Étiquette : gaz

  • Les États Unis, Européens par effraction

    Etats-Unis, Union Européenne, UE, Russie, Ukraine, gaz,

    par Djamel Labidi


    Les États-Unis ne sont pas un pays européen. Mais la Russie, elle, oui. Pourquoi les États-Unis sont-ils donc dans l’alliance atlantique qui concerne les pays européens, et la Russie non ?

    Question naïve direz-vous. Non, question plutôt simple, fondamentale qui peut tout expliquer si on enlève le fatras idéologique utilisé pour justifier cette hostilité éternelle envers la Russie.

    Tout d’abord, on peut noter que les intérêts économiques des pays européens et de la Russie sont complémentaires. La crise actuelle n’a fait que le montrer à contrario, par ses conséquences des deux côtés. Ceci est évident dans tous les domaines: énergie, technologie, matières premières, agroalimentaire etc.. Par exemple le gazoduc «Nord Stream 2» promettait d’être un puissant instrument de développement économique autant pour les Russes que pour les Allemands et les Européens. Ce sont des intérêts économiques communs qui sont partout le meilleur gage de rapprochement entre les peuples et donc de paix. C’est d’ailleurs, sur la base d’échanges économiques de plus en plus intenses, que s’était opéré le rapprochement de la Russie avec les pays européens après la guerre froide.

    Cela aurait pu continuer de fonctionner mais les États Unis, pays extra européen, ont perçu cela comme une menace, celle de la perte de leur hégémonie sur l’Europe. Ils ont donc baptisé ces échanges économiques, «dépendance envers la Russie». Or, il s’agit d’interdépendance, la Russie ayant autant besoin de ces relations économiques que les Européens. Preuve en est, les sanctions économiques se fixaient précisément comme but de priver la Russie de ces relations économiques, financières et commerciales. Pourquoi ne parle-t-on pas de dépendance lorsqu’il s’agit des mêmes relations avec les États Unis ou un tout autre pays.

    L’argument imparable

    La question des intérêts économiques communs était tellement évidente qu’il fallait la faire oublier, l’obscurcir. Effrayés de perdre la main sur les pays européens, les Américains n’avaient pas d’argument économique valable pour justifier l’acharnement contre la Russie. Là est alors intervenu l’argument «imparable», l’argument idéologique.: la «défense des valeurs occidentales», la «lutte pour la Liberté», la «lutte entre la démocratie et les régimes autoritaires». Tout l’énorme travail de propagande n’a d’autre fonction que celle-là, ne voir le conflit ukrainien que sous cet aspect, étouffer tout esprit critique, ramener chaque fois la question à celle-là. Si quelqu’un met en doute la nécessité de cette guerre, et donc l’utilité des sacrifices consentis par les peuples occidentaux pour cette guerre, on le fait de suite taire: «la liberté n’a pas de prix», «que peut représenter notre confort matériel pour la cause de la liberté, pour laquelle les Ukrainiens paient eux le prix du sang»! etc. etc.

    L’argument est imparable parce que, comme le fanatisme religieux; il se suffit à lui-même, il ne nécessite pas de justification. Il est sa propre justification. Il sert à tout justifier et à n’avoir rien à justifier.

    Cet argument de «lutte pour la démocratie» intervient paradoxalement au moment même où la démocratie occidentale est en crise. L’Occident vivait, avant la crise du COVID, une profonde crise de la démocratie parlementaire traditionnelle. Un peu partout les peuples critiquaient les limites de la démocratie occidentale, ses faux-semblants, ses aspects trompeurs, et réclamaient une démocratie réelle, directe. En France le mouvement des «Gilets jaunes» en avait été l’expression la plus forte.

    Ceux qui veulent lire dans la guerre en Ukraine, une guerre des Ukrainiens pour la défense de la démocratie, oublient trop vite qu’en Ukraine même il y avait eu un rejet massif des formes dominantes traditionnelles de la démocratie et que l’élection même de Zelensky , un acteur comique, avait pris les allures d’une plaisanterie chez une bonne partie du peuple ukrainien qui rejetait le système et était prêt à voter pour n’importe qui. On veut l’oublier maintenant en construisant autour du personnage toute une légende, à coups de propagande complaisante.

    C’est comme si la guerre en Ukraine, permettait de faire oublier, de rejeter en arrière-plan, l’immense mouvement démocratique qui s’exprimait ces dernières années en Europe. Ce fut une retombée inattendue mais vite exploitée par le système.

    Le secret de la solidarité occidentale

    On l’aura remarqué, le slogan de «défense des valeurs occidentales» est couplé, chez les dirigeants ukrainiens et leurs représentants dans les médias par un discours sur la défense, disent-ils, du «monde civilisé». Nulle part, dans les pays occidentaux, on n’ose employer un tel langage, digne de l’époque coloniale. Mais le faisant, les dirigeants ukrainiens, et les courants idéologiques qui les inspirent, dévoilent ainsi carrément leur vision du monde et leur véritable programme idéologique dans cette guerre en Ukraine. Un monde divisé en civilisés et barbares, une vision hégémonique sur le monde et sa défense à tout prix contre le reste du monde non occidental. . Finalement lorsque les Russes parlent d’une vision néonazie, et que nous trouvons qu’ils exagèrent, on devrait peut être accorder plus d’attention à leurs dires.

    Tentons une explication au sujet de ce concept d’»Occident» et ses dérivés «valeurs occidentales», «démocratie occidentale» etc.. Cette dénomination a tellement été utilisée qu’elle en est devenu naturelle. Mais ne serait-elle pas finalement artificielle?

    Après la deuxième guerre mondiale, et avec la guerre froide, les États Unis ont détourné le terme d’ «Occident» des différentes significations qu’il a eu dans l’Histoire pour l’utiliser désormais à couvrir une nouvelle entité géopolitique les rassemblant avec l’Europe.

    Cela leur a permis de masquer leur domination sur les pays européens en associant ceux-ci à leur domination sur le monde, et en leur y laissant une part. C’est la base du nationalisme occidental qui s’est développé à travers le sentiment d’appartenance à une communauté d’intérêts politiques, militaires, financiers occidentale qui s’est renforcée au fil du temps avec ses organisations et ses institutions (OTAN, FMI etc..) et leur mécanisme de régulation.

    La solidarité des européens avec les États Unis, n’est que l’expression magnifiée d’une réalité bien plus triviale: celle de la place qu’ont su ménager les États Unis aux États européens dans leur hégémonie sur le monde et de la protection militaire qu’ils leur ont assurée.

    Là est le secret et le moteur de la solidarité occidentale. L’affaire de l’achat annulé de sous-marins français par l’Australie, sous l’instigation et au profit des États Unis, a été récemment un accroc assez spectaculaire dans cette solidarité occidentale. Elle montrait bien que pour les américains Europe et Occident ne devaient pas être confondus et que le concept d’Occident pouvait être à à géométrie variable, avec ici un «Occident» comprenant, cette fois-ci, l’Australie, le Japon, la Corée du Sud etc..

    La guerre en Ukraine, ainsi que la restructuration des relations internationales qu’elle induit, agit actuellement, lentement mais inévitablement, dans le sens de la cristallisation des différences d’intérêts entre les États Unis et l’Europe, ou au moins avec les principaux pays européens. Les États Unis pourront-ils alors longtemps être considérés comme «européens» par les européens eux-mêmes.

    Le Quotidien d’Oran, 21/07/2022

    #OTAN #Ukraine #Russie #Europe #UE #Etats_Unis


  • Gaz: Nord Stream redémarre après une panne

    Russie, Europe, gaz, Nord Stream, gazoduc,

    BERLIN (AP) – Le gaz naturel a commencé à circuler dans un important gazoduc reliant la Russie à l’Europe jeudi, après une interruption de 10 jours pour des travaux de maintenance, a indiqué l’opérateur.

    Mais le flux de gaz ne devrait pas atteindre sa pleine capacité et les perspectives sont incertaines, ce qui laisse l’Europe face à la perspective d’un hiver difficile.

    Le gazoduc Nord Stream 1, qui passe sous la mer Baltique pour rejoindre l’Allemagne, était fermé depuis le 11 juillet pour des travaux de maintenance annuels. Dans un contexte de tensions croissantes liées à la guerre menée par la Russie en Ukraine, les autorités allemandes craignaient que le gazoduc – principale source d’approvisionnement du pays en gaz russe, qui a récemment représenté environ un tiers de l’approvisionnement en gaz de l’Allemagne – ne soit pas rouvert du tout.

    L’opérateur Nord Stream AG a déclaré que le gaz avait recommencé à circuler jeudi matin, et les données de son réseau montrent que le gaz a commencé à arriver après la fin de la maintenance prévue à 6 heures du matin.

    On s’attendait à ce que les livraisons soient bien inférieures à la pleine capacité du gazoduc, comme ce fut le cas pendant des semaines avant l’interruption de la maintenance.

    Le chef de l’autorité allemande de régulation des réseaux, Klaus Mueller, a déclaré que la société russe Gazprom avait notifié jeudi des livraisons représentant seulement 30 % environ de la capacité du gazoduc. Il a ensuite indiqué sur Twitter que les livraisons réelles étaient supérieures à ce chiffre et pourraient atteindre le niveau d’avant la maintenance, soit environ 40 %.

    Cela ne suffirait pas à résoudre la crise énergétique de l’Europe. « L’incertitude politique et la réduction de 60 % depuis la mi-juin demeurent malheureusement », a écrit M. Mueller.

    Lorsque Gazprom a réduit le flux le mois dernier, elle a invoqué des problèmes techniques présumés concernant des équipements que son partenaire Siemens Energy avait envoyés au Canada pour révision et qui ne pouvaient pas être renvoyés en raison des sanctions imposées à la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

    Au début du mois, le gouvernement canadien a autorisé la livraison en Allemagne de la turbine qui alimente une station de compression à l’extrémité russe du gazoduc.

    Le gouvernement allemand a rejeté l’explication technique de Gazprom concernant la réduction du gaz, affirmant à plusieurs reprises qu’il ne s’agissait que d’un prétexte pour une décision politique visant à semer l’incertitude et à faire grimper davantage les prix de l’énergie. Il a déclaré que la turbine était un remplacement qui ne devait être installé qu’en septembre, mais qu’il faisait tout pour priver la Russie du prétexte de réduire les approvisionnements.

    Le président russe Vladimir Poutine a déclaré mardi que Gazprom n’avait toujours pas reçu les documents nécessaires au retour de la turbine, et a mis en doute mercredi la qualité des travaux de réparation. M. Poutine a déclaré que Gazprom devait fermer une autre turbine pour réparation à la fin du mois de juillet, et que si celle qui a été envoyée au Canada n’était pas retournée d’ici là, le flux de gaz diminuerait encore davantage.

    La chef de la Commission exécutive de l’Union européenne, Ursula von der Leyen, a déclaré mercredi que la turbine était « en transit » et qu’il n’y avait « aucun prétexte pour ne pas livrer » du gaz.

    La Commission a proposé aux États membres de réduire leur consommation de gaz de 15 % au cours des prochains mois, alors que l’Union se prépare à une éventuelle interruption totale des livraisons de gaz par la Russie.

    L’Allemagne et le reste de l’Europe se démènent pour remplir les stocks de gaz à temps pour l’hiver et réduire leur dépendance à l’égard des importations d’énergie russe. L’Allemagne possède la plus grande économie d’Europe ; le gaz est important pour alimenter ses industries, fournir du chauffage et, dans une certaine mesure, produire de l’électricité.

    Le mois dernier, le gouvernement a activé la deuxième phase du plan d’urgence en trois étapes de l’Allemagne pour l’approvisionnement en gaz naturel, avertissant que la plus grande économie d’Europe était confrontée à une « crise » et que les objectifs de stockage hivernal étaient menacés. Mercredi, les réserves de gaz de l’Allemagne étaient remplies à 65,1 %.

    Pour pallier cette pénurie, le gouvernement allemand a donné le feu vert aux entreprises de services publics pour qu’elles remettent en service dix centrales électriques au charbon en sommeil et six autres alimentées au fioul. Onze autres centrales au charbon, dont l’arrêt est prévu en novembre, pourront continuer à fonctionner.

  • L’euro se redresse après la réouverture du gaz par la Russie

    Russie, Gaz, euro, change, devise,

    Résumé
    -La reprise des flux de gaz en Russie soulève l’euro
    -La BCE devrait relever ses taux d’au moins 25 points de base.
    -La décision sur les taux de la BCE est attendue à 1215 GMT
    -Les prix du pétrole brut américain s’échangent sous les 100 dollars le baril

    LONDRES, 21 juillet (Reuters) – Les marchés boursiers se sont détendus jeudi alors que la reprise de l’approvisionnement en gaz russe vers l’Europe a fait grimper l’euro avant la première hausse des taux d’intérêt prévue par la Banque centrale européenne depuis plus de dix ans afin de juguler l’inflation.

    Le flux de gaz russe a repris vers l’Allemagne après une panne de 10 jours, ce qui a permis d’apaiser les inquiétudes de l’Europe en matière d’approvisionnement, et de dissiper les craintes quant aux retombées sur l’économie.

    L’euro a légèrement progressé, s’éloignant davantage de la parité de la semaine dernière contre le billet vert, la reprise étant soutenue par les attentes d’une forte hausse des taux de 50 points de base de la BCE.

    Le président russe Vladimir Poutine a prévenu que les approvisionnements pourraient être réduits davantage, voire cesser, ce qui a incité l’UE à demander à ses membres de réduire leur consommation.

    « Les marchés européens vont être tirés et poussés par l’humeur de Poutine », a déclaré Michael Hewson, stratège en chef des marchés chez CMC Markets.

    Les marchés cherchent à savoir de combien la BCE va augmenter les taux d’intérêt jeudi à 1215 GMT, une hausse de 25 points de base étant déjà prévue, a déclaré Hewson.

    Les traders attendent également les détails d’un outil de la BCE visant à contenir le stress sur les marchés obligataires, rendu d’autant plus urgent par l’effondrement du gouvernement italien, l’un des pays les plus endettés de la zone euro.

    Spreads italiens et dette/PIB

    Les hausses de taux de la Réserve fédérale américaine la semaine prochaine et de la Banque d’Angleterre en août sont également bien anticipées à l’heure actuelle, a déclaré M. Hewson.

    L’indice STOXX (.STOXX) des 600 entreprises européennes était en baisse de 0,4 %. L’indice boursier MSCI All-Country (.MIWD00000PUS) a reculé de 0,14%.

    Les obligations italiennes ont été fortement vendues après l’effondrement du gouvernement de Mario Draghi dans la troisième économie de la zone euro.

    Nadège Dufosse, responsable de la stratégie cross-asset chez Candriam, a déclaré que l’agitation politique en Italie mettait davantage de pression sur la BCE pour qu’elle dispose de son outil dit anti-fragmentation afin de plafonner les rendements obligataires et de rassurer les marchés.

    « Je pense qu’elle devra tenir ses promesses sur ce point, je pense que c’est le principal risque aujourd’hui. Elle doit convaincre les investisseurs qu’elle sera efficace », a déclaré M. Dufosse.

    Après la dernière série de hausses de taux, les investisseurs tenteront d’évaluer si l’économie se dirige vers un atterrissage en douceur ou brutal, à mesure que les coûts d’emprunt plus élevés sont absorbés, a-t-elle ajouté.

    « Ce sont les attentes pour le quatrième trimestre ou l’année prochaine qui peuvent vraiment déterminer la tendance du marché. Pour l’instant, nous n’avons pas la réponse et nous devons simplement être très pragmatiques », a déclaré Mme Dufosse.

    Contrairement à la tendance, la Banque du Japon a laissé sa politique monétaire inchangée jeudi, comme prévu, et a légèrement relevé ses prévisions d’inflation. Le yen est resté stable à 138,37 par dollar.

    Les contrats à terme du Nasdaq 100 ont baissé de 0,25% et ceux du S&P 500 de 0,2%. Les résultats de Blackstone, Dow Chemical, Philip Morris International, Twitter et American Airlines étaient attendus jeudi.

    NUAGES DE CHINE

    Les indices de Wall Street se sont redressés au cours de la nuit, mais même les résultats meilleurs que prévu de Tesla après les heures d’ouverture n’ont pas permis de maintenir l’ambiance positive lors de la session asiatique.

    L’indice MSCI le plus large des actions Asie-Pacifique hors Japon (.MIAPJ0000PUS) a baissé de 0,1% et le Nikkei japonais (.N225) a gagné 0,4%.

    L’incertitude qui pèse sur la croissance chinoise en raison des contrôles stricts de la COVID-19 et les nouvelles inquiétudes concernant le marché immobilier en difficulté assombrissent également les perspectives de la demande mondiale.

    Les produits de base sensibles à la croissance, tels que le cuivre et le minerai de fer, ont glissé et, cette semaine, les banques chinoises et les valeurs immobilières ont été touchées par les emprunteurs qui ont boycotté les paiements hypothécaires pour des maisons inachevées.

    « Les prêts hypothécaires en souffrance ont doublé au cours de la semaine, et (…) les acheteurs potentiels attendent une baisse générale des prix des logements pour le marché immobilier, y compris les projets achevés », ont déclaré les analystes d’ING dans une note aux clients jeudi.

    « Cela est négatif même pour les promoteurs riches en liquidités ».

    Le yuan chinois était légèrement plus ferme à 6,7664 pour un dollar. Contre les autres devises, le billet vert s’est stabilisé après avoir plongé en début de semaine. Le dollar australien a acheté 0,68650 dollar.

    Le rendement de référence du Trésor à 10 ans s’est maintenu à 3,0415 %, en dessous du rendement à 2 ans de 3,2359 %, un signal du marché qui présage souvent une récession.

    Les prix du pétrole ont baissé pour la deuxième session consécutive, les préoccupations concernant la demande l’emportant sur l’offre mondiale restreinte, après que les données du gouvernement américain ont montré une consommation d’essence tiède pendant la saison estivale de conduite.

    Le Brent a baissé de 2,25% à 104,50 dollars le baril, tandis que le West Texas Intermediate américain a baissé de 2,6% à 97,32 dollars le baril.

    Reuters

    #Russie #Gaz #Euro #Change

  • Russie: Redémarrage du Nord Stream et escalade en Ukraine

    Russie, Ukraine, gaz, Nord Stream, Donbas, Union Européenne,

    Résumé
    -Le gazoduc Nord Stream redémarre avec une capacité réduite
    -Moscou affirme que le sud de l’Ukraine est également dans la ligne de mire maintenant.
    -Les États-Unis affirment que toute annexion ne serait pas incontestée.
    -Les Etats-Unis estiment que 15000 soldats russes ont été tués dans la guerre jusqu’à présent.


    21 juillet (Reuters) – La Russie a repris jeudi ses livraisons de gaz vers l’Europe via un important gazoduc, a annoncé l’opérateur du gazoduc, alors que l’on craignait que Moscou n’utilise ses vastes exportations d’énergie pour repousser les pressions occidentales liées à son invasion de l’Ukraine.

    La reprise du gazoduc Nord Stream 1 à capacité réduite, après une interruption de 10 jours pour maintenance, intervient après que des commentaires du ministre russe des affaires étrangères aient montré que les objectifs du Kremlin s’étaient élargis pendant la guerre de cinq mois.

    Sergueï Lavrov a déclaré mercredi à l’agence de presse d’État RIA Novosti que les « tâches » militaires de la Russie en Ukraine allaient désormais au-delà de la région orientale de Donbas.

    M. Lavrov a également déclaré que les objectifs de Moscou s’étendront davantage si l’Occident continue à fournir à Kiev des armes à longue portée telles que les systèmes de roquettes d’artillerie à haute mobilité (HIMARS) fabriqués aux États-Unis.

    « Cela signifie que les tâches géographiques s’étendront encore plus loin de la ligne actuelle », a-t-il déclaré, ajoutant que les pourparlers de paix n’avaient aucun sens pour le moment. en savoir plus

    Le porte-parole du Kremlin, Dmitry Peskov, a ensuite déclaré à RIA que Moscou ne fermait pas la porte aux pourparlers avec Kiev malgré les commentaires de M. Lavrov.

    L’Union européenne craint que les livraisons de gaz russe acheminé par le plus grand gazoduc d’Europe ne soient interrompues par Moscou, ce qui a incité les États membres à réduire d’urgence leur consommation de gaz de 15 % jusqu’en mars.

    « La Russie nous fait du chantage. La Russie utilise l’énergie comme une arme », a déclaré la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, en décrivant une interruption totale des flux de gaz russe comme « un scénario probable » auquel « l’Europe doit être prête ».

    M. Poutine avait auparavant prévenu que les livraisons de gaz via Nord Stream risquaient d’être encore réduites.

    La Russie, premier exportateur mondial de gaz, a rejeté les accusations occidentales d’utiliser ses approvisionnements énergétiques comme un outil de coercition, affirmant qu’elle a été un fournisseur d’énergie fiable.

    En ce qui concerne son pétrole, la Russie n’enverra pas d’approvisionnements sur le marché mondial si un plafond de prix est imposé en dessous du coût de production, a déclaré mercredi l’agence de presse Interfax citant le vice-premier ministre Alexander Novak. en savoir plus

    LE BILAN DES COMBATS S’ALOURDIT

    Sur le front, les militaires ukrainiens ont fait état de tirs d’artillerie lourds et parfois mortels de la part des Russes, dans un contexte où, selon eux, les forces terrestres russes ont largement échoué dans leurs tentatives de progression.

    Au cours des dernières 24 heures, les forces ukrainiennes ont déclaré avoir détruit 17 véhicules, dont certains étaient blindés, et tué plus de 100 soldats russes dans le sud et l’est du pays.

    L’administration installée par les Russes dans la région ukrainienne partiellement occupée de Zaporizhzhia a déclaré que l’Ukraine avait mené une frappe de drone sur une centrale nucléaire dans cette région, mais que le réacteur n’avait pas été endommagé.

    De multiples explosions ont également été entendues dans la région méridionale de Kherson, contrôlée par la Russie, dans la nuit et le jeudi, selon l’agence de presse russe TASS.

    Reuters n’a pas pu vérifier ces rapports de manière indépendante.

    L’invasion russe a fait des milliers de morts, déplacé des millions de personnes et rasé des villes, en particulier dans les zones russophones de l’est et du sud-est de l’Ukraine. Elle a également fait grimper les prix mondiaux de l’énergie et des denrées alimentaires et a accru les craintes de famine dans les pays les plus pauvres, l’Ukraine et la Russie étant toutes deux d’importants producteurs de céréales.

    Les États-Unis estiment que les pertes russes en Ukraine ont atteint jusqu’à présent environ 15 000 morts et peut-être 45 000 blessés, a déclaré mercredi le directeur de la CIA, William Burns.

    La Russie classe les décès militaires dans la catégorie des secrets d’État, même en temps de paix, et n’a pas fréquemment mis à jour ses chiffres officiels de pertes au cours de la guerre.

    LES ETATS-UNIS S’OPPOSENT AUX ANNEXIONS

    Les États-Unis, qui avaient déclaré mardi qu’ils voyaient des signes que la Russie se préparait à annexer formellement des territoires qu’elle a saisis en Ukraine, ont promis qu’ils s’opposeraient aux annexions.

    « Encore une fois, nous avons été clairs sur le fait que l’annexion par la force serait une violation flagrante de la Charte des Nations unies, et nous ne permettrions pas qu’elle soit incontestée. Nous ne permettrions pas qu’elle reste impunie », a déclaré Ned Price, porte-parole du département d’État, lors d’un point de presse quotidien mercredi.

    La Russie a annexé la Crimée à l’Ukraine en 2014 et soutient des entités séparatistes russophones – les républiques populaires de Donetsk et de Louhansk (RPD et RPL) – dans ces provinces, connues sous le nom de Donbas.

    M. Lavrov est la plus haute personnalité à parler ouvertement des objectifs de guerre de la Russie en termes territoriaux, près de cinq mois après que le président russe Vladimir Poutine a ordonné l’invasion du 24 février tout en niant que la Russie avait l’intention d’occuper son voisin.

    À l’époque, Poutine avait déclaré que son objectif était de démilitariser et de « dénazifier » l’Ukraine – une déclaration rejetée par Kiev et l’Occident, qui y voyaient un prétexte pour une guerre d’expansion de type impérial.

    M. Lavrov a déclaré à RIA Novosti que les réalités géographiques avaient changé depuis que les négociateurs russes et ukrainiens ont tenu des pourparlers de paix en Turquie fin mars, qui n’ont débouché sur aucune avancée.

    « Maintenant, la géographie est différente, c’est loin d’être seulement la RPD et la RPL, c’est aussi les régions de Kherson et de Zaporizhzhia et un certain nombre d’autres territoires », a-t-il dit, faisant référence aux territoires bien au-delà du Donbas que les forces russes ont entièrement ou partiellement saisis.

    Reuters

    #Russie #UE #Gaz #Ukraine #Nord_stream

  • OMK dément tout investissement dans le Gazoduc Nigeria-Maroc

    Maroc, Nigeria, gazoduc, gaz, OMK,

    Selon une information largement relayée par les médias marocains, le groupe russe United Metallurgical Company (OMK), spécialisé dans la métallurgie, a démenti les affirmations de l’ambassadeur du Nigeria en Russie, alléguant que la société est devenue le principal investisseur dans le gazoduc Nigeria-Maroc.

    L’ambassadeur du Nigeria, Abdullahi Shehu, avait précédemment révélé dans une interview à l’agence de presse russe Ria Novosti que United Metallurgical Company participait au projet. «Ils (OMK) sont déjà impliqués dans ce processus. Ils font partie des principaux investisseurs de ce projet.

    Il n’a pas donné plus de détails sur l’implication ou le rôle d’OMK dans le projet. Le ministre d’Etat nigérian Timipre Sylva a précédemment déclaré à Reuters que les Russes « sont très désireux d’investir dans ce projet ».

    Cette information a été rapidement démentie par l’entreprise russe elle-même, en réaction immédiate à cette déclaration. La société a publié un communiqué de presse publié par Sputnik, une autre agence de presse russe, qui expliquait que la participation de la société en tant qu’investisseur n’était pas envisagée.

    Algérie-éco, 19/07/2022

    #Maroc #Nigeria #Gaz #Gazoduc



  • Algérie-Italie : A plein gaz !

    Algérie, Italie, Gaz, Espagne, Ukraine, Russie, Mario Draghi,

    Les relations énergétiques avec l’Italie sont au beau fixe. Les exportations de gaz vers ce pays suivent une tendance haussière. Suivant la décision prise lors de l’entretien entre le chef de l’Etat et le Président italien Sergio Matarelli, l’Algérie est en train d’augmenter ses livraisons de gaz à l’Italie. L’agence officielle APS rapporte que l’Algérie augmentera de 4 milliards de mètres cubes supplémentaires ses fournitures de gaz à l’Italie à partir de la semaine prochaine et de 6 milliards de mètres cubes vers la fin de l’année. Pendant que la Russie a réduit d’un tiers son approvisionnement en gaz de l’Italie. L’Algérie passe donc à l’acte et répond à la requête italienne d’acquérir des quantités supplémentaires de gaz algérien pour parer à la situation née de la crise russo-ukrainienne contribuant à atténuer la pénurie de gaz en Italie. L’agence rapporte également que l’Algérie a livré à ce pays jusqu’ici 13,9 milliards de mètres cubes de gaz dépassant de 113% les volumes prévisionnels.

    A cet égard, il faut savoir que suivant l’accord signé entre le PDG de Sonatrach et son homologue de l’ENI, le 11 avril dernier, la compagnie pétrolière nationale doit livrer à son client italien 3 milliards de mètres cubes/an supplémentaire à court terme et 9 milliards de mètres cubes/an supplémentaires à partir de 2022-2023. L’objectif est de porter à moyen terme les livraisons de gaz algérien à l’Italie à 31 milliards de mètres cubes/an.

    Il faut savoir qu’en 2019, Sonatrach et l’ENI ont renouvelé le contrat d’achat et de vente de gaz pour un volume de 9 milliards de mètres cubes/an pour une durée de dix ans. En outre, cette compagnie, qui entretient une relation stratégique avec l’Algérie, a été la première à signer récemment un accord avec Sonatrach portant révision à la hausse des prix du gaz. N’oublions pas également que l’ENI n’est pas le seul client italien de Sonatrach. La compagnie pétrolière nationale a, en effet, renouvelé ses contrats de vente de gaz, en 2019, avec les compagnies italiennes Enel et Edison pour, respectivement, 3 milliards de mètres/an et 1 milliard de mètres cubes/an.

    Mais d’où proviendront les quantités de gaz supplémentaires ? A partir probablement du développement de gisements de gaz découverts dans le bassin de Berkine et développés ou à développer rapidement par l’ENI et par Sonatrach, selon l’ENI. Mais aussi à partir de gisements de gaz qui seront mis en service vers la fin 2022 ou en 2023, selon le PDG de Sonatrach.

    Il convient de signaler ici que cette hausse des exportations de gaz vers l’Italie intervient dans une phase où les ventes de gaz à l’Espagne sont en baisse. Pour un spécialiste pétrolier, la hausse des exportations de gaz vers l’Italie est permise par la baisse des exportations de l’Algérie vers l’Espagne. Elle se situe dans une période creuse pour les clients espagnols du gazoduc Medgaz, a-t-il ajouté. Le défi pour Sonatrach reste l’augmentation de la production de gaz pour non seulement honorer ses engagements envers les compagnies étrangères mais également pour accroître ses ventes vers l’Italie et d’autres clients. Les regards seront braqués sur la mise en service à temps de nouveaux gisements de gaz tels que ceux d’Isarène, de la périphérie de Gassi Touil, des gisements du Sud-Ouest, tels que Hassi Mouina. Le développement rapide du gisement de l’Ahnet, dont les réserves sont assez importantes, fait également partie de ce défi. Mais quitte à le rappeler, l’avancée dans le programme gouvernemental de rationalisation de la consommation d’énergie, les économies d’énergie encouragent l’expansion des exportations de gaz. Or, ce programme avance à pas de fourmi.

    KHALED REMOUCHE

    Reporters, 17 July 2022157

    #Algérie #Italie #Gaz #Espagne #Europe

  • Contrats avec l’Italie: L’Algérie fait taire les sceptiques

    Algérie, Italie, Gaz, Mario Draghi,

    Le Premier ministre italien Mario Draghi effectuera demain une visite d’une journée en Algérie, en pleine crise que traverse son gouvernement et notamment après sa démission qui a été rejetée par le chef de l’Etat.

    La visite de Draghi a été précédée par l’annonce par l’Algérie d’une augmentation du volume de ses approvisionnements en gaz vers l’Italie de 4 milliards de mètres cubes supplémentaires à partir de la semaine prochaine.

    Depuis le début de l’année, l’Algérie a déjà livré 13,9 milliards de mètres cubes à l’Italie, dépassant de 113% les volumes prévus. Au total, cette année l’Algérie fournira à l’Italie 27 milliards de mètres cubes, donc près du tiers des besoins de ce pays. Ce qui fait de l’Algérie le premier fournisseur de l’Italie, qui reçoit deux fois plus de gaz d’Algérie que de Russie.

    La perche tendue à Draghi
    Par ces annonces de nouveaux approvisionnements, l’Algérie confirme, si besoin est, son statut de fournisseur fiable pour ses clients européens, notamment l’Italie vis-à-vis de laquelle Alger s’est engagée à fournir 9 milliards de m3 supplémentaires de gaz en 2023, comme convenu lors de l’accord signé il y a trois mois lors de la visite de Draghi à Alger.

    Les 4 milliards supplémentaires annoncés ce week-end sont venus s’ajouter à deux autres milliards déjà assurés. Ce qui fait que l’engagement de fournir 9 milliards supplémentaires par an est déjà honoré aux deux tiers. Une performance qui est de nature à clouer le bec aux sceptiques, et aux esprits revanchards qui se recrutent chez le voisin de l’ouest, ayant exprimé leurs doutes au sujet des capacités de l’Algérie à honorer son engagement à fournir les 9 milliards de m3 de gaz que prévoit le contrat avec l’Italie. Au grand dam de ceux-là, le contrat est non seulement bien respecté, mais aussi, bien avant l’heure.

    Le timing choisi par l’Algérie pour faire ces annonces, et qui coïncide avec la démission de Mario Draghi, se veut une perche pour le gouvernement italien qui traverse une grave crise gouvernementale qui menace de remettre en cause sa continuité jusqu’à la fin de la législature, en mars 2023, en raison d’une crise sociale, liée à l’inflation et au renchérissement des prix des produits énergétiques, dus à la guerre en Ukraine.

    L’Algérie en fournisseur fiable
    Le message est clair : l’Italie peut compter davantage sur l’Algérie en tant que fournisseur sûr et fiable dans sa stratégie visant à mettre fin à sa dépendance énergétique vis-à-vis de la Russie après l’invasion de l’Ukraine, et à s’approvisionner en cette ressource nécessaire à l’électricité et au chauffage en perspective du prochain hiver. L’Italie a déjà réduit à 25% sa dépendance au gaz russe.

    Qu’a cela ne tienne, la visite à Alger de Mario Draghi sera l’accession pour la signature de plusieurs accords dans divers domaines, suite notamment à la tenue d’un forum d’affaires qui aura pour conséquence de booster la coopération bilatérale dans une conjoncture d’après-covid marquée par une léthargie de nombre de secteurs économiques en Italie.

    La visite à Alger de la délégation italienne conduite par Draghi et qui comprend six ministres de son gouvernement dont ceux des Affaires étrangères, Luigi Di Maio, de l’Intérieur, de la Justice, de la transition écologique, de l’Infrastructure, et de l’Égalité, fait suite à la mission qu’il a menée le 11 avril au cours de laquelle un accord a été signé entre la société algérienne Sonatrach et la société italienne Eni pour l’exportation de gaz – dans le but de diversifier les sources d’approvisionnement énergétique et réduire la dépendance.

    La visite de Draghi intervient également après celle du président algérien en mai dernier qui avait été précédée par la visite historique du chef de l’Etat italien, Sergio Mattarella, à Alger en novembre 2021, lors de laquelle l’approvisionnement en gaz algérien de l’Italie a été au centre des entretiens tenus par le président de la République, M. Abdelmadjid Tebboune.

    Les deux parties ont convenu de renforcer le partenariat énergétique entre les deux pays. L’Italie est le troisième partenaire commercial de l’Algérie dans le monde (premier client et sixième fournisseur). En 2021, la valeur des échanges commerciaux entre l’Algérie et l’Italie était de l’ordre de 7,34 milliards d’euros. Le gaz constitue la quasi-totalité des importations de l’Italie, qui exporte vers l’Algérie principalement des machines, des produits pétroliers raffinés, des produits chimiques et des produits sidérurgiques.

    A. R.

    L’Algérie aujourd’hui, 17/07/2022

    #Algérie #Italie #Russie #Gaz #Europe

  • Espagne-Algérie. Le «caméléon» de Madrid

    Espagne-Algérie. Le «caméléon» de Madrid

    Espagne, Algérie, Sahara Occidental, Gaz, Pedro Sanchez, José Manuel Albares,

    Au moment où l’Europe, en guerre déclarée contre la Russie, se débat pour s’affranchir de l’emprise gazière de Poutine, l’Espagne de Pedro Sanchez se tourne vers Moscou. Summum de la trahison.

    Brahim TAKHEROUBT

    Par devoir d’honnêteté, il faut reconnaître que le Premier ministre espagnol, Pedro Sanchez, fait des miracles: c’est une personne capable de donner le vertige à une girouette. Il y a à peine quelques semaines, n’a-t-il pas dépêché son ministre des Affaires étrangères, Albares, à Bruxelles dans l’espoir d’impliquer l’Union européenne dans une crise bilatérale avec l’Algérie? Pour donner de l’épaisseur à sa manoeuvre, n’avait-il pas évoqué la «main de Poutine» derrière la décision algérienne de suspendre son traité d’amitié comme si Alger se faisait dicter ses positions souveraines? Et puisque le Premier ministre espagnol a un palais sensible au goût des couleuvres, il lâche une autre encore plus grosse. Après l’UE, il tente de vendre la menace russe à l’Otan.

    Le ministre des Affaires étrangères a déployé toute sa rhétorique mensongère, lors du Sommet de l’Otan qui s’est tenu à Madrid les 28, 29 et 30 juin dernier pour convaincre les membres de cette alliance atlantiste de la gravité des menaces qui ont surgi dans le flanc sud de l’Otan. Il évoque encore une fois « la main russe» derrière la déstabilisation de l’Afrique du Nord et du Sahel. Usant de messages codés, il a directement fait allusion à l’Algérie signifiant que ces menaces venant du «sud», usaient de la question migratoire et de «l’énergie comme armes de pression». C’est sur ces éléments farfelus et ces thèses décousues que Sanchez et Albares ont bâti leur «château de cartes», comme dans la série de télé américaine, pour tromper qui? L’opinion internationale? Elle ne suit pas Madrid dans son délire. Fourvoyer l’opposition espagnole? Cette dernière ne décolère pas.

    Plus grave encore, elle vient de découvrir, ahurie, le pot aux roses que pendant tout ce temps, le gouvernement espagnol pactisait avec Moscou. Triste constat. Summum d’une trahison corroborée par des chiffres incontestables: selon le gestionnaire du réseau gazier espagnol, 24,4% du gaz importé par l’Espagne est ainsi venu de Russie le mois dernier, contre 29,6% des Etats-Unis. L’Algérie, longtemps premier fournisseur du pays, n’a pesé que pour 21,6% de ses importations. Comment ose-t-on exiger une «entière solidarité» de l’Otan, après l’avoir fait avec l’UE avec de pareils mensonges? À Bruxelles, l’information a été ressentie comme un coup de poignard dans le dos. Au moment où l’Europe occidentale, en guerre déclarée contre la Russie, se débat pour s’affranchir de l’emprise gazière de Poutine, voilà que l’Espagne de Pedro Sanchez se tourne vers Moscou. Quel culot!

    Noyé dans ses propres contradictions, le Premier ministre espagnol affolé, se cherche une issue. Une fois sa trahison rendue publique, il fait réagir sa ministre de la Transition écologique, Teresa Ribera qui a appelé les groupes énergétiques du pays à «réduire au maximum» leurs importations de gaz russe. Contrairement au pétrole, le gaz russe n’est pas concerné par les sanctions européennes adoptées suite à l’opération militaire russe en Ukraine, mais «il est recommandable de rechercher des alternatives», a-t-elle insisté.

    Si au plan interne, le gouvernement Sanchez collectionne les blâmes de l’opposition, ce nouveau rebondissement ne manquera pas de susciter des réactions à l’international. Le «gaz-gate» a emporté le peu de crédibilité dont jouissait jusque-là Pedro Sanchez et son ministre des Affaires étrangères, Albares auprès de leurs alliés occidentaux. On ne peut pas faire la guerre avec un allié enclin à la traîtrise. La diplomatie du mensonge finit toujours par fondre comme neige au soleil. Lors de son déplacement à Bruxelles à la recherche du soutien de l’UE contre l’Algérie, le MAE espagnol a déclaré, torse bombé, qu’il a rencontré le vice-président de la Commission européenne en charge de la politique commerciale, Valis Dombroyskis et Josep Borrell, haut représentant de l’UE pour la politique étrangère (un membre actif du parti PSOE espagnol au pouvoir), que c’est la Russie qui a poussé l’Algérie à s’en prendre économiquement» à l’Espagne. Suffisant, il complète son argumentaire par «les dernières visites de Lavrov à Alger», pour expliquer cette menace contre l’Europe venant du sud. Alors que la planète entière sait que la vraie raison de cette crise avec l’Algérie n’est dû qu’au revirement inattendu de Madrid sur la question sahraouie, sans avoir préalablement informé son partenaire algérien comme l’exigent les dispositifs du fameux traité suspendu. Ne va-t-il pas falloir maintenant à Pedro Sanchez d’expliquer à l’opinion espagnole et internationale qui a inspiré son rapprochement avec Moscou? «La main d’Alger» peut-être? Qui sait?

    L’Expression, 14/07/2022

    #Algérie #Espagne #Gaz #Russie #OTAN #Pedro_Sanchez #Albares

  • C’est sa 2e visite en 3 mois : Mario Draghi à Alger

    C’est sa 2e visite en 3 mois : Mario Draghi à Alger

    Algérie, Italie, Mario Draghi, Gaz,

    Le Premier ministre italien, Mario Draghi, effectuera la semaine prochaine une visite en Algérie, pour discuter du renforcement des liens entre les deux pays, actuellement dominés par la coopération énergétique.

    La visite de Draghi en Algérie, premier fournisseur de gaz de l’Italie, pour la deuxième fois cette année, intervient dans un contexte de crise énergétique aigue en Europe, marqué par les craintes d’un arrêt total du flux des approvisionnements en gaz russe en perspective de l’hiver prochain.

    Mais, contrairement à d’autres pays européens comme l’Allemagne qui dépendent exclusivement du gaz en provenance de Russie, l’Italie semble mieux lotie face à cette crise grâce notamment à plusieurs facteurs. A commencer par la réduction de la dépendance du gaz russe à 25%, contre environ 40% au début de l’année. Aussi, au début de la guerre en Ukraine, le gouvernement a pris une décision stratégique pour rechercher rapidement des approvisionnements alternatifs, a rappelé dans ce sens le Premier ministre Mario Draghi aux journalistes mardi soir.

    Afin de diversifier progressivement les approvisionnements hors de la Russie, le gouvernement italien, avec la société contrôlée par l’État, Eni, a conclu des accords avec des pays africains et nord-africains, notamment l’Algérie, pour augmenter les importations de gaz. Ainsi, un contrat a été signé lors de la visite de Draghi en Algérie pour la livraison de 9 millions de m3 supplémentaires de gaz via le gazoduc Transmed, Enrico-Mattei.

    Les craintes d’un hiver rigoureux

    Qu’à cela ne tienne, les autorités italiennes travaillent à présent pour s’assurer que le pays puisse survivre l’hiver prochain sans rationner le gaz aux familles et aux entreprises, même si la Russie arrête complètement les approvisionnements. «Si, au milieu de l’hiver, la Russie coupe brusquement l’approvisionnement de l’Italie, le rationnement ne pourra pas être évité», a déclaré Simona Benedettini, conseillère indépendante en énergie basée à Rome.

    Cependant, si toute l’Europe craint qu’un blocage total des flux de gaz en provenance de Moscou puisse la contraindre au rationnement, la question se posera avec moins d’acuité pour l’Italie, gros client de l’Algérie. Selon le ministre de la Transition écologique Roberto Cingolani, les stocks italiens sont actuellement à 55% et devraient atteindre 90% d’ici la fin de l’année. «Nous sommes presque hors de danger», a-t-il déclaré, vendredi 24 juin, dans un entretien avec le quotidien La Stampa.

    De nouvelles perspectives de coopération

    Hormis l’approvisionnement en gaz, la production d’électricité à base de gaz et d’autres ressources d’énergies renouvelables ouvre de nouvelles perspectives de coopération algéro- italienne, comme annoncé en avril 2022 lors de la précédente visite de Draghi qui a fait état d’un projet d’exportation de l’électricité vers l’Italie et de projet de construction d’un câble électrique sous-marin devant relier Annaba à la Sicile. A cela s’ajoutent le renforcement du développement des énergies renouvelables, les technologies innovantes à faible émission de carbone et les projets de transmissions électriques entre l’Algérie et l’Italie.

    L’Algérie aujourd’hui, 14 jui 2022

    #Algérie #Italie #Mario_Draghi

  • Crise ukrainienne : la guerre du gaz

    Crise ukrainienne : la guerre du gaz

    Ukraine, Russie, Gaz, OTAN, Occident, Union Européenne, UE, Etats-Unis,

    par Abdelhak Benelhadj

    « Winter is coming » Game of Thrones.

    Déclarée depuis longtemps, la guerre du gaz prend une nouvelle tournure : en plus d’un siècle les acteurs et l’enjeu sont les mêmes, mais les règles et le contexte ont changé.

    Le marché des hydrocarbures brasse des sommes considérables, opposent des acteurs pugnaces prêts à prendre tous les risques et affectent une multitude de domaines. C’est pourquoi l’approche est difficile et toujours très complexe. C’est encore plus vrai quand la paix du monde est en jeu.

    « L’Allemagne en plein choc gazier! », titre lundi en Une Bild, le quotidien le plus lu d’Allemagne. « Nous sommes confrontés à une situation inédite, tout est possible », reconnaît au cours du week-end le vice-chancelier allemand, Robert Habeck, sur la radio publique. « Il est possible que le gaz coule à nouveau, même en quantité supérieure à avant. Il est possible que plus rien ne vienne et nous devons nous préparer comme toujours au pire ».

    Les Américains ont tout fait pour annuler la mise en service de Nord-Stream 2. Nord-Stream 1 suit le même tracé sur 1 200 km à travers la mer Baltique. La société russe qui l’administre a décidé 10 jours de travaux de maintenance qui courent jusqu’au 21 juillet. Il n’y aura plus de gaz exporté vers l’Europe jusqu’à cette date. Y en aura-t-il après ? C’est toute la question.

    L’Allemagne étant la porte d’entrée principale du gaz russe, c’est toute l’Europe qui est en ébullition. 48.4% du gaz qui y est consommé vient de Russie.

    La dépendance au gaz russe en Europe. (AFP, L. 07/03/2022)

    Tous les pays européens ne subissent pas la contrainte énergétique de manière identique. Mais la valeur et l’importance des hydrocarbures ne sont plus à démontrer pour tous.

    « Les choses sérieuse n’ont pas encore commencé »

    Ce n’est pas très compliqué : pas de gaz et pas de pétrole, c’est pas de transports, pas de chauffage, pas d’industries en activité. Si on ajoute que ces produits ne sont pas seulement de l’énergie et sont aussi des matières premières à la base de nombreuses branches d’activité (chimie, pharmacie, cosmétologie, mécanique, BTP…)1, il n’est pas abusif d’inférer qu’en leur absence, on peut anticiper l’arrêt de l’économie des pays importateurs.

    D’autre part, l’arrêt de l’économie allemande a des conséquences sur tous ses autres voisins dont l’économie dépend directement. Il s’agit des ex-pays de la zone mark, mais aussi des ex-PECO qui hébergent de très nombreuses unités industrielles allemandes. A ceux-là, on peut ajouter les autres pays de l’Euroland dont la signature est couverte et garantie par celle de Berlin. Personne n’ignore son poids dans la valeur de l’euro et celle des titres de créance des pays qui en ont fait leur monnaie.

    On comprend la panique qui a saisi les dirigeants des pays européens importateurs d’hydrocarbures russes via l’Allemagne et ceux qui lui sont fortement liés.2

    Est-ce ainsi qu’ils ont interprété le mot de V. Poutine ? : « Chacun doit savoir que nous n’avons pas encore commencé les choses sérieuses » (V. 08 juillet 2022, dans un discours aux parlementaires russes).

    « Il faut se mettre dans le scénario du pire (…) À tout moment, la Russie peut interrompre totalement ses livraison de gaz » s’alarme Agnès Pannier-Runacher la ministre française de la Transition énergétique (Le Figaro, D. 10 juillet 2022). « L’hypothèse d’une rupture de livraison [de gaz] de la Russie pour l’Europe est crédible. Il faut donc s’y préparer. » « On n’imagine pas demander aux Français, à commencer par les français modestes, de payer leur gaz 45% plus cher ou leur électricité un tiers plus cher… » Elisabeth Borne, première ministre, S. 09 juillet 2022.

    e n’est pas dans quelques mois que la catastrophe va arriver. La catastrophe est déjà là. Elle est masquée par un « bouclier tarifaire » qui ne saurait durer.

    Ces craintes ne sont ni lointaines ni théoriques. Il y a quelques semaines, la Russie avait réduit presque de moitié ses exportations de gaz à cause d’ennuis techniques sur Nord-Stream 1 liés à la fourniture de pièces détachées de Siemens.

    Gazprom ne déchire pas son contrat, mais s’il le faisait, qui l’en blâmerait ? Après tout, les sanctions qui lui sont infligées par ses « clients » ne sont-elles pas une déclaration de guerre qui l’affranchirait de toute obligation ? N’est-ce pas eux qui menaçaient d’interrompre leurs achats pour réduire les revenus de la Russie ?

    Est-il concevable d’attendre d’un pays qu’il collabore à son détriment avec ses ennemis en continuant à leur vendre un bien essentiel jusqu’à ce qu’ils soient en état de s’en passer pour le priver de revenus ?

    Le piège

    La Russie semble avoir une carte maîtresse en main, mais c’est un piège habilement tendu.

    Il est peu probable que Moscou interrompe ses fournitures de gaz à l’Europe.

    1.- Parce que, même en conflit avec lui, il n’est jamais correct de rompre un contrat signé avec un client ;

    2.- Parce qu’elles génèrent des revenus que la Russie et son économie ne peuvent dédaigner ;

    3.- Parce qu’il ne faut jamais insulter l’avenir. L’Allemagne a résisté comme elle a pu à toutes les sanctions et pressions pour rompre ses liens avec la Russie. Il y a là une volonté pérenne et ferme que les Russes seraient avisés à ne pas s’aliéner quelles que soient les confusions que connaît la gouvernance allemande sous pressions extérieures.

    Voilà pourquoi Moscou commettrait une erreur à cesser de s’acquitter de ses obligations commerciales contractuelles sans discernement ni mesure.

    De plus, elle se mettrait à dos tous les pays européens et surtout leurs opinions publiques alors que le plus efficace serait d’oeuvrer à les diviser en modulant ses représailles.

    La dramatisation de l’hypothèse d’une telle rupture sert en l’occurrence à faciliter l’adoption de mesures économiquement et socialement impopulaires pour tenter de résoudre des problèmes qui n’ont rien à voir avec la crise ukrainienne.

    Profitant de la situation, les patronats français et italiens somment leurs gouvernements pour qu’ils osent…

    « Il est évident qu’on n’aura plus de gaz russe d’ici la fin de l’année, soit par (notre) choix, soit par choix des Russes », a affirmé le chef du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, lors d’une conférence de presse à Paris avec son homologue italien dans le cadre du 4e Forum économique franco-italien. « Il faudra encaisser une hausse » des prix de l’énergie pour les consommateurs, a-t-il fait valoir, exhortant le gouvernement français à « annoncer des mesures impopulaires » au plus vite.

    Selon le patron du Medef, le président Emmanuel Macron doit « dire la vérité à nos concitoyens » et « faire le choix du producteur avant de faire celui du consommateur ». (AFP, mardi 12 juillet 2022)

    Son homologue italien, Carlo Bonomi, a lui aussi exhorté les dirigeants politiques à « opérer des choix difficiles ». Un langage que les bons peuples européens subissent depuis une quarantaine d’années.

    N’est-ce pas E. Macron qui parlait il y a peu d’« économie de guerre » ?

    La Russie cause de tous les maux

    Quelles accusations les médias atlantistes européennes portent-elles contre la Russie ?

    Des arguments essentiellement à caractère moral : attaque d’un pays voisin, mort de civils, destructions urbaines, vols de céréales, des pays pauvres réduits à la faim…

    Le Secrétaire d’Etat américain orchestre une campagne mondiale accusant la Russie d’être à l’origine des troubles à Sri Lanka alors que ces troubles graves datent de bien avant la crise ouverte en Ukraine et porte sur une administration calamiteuse des affaires de ce pays.

    L’accroissement des coûts des produits importés a été la goutte qui a fait déborder un vase qui menaçait le régime en place depuis longtemps. Cela se reproduira sans doute ailleurs. Et, à nouveau, la Russie en sera déclarée responsable.

    M. Blinken ne s’en prive pas et ses services ne cessent d’accuser la Russie de tous les maux de la planète, du réchauffement climatique, de la variole du singe, de la pandémie du Covid ou des raz de marée dans le Pacifique… Le summum a été atteint en imputant à la Russie la pénurie de moutarde en France alors que le premier producteur mondial de cette graine est le Canada…

    Tous ces réquisitoires créent une ambiance mais ne sont pas décisives.

    Ils font le spectacle, attendrissent de manière éphémère mais ne constituent pas un fait politique sensible de nature à induire des dommages immédiats dont pourraient souffrir les populations ouest-européennes et provoquer une réaction. On ne manifeste plus massivement dans les rues des capitales européennes en soutien à l’Ukraine. Il est entendu que l’enjeu est bien l’opinion publique, mais malgré un matraquage massif en règle, l’opinion demeure versatile, loin de s’aligner derrière ses dirigeants et derrière la cause qu’ils lui désignent.

    On crédite abusivement l’information et la communication, dans la guerre, de toute une série d’atouts conférant une supériorité tactique ou stratégique à ceux qui savent en user.

    En vérité, sans efficacité des opérations militaires sur le terrain, le seul in fine qui vaille, la com’ c’est du bruit, un bavardage stérile qui peut se retourner contre les bavards.

    Jamais chef d’Etat n’a occupé l’espace médiatique autant que le fait le président ukrainien, entouré de compétences nombreuses et d’une assistance internationale qui a considérablement amplifié ses interventions.

    En tout état de cause, la question n’est pas de savoir si la Russie va « couper le gaz » mais dans quelle mesure serait-ce dans son intérêt de faire ?

    Les vagues de sanctions déferlent sur la Russie depuis 2014

    Ce sont les occidentaux qui ont décidé sept vagues de sanctions avec pour objectif déclaré d’isoler la Russie et la priver de revenus, de marchés et de clients, notamment en excluant les banques russes et biélorusses du système Swift. L’Union européenne a de plus interdit toutes les transactions avec la Banque centrale de la Fédération de Russie et gelé ses avoirs, la privant d’accès aux actifs qu’elle a stockés dans les banques centrales et les institutions privées de l’UE.

    Dès le 28 février, les avions russes ne peuvent plus survoler l’espace européen et une partie très importante de la planète sous contrôle atlantique. Par exemple, le 06 juin, il a été impossible au ministre russe des Affaires Etrangères de se rendre en Serbie où il était attendu.

    Le jeudi 7 avril, l’UE décrète un embargo sur le charbon russe3 à partir du mois d’août et la fermeture des ports européens à tous les navires russes. Au reste, aucune assurance ni réassurance (toutes occidentales) ne peuvent plus couvrir ces bateaux.4

    Remarques

    1.- Il est certes vrai que jamais dans l’histoire une cascade de sanctions aussi sévères en un temps aussi court n’a été décidée contre un pays.

    2.- Il n’est pas moins vrai qu’aucune campagne de ce genre n’a été couronnée de succès et n’a réussi à soumettre le pays qui en a fait l’objet : Cuba, l’Iran, la Corée du nord, la Syrie, le Venezuela…5 Le moins sagace des observateurs l’a remarqué.

    3.- A examiner avec attention les sanctions votées contre la Russie depuis le 24 février dernier, on constate que si elles étaient bien étudiées à leur début, la succession des vagues est de plus en plus opportuniste, prises au coup par coup, un peu comme si elles étaient décidées au fur et à mesure de l’observation de leur inefficacité.

    Et pour cause. Loin d’obtenir les faits attendus, elles aboutissent très précisément à l’inverse

    4.- Les Européens se sont mis tous seuls dans une nasse et n’ont pas su, comme en 1981, résister à Washington qui n’a qu’un seul objectif, casser les liens entre l’Europe et la Russie, entre l’Europe et l’Eurasie. Car ce sont bien les Européens qui, le 30 mai dernier, ont décidé de boycotter l’achat de pétrole russe et provoqué ainsi (avec l’aide des spéculateurs sur les marchés à terme) une hausse des prix que chaque européen constate à chaque fois qu’il se présente à une station d’essence. « Les dirigeants des 27 pays de l’UE avaient trouvé un accord qui devrait permettre de réduire de quelque 90% leurs importations de pétrole russe d’ici la fin de l’année afin de tarir le financement de la guerre menée par Moscou en Ukraine. Cet accord permet de mettre en place un sixième paquet de sanctions contre la Russie, lequel prévoit un élargissement de la liste noire de l’UE à une soixantaine de personnalités et l’exclusion de trois banques russes du système financier international Swift. » (La Tribune, mardi 31 mai 2022)

    La Hongrie a été exemptée et continue d’être alimentée par un pipeline en pétrole russe. L’accord des 27 a été obtenu à ce prix.

    Le boycott du gaz russe, réclamé par l’Ukraine et le lobby orchestré par Washington, aurait été décidé si l’Allemagne, première consommatrice de gaz russe, ne s’y était pas opposée.

    Et voilà maintenant que le gaz, initialement une arme entre les mains occidentales, devient une arme russe retournée contre ceux qui ont ouvert les hostilités.

    L’art de se tirer une balle dans le pied

    Quelques exemples.

    L’interdiction de survol par les avions civils russes des pays de l’UE a entraîné une mesure réciproque.

    Conséquence : tous les avions des compagnies européennes devant joindre le Japon ou la Corée sont contraintes à un détour qui allonge le voyage de 2 heures et coûte 200 euros par minute de vol. Au total, le coût supplémentaire se monte à 48 000 euros pour un aller-retour.

    N’étant pas soumises aux mêmes obligations, les compagnies chinoises font de substantielles économies et épargnent 2 heures de vol à leurs clients. Sans que la Russie ait besoin de réduire ses exportations ou de faire mine de les réduire, la crise est déjà là. Autrement dit, les conséquences d’une rupture des approvisionnements sont visibles sans que la Russie ait besoin de le faire. Les spéculateurs le font à sa place.

    La décision ne procède pas de l’état mais de la dynamique économique. Pas de ce qui est mais de ce qui devient. L’anticipation est le principal ressort de la décision et de la valeur, en l’occurrence de la cote.

    La première manifestation de cette coupure virtuelle est l’inflation.

    Question : Quelle est, dans l’inflation que connaît l’Europe (et le reste du monde), la part qui revient à la guerre en Ukraine, à la spéculation et aux sanctions (qui interdit l’achat de pétrole et de gaz russes). La guerre n’interdit pas l’acheminement des hydrocarbures russes vers les pays consommateurs que cela soit par oléoducs, par gazoducs, par pétroliers ou par méthaniers.

    La question pétrolière a été partiellement réglée fin mai. Mais le pétrole russe continue de couler à flots. Il est acheminé, via l’Iran, en Inde où il est raffiné et revient en Europe sous un autre label et un autre emballage.6

    Avant la crise ukrainienne, seul 1% des exportations russes de pétrole étaient destiné à l’Inde. En mai 2022, elles représentaient 18%. (https://www.bbc.com, mardi 28 juin 2022)

    Idem pour la Chine. Selon les données de l’Administration générale des douanes, les importations de pétrole russe – y compris les fournitures provenant de l’oléoduc Sibérie orientale-Océan Pacifique – ont atteint 8,42 millions de tonnes en avril. Cela représente une augmentation de 55% par rapport à 2021, atteignant des niveaux record en mai.

    D’évidence, ce sont les sanctions cherchant à réduire les recettes russes pour déstabiliser l’économie et le régime politique à Moscou, amplifiées par la spéculation sur les marchés occidentaux, qui sont à l’origine de la brutale augmentation des prix de l’énergie et, par effet systémique, de celle de tous les autres biens fabriqués.

    Il en est de même de tous les autres produits dont la Russie est le principal exportateur. Cela va des céréales et des engrais (premier exportateur mondial), aux métaux et matières minérales stratégiques (le titane (13% de part de marché, le platine 10,5%, l’aluminium 5,4%, Cobalt 4,4%…).

    Graphique montrant l’évolution mensuelle de l’inflation dans la zone euro depuis le début des estimations d’Eurostat en 1997 (AFP, mardi 28 juin 2022)

    1.- Double peine pour l’Europe. Du fait même de la dépendance de leurs importations énergétiques, les pays européens souffrent d’une inflation à deux étages : à l’augmentation des prix nominaux des hydrocarbures s’ajoute la dépréciation de l’euro par rapport au dollar monnaie dans laquelle ces importations sont libellées, ce qui renchérit ainsi doublement le coût de leurs importations.

    LCI, S. 09 juillet 2022

    2.- Double problème pour la BCE. L’inflation liée à la crise ukrainienne s’ajoute à celle liée à la fin (relative) de la pandémie qui a déstabilisé le commerce mondial, perturbé les chaînes d’approvisionnement et raréfié certains produits essentiels, les semi-conducteurs par exemple qui participent à la fabrication de très nombreux produits industriels.

    Unilatéralement, sans se préoccuper des conséquences sur ses « alliés », la FED augmente ses taux et par ricochet le dollar. La BCE contrainte à un dilemme : elle augmente à son tour ses taux pour limiter la perte de change à l’égard du dollar et favoriser l’économie européenne, mais toute hausse des taux va étouffer une relance économique que l’Europe s’appliquait favoriser. Et elle ne résoudra aucun problème d’inflation dès lors qu’elle est d’origine étrangère. Et toute croissance du pouvoir d’achat favorise la consommation de produits importés, ce qui creuse les déficits extérieurs.

    Excellente nouvelle pour les producteurs en euros qui vendent en dollars (comme Airbus) mais une catastrophe pour les consommateurs de pétrole qui vendent en euros, comme Air France. L’augmentation des taux va par ailleurs accroître la tension sur les spread entre des pays en Europe dont les comptes publics sont en état très différents, et fragiliser un équilibre déjà très instable.

    Le gouvernement français ne peut continuer à financer sur fonds publics, c’est-à-dire par la dette (qui a atteint des « niveaux d’alerte »), un semblant de solidarité qui cache un gouffre antérieur à la crise ukrainienne et même antérieur à la crise pandémique, dans un contexte d’accroissement des inégalités que sa politique économique a largement contribué à favoriser. C’est la limite d’un vain « quoi qu’il coûte » en vigueur bien avant la lettre. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’accord trouvé en juillet 2021 entre les membres de l’Euroland avait été si difficile à trouver.

    Les divergences entre Européens éprouvent leurs limites. Si dans l’ex-zone mark, les discordes sont feutrées et policées, cela ne réduit en rien la violence ni l’âpreté des débats.

    L’Allemagne joue à l’interface modératrice entre les « pays frugaux » et ceux du « Club Med ». Avec une précision : sa modération tient surtout au poids de ses intérêts en Europe auxquels l’explosion de l’Euroland porterait un préjudice irréparable.

    Les crises se cumulent et se renforcent : en France et en Grande Bretagne par exemple la crise géopolitique a dégénéré en crise politique qui introduit de l’incertitude et donc renchérit le coût du crédit. La gouvernance politique aussi (qui en doute ?) est cotée à l’argus.

    Un peu d’histoire

    Le gaz est pour la deuxième fois au coeur de la géopolitique mettant aux prises la Russie, l’Europe et les Etats-Unis.

    Au début des années 1980, pour des raisons identiques, Washington a pesé sur l’Europe pour la détourner du gaz russe. Pour cela il lui avait interdit de fournir à la Russie les turbines nécessaires à l’acheminement du gaz sibérien vers l’Europe de l’Ouest. Les Européens étaient passés outre en 1980. Aujourd’hui, ils se couchent avec panache et subissent.

    Le contexte n’est évidemment plus le même.

    Par ailleurs, il n’est pas moins abusif, quoi qu’on pense de la Russie, de ses dirigeants et de l’opération militaire qu’ils ont entreprise en Ukraine, de constater que les Européens, pour une large part, sont responsables des problèmes auxquels ils sont confrontés.

    Les décisions prises sanctionnant la Russie sont pour le moins irréfléchies et mal préparées. Pourquoi en est-il ainsi ? Pas parce que les Européens sont incompétents, mais parce que les décisions ont été prises et conduites non à Bruxelles mais unilatéralement (comme il se doit dans les Empires) à Washington où seuls les intérêts de l’Oncle Sam et de ses transnationales comptent.

    Les Etats-Unis n’ont aucun problème d’énergie. Ils en produisent et en exporteront bien davantage. Les Européens passeraient ainsi d’une « dépendance » (qui alimente le moulin propagandiste occidental) à l’égard de Moscou à une dépendance historique et bien réelle à l’égard de Washington. Avec le sacrifice de la protection de l’environnement en pertes et profits (Qui a pensé à en converser avec L. Fabius et F. Hollande, les parrains de la Cop21 ?)

    Moscou dit « merci » à Washington

    1.- Depuis le début de cette crise, la Russie ne souffre pas d’une chute des quantités vendues, bien au contraire, car elle est compensée par une hausse des prix unitaires.

    Prix du gaz en euros par MWh.

    Années 2010 : 5-15€

    2021 : 30€

    Avant le 24 février 2022 : 70-80€

    15 juin 2022: 130€

    17 juin 2022 : 150€

    11 juillet 2022 : 170€

    Cela impacte le prix de l’électricité vendue actuellement entre 200 et 400€ le MWh sur les marchés européens.7 Ces événements vont continuer d’exercer une très forte pression sur les prix. Si les consommateurs sont relativement préservés (autour de 70€ le KWh), ce sera au prix de l’endettement collectif qui, par ricochets, va engendrer d’autres problèmes.

    2.- – Lors de son séjour en Pologne, le 26 mars, Joe Biden s’est permis un jeu de mots sur la devise russe. «Le rouble (ruble, en anglais) est pratiquement, immédiatement réduit à l’état de ruine (rubble, avec deux «b», en anglais).

    Après s’être effectivement effondré fin février/début mars, le rouble vaut bien plus aujourd’hui qu’il ne valait avant le 24 février ainsi qu’on peut le constater sur le graphique ci-dessous. La maestria de la très discrète présidente de la Banque Centrale russe a été universellement saluée, y compris par ses adversaires.

    Il tombe sous le sens, que « l’opération spéciale », sous toutes ses facettes, a été étudiée, préparée minutieusement avant le 24 février. Et cependant, bien d’autres aspects ont échappé aux architectes moscovites… La surprise est le moteur de l’histoire, répétait à satiété Max Gallo et ses émules qui confondent tactique et stratégie.

    LCI, S. 09 juillet 2022

    3.- Loin de réduire les recettes extérieures de la Russie, les sanctions les ont substantiellement accrues. Elles n’ont jamais été aussi florissantes.8

    2021 = 221 Mds€

    2022 = 267 Mds€ (estimations soit une hausse de 20,8%) (Source : Bloomberg)9

    Ironie : ce sont ses clients occidentaux qui financent la guerre russe en Ukraine.

    4.- – La popularité de son président est enviable : plus de 75% selon des enquêtes indépendantes. Les contestations (réprimées) demeurent très marginales. A l’Ouest, fourvoyé dans des explications emberlificotées, on a renoncé à le nier.

    5.- Sur le terrain, les armées russes grignotent kilomètre carré par kilomètre carré, lentement mais sûrement. Face au « rouleau compresseur », le moral des troupes décline, les désertions se multiplient (https://www.independent.co.uk, BFMTV, J. 09/06/2022 à 14:13).

    6.- Les pressions américaines sur l’Indonésie pour ne pas admettre le ministre russe des Affaires étrangères à Bali la semaine dernière et refuser d’inviter le président V. Poutine à la réunion du G20 en novembre, ont fait chou blanc : un vrai camouflet pour Washington. La Russie est chez elle parmi les BRICS et une bonne partie du reste du monde.

    7.- La même tentative pour faire exploser l’OPEP+, afin de compenser la chute des achats de pétrole russe, a lamentablement échoué. Cet échec explique en partie la flambée des cours et ses conséquences. Plusieurs fois reporté, le prochain voyage de J. Biden en Arabie Saoudite parviendra-t-il à réparer les confusions de la politique proche-orientale des Etats-Unis ?

    Il faut observer que la Russie n’a pas d’autre choix. Sous pression américaine, les Européens ont adopté une stratégie qui ne lui laisse aucune marge de manoeuvre.

    Toutes les décisions occidentales -répétons-le- concourent au même objectif à terme : réduire et interrompre les achats de gaz à la Russie. Cette dernière prend son destin en main et anticiperait une rupture au moment où les circonstances sont à son avantage avant qu’elle ne le deviennent à son détriment, mettant ainsi ses « ennemis » face aux conséquences de leurs décisions.

    Fin mars, avec le retrait des troupes russes des environs de Kiev, en Ukraine, aux Etats-Unis et en Europe, on s’est félicité de la « résistance et de la bravoure du peuple ukrainien contre ses envahisseurs » qui auraient été sous-estimées par leurs agresseurs. Inversement, de nombreux observateurs se demandaient si « l’armée russe n’avait pas été surestimée »10

    Emporté dans une course folle vers des sanctions de plus en plus sévères, de plus en plus dures, Washington a entraîné l’Europe dans une équipée qui menace de tourner au fiasco.

    Ces sanctions ont-elles efficaces ? Certainement. Mais ce sont les économies européennes qui en ont font les frais. On peut ne pas aimer V. Poutine, mais personne ne peut le nier.

    Naturellement, si l’on se fie aux commentateurs totalement alignés sur Kiev, Washington et Londres, il faudra être patient. La Russie accuse déjà et accusera encore plus au début de l’automne prochain, disent-ils, les impacts des « sanctions sans précédent » que J. Biden annonçaient fin mars. Et Kiev commencera alors à reprendre les territoires qu’il aura perdus…

    Peut être…

    Divisions occidentales

    1.- L’Allemagne en procès.

    Le procès lui est fait tous les jours. Ses voisins, notamment français, se réjouissent en silence du premier déficit commercial allemand enregistré en mai, le premier depuis le début des années 1990.

    Fin mai 2011. L’Allemagne officialise la fermeture de ses centrales. Fin 2022, l’Allemagne sera complètement sortie du nucléaire. Et malgré la crise ukrainienne, elle déclare ne pas vouloir prolonger les centrales actuelles.

    2011, c’est l’année de l’inauguration de Nord-Stream.

    L’Allemagne ne s’est jamais dotée de capacités d’accueil du GNL ce qui transforme l’achat du gaz de schiste américain en hypothèse de travail.

    La construction de Nord-Stream 2 avait été décidée pour contourner des pays sous contrôle américain : la Pologne et l’Ukraine. Russes et Allemands, sans outrager l’histoire et les nations et en revenir au pacte Ribbentrop-Molotov (août 1939) qui avait ,quoi qu’on dise, un autre objet, la Pologne a toujours constitué un obstacle pour les deux pays.

    Malheur aux plats pays !

    Aujourd’hui, elle est un cheval de Troie utilisée par Washington (d’abord pour oeuvrer à la chute de l’URSS ensuite) pour peser sur les décisions dans l’Union Européenne, avec l’aide des autres ex-PECO.

    Les derniers propos de Lech Walesa le confirment sans ambiguïté.

    La prétendue dépendance à l’égard du gaz et donc de Moscou est une histoire à dormir debout, un argument polémique. Chacun savait à quoi s’en tenir.

    Il est un fait que Allemands et Russes collaborent de manière optimale dans l’intérêt des deux pays. Le couple de chanceliers qui se sont succédés (A. Merkel et G. Schröder) ont peaufiné une coopération parfaitement complémentaire et mutuellement avantageuse, à laquelle se sont rattachées les « Routes de la soie » (Belt and Road Initiative, BRI) chinoises.

    Exemple de BASF : « C’est une dépendance historique puisque BASF a fondé avec Gazprom une filiale en Allemagne et que c’est une filiale qui a été ‘win-win’, c’est-à-dire qu’elle avait acheté du gaz russe par cher justement pour la chimie, puisque la chimie a besoin de beaucoup de gaz, et de l’autre côté, elle aidait Gazprom dans des technologies complexes. Et les Allemands ont une technologie basée sur des produits BASF pour essayer d’extraire ce gaz » (RFI, D. 03 juillet 2022)

    A. Merkel persiste et signe : « Je ne me fais aucun reproche. Je ne m’excuserai pas » (Les Echos, le mercredi 08 juin 2022). L’erreur serait de croire qu’il n’y avait que la chancelière pour prendre les décisions. On n’est pas en Allemagne sous le régime de la Vème République, avec un président omnipotent qui, sur son nuage jupitérien, fait la pluie et le beau. Derrière Mme Merkel, il y a des résolutions issues d’une multitude de décideurs (industries, banques, länder, syndicats…), de concertations étroites et sérieuses, scrupuleuses appliquées.

    Derrière la chancellerie, il y a l’Allemagne dans la diversité et la complexité de ses rapports de forces. En sorte que s’attaquer rétrospectivement à A. Merkel pour se venger et en diminuant le mérite et le succès de sa longue présence à la tête de l’exécutif allemand, est non seulement injuste, pitoyable mais aussi contreproductif.

    Les Etats-Unis et les autres atlantistes européens n’ont pas eu tort d’interpréter dans cette émancipation, le danger d’un déséquilibre, d’une fragilisation du lien atlantique avec un centre de gravité continental qui menaçait de basculer vers l’Eurasie, vieux projet de V. Poutine, et une marginalisation des Etats-Unis.

    Washington attendait Pékin dans le Pacifique. Mais les Chinois déplacent leurs pions en Afrique, en Amérique Latine et entrent en Europe via Moscou et Berlin ainsi que par les ports méditerranéens italiens et grecs.

    On ne peut comprendre la crise ukrainienne sans ces rappels géostratégiques.

    2.- Il n’y a qu’une morale : celle des intérêts des acteurs

    L’ironie a voulu que, ce dimanche 10 juillet, ce soit le Canada qui consente à une exemption aux sanctions infligées à la Russie pour que Siemens fournisse à Gazprom les turbines russes nécessaires à la maintenance du gazoduc Nord Stream 1 et aussi -fait-on dire à Berlin- pour enlever aux Russes le prétexte de cesser de fournir le gaz à l’Allemagne.

    Bien que V. Poutine possède un art consommé du contre-pied, cette hypothèse est peu probable.

    Le président Volodymyr Zelensky a violemment accusé le Canada de saper les sanctions contre la Russie et convoque l’ambassadeur canadien pour le tancer. Il n’a pas tort.

    La colère du président ukrainien surprend. Mais pour la comprendre il faudrait considérer un autre aspect de la question, à raison plus préoccupant pour lui.

    La levée ponctuelle de la sanction indique à ses yeux que lorsque les intérêts occidentaux sont en jeu, ceux de l’Ukraine deviennent secondaires.

    Mieux : cette décision canadienne confirme que la défense de l’Ukraine n’est qu’une facette mineures d’un conflit plus vaste opposant Russes, Chinois et Américains.

    Comme pour confirmer ses craintes, le gouvernement allemand (ministre des finances) a décidé de bloquer la fourniture d’une aide à l’Ukraine de 9 Mds€ que l’UE avait votée.

    Un arbitre, le temps

    Chaque camp a fait ses calculs et lancé ses dés. Rien ne va plus !

    Qui va céder en premier ?

    Fin mars, on attendait à l’Ouest que le peuple russe chasse ses autocrates ou qu’une révolution de palais en débarrasse le Kremlin et négocie une reddition en bon ordre.

    En juillet, la peur a changé de camp. Les gouvernements européens s’inquiètent de la montée du mécontentement. Malgré une mise en scène médiatique constamment et résolument monocolore (au point que les téléspectateurs les plus « compréhensifs » expriment leur incompréhension…), les sondages, discrètement mis sous le boisseau, annoncent et confirment une pression populaire sur des gouvernements qui tentent de l’endiguer.11

    En Allemagne on ne cesse de s’interroger : comment le SPD et les Verts en sont-ils arrivés à troquer le gaz (énergie relativement peu polluante, fiable, et pas chère) contre le charbon et le gaz de schiste américain dont on connaît les coûts très élevés sur l’économie et l’environnement…12 L’atlantisme des Verts aurait-il pris le dessus sur leurs convictions ?

    La même question est posée à la France, à l’Italie, à la Grèce, à la Bulgarie… où la réouverture de centrales à charbon est programmée.

    Comment faire avaler cela à leurs opinions publiques, en plein réchauffement climatique ?

    Malgré la multiplication des fournitures d’armes de plus en plus sophistiquées et la présence de « forces spéciales » occidentales aux côtés de l’armée ukrainienne (secret de Polichinelle) ainsi encadrée et informée, le front ukrainien n’annonce aucune victoire imminente.

    Certains, y compris aux Etats-Unis, songent déjà à une stratégie de rechange : concessions territoriales, adoucissement des sanctions… avec ce mot terrible de « négociations » qu’habituellement seuls les vainqueurs osent lâcher en position de force et que les vaincus n’envisagent qu’en état de reddition et qu’en reconnaissance de défaite.

    Le problème est qu’une victoire russe et un triomphe poutinien sont actuellement inconcevables car ils signifient bien plus qu’une défaite de l’Ukraine. Les Etats-Unis se sont beaucoup trop engagés pour envisager un retour aux conditions initiales.

    Plus qu’une humiliation, ce serait un désastre aux conséquences géostratégiques incalculables et donc inenvisageables.

    L’opération « Ukraine » avait pour objet de consolider l’axe atlantique. Or, si l’opération échoue, il en sortira fragilisé, à la portée d’une Chine qui, discrète, tapie dans l’ombre, observe, compute le coup suivant et le parti qu’elle pourrait en tirer.

    Le gaz et le pétrole ont une espérance de vie de quelques décennies.

    Mais la Chine, elle, a tout son temps…

    Le bric-à-brac que forme le Tiers-monde est dans les gradins occupé à compter les coups. Perplexes, interrogatifs, les peuples qui forment ce versant disparate de l’univers ne savent que penser de ce conflit et surtout de ce qu’il adviendra d’eux, quels que soient les vainqueurs, si vainqueurs il y avait un jour.

    Mais s’ils ne sont pas définitivement et résolument aux côtés de Moscou, rien ne les y contraints, ils savent avec certitude qu’ils ne sont pas aux côtés de Washington et des restes des anciens Empires coloniaux.

    Les Africains observent la sollicitude de l’accueil diligent et aimable qui est fait aux millions d’Ukrainiens qui fuient la guerre.

    Ils le comparent au sort qui est fait à leurs ressortissants, aux discours, aux représentations… et aux Murs qui s’érigent un peu partout autour de l’Occident.13

    Comment peut-on célébrer et conforter une civilisation à portée universelle avec une mentalité de rentiers barricadés ?

    La crise en cours facilite le calcul économique dans les pays du sud producteurs d’hydrocarbures. Les décideurs seraient tentés par l’éphémère administration habituelle des conflits structurels : un saupoudrage social pour éviter les hirak (ou le chaos Sri Lankais en cours) et le champ ouvert aux « oligarques » indigènes pour continuer à parasiter le bien public, justifié par le discours illusoire sur la « liberté individuelle créative de richesses à venir ».

    Notes

    1- Certains évoquent à tort la baisse de la consommation en été. Les transports et l’activité de cessent pas en été. De plus, si on ne chauffe pas, il y a un recours de plus en plus important à la climatisation, d’autant plus que le réchauffement climatique provoque des canicules de plus en plus fréquentes et extrêmes.

    2- Lorsque les dirigeants ukrainiens manifestent leur désappointement à l’égard des dirigeants allemands, notamment en matière de politique énergétique, ils devraient savoir et mesurer l’étendue de leurs responsabilités.

    3- Le charbon russe représente 45% des importations de charbon de l’UE.

    4- Une liste exhaustive de toutes les sanctions prises contre la Russie depuis 2014 peut être consultée sur les sites :

    -https://www.consilium.europa.eu/fr/policies/sanctions/restrictive-measures-against-russia-over-ukraine/sanctions-against-russia-explained/

    – https://fr.wikipedia.org/wiki/Sanctions contre la Russie.

    5- On trouvera une liste complète de ces pays sur le site https://www.tresor.economie.gouv.fr/services-aux-entreprises/sanctions-economiques

    6- Fortune India (https://actucrypto.info, mercredi 06 juillet 2022).

    7- Philippe Chalmin, spécialiste des marchés des matières premières (LCI, L. 11 juillet 2022, 12h15)

    8- La Russie est le deuxième producteur mondial de pétrole et le premier exportateur de gaz.

    9- Une étude publiée par Bloomberg Economics (1er avril 2022, 10:55) estime les bénéfices extérieurs russes en contrepartie des exportation des seules hydrocarbures pourraient se monter à environ 321 Mds$.

    10- Marianne, V. 04/03/2022. Mardi 08 février 2022 la Tribune titrait « La Russie, une puissance pauvre ». Des experts sagaces argumentaient que son économie souffrait de « grande faiblesse structurelle » et que son PIB égalait à peine celui du Texas.

    11- Un sondage aux Etats-Unis montre l’érosion du soutien à l’Ukraine. A la question « Pensez-vous que les Etats-Unis ne soutiennent pas assez l’Ukraine ? » le taux était positif à 42% en mars. Il n’est plus que de 31% en mai. (Pew Research Center, LCI, D. 10 juillet 2022, 20h24).

    12- Contrairement aux idées reçues, il n’y a pas de hausse tendancielle, ni de baisse tendancielle des émissions de gaz à effet de serre en Allemagne. Il y a une stagnation depuis la fin des années 2000 (après plusieurs années de baisse régulière) et des fluctuations chaque année vers le haut ou vers le bas de l’ordre de 1 à 4 %. L’Allemagne a même été meilleure élève que la France sur l’année 2017 puisqu’elle a enregistré une très légère baisse, alors que la France a vu ses émissions augmenter de plus de 3% ! (https://www.greenpeace.fr, site consulté le mercredi 13 juillet 2022)

    13- Amnesty International, dans son dernier rapport, condamne la Lituanie, sous très étroit contrôle de Washington, pour « racisme institutionnel ». https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2022/06/lithuania-pushbacks-illegal-detention-deception-and-abuses-against-refugees-and-migrants/ (27 juin 2022).

    Le Quotidien d’Oran, 14 juillet 2022

    #Ukraine #OTAN #Russie #Etats_Unis #Union_Européenne #UE #Gaz