Étiquette : Hirak

  • Maroc: A Jerada, du Hirak à la Commune-Enass-

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    Après des années de luttes sociales, les habitants de Jerada ont décidé de prendre la Commune. ENASS vous raconte le récit d’une victoire populaire et les premières semaines d’un conseil municipal qui cristallise toutes les attentes. Les leaders du mouvement protestataire de 2017 ont été élus à la tête du Conseil municipal de Jerada (530 km de Rabat), ancienne ville minière dans l’est du Maroc. Le 24 septembre dernier, Abdellah Derouich, 37 ans, devient le nouveau président du conseil communal de Jerada. Ce militant du Hirak remplace la notable Mbarka Toutou, du PAM. C’est la première expérience politique de cet enseignant du primaire, qui boycottait jusqu’à-là les élections.

    Avec cette nouvelle dynamique, les habitants veulent tourner la page de plusieurs années de tensions sociales et de répression de leur mouvement. Ils s’offrent une lueur d’espoir pour sauver leur ville. L’expérience menée dans cette même ville de 43 000 habitants, s’annonce inédite au Maroc. Elle sera scrutée par le pouvoir central à Rabat comme par les observateurs de la vie politique et sociale. Les militants devenus élus auront cinq ans pour faire renaitre Jerada de ses cendres.

    Le Hirak change de stratégie

    Le 8 septembre, la ville a voté massivement pour la liste des jeunes qui représentait le mouvement de la protestation de 2017. Cette mobilisation populaire et massive est née après la mort de deux mineurs dans une galerie de charbon clandestine. Ce mouvement dénonçait l’abandon de cette ville sinistrée. Il revendiquait « une alternative économique » aux mines fermées depuis 1998.

    Comme le Hirak du Rif, les protestations ont été sévèrement réprimées par les autorités, les leaders du mouvement ont été tous arrêtés et condamnés, avant d’être graciés par le roi Mohammed VI.Cette approche classique, et qui semble efficace, pour laquelle le pouvoir marocain opte pour faire taire tout mouvement de contestation locale. Mais les militants du Hirak ont décidé de changer leur fusil d’épaule. Ils ont choisi de participer à la gestion de leur ville.

    Les militants du Hirak constituent une liste pour participer aux échéances électorales du 8 septembre dernier sous les couleurs du Parti du progrès et du socialisme (PPS). La liste du Hirak rafle 27 sièges sur les 30 en jeu dans le conseil municipal. Cette liste s’offre ainsi 90% des sièges. Cette victoire leur a garanti une majorité confortable au sein de la Commune, ainsi qu’un siège au sein du Conseil de la région de l’Oriental, et même la présidence du Conseil provincial, en plus d’un élu à la Chambre professionnelle. En somme, un plébiscite populaire pour le Hirak et ses militants.

    Le chemin vers cette victoire passé par la nécessité de convaincre les militants de choisir une casquette politique pour participer aux élections. La plupart des jeunes du Hirak avaient des réserves envers des partis, comme une bonne partie de la population du Maroc. Seule une minorité était proche des partis de la gauche radicale.

    Démocratie directe

    Ce processus a duré quatre mois. Il a été divisé en trois étapes : Délibération population, rencontres politique et sélection des candidats.La première phase consacrée à la délibération populaire sur soit la participation ou le boycott des élections. De aziz Boudchich, ex-détenu du Hirak revient sur ce process qui s’apparente à un exercice de démocratie directe : « Dans les quartiers, la parole a été donné aux habitants. Chaque quartier avait désigné un coordinateur, qui organisait des sessions de Libre Débat. Il s’agissait de ressusciter les mêmes méthodes utilisées durant le Hirak de 2017 », explique-t-il.Après deux mois de discussions, il y avait un consensus pour participer aux élections. « C’était la tendance générale chez la population et il fallait l’accepter, quel que soit nos positions concernant les élections et les institutions », poursuit ce leader du mouvement.

    La population avait son mot à dire dans ces négociations. « C’est la population qui nous a convaincu de nous présenter. Ils ne voulaient plus voir les mêmes visages dans la gestion de la commune. Çela n’avait pas de sens après le Hirak et après tant de sacrifices que les mêmes personnages restent aux commandes », rappelle le nouveau président de la commune.

    Même son de cloche d’Aziz Boudchich, ex-détenu politique et figure de proue du mouvement de protestation qui avait purgé deux ans de prison à la suite de sa participation au Hirak.« Les gens sont venus chez nous pour nous inviter à ne pas boycotter ces élections, car une telle décision conduirait inévitablement au maintien des figures honnies à la gestion de la chose publique de la ville. La population voulait participer», insiste-t-il dans un entretien téléphonique, avec ENASS.Bien qu’il soit privé de ses droits politiques (voter ou se porter candidat aux élections), cette situation n’a pas empêché Boudchich de mener campagne pour ses camarades.

    Puis une deuxième étape a été marquées par des rencontres avec des responsables de partis politique qui avaient exprimé des positions favorables au Hirak. Trois partis ont été exclus dès le départ de ces rencontres (RNI, UC et Istiqlal) en raison de leurs positions hostiles à ce mouvement social.

    Finalement, les habitants acceptent l’offre du PPS jugée « la plus intéressante », décrivent plusieurs sources interrogées par ENASS.D’ailleurs, le SG du PPS, Nabil Benabdallah leurs a donné « une carte blanche et a présenté toutes les garanties nécessaires pour préserver l’indépendance de cette expérience », poursuivent les mêmes sources. A partir de cet accord, les militants contribuent à restructurer les sections locales et régionales du PPS.

    La troisième phase a été dédiée au choix des candidats. Les militants du Hirak se sont retrouvés logiquement en tête des listes municipales et régionales, après l’aval des habitants. Mustapha Adaanine, une des figures du mouvement de contestation retrace cette étape : « Après avoir informé les habitants des offres politiques qu’on a reçu, c’était le tour de chaque quartier de proposer des candidats, des profils populaires et appréciés. Une fois choisi, le candidat ne peut pas dire non, il fallait respecter la tendance générale ». Les candidats choisis sont jeunes (50% des élus ont moins de 35 ans) et disposant d’un niveau universitaire (56% sont diplômés de l’enseignement supérieur). Un record national ! Seul bémol, la faible participation des femmes élues qui ne dépassent pas les 17% parmi les élus au Conseil.

    Said Marzougui, fonctionnaire à la commune de Jerada fait partie des personnes choisies par son quartier. Il a été désigné comme tête de liste aux législatives. Ce fonctionnaire nous raconte cette expérience politique : « J’étais un simple sympathisant du Hirak, mais mon nom a été proposé plusieurs fois, j’ai hésité avant d’accepter de faire partie de cette expérience. Mais la population a son dernier mot », résume Marzougui. Le 8 septembre, ce dernier arrive troisième aux législatives. Des résultats qu’il conteste désormais auprès de la Cour constitutionnelle.

    Les autres listes populaires (régionales et municipales) rencontrent un franc succès auprès de la population désireuse d’un souffle nouveau après des années de gestion marquées par une domination des « barons du charbon » sur la ville.

    Attentes et limites

    Passé le temps de l’euphorie, les militants-élus gardent pied sur terre et sont conscients des limites de cette expérience au sein des institutions. Ils ne se font pas trop d’illusions, puisque les prérogatives et les moyens de la commune sont limitées.

    Les nouveaux élus héritent d’un conseil de commune peu doté de moyens financiers et humains, et de surcroit endetté.

    Abdellah Derouich, nouveau président du conseil rappelle le contrat moral qui le lie à la population : « Dès la campagne, on a été franc avec la population. On n’a pas de baguette magique. Les prérogatives des conseils municipaux ne laissent pas beaucoup de marges de manœuvres. Mais on a promis à la population de se battre pour elle, car on lui doit cette victoire. Surtout que les habitants nous ont honoré par deux fois. La première fois en nous proposant dans les listes, et la seconde fois en menant campagne en notre faveur », reconnait-il, avec fierté.

    Les nouveaux élus héritent d’un conseil de commune peu doté de moyens financiers et humains, et de surcroit endetté. Une situation financière délicate qui leur rendra la tâche difficile.

    Place à l’action

    Le nouveau Conseil a voulu donner le ton de son mandat dès le moment de la passation avec l’ancienne équipe dirigeante. Lors du protocole de la passation, le nouveau conseil a signé en émettant des « réserves » sur les dossiers hérités de l’ancien conseil. « On a opté pour ce choix pour éviter tout blocage du conseil. C’est un choix pragmatique, en attendant d’étudier minutieusement les comptes de l’ancien conseil. Durant les trois prochains mois, on va tout évaluer et réviser », confie Abdellah Derouich, président du conseil.

    On a confiance en nos élus, ils pourront changer les choses.

    Mustapha Adaanine, une des figures du mouvement de contestation

    Le nouveau conseil veut d’abord rendre la vie moins difficile aux citoyens de Jerada. Il promet dans un premier temps d’améliorer l’accès à l’information et un meilleur accès aux services administratifs. « On ne peut plus tolérer qu’un citoyen galère pour obtenir un document administratif », insiste Derouich.L’un des objectifs principaux de ce Conseil composé de militants reste la rationalisation des dépenses et d’assurer une bonne gestion des maigres recettes de la ville. « On ne peut pas continuer de la même manière », martèle-t-il.

    Adaanine se veut optimiste : « On a confiance en nos élus, ils pourront changer les choses. La priorité est de rompre avec le détournement et le gaspillage de l’argent public, c’est certes symbolique, mais c’est essentiel pour maintenir la confiance des gens, et leur prouver que leurs voix ont une valeur, que leur Hirak a servi à quelque chose ».

    A la recherche d’investissements

    Dans un deuxième temps, le nouveau conseil encourage des investisseurs à venir s’installer à Jerada en priorité. « Les élus sortants bloquaient l’arrivée de nouveaux investissements. Une minorité de personnes avait le monopole sur la ville et chassait tout nouvel acteur économique. Aujourd’hui, on doit garantir un climat sain pour attirer les détenteurs des capitaux, et pourquoi ne pas penser à signer un code d’honneur avec les investisseurs ainsi que les syndicats, pour garantir un pourcentage d’emplois pour la population locale », propose Boudchich. Dans une ville où le chômage des jeunes atteint un taux préoccupant de 60%, il faut multiplier les activités économiques. « Les projets industriels lancés en 2018 n’ont toujours pas démarré. Sur place Il n’y a que deux usines, c’est très faible », constate l’ex-détenu politique.

    C’est la preuve que la population a une conscience politique.

    Mustapha Adaanine

    « Le nouveau conseil tend la main à tout le monde pour le développement de la ville, et nous espérons une collaboration positive des autorités locales et de l’Etat en général pour changer l’histoire et l’avenir de la commune », lance le président du conseil, armé d’une volonté populaire. Mais pour le nouvel élu, un premier objectif a été déjà atteint : « Barrer la route aux anciens élus et figures corrompus qui ont passé des décennies à mal gérer les affaires de la commune ». Et Adaanine de renchérir : « C’est la preuve que la population a une conscience politique ». La trajectoire des cinq prochaines années nous dira sur la capacité de collaboration entre les autorités et ses élus portés par un plébiscite populaire.

    Imad Stitou

    Ancrage, 10/10/2021

  • Maroc: Suicide d’un activiste du Hirak rifain

    Maroc: Suicide d’un activiste du Hirak rifain

    Maroc, Hirak, Rif, Salah Eddine Chaabout, #Maroc,

    La région du Rif a été secouée mardi par une dramatique nouvelle. L’activiste et ancien détenu politique du Hirak du Rif, Salah Eddine Chaabout, a été retrouvé mort dans un bâtiment abandonné à Beni Ayyach.

    Salah Eddine semble s’être donné la mort suite à une dépression sévère dont il souffrait depuis sa libération en raison de la difficile situation psychologique qu’il a vécue après sa sortie de prison.

    Pour rappel, depuis le déclenchement du Hirak, la marginalisation de la région du Rif a connu une sérieuse montée en guise de punition aux activistes qui avaient demandé une université et un centre oncologique et dont les leaders ont été condamnés à 20 ans de prison.

  • Algérie : le Hirak a-t-il échoué politiquement ?

    Algérie, Hirak, covid 19, pandémie, #Algérie,

    Propos recueillis par Sofian Philip Naceur/RLS

    Entretien avec Prof. Dr. Rachid Ouaissa (Université de Marburg, MECAM Centre Tunis)

    Dr Rachid Ouaissa est professeur au Centre d’études du Proche et du Moyen-Orient (CNMS) de l’Université de Marburg en Allemagne et, depuis 2020, directeur du Centre Merian d’études avancées pour le Maghreb (MECAM) à Tunis. Nous avons discuté avec lui de la situation politique, économique et sociale actuelle en Algérie, de l’échec de l’État à gérer la pandémie de Covid19, des échecs et du potentiel du mouvement de protestation Hirak (en arabe pour « mouvement »), du rôle de la Kabylie, et de la des difficultés sociales et économiques croissantes dans le pays qui devraient être considérées par le Hirak comme une opportunité de se réorganiser et de créer une vision plus tangible pour une Algérie plus juste socialement. L’entretien a été réalisé par Sofian Philip Naceur fin août 2021.

    Le régime algérien a de plus en plus recours à des tactiques répressives contre l’opposition depuis la reprise des manifestations du Hirak en février 2021. Le régime tente de mettre un terme au mouvement de protestation une fois pour toutes. Actuellement, le pays connaît également une autre vague de coronavirus, de loin la pire depuis le début de la pandémie. De quelles options dispose le Hirak pour exercer à nouveau une pression sur le régime après la vague actuelle de Covid-19 ?

    Ouaïssa : Ce n’est en effet pas clair et dépend également des traces que la crise corona laissera derrière elle. La vague corona actuelle est la plus grave que le pays ait connue jusqu’à aujourd’hui. L’échec de l’État à gérer la pandémie est évident. Les hôpitaux sont surchargés et il y a une pénurie généralisée d’oxygène. Les traces du système Bouteflika [l’ancien président algérien Abdelaziz Bouzeflika, en poste entre 1999 et 2019, ndlr] sont désormais encore plus visibles. Il est donc bien probable que le Hirak réagisse à la défaillance de l’État. Presque toutes les familles ont vu des proches mourir. Cela peut contribuer à un potentiel de protestation encore plus grand dans la société algérienne. Par conséquent, je m’attends à ce que le Hirak se concentre davantage sur les demandes économiques et socio-économiques à l’avenir. Dans le même temps, la situation financière de l’État devrait se redresser au moins dans une certaine mesure, comme une augmentation à moyen terme des prix du pétrole devrait se matérialiser. Cependant, les représailles de l’État peuvent également conduire à des intimidations réussies. Pour ces raisons également, le Hirak émergera de plus en plus au niveau régional plutôt que national. La région de Kabylie va certainement continuer à se révolter. Finalement, les gens continueront de descendre dans la rue dans les grandes villes également. Mais je ne crois pas que le Hirak saura réussir à se mobiliser à l’échelle nationale comme il l’a fait en 2019, du moins au début d’une nouvelle vague de protestation qui est encore à venir. La région de Kabylie va certainement continuer à se révolter. Finalement, les gens continueront de descendre dans la rue dans les grandes villes également. Mais je ne crois pas que le Hirak saura réussir à se mobiliser à l’échelle nationale comme il l’a fait en 2019, du moins au début d’une nouvelle vague de protestation qui est encore à venir. La région de Kabylie va certainement continuer à se révolter. Finalement, les gens continueront de descendre dans la rue dans les grandes villes également. Mais je ne crois pas que le Hirak saura réussir à se mobiliser à l’échelle nationale comme il l’a fait en 2019, du moins au début d’une nouvelle vague de protestation qui est encore à venir.

    Plus récemment, la Kabylie était le dernier rempart du Hirak. Les manifestations se sont poursuivies sans relâche jusqu’au début de la vague actuelle de coronavirus. Cependant, nous avons également vu depuis 2019 que le régime essaie de diviser le Hirak selon les affiliations ethniques et de monter Arabes et Berbères les uns contre les autres. Alors que les manifestations ont été réprimées dans presque tout le pays au moyen d’une forte répression, seules les Kabylies continuent de manifester. Des personnes sont continuellement poursuivies pour avoir arboré le drapeau berbère. Le régime essaie-t-il d’utiliser des moyens sectaires pour diviser le pays et sa société et maintenir son pouvoir en exacerbant violemment le conflit en Kabylie ?

    Ouaissa : Le régime recourt encore et encore aux mêmes moyens et suit des schémas notoires. Il tente de diviser par des moyens autoritaires. La Kabylie est présentée comme un cas exceptionnel, tandis que le Hirak s’appuie sur une sorte de conscience nationale – l’Algérie est vue dans son ensemble – et tente de se défendre contre cette division régionale. Je ne pense pas que le Hirak et le peuple algérien tombent dans le piège. Cependant, je considère le Hirak comme un échec politique. Néanmoins, le mouvement a fait en sorte que la confiance en soi du peuple s’est accrue. Il est clair pour tout le monde aujourd’hui que c’est le régime qui est le problème, pas la Kabylie.

    Pourquoi pensez-vous que le Hirak a échoué ?

    Ouaïssa : Si une nouvelle vague de protestations se matérialise après l’actuelle urgence corona, j’espère que le mouvement a appris de ses erreurs. Le Hirak a échoué parce qu’il a malheureusement laissé de côté toutes les questions idéologico-politiques sérieuses. La principale raison de son échec sont les islamistes. Le mouvement Rachad [un mouvement islamiste principalement actif dans les pays européens qui a émergé des ruines du Front islamique du salut, ndlr] a détruit le Hirak car, sous sa pression, toutes les questions importantes sur l’avenir de l’Algérie ont été laissées de côté. Le problème était toujours centré sur le régime, mais pas sur le système. La question du système en tant que tel n’a jamais été soulevée. Le problème n’est pas seulement l’élite, il est bien plus profond. Voulons-nous une Algérie où l’on change simplement les élites ou voulons-nous une Algérie où l’on remet aussi en cause et change le système éducatif et économique ? Les islamistes n’ont jamais remis en cause les structures néolibérales de l’économie algérienne. Ils n’ont jamais remis en cause le système éducatif en ruine, considéré comme fortement influencé par la religion. Et ils ont insisté pour que toute question susceptible de diviser le Hirak ne soit pas posée en premier. Le même schéma a déjà été appliqué en Algérie pendant la guerre d’indépendance entre 1954 et 1962 : notre ennemi est la France et ce n’est qu’après la victoire contre le régime colonial que nous discuterons dans quelle direction le pays doit s’orienter. Cela n’a pas fonctionné à l’époque et cela ne fonctionne pas maintenant. Nous devons poser et discuter de cette question clé maintenant.

    Une question centrale, cependant, a été abordée de manière assez cohérente par le Hirak, à savoir le pouvoir de l’armée ou le rôle politique de l’armée. La revendication d’un État civil est même aujourd’hui l’une des revendications les plus importantes du mouvement.

    Ouaissa : C’est exact. C’est une question clé et elle est considérée comme une priorité pour le Hirak. Mais les dirigeants laïcs du mouvement disent aussi : l’armée et la religion ne doivent jouer aucun rôle au sein de l’État. Cependant, alors que la question de l’armée a été largement débattue, le rôle de la religion dans une nouvelle Algérie ne l’a pas été. Mais cela ne fonctionne pas. De plus, il ne peut y avoir de véritable révolution si les acteurs économiques n’en sont pas convaincus. Les acteurs économiques ont peur. Ils craignent qu’après une véritable révolution, des règles soient encore pires que celles imposées par les militaires. Pour les acteurs économiques, c’est plus sûr avec les militaires au pouvoir car ils connaissent déjà très bien les règles.

    Cependant, les questions économiques et sociales ont également été abordées par le Hirak. Il y a eu des déclarations répétées dans lesquelles les représentants du Hirak ont ​​ouvertement appelé à la justice sociale – bien qu’il n’y ait généralement pas eu de vision présentée de la façon dont cela pourrait être réalisé. Le Hirak discutait aussi régulièrement de la dépendance de l’État vis-à-vis des rentes pétrolières. Le Hirak a donc certainement essayé de mettre l’accent sur les questions socio-économiques et économiques, et une partie du mouvement a tenté à plusieurs reprises de stimuler les débats correspondants. Mais jusqu’à présent, ces débats n’ont abouti qu’à une impasse.

    Ouaïssa : Exactement. Cette discussion a été bloquée encore et encore. J’ai moi-même vécu des débats dans lesquels les droits des femmes étaient revendiqués et puis on disait que la question des droits des femmes était de nature idéologique et que les débats idéologiques devaient être ajournés pour le moment. Mais une telle approche ne convainc pas les gens, la vision du Hirak était trop vague. Quand on est sur le chemin d’une révolution, on veut déjà savoir où va le pays. Il faut présenter une vision plus concrète de l’avenir de l’Algérie, mais le Hirak ne pouvait pas offrir cela.

    En raison de la couronne, les problèmes sociaux pourraient être placés au centre de la scène du Hirak. Mais qu’est-ce que cela signifie concrètement ? La situation socio-économique est actuellement extrêmement tendue, non seulement à cause de la vétusté du système de santé. Des protestations socio-économiques ont eu lieu à plusieurs reprises dans le sud de l’Algérie ces derniers temps, par exemple à Ouargla. Cela pourrait se traduire par de nouveaux afflux de partisans pour le Hirak. Cela pourrait-il également remettre en cause le caractère pacifique du mouvement puisque nous avons soudainement affaire à des gens dans les rues qui ont simplement faim et ne se joignent pas à une manifestation pour des raisons politiques ?

    Ouaïssa :Le risque est là. Jusqu’à présent, cependant, le mouvement a échoué principalement parce qu’il s’agissait d’un amalgame de classes moyennes. Ces classes moyennes sont à la fois islamistes et laïques. Leurs visions sociales diffèrent, mais en matière de politique économique, ils ont des idées similaires. Les couches socio-économiquement marginalisées de la société ont reçu peu d’attention. Cependant, si ces couches de la société doivent rejoindre le Hirak en tant que nouveaux acteurs, un pacte doit être conclu entre elles et la classe moyenne. Les enjeux économiques et les aspects socio-économiques doivent être valorisés et devenir des enjeux clés. Il ne doit plus s’agir uniquement de changement de régime. Au lieu de cela, un débat sur un changement de système doit être porté au premier plan. Seule la coopération entre la classe moyenne idéologiquement divisée et les couches sociales à faible revenu peut transformer le Hirk en une véritable révolution.

    Depuis plus d’un an, le Hirak est principalement associé à des ONG, des partis d’opposition et des personnalités publiques telles que d’éminents avocats et militants des droits de l’homme, mais pas avec les syndicats. En 2019, les syndicats indépendants marchaient toujours aux côtés de l’opposition partisane. Aujourd’hui, ils ne jouent plus aucun rôle. Pourquoi donc?

    Ouaissa : Pour une vraie révolution, il faut impliquer les acteurs économiques, qu’ils soient avec de l’argent ou sans argent. Ceux qui ont de l’argent doivent être rassurés pour qu’ils investissent à nouveau. En même temps, il faut donner l’espoir à ceux qui n’ont pas de moyens – les démunis – que quelque chose changera pour eux plus tard et qu’ils tireront quelque chose de ce soulèvement. Ces deux acteurs – les employeurs et les salariés, majoritairement représentés par les syndicats – doivent être convaincus et activement impliqués dans le Hirak. Si l’État se rétablit financièrement à moyen terme en raison de la hausse des prix du pétrole, les employeurs et les employés pourraient également se calmer. Si un tel scénario se produit, le Hirak aura perdu de toute façon.

    Même si l’État se redresse à moyen terme en raison de la hausse des prix du pétrole, le système économique continuera d’être soumis à d’énormes pressions. La baisse des réserves étrangères se poursuivra malgré tout, et ce n’est qu’une question de temps avant que le pays ne se rapproche de la faillite. Quelle serait une option pour une intervention de politique économique et sociale à court terme, et comment la dépendance de l’État à la rente pétrolière pourrait-elle être contrée à long terme ?

    Ouaissa : Je pense que l’Algérie ne peut éviter de négocier avec le Fonds monétaire international (FMI). Le régime l’a déjà fait en 1994, en pleine guerre civile. La situation politique intérieure de l’époque était une bonne distraction et une couverture pour négocier avec le FMI dans les coulisses. Un tel scénario est à nouveau imminent. Sous la pression de la pandémie de corona et de la crise économique, des négociations pourraient reprendre avec le FMI, débouchant sur un nouveau programme de libéralisation. Ceci, à son tour, est susceptible de déclencher de nouvelles protestations à motivation socio-économique. Il faut espérer que cela n’entraîne pas une escalade violente.

    Mais on sait aussi que les recettes du FMI sont toujours les mêmes. Et ils ne fonctionnent tout simplement pas. Je ne prétends pas qu’une économie fortement isolée comme celle de l’Algérie fonctionne – le modèle algérien a clairement échoué. Mais quelle alternative y aurait-il à un système économique isolé dans lequel la rente pétrolière est monopolisée par les élites et la stratégie de dérégulation du FMI, qui a échoué à plusieurs reprises ?

    Ouaïssa :L’Algérie est l’un des très rares pays au monde à pouvoir réellement négocier de bons termes avec le FMI. L’Algérie n’est pas un pays pauvre. Le FMI ne peut pas imposer ici ses diktats habituels. À cet égard, je peux imaginer que l’État-providence puisse être réformé avec autant de rentes pétrolières et que la rente puisse être transférée et transformée en formes productives – étant donné que la volonté politique de le faire est là. Les loyers ne sont pas en soi un obstacle au développement. Les loyers peuvent également être transformés afin qu’ils soient utilisés comme un coup de pouce pour une économie productive. Ils pourraient être utilisés pour la consommation, de sorte que les entrepreneurs algériens n’aient plus à dépendre des généraux pour faire des affaires. Si les rentes devaient être distribuées comme moyen de consommation dans la société, par exemple sous forme de salaires, certains produits n’auraient plus à être importés,

    Malheureusement, il est presque impossible d’utiliser et de rediriger la rente pétrolière de cette manière. Il n’y a pratiquement aucun exemple dans le monde où il a été possible de réformer les économies de rente en conséquence.

    Ouaissa : Les modèles d’Asie de l’Est sont certainement des exemples de la façon dont les États ont réussi à valoriser et à utiliser le travail dans la société pour promouvoir une augmentation du pouvoir d’achat. La Chine en est un exemple. Un tel scénario est également possible en Algérie. Les entrepreneurs doivent être convaincus d’investir et de produire dans le pays et de ne plus importer. Pour cela, cependant, nous avons besoin d’un pouvoir d’achat dans la société. Les loyers pourraient être utilisés pour générer ce pouvoir d’achat. Mais la question est bien de savoir comment mettre en œuvre concrètement une telle politique.

    Les déclarations de l’enquêté ne correspondent pas nécessairement à l’opinion du RLS.

    Rosa Luxembourg Stiftung, août 2021

  • Algérie- Tour d’horizon : cyberguerre, Hirak, RSF, Tunisie

    par Hassan Zerrouky

    Pegasus ? Ce n’est rien en comparaison de l’US Cyber Command, un « machin » basé à Fort Mead (Maryland, États-Unis) qui mène une véritable guerre électronique sans faire de bruit. Et qui a, entre autres, pour mission d’intercepter les communications électroniques dans le monde, d’empêcher l’intrusion et le piratage dans les systèmes informatique et de cyberdefence américains, de collecter les informations et les documents confidentiels dans les systèmes des pays jugés hostiles aux intérêts US… et d’espionner…

    Pegasus, ce logiciel espion est un petit avatar, parmi d’autres, de ce que les États-Unis ont conçu à une échelle beaucoup plus grande pour surveiller leurs ennemis potentiels et même leurs alliés, comme l’a révélé le lanceur d’alerte Edward Snowden, lui-même ancien de la NSA, cet organisme qui coiffe tous les services de sécurité US dont la CIA.

    Grâce à ces joujoux électroniques, qui donnent un sacré coup de vieux à toutes ces thèses qui voient la NSA derrière chaque hirakiste, il suffit pour les services marocains d’écouter ce qui se dit sur ces 50 000 « smartphones-khebardjias » dont 6 000 rien qu’en Algérie.

    Le Maroc ? J’ai beaucoup de respect pour son histoire et son peuple. Je préfère donc parler du Makhzen, cet État profond, qui a agi comme un enfant à qui on a mis entre ses petites mains un jouet destiné aux adultes. Et du coup, tel Hulk al-adjib qui a bercé nos enfants dans les années 80-90, le Makhzen a été gagné par une tentation à l’hégémonie. Il s’est vu grand. Sûr de l’appui de Washington, d’Israël, des Émiratis et des pétrmonarchies arabes du Golfe, et se sachant impuni quoi qu’il fasse, le Makhzen est allé jusqu’à admonester l’Espagne et même l’Allemagne comme des républiques bananières et à mettre sur écoute le Président Macron et 14 de ses ministres qui, pour l’heure, se taisent ! Pas même la moindre protestation officielle.

    Hirak. À Tizi-Ouzou et Béjaïa, pandémie oblige, la protestation citoyenne a baissé le rideau de son propre chef, à l’appel de ses vrais acteurs, pas à l’appel de Zitout et ses amis qui, eux, ont d’autres projets. Deux jours après, de leur prison où ils ne devraient pas être, Hamou Boumedine et ses co-détenus, qui n’ont rien à voir avec le MAK, ont dénoncé la sédition de la Kabylie à laquelle le Makhzen a appelé. Ils l’ont fait par patriotisme, rappelant l’exemple du regretté colonel Mohand Ouel Hadj qui, en 1963, avait cessé son combat armé contre le régime de Ben Bella pour combattre l’armée marocaine qui avait tenté d’annexer Tindouf.

    RSF (Reporters sans frontières), la faute. En tentant d’impliquer l’Algérie, l’ONG de défense des journalistes a sans doute voulu allumer un contrefeu destiné à détourner les regards critiques se focalisant sur le seul Makhzen. Raté. RSF, qui s’est décrédibilisé dans cette affaire, s’est certes excusé. Mais le mal a été fait d’autant que l’ONG française a mis ceux qui croient en elle en Algérie dans une posture inconfortable.

    Tunisie. En décidant de geler le Parlement pendant un mois et de limoger le gouvernement, le Président Kaïs Saïed a pris un risque certain. D’autant qu’il a pris cette mesure avec l’aval, semble-t-il, d’une armée dont on sait peu de choses et dont on mesure mal le poids politique. Reste que, quelle que soit la qualité des relations entre l’Algérie et la Tunisie, cela n’a pas empêché l’armée tunisienne de prendre part aux exercices militaires dits African Lyon sous commandment US qui se sont déroulés, en avril dernier, aux confins du Sahara Occidental et à proximité des frontières algériennes. Et quand on connaît la vraie finalité de ces exercices, le fait que l’armée tunisienne y ait pris part interroge…

    Le Soir d’Algérie, 29/07/2021

    Etiquettes : Algérie, Maroc, Espionnage, Hirak, Tunisie, RSF, Pegasus, #Algérie #Maroc #Pegasus

  • La République du Rif : un État autoproclamé et non reconnu internationalement.

    La République du Rif (Tagduda n Arrif) en berbère, est un État bordé par la mer Méditerranée au nord, l’Algérie à l’est, les plaines qui le séparent du Maroc au sud et l’océan Atlantique à l’ouest. Composé de montagnes et de plaines, le Rif s’étend sur près de 500 km de Tanger à Berkane et Kebdana (frontière entre l’Algérie et le Maroc), irrigué par la Moulouya, en passant d’ouest en est, par Ceuta, Tétouan, Chefchaouen, Targuist, Al Hoceïma, Driouch, Melilla et Nador.

    Par Rabah Arkam

    La guerre entre la République du Rif d’Abdelkrim, les Espagnols et les Français entre 1921 et 1926 reste largement méconnue. Cette guerre coloniale extrêmement violente marque pourtant une étape décisive dans l’histoire de l’anticolonialisme et dans la construction de la nation rifaine.

    Après l’indépendance du Maroc où l’histoire du protectorat, qui reste pertinente dans le contexte actuel où la dette extérieure est toujours perçue comme synonyme de perte de souveraineté où la suprématie de la France sur le Maroc est établie.

    En 1958, 30 000 soldats marocains, dirigés par le futur Hassan II, alors chef d’état-major des armées, répriment un 1er soulèvement dans le Rif (près de 3 000 morts).Sous la domination de la monarchie marocaine, l’État du Rif se trouvera, de fait, exclu de la vie politique marocaine tout au long du règne d’Hassan II. Un deuxième soulèvement a eu lieu dans la région en 1984 et, selon diverses sources, a fait des dizaines de morts et des emprisonnements avec de lourdes peines. Auparavant, le rôle principal était tenu par Abdelkrim El-Khattabi, originaire du petit village d’Ajdir dans la tribu des Aït Ouriaghel, était enseignant et journaliste pour le quotidien de Melilla, Le Télégramme du Rif. Il pensait que cela rapprocherait culturellement les deux peuples. Mais découvrant le travail forcé dans les mines du Rif qui alimentent l’industrie militaire espagnole, et le travail forcé dans les champs, Abdelkrim retourne dans son village natal pour soulever les tribus du Rif et commencer la Résistance et la rébellion pour un peuple souverain.

    La pauvreté dans le Rif oblige des dizaines de milliers de Rifains à se rendre massivement chaque année dans les pays européens pour travailler d’abord dans les mines de charbon du nord de la France et celles de la Belgique, puis aux Pays-Bas et plus récemment en Espagne. Cette émigration permet, malgré l’isolement relatif de cette région, une amélioration relative des conditions de vie des populations locales. Une grande partie de la population rurale est analphabète. Mais la population des grandes villes du Rif fait partie de la classe moyenne, pour certains aisée, pour tous cultivée. De ce fait, le taux d’analphabétisme dans les villes du Rif est l’un des plus bas.

    Mais la mort atroce de Mohcine Fikri, un vendeur de poisson, a soudainement réveillé la République du Rif. Depuis, les habitants de la commune d’Al-Hoceïma manifestent pacifiquement contre, pêle-mêle, l’autoritarisme, la corruption, le chômage de masse, la pauvreté… Et maintenant contre la répression : une trentaine de leaders du mouvement ont été arrêtés, dont la figure de la contestation, Nasser Zefzafi, 39 ans, après deux jours de cavale.

    La République du Rif revient sur le devant de la scène, un demi-siècle après les odieux événements qui ont vu l’armée marocaine réprimer dans la violence, pour ne pas dire plus, la moindre source de révolte parmi cette population considérée comme ennemie. Si les acteurs ont changé, le fond de l’affaire reste le même.

    Les sources locales et étrangères de défense des droits de l’homme affirment que les tortures subies par les populations du Rif, les plus atroces existent toujours, les sévices même dans les parties les plus intimes de leurs corps. La question reste à poser, peut-être le jour viendra-t-il où la question sera reconnue.

    Rabah Arkam
    Rabah Arkam, né en Kabylie (Algérie), ingénieur de profession, militant de la cause et de l’identité amazighes (berbères) en Algérie et en Afrique du Nord, est un militant des droits de l’homme, lutte pour la démocratie et la laïcité en Algérie dans un État fédéral, il est l’auteur de plusieurs articles.

    Pressenza, 26/07/2021

    Etiquettes : Maroc, Rif, République du Rif, Hirak, Algérie,

  • Algérie: La liste des détenus d’opinion libérés dans la nuit

    Nous publions la liste des détenus d’opinion qui ont quitté la prison le 14 juillet 2021 suite à des mesures d’élargissement de la grâce. La décision concerne 101 détenus d’opinion. Il en restera 200 toujours détenus arbitrairement pour leurs opinion.

    Au total, 46 détenus d’opinion répartis sur 9 wilayas ont quitté la prison durant la nuit du 14 juillet au 15 juillet 2021, en attendant la suite de l’opération.

    1/ Skikda :

    Mohamed Lamine Mosbah, Kamel Sify, Bougueriata Ahcene, Chbel Toufik, Moussa Chetoum, Boumendjel El Khanaoui, Radjama Ahcene, Yahiaoui Karim, Ahcene Guetache.

    2/ El Taref :

    Sid Ali Boumahni, Ali Boumendjel

    3/ Bouira :

    Walid Cherarak, Samir Aggoune.

    4/ Annaba :

    Hassan Aouadi ,Achref Mouissi

    5/Bordj Bou Arreridj :

    Nasser Chekkal, Abdelkader Missaoui, Azeddine Talehi, Biyadha Elhocine, Nabil Belkhiri, Bourahla Hamoudi, Abderrahmane Meziti.

    6/ Sétif:

    Seifeddine Boulouha, Saleh Naamani

    7/ Mascara :

    Habib Si Chouaib, Abdenour Boutemzine.

    8/ Constantine :

    Sabil Mohad.

    9/ Alger :

    Prison de Koléa : Hakima Bahria, Afaf Megari.

    Prison d’El Harrach :Yakoub Kermache, Mourad Kihal, Mohamed Bouagar, Mokhtar Serhane, Sadaoui Saad, Yougortha Merbah, Adlane Ben Ouareth, Slimane Hamitouche, Walid Oudjit, Saïd Talhi dit Zinou, idir Mansouri (Nadir Mehadjer), Abdelhalim Malek, Salah Abdelhakim, Khalil Nouar, Khaled Ait Hamou, Abderrahmane Smaili et Abdellah Hessani.

    10/ Boumerdes

    Mustapha Ghoumrassi (après procès, condamné à 6 mois de prison avec sursis).

    Le Matin DZ, 15/07/2021

    Etiquettes : Algérie, Hirak, grâce, détenus d’opinion, activistes, militants,

  • Algérie : «Une APN composée des soutiens de Bouteflika» (RCD)

    Par Sonia Djouher

    Réuni en session ordinaire, vendredi dernier, le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) a dressé un bilan assez négatif de la situation générale du pays.

    Crise d’eau, fermeture des frontières pour cause de la pandémie de la Covid-19 puis une ouverture partielle avec des conditions draconiennes, enseignement universitaire à distance qui a montré ses limites… mais surtout atteintes aux libertés jusqu’à menacer l’unité nationale, selon les déclarations des membres du secrétariat national du parti.

    Dans un communiqué rendu public ce samedi, le RCD va jusqu’à accuser le pouvoir en place de tout faire pour réhabiliter l’ancien système, supposé avoir été anéanti par le Hirak du 22 février 2019.

    Selon ce parti de l’opposition, c’est là tout l’opposé de ce qui a été revendiqué par le large mouvement populaire pacifique. Faisant le lien avec le scrutin législatif du 12 juin dernier, le RCD affirme que «le pari impossible du régime était, à travers ces élections, de composer avec les mêmes hommes issus du même système pour obtenir une Assemblée nationale différente. Au final, il se retrouve avec une APN composée des vils soutiens de Bouteflika, ce qui confirme une évidence éclatante : “L’Algérie nouvelle” tant vantée n’est autre que celle de Bouteflika mais en pire !».

    Le RCD s’élève contre les arrestations qui, estime-t-il, ont atteint une ampleur sans précédent. «Plus de 300 citoyens sont en prison et cette longue liste des détenus d’opinion s’allonge chaque jour. La dernière en date est celle de Fethi Gherras, premier responsable d’un parti politique agréé», tient-il dénoncer. Le parti évoque une instrumentalisation de la justice : «Le pouvoir continue d’instrumentaliser la justice en la convoquant pour traiter des questions mémorielles, criminalisant toute action politique et citoyenne qui rejette la normalisation violente en vigueur.»

    Dans le même communiqué, le RCD revient sur l’utilisation de l’expression “acte terroriste”: «Désormais, le simple fait d’appeler à un changement de régime est considéré comme un acte terroriste. Cette massification de la répression et les provocations ciblant certaines régions sont une menace pour l’unité du pays.»

    Le parti affirme que la situation, aujourd’hui, est grave et il y a risque de dérapages dont seul le pouvoir en place devra porter la responsabilité. «Le RCD considère que la politique de restauration du régime avec son lot de lois liberticides, de répression, de spoliation des libertés fondamentales et de promotion de la division est un danger pour le pays, dans son unité et son intégrité. Le pouvoir de fait avec toutes ses façades portera l’entière responsabilité des dérapages qui peuvent advenir», lit-on dans le communiqué.

    Au sujet de la crise de l’eau, le parti parle d’irresponsabilité et d’incompétence. «La faillite du pouvoir dans la gestion des réserves stratégiques de l’eau des barrages et des nappes phréatiques est sans appel. Son irresponsabilité et son incompétence sont avérées dans le peu d’investissements dans la promotion d’une politique hydrique intégrée, et ce malgré l’embellie financière des deux dernières décennies», estime le RCD.

    Concernant l’année universitaire, écrit encore le parti, «force est de constater que l’université algérienne enregistre deux années consécutives de contre-performances en conséquence de la crise sanitaire et d’une gestion catastrophique basée sur le bricolage. L’enseignement en mode distantiel (virtuel), sans moyens didactiques et sans interactivité, est réduit à l’envoi de cours sous forme de fichiers PDF, de liens ou de notes manuscrites scannées, alors qu’une bonne partie des étudiants ne dispose pas de matériel ni de connexion Internet à débit suffisant pour suivre les cours à partir de chez eux ou des résidences universitaires». De même, «les examens en ligne se font dans des conditions où l’enseignant n’a aucun moyen d’identifier l’étudiant examiné».

    Pour ce qui est de la diaspora algérienne, lit-on dans le même communiqué, «il y a un mois, les autorités ont annoncé, tambour battant, la reprise des liaisons aériennes avec l’Europe et particulièrement avec la France. Une nouvelle qui a réjoui la diaspora qui a vite déchanté vu le nombre de vols dérisoire, les prix des billets exorbitants et les mauvaises conditions d’accueil dans le pays».

    Le Jeune Indépendant, 03/07/2021

    Etiquettes : Algérie, RCD, APN, Régime de Bouteflika, Hirak,

  • Algérie : Les porteurs d’espoir

    Ils étaient en première ligne de l’insurrection citoyenne du 22 Février. Certains en étaient des précurseurs. Leur engagement permanent contre les absurdités d’un régime politique a été essentiel dans la prise de conscience collective des Algériens qui ont massivement fait éruption. C’est aussi grâce à leur sens des responsabilités élevé doublé d’une remarquable lucidité politique que le Hirak n’a pas basculé dans la violence. Par leur patriotisme éclairé, ils ont réussi à maintenir serrés les rangs et reconstruire l’union d’un peuple longtemps travaillé par les divisions. Porteurs d’une belle ambition pour le pays, ils forment une génération fondatrice.

    Connus du grand public ou anonymes, d’extractions sociales diverses, issus d’horizons politiques pluriels et aux voix multiples, ces porteurs d’espoir incarnent une Algérie généreuse. Ils ne peuvent, en aucune manière, porter atteinte ou nuire au pays qu’ils chérissent tout autant que la liberté qu’ils portent en emblème. Ils sont des constructifs, non pas des destructeurs.

    Les Hamou Boumedine, Fethi Ghares, Nacer Meghnine, Fatiha Briki, Mohamed Tadjadidt, avant eux, Karim Tabbou, Fodil Boumala et bien d’autres détenus d’hier et d’aujourd’hui ou de demain, chacun à sa manière, rêvent tous d’une Algérie meilleure. Ils y déploient une inépuisable énergie. Leur “radicalité” est puisée dans la profonde sincérité de leur engagement politique et citoyen. Leur saine colère est à la hauteur des espérances suscitées par la vague insurrectionnelle.

    Ils savent combien les conséquences du désenchantement général sont fâcheuses pour l’ensemble de la société, d’où leur intransigeance. Ces figures qui font la fierté d’un peuple ne sont pas vouées à remplir les prisons. Mais, ont vocation à libérer les énergies qui sommeillent en chaque citoyen et en faire un moteur d’un changement radieux. Opposants, ils le sont. Mais faire d’eux des ennemis de la nation à déférer devant le tribunal de l’antinational ne fait qu’aggraver les blessures dont souffre trop le pays.

    Avant eux et dans un passé, pas si lointain, de grands et valeureux patriotes ont connu le même sort carcéral et l’exil pour les mêmes raisons quant à leurs divergences politiques. Il aura fallu des années pour que l’État admette une erreur politique impossible à corriger. C’était trop tard et l’État a laissé un peu de sa gloire. Sommes-nous condamnés à revivre les mêmes séquences ? Ouvrir les portes des prisons aux détenus d’aujourd’hui ne fera que redonner à l’État sa grandeur et restituer à la société ses enfants chéris. Cela donnera au 5 Juillet son sens plein.

    Liberté, 03/07/2021

    Etiquettes : Algérie, Hirak, 5 juillet, fête de l’indépendance,

  • Algérie : Le grand chantier de la confiance

    Le prochain gouvernement devra songer à lancer une véritable opération marketing politico-sociale.

    Mohamed OUANEZAR

    Le gouvernement sera-t-il entièrement partisan? Les indépendants seront-ils intégrés dans la prochaine équipe gouvernementale? Autant de questions qui restent sans réponses, en tout cas pour le moment? Mais pour d’autres concitoyens, plus portés par l’analyse de la chose politique, les préoccupations sont ailleurs. En effet, ils sont de plus en plus nombreux ces Algériennes et Algériens à exprimer leur ras-le-bol vis-à-vis de la manière dont sont gérés nombre de portefeuilles ministériels. Les réseaux sociaux sont saturés de critiques, de vidéos, de scènes mettant en exergue des ministres en visites ratées, de walis furieux contre des femmes revendiquant des logements, des jeunes réclamant davantage de dignité, du travail, un mariage, etc. Ou encore des déclarations de hauts commis de l’Etat, perçues par le commun des mortels comme étant provocantes. Des faits qui renvoient à un seul constat.

    L’une des grandes priorités du prochain gouvernement sera de rétablir les ponts avec le citoyens, reconstruire la confiance avec les Algériennes et les Algériens. Oeuvrer à dépasser le seuil des 23% du taux de participation. Ce sera «la priorité» du prochain gouvernement, qui devra prendre en considération les aspects d’une démocratie participative à ériger en véritable mode de gestion future, comme cela est le cas dans plusieurs pays de l’Occident et au Canada, notamment. Bien évidemment, le rétablissement de la confiance réclame un travail en résilience et en systémique, impliquant une stratégie globale avec une feuille de route claire et hardie.

    Les nouveaux ministres dont les profils seront, souhaitons-le, pointus et adaptés aux attentes actuelles ne doivent pas craindre le citoyen, s’ils veulent réussir dans leurs secteurs respectifs. D’où l’impératif de développer une meilleure communication sociale et politique et d’en maîtriser les contours. Pour ce faire, le prochain gouvernement doit réfléchir à élaborer et à lancer une véritable opération marketing politique et sociale en direction de la société algérienne, noyée dans des difficultés, somme toute, surmontables au demeurant. Quitte à organiser des assises citoyennes autour de différentes problématiques considérées, à juste titre, comme primordiales aux yeux des citoyens.

    Ce sont là quelques pistes à suivre, en guise de contribution citoyenne, loin des surenchères politiciennes, des vendeurs de désespoir, et ces intellectuels qui broient du noir partout, sans pouvoir assumer leur rôle d’élite, censée mener à bon port une société en proie à des vicissitudes et des menaces bien réelles. Mais en attendant, on devra se contenter des volte-face de Makri et de sa formation.

    S’il est vrai qu’en exercice démocratique, le MSP a parfaitement le droit de se positionner en dehors de la cohésion politique parlementaire. Seulement, en temps de guerre, l’on se doit d’enterrer sa hache de guerre et de partir en patrouille les rangs serrés. Dans ce cas de figure, le MSP donne le mauvais exemple. Tel un enfant gâté, il réclame plus et mieux, sinon il ne mange pas, ne s’assied pas, ne révise pas ses leçons. Et c’est le cas de le dire. Après avoir «cautionné» une opération politique, assurément déterminante et décisive, il change encore le fusil d’épaule. Une surenchère politicienne qui n’est pas étrangère au parti islamiste de Makri qui, sans doute, visait plus haut et plus grand. Mais, la situation politique étant telle, que le parti islamiste doit faire prévaloir les intérêts de la nation, sur ceux de sa formation politique. Car, en définitive, personne n’est dupe, encore moins le citoyen. Faut-il le rappeler, l’ex- Hamas est l’une des formations qui a été au centre de vives critiques et appréhensions, de la part du Hirak.

    Aux yeux de millions d’Algériens sortis protester contre le régime d’alors, le MSP constitue l’un des symboles de l’ancien système, puisqu’ayant contribué à différents gouvernements sous Bouteflika. Makri lui-même avait été chahuté et évincé des marches du Hirak à Alger. Cherche-t-il alors à offrir une nouvelle virginité politique à sa formation, en boudant le nouveau gouvernement? Pourquoi avoir accepté de se rendre à El Mouradia alors, tout en laissant planer le suspense autour de sa participation au prochain gouvernement?

    D’aucuns demeurent convaincus que le flambeau doit être remis à qui de droit, sinon on serait encore face à cette phrase cinglante du Hirak «tout ça, pour ça»? À bon entendeur…

    L’Expression, 01/07/2021

    Etiquettes : Algérie, Hirak, Gouvernement, MSP,

  • Maroc : Zefzafi, hospitalisé d’urgence à Tanger

    Le leader du Rif emprisonné, Nasser Zefzafi, admis d’urgence à l’hôpital de Tanger.

    Le leader du soulèvement du Rif a fait un malaise jeudi. C’est la troisième fois qu’il est traité à l’hôpital depuis février.

    Nasser Zefzafi, prisonnier politique du Mouvement populaire du Rif (Hirak), a été admis mardi matin dans un hôpital de Tanger après avoir été victime d’un évanouissement et d’une aggravation de son état de santé jeudi dernier, selon des sources du Hirak. Ce jour-là, Zefzafi s’est plaint d’uriner du sang. Personne ne sait ce qui pourrait être à l’origine de l’hémorragie qui l’a obligé à être transféré de la prison à l’hôpital.

    C’est la troisième visite dans un centre de santé depuis qu’il s’est évanoui en février. Le prisonnier politique rifain a été retrouvé par les geôliers inconscient sur le sol de sa cellule autour d’une mare de sang après s’être frappé lui-même suite à une baisse considérable du taux de sucre dans le sang (hypoglycémie), causée par la grève de la faim qu’il menait alors avec d’autres prisonniers. En mai, la famille de Zefzafi a signalé que le militant détenu à la prison de Tanger avait été emmené dans un hôpital extérieur à la prison pour y subir des examens médicaux, après quoi il avait été renvoyé à l’hôpital de la prison. À cette époque, on lui a diagnostiqué une paresthésie, une sensation anormale de picotement et de fourmillement accompagnée de froid et de chaleur dans certaines parties du corps. Ces symptômes sont compatibles avec un trouble du système circulatoire et peuvent être dus aux conditions de vie difficiles auxquelles il est soumis en prison.

    La famille et les avocats du leader rifain continuent de dénoncer le fait que les autorités pénitentiaires marocaines ne fournissent pas les rapports permettant d’établir sa situation médicale.

    Les tortures et les humiliations subies après son arrestation, son maintien à l’isolement pendant 18 mois et les grèves de la faim qu’il a menées ont pu réduire la condition physique du prisonnier politique rifain.

    Tout cela se passe après la sentence de la Cour de cassation la semaine dernière, où elle rejette le recours de la défense pour revoir les peines des principaux leaders qui ont mené les protestations dans le Rif en 2016, qui ont été durement réprimées par l’État marocain, conduisant à l’arrestation de plus de 800 militants rifains.

    Zefzafi a déclaré dans une interview à ce média qu’il avait subi des tortures et des humiliations lors de son arrestation puis de son emprisonnement, comme l’a ratifié son compagnon de cellule, Jamal Mouna, dans un témoignage publié par ELMUNDO.es après avoir fui le Maroc et obtenu l’asile politique en Espagne.

    D’autre part, une déclaration de l’Association marocaine des droits de l’homme (AMDH) publiée à l’occasion de la Journée internationale des Nations unies pour le soutien aux victimes de la torture, qui est célébrée le 26 juin de chaque année, a révélé que « la pratique de la torture ou d’autres traitements cruels, inhumains ou dégradants est encore courante et est largement pratiquée dans plusieurs centres de détention au Maroc ».

    Dans la déclaration, l’association note que « les services de sécurité recourent à ces pratiques lors d’arrestations et de détentions arbitraires, que ce soit en garde à vue, dans les prisons ou dans les hôpitaux psychiatriques, et lors de la répression de manifestations pacifiques avec l’usage excessif de la force pour les disperser ».

    Les militants rifains ont dénoncé le fait qu’ils ont été victimes de torture et d’humiliation lors des arrestations, comme l’a exprimé Nasser Zefzafi dans l’interview accordée à ce média : « Ils m’ont demandé de dire vive le roi d’une voix forte pour que la torture cesse. Tout cela s’est passé pendant qu’ils filmaient avec un téléphone. Mon corps ne pouvait pas le supporter et j’ai dit « Longue vie au roi ».

    El Mundo, 29 juin 2021

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