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  • Mohamed-Seddik Benyahia, l’homme d’Etat dévoué et le diplomate infatigable

    L’homme politique et ancien ministre Mohamed Seddik Benyahia, décédé dans un accident d’avion le 3 mai 1982, incarnait l’homme d’Etat dévoué et le diplomate infatigable qui a fait connaitre la Guerre de libération dans le monde et servi le pays avec abnégation et humilité après l’indépendance.

    Né le 30 janvier 1932 à Jijel, Mohamed Seddik Benyahia, cet « homme hors normes », comme le qualifiait son compagnon de lutte, Rédha Malek, et au parcours irréprochable, avait marqué par son courage et son sens du sacrifice l’histoire du mouvement national et celle de l’Algérie combattante et indépendante. Le jeune militant qui a côtoyé plusieurs personnalités à l’image de Belaid Abdesselam et Lamine Khene, au lycée Albertini à Sétif, faisait déjà ses preuves en étant un membre actif et animateur de l’Union générale des étudiants musulmans algériens (UGEMA) et est l’un des partisans de 19 Mai 1956 qui a vu des centaines d’étudiants et de lycéens abandonner les amphis et les salles de classes pour rejoindre la Révolution.

    Diplômé en droit en 1954 de l’université d’Alger, le jeune Benyahia s’est fait remarquer sur la scène politique et s’est vu même confier d’importantes missions à l’étranger, à l’instar de la conférence de Bandung en 1955 à laquelle l’Algérie, qui était en guerre contre le colonialisme, avait pris part en tant que pays observateur. Benyahia, alors âgé de 23 ans, faisait partie de la délégation algérienne présidée par Ait Ahmed et M’hamed Yazid. Après la création de l’UGEMA, les autorités coloniales avaient lancé un mandat d’arrêt contre Benyahia et Lakhdar Ibrahimi, qui se trouvaient à l’époque à Jakarta. Pour assurer leur protection, les dirigeants du FLN avaient décidé de les affecter au bureau local du FLN en Indonésie.

    Le jeune militant a vite imposé son charisme et gravi les échelons dans la hiérarchie de la glorieuse Armée de libération nationale (ALN) en devenant le secrétaire général de la présidence du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA), et membre de la délégation algérienne aux négociations des Accords d`Evian en 1962. Il avait également représenté, aux côtés de Rédha Malek, le GPRA lors d’une rencontre de négociations le 28 octobre 1961 à Bâle, en Suisse. Ses compagnons de lutte, dont les témoignages ont été recueillis lors de différentes commémorations de sa disparition, n’avaient cessé de brosser le profil d’un grand militant nationaliste et d’un diplomate au talent avéré et dont la mort était une grande perte pour l’Algérie. L’ancien Chef de Gouvernement et ami de lutte de Mohamed Seddik Benyahia durant la Guerre de libération nationale, lors d’une journée d’étude organisée en 2017 à l’université de Jijel, évoquait un homme « hors norme » qui a marqué de son emprunte les négociations d’Evian. Rédha Malek qui relatait le parcours révolutionnaire et diplomatique du militant nationaliste, affirmait que ses réalisations avaient « contribué au développement de l’histoire de l’Algérie contemporaine ». Il avait également mis en avant le rôle de Benyahia dans les négociations d’Evian, soulignant « ses compétences tactiques » et « son intelligence diplomatique » durant les négociations entre le Front de libération nationale (FLN) et la délégation française. Lors d’une cérémonie commémorant le 34e anniversaire de la disparition de Mohamed Seddik Benyahia, feu Zoheir Ihadadène avait évoqué les qualités d’un homme « nationaliste, intègre et compétent « , ajoutant qu’il était aussi un « fin politicien, doublé d’un diplomate et juriste aux talents avérés ». A l’indépendance, le moudjahid avait assumé plusieurs postes d’ambassadeur et de ministre, notamment ministre de la culture, de l’enseignement supérieur, ministre de l’information et celui des affaires étrangères.

    Désigné à la tête de la diplomatie algérienne en 1979, Mohamed Seddik Benyahia était au service de la paix dans le monde. L’historie retient encore aujourd’hui, 39 ans après sa disparition dans un tragique accident d’avion, son rôle dans le dénouement de la crise des 52 américains retenus otages pendant 444 jours au siège de l’ambassade des Etats-Unis à Téhéran, en amenant les deux parties à signer l’accord d’Alger le 19 janvier 1981. Le ministre des Affaire étrangères poursuivait sa mission de paix et s’était engagé, quelques mois après l’affaire des otages américains, dans le bourbier irako-iranien voulant à tout prix mettre un terme à une longue guerre dévastatrice. Après avoir échappé à la mort dans un crash d’avion en 1979 au Mali, il trouvera la faucheuse, avec 13 autres cadres du ministère, le 3 mai 1982, dans un autre crash de l’avion qui le transportait en direction de l’Iran où il était en mission de médiation dans le conflit frontalier entre Téhéran et Baghdad. Dans une lettre adressé au Martyr Benyahia, publiée au lendemain de son enterrement dans le quotidien El Moudjahid, l’ancien ministre des Affaires étrangères, Mohamed Salah Dembri, rendait hommage à un homme d’une « conscience aigue de l’injustice et cette foi nationaliste profonde qu’il sut toujours offrir aux influences harmonieuses et salutaires du devenir universel, sans jamais l’enfermer dans une crispation stérilisante, ni dans un quelconque rabougrissement desséchant ». « Il aimait à rappeler que l’indépendance n’est pas une fin en soi, mais qu’elle devait, dans cette conjonction du passé et du présent, favoriser le transfert indispensable de la Nation à la société et l’émergence de citoyens nouveaux, d’Algériens totalement libres et totalement libérés », poursuivait feu Dembri, dans sa dernière lettre à Benyahia (APS)

    APS

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  • Pays où un violeur peut échapper à la justice en épousant sa victime (également en Amérique latine)

    Amina Filali avait 15 ans lorsqu’elle a dit à ses parents qu’elle avait été violée.

    La famille, « sur les conseils d’un huissier de justice », selon le père de la jeune fille, l’a forcée à épouser son violeur, un homme d’environ 25 ans.

    Des mois plus tard, après avoir dénoncé des coups et des agressions, l’adolescent de 16 ans s’est suicidé en buvant de la mort-aux-rats.

    Amina est morte en 2012 dans un petit village du Maroc et son cas historique a suscité des protestations et des campagnes à l’échelle nationale de la part des groupes de femmes.

    Le parlement marocain a finalement abrogé en 2014 une loi qui permettait à un violeur d’échapper à la justice s’il épousait sa victime.

    Mais des lois du même type sont encore une réalité dans plusieurs régions du monde, notamment en Amérique latine, selon un récent rapport du Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP), intitulé « Mon corps m’appartient ».

    Le rapport indique que près de la moitié des femmes de 57 pays en développement n’ont aucune autonomie sur leur corps et se voient refuser le droit de décider d’avoir des relations sexuelles, d’utiliser des moyens de contraception ou de se faire soigner.

    Cela « devrait nous indigner tous », a déclaré Natalia Kanem, directrice exécutive de l’UNFPA. « En substance, des centaines de millions de femmes et de filles ne sont pas propriétaires de leur corps. Leur vie est régie par les autres.

    Le viol et les lois qui pardonnent le violeur ne sont que deux exemples d’un long catalogue de violations qui comprend également des cas tels que les mutilations génitales et les tests de virginité.

    Et même dans les pays qui ont abrogé les lois exonérant le violeur s’il épouse sa victime, d’autres pratiques encore légales peuvent aboutir au même résultat.

    Quels pays disposent de telles lois au niveau international ?

    Le rapport de l’ONU cite comme l’une de ses sources des rapports de l’ONG internationale Equality Now, basée à Washington.

    Dans son rapport 2017, Equality Now a mis en évidence de nombreux exemples de pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord où un violeur peut échapper à la justice grâce au mariage – Irak, Bahreïn, Libye, Koweït, territoires palestiniens, Tunisie, Jordanie et Liban.

    « À la suite de notre rapport et d’autres campagnes, la Tunisie, la Jordanie et le Liban ont éliminé ces lois en 2017, et la Palestine a fait de même en 2018 », a déclaré à BBC Mundo Barbara Jimenez, avocate spécialisée dans les droits des femmes et représentante d’Equality Now en Amérique latine.

    Parmi les autres exemples cités dans le rapport de l’ONU figurent l’Angola, l’Algérie, le Cameroun, la Guinée équatoriale, l’Érythrée, la Syrie et le Tadjikistan.

    Les victimes mariées à leurs violeurs sont piégées dans des unions qui les exposent à des viols et autres agressions possibles à vie.

    Dans de nombreux cas, ces lois existent parce que ce que vous essayez de « protéger » ici, c’est l’honneur de la famille, du nom, de la victime », a ajouté M. Jimenez.

    Le « déshonneur » de la perte de la virginité est considéré par les familles comme un mal plus grand que l’intégrité de leurs filles.

    De telles règles existaient également en Europe. L’Italie, par exemple, les a éliminés en 1981 et la France en 1994.

    Quelle est la situation en Amérique latine ?

    La plupart des pays de la région ont abrogé les articles de leur code pénal qui permettaient à un violeur d’échapper à la justice en épousant sa victime.

    Mais ces changements juridiques sont relativement, et incroyablement, récents. De telles règles ont été éliminées en Uruguay en 2006, au Costa Rica en 2007 et en Bolivie en 2013, par exemple.

    Et un pays de la région, la République dominicaine, a toujours un article dans son code pénal qui permet à l’auteur d’un viol d’échapper à la condamnation en se mariant.

    Le cas du Venezuela

    Le code pénal vénézuélien stipule à l’article 393 : « L’auteur de l’un des crimes prévus aux articles 374, 375, 376, 378, 387, 388 et 389 sera exempté de peine si, avant la condamnation, il épouse la personne offensée, et le procès cessera en tout point pour tout ce qui concerne la peine correspondant à ces actes punissables. Si le mariage a lieu après la condamnation, alors l’exécution des peines et leurs conséquences pénales cesseront », a déclaré Vanessa Blanco, représentante au Venezuela de « Jovenas Latidas », un mouvement latino-américain qui lutte pour les droits des filles et des femmes.

    « Les articles 374, 375 et 376 parlent de viol. »

    « Lorsque le code pénal a été réformé en 2005, l’article 393 n’a pas été supprimé », a ajouté M. Blanco.

    Il convient toutefois de préciser que « l’article 393 du code pénal (réformé en 2005) a été annulé d’office et « réécrit » par la Chambre constitutionnelle dans la sentence n° 695/2015 du 2 juin 2015″, a déclaré à BBC Mundo José Ignacio Hernández, professeur de droit à l’Université catholique de Caracas et chercheur à la Harvard Kennedy School.

    L’arrêt a introduit deux changements, a expliqué l’expert en droit constitutionnel.

    1) « Réitérant un arrêt de 1999, elle a annulé d’office la partie de la norme se référant à la qualification de la femme pour appliquer la clause d’indemnisation. La partie annulée est la partie soulignée : « Les personnes reconnues coupables de séduction, de viol ou d’enlèvement seront condamnées, à titre d’indemnité civile, si le mariage n’a pas lieu, à payer la femme offensée si elle est célibataire ou veuve et, dans tous les cas, honnête ».

    La partie annulée est celle qui limite l’indemnisation aux cas dans lesquels la victime est « célibataire ou veuve et, en tout cas, honnête » ».

    La Chambre constitutionnelle a jugé que les avantages pénaux reconnus dans le cas du mariage ne s’appliquent pas aux délits de violence de genre, la préférence devant être donnée aux dispositions de la loi organique sur le droit des femmes à une vie sans violence. En pratique, cela implique que les avantages pénaux reconnus à l’article 393 (exemption de la peine « si avant la condamnation elle épouse la personne offensée », ou extinction de l’exécution des peines et de leurs conséquences pénales, « si le mariage a lieu après la condamnation, elles cesseront alors ») ne peuvent être appliqués. Bien que cette partie de la règle n’ait pas été annulée, dans la pratique, l’article a été « réécrit » pour supprimer ces avantages ».

    En résumé, selon la décision n° 695/2015 de la Chambre constitutionnelle, en droit vénézuélien, les avantages qui s’appliquent en cas de mariage ont cessé de s’appliquer, étant entendu que les délits visés à l’article 393 du Code pénal ne peuvent pas conduire à des situations d’impunité contraires à la loi organique sur le droit des femmes à une vie sans violence.

    La loi organique sur le droit des femmes à une vie sans violence doit être appliquée de manière préférentielle par rapport aux avantages pénaux prévus à l’article 393 précité.

    « Par conséquent, le Venezuela ne peut pas être inclus dans les pays dans lesquels un violeur peut avoir des avantages s’il épouse la victime (non pas sur la base du code pénal actuel, mais de la sentence commentée de la Chambre constitutionnelle) », a conclu Hernández. *

    Le cas de la République dominicaine

    « Le code pénal en vigueur en République dominicaine depuis 1884 a une règle (article 356) qui exempte l’agresseur sexuel d’une mineure de toute poursuite pénale – même s’il s’agit d’un inceste – s’il l’épouse », a expliqué à BBC Mundo l’avocate dominicaine Patricia M. Santana Nina, spécialiste du droit constitutionnel avec des études sur le genre et la violence.

     » En d’autres termes, le crime est pardonné si l’agresseur épouse la victime. Cette disposition a été implicitement abrogée récemment, en janvier 2021, par la loi n° 1-21 qui interdit absolument le mariage avec des personnes de moins de 18 ans. Cependant, un projet de code pénal est actuellement débattu dans le pays, qui abrogerait complètement le texte du code pénal ».

    Santana Nina a souligné que la loi qui pardonne l’agresseur sexuel s’il épouse une mineure « s’appliquait, et très fréquemment ».

    « C’est une pratique culturelle néfaste contre laquelle nous luttons encore, car même si le mariage des enfants a été interdit, les unions précoces continuent. »

    En droit fédéral, la section 2243(a) du 18 U.S.C., Abus sexuel d’un mineur, s’applique lorsqu’une personne « se livre sciemment à un acte sexuel avec une autre personne » âgée de 12 à 16 ans, et qui a au moins quatre ans de moins que l’auteur de l’acte, a-t-il ajouté.

     » Cependant, la section 2243(c)(2) du 18 U.S.C. permet une défense à ce crime lorsque ‘les personnes qui ont participé à l’acte sexuel étaient à ce moment-là mariées l’une à l’autre’. Cela signifie qu’au niveau fédéral, le mariage des enfants est considéré comme une défense valable contre le viol statutaire. »

    Le mariage des enfants, et les abus qu’il rend possibles, est une pratique bien ancrée dans de nombreux pays. Le Niger, par exemple, a le taux de prévalence du mariage des enfants le plus élevé au monde (76 % des filles sont mariées avant l’âge de 18 ans) », selon le rapport de l’UNFPA.

    Syndicats informels

    L’agresseur sexuel peut échapper à la justice même s’il n’y a pas eu de mariage.

    « Dans la région d’Amérique latine, il existe le phénomène des syndicats informels. Cela permet encore ces unions de filles avec des personnes plus âgées », explique Jiménez.

    « Les filles quittent généralement leur maison pour aller vivre dans celle de l’homme avec lequel elles sont unies, souvent elles vont vivre sous le toit de la famille de l’homme, parfois elles comprennent que la seule possibilité économique est de quitter leur maison.

    Dans le cas de la Bolivie, par exemple, « selon un article de presse, l’union ou la cohabitation de filles de moins de 15 ans existe et est une réalité, malgré le fait que dans la loi bolivienne, c’est un crime pour un adulte de cohabiter avec une fille ou une adolescente », a déclaré Patricia Brañez, représentante en Bolivie du CLADEM (Comité latino-américain et caribéen pour la défense des droits de la femme), à BBC Mundo.

    En Bolivie, environ 22% des adolescentes ont été unies avant l’âge de 18 ans, et 3% avant l’âge de 15 ans, selon le rapport 2015 de l’Unicef « Une approximation de la situation des adolescents et des jeunes en Amérique latine et dans les Caraïbes ».

    « Selon l’enquête sur les ménages de 2017, au moins 12 500 femmes, âgées de 12 à 17 ans, ont déclaré vivre en concubinage. Ces données montrent également que 0,01% des filles âgées de 12 à 14 ans ont été mères », a ajouté M. Brañez.

    « Annihilation de l’esprit »

    « Il est inacceptable qu’en 2021, en République dominicaine et dans d’autres pays, nous ayons encore des dispositions légales qui contiennent la possibilité pour un violeur d’échapper à la justice s’il épouse la victime, que cela se produise pour des crimes aussi graves que la violence sexuelle », a déclaré Barbara Jimenez à BBC Mundo.

    « Il est également inacceptable que dans la loi fédérale américaine, le mariage d’enfants soit considéré comme une défense valable contre le viol légal, et il est inacceptable que dans les pays d’Amérique latine, le mariage avant 18 ans soit autorisé avec des exceptions. »

    « Changer la loi est le premier pas vers l’élimination de la criminalité, de l’inégalité et de ces pratiques néfastes qui limitent le plein développement et l’autonomie des filles et des adolescents ».

    Pour Natalia Kanem, « une femme qui a le contrôle de son corps a plus de chances d’être autonome dans d’autres domaines de sa vie, de prospérer ».

    En revanche, la négation de l’autonomie corporelle, par le biais de lois qui exonèrent le violeur et d’autres pratiques, n’est, selon le chef du FNUAP, « rien de moins qu’une annihilation de l’esprit, et cela doit cesser ».

    * Cet article a été modifié pour inclure la sentence n° 695/2015 de la Chambre constitutionnelle du Venezuela du 2 juin 2015.

    BBC News, 28 avr 2021

    Etiquettes : Mariage, viol, loi, Maroc, Amérique Latine, Vénézuela, Equality Now, Irak, Bahreïn, Libye, Koweït, Territoires palestiniens, Tunisie, Jordanie, Liban,

  • La guerre et la paix américaines (Edito de Ouest Tribune)

    L’administration américaine sous la houlette des démocrates a toujours eu la mauvaise idée de se retirer brusquement de pays envahis par les Républicains avant de donner l’ordre d’envahir elle-même d’autres pays. Barack Obama qui a retiré les troupes US d’Irak, quelques années avant de bombarder la Syrie et la Libye illustre assez bien cette schizophrénie très américaine. Ces derniers jours Joe Biden, qui fut son vice-président en a peut être été l’inspirateur. Et pour cause, quelques mois après sa prise de fonction à la tête de l’empire, il décide de «laisser tomber» l’Afghanistan, envahi en 2000 par le républicain Georges Bush.

    Comme Obama, Biden ne va pas se formaliser. Il ne se souciera pas des Afghans qui ont cru à la démocratie promise et ont combattu les Talibans. Ceux-là, seront les dommages collatéraux d’une guerre qui aura duré 20 ans pour, au final, permettre à une horde d’intégristes sans foi ni loi d’imposer leur diktat aux Afghans.

    Les Américains sont ainsi. Ils parlent de démocratie, mais n’en pensent pas une miette. Toutes les personnes des pays envahis qui ont cru à leurs promesses sont doublement victimes. Pourtant, il faut bien le dire, les citoyens de ces pays ont clairement affiché leur aversion à la version américaine de la démocratie. En 2012, ils avaient mis l’Amérique au banc des accusés. Les manifestations hostiles au pays de l’Oncle Sam avaient fait le tour des pays musulmans. Même la lointaine Indonésie, dont les citoyens sont pourtant peu enclins à des démonstrations de colère avaient joint leur voix à celles des mécontents et donné plus de force à «la tyrannie de la foule». Mme Clinton qui préparait ses propres guerres était à l’origine de cette expression, dont le but était de sauver les meubles américains en terre d’Islam.

    A l’époque, l’Administration Obama disait à qui voulait l’entendre que son objectif était de faire émerger les « révolutionnaires » tolérants. Son vœu a accouché de la plus terrible organisation terroriste de l’Histoire de l’humanité. En réalité, Daesh n’a fait que donner corps à un rêve sioniste, celui de diaboliser l’Islam et les musulmans. En d’autres termes, les Démocrates, comme les Républicains, soustraitent pour l’entité sioniste.

    L’acte de Biden qui consiste à offrir tout un peuple et son pays à la barbarie des Talibans n’est certainement pas mue par des considérations de paix, mais sert, là aussi, un dessein que l’humanité découvrira dans quelques années. Ainsi vont la guerre et la paix américaines.

    Par Nabil G.

    Ouest Tribune, 18 avr 2021

    Etiquettes : Etats-Unis, Joe Biden, Barack Obama, Afghanistan, Irak, Syrie,

  • Pays bas : Un marocain et un algérien clandestins contrôlés dans un train

    Pays Bas : La gendarmerie royale néerlandaise capture quatre étrangers dans un train près de Breda

    La gendarmerie royale néerlandaise a trouvé quatre ressortissants étrangers dans un train international près de Breda mardi. Les hommes originaires d’Algérie, du Maroc, de Libye et d’Irak n’étaient pas munis de documents de voyage valides.

    Le quatuor a été emmené dans une brigade pour une enquête plus approfondie. Plus tard dans la journée et mercredi, dix autres ressortissants étrangers ont été découverts ailleurs dans le pays.

    Ces « passagers » ont été trouvés dans des camions dans les ports de Hoek van Holland et d’Europoort. Sept d’entre eux venaient d’Algérie, d’Iran et du Maroc et l’identité des trois autres n’a pas encore été établie.

    Nu.nl, 17 mars 2021

    Tags : Pays Bas, migration, Maroc, Algérie, Libye, Irak,

  • The Mauritanian est un dur souvenir de la guerre d’Irak en cours

    Dans The Mauritanian, les gens ne cessent de regarder leur reflet – le leur, celui d’un membre de leur famille dans un rétroviseur. Cela se produit plusieurs fois rien que dans les premières minutes. La métaphore est appropriée dans un film axé sur le reflet, avec le sentiment que rien n’a vraiment changé.

    The Mauritanian (actuellement à l’affiche au AMC Waterfront et disponible à la location sur Amazon Prime) raconte fidèlement l’histoire vraie de Mahamedou Ould Salahi, la première personne à avoir écrit ses mémoires alors qu’elle était emprisonnée au camp de détention de Guantanamo Bay. (Le film est en partie basé sur son Journal de Guantanamo). Malgré les preuves douteuses (au mieux) de ses crimes présumés, il a été détenu pendant 14 ans sans qu’aucune charge ne soit retenue contre lui.

    Le film est centré sur la bataille juridique pour et contre lui, avec les rouages d’un thriller juridique classique. Ce n’est pas une mauvaise chose, mais Le Mauritanien ne cherche pas à réinventer la roue dans sa façon de raconter son histoire. Il reprend consciencieusement toutes les notes du genre, avec des avocats déterminés qui épluchent des dossiers, des concours de pisse entre des personnes gagnant des salaires à six chiffres, et des discours passionnés sur l’obligation morale du système juridique qui vous donnent un peu trop d’espoir.

    Les performances sont à la hauteur de l’attitude laborieuse du film et contribuent à rehausser un matériau dont on connaît tous les rebondissements et les moments forts. La révélation ici est Tahar Rahim dans le rôle de Salahi. Être le visage d’une guerre et d’une bataille politique est ingrat, mais Rahim s’en sort plus que bien. Il ne se contente pas de jouer Salahi comme un vecteur de douleur, mais comme un individu constamment curieux, dont la situation est d’autant plus douloureuse qu’il est suffisamment intelligent pour comprendre la dynamique du pouvoir qui le maintient en prison.

    Et c’est cette dynamique du pouvoir qui permet à The Mauritanian de ne pas être un simple film de genre médiocre. Les véritables batailles qui se déroulent ici ne sont pas entre avocats, ni même vraiment entre pays. C’est entre l’information et le manque d’information, la guerre qui a été transmise au public et celle qui a réellement eu lieu.

    Jodie Foster incarne Nancy Hollander, l’avocate des droits de l’homme, dure et cynique, qui se heurte à son cabinet et à l’opinion publique pour prendre en charge le cas de Salahi. Ce rôle lui semble aussi facile que de sortir du lit, car elle se glisse facilement dans la peau de militaires arrogants et sort des phrases lapidaires comme « La Constitution ne comporte pas d’astérisques indiquant que les conditions générales s’appliquent ».

    Les autres interprètent leurs rôles tout aussi bien. La bouche de Benedict Cumberbatch fait des heures supplémentaires pour essayer de garder son accent du Sud mâchouillé dans le rôle de l’avocat militaire principal Stuart Couch, mais son mélange naturel d’acier et d’intelligence sert bien le film pour un personnage à un carrefour éthique. Shailene Woodley est parfois malmenée dans le rôle de l’avocate junior Teri Duncan, mais elle porte bien la charge émotionnelle de certains des moments les plus tristes du film.

    On sait maintenant ce qui se passe à Guantanamo Bay, mais cela ne rend pas moins horrible la scène de torture finale. Mais l’horreur plus occasionnelle de The Mauritanian est le mépris fondamental de la transparence qui a fini par définir la politique américaine au Moyen-Orient dans les années 2000. C’est un film principalement défini par la paperasserie et des documents fortement expurgés. Et surtout, il est très rarement défini par des preuves.

    Le film semble se terminer sur la même ligne dure mais optimiste, mais le post-scriptum vous frappe aux tripes. C’est un rappel brutal que, quelle que soit l’intensité de la lutte pour la justice dans cette guerre apparemment sans fin, elle ne peut pas faire une grande différence. Cela fait maintenant 20 ans que le conflit dure. Les choses n’ont pas changé, elles ont juste changé de nom et de salle d’audience.

    Source : Pittsburgh City Paper, 9 mars 2021

    Tags : The Mauritanian, Guantanamo, terrorisme, torture, Irak,

  • Introduction à l’histoire du Chiisme (1)

    Le chiisme a vu le jour au cours du premier siècle de l’Hégire et plus exactement suite à « La Grande Discorde » qui opposa les musulmans du Cham (la Syrie aujourd’hui) partisans de Mouaouia aux musulmans de Basra et de Koufa (en Irak) partisans du 4ème Calife ‘‘bien guidé’’ Ali (cousin et gendre du Prophète).

    L’origine de ce mouvement fut politique et sa transformation en un mouvement politico-religieux ne s’effectuera que plus tardivement comme nous le verrons dans le cadre de cette introduction à l’histoire du Chiisme et des Chiites.

    J’attire votre attention dès maintenant sur le fait que le travail que vous allez lire n’est pas l’œuvre d’un historien et qu’il ne prétend pas dire la Vérité absolue sur ce mouvement d’autant plus que les sources écrites qui existent aujourd’hui et qui on servit à élaborer l’histoire du chiisme n’ont vus le jour qu’au 2ème siècle de l’Hégire, c’est à dire après plus de cent ans de l’existence effective de ce mouvement.

    Je ne rentrerai pas dans plus de détails quant aux conditions historiques de l’élaboration de l’histoire des Chiites mais j’ai simplement voulu attiré votre attention sur la relativité de certaines informations que vous pouvez lire dans cette introduction et ce malgré le fait que j’ai essayé de ne prendre en considération que les éléments les plus vraisemblables en érigeant la neutralité comme ma première référence.

    Après la mort de Uthman en 35 de l’Hégire (656), Ali prendra sa place en tend que Calife des musulmans. Seulement, son règne ne durera pas longtemps car il sera très vite contesté par Mouaouia contre lequel il mènera la bataille de Ciffin en 37 de l’Hégire.

    En l’an 40 de l’Hégire, Ali est assassiné par un Kharijite du nom d’Ibn Moljem et ce parce que les Kharijites considèrent que les deux parties qui ont provoqués la grande discorde des musulmans (Ali et Mouaouia) ainsi que leur partisans sont tous dans l’erreur, qu’ils étaient de grands pécheurs et qu’ils méritaient la mort et l’enfer.

    La constitution du chiisme en tant que mouvement politique réclamant le Califat pour Ali ne s’arrêtera pas pour autant avec la mort de ce dernier. Très vite, les Chiites prêteront allégeance à l’aîné de ses fils, Al Hassan pour succéder à son père. Et de la réclamation du Califat pour Ali, nous passerons à la réclamation du Califat pour Ahl Al Bayt (La famille du Prophète).

    Les historiens, relèvent qu’a part ces revendications, il n’y avait, à ce moment, entre les Chiites et le reste des musulmans aucune divergence doctrinal.

    Al Hassan qui estimait ne pas avoir les moyens pour combattre Mouaouia préféra lui prêter, en compagnie de ses partisans, allégeance, puis se réfugie, accompagné de son frère Al Hussein et de son demi frère Ibn al Hanafya, à Médine.

    Damas, ou le nouveau Calife compte le plus de partisans est devenue la capitale du Califat et les deux villes saintes de l’islam : La Mecque et Médine, céderont leur rôle politique à la nouvelle capitale et ne garderont qu’un rôle religieux.

    Suite à la victoire incontestée de Mouaouia -et même auparavant- une très grave pratique a vue le jour dans les mosquées : l’injure de Ali dans les prêches du vendredi. Une pratique qui renforcera davantage la haine que porte désormais les Chiites pour les Omeyyades (partisans de Mouaouia).

    En plus, l’allégeance de Al Hassan et de ses partisans ainsi que son ‘‘isolement’’ à

    Médine n’ont, semble-il, pas suffit à tranquilliser Mouaouia sur le sort du fils de son rival. Il donnera alors ses ordres pour la mise à mort du petit fils du Prophète.

    C’est ainsi que les agents de Mouaouia s’approchèrent de la femme d’Al Hassan et lui demandèrent de l’empoisonner en contre partie d’une très grande somme d’argent et du mariage avec le fils de Mouaouia Yazid.

    En homme de parole, et suite à l’empoisonnement d’Al Hassan par sa femme en 49 de l’Hégire, Mouaouia lui donnera ce qu’il lui avait promis en argent mais pas… son fils. Il avait très peur que son fils épouse une empoisonneuse !

    Avec la mort d’Al Hassan, c’est au tour d’Al Hussein de réclamer ‘‘l’héritage’’ de son Grand-père (le Prophète) et de son père (Ali).Mais il ne le fera pas aussitôt.

    D’abord, parce qu’à Médine ou il ne comptait que peu de partisans, Al Hussein ne pouvait pas déclarer les hostilités à Mouaouia.

    Ensuite, parce que, comme sot frère, il a jugé que les chiites n’avaient pas assez de moyens pour renverser les Omeyyades.


    Il fallait donc attendre le moment propice…

    C’est ce qui adviendra avec la mort de Mouaouia en l’an 60 de l’Hégire. Seulement, ce dernier avait préparé depuis quelques années son fils Yazid pour lui succéder. Mais ce Yazid passe auprès de beaucoup de musulmans pour un buveur de vin… et on lui impute tous les vices de la terre. C’est ce qui expliquera le fait que la majorité des fils des compagnons du Prophète refuseront de lui prêter allégeance.

    Seulement, si Yazid ne pouvait craindre l’ensemble des fils des compagnons du Prophète, tel ne pouvait être le cas du fils du rival de son père et qui dispose d’un nombre très important de partisans à Basra et à Koufa. C’est pour cette raison que le gouverneur de Médine, sous l’ordre de Yazid, pressa Al Hussein de prêter allégeance au nouveau Calife.

    Sans tempérer, ce dernier qui avait déjà reçu secrètement plusieurs missives lui demandant de rejoindre ses partisans (80.000 hommes armés) à Koufa et réclamer l’héritage de son père, rassura le gouverneur sur ses intentions et lui demanda qu’il le fasse le lendemain publiquement.

    Mais avant l’aube, Al Hussein quitta Médine avec ses femmes, ses enfants et certains de ses partisans pour rejoindre Koufa …à 1300 Km de Médine.

    Signalons ici que le demi frère d’Al Hussein, Ibn Al Hanafya, ainsi que son entourage à Médine, était opposé au ralliement d’Al Hussein aux opposants Chiites en avançant comme argument le fait que si vraiment insurrection il y avait, pourquoi les Chiites ne s’étaient pas révoltés contre le gouverneur de Koufa ?

    Que dire alors d’une révolte contre l’ensemble du royaume Omeyyade !

    Cette analyse pertinente ne sera pas entendue par Al Hussein.

    Alerté du départ de Al Hussein de Médine, Ibn Zied qui fut entre temps nommé par Yazid gouverneur de Koufa et chargé de mater l’insurrection, se prépara pour recevoir Al Hussein et ses quelques combattants après avoir tué le chef Koufi des Chiites Hani Ibn Arwa (jeté du haut du palais de Ibn Zied).

    L’insurrection était matée, les combattants chiites tués ou emprisonnés et la situation avait déjà tournée au profit des Omeyyades avant même l’arrivé de Al Hussein !

    Ibn Zied envoya à la rencontre de Al Hussein 4000 hommes afin de lui barrer la route de Koufa. Les informations dont nous disposons sont unanimes pour dire que le but n’était pas de tuer le petit fils du Prophète mais de lui faire prêter allégeance à Yazid. Pour cette raison les hommes de Ibn Zied laisseront Al Hussein et ses combattants se diriger vers Kerbala (50 km de Koufa).

    Seulement, après avoir refuser de prêter allégeance, et suite à l’ordre du Calife Yazid, les guerriers de Ibn Zied massacrèrent les combattants d’Al Hussein : tous les mâles, y compris les petits garçons, furent tués et décapités. Quant à Al Hussein, le petit fils du Prophète, en lui trancha la tête et en l’envoya en signe de victoire au Calife Yazid.

    Un seul miraculé a échappé à ce carnage : un jeune enfant d’Al Hussein, Ali, sauvé par sa tente.

    La vengeance des chiites

    Avec la mort d’Al Hussein, fils de Ali et petit-fils du Prophète, en 61 de l’Hégire, le Chiisme en tant que mouvement politico-religieux prendra naissance. Les Chiites ne veulent plus seulement remettre le Califat aux mains de Ahl Al Bayt mais ils incluent dans leur dogme la vengeance d’Al Hussein.

    Mais avec cet événement, le Chiisme connaîtra aussi des difficultés (Absence d’un chef charismatique d’une part et divergence sur le quatrième Imam d’autre part) ainsi que des transformations.

    En effet, pour ce qui est des difficultés, après la mort d’Al Hussein il n’y avait plus qu’un seul mâle dans la famille de Ali et de Fatima (fille du Prophète) susceptible de prétendre à l’Imamat : Ali Zine Al Abidine, qui fut le seul rescapé mâle de la bataille de Kerbala.

    Seulement, à la mort de son père, Ali n’était qu’un petit garçon incapable de conduire la révolte et la vengeance des Chiites. En plus, il n’était pas l’unique mâle dans la (grande) famille du Prophète. Il y avait aussi, Ibn Al Hanfya, qui est le fils de Ali -mais pas de Fatima- et qui prendra la direction spirituelle du mouvement.

    Et là réside l’un des premiers problèmes du Chiisme : en effet, alors que la définition de Ahl Al Bayt, devrait englober toute la famille du Prophète (cousins, oncles, tantes…) les Chiites ne considèrent membres de cette famille -et donc prétendants à l’Imamat- que les descendants mâles de Ali et Fatima.

    Nous verrons plus loin l’explication politique de l’exclusion du reste des membres de la famille (et notamment de Ibn Hanfya) qui ne verra le jour que suite à l’échec d’Ibn Hanfya à reconquérir l’Imamat.

    Car au temps de Ibn Hanafya, les Chiites le considéraient bien comme leur quatrième Imam.

    La preuve : après la mort d’Al Hussein, une délégation de Chiites est envoyée à Ibn Hanfya pour l’informer des préparatifs des Chiites et prendre son avis à propos de Al Mokhtar (duquel nous parlerons plus loin).

    Autrement dit, à cette époque, les Chiites considéraient que tant que Ibn Hanfya, le troisième fils de Ali était en vie, Ali Zine Al Abidine n’avait aucun droit à l’Imamat… une position qui changera par la suite.

    Pour ce qui est des nouveautés dans le Chiisme de cette époque on notera la nouvelle distinction faite entre le chef spirituel et le chef politique -ou guerrier- des Chiites :

    Ibn Hanfya et tous les Imams qui lui succéderont seront des chefs spirituels loin de la politique contrairement à Ali, Al Hassan et Al Hussein.

    ***

    Très vite -dès 62 de l’Hégire- les Chiites s’organisèrent sous l’égide de Soliman fils de Sourad et commencèrent à recruter de nouveaux partisans pour venger Al Hussein.

    En quelques années ils réussirent à rassembler plus de 15.000 combattants.

    Profitant de la mort accidentel du Calife Yazid en l’an 65 de l’Hégire, Ibn Sourad entra en guerre contre l’armée Omeyyade conduite par le gouverneur de Koufa, le sanguinaire, Ibn Zied. Mais des 15.000 combattants, il ne pourra compter que sur 3000 cavaliers. La mission de Ibn Zied fut donc facile et il n’aura pas beaucoup de peine à écraser la rébellion Chiite en tuant son chef politique Ibn Sourad.

    A ce moment précis, une étoile montante du chiisme, Al Mokhtar, prendra sa place dans la direction politique du mouvement. Il ferra allégeance au troisième fils de Ali, Ibn Al Hanfya, et se chargera de venger Al Hussein.

    Les historiens parlent à son propos d’un homme très intelligent ; rusé et opportuniste alors que les chiites l’élèvent au rang d’un saint à partir du moment ou il a réussit ou tous les autres faillirent : il a vengé Al Hussien.

    Après la mort de Ibn Sourad, en 65 de l’Hégire, Al Mokhtar réussit à réunir autour de lui plus de 24.000 soldats pour combattre Ibn Zied. Ce dernier sera en effet capturé par l’armée de Al Mokhtar, son armée vaincue et lui torturé puis décapité.

    Les narrations de la torture de l’ancien gouverneur de Koufa, Ibn Zied, sont insupportables : on lui enlevait des tranches de chair de sa cuisse qu’on l’obligeait à avaler après les avoir grillait !

    On en fit de même pour tous les responsables de la mort d’Al Hussein qui s’étaient réfugiaient dans l’armée de Ibn Zied.

    La tête d’Ibn Zied ainsi que les têtes de la majorité de ses soldats furent tranchées et envoyées en trophées de guerres à Koufa pour Al Mokhtar.

    Bilan : les sources Chiites parlent de quelques vingt mille têtes !

    Ainsi les Chiites vengèrent la mort d’Al Hussein.

    La consolidation du dogme

    Nous avons déjà vu, comment le Chiisme a commencé à se constituer en tant que mouvement politico-religieux dès l’an 61 de l’Hégire (date de l’assassinat d’Al Hussein) et ce en instaurant comme premiers éléments du dogme chiite : la vengeance d’Al Hussein et la revendication du Califat (devenu Imamat) pour Ahl Al Bayet.

    Avec Ibn Hanafya et Al Mokhtar, la construction se poursuivra et ces deux personnages auront beaucoup d’influence sur l’évolution postérieure du Chiisme.

    ***

    Nous sommes en 67 de l’Hégire lorsque l’armée d’Al Mokhtar livre bataille à celle de Abd Allah Ibn Zoubayr (le Calife du Hijaz qui avait profité de la faiblesse de la dynastie Omeyyade pour proclamer en 60 de l’H. son Califat et qui fut à cette époque militairement plus fort que les Omeyyades) conduite par son frère Mosab.

    Ibn Zoubayr avait peur de la nouvelle ‘‘puissance militaire’’ qui était entrain de se constituer entre les mains des Chiites.

    Seulement, les armées zoubayrites n’ont pas eu beaucoup de mal à écraser Al Mokhtar et son armée.

    ***

    Voila pour les événements politiques de cette époque. Voyant maintenant la situation sur le plan dogmatique.

    Ce qui est perceptible dans la constitution du Chiisme -et vous allez le remarquer- et que chaque fois que les Chiites perdent un Imam ou un dirigeant, leur dogme se radicalise de plus en plus…

    Cela va se vérifier encore après la défaite de Al Mokhtar :

    D’abord, Al Mokhtar qui est considéré par les Sunnites comme un charlatan, est pour les Chiites un saint serviteur du quatrième Imam.

    A coté du rôle politico-militaire qu’il joua (en tant que lieutenant de Ibn Hanafya), cet homme prétendait être capable d’illumination divine.

    Le grand historien Tabari nous raconte même que plusieurs de ses prédictions se révélèrent justes.

    Al Mokhtar sera ainsi derrière la naissance de l’un des principes du Chiisme : le Bida selon lequel Dieu aurait changé le cours des choses initialement prévues parce qu’il il a eu de nouvelles choses qui lui sont apparues.

    Pour les Sunnites, ce genre d’analyse est inadmissible : la science de Dieu ne saurait connaître d’altération ou de changement… et toute personne qui croit à la Bida est hérétique.

    Pour les Chiites par contre, la Bida (le changement) n’a pas lieu dans les sciences divines mais dans l’ordre des choses…

    Ensuite, quelques décennies après la mort d’Al Mokhtar, le Chiisme se radicalisera de plus en plus : les Chiites ne revendiquent plus seulement la vengeance d’Al Hussein et le retour du Califat aux mains de Ahl Al Bayt mais ils élargiront le cercle de leur ennemis : ce ne sont plus les Omeyyades seulement mais aussi et surtout les deux premiers Calife de l’Islam : Abou Bakr et Omar.

    Le pourquoi de cette évolution ?

    A cette époque, le Chiisme développa l’un de ses plus important principes : l’Imamat n’est pas un simple pouvoir politique, mais c’est aussi et surtout une continuation de la Prophétie.

    Sans Imamat, la Prophétie sera incomplète et le dessein de Dieu sur la terre inachevé : L’imamat est une pierre angulaire de l’islam.

    Pour son importance, l’Imamat ne peut pas être hérité et l’imam ne peut être choisi par les croyants. Il doit recevoir explicitement la mission de l’ancien Imam et doit être de la descendance de Ali et de Fatima.

    Poursuivant leur analyse, les Chiites considèrent que le Prophète aurait donc désigné l’Imam qui lui succéderait : Ali.

    Dans ce cas, Abou Bakr et Omar qui n’auraient pas donnés suites aux injonctions du Prophète, auraient commis un péché capital.

    Ainsi, nous remarquons que les premières divergences de taille entre les Sunnites et les Chiites remontent à cette époque (fin du premier siècle de l’Hégire – début du deuxième).

    A suivre…

    Tags : Religion, Islam, Sunnite, chiite, Maroc, Algérie, Tunisie, Arabie Saoudite, Irak, Iran,





  • Cinq choses à savoir sur Antony Blinken, le choix de Biden pour Secrétaire d’État

    Le président élu Biden a choisi cette semaine Antony Blinken, un assistant de longue date et l’un de ses plus proches conseillers en politique étrangère, pour le poste de secrétaire d’État.

    Blinken a une vaste expérience en matière de politique étrangère, et s’il est confirmé, il devra faire face à une série de défis émergents et persistants, le tout au milieu d’une pandémie dangereuse.

    Voici cinq choses à savoir sur Blinken.

    Blinken a une relation de travail de plusieurs années avec Biden

    La relation entre Blinken et Biden remonte à des décennies.

    Lorsque Biden a été président et membre de rang de la commission des relations étrangères du Sénat, Blinken a été son directeur du personnel démocrate pendant six ans. Il a ensuite suivi Biden à la Maison Blanche lorsque le sénateur a été élu vice-président, en tant que conseiller à la sécurité nationale de Biden.

    Blinken a ensuite occupé divers postes dans l’administration Obama, notamment en tant qu’assistant du président Barack Obama et en tant que principal conseiller adjoint du président pour la sécurité nationale.

    Il était de nouveau aux côtés de Biden après avoir lancé sa candidature à la présidence, en tant que conseiller clé en politique étrangère pour la campagne.

    Blinken a déclaré mardi qu’il acceptait sa nomination, a déclaré que sa relation avec le président élu avait été le point culminant de sa carrière professionnelle.

    « Monsieur. Président élu, travailler pour vous – et vous avoir comme mentor et ami – a été le plus grand privilège de ma vie professionnelle », a déclaré Blinken.

    Et Biden, en annonçant Blinken comme son choix en chef de la politique étrangère, l’a appelé l’un de ses «conseillers les plus proches et les plus fiables».

    Blinken s’est concentré sur le Moyen-Orient

    Blinken a reconnu qu’il était devenu hyper concentré sur la politique étrangère au Moyen-Orient après les attentats terroristes du 11 septembre et à nouveau pendant l’invasion américaine de l’Irak.

    Lorsque Biden était au Sénat, Blinken l’a aidé à élaborer un plan pour remédier aux divisions en Irak. Il a plaidé pour essayer de diviser les Irakiens par leur identité ethnique ou sectaire afin de créer trois zones qui auraient la capacité de se gouverner elles-mêmes. L’idée a cependant été largement rejetée, y compris par le Premier ministre irakien de l’époque.

    Pourtant, Blinken a façonné la politique américaine au Moyen-Orient.

    Sous l’administration Obama, il était responsable de la construction d’une coalition de dizaines de pays qui travaillaient pour contrer Daech dans la région. Blinken a également présidé les efforts de l’administration pour décider de la politique étrangère, qui portait sur des questions comme l’Afghanistan et le programme nucléaire iranien.

    Blinken veut remonter le moral de l’État

    En tant que secrétaire d’État adjoint sous l’administration Obama, l’un des derniers moments de Blinken – et des moments les plus mémorables selon à qui vous le demandez – a été tenu hors de la vue du public lors de la fête de vacances de l’agence, où il a pris la guitare dans le groupe du département d’État pour jouer. un riff sur un air de Bob Dylan, avec les paroles changées en hommage au personnel.

    «Il joue avec ses collègues du gouvernement depuis un certain temps», a déclaré Halie Soifer, qui a servi au département d’État sous Blinken.

    Aussi dans le groupe était Rep. Tom Malinowski (D-N.J.), Qui à l’époque était secrétaire adjoint, Bureau de la démocratie, des droits de l’homme et du travail.

    Blinken, en acceptant sa nomination au poste de secrétaire d’État du Delaware mardi, a remercié ses «compagnons de bande» aux côtés de ses collègues des administrations Obama et Clinton, du Sénat et du département d’État.

    «C’est vraiment ce que cela symbolisait. Il n’était pas seulement un leader en tant que secrétaire adjoint, en termes de prise de décisions au sommet, il était un leader en termes de soutien à l’ensemble du bâtiment », a déclaré Soifer.

    Lew Lukens, qui a été chef de mission adjoint à l’ambassade des États-Unis à Londres dans l’administration Obama jusqu’en 2018, a décrit Blinken comme «humble et discret», mais a déclaré qu’il apporterait une compréhension et une appréciation profondes au département d’État et qu’il est «bien informé et réfléchi aux priorités de Biden.

    « Je pense qu’il est clair que ce sera une équipe qui reconnaît l’importance de travailler avec des alliés et des partenaires pour faire face aux menaces mondiales et transnationales », a déclaré Lukens. «Ils comprennent que nous pouvons mieux lutter contre le terrorisme, les pandémies, le changement climatique et d’autres menaces en travaillant en collaboration avec des pays partageant les mêmes idées au lieu de suivre une approche« américaine d’abord / seul ».»

    Blinken est le beau-fils d’un survivant de l’Holocauste

    Blinken a crédité sa vision des États-Unis comme étant façonnée à la fois par son père, qui a servi dans l’armée de l’air pendant la Seconde Guerre mondiale et était ambassadeur en Hongrie, ainsi que son beau-père, un survivant de l’Holocauste qui voyait les États-Unis comme un phare de liberté et liberté.

    Il a souligné leurs deux histoires dans ses remarques de mardi acceptant sa nomination, appelant son père Donald Blinken son modèle et son héros.

    Blinken a également raconté comment son beau-père, Samuel Pisar, est venu en Amérique. Pisar, l’un des rares membres survivants de sa famille, se cachait dans les bois polonais pour échapper à l’une des dernières marches de la mort à la fin de la Seconde Guerre mondiale, quand il a vu un char avec une étoile blanche à cinq branches peinte dessus. .

    «Il a couru vers le réservoir. La trappe s’ouvrit. Un Afro-américain G.I. le regarda. Il tomba à genoux et prononça les trois seuls mots qu’il savait en anglais que sa mère lui avait enseignés: «God Bless America». Le G.I. l’a emmené dans le réservoir, en Amérique, dans la liberté », a déclaré Blinken.

    Dan Fried, ancien ambassadeur américain et vétéran du service extérieur qui connaît Blinken depuis des décennies, a déclaré qu’il pensait que cette histoire illustre la vision de la politique étrangère de Blinken.

    «Je ne lui ai jamais dit cela, mais je soupçonne que sa réflexion sur la politique étrangère est dérivée de son sens de l’identité de l’Amérique en tant que pays de valeurs», a-t-il déclaré dans une interview avec The Atlantic Council, «un pays qui pourrait soulever son réfugié. beau-père en Amérique, et un pays qui savait que l’avancée de ses valeurs et intérêts était en quelque sorte liée.

    Blinken a deux jeunes enfants

    Blinken entrera dans le travail exigeant à un moment où lui et sa femme auront deux jeunes enfants à la maison, faisant de lui le premier secrétaire d’État des temps modernes à avoir de jeunes enfants en bas âge, y compris un enfant d’un an.

    Blinken est mariée à Evan Maureen Ryan, qui a également été actif dans la politique américaine. Les deux se sont rencontrés alors qu’ils servaient dans l’administration Clinton.

    Pendant son temps au gouvernement, Blinken a également montré un intérêt pour l’éducation précoce. En septembre 2016, Blinken est apparu dans la célèbre émission pour enfants Sesame Street dans le cadre d’un effort de sensibilisation au sort des réfugiés et au travail des Nations Unies.

    «Ce sera inspirant pour les parents qui travaillent partout dans le monde de voir le plus haut diplomate américain en action car il aide également à élever deux enfants en bas âge», a tweeté Samantha Power, son ancienne collègue qui a été ambassadrice d’Obama aux Nations Unies. «Merci à Tony et à l’incomparable Evan Ryan pour leur sacrifice familial.»

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    Source : The Hill

     

  • La recomposition géo-politique programmée du Moyen Orient

    par Pierre Hillard

    Les tensions et les violences qui secouent le Moyen-Orient depuis l’intervention israélienne au Liban, le 12 juillet 2006, ne sont que la partie visible d’un immense enjeu politique, économique, religieux et philosophique opposant l’Occident aux Etats islamiques de la région. L’occupation américaine de l’Irak en mars 2003 a permis le lancement d’un projet révolutionnaire en vue de remodeler une vaste zone géographique allant du Maroc au Pakistan: le Grand Moyen-Orient. Derrière cette appellation, c’est une recomposition profonde qui attend ces pays musulmans. Beaucoup de théories et de supputations courent sur les ambitions des Etats-Unis et d’Israël au sujet de la politique poursuivie par leurs dirigeants. Cependant, des signes avant-coureurs apparaissent et permettent d’apercevoir concrètement les plans en cours. C’est tout l’enjeu des cartes ci-jointes appelant à recomposer le Moyen-Orient.

    Ces cartes (« before » : situation en 2006 (ci-dessus) et « after » : situation après recomposition (ci-dessous)) sont parues dans une revue militaire américaine, AFJ (Armed Forces Journal), en juin 2006 sous la plume d’un lieutenant-colonel américain à la retraite, Ralph Peters. Ce dernier s’est illustré dans une division d’infanterie mécanisée à partir de 1976 pour, ensuite, poursuivre ses activités dans le renseignement militaire en 1980. Auteur de nombreux ouvrages traitant de la stratégie et des relations internationales, Ralph Peters s’est retiré officiellement de l’armée en 1999. Cependant, ses contacts restent étroits avec ce milieu puisqu’il fait partie de l’équipe dirigeante d’AFJ. Cette revue n’est qu’une partie d’un véritable empire de la presse militaire américaine. Fondé en 1863, ce mensuel s’adresse aux officiers des Etats-Unis traitant de sujets aussi variés comme : la technologie militaire, la logistique, la stratégie, la doctrine ou encore la tactique. En fait, AFJ est coiffé par une maison mère, Army Times Publishing Company, dont les publications s’articulent autour de trois axes :

    The Military Times Media Group qui publie: Army Times, Navy Times, Air Force Times et Marine Corps Times.
    The Defense News Media Group, groupe mondial des revues de défense et qui publie: Defense News, Armed Forces Journal (AFJ), Training § Simulation Journal et C4ISR Journal (renseignement, surveillance et reconnaissance).

    The Federal Times, hebdomadaire d’informations traitant des nouvelles technologies et des sujets financiers.

    Depuis le 1er août 1997, Army Times Publishing Company est une filiale d’un groupe encore plus puissant, la société Gannett. Fondé en 1906 par Frank Gannett, cet empire de presse et des médias publie aux Etats-Unis près de 90 quotidiens dont les plus connus sont USA Today et USA Weekend et contrôle 22 stations de télévision. Ses activités débordent aussi au Royaume-Uni puisque 17 quotidiens sont sous son influence. L’ensemble génère des revenus financiers colossaux estimés à 7,6 milliards de dollars pour 2005.

    Cette présentation permet de mieux saisir dans quel milieu la revue AFJ évolue et la signification des travaux de Ralph Peters. En effet, les propositions de ce dernier et les appels lancés à un changement radical des frontières du Moyen-Orient ne sont évidemment pas le résultat des réflexions d’un seul homme soucieux d’occuper son temps. De nombreuses études ont été lancées au sein des instances militaires américaines comme dans de nombreux think tanks appelant à revoir les limites frontalières de ces Etats. Comme le montre la carte (« after »), les modifications apportées aux frontières sont le fruit d’une lente mais sûre réflexion intellectuelle dont la publication dans une revue militaire américaine de haut rang n’est pas l’effet du hasard. Le but recherché est aussi de tester les réactions en particulier celles des musulmans de la région. Cela dit, il ne faut pas voir ce document comme définitif. En fait, c’est un prototype susceptible de connaître des changements que certains appelleraient des variables d’ajustement. En réalité, l’intérêt majeur de ces travaux est de révéler que les instances militaires et politiques des Etats-Unis se sont résolument engagées dans un domaine en n’hésitant plus à l’officialiser. En même temps, cette entreprise doit se faire en adéquation avec Israël concerné au premier chef par ces bouleversements. A l’égard de ce pays, Ralph Peters se définit comme un ami « de longue date » (New York Post, 22 juillet 2006).

    L’article de ce militaire américain, intitulé « Frontières ethniques, que faire pour améliorer le Moyen-Orient », part du principe qu’il faut lever le tabou de la sacro-sainte frontière inamovible. Pour l’auteur, les nouvelles frontières doivent se modeler en fonction du critère ethnique et confessionnel. Même s’il n’est pas possible de tracer des frontières respectant la totalité des particularismes en tout genre nombreux et numériquement très variables, il faut pour Ralph Peters se rapprocher au maximum de ce concept.

    Comme il le souligne : « Nous parlons de difformités énormes faites par les hommes qui n’arrêteront pas de générer la haine et la violence tant qu’elles n’auront pas été corrigées ». Dans son esprit, il s’agit de remettre radicalement en cause les frontières nées des Accords Sykes-Picot de 1916 préparant le démantèlement de l’Empire ottoman.

    En observant l’ensemble de cette zone en partant de la Péninsule arabique, on constate immédiatement le démantèlement du royaume d’Arabie Saoudite. Les propos de l’auteur sont très clairs à l’égard d’un pays qui a bénéficié de la protection américaine suite aux discussions entre le président Roosevelt et le roi Ibn Saoud, le 14 février 1945, à bord du croiseur USS Quincy. Désormais, le royaume d’Arabie Saoudite passe à la trappe. Deux grandes entités territoriales échappent à l’autorité de Riyad. Sur la côte Ouest, il s’agit de créer un « Etat sacré islamique ». Comme le précise Ralph Peters dans des propos lourds de conséquences : « La cause principale de la large stagnation du monde musulman réside dans le traitement réservé à la Mecque et à Médine considérés comme leur fief par la famille royale saoudienne. Les lieux saints de l’Islam soumis au contrôle de la police d’Etat de la part d’un des plus bigots et oppressifs régimes au monde ont permis au Saoud (ndlr : la famille régnante d’Arabie Saoudite) de projeter leur croyance wahhabite à la fois intolérante et disciplinée au-delà de leurs frontières. (…) Imaginez comme le monde musulman se sentirait mieux si la Mecque et Médine étaient dirigés par un Conseil représentatif tournant issu des principales écoles et mouvements de l’Islam dans le monde au sein d’un Etat sacré islamique – une sorte de super Vatican musulman – où l’avenir de la foi serait débattu au lieu d’être arbitrairement fixé ».

    Ce point est capital puisqu’il révèle la volonté de réformer l’Islam afin de l’adapter aux principes occidentaux. Une sorte « d’Islam des Lumières » élaboré au cœur de cet Etat sacré islamique permettrait de rayonner sur l’ensemble du monde musulman et de remodeler les esprits afin qu’ils épousent pleinement la philosophie mondialiste. Il est vrai que contrôler les esprits a toujours permis de contrôler les hommes. C’est d’ailleurs dans le même ordre d’idée que l’on retrouve ces mesures préconisées par la Fondation Bertelsmann, think tank allemand qui, dans ses travaux débattus dans le cadre des « Discussions de Kronberg » en 2002 et 2003 (Europe, the mediterranean and the Middle East, strengthening responsibility for stability and development et Die Zukunft der europäischen Politik im Nahen Osten nach dem Irak Krieg), relève l’inadéquation de l’Islam à l’évolution du monde moderne et prône une refonte des mentalités et la remise en cause des frontières. Ces recommandations allemandes soulignent aussi la convergence des buts à atteindre de part et d’autre de l’Atlantique pour refondre entièrement le Moyen-Orient. Il est vrai aussi que les concepts ethno-confessionnels développés par Ralph Peters cadrent parfaitement avec la vision ethniciste germanique.

    Sur la côte du Golfe persique, c’est la province de Hassa dont la population est majoritairement chiite qui est détachée de l’Arabie Saoudite et intégrée à un « Etat chiite arabe », vestige d’un Irak littéralement explosé. L’application de cette mesure entraînerait la mort économique du royaume car c’est à cet endroit que se concentre l’essentiel de l’extraction des hydrocarbures autour de la triade Dammam-Dharhan-Al-Khobar. L’Etat chiite arabe verrait ses réserves pétrolières et gazières monter en flèche et deviendrait incontournable car, outre les vastes ressources de Hassa et de la production off-shore, il faudrait ajouter celles de la région de Bassora (ex-Irak) et des provinces arabes iraniennes, détachées de Téhéran, riches en hydrocarbures jouxtant le Chatt el-Arab (Arabes chiites du Khouzistan et Arabes sunnites du Bouchir). De plus, Riyad perdrait ses provinces du Sud (Jizrane, Najran et l’Assir) au profit du Yémen, territoires acquis en 1934 lors du Traité de Taëf, et qui ont conservé leur identité yéménite. Enfin, la curée sera complète avec l’octroi d’une façade maritime à la Jordanie, Etat pro-occidental, en arrachant à l’Arabie Saoudite les provinces de Tabouk et une partie du Jouf.

    La destruction du royaume des Al Saoud affichée par la carte (« after ») de Ralph Peters n’est que la confirmation de projets élaborés au sein de certaines instances américaines. David Rigoulet-Roze, spécialiste du Moyen-Orient, dans son ouvrage « Géopolitique de l’Arabie Saoudite » (Editions Armand Colin) le souligne clairement :

    « Il y eut notamment la publication le 6 août 2002, par le Washington Post, d’un briefing qui a eu lieu le 10 juillet 2002 au Defense Policy Board (DPB, ndlr : organisme de planification stratégique créé en 1985 par Donald Rumsfeld), alors dirigé par le très influent Richard Perle, surnommé le Prince des ténèbres lorsqu’il officiait au Pentagone entre 1981 et 1987 sous l’administration Reagan. Au cours de ce briefing, l’Arabie Saoudite avait été qualifiée par Laurent Murawiec, un analyste du prestigieux centre de recherches stratégiques de la Rand Corporation, de pays ennemi. (…) Pire encore, Murawiec avait évoqué la légitimité de sanctions, dont le gel des avoirs saoudiens, voire… la scission de la province orientale du royaume renfermant ces gisements et ces réserves pétrolières qui font de l’Arabie le maître du quart des réserves d’or noir.

    (…) Quelques temps seulement après l’affaire Murawiec, c’était au tour d’un think tank proche des néo-conservateurs, le Hudson Institute – dont Perle est membre, et où officie désormais Murawiec – de reprendre et de développer les idées avancées par le DPB. Etait alors ouvertement évoqué un plan de démantèlement de l’Arabie Saoudite qui, en réalité, existe depuis la fin des années 70, à l’initiative d’Henry Kissinger, alors Secrétaire d’Etat de l’Administration Nixon. (…) C’est également dans le même ordre d’idées que semble s’inscrire un rapport remontant à la fin de l’année 2002, circulant au plus haut niveau dans les milieux officiels de Washington. Il envisagerait rien moins que le démembrement pur et simple de l’Arabie Saoudite selon le scénario suivant : les Lieux saints de la Mecque et de Médine se verraient confiés aux Hachémites qui, en tant que descendants du Prophète, bénéficient d’une légitimité qui fait largement défaut à la dynastie des Al Saoud et la province du Hassa serait poussée à faire sécession dans le but de se constituer en Emirat pétrolier. »

    Les révélations de ce spécialiste français continuent sur la même lancée puisqu’il affirme la volonté des Etats-Unis de favoriser une « recomposition politique radicale du Moyen-Orient qui passerait notamment en Irak même par une dévolution du pouvoir à la majorité chiite par les grâces d’une démocratie arithmétique ». C’est justement ce que révèle la carte (« after ») de Ralph Peters où l’Etat irakien a disparu au profit d’un Etat chiite arabe et d’un résidu appelé « Irak sunnite » que le militaire américain propose même d’unifier à la Syrie qui, entre-temps, a perdu sa façade maritime au profit d’un Grand Liban. Il est même évoqué sous sa plume la renaissance de l’antique Phénicie (Phoenecia reborn) tandis que l’Etat d’Israël est conservé dans ses frontières d’avant 1967. Il est étonnant de constater, en raison du véritable chambardement des frontières au Moyen-Orient, que Ralph Peters conserve le territoire de la Cisjordanie (West Bank) au rang de statut indéterminé. Peut-être que le statut définitif de Jérusalem, siège de trois grandes religions, nécessite de ne pas révéler tout de suite l’avenir d’une zone éminemment convoitée.

    En tout cas, la partition de l’Irak sur la carte (« after ») commence à prendre forme sur le terrain. L’ambassadeur britannique à Bagdad, William Patey, et le général américain John Abizaid ont clairement affiché leurs craintes d’une guerre civile suivie d’une division du pays comme l’a révélé un document confidentiel publié par la BBC (Spiegelonline, 3 août 2006). Leurs affirmations ne font que confirmer les propos du journal d’Istanbul, Vatan, qui évoquait les propos tenus à des représentants turques par des responsables américains, début 2006, au sein des think tanks de Washington : « Arrêtez de vous soucier de l’intégrité territoriale de l’Irak. En réalité, ce pays est déjà divisé ! Vous [les Turcs] feriez mieux de vous préoccuper maintenant de votre Sud-Est [région à majorité kurde]. Essayez d’imaginer quelles seront les répercussions de l’autonomie du Kurdistan irakien dans votre pays » (Courrier International n°805).

    C’est d’ailleurs le même son de cloche de la part des dirigeants européistes de Bruxelles qui susurrent à Ankara que « Si la Turquie se séparait de son Sud-Est, elle entrerait plus facilement dans l’Union européenne » (Courrier International n°805). L’ethno-régionalisme prôné par les instances bruxelloises ne ferait qu’accélérer le phénomène de décomposition de l’Etat turc. Finalement, les propos de Ralph Peters ne font que confirmer ces prises de position puisqu’il ajoute qu’un cinquième de la partie Est de la Turquie est un « territoire occupé » et qu’un « Kurdistan libre, s’étendant de Diyarbakir jusqu’à Tabriz deviendrait l’Etat le plus occidental entre la Bulgarie et le Japon ».

    La création d’un Etat kurde (Free Kurdistan) construit à partir des territoires Sud-Est de la Turquie, du Nord de la Syrie et de l’Irak, et de l’Ouest de l’Iran aboutirait à l’émergence d’un bloc estimé à environ 30 millions d’habitants. Fort des installations pétrolières de Kirkouk, cet Etat kurde pro-américain serait avec l’Etat chiite arabe les deux grands pôles de la production d’hydrocarbures et de gaz du Moyen-Orient. L’importance de cet Etat kurde serait d’autant plus grande que l’oléoduc BTC évacue le pétrole de la Mer Caspienne à partir de Bakou (Azerbaïdjan), passe par Tbilissi (Géorgie) pour, ensuite, traverser tout le Sud-Est de la Turquie et aboutir à Ceyhan en Méditerranée. Les Kurdes seraient donc les grands maîtres de ce corridor énergétique voulu par les Américains en 1994. En plus du pétrole, il faut ajouter l’autre grande richesse, l’eau. Le « Grand projet anatolien » (GAP) poursuit l’objectif, grâce à 22 barrages, de dompter le Tigre et l’Euphrate qui prennent leurs sources dans les montagnes kurdes. L’achèvement de ce projet qui doit avoir lieu vers 2013, permettant l’irrigation de 1,7 million d’hectares et la production d’électricité, sera une arme redoutable aux mains de l’Etat kurde et pèsera lourdement sur la vie des habitants de tout le Moyen-Orient.

    A l’Est des Etats kurdes et chiites, l’Iran est remodelé en fonction des critères ethniques. Après avoir cédé sa partie kurde, la zone turcophone du Nord est octroyée à l’Azerbaïdjan. En revanche, la province iranienne du Khorasân s’agrandit vers l’Est en acquérant le territoire Ouest de l’Afghanistan, la région de Hérat, en conformité avec la volonté de Ralph Peters de reconfigurer la région selon les critères ethno-linguistiques. Comme le confirme Bernard Hourcade, directeur au CNRS (équipe de recherche : monde iranien), dans son ouvrage « Iran, nouvelles identités d’une République » (Editions Belin) : « L’immense province de Khorasân, (…) les limites anciennes incluaient les régions de Hérat dans l’actuel Afghanistan et celles de Samarcande et Boukhara en Ouzbékistan ». Enfin, un « Baloutchistan libre » (Free Baluchistan) est créé à partir des deux entités iraniennes et pakistanaises tandis que l’Afghanistan se voit agrandi au dépens du Pakistan jusqu’au fleuve Indus afin d’y rattacher les populations pachtounes. L’Etat pakistanais réduit de près de la moitié de sa superficie verrait sa puissance économique fortement amoindrie au point d’être incapable de servir d’allié de revers au profit de la Chine face à l’Inde. Sur ce point, les Etats-Unis seraient gagnants. Seuls des Etats comme Oman, le Qatar, les Emirats arabes unis et le Koweït échappent à ces modifications. Cependant, cette carte (« after ») étant un prototype, rien n’interdit à leurs concepteurs de se rattraper. En tout cas, la finalité américaine est de contrôler tout ce Moyen-Orient par la parcellisation ethnique et religieuse selon le bon vieux principe « diviser pour régner ». Les Etats-Unis, cherchant à s’assurer la production d’hydrocarbures à leur profit, seraient en mesure de priver la Chine, puissance montante et rivale, de l’arme énergétique si nécessaire à son accession à la cour des grands.

    L’impression générale qui se dégage du remodelage annoncé par cet auteur comme de la part de nombreux think tanks américains et allemands est celle d’un bouleversement mettant à feu et à sang ces pays du Moyen-Orient. En effet, on ne voit pas ces Etats se laisser charcuter, voire disparaître, sans se laisser faire. Comment réagira, par exemple, le Pakistan qui possède l’arme nucléaire ? En réalité, l’objectif est d’intégrer ces immenses territoires à la sphère d’influence occidentale. Le discours de Joschka Fischer à la 40è Conférence de Munich sur la politique de sécurité dans le cadre de l’OTAN, le 7 février 2004, annonçait la volonté du monde occidental de mettre ces pays du Moyen-Orient aux normes euro-atlantistes. Ces mesures furent confirmées par « l’alliance germano-américaine pour le XXIè siècle » signée, le 27 février 2004, entre le président Bush et le chancelier Schröder à Washington, annonçant la couleur : « Nous devons construire un véritable partenariat qui relie l’Europe et l’Amérique aux Etats du Proche et Moyen-Orient (…) ». Cette immense construction politique et métaphysique doit obligatoirement obéir à des règles communes qui sont politiques, économiques et civilisationnelles.

    Une logique, mais une logique folle, anime les concepteurs de ce projet. C’est le think tank German Marshall Fund (GMF) qui, indirectement, a révélé l’engagement profond des instances atlantistes. En effet, il s’est engagé sous l’égide du très influent Bruce Jackson à développer une nouvelle politique en Mer Noire intitulée « A new euro-atlantic strategy for the Black Sea region ». Il s’agit en liaison avec l’Union européenne de créer une eurorégion de la Mer Noire qui doit voir le jour pour 2007 selon les affirmations de Giovanni di Stasi, président du Congrès des Pouvoirs Locaux et Régionaux d’Europe (CPLRE). Or une « petite » phrase résume tout. Paru en 2004, le rapport du GMF dans sa préface précise que « La Mer Noire est la nouvelle interface entre la communauté euro-atlantique et le Grand Moyen-Orient ». Une « interface » géographique obéit aux lois de la physique. Pour fonctionner et jouer pleinement sa mission de charnière, cette interface doit s’articuler entre deux mondes, le bloc euro-atlantiste d’une part, et le bloc moyen-oriental d’autre part, régis par les mêmes lois et les mêmes concepts édictés par la philosophie mondialiste. Cela suppose nécessairement une refonte généralisée de cet espace arabo/perse musulman pour qu’il y ait adéquation. Pour réussir cette entreprise, les moyens mis en œuvre risquent d’aboutir à un chaos inimaginable dans cette région et, par ricochet, à l’échelle planétaire. Tout compte fait, les adeptes de cette politique ne font qu’appliquer les fameux vers du poème de Goethe, « l’apprenti sorcier », qui rappelaient : « Les esprits que j’ai réveillés ne veulent plus m’écouter ».

    Pierre Hillard

    Pierre Hillard est docteur en sciences politiques, B.I n°113 (*) est professeur d’histoire-géographie. Il a publié différents articles dans Le Figaro, Géostratégiques, Conflits Actuels, Intelligence et Sécurité, Balkans-Infos.

    Emission « Le Dessous Des Cartes »

    Source : Knowledge-TV

    Tags : Moyen Orient, Proche Orient, Palestine, Syrie, Irak, Arabie Saoudite, Liban, Emirats Arabes Unis,