Étiquette : grogne sociale

  • Pour contrer la Russie, Biden doit agir en Algérie (Think tank)

    Le président Joe Biden a été clair sur une chose dans son approche de la politique étrangère : cela commence par la Russie. Depuis son entrée en fonction, M. Biden a adopté une ligne dure contre Moscou, dénonçant le régime en public et en privé lors de son entretien téléphonique de janvier avec le président russe Vladimir Poutine. Au cours de son premier mois bien rempli, l’Amérique a rejoint des accords internationaux, affirmé des partenariats stratégiques et repoussé les influences de toutes sortes liées au Kremlin.

    Et l’Algérie ?

    Enterré dans ce fracas, Biden a oublié une autre crise qui couve : l’Algérie. En proie à des soulèvements populaires, à la chute des prix du pétrole, à une absence de leadership et à un effondrement économique, le plus grand pays d’Afrique est aujourd’hui menacé d’effondrement total. Son président, Abdelmadjid Tebboune, a dissous le parlement le 18 février dernier, reconnaissant apparemment ce fait. La situation est synonyme de chaos à de multiples niveaux, et il n’existe aucune voie claire permettant à Alger de corriger sa trajectoire.

    À moins que les États-Unis ne lui viennent en aide. Les difficultés de l’Algérie offrent à Biden une occasion audacieuse de remettre à zéro le pivot africain malheureux de l’administration Trump et de lui prêter main forte. Néanmoins, Washington semble indifférent. Biden a effectivement mis la politique nord-africaine en veilleuse, se concentrant plutôt sur la lutte contre le Kremlin.

    Il y a juste un problème : battre le Kremlin et aider l’Algérie sont la même chose. En fait, l’un ne peut guère se faire sans l’autre. En ignorant l’Algérie, Biden tombe dans un piège mortel, qui pourrait mettre en péril la région et amener les troupes russes directement aux portes de l’OTAN. Si les États-Unis n’agissent pas, Moscou consolidera son influence et déclenchera une course aux armements périlleuse en Afrique du Nord.

    La stratégie de la Russie

    Cette course est déjà en cours, et la Russie a pris de l’avance. L’Algérie achète 85 % de son matériel à des entrepreneurs russes, ce qui en fait le plus gros acheteur d’armes de Moscou en Afrique. Depuis le 30 janvier, les Algériens ont commencé à recevoir le vaccin Sputnik-V de fabrication russe dans le cadre de leur campagne contre le COVID-19.

    Malgré cela, la Russie s’est montrée remarquablement inerte dans le contexte des problèmes intérieurs de l’Algérie. Elle n’a pas aidé l’industrie algérienne des hydrocarbures en pleine implosion, qui représente plus de 96 % de ses exportations totales. Elle n’a pas engagé le Hirak, un mouvement de protestation national qui s’oppose à l’élite politique algérienne. Enfin, elle n’a pas contribué à soutenir l’infrastructure de santé publique algérienne, extrêmement vulnérable et frappée par une pandémie.

    En d’autres termes, la Russie a bradé l’Algérie. Alors que les dirigeants algériens tentent désespérément de récupérer les acquis d’avant la pandémie et de stabiliser les institutions nationales, Moscou laisse l’Algérie se diriger vers un abîme politique dévastateur. Selon Al Monitor, « il reste à l’Algérie environ un an avant qu’elle ne frappe le mur ».

    Ce n’est pas un hasard. Au contraire, l’effondrement de l’Algérie produirait précisément le résultat souhaité par Poutine : l’amener dans l’orbite militaire de la Russie. Moscou a déjà montré sa volonté d’interférer à l’étranger dans la poursuite de ses objectifs. Grâce à des incursions militaires impitoyables en Libye, le Kremlin a englouti les réserves pétrolières locales et a poursuivi son lent empiètement sur l’Europe occidentale depuis l’autre côté de la Méditerranée. Si l’Algérie tombe, cet encerclement se poursuivra. Poutine pourrait à nouveau saisir l’occasion de déployer des soldats, de sécuriser les puits de pétrole et de s’emparer de l’énorme cache d’armes, projetant ainsi sa puissance au cœur des opérations de l’OTAN.

    Perspectives d’avenir

    Les enjeux sont clairs : sans action préventive, la nouvelle route de Moscou vers l’Europe occidentale pourrait passer par Alger. Pour empêcher cela, les États-Unis doivent trouver un moyen d’aider l’Algérie tout en exploitant l’influence stratégique de leurs alliés. En d’autres termes, ils doivent travailler aux côtés de l’Italie et de l’Espagne, deux des plus grands importateurs de pétrole de l’Algérie. L’Italie et l’Espagne peuvent exercer une pression commerciale et forcer Tebboune à revenir à la table des négociations.

    Là, Biden doit mettre un frein à l’ingérence de l’Algérie dans les affaires russes. Il doit surmonter la réticence de l’Algérie à négocier avec Washington. Enfin, il doit exiger la participation permanente de l’Algérie à la communauté mondiale par le biais d’organismes soutenus par les États-Unis, comme l’Organisation mondiale du commerce.

    Les Algériens risquent de rechigner devant les mesures d’austérité draconiennes qui pourraient être imposées comme condition d’adhésion. Cependant, elles ne sont pas à la hauteur de l’aide solide que l’Amérique pourrait fournir en échange de la coopération de Tebboune. Avec le choix récent de Biden d’élever l’Agence américaine pour le développement international au rang de Conseil national de sécurité, l’Amérique est prête à faire précisément cet investissement, comme elle le doit.

    Les États-Unis ont besoin d’une politique ferme, coordonnée et efficace pour stabiliser l’Algérie et freiner l’avancée furieuse de la Russie en Afrique du Nord. Sans cela, l’objectif de Biden de contenir Poutine ressemble aux profits pétroliers de l’Algérie : les deux sont irrémédiablement perdus.

    Global Risks Insights, 25 mai 2021

    Etiquettes : Etats-Unis, Algérie, Russie, proie à des soulèvements populaires, chute des prix du pétrole, vide de leadership, effondrement économique, crise économique, crise politique, pandémie, Hirak, manifestations, grogne sociale,

  • Algérie: La grogne sociale, des questions qui s’imposent (Edito de Ouest Tribune)

    Lorsque on voit la situation générale du pays au «télescope», on peut s’avancer sur le fait que le front social n’est pas, à proprement parler, en ébullition. Les Algériens constatent l’inflation ambiante, mais en reste au seul constat. Ils savent qu’ailleurs dans le monde, la situation n’est pas du tout reluisante. Mais si l’on utilise un «microscope» et que l’on s’intéresse à des catégories socioprofessionnelles précises, on peut très facilement identifier une grogne grandissante et un malaise qui en dit long sur une sorte de colère sociale qui peut converger et s’exprimer publiquement. Le récent mouvement de grève sauvage des postiers et l’un des signaux qui ne trompent pas sur une insatisfaction. Plus proche de nous, les enseignants qui ont «osé» perturber un examen national, fut-il «blanc». Il ne s’agit pas de n’importe quelles épreuves, puisqu’il s’agit de la dernière marche avant le baccalauréat. C’est sans précédent dans les annales de l’éducation nationale. Les enseignants décrivent des conditions de rémunération en contradiction totale avec les discours des pouvoirs publics quant à la satisfaction des revendications salariales des travailleurs du secteur.

    L’audace des enseignants en appellera probablement d’autres. Ils ont ouvert une sorte de boite de pandore de la revendication socioprofessionnelle. A part cette action qui fait craindre le pire au baccalauréat dans sa version officielle, on est en droit de se poser la question de savoir, combien de travailleurs sont dans la même situation que les employés de la Poste et de l’Education nationale ? Il faut dire que régulièrement, nous voyons des mouvements de protestation émerger ici et là. Pour tout le monde, c’est la même rengaine : un travailleur aux portes de la retraite avec un salaire inimaginable au 21e siècle. C’est dire que l’inflation dont on a tellement parlé aurait pu être autrement plus importante si le gouvernement avait laissé filer la planche à billet.

    Les profs sont la preuve par quatre que la politique salariale du gouvernement a quelque chose de déséquilibré, au sens où l’on augmente une partie des salariés, sans contrepartie de productivité, ce qui provoque une grosse inflation qui plonge les «laissés pour compte» dans le désarroi. Il est clair que ce débrayage n’est autre que l’effet boomerang d’une crise économique aggravé par une situation sanitaire compliquée. La grogne sociale n’est-elle qu’à ces débuts?

    Par Nabil G.

    Ouest Tribune, 25 mai 2021

    Etiquettes : Algérie, grogne sociale, crise sociale, inflation, La Poste, enseignants,

  • Algérie/ Un terrain boueux (Edito du Quotidien d’Oran)

    par Abdou BENABBOU

    La giclée des revendications salariales émanant en même temps de plusieurs secteurs d’activités de la vie nationale met le gouvernement dans une situation embarrassante. Son inconfort et ses préoccupations risquent de s’étaler dans la durée car à l’horizon les clignotants n’annoncent pas des jours meilleurs. On observera que les remous dus à l’exigence d’une amélioration salariale parviennent surtout de la fonction publique et ses assimilés. Le reste, niches de revendications éparses, provient d’un secteur productif privé et public, s’en tient à la réclamation des impayés de salaires et n’en est pas à la demande de leur augmentation.

    Les deux approches différentes indiquent on ne peut mieux la difficulté pour les autorités gouvernementales d’atténuer la colère de la rue ne pouvant qu’appeler à la sagesse et à la pondération. Les syndicats sont dans leur rôle revendicatif et on ne peut leur reprocher de faire de la politique quand ils n’en font pas en développant leur impatience sans ménagement et sans tenir compte de la complexité de la situation économique du pays.

    L’actuelle sécheresse du monde productif, que l’alliance des crises économiques et sanitaires ont imposée, rend l’équation présente difficile à résoudre. Qui se nourrirait de qui quand le cordon qui liait le monde productif et censé lui servir de compagnon de route obligatoire est coupé ? Lequel est nourricier de l’autre et tant qu’à faire, quand le pétrole sera tari de quoi le Trésor public sera alimenté ?

    En chutant de façon spectaculaire, le dinar n’arrête pas de livrer des effets corrosifs sur une population qui pense à tort que le remède à son impossibilité à vivre décemment se résume à une histoire de salaires. Car personne n’est dupe. Quand on parle de meilleures conditions de travail, il s’agirait d’abord d’améliorer la fiche de paie. On ne se rend cependant pas compte de la mue profonde qui s’opère dans la société algérienne. L’enseignement se privatise de plus en plus, la santé aussi et il n’est pas écarté que la fonction publique change de veste pour se plier à une privatisation qui viendra s’installer pour se mettre à l’air du temps déjà annoncé.

    Si les enseignants, les médicaux, les postiers et un pan important de la fonction publique semblent occulter les très sérieuses contraintes de l’heure, pour le gouvernement il doit être question de priorités. Sauver les entreprises de production en grande difficulté presque toutes à l’arrêt, faire face au poids des retraites et satisfaire difficilement les émoluments du plus du million de fonctionnaires, est en tout point de vue un exercice pénible dans un terrain boueux.

    Le Quotidien d’Oran, 09 mai 2021

    Etiquettes : Algérie, salaires, situation économique, grogne sociale, revendications, syndicats, partenaires sociaux, chute du dinar, conditions de travail, fiche de paie,