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  • Maroc, Cuba, cigars habanos et Sahara Occidental

    Maroc, Cuba, Sahara Occidental, Cigars habanos, Mohamed Zehraoui, Cuban Habanos Corporation,

    par Miguel Bibe*

    En juin 2021, le tribunal de commerce de Casablanca a invalidé la demande de l’homme d’affaires marocain Mohamed Zehraoui d’utiliser le mot « Habanos », qui appartient à la Cuban Habanos Corporation, sur les cigares fabriqués au Maroc.

    Tout a commencé en 2011 lorsque l’entrepreneur a enregistré la raison sociale Habanos SA au registre du commerce de Casablanca, profitant du fait que la corporation cubaine du même nom n’avait pas enregistré la marque au Maroc.

    Pendant des années, ce n’était rien de plus qu’un nom dans un registre, jusqu’en 2019, lorsque Zehraoui a commencé à fabriquer ses propres cigares localement et à les proposer aux boutiques de luxe. Les cigares étaient appelés Premium, Roberto, Corona ou Romeo (une référence évidente aux cigares cubains Romeo y Julieta), entre autres noms.

    Cuban Habanos Corporation a une grande expérience de la protection de ses marques les plus emblématiques, telles que « Cohíba », « Montecristo » ou « Guantanamera ». Elle s’est trouvée confrontée à une entreprise marocaine qui commençait à produire du tabac sous son propre nom, dans le but de lui ravir une partie du marché international.

    Pendant cette période, Zehraoui insiste sur ses droits à utiliser le nom Habanos SA, qui figure sur le logo de toutes les boîtes et étiquettes de cigares vendus par sa société. Il passe d’ailleurs à l’offensive en intentant une action contre La Casa del Habano, une franchise de la corporation cubaine, qui a ouvert une boutique à Casablanca et « usurpe » le nom qu’il a déposé.

    Une longue bataille

    Dans un premier temps, les tribunaux marocains lui donnent raison et engagent une action contre La Casa del Habano. Mais la Société marocaine des tabacs (SMT), avec le soutien discret de la Corporation Habanos de Cuba, craignant que d’autres entités ne suivent l’exemple de Zehraoui, entame une patiente bataille juridique qui finit par aboutir.

    Zehraoui a également invoqué le conflit sur la souveraineté de la province du Sahara occidental, affirmant que le gouvernement cubain a apporté un soutien financier au Front Polisario, un mouvement rebelle de libération nationale du peuple sahraoui qui revendique le Sahara occidental. Il a déclaré à l’agence EFE : « Si un jour ils rompent avec le Polisario, alors je retirerai le nom de ma société et l’appellerai simplement HaHa ».

    Pendant des décennies, Cuba a été le principal soutien à travers les Amériques du mouvement sahraoui qui cherche à faire reconnaître le Sahara occidental. De plus, pendant la période de ce conflit juridique, Cuba a ouvert une ambassade à Rabat, et il semble que les relations politiques entre les deux pays soient devenues moins tendues. Apparemment, le gouvernement marocain ne s’est pas impliqué dans ce conflit de marque et a choisi de laisser les tribunaux compétents décider.

    « La seule chose qui était claire, c’est qu’il vendait des cigares portant le label Habanos, sous des noms tels que Romeo, Roberto et Corona. »

    Le SMT n’a pas seulement poursuivi Zehraoui pour l’utilisation du nom Habanos, mais aussi pour une prétendue fraude et une fausse représentation des marchandises, alléguant que les usines mêmes où Zehraoui prétendait que les employés façonnaient le tabac sont inexistantes, et qu’il n’y avait aucune trace d’activité.

    La vérité est que Zehraoui lui-même a toujours été très évasif lorsqu’on lui a posé des questions spécifiques concernant son activité commerciale. Par exemple, il a dit que ses champs de tabac se trouvaient « dans le nord du Maroc », sans donner plus de détails, et que son usine était située dans un quartier de Casablanca. La seule chose qui était claire est qu’il vendait des cigares portant le label Habanos, sous des noms tels que Romeo, Roberto et Corona.

    Le 20 juin 2021, le tribunal de commerce de Casablanca a annulé le nom commercial enregistré en 2011 au registre du commerce, a exigé que le nom Habanos SA soit retiré de l’Institut marocain de la propriété industrielle et a ordonné au propriétaire de publier la décision dans deux journaux nationaux, l’un en arabe et l’autre en français, conformément à la décision du tribunal.

    La même semaine, parallèlement au jugement du tribunal de commerce, un autre tribunal de Casablanca a imposé une amende de 40 millions de dirhams (4,47 millions de dollars) à la société de Zehraoui pour diverses infractions liées au non-paiement des droits d’importation, à l’inexistence de documents comptables et à la non-déclaration de la production.

    Cette affaire démontre combien il est important pour les propriétaires de marques connues et prestigieuses de protéger efficacement non seulement leurs marques mais aussi leur nom commercial dans le monde entier, afin d’éviter les longues procédures judiciaires pour rétablir leurs droits.

    *Miguel Bibe est conseil en marques et brevets chez Inventa International. Il peut être contacté à l’adresse suivante : mbibe@inventa.com

    WIPR, 15-07-2021

    Etiquettes : Maroc, cigars, habanos, marque registrée, trade mark, registre du commerce de Casablanca,

  • Maroc-Cuba: cigars, arnaque et politique

    Les cigares marocains ne peuvent plus être appelés cigares de la Havane

    Un jugement a donné tort à l’homme d’affaires qui a enregistré ce nom au Maroc en 2011.

    L’aventure des cigares marocains a été bouleversée cette semaine par un jugement du tribunal de commerce de Casablanca, qui a donné tort à l’homme d’affaires local Mohamed Zehraoui, qui ne pourra désormais plus utiliser le nom habanos pour commercialiser ses « cigares 100% marocains », selon les premiers éléments du jugement.

    Même les cigares de la République dominicaine (le principal concurrent de Cuba dans le secteur) n’ont pas le droit d’utiliser le nom Habanos, mais au Maroc, Mohamed Zehraoui a trouvé une faille en 2011 et a enregistré le nom Habanos S.A. au registre du commerce de Casablanca, profitant du fait que la société cubaine du même nom n’avait pas enregistré la marque dans le pays du Maghreb.

    Pendant des années, ce n’était rien de plus qu’un nom dormant dans un registre, mais en 2019, Zehraoui est passé à l’offensive : il a commencé à fabriquer ses propres cigares sur place et à les proposer à des boutiques haut de gamme, mais il est allé plus loin : il a dénoncé La Casa del Habano, une franchise de la corporation cubaine, pour avoir ouvert une boutique à Casablanca « usurpant » le nom qu’il avait déposé.

    Les tribunaux marocains lui ont d’abord donné raison et ont pris des mesures contre La Casa del Habano, mais la Société marocaine du tabac (SMT), majoritaire dans le secteur, a alors entamé une patiente bataille juridique qui vient de porter ses fruits. Discrètement, et sans être visible, la corporation cubaine Habanos a soutenu les efforts de la SMT, craignant que d’autres hommes d’affaires avisés dans le reste du monde ne suivent l’exemple de Zehraoui.

    Lundi dernier, le tribunal de commerce de Casablanca a annulé le nom enregistré en 2011 au registre du commerce, a exigé que le nom Habanos S.A. soit effacé de l’Office marocain de la propriété industrielle et a ordonné à l’homme d’affaires propriétaire de publier le jugement dans deux journaux nationaux, l’un en arabe et l’autre en français, selon la décision du tribunal.

    Corporación Habanos S.A. s’est refusée à tout commentaire, préférant laisser l’affaire entre les mains de ses avocats.

    Conséquences politiques et mystère industriel

    Croyant peut-être que l’État marocain le soutiendrait s’il revendiquait des intentions politiques, Zehraoui a fait des déclarations laissant entendre qu’il pourrait retirer le nom en échange d’une contrepartie politique. Il a déclaré à une occasion : « Les Cubains financent le Front Polisario. Si un jour ils rompent avec le Polisario, alors j’enlèverai le nom de ma société et je l’appellerai simplement HaHa », a-t-il dit en plaisantant et en toute sincérité.

    En effet, Cuba a été pendant des décennies le principal soutien, sur tout le continent américain, du mouvement sahraoui qui cherche à obtenir l’indépendance de son pays vis-à-vis du Maroc, bien qu’elle ait désormais une ambassade ouverte à Rabat et ne soit plus un ennemi déclaré du Maroc.

    Mais le gouvernement marocain n’a pas voulu entrer dans ce conflit de marque et a laissé les tribunaux faire leur travail : la SMT a non seulement dénoncé Zehraoui pour l’utilisation du nom, mais aussi pour un prétendu délit de fraude et de faux, car elle allègue que les usines mêmes où les employés de Zehraoui moulaient le tabac n’avaient aucune vie réelle, ni aucune trace d’activité.

    Il faut dire que Zehraoui lui-même a toujours été très évasif lorsqu’on lui posait des questions précises : il a dit que ses champs de tabac se trouvaient « au nord du Maroc », sans plus de détails, et que son usine était située dans un quartier de Casablanca.

    La seule chose qui soit claire comme de l’eau de roche, c’est qu’il vendait des cigares dont les vitoles portaient la mention Habanos S.A. et des noms comme « Romeo » (sans « Julieta »), « Roberto » ou « Corona ».

    Cette même semaine, parallèlement au jugement du tribunal de commerce, un autre tribunal pénal de la même Casablanca a condamné la société de Zehraoui à une amende de 40 millions de dirhams (4 millions d’euros) pour diverses infractions liées au non-paiement des droits d’importation, à l’inexistence de documents comptables et à la non-déclaration de la production, selon le jugement révélé par le journal numérique Medias24, qui a suivi de près la plainte.

    Mohamed Zehraoui et son fils Moulay Omar (propriétaire nominal de la société) sont apparus à profusion dans divers médias ces dernières années, mais tous les reportages avaient un parfum suspect de publicité. Personne n’a jamais pu voir les champs de tabac ou les usines. En fin de compte, le soupçon demeure que tout s’est joué sur un nom.

    20 Minutos, 20 juin 2021

    Etiquettes : Maroc, Cuba, cigares, habanos, Sahara Occidental, Front Polisario, arnaque, marque déposée,