes civiles et le déplacement généralisé de la population .

    Les succès tactiques de Barkhane – impliquant la neutralisation de djihadistes de haut niveau tels qu’Adnan Abu Walid al-Sahraoui, chef de l’État islamique au Grand Sahara (ISGS), et Abdelmalek Droukel, chef d’Al-Qaïda au Maghreb islamique ( AQMI ) – ils ne se sont pas traduits par un succès pour la stratégie globale de la mission et ont été dépassés par l’incapacité de la France à réduire les événements violents dans la région. L’élargissement de leur champ d’action aux contentieux locaux a permis aux groupes djihadistes – notamment l’ISGS et le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (JNIM), la branche d’al-Qaïda dans la région – de se consolider son influence, se mobiliser et obtenir des ressources pour renforcer son action. En outre, la crise des déplacements et la crise humanitaire – avec 1,4 million de personnes déplacées à l’intérieur du pays (PDI) en 2019 – ont montré que la situation est loin de s’améliorer. Depuis 2015, plus de 23 500 civils ont été tués au Mali , au Niger et au Burkina Faso , dont la moitié au cours des trois dernières années.

    Ajouté aux perceptions mutuelles dissonantes qui ont caractérisé les relations franco-maliennes , en partie aggravées par le virage pro-russe du Mali, le sentiment populaire anti-français croissant a contribué à alimenter le soutien aux coups d’État d’août 2020 et de mai 2021 .

    e point de basculement est survenu en mars 2021 , lorsque les enquêteurs de l’ONU ont révélé qu’une frappe aérienne française avait frappé un mariage dans le centre du Mali au début de l’année et avait tué 19 civils.

    Dans la région au sens large, l’irritation à propos de Barkhane a culminé en novembre 2021lorsque des manifestants dans le nord du Burkina Faso et l’ouest du Niger ont bloqué un important convoi de fournitures militaires françaises. Dans la ville nigériane de Tera, des soldats français ont tiré sur des manifestants pour libérer le convoi, tuant trois personnes et faisant 18 blessés. De plus, à la suite du coup d’État militaire de janvier 2022 , à Ouagadougou, les images des milliers de Burkinabés descendant dans la rue , avec beaucoup dans la foule agitant des drapeaux russes et tenant des banderoles anti-françaises , ne sont plus une surprise.

    Cette désillusion s’est conjuguée à la perception partagée qu’un « embouteillage sécuritaire » a transformé le Sahel en une arène pour les acteurs internationaux de la sécurité aux mandats d’intervention contradictoires . Ainsi, au lieu de s’améliorer, la situation s’est aggravée.

    La myriade d’interventions – du G5 Sahel et de la MINUSMA aux missions de formation de l’UE et la dernière initiative, la Task Force Takuba – ont encore contribué à la rhétorique jihadiste anti-néocoloniale en exploitant les plaintes des populations. Bien que les acteurs de la sécurité continuent de ne pas parvenir à stabiliser la région, l’intervention internationale et, en particulier, française continue d’être vue à travers les yeux méfiants d’une population fatiguée.

    L’annonce de février est également intervenue au moment où Emmanuel Macron se préparait pour le premier tour de l’élection présidentielle du 10 avril. Comme lors de la campagne de 2017 , lorsqu’elle a émis l’idée que les opérations extérieures françaises devaient être réduites en ampleur et se traduire par des efforts internationaux accrus, l’opinion publique française semble jouer un rôle dans la transformation de Barkhane .

    Les opérations militaires françaises à l’étranger continuent d’être perçues aux yeux du public comme un prétexte pour couvrir des intérêts indéfinis – comme la sécurité de l’uranium d’Areva au Niger – en collaborant avec des régimes autoritaires .

    De plus, dans un contexte où des questions plus urgentes semblent occuper l’arène géopolitique, la congruence entre les moyens et les capacités de Barkhane n’a pas réussi à répondre aux paramètres de la mission. L’opération a déployé jusqu’à 5 100 soldats, 780 véhicules militaires et environ 40 avions de combat, pour un coût d’environ 1,2 milliard de dollars par an. Ainsi, en janvier 2021 , pour la première fois depuis le début de la mission en 2013, un sondage Ifop montrait que la majorité – 51 % – de la population française n’était pas favorable à l’intervention française au Mali., avec environ 19 % se déclarant « fortement opposés ». Cela contraste avec les 73% en 2013 et 58% en 2019 qui soutenaient la présence militaire française au Mali.

    Moins d’un mois avant de se présenter aux élections, Macron a rejeté la responsabilité sur la junte malienne : « nous ne pouvons pas rester engagés militairement avec des autorités de facto dont nous ne partageons pas la stratégie et les objectifs cachés ». Dans l’ ensemble, l’électorat français et les contributions négatives des populations locales semblent avoir joué un rôle central dans le façonnement du déroulement de l’opération Barkhane et de l’avenir des missions antiterroristes françaises dans la région .

    Bien qu’ayant capté l’essentiel de l’attention, les coups d’État au Mali et la montée au pouvoir conséquente des russophiles prêts à négocier avec les djihadistes, responsables de la mort de 54 soldats français depuis 2013 et dont le but est la raison d’être de Barkhane, ce n’était pas la cause, mais il a souligné que la journée de la France au Mali est sur le point de se terminer. Alors que Wagner – une société paramilitaire publique-privée gérée au sein du cercle oligarchique de Vladimir Poutine – s’apprête à exploiter le vide laissé par les Français et la Task Force Takuba au Sahel, l’annonce de Macron en février indique une dynamique que les décisions gouvernementales en France concernant une région traditionnellement sous son emprise, ils ont été conditionnés par des schémas de mécontentement parmi les populations françaises et sahéliennes .

    L’Indro, 22/04/2022

    #Mali #Sahel #Tchad #BurkinaFaso #Barkhane #Niger #France #Takuba #Terrorisme #Russie #Wagner