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  • Azawad : Etat Amazigh ou Etat Islamique ?

    Azawad : Etat Amazigh ou Etat Islamique ?

    Etiquettes : Mali, Azawad, Sahel, Touaregs, islamisme, djihad,

    Un contexte historique oublié.

    Le Sahel à travers l’histoire est un espace de liberté et de transhumance. Il était une région tampon entre l’Afrique méditerranéenne et l’Afrique noire.

    Traversé par plusieurs voies commerciales, les Touaregs contrôlèrent le commerce de l’or, l’ivoire et les esclaves.

    En se basant sur cette matière stratégique à l’époque, ils ont pu constituer un grand empire; les Almoravides sont venus s’installer dans l’Afrique méditerranéenne. La constitution des Etats dans cette région n’est pas une chose récente. Au XVII siècle les Touaregs ont constitué l’Etat de Songhay avant qu’il soit envahie par les Sadiennes.

    Juste pour dire que les transformations politiques dans le Sahel a des origines très enracinés dans l’Histoire.

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    Cependant, pour avoir une idée globale de cette région il faut, semble –t-il, prendre le Sahel dans sa dimension géographique et géopolitique. Le Sahel s’étend de l’Océan jusqu’au Corne de l’Afrique, et du Sahara jusqu’au fleuve de Niger en constituant une bande géographique des milliers de kilomètres.

    D’après une vision géopolitique, la région est traversée par un courant de perturbation qui commence du Sahara atlantique jusqu’à la Somalie, en passant par l’Azawad, Darfour, le sud du soudan et l’Erythrée. C’est une région de forte mobilité du nord au sud et du sud au Nord. Et depuis plus d’un demi-siècle la population poussé par la désertification accentuée par le changement climatique aux dernières années, et par la marginalisation politique et économique des Etats autoritaires, et surtout instrumentalisé par les régimes panarabistes de l’Algérie et la Libye de Kadhafi avant d’être utilisé par les régimes Wahabistes et l’intervention des pays qui semble être en lutte contre le terrorisme, cette population cherche un issue à leur destin. Au milieu de tous ces intérêts, la région demeure un espace ouvert à tout ce qui peut intervenir.

    Il semble que les pays occidentaux qui détiennent les règles du jeu ont un plan clair de la région. Ils ont commencé par le règlement, à leurs façons, les problèmes du Sahel oriental (Somalie, le Sud du Soudan, Darfour) en attendant que la situation se dégrade dans l’autre région occidentale, ils interviendront.
    Le printemps des peuples et l’Azawad Au Maroc et ailleurs, le mouvement Amazigh soutient le droit de l’autodétermination du peuple amazigh Touareg. La déclaration d’un Etat Azawad était parmi les objectifs du peuple Touareg. Ils ont payé très cher pour y arrivé. Cependant, il semble que la situation au Nord du Mali n’est pas loin de ce qui est arrivé au printemps des peuples dans toute l’Afrique du nord (Tunisie, Libye, Egypte).

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    Les peules ont ouvert la voie à ceux que sont bien organisé les « Islamisants ». Ce mouvement de référence religieux a trouvé dans la source religieuse une mine intarissable de la mobilisation de la population. Avec un discours simple basé sur la bienfaisance, et un meilleur avenir, ou un paradis éternel, que ce mouvement a forgé son arsenal force incontournable dans la région.

    Les systèmes autoritaires dans la région qui ont appauvris la population accompagné d’un système éducatif basé sur l’absolutisme et le rejet de toute action qui peux mener à la promotion d’un esprit critique, ont bien aménagé le terrain pour la monté de tendances de l’absolutisme. Du ce fait il y a une complémentarité entre ce mouvement des « Islamisants » et les pouvoirs autoritaires déchus. Alors la population est prise en otage entre les deux protagonistes.

    Dans un climat de révolution ‘anarchique’ spontanée, dans ce genre de situation les révolutions prennent souvent le cap qui n’est pas celui de ceux qui ont perdu la vie pour un avenir meilleur de la population. Nous avons vu les scénarios qui se ressemblent dans la région. De la Tunisie à l’Egypte en passant par la Libye les droits se dégradent, en particulier les droits de la femme qui sont menacées sérieusement. Donc au Nord du Mali la situation n’est pas loin de ce scénarios, les Touaregs qui ont lutté depuis longtemps pour un avenir meilleur de ce peuple seigneur de Sahara se trouve au centre d’une tempête des intérêts extrêmement complexe. Certes les Touaregs ont l’habitude des tempêtes, mais celle là est sans précédant. Il faut beaucoup de courage, de sagesse et de sacrifice pour s’en sortir. Durant plus de vingt ans du travail ensemble avec nos frères Touaregs dans des réunions des Nations Unies, ils ont montré un sens remarquable de la sagesse et évite soigneusement le recours aux moyens non pacifiques de la résolution des conflits.

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    Aujourd’hui la situation reste ambigüe il est difficile de se prononcer sur la réalité sur le terrain. Mais d’après ce qui circule dans les médias ce qui se passe sur le terrain est loin d’être inscrits dans les objectifs du peuple Touaregs ; qui se basent sur la tolérance, dont les femmes non seulement bien traitées, mais elles sont des chefs dans la société sans aucun complexe religieux. Les ‘Islamisants’ qui ont interprété la religion selon leurs intérêts politiques soutenus par le mouvement wahhabite du Moyen Orient ont “volée” escamotée la révolution des Touaregs.

    Les Amazighs dans l’Afrique du Nord semble être dans la même situation des Egyptiens vis-à-vis des candidates pour les élections. Ils sont dans une impasse terrible. Les Amazighs auront beaucoup de problèmes à soutenir la création d’un Etat allant contre les principes ancestrales des Amazighs à savoir la tolérance, et la liberté des femmes ; bref un Islam amazigh différent de celui du moyen Orient.

    Un Sahel fédérale libre et démocratique.

    En se basant sur l’histoire il me semble que la solution des conflits dans le Sahel n’est pas celui du cas du Soudan qui sera toujours une source des problèmes et de l’instabilité. Il est de devoir de la communauté internationale de faire en sorte de minimiser les conflits dans une stratégie de long terme. Le Sahel était toujours un espace libre géré par la population dans le cadre d’un système fédéral en harmonie avec la nature et l’utilisation durable des ressources. C’est dans l’époque coloniale que les frontières ont été instaurées, et ils ne sont pas reconnus par les Touaregs. Ils parcourent la région de Kidal à l’Air et de Djanet à Aubari comme ils faisaient avant l’époque coloniale.

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    Les pays de l’Afrique méditerranéenne et ceux de l’Afrique subsaharien, et qui sont concerné par les problèmes du Grand Sahel à savoir le Maroc, l’Algérie, le Mali, le Niger, la Libye sont appelé à revoir leur approche envers le Grand Sahel, ainsi que les mouvements de revendications dans la région, tous doivent revoir leurs stratégies dans la lumière des transformations géopolitiques dans la région et dans le monde.

    Il me semble que la meilleure façon c’est l’approche de la résolution pacifique des conflits. Et toujours dans ce cadre le système fédéral peut contribuer à la résolution des conflits dans cette région. Un pays fédéral permettra à tous ses peuples le partage du pouvoir et les ressources. Je peux imaginer des pays de l’Afrique du Nord et les pays du grand Sahel qui contient des régions fédérales dans leurs pays respectifs, avec un model de l’Union Européen, où les droits de l’Homme et les peuples autochtones sont garantis, ainsi que la circulation des personnes et des capitaux soit assurée. Cependant la discussion sur la question du grand Sahel ne fait que commencer.

    Dr. Handaine Mohamed
    Directeur du centre d’étude amazighe
    Historique et environnementale
    Agadir-Maroc

    #Mali #Azawad #Algérie #Sahel #Islamisme #Djihad

  • Ambassadeur espagnol: Les affaires sont difficiles au Maroc

    Ambassadeur espagnol: Les affaires sont difficiles au Maroc

    Tags : Maroc, Espagne, Etats-Unis, Sahara Occidental, migration, islamisme, investissements,

    Source : Câble Wikileaks sur une réunion entre les Ambassadeurs des Etats-Unies et de l’Espagne àa Rabat

    Résumé : Au cours du déjeuner du 20 mars, l’ambassadeur espagnol Planas Puchades a déclaré à l’ambassadeur Riley que l’Espagne continuait d’encourager le Maroc à produire un plan d’autonomie crédible pour le Sahara occidental. Il a rejeté les prétendues scissions au sein du Polisario, suggérant que la faction récemment apparue « Ligne des martyrs » semblait être composée de membres mécontents ou d’anciens membres du Polisario vivant aux îles Canaries, et « ce n’est pas significatif ». Planas n’a pas réitéré l’inquiétude espagnole concernant les remarques de Van Walsum sur le retrait du Conseil de sécurité du différend sur le Sahara ou l’intérêt des États-Unis pour la réduction des effectifs de la MINURSO. Sur la migration, Planas a exprimé sa déception face à la décision apparente de l’Algérie de ne pas participer à la conférence régionale de juillet à Rabat, qui, selon Planas, a bénéficié de l’adhésion de l’UE. Planas s’est intéressé à un récent sondage de l’Institut républicain international (IRI) paru dans le numéro du 18 mars de l’hebdomadaire marocain Le Journal, qui indiquait un fort soutien au parti islamiste marocain.

    La conversation a brièvement abordé le prochain événement de haut niveau de l’OTAN à Rabat, les investissements espagnols au Maroc et les stupéfiants. Fin du résumé.

    Sahara occidental

    Poursuivant une série de déjeuners réciproques, l’ambassadeur espagnol Planas Puchades a invité l’ambassadeur Riley et le Conseiller Politique à déjeuner à la résidence espagnole le 20 mars.

    Planas était accompagné de son nouveau adjoint et ancien ambassadeur d’Espagne au Nigeria, Alfonso Portabales, arrivé au Maroc la semaine précédente.

    Planas a déclaré que le gouvernement espagnol suivait avec grand intérêt la visite très attendue du roi au Sahara Occidental (20-25 mars ; voir réf. A). L’Ambassadeur Riley a noté que nous suivions également la visite avec intérêt. Planas a déclaré que le principal message de l’Espagne au Maroc à ce stade était celui qu’il croyait que nous partagions : le Maroc devrait présenter un plan d’autonomie crédible.

    Planas a déclaré que l’Espagne devrait revoir le plan avant de prendre position, mais qu’entre-temps, le gouvernement soudanais fournissait « confort et soutien » au gouvernement marocain pour produire un plan sérieux.

    Planas a quelque peu dédaigné le processus de consultation avec les partis politiques marocains, affirmant qu’il comprenait que les réunions des partis avec le conseiller du palais Mohamed Moatassim n’étaient « pas vraiment un échange ». Il a dit, néanmoins, que des conférences comme celle tenue par le PJD et le FC il y a quelques semaines (Réf B) « étaient acceptables ». Planas a déclaré que les Espagnols avaient été clairs avec le Maroc sur le fait que le plan d’autonomie devait être concret et non conservateur. L’ambassadeur Riley a déclaré qu’il s’agissait également d’un message clé des États-Unis.

    Planas a déclaré que la scission signalée au sein du Polisario (la dénommée Ligne de Martyrs, ou Ligne des Martyrs) n’était pas significative. Il s’agissait principalement de personnes basées aux îles Canaries. Bien que la scission elle-même ne soit pas significative, Planas pensait qu’il y avait une frustration croissante à Tindouf, mais cela pourrait ne pas être uniquement lié à la pression pour la négociation.

    Planas a noté que la cause du Polisario continuait de résonner auprès des Espagnols, qui visitaient Tindouf en grand nombre chaque année alors que des familles restées en Espagne ouvraient leurs portes à 5 000 à 10 000 Sahraouis pour des séjours à domicile.

    Planas n’a pas fait écho aux inquiétudes du Alfonso Portabales concernant le recul possible du conflit du Sahara occidental par le Conseil de sécurité, comme le préconise l’envoyé de l’ONU Van Walsum ; il n’a pas non plus exprimé d’inquiétude quant à un éventuel retrait de la MINURSO.

    Migration

    Planas a déclaré qu’il y avait toujours une bonne coopération entre le Maroc et l’Espagne sur les questions de migration, en particulier après les décès malheureux aux frontières des enclaves espagnoles l’automne dernier. Planas a déclaré que le Alfonso Portabales était heureux que le Maroc ait annoncé qu’il organisait une conférence régionale sur la migration à Rabat en juillet, mais il a regretté que l’Algérie ait apparemment décidé de ne pas participer (il a en fait déclaré que la non-participation de l’Algérie était « dangereuse ») au motif que l’UA organisait déjà des conférences sur la migration.

    La conférence de Rabat, a déclaré Planas, a bénéficié d’un solide soutien de la part de la France et de l’UE, ainsi que de l’Espagne. Il s’est inquiété de la croissance des réseaux de trafiquants dans la région, notant que certains migrants achetaient des « packs de voyage » (un ensemble de déplacements — par route, voiture, bateau, avec une série de manutentionnaires à chaque étape — pour en amener un à la destination souhaitée), qui, d’après ses informations, coûtent des milliers de dollars, sans aucune certitude que l’on atteindra jamais la destination.

    Islamistes

    Planas avait lu avec intérêt la couverture récente par l’hebdomadaire marocain Le Journal d’un « sondage américain » sur les attitudes politiques marocaines (le sondage a été réalisé par l’Institut Républicain International mais n’était pas destiné à être partagé avec la presse ; selon l’IRI, l’un des partis qui avaient contribué au sondage l’ont probablement divulgué. Tous les détails et l’analyse des résultats par l’ambassade peuvent être trouvés dans la réf. C). Planas a déclaré que les résultats, censés prévoir une victoire probable du PJD aux élections législatives de 2007, étaient très intéressants. Planas a déclaré que même s’il remportait de nombreux sièges, le PJD ne serait probablement pas en mesure de gouverner sans coalition. D’autres partis politiques tardent à se démocratiser, a déclaré Planas ; leurs dirigeants sont âgés et il y a peu de dynamisme dans les rangs. Le PJD semble suivre la voie d’Erdogan, a-t-il ajouté (voir Réf C).

    Événement de haut niveau de l’OTAN

    Planas a évoqué l’accueil par le Maroc du prochain événement de haut niveau de l’OTAN (6-7 avril à Rabat) et a déclaré qu’il s’agissait d’un événement important pour le Maroc, d’autant plus qu’il faisait suite à la réunion des ministres de la Défense de l’OTAN et du Dialogue Med à Taormina en février. Planas a ajouté que le prochain 50e anniversaire des Forces armées marocaines était également un événement phare pour le Maroc, et il espérait que les États-Unis y participeraient vigoureusement. (Commentaire : nous confirmons une solide participation américaine aux célébrations du 50e anniversaire des FAR et avons provisoirement obtenu un embarquement DV à bord d’un porte-avions américain dans le cadre de l’événement. Fin de commentaire).

    L’ambassadeur Riley a remercié Planas pour le soutien espagnol à la récente conférence de planification d’un exercice à venir, Phoenix Express, qui a réuni des officiers de marine marocains, algériens et espagnols pendant une semaine à Rabat.

    Investissement espagnol

    L’Ambassadeur Riley a noté l’annonce par l’Espagne en février d’un plan de 200 millions d’euros pour faciliter les petites et moyennes entreprises au Maroc. (L’Espagne est le deuxième investisseur du Maroc). Planas a déclaré qu’il espérait que le plan aiderait les entreprises espagnoles, mais a déclaré que le Maroc restait un endroit difficile pour faire des affaires en raison du manque de transparence.

    En termes d’aide au Maroc, l’ambassadeur Riley a déclaré qu’il devrait y avoir une meilleure coordination entre les donateurs et a suggéré de petites réunions pour les donateurs pour des régions spécifiques au Maroc, et non pour tous les programmes dans tout le pays, en particulier compte tenu des activités du MCA. Planas a accepté et a souligné que les deux tiers de l’aide espagnole au Maroc allaient au nord du pays.

    Stupéfiants

    Planas a noté que l’Espagne élaborait des plans pour promouvoir la production de tabac dans la province de Larache (entre Rabat et Tanger) comme moyen de promouvoir des alternatives à la culture des stupéfiants dans le nord du Maroc.

    #Maroc #Sahara_Occidental #Wikileaks #Espagne #Planas_Puchades #Algérie

  • Maroc: Une Armée marginalisée et inefficace

    Maroc: Une Armée marginalisée et inefficace

    Maroc, armée, Wikileaks, corruption, intégrisme, islamisme,


    Les Forces Armées Marocaines « sont toujours éclaboussées par la corruption, l’inefficience bureaucratique, leur bas niveau d’éducation, certains de leur soldats courent le risque de tomber dans le radicalisme, elles sont politiquement marginalisées et le gros de leurs effectifs sont déployés au Sahara Occidental ». « Elles se modernisent mais elles continuent à être lestées par de vieux problèmes ». L’ambassadeur des États Unis au Maroc, Thomas Riley, a élaboré, en août 2008, un rapport exhaustif et confidentiel de neuf feuillets sur l’armée marocaine avec l’aide des attachés de défense et de sécurité. C’est une véritable radiographie des Forces Armées Royales aujourd’hui encore très mal connues.

    Les effectifs des trois armées s’élèvent à 218.000 hommes -10.000 de moins que ceux qui sont sous les drapeaux en Espagne- dont la moitié, voire même 70%, se trouvent au Sahara. Seules 40% de ces unités déployées dans cette ancienne colonie espagnole, un pourcentage assez bas, sont réellement opérationnelles. Les jeunes qui s’enrôlent comme soldats touchent 2.000 dirhams par mois (180 euros) et les officiers en début de carrière 6.000 dirhams (540 euros). A cela il faut ajouter un logement de fonction ce qui les place « dans une situation relativement confortable dans le contexte marocain ».

    Auteurs de deux coups d’État malheureux au début des années soixante dix, les militaires marocains sont encore étroitement surveillés. « Nous pensons que la monarchie estime toujours qu’ils représentent la plus grande menace pour la couronne ». « Les officiers continuent à être écartés de la prise de décisions politiques et même leur participation à des débats sur la force militaire du Maroc est restreinte ». Leurs relations avec les officiers des armées étrangères, y compris les attachés militaires américains, son aussi réduites. Du coup la qualité de l’information sur les Forces Armées Royales laisse à désirer.

    L’approbation du roi

    Ce manque de confiance royal à pour conséquence « qu’il n’y a pas de mouvements de troupes, de man½uvres ni de voyages officiels, à l’intérieur ni à l’extérieur du pays, sans l’approbation du roi ». Au Maroc il n’y a pas de Ministère de la Défense mais une petite administration civile, qui dépend du premier ministre, dont le rôle est de contrôler la gestion. Le Ministère des Affaires Étrangères s’occupe, quant à lui, de la participation marocaine dans des opérations de maintien de la paix. « Toutes les autres questions en rapport avec la défense se décident au palais royal », précise Riley.

    L’ambassadeur est cependant de l’avis que « certains symptômes montrent que la confiance du roi dans les Forces Armées s’accroît ». Pour preuve « la hausse significative des dépenses militaires » avec, par exemple, l’achat de 24 chasseurs bombardiers américains F-16. « Récemment le roi a autorisé les vols militaires au nord de Ben Guérir [la plus grande base militaire marocaine à 200 kilomètres au sud de Rabat], ce qui n’était pas permis jusqu’à présent car le souverain souhaitait que les militaires restent éloignés du palais de Rabat ».

    Le principal défi auquel doivent faire face les Forces Armées c’est la corruption, d’après Riley. Elle touche surtout les niveaux supérieurs de la hiérarchie militaire. Elle a une origine historique car, après les deux coups d’État frustrés, Hassan II déclara aux militaires : « Soyez loyaux et vous pourrez en tirer profit ». « Des rapports dignes de foi signalent que le lieutenant général Benanni tire justement profit de son poste de commandant en chef du secteur sud ». Il en tire « des revenus des contrats militaires et exerce son influence sur les décisions du monde des affaires ». « Une rumeur très répandue veut qu’il soit le propriétaire d’une bonne partie des pêcheries au Sahara Occidental ». « Comme d’autres officiers vétérans Benanni possède une fastueuse résidence familiale qui fut probablement construite avec l’argent recouvré des pots de vin ».

    Pénétration islamiste dans les armées

    « Une position de leader dans une région est, pour la hiérarchie militaire, une source importante de revenus non légaux », affirme l’ambassadeur. « Il y a même des rapports sur les élèves de l’académie militaire marocaine qui soudoient pour améliorer leur classement scolaire et obtenir ainsi [à leur sortie d’école] des postes militaires lucratifs ». « Des postes de commandement dans le secteur sud, c’est-à-dire au Sahara Occidental, sont considérés parmi les plus lucratif étant donnée la concentration, là bas, de l’activité militaire (…) ». « Le Gouvernement du Maroc semble chercher des formules pour freiner la corruption dans les rangs des militaires en formation, en commençant par les colonels et jusqu’au bas de la hiérarchie ».

    Un problème mineur, comparé à la corruption, est la pénétration islamiste dans les armées. Certaines informations « suggèrent qu’un petit nombre de soldats sont susceptibles de tomber dans l’islamisme radical ». Après les attentats de 2003 à Casablanca, qui firent 45 morts, les enquêteurs « ont identifié des militaires » faisant partie de la conspiration. Plus tard la police arrêta « plusieurs militaires et gendarmes faisant partie d’autres cellules terroristes dont l’une vola des armes dans une base (…) ».

    Parmi les mesures préventives prises pour empêcher la propagation de l’islamisme radical dans l’armée figurent « l’élimination des mosquées dans toutes les casernes (…) et le déploiement de la contre intelligence militaire, appelée le Cinquième Bureau, avec ses agents secrets pour surveiller les activités radicales dans les mosquées » proches des bases militaires.

    El Pais, 02/10/2010

    #Maroc #Armée #Wikileaks #EtatsUnis

  • Zemmour progresse avec son projet de re-immigration

    Présidentielle en France- Zemmour progresse avec son projet de re-immigration – A six mois de l’élection présidentielle en France, les questions liées à l’immigration, à l’islamisme et à la sécurité enflamment les débats avec des idées parfois choquantes qui s’affrontent et se confrontent entre les postulants à la candidature pour cette échéance de 2022 .

    Certains parlent d’enjeu de civilisation, alors que d’autres préfèrent se focaliser sur ce qu’ils qualifient de la pire crise financière et sociale que vit la France. Même si les sondages demeurent favorables au président sortant, Emmanuel Macron, accrédité de 25 %, les intentions de vote ne cessent de balancer vers la droite, voire même l’extrême droite.

    L’émergence du polémiste Eric Zemmour qu’il n’a, pourtant, pas encore déclaré sa candidature, traduit cette tendance qui inquiète les catégories sages et lucides de l’hexagone. Même s’il faut se méfier des sondages qui relèvent en partie du pronostic, Marine le Pen croit à sa victoire. Elle continue à fustiger le système et à être le réceptacle des électeurs en colère. Elle se dit même prête à une alliance avec Zemmour, sachant que certains de ses alliés ont lâché le Rassemblement national pour rallier le polémiste aux ambitions présidentielles qui n’en finit pas de faire réagir la sphère politique.

    Chauffé à blanc, Zemmour domine la campagne présidentielle et sème la pagaille chez les républicains. Une stratégie qui vient rappeler celle de Donald Trump en 2016 et fait surgir une interrogation de taille à savoir jusqu’au peut aller cette radicalité qui évoque une re-immigration.

    Selon Zemmour, les Français d’origine étrangère qui peinent à s’intégrer dans la culture française doivent retourner dans leur pays d’origine même s’ils ont une carte d’identité française. Cette offensive de la droite et de l’extrême droite qui font de l’islamisme radical un bouc-émissaire a pris de l’ampleur après, notamment, l’implosion du Parti socialiste et de la désertion des candidats de gauche à l’exception de Mélenchon, le candidat de la France insoumise, qui continue à résister au tsunami de la droite.

    Celui-ci ne perd pas, ainsi, espoir de pouvoir renverser la donne d’ici mars 2022. Ce qui n’est pas exclu avec le maintien des thématiques actuelles qui sont en relation directe ou indirecte avec l’Algérie, sachant que l’échéance présidentielle coïncide avec la commémoration des accords d’Evian de mars 1962. Tout compte fait, les six millions de binationaux auront certainement leur mot à dire.

    Cela-dit, les électeurs traditionnels de la droite ne chôment pas. Ils sont tous dans l’attente d’un sursaut d’orgueil de la primaire de leur parti Les Républicains pour désigner leur candidat à la présidentielle, même si Xavier Bertrand est déjà accrédité par les sondages de 15%.

    Assia Boucetta

    Horizons, 20/10/2021

  • L’Europe et la peur d’ouvrir la porte au terrorisme islamiste

    L’Europe et la peur d’ouvrir la porte au terrorisme islamiste

    Europe, Union Européenne, terrorisme, islamisme, Maroc, Algérie, Tunisie, Mauritanie, Libye, Afghanistan,

    Le Vieux Continent est entouré par l’instabilité de certains pays et l’infiltration de djihadistes parmi les réfugiés.

    La Libye, la Tunisie, l’Algérie, le Maroc, le Sahara occidental, la Mauritanie, l’ouest géographique du monde arabe, le Maghreb – « le lieu où le soleil se couche » en langue arabe – sont en première ligne de l’instabilité islamiste après la chute de l’Afghanistan, projetant sur l’Espagne et toute l’Europe méditerranéenne l’ombre de menaces inquiétantes, de l’immigration indésirable au terrorisme.

    Iyad Ag Ghaly, le leader du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans, une coalition de gangs et d’organisations islamistes liés à Al-Qaïda dans la vaste zone désertique du Sahel, a été l’un des premiers à réagir à la chute de Kaboul : ‘ Rendons hommage et tirons les leçons du nouvel « émirat » islamique d’Afghanistan, après le retrait des troupes d’invasion américaines, fruit final de nombreuses années de combat. La réaction d’Ag Ghaly est hautement symbolique à plus d’un titre : le personnage, malien de naissance, a consacré toute sa vie à la lutte armée contre la France (grande puissance tutélaire dans l’ouest du Sahel, où il a déployé plus de 5 000 soldats depuis 2014). Il est en contact avec toutes les familles de l’islamisme subversif depuis de nombreuses années, en Afrique, au Moyen-Orient et en Afghanistan, transitant, du Mali au Liban, en passant par la Libye, le pion le plus fragile et le plus instable de tout le Maghreb.

    Libye : infiltrée par les affiliés de Daech

    En Libye, la mise en place d’un régime islamiste en Afghanistan a été perçue comme un « indicateur de tendance » par un gouvernement qui se trouve dans une situation précaire et instable. Entre 2014 et 2020, le pays a connu une guerre civile partiellement inachevée, le gouvernement étant harcelé de toutes parts et, en particulier, par des gangs islamistes dans l’est du pays, où en 2014 l’État islamique autoproclamé de Libye a été créé avec l’objectif spécifique d’établir un « califat » islamique dans tout le Maghreb. Ce groupe libyen fait partie de l’archipel subversif de Daech.

    Dans la ville libyenne de Zliten se trouve la légendaire mosquée Al-Asmariya, officiellement présentée comme l’Université des sciences islamiques, l’un des grands centres de l’islam soufi, comparable à la mosquée Al Azahar, au Caire, ou à la Grande mosquée d’Oujda au Maroc. .

    La Libye est à la fois un drain pour les immigrés et les islamistes africains et une base d’opérations djihadistes. Bien avant la chute de l’Afghanistan, le chercheur Jesús A. Núñez Villaverde, commentait pour le Royal Elcano Institute la situation libyenne en ces termes : « L’idée que la Libye continue de s’enfoncer dans un abîme s’impose. La Libye est aujourd’hui un territoire atomisé dans lequel personne ne représente vraiment personne et dans lequel la grande majorité des acteurs en jeu ne cherchent qu’à lutter avec ce qui est à tout moment à leur portée ». Depuis des semaines, les chefs de guerre des organisations et gangs islamistes harcèlent le fragile gouvernement libyen, dans une situation très précaire.

    Tunisie : Corruption et instabilité

    Le président par intérim de la Tunisie en juillet dernier a donné quelque chose de très similaire à un coup d’État, pour prendre tous les pouvoirs et contrôler Ennahdha, le premier parti d’opposition islamiste. La corruption, l’instabilité et l’incertitude favorisent les bouleversements islamistes.

    Ennahdha est un parti islamiste conservateur, créé à l’image et à la ressemblance des Frères musulmans égyptiens, avec une présence historique exceptionnelle dans la société tunisienne, en conflit et tension permanente avec tous les gouvernements officiels. Assumant tous les pouvoirs, Kaïs Saied, chef de l’Etat tunisien, sépare les islamistes des centres de pouvoir. Les optimistes espèrent qu’un nouvel homme fort réussira à préserver la stabilité tunisienne.

    Marek Halter, écrivain, essayiste, connaissant bien les conflits au Moyen-Orient et au Maghreb, commente après une récente visite en Tunisie : « La corruption et l’islamisation forcée ont fait des ravages, elles ont sapé la vie politique tunisienne. Moncef Marzouki, qui fut le premier président de la République démocratique tunisienne, ajoute : « La révolution tunisienne qui promettait la liberté et le progrès a échoué parce que les islamistes ont soutenu la contre-révolution. L’actuel président a effectué un coup d’État. Personne ne sait ce qui se passera demain.

    Algérie : les échos de la guerre civile résonnent

    En Algérie, les islamistes ont annoncé leur triomphe aux élections de juin dernier. Le gouvernement n’a pas clarifié les résultats finaux avec précision. Les islamistes avaient déjà remporté une élection en 1990/91. Le gouvernement n’a pas accepté ce triomphe. Une guerre civile a éclaté qui a duré jusqu’en 2002, faisant plus de 200 000 morts. La corruption et la misère continuent d’être le terreau où l’islamisme reste une menace forte.

    Il y a tout juste dix jours, le ministère algérien de la Défense publiait ce bref communiqué : « Dans le cadre de notre lutte contre le terrorisme, les forces de l’Armée nationale populaire ont capturé un dangereux terroriste, Laouar Fahim, connu de Naïm, qui travaillait pour le groupes terroristes depuis 1994′. L’islamiste détenu avait en sa possession des armes, des munitions et quelque 5 000 euros, une somme exceptionnelle dans les déserts algériens, qui servent de pont entre le Sahel et la Méditerranée. Au cours des six premiers mois de cette année, l’armée algérienne a abattu une dizaine de terroristes islamistes. La guerre civile, religieuse, islamiste de la fin du 20e siècle a fait plus de 200 000 morts. Le nouvel « émirat » afghan nourrit de sanglants espoirs islamistes.

    « L’islamisme le plus radical a conquis un pays, l’Afghanistan, et cette victoire résonne dans tout le monde musulman »
    Kamel Daoud, essayiste d’origine algérienne, commente ainsi l’évolution des crises : « L’islamisme le plus radical a conquis un pays, l’Afghanistan, et cette victoire résonne dans tout le monde musulman. En Algérie, la deuxième chute de Kaboul aux mains des barbares n’est pas très excitante. Depuis la guerre civile entre les islamistes et le régime, l’héritage des « pères » djihadistes, les « Afghans » algériens, rentrés de l’école de guerre en Afghanistan, n’est pas oublié. De nombreuses élites algériennes sont tentées de fuir, de s’exiler, craignant les crises à venir, victimes d’attaques de désespoir contenu ».

    Maroc : en attendant les élections

    Le Parti marocain de la justice et du développement (PJDM) est officiellement un « parti islamiste non-révolutionnaire ». Il fait partie de la coalition gouvernementale et il reste à voir comment il évoluera après les élections de mercredi. Pendant des années, les dirigeants marocains ont déclaré que Rabat partage avec Paris la peur de la croissance et des menaces de l’islamisme radical.

    Youssef Chiheb, politologue marocain, insiste sur ce point : « L’islamisme radical est un ennemi commun, pour la France, pour le Maroc, pour tout le Maghreb. D’où la nécessité de coopérer dans les domaines les plus sensibles. Il n’échappe pas à Chiheb, en même temps, que le PJDM, le parti islamiste marocain, a une vision de la « démocratie islamique » plus ou moins similaire à celle de Recep Tayyip Erdogan, président de la Turquie. Une nuance qui n’est pas forcément rassurante. La crise récente à Ceuta donne une première idée des proportions inflammables que pourrait avoir une croissance incontrôlée de l’islamisme conservateur marocain.

    Mauritanie : Installée dans l’opposition

    En Mauritanie, le premier parti d’opposition est un parti islamiste et le gouvernement s’enflamme contre ceux qui osent critiquer l’islam, justifiant la colère de ceux qui ont tué pour défendre leur religion contre les auteurs des caricatures de Mahomet.

    La Mauritanie est un État islamique fragile, un bouchon et un drain pour les gangs djihadistes de l’immense bande saharienne du Sahel, où opèrent de nombreux gangs et organisations terroristes, proches des différents affiliés de Daech et d’Al Qaida.

    L’installation d’un « émirat » islamiste, les talibans, en Afghanistan, d’où opèrent d’autres familles de l’islam subversif et terroriste, peut être une menace universelle.

    La croissance et la propagation de l’islamisme, entre le Sahel et l’ensemble du Grand Maghreb, de la Libye à la Mauritanie, menacent bien plus étroitement toute l’Europe méditerranéenne, à commencer par l’Espagne bien sûr.

    Juan Pedro Quiñonero

    ABC, 05/09/2021

  • Algérie: «Le scorpion pique et crie au loup»

    Organisations terroristes «Le scorpion pique et crie au loup»

    Le peuple algérien n’est pas prêt à gâcher d’autres années en prêtant l’oreille à ceux qui se prélassent sur les rives du Bosphore, qui versent des larmes devant le Mur des lamentations ou qui traitent leur rhumatisme chronique sur le sable de Marrakech.

    Cet adage arabe est utilisé pour qualifier un oppresseur qui se présente sous l’habit de l’oppressé, c’est-à-dire quelqu’un qui vous agresse et qui est le premier à aller se plaindre. Il est tout indiqué pour s’appliquer aux organisations terroristes qui répandent la peur et la terreur au sein des populations, qui incitent à la violence contre les Etats et les gouvernements, qui soutiennent les criminels et les extrémistes et exploitent tous les moyens dont l’argent, les armes issues du trafic et les médias de propagande, dans le but de s’emparer du pouvoir et d’imposer leur dictat et leur loi. Dépourvues de tout honneur et pudeur, elles n’éprouvent aucune gêne à aller pleurnicher et quémander aux portes de diverses organisations internationales et régionales et même celles défendant les droits des homosexuels, ou encore de traiter avec des pays et des régimes coloniaux racistes qui soumettent des peuples, exploitent leurs richesses et s’opposent à leur autodétermination.

    Al-Qaïda, l’Etat islamique, Boko Haram, GIA, Rachad, MAK et d’autres organisations de la mort diffèrent dans leurs appellations, les lieux où sont perpétrés leurs crimes et les dates de leur création. Cependant, elles se rejoignent dans leurs visées, leurs objectifs et leur finalité qui sont l’établissement des fondements d’un régime dictatorial raciste, de classe, consacrant le règne de l’oligarchie et de la minorité et qui impose le régime théocratique sur le dos des espoirs et des aspirations des peuples. Les moyens utilisés pour atteindre ces objectifs importent peu. Qu’il s’agisse d’alliances avec le sionisme, les régimes corrompus, les ennemis de la Patrie ou même avec Satan, du moment que leur inspirateur, Machiavel, voit que la fin justifie les moyens et que leur législateur «Abu Qatada» a pondu une fetwa rendant licite la généralisation des assassinats, frappant d’apostasie tous les Algériens, allant même jusqu’à déclarer des enfants et des nourrissons de renégats (takfir) parce que n’étant pas encore entrés dans l’Islam !

    Durant les années 1990 du siècle passé, mon pays l’Algérie a traversé une des pires périodes de son Histoire lorsque, pendant plus d’une décennie, les forces obscurantistes, appuyées et soutenues par des puissances étrangères, ont tenté avec acharnement de mettre à genoux l’Etat algérien, de semer les graines de la discorde au cœur de la société algérienne et d’imposer une nouvelle doctrine étrangère à notre religion, à nos valeurs et à nos traditions. Cela pour asseoir tel régime, République, califat (qualifiez-le comme bon vous semble) dans le but de contraindre le peuple à la soumission et à l’obéissance, à travers la planification, la programmation et l’exécution de massacres collectifs et d’opérations d’extermination afin de réduire au silence toute opposition à leurs idées.

    Ben talha, Ramka, Raïs, Sidi Hammad, Beni Messous, Sidi Al-Antari, Haouch Khemisti, Beni Ali, Ouled Hada, Mazouara, Dhaya Labkour, Had Al-Shakala témoignent des centaines de massacres perpétrés à travers l’ensemble du territoire national, qui ont touché toutes les catégories du peuple algérien, ne faisant aucune distinction entre hommes, femmes, enfants, nourrissons, vieux ou jeunes. Les méthodes d’exécution étaient d’une extrême sauvagerie et le nombre de victimes dépassait les dizaines de milliers, sans parler de l’enlèvement de milliers de femmes et de filles violées et, pour nombre d’entre elles, tuées.

    Il n’est pas aisé d’ouvrir des plaies, de déterrer des souvenirs douloureux pour évoquer les vestiges d’un passé que le peuple algérien tente de s’en débarrasser à travers l’oubli… Les larmes versées par les orphelins, les veuves et les endeuillés suffisent à elles seules pour se convaincre que les signes de tristesse et de douleur subsistent encore sur le visage de nombreux Algériens et qu’il faut encore du temps pour que la plaie profonde du terrorisme cicatrise. Nous rappelons ces événements et faits pour que les jeunes d’aujourd’hui n’oublient pas la souffrance et les épreuves endurées par leurs parents et réalisent que les organisations comme Rachad ou le MAK ne diffèrent guère du GIA, d’Al-Mourabitoun, de Jund Al-Khilafa ou du GSPC, par exemple. Ce sont deux faces d’une même pièce, à ceci près que les modes d’action diffèrent par le recours à de nouveaux outils, comme les plateformes des médias sociaux ou encore la sollicitation des ONG dont les sources de financement et l’obédience sont entachées de suspicion.

    Les émirs de la mort, tels Zitouni, Zouabri, Ben Chiha et Belaouar ont laissé derrière eux des terroristes et des traîtres non moins sanguinaires, bien plus, qui les dépassent en matière de forfaiture, de perfidie et de félonie. Cette génération d’aventuriers qui se vante de sa trahison, de son infamie, de son ignominie, fait peu cas de l’Algérie, de son Histoire et de son peuple. Son seul souci est de pêcher en eaux troubles, d’investir dans les problèmes des autres pour les inciter à la violence et abuser des innocents afin de les entraîner dans des conflits et des confrontations aux conséquences insoupçonnables.

    Ainsi, le Haut conseil de sécurité, dont la réunion a été présidée par le président de la République, Monsieur Abdelmadjid tebboune, a décidé d’inclure les mouvements Rachad et MAK dans la liste des «organisations terroristes et de les traiter en tant que telles». Lors de sa récente visite en 2e Région militaire, Monsieur le général de corps d’armée, chef d’état-major de l’ANP, a mis en garde les aventuriers de toute obédience ou courant idéologique contre toute tentative de porter atteinte à l’unité nationale. Il a affirmé : «Nous, au sein de l’Armée nationale populaire, ferons face, avec fermeté et vigueur, à quiconque songe à mettre en péril les constantes de la Nation et nous œuvrerons, sans relâche, à mettre à nu leurs abjects desseins devant l’opinion publique nationale et internationale, car nous sommes fermement convaincus que l’unité nationale est le phare qui illumine notre voie et qui renforce notre volonté dans les crises et l’adversité.»

    Les membres de l’organisation terroriste Rachad résident sur le sol européen et activent sous le parapluie des «chrétiens» -qu’ils considèrent comme des infidèles- pour combattre leur propre peuple et instaurer, comme ils le prétendent, le califat sur le territoire algérien. A l’exemple des roitelets en Andalousie qui versaient l’impôt (djizya) au roi Alphonse VI pour qu’il les aide à s’entretuer, ils demeurent nostalgiques des sombres journées où les fatwas de leurs chouyoukh rendaient licite l’effusion du sang des Algériens. Quant au mouvement terroriste MAK, ce qu’il y a de plus surprenant, de déroutant et de risible à la fois, c’est que son «leader» ou son «président» qui revendique le séparatisme en Algérie, à l’image d’un enfant qui refuse de téter sa mère, n’hésite pas à louer une entité raciste qu’il considère comme un modèle de civilisation, de développement et de justice, passant sous silence les massacres perpétrés par cette entité contre le peuple palestinien isolé, propriétaire du territoire. Ce mouvement prétend instaurer un Etat «civil», avec des ingrédients sionistes, en Kabylie, terre des Moudjahidine, qui a sacrifié des dizaines de milliers de ses fils pour l’Algérie ! En fait, il n’a d’autre but que de la jeter dans les bras de ceux que les El Mokrani, Cheikh El Haddad, Mira, Amirouche et bien d’autres avaient combattus, et en faire ainsi le cent-deuxième département. Rachad et le MAK, tels Satan, le diable ou, disons «Dracula», sont des vampires attendant l’obscurité pour sucer le sang du peuple, tant ils sont incapables de l’affronter en plein jour, sous les rayons du soleil, parce que la lumière vive les aveugle et brûle leur peau. Bien qu’à première vue leurs référents idéologiques sont en opposition, leurs velléités autoritaristes et leurs penchants sadiques les rassemblent.

    Le peuple algérien peut, dans un premier temps, être dupé par des mots doux, vous pouvez gagner son amitié si vous le sollicitez et obtenir son pardon si vous faites amende honorable, mais pour peu que vous le trahissiez, que vous persistiez à le tromper, à porter atteinte à l’unité nationale, à hypothéquer l’avenir des générations ou encore à comploter avec les anciens et les nouveaux ennemis de la Nation, soyez sûr qu’il ne vous trouvera aucune excuse, qu’il ne vous pardonnera pas et qu’il n’hésitera pas à vous rendre l’existence infernale et à effacer jusqu’à vos racines. Référez-vous à l’histoire ancienne et moderne et vous découvrirez ce grand peuple qui a enfanté Jughurta, tarek Ibn Ziad, l’Emir Abdelkader, Fatma N’soumer, Ben Badis, Ben M’hidi et des centaines de milliers d’autres glorieux lions. Malheur à ceux qui tentent, ou même pensent porter atteinte à l’unité nationale et à semer les graines de la division entre les différentes couches d’un même peuple. Les césars de Rome, Genséric le Vandale, Gargar de Byzance, et après eux l’Espagne croisée et la France coloniale, n’ont pas réussi à mettre à genoux et à diviser le peuple, malgré les politiques basées sur la devise «diviser pour régner», qu’ils ont poursuivie pendant des décennies, voire des siècles. Toutes ces forces n’ont pas réussi à saper les composantes du peuple algérien, à le diviser, à semer la zizanie, en jouant sur les diversités régionales, tribales et autres ethniques, que dire alors d’une poignée de souris de laboratoires, qui n’ont ni nom, ni histoire, ni poids, recrutées pour remettre au goût du jour des politiques coloniales qui ont échoué et les funestes projets «daéchistes».

    Enfin, nous affirmons que le peuple algérien n’est pas disposé à se laisser avoir une deuxième fois, lui qui a enduré les flammes des marchands de la religion et la trahison des courtiers de la division, aujourd’hui, il n’est pas prêt à gâcher d’autres années en prêtant l’oreille à ceux qui se prélassent sur les rives du Bosphore, qui versent des larmes devant le Mur des lamentations ou qui traitent leur rhumatisme chronique sur le sable de Marrakech. Le peuple algérien se prépare à choisir ses représentants qui traduiront ses préoccupations, défendront ses droits et qui lui ouvriront les portes de l’espoir et de la prospérité. Quant aux promoteurs de la division (fitna), aux amateurs de la sédition, leurs vils complots et leurs basses manœuvres n’iront pas bien loin, les relents puants de leur trahison les ont démasqués, et ce scorpion noir n’est plus en mesure de distiller son venin, il ne lui reste plus qu’à crier au loup.

    La Rédaction

    El Djeïch n° 695, juin 2021

    Etiquettes : Algérie, Hirak, MAK, Rachad, Maroc, islamisme, terrorisme, décennie noire, FIS, GIA,

  • Algérie : Tebboune dit tout au « Point »

    DANS UN ENTRETIEN EXCLUSIF AU MAGAZINE HEBDOMADAIRE FRANÇAIS, « LE POINT » : Le Président dit absolument tout !

    Quand les équipes du nouveau président entrèrent pour la première fois dans le palais d’El Mouradia, en décembre 2019, l’endroit semblait quasi abandonné. Depuis que le président déchu, Abdelaziz Bouteflika, malade, s’était calfeutré en 2013 dans sa résidence médicalisée à Zéralda, sur la côte ouest algéroise, ce haut lieu du pouvoir s’était transformé en une administration ronronnante, à peine gérée par le frère- conseiller, Saïd Bouteflika, et où régnaient le silence et des ombres pressées.

    En cette matinée printanière de mai, le palais d’El Mouradia, niché sur les hauteurs d’Alger-Centre, fait resplendir le jardin de sa résidence, dominé par un ficus centenaire et bercé par la fontaine en cascade aux faïences azur. À l’entrée, l’ancien court de tennis où jouait l’ex-chef de l’État Chadli Bendjedid (1979-1992), le dernier président à avoir mis en place une communication innovante, posant même avec sa famille pour la presse étrangère, avant la glaciation qui s’ensuivit. Depuis, l’image du pouvoir algérien est celle du portrait officiel, raidie, spartiate, « militaire », jusqu’à l’artifice d’un président muet et grabataire. Au bout de vingt ans de règne, Bouteflika sera remplacé, comble du mépris et du surréalisme, par un « cadre », c’est-à-dire un portrait que les « hommes » de l’ex-président brandissaient, extatiques, lors des meetings. Trente ans de grisaille ombrageuse, de rumeurs de décès, d’apparitions fantomatiques, de complots, de théories d’usurpation et, surtout, de silence… le pouvoir en Algérie a des mœurs de clandestinité et des rites d’invisibilité.

    À 11 heures passées, sur une terrasse ombragée, le chef de l’État algérien reçoit ses intervieweurs. Il leur consacre plusieurs heures. Son discret staff, réduit au maximum, s’éparpille sous les arcades mauresques de cette résidence adossée au « cabinet », le bureau du président, un peu plus haut, auquel on accède en traversant le jardin. L’image bucolique tranche avec la double sinistrose de la présidence fantomatique des derniers mandats de Bouteflika et avec le cliché en noir et blanc d’un pouvoir opaque et renfermé. « Vous avez trop de questions », commente, tout sourire, Abdelmadjid Tebboune en invitant à prendre le café.

    Traversée du désert. L’homme revient de loin, et pas seulement d’une longue convalescence après son infection au Covid-19 et une opération au pied en Allemagne, mais d’une traversée du désert, une ostracisation violente après son mandat éclair (trois mois) de Premier ministre en 2017. Un record dans la République algérienne, pour avoir déclaré la guerre aux « forces de l’argent » et à leur clan politique proche du frère de Bouteflika, Saïd. Cet énarque, ce fils du Sud-Ouest saharien qui lui a légué le calme et la cordialité des gens du désert, à la carrière préfectorale qui remonte aux années 1970, sait, depuis la disgrâce subie, que le pouvoir peut aussi être un enfer derrière l’apparat du prestige et de la puissance. Les intrigues le rattrapent, même lors de la présidentielle de décembre 2019, décriée par le Hirak, qui poursuivait ses manifestations antisystème : donné pour favori, il subit une campagne médiatique violente, et une partie du personnel politique hérité de l’ère Bouteflika se mobilise contre lui – aujourd’hui, des officiers du renseignement sont derrière les barreaux pour avoir comploté et tenté de manipuler les résultats de l’élection à ses dépens…

    Pilier. À des intimes, après cette bataille feutrée au sein même du pouvoir, il confie : « Je n’ai plus rien à perdre parce que j’ai tout perdu. Si je suis élu, ce n’est pas pour finir en autocrate. » Abdelmadjid Tebboune assume ses postes de ministre sous Bouteflika, défendant son bilan à l’Habitat par exemple, où il créa une formule d’accès au logement pour la classe moyenne, « pilier de stabilité d’une société », selon lui. À ses yeux, il a servi l’État, pas la fratrie Bouteflika.
    Vis-à-vis de la France, celui qui suivait en même temps les cours de l’école coranique et de l’école française veut imposer une position nuancée : pas d’hostilité automatique, mais pas de rapports de suzerain à vassal. « Il respecte ceux qui le respectent, c’est son principe aussi pour la diplomatie », souligne un proche.

    Sans filet. Ce n’est pas la première fois que Tebboune se prête au jeu des questions-réponses, mais le dispositif est différent : une interview longue et fouillée menée pour un grand hebdomadaire français par deux journalistes et écrivains algériens vivant en Algérie. Au-delà de l’interview, c’est symboliquement une intrusion dans « l’unique et véritable centre du pouvoir en Algérie », pour reprendre les mots d’un conseiller du palais. L’interview est ouverte, sans filet, nous assure-t-on. Notre photographe est autorisé à circuler et à prendre ses propres photos, et Tebboune s’y prête : debout, assis, marchant, souriant ou conversant de façon détendue. Ces gestes de grande banalité pour des Occidentaux ont ici tout leur sens : le pays est cycliquement la proie de rumeurs sur la maladie du président du moment, son état de santé, sa mobilité physique et sa capacité à gérer le pays et ses crises. Il fallait des réponses et aussi presque des « preuves de vie ». Après un long café en « off », le « on » se fait dans le bureau du président. Abdelmadjid Tebboune demande à mener l’entretien sans la présence de ses équipes qui nous laissent presque seuls.

    Le Point : Vous avez repris les rênes du pouvoir neuf mois après la chute d’Abdelaziz Bouteflika, lors de la présidentielle de décembre 2019 : dans quel état aviez-vous trouvé le pays ?

    Abdelmadjid Tebboune : Le pays était au bord du gouffre. Heureusement qu’il y a eu le sursaut populaire, le Hirak authentique et béni du 22 février 2019, qui a permis de stopper la déliquescence de l’État en annulant le cinquième mandat, qui aurait permis à la « issaba » [le « gang », conglomérat d’oligarques et de hauts responsables, NDLR], ce petit groupuscule qui a phagocyté le pouvoir et même les prérogatives de l’ex-président en agissant en son nom, de gérer le pays. Il n’y avait plus d’institutions viables, seuls comptaient les intérêts d’un groupe issu de la kleptocratie. Il fallait donc reconstruire la République, avec ce que cela implique comme institutions démocratiques.

    Touché par le Covid, vous avez été absent d’Algérie. Cette absence a-t-elle affecté votre exercice du pouvoir ?
    Affecté non. Retardé le programme des réformes, oui. Mais nous avons réussi à faire en sorte que l’État fonctionne en mon absence. Preuve en est que la réhabilitation des institutions que j’ai entamée avait fonctionné. Par ailleurs, j’ai pu faire le bilan sur mon environnement immédiat et les projets que nous avons lancés. Certains ont pensé que c’était le naufrage – et vous savez qui quitte le navire dans ces cas-là -, mais j’ai pu constater, avec fierté, toute la fidélité de l’armée, avec à sa tête le chef d’état-major Saïd Chengriha. Nous nous appelions tous les matins.

    Qu’est-ce que votre traversée du désert entre 2017 et 2019 vous a appris sur le pouvoir ?

    Pour avoir exercé un peu plus de cinquante ans au service de l’État, depuis ma sortie de l’ENA en 1969, je sais qu’il est très difficile de faire de l’opposition à l’intérieur même du système. Pourtant, j’en ai fait, j’étais une sorte de mouton noir. On m’a envoyé comme wali [préfet] aux postes où il y avait le plus de problèmes. On m’avait collé une étiquette de « tête dure », parce que je ne me privais pas de dire ce que je pensais.

    En 2017, j’étais déjà convaincu que l’Algérie allait droit dans le mur, que si la déliquescence des institutions se poursuivait, elle allait aussi impacter l’État-nation même, pas uniquement le pouvoir. On ressemblait de plus en plus à une république bananière, où tout se décidait dans une villa sur les hauteurs d’Alger [à Ben Aknoun, lieu de rencontre des oligarques et de leurs relais du pouvoir, NDLR]. Les institutions étaient devenues purement formelles, à l’exception de l’armée, qui a pu sauvegarder sa stature.

    Il fallait donc agir et j’ai proclamé, en tant que Premier ministre, devant le Parlement, que le salut viendrait de la séparation de l’argent et du pouvoir. Ma famille et moi en avons payé le prix, mais cela fait partie du risque de l’exercice du pouvoir.
    Quand le pouvoir est gangrené par les intérêts personnels, il se défend à sa manière. S’attaquer à ce système peut devenir mortel. Très dangereux.

    Comment le président peut-il mener des réformes politiques sans un parti de soutien, sans l’adhésion de l’opposition, sans société civile autonome, et avec une administration héritée de l’ancien système ?

    Une partie de l’administration, censée être neutre et servir les administrés, s’est mise au service des lobbys de la kleptocratie, que l’on appelle à tort « oligarchie », car il s’agit plutôt d’un groupe de voleurs.
    Je n’ai pas été le candidat d’un parti, mais celui du peuple et de la jeunesse, deux piliers sur lesquels je compte beaucoup. Une multitude de nos partis ne sont pas représentatifs d’un courant d’idées, mais sont construits autour d’une personne qui s’éternise à leur tête, sans aucune volonté d’ouverture ou de réforme… Attention, je ne dis pas que je ne crois pas en la classe politique, mais elle représente peu de chose par rapport à un peuple. Tous les partis réunis ne totalisent pas 800 000 militants, alors que nous sommes près de 45 millions d’Algériens ! Plus tard, peut-être, lorsque les institutions auront repris leur place et leurs fonctions, libérées du diktat de l’argent sale, on pensera à créer un parti présidentiel. Mais pas pour le moment.

    Vous dites « plus tard » : justement, pensez-vous avoir besoin d’un second mandat ?

    Très honnêtement, je n’y pense pas. Ma mission est de remettre sur pied mon pays, lutter contre les passe-droits, reconstruire les institutions et faire que la République appartienne à tout le monde. Un autre mandat ? Je ne sais pas. On n’est qu’au début de mon mandat.

    Opposition et activistes dénoncent les arrestations dans les rangs du Hirak et les entraves au travail des médias…
    Je n’utilise plus ce mot (Hirak) parce que les choses ont changé. Le seul Hirak auquel je crois est le Hirak authentique et béni qui a spontanément rassemblé des millions d’Algériens dans la rue. Ce Hirak-là a choisi la voie de la raison en allant à l’élection présidentielle. Il n’a pas écouté le chant des sirènes qui le poussait à aller vers une période transitoire, et dix millions d’Algériens sont allés voter. Une minorité a refusé l’élection. Je pense que tout Algérien a le droit de s’exprimer, mais je refuse le diktat d’une minorité.

    De plus, je m’étonnerai toujours du fait qu’un démocrate, qui se définit comme tel, rejette les urnes et prône la désignation. Quand il ne rejette pas l’opinion de la majorité, ce qui est en soi antidémocratique. Pourquoi voulez-vous désigner des personnes pour diriger le pays ? Qui êtes-vous ? Qui vous a fait roi ? « Qui t’a rendu si vain/Toi qu’on n’a jamais vu les armes à la main », pour reprendre Le Cid !

    Aujourd’hui, dans ce qui reste du Hirak, on trouve de tout, il y en a qui crient « État islamique ! » et d’autres qui scandent « pas d’islam ! ». Les manifestants expriment peut-être une colère, mais ce n’est pas le Hirak originel. C’est très hétéroclite.

    En février, vous avez libéré la quasi-totalité des détenus du Hirak. Pourquoi ce raidissement actuellement ?
    Lorsque les marches, après la présidentielle, rassemblaient encore de 20 000 à 25 000 manifestants à travers le pays, j’ai été le premier à tendre la main aux gens du Hirak et à les recevoir. Dans mon premier gouvernement, on compte cinq ministres qui en sont issus. Des personnes que j’avais vues m’insulter dans des vidéos ! Ensuite, on a commencé à libérer des détenus pour arriver à 120 relaxés. Les gens continuaient à me critiquer, mais j’ai continué à faire des gestes. J’ai l’impression que cela a été interprété comme une faiblesse. Les gens pensaient qu’on était dos au mur. Ils se trompaient. Pour moi, le manifestant et le policier qui maintient l’ordre public sont les enfants de la même République. Je n’ai pas le droit de les laisser s’affronter. D’autant plus que les appels à la violence étaient clairs. Tant qu’on était au stade des idées, il n’y avait pas de problème, mais les appels à la violence, c’est autre chose.

    Pourquoi Rachad (mouvement d’opposition en exil formé notamment des ex-FIS) et le MAK (Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie) ont-ils officiellement été déclarés mouvements terroristes ?

    Parce qu’ils se sont eux-mêmes déclarés tels. Rachad a commencé à mobiliser tous azimuts, à donner des instructions pour affronter les services de sécurité et l’armée. Le MAK a tenté d’agir avec des voitures piégées. Face aux appels à la violence, la patience a des limites.

    Comment se présentent les élections législatives du 12 juin alors qu’une bonne partie de l’opposition a choisi de boycotter le scrutin ?

    On ne voit pas les choses de la même manière. Ce que j’observe à travers tout le pays ne dit pas que les Algériens, dans leur majorité, sont opposés aux élections législatives.
    Vous me dites une « bonne partie de l’opposition » : combien sont-ils ? Au vu des instruments de mesure dont nous disposons, il s’agit d’une minorité qui se présente comme une majorité grâce à une médiatisation à outrance, notamment outre-mer. Certains ambassadeurs, malheureusement, ne voient que cette minorité et ne vivent qu’avec elle, et ignorent la majorité des Algériens, induisant en erreur les pays auxquels ils appartiennent…
    Je sais qu’il y a un engouement pour ces législatives, notamment chez les jeunes, alors que tout récemment, ils ne s’inscrivaient même pas sur les listes électorales.

    Il n’y a pas d’autre issue. Et tous ceux qui veulent entraîner le pays vers l’aventure sont en train de perdre leur temps.
    Quand j’étais malade et que les rumeurs enflaient, me donnant même comme décédé, la plupart des Algériens étaient angoissés, même parmi ceux qui n’ont pas voté pour moi ou qui ne m’apprécient pas. Parce qu’ils veulent que le pays reste sur la voie de la légalité.

    Le correspondant du journal « Liberté » à Tamanrasset a été arrêté et placé sous mandat de dépôt pour un article de presse. Comment est traité son cas alors que la Constitution interdit l’emprisonnement d’un journaliste qui exercice son métier ? Peut-on espérer une évolution positive de sa situation ?

    Il a joué à tort au pyromane sur un sujet très sensible. Très grave.

    Le Parlement ne risque-t-il pas de se retrouver avec une majorité parlementaire – et donc gouvernementale – islamiste, comme au début des années 1990 ?

    Quelle est la définition de l’islamisme ? L’islamisme en tant qu’idéologie, celle qui a tenté de s’imposer au début des années 1990 dans notre pays, n’existera plus jamais en Algérie. Maintenant, l’islam politique a-t-il bloqué le développement de pays comme la Turquie, la Tunisie, l’Égypte ? Non. Cet islam politique-là ne me gêne pas, parce qu’il n’est pas au-dessus des lois de la République, qui s’appliqueront à la lettre.

    Parler de l’Algérie, c’est évoquer le poids de l’armée et des services de renseignement. Qu’en est-il réellement, sachant que l’armée a arbitré le départ de Bouteflika ?

    Le poids de l’armée est une réalité positive. Si nous n’avions pas une armée aussi moderne et aussi professionnelle, la situation en Algérie serait pire qu’en Libye ou en Syrie. Je rappelle que l’armée s’est retirée de la politique depuis la fin des années 1980. L’époque où des officiers de l’armée siégeaient au comité central du FLN (ex-parti unique) est terminée. L’armée ne fait plus de politique.

    Pendant le Hirak, certains, y compris dans les rangs de ceux qui se prétendent démocrates, ont demandé à l’armée d’intervenir. Elle a refusé, préférant protéger le pacifisme du mouvement.

    Si elle avait voulu prendre le pouvoir, elle l’aurait fait. C’était une demande populaire, le peuple l’appelait à faire cesser la comédie du cinquième mandat et la déliquescence de l’État. L’armée n’a pas pris le pouvoir et ne le prendra pas, parce qu’elle est légaliste.

    Les poursuites contre les oligarques ont traumatisé les milieux d’affaires en Algérie. Comment rassurer les patrons algériens ?

    Nous avons déjà fait plus que le nécessaire pour les rassurer. Nous avons réuni, à deux reprises, les patrons algériens ; nous avons pris des mesures dans les lois de finances. S’ils ont des choses à se reprocher, je n’y suis pour rien. La justice a pris tout son temps pour juger ceux qui ont indûment touché à l’argent public, on n’accuse personne à la légère.
    Des voix s’élèvent pour dénoncer les blocages dans l’administration, des responsables qui ont peur d’assumer des décisions, une fiscalité qui encourage l’informel, des banques méfiantes, etc.
    La situation n’est pas aussi catastrophique. Il y a des problèmes, des difficultés, peut-être aussi des blocages à cause de la bureaucratie, contre laquelle je lutterai avec toute mon énergie. Je l’ai dit aux hommes d’affaires et aux start-up : la bureaucratie est notre ennemi commun. Pour le reste, les gens continuent à travailler et à investir, le pays n’est pas à l’arrêt. Mais il est vrai que nous avons une économie sous-développée et désarticulée, tournée vers l’importation, sans aucun échange intersectoriel.
    Prenez l’exemple des kits – dans l’automobile, l’électroménager, etc. -importés pour être montés en Algérie : nous avons réussi à mettre sur le marché des voitures plus chères que les voitures importées ! Et tout cela pour créer à peine 400 emplois alors que le projet a coûté à l’État 3,5 milliards de dollars. Ça, ce n’est pas de l’économie ! Ceux qui veulent se lancer dans la construction mécanique, en respectant les cahiers des charges, sont les bienvenus. Pour les industries légères, comme l’électroménager, l’intégration devrait être, au départ, d’au moins 70 %.
    Ce que nous voulons, c’est construire une économie dans laquelle les besoins de notre pays soient satisfaits par notre propre production.

    Des milliers d’Algériens attendent impatiemment leur retour en Algérie : après l’annonce de l’ouverture partielle du ciel prévue le 1er juin, quelles seront les prochaines étapes ?

    L’ouverture ou la fermeture des frontières est dictée par le Conseil scientifique, suivant l’évolution de la pandémie. Si nous avons fermé les frontières, ce n’est pas pour sanctionner la population, mais pour la protéger. L’Algérie a été le premier pays à imposer les tests dans ses aéroports, à fermer les crèches, les écoles, les mosquées, à interdire le public dans les stades…
    Aujourd’hui, nous recensons environ 200 cas par jour, alors que des pays plus développés en sont à 20 000, voire 30 000 cas par jour. Mais le virus est là, et à tout moment, les chiffres peuvent remonter. Si cela arrive, les Algériens nous en voudront d’avoir commencé à rouvrir les frontières. Et si la situation se dégrade, nous refermerons.
    Même avec les frontières fermées, nous avons rapatrié un peu plus de 80 000 Algériens. Aux frais de l’État. Aucun pays n’a fait ça.

    En parlant de la crise sanitaire, qu’en est-il du rythme des vaccinations ? Y a-t-il eu un manque d’anticipation ?

    L’Algérie a commencé à vacciner en janvier, avant presque tous les pays africains. Les vaccins sont justement là pour ceux qui en font la demande. Quant au rythme de la vaccination, il suit le bon vouloir des Algériens, car nous ne voulons pas l’imposer. Mais nous allons lancer de grandes campagnes de sensibilisation, car le fait que l’Algérie ait été relativement peu impactée dissuade les gens d’aller se faire vacciner.

    L’Algérie se prépare à réformer sa politique de subvention des produits de première nécessité, avec un ciblage d’aides aux plus défavorisés : comment aborder ce virage dans un pays attaché au caractère social de son État ?
    L’Algérie sera un État social ad vitam aeternam, parce que c’est une exigence de ceux qui se sont sacrifiés pour ce pays. La déclaration du 1 er novembre 1954 préconisait la création d’un État démocratique et social. Tel était le vœu de nos martyrs.
    Aux premières années de l’indépendance, les millionnaires se comptaient sur les doigts d’une main. Maintenant, l’Algérie compte des centaines de milliardaires. L’État social reste un principe valable pour les classes moyennes et démunies, mais les plus riches ne doivent plus être concernés par les subventions.
    Le projet est en cours d’élaboration, j’attends l’élection des assemblées – Parlement et assemblées locales – pour entamer une réflexion nationale, notamment avec les syndicats, le Conseil national économique et social et environnemental et les élus.

    Après la révision de la règle du 49/51 (partenaire algérien majoritaire obligatoire pour une entreprise) que reste-t-il à faire pour améliorer le climat des affaires ? Un partenaire étranger peut-il gagner de l’argent en Algérie ? Réaliser des bénéfices et en jouir ?

    La logique du Doing business instaure certains paramètres pour capter les investissements directs étrangers. Parce que les opérateurs investissent là où il y a le minimum d’État. Certains pays l’acceptent, à défaut d’avoir d’autres moyens de création d’emplois, devenant presque des protectorats d’autres pays, où on peut, par exemple, prohiber l’action syndicale.
    En Algérie, c’est impossible. Il y a une demande d’État et de protection sociale assez forte. Ce n’est pas très attractif. Mais quand il s’agit d’investir dans les hydrocarbures, cela ne gêne personne. Ajoutez à cela un pays solvable non endetté et qui compte 45 millions de consommateurs.

    Vous avez instauré, avec le président Macron, une approche apaisée de la question mémorielle, et en juillet 2020, vous avez déclaré, sur France 24 : « On a déjà reçu des demi-excuses. Il faut faire un autre pas… On le souhaite. » Quels gestes concrets attendez-vous de Paris ?

    Les Algériens attendent une reconnaissance totale de tous les crimes. Dans l’histoire de la colonisation, il y a eu trois étapes douloureuses pour nous : le début de la colonisation, avec l’extermination, pendant quarante ans, de tribus entières, des villages entiers décimés et les enfumades. Ensuite, il y a eu la période de la spoliation, quand les terres étaient confisquées aux Algériens pour être distribuées à des Européens. L’horreur du 8 mai 1945 avec 45 000 morts. Enfin, il y a eu la guerre de libération, quand les Algériens ont pris les armes pour libérer leur pays.

    Tout cela ne concerne pas la génération du président Macron, ni celle de certains intellectuels français, qui sont irréprochables, mais reconnaître ces faits est important. Car pourquoi tient-on à la reconnaissance de ce qu’ont subi les Arméniens, les juifs, et ignore-t-on ce qui s’est passé en Algérie ?

    Ce que nous voulons, c’est une mémoire apaisée, reconnue. Qu’on sorte de cette fable d’Algérie terra nullius où la colonisation aurait apporté la civilisation. Cela dit, ce n’est pas la France de Voltaire, la France des Lumières que l’on juge. C’est la France coloniale. Nous n’oublierons d’ailleurs jamais que de nombreux Français ont rejoint le combat des Algériens, et aujourd’hui nous nous inclinons devant leur mémoire.

    Le passif, une fois réglé, permettra une amitié durable entre les deux nations. Boumédiène avait dit à Giscard qu’on voulait tourner la page mais sans la déchirer. Et pour ce faire, il faut des actes.

    Attendez-vous des réparations ou des compensations de la France, notamment concernant les essais nucléaires et leurs retombées ?

    Nous respectons tellement nos morts que la compensation financière serait un rabaissement. Nous ne sommes pas un peuple mendiant, nous sommes un peuple fier et nous vénérons nos martyrs.
    Nous demandons à ce que la France vienne nettoyer les sites des essais nucléaires, une opération qui est en bonne voie. Parce qu’aujourd’hui encore, la contamination fait des victimes. Que la France soigne les victimes des essais nucléaires.
    Le monde s’est mobilisé pour Tchernobyl alors que les essais nucléaires en Algérie provoquent peu de réactions. Ils ont pourtant eu lieu à ciel ouvert et à proximité des populations.

    Comment évaluez-vous le rapport de Benjamin Stora sur la colonisation et la guerre d’Algérie ?

    Benjamin Stora est un historien qui n’a jamais été dans l’excès, toujours proche de la vérité. Il a rédigé un rapport destiné à son président mais qui ne nous est pas adressé.
    Mais si on compare ce qu’ont fait les présidents français et ce que fait Emmanuel Macron aujourd’hui, on a l’impression que c’est ce dernier qui a été le plus loin…
    Oui, on doit le rappeler et l’écrire. Macron a toute mon estime. C’est le plus éclairé d’entre tous. Les autres présidents avaient tous une histoire avec l’Algérie.
    Ceux qui en veulent à sa politique envers l’Algérie ne représentent qu’une infime minorité. Ils gardent des relais mais sont rejetés par l’opinion française en général, car la plupart des jeunes Français d’aujourd’hui sont moins directement concernés par l’histoire algérienne.
    Si nous n’arrivons pas à jeter des passerelles solides entre les deux pays sous la présidence Macron, cela ne se fera jamais, et nos pays garderont toujours une haine mutuelle.

    Vous parlez finalement davantage de reconnaissance plutôt que de repentance ?

    Reconnaître, c’est une forme de repentance.

    Mi-avril, la cinquième session du Comité intergouvernemental de haut niveau franco-algérien (CIHN) a été reportée. Y a-t-il un agenda pour la reprise des contacts à un haut niveau ?

    La représentation française, composée au départ de dix ministres, avait été réduite à six, puis à quatre et enfin à deux ministres, pour discuter avec… dix ministres algériens !
    Celui qui a pensé que cela pouvait se faire ainsi ne connaît rien ni à l’Algérie ni à la manière de travailler en bilatéral. La balle est dans le camp du gouvernement français pour organiser un autre rendez-vous.

    Depuis le dernier CIHN, en décembre 2017, un seul projet économique (privé-privé) entre la France et l’Algérie, sur onze, a été concrétisé. Le dossier de l’usine Peugeot reste lettre morte ainsi que le partenariat entre Sanofi Pasteur et le groupe algérien Saidal… Comment redynamiser ces dossiers ?

    Je ne pense pas que le bilan soit aussi négatif. De plus, le CIHN n’est pas uniquement une rencontre d’affaires, nous nous réunissons aussi pour parler d’autres dossiers.
    Notez que 80 % de l’activité de Sanofi en Afrique est réalisée en Algérie et il n’y a pas de contentieux avec cet associé. Le partenariat avec Saidal est en train de se concrétiser. Pour d’autres – comme Suez ou la RATP -, les partenariats battent de l’aile. Nous pourrions aller plus loin mais des lobbys français [les nostalgiques de l’Algérie française et les réseaux marocains, NDLR], très puissants, criminalisent pratiquement le fait de travailler avec l’Algérie. C’est une réalité et pas un complexe de persécution.
    Les relations ne se construisent pas de souverain à suzerain, mais d’égal à égal. Vous avez des intérêts que nous reconnaissons, que vous défendez, et nous avons des intérêts que nous devons défendre. Il faut sortir du mythe que les investisseurs français ont été malheureux en Algérie. Renault, Legrand et Schneider ont prospéré. Lafarge et Knauf ont exporté. BNP, SG, Natexis, Crédit agricole, Air France… ont acquis des parts de marché aussi, plus de 450 PME françaises sont présentes en Algérie.

    L’usine Peugeot va-t-elle ouvrir ?

    C’est un dossier en maturation. Le mérite de Peugeot, c’est de ne pas avoir accepté de verser de pot-de-vin [sous Bouteflika, NDLR]. Et pour cette raison, nous avons beaucoup de respect pour ce partenaire. Seulement, l’usine projette une production de 76 000 véhicules alors que l’Algérie consomme un minimum de 350 000 véhicules par an. Nous voulons aussi augmenter le taux d’intégration, à 30-35 %.

    L’Algérie a une longue et tragique expérience dans la lutte contre le terrorisme islamiste. Pensez-vous que cette expérience soit utile pour la France ?

    En Afrique et dans le monde arabe, nous sommes leaders dans la lutte contre le terrorisme. Cette expertise a bénéficié à tous les pays occidentaux, y compris aux États-Unis. Nous avons fait éviter des tragédies à la France, à la Belgique et à d’autres. Nous préférons garder cette coopération discrète, car il s’agit de sauvegarder des vies humaines en Europe et partout.

    Les tensions pèsent entre le Maroc et l’Algérie, et le Front Polisario a opté pour l’action militaire. Faut-il craindre un conflit armé ouvert dans la région ? Quel avenir pour l’Union du Maghreb arabe avec des générations d’Algériens et de Marocains qui ne se connaissent pas ?

    Dans cette relation, le rôle honorable revient à l’Algérie. La rupture avec le Maroc – et je parle de la monarchie, pas du peuple marocain, que nous estimons – remonte à tellement longtemps qu’elle s’est banalisée.
    Le Maroc a toujours été l’agresseur. Nous n’agresserons jamais notre voisin. Nous riposterons si nous sommes attaqués. Mais je doute que le Maroc s’y essaie, les rapports de force étant ce qu’ils sont.

    Les frontières avec le Maroc resteront-elles fermées ?

    Oui. On ne peut pas ouvrir les frontières avec un vis-à-vis qui vous agresse quotidiennement.

    Et sur le dossier du Sahara occidental ?

    Il y a huit mois, j’avais exprimé ma crainte à des ambassadeurs que le Front Polisario reprenne les armes et qu’un accrochage sérieux puisse faire basculer la situation. Les jeunes du Sahara occidental ne ressemblent pas à leurs aînés : ils sont nés dans les camps de Tindouf et ont maintenant 40 ans, ils refusent cette situation et veulent reprendre leurs territoires. Il a été très difficile pour le Front Polisario de mener à bien son dernier congrès face à cette génération impatiente.
    Certains croient qu’avec l’ouverture de consulats [à Laâyoune et Dakhla, NDLR], le dossier du Sahara occidental est clos, mais ils se trompent. Le Maroc devrait revenir rapidement à une solution acceptable conforme au droit international. Entre l’Algérie et le Maroc, le Sahara occidental a toujours été une pomme de discorde mais pas un casus belli. Le Maroc devrait opter pour la raison : son ennemi, comme pour l’Algérie, c’est le sous-développement. L’Algérie est en train de se construire avec ou sans le Maroc.
    Défi. « Si nous n’arrivons pas à jeter des passerelles solides entre la France et l’Algérie sous la présidence Macron, cela ne se fera jamais », estime Tebboune.

    Pensez-vous que l’administration Biden devrait revenir sur la reconnaissance de la marocanité du Sahara occidental par Trump ?

    Comment peut-on penser offrir à un monarque un territoire entier, avec toute sa population ? Où est le respect des peuples ? Cette reconnaissance ne veut rien dire. Toutes les résolutions du Conseil de sécurité concernant le Sahara occidental sont présentées par les États-Unis. On ne peut pas revenir, verbalement, sur tout ce qui a été fait par Washington pour faire plaisir à un roi.
    Pourquoi les Marocains refusent-ils l’autodétermination ? Parce qu’ils ont procédé à un changement ethnique qui a ses conséquences : les Sahraouis à l’intérieur du Sahara occidental sont aujourd’hui minoritaires par rapport aux Marocains qui s’y sont installés. En cas de vote pour l’autodétermination, les Marocains installés sur le territoire sahraoui vont voter pour l’indépendance parce qu’ils ne voudront plus être les sujets du roi. Il est paradoxal d’avoir une majorité marocaine et de refuser le vote d’autodétermination.

    Comment l’Algérie perçoit-elle l’offensive turque au Maghreb ?

    Cela ne nous dérange pas. Le litige entre la Turquie et certains pays arabes est principalement lié au dossier des Frères musulmans. L’Algérie a d’excellents rapports avec les Turcs, qui ont investi près de 5 milliards de dollars en Algérie sans aucune exigence politique en contrepartie. Maintenant, ceux que cette relation dérange n’ont qu’à venir investir chez nous !

    La force du G5 Sahel est-elle à la hauteur du combat antiterroriste dans le Sahel ? Est-ce que les forces de Barkhane devraient se retirer du Sahel ?

    Le G5 pourrait être plus efficace s’il avait plus de moyens. Or le G5 n’en a pas, il a été créé pour contrer le Cemoc [état-major basé à Tamanrasset en Algérie, regroupant Algérie, Mali, Mauritanie et Niger, NDLR], qui était mieux doté.
    Dans ce territoire, certains s’opposent [le Maroc, NDLR] au avancées de l’Algérie, essentiellement sur le dossier malien. Pour nous, il existe une volonté de saboter les accords d’Alger (accord pour la paix et la réconciliation au Mali de 2015). Je crois aussi que le G5 ou Barkhane sont des solutions partielles.
    Le Sahel est composé de pays que l’Algérie a l’obligation d’aider dans la reconstruction de leurs États. Il ne s’agit pas uniquement d’un programme de lutte antiterroriste.

    Si jamais Barkhane se retirait, quel rôle pourrait jouer l’Algérie ? Une intervention militaire en Algérie à l’extérieur est-elle envisageable ?

    La Constitution algérienne autorise désormais ce type d’intervention, mais la solution n’est pas là. L’Algérie ne laissera jamais le nord du Mali devenir un sanctuaire pour les terroristes, ni ne permettra une partition du pays. Pour régler le problème au nord du Mali, il faut y redéployer l’État. Via les accords d’Alger, nous sommes là pour aider Bamako, ce que nous faisons déjà avec la formation des militaires maliens.

    L’Algérie a dénoncé la normalisation avec Israël de certains pays arabes. Comment, selon vous, maintenir une cohésion arabe – notamment dans le cadre de la Ligue ?

    Il n’y a plus de cohésion. Et la Ligue arabe est à réformer, totalement. Nous le demandons depuis trente ans. Il existe un plan de paix auquel ont adhéré tous les pays arabes : les territoires contre la paix.
    Chaque pays est libre de normaliser ses relations avec Israël, mais l’Algérie ne le fera pas tant qu’il n’y aura pas d’État palestinien.

    Avez-vous prévu de vous rendre à l’étranger ?

    C’est une nécessité et je me rendrai d’abord en Tunisie, j’ai donné ma parole au président Kaïs Saïed. Je suis aussi invité en Russie, en Turquie, en Italie, au Qatar. Pour la France, l’invitation est mutuelle.

    Peut-on être heureux en Algérie ?

    L’Algérie est un pays facile à vivre. Notre culture de la solidarité est exceptionnelle, on l’a vu pendant la crise sanitaire : les citoyens ont multiplié les initiatives pour s’entraider. La santé et l’éducation sont gratuites. Comparativement aux pays voisins, nous avons eu peu de candidats dans les rangs du groupe État islamique, et nous comptons moins de harraga [migrants clandestins, NDLR], selon les statistiques des centres de rétention en Espagne et en Italie. On peut être heureux, mais il faut avoir le courage de voir son pays autrement. On peut détester Tebboune, mais pas détester son propre pays »
    In Le Point

    Le Courrier d’Algérie, 03 juin 2021

    Etiquettes : Algérie, Abdelmadjid Tebboune, Hirak, situation politique, Maroc, Sahara Occidental, élections législatives, Abdelaziz Bouteflika,

  • Algérie: Le piège islamiste

    Cette mouvance parraine des centaines de candidats indépendants

    L’islam politique n’est pas soluble dans la démocratie. Il est la négation même de l’exercice politique en tant qu’approche séculière et rationnelle.

    Hocine NEFFAH

    Les élections législatives anticipées du 12 juin prochain sont parsemées d’embûche. La cause est cette frénésie islamiste qui attend aux aguets à travers son entrisme et ses stratagèmes à plusieurs facettes. Cette mouvance agit telle une pieuvre, sa dimension tentaculaire fait d’elle une nébuleuse dont la versatilité et le double langage font partie intégrante de son existence en tant qu’entité politique dangereuse dans la mesure où sa manière de faire la politique est aux antipodes des règles et les standards connus et reconnus de par le monde.

    L’islam politique est bel et bien aux portes des institutions de l’Etat. Cette réalité qui agace un nombre important d’Algériens et d’Algériennes épris des valeurs républicaines et démocratiques suscite moult interrogations et questionnements. L’enjeu des élections du 12 juin prochain se présente comme un défi politique face aux pièges qui pourraient se constituer comme une véritable entrave et un blocage institutionnel de taille pour ne pas dire une impasse politique gravissime. Ledit enjeu à trait surtout à la résurgence de la nébuleuse islamiste et le retour inéluctable de son discours nihiliste et obscurantiste sur des questions politiques, économiques, sociales, culturelles et sociétales.

    Les candidats sous la bannière de la mouvance islamiste sont divers et multiples. Les partis traditionnels de l’islam politique sont entrés tous en lice, c’est dire que l’enjeu est crucial, mais le plus grave ce sont les listes indépendantes qui pullulent tels des champignons. Tout le piège islamiste est là, un piège qui aura comme conséquences la mainmise sur l’institution parlementaire, et par ricochet, ils auront à imposer leur conception rétrograde sur les institutions sensibles et prépondérantes au niveau des institutions de l’Etat ou au niveau des structures vitales de la société.

    L’école et les thèmes sensibles inhérents au fonctionnement de l’Etat et de la société seront soumis à une espèce d’instrumentalisation de cette mouvance qui ne lésine devant rien pour impacter les institutions de l’Etat et de la société de son empreinte anachronique et archaïque.


    La République dans son expression citoyenne attachée aux valeurs de la modernité et de la rationalité devrait tenir compte de cet entrisme d’une nébuleuse qui ne recule pas quand il s’agit de sauter sur l’opportunité qui s’offre à elle. Il ne faut pas que l’enjeu des législatives anticipées se transforme comme un épouvantail et un spectre qui aura à tout renverser comme héritage et expérience politique aux antipodes de la conception théocratique. Des listes de candidats, y compris à l’étranger, qui se dissimulent derrière une présentation bon chic et bon genre, a mis un nombre important de citoyens et citoyennes, les a dénudés et démasqués en les dénonçant par rapport à l’obédience qu’ils représentent secrètement et dans l’ombre. C’est dire que la mouvance islamiste est une véritable organisation opaque et obscure d’ou sa nature tentaculaire. Il y a un risque en la demeure Algérie, il est bien réel si on maintient les choses en l’Etat et on tourne le dos au contexte brûlant qui affecte le pays au plan politique et géostratégique. Le Parlement pourrait en être le clivage de trop qui apportera son lot de crise politique des plus aiguës en menaçant de la sorte la stabilité institutionnelle de l’Etat national. Ces élections législatives anticipées ce ne sont pas du tout une sinécure, bien au contraire, elles constitueront un enjeu et un risque dont les conséquences pourraient en être néfastes si les islamistes auront la majorité des sièges au Parlement. Ils se cachent derrière de fallacieuses sémantiques et des semblants de discours conçus juste pour la circonstance et la conjoncture comme une tactique connue et répandue chez cette nébuleuse, surtout les mouvements affiliés à l’organisation des Frères musulmans comme c’est le cas pour le Mouvement de la société pour la paix (MSP) et le Front pour la justice et le développement (FJD) et leurs dérivés.

    Il faut tenir compte de ce risque qui n’est pas des moindres, c’est un risque crucial, dans la mesure où cela pourrait impacter les rouages de l’Etat et déstabiliser la dynamique sociétale. Le temps est à la prudence et à la vigilance, l’islamisme n’est pas une sorte d’épiphénomène dont le traitement nécessite une démarche pragmatique. L’islam politique n’est pas soluble dans la démocratie, il est la négation même de l’exercice politique en tant qu’approche séculière et rationnelle.

    L’Expression, 27 mai 2021

    Etiquettes : Algérie, islamisme, candidats indépendants, Islam politique, élections législatives, 12 juin,

  • Algérie/ Elections : nationalistes vs islamistes (1&2)

    Par Mohamed Habili

    Contrairement à ce que l’on croit dans une certaine frange de l’opinion, reconnaissable tout particulièrement à ceci qu’elle croit dur comme fer qu’elle est majoritaire dans l’opinion, l’enjeu des prochaines législatives n’est pas seulement dans le taux de participation, ou à l’inverse dans celui de l’abstention, mais tout autant et même davantage dans leurs résultats. Il est déjà arrivé au chef de l’Etat de dire que ceux-ci seront pris en compte quel que soit le volume de l’abstention. Partant ils le seront également quels qu’ils soient en eux-mêmes, aussi déplaisants ou même inacceptables qu’ils puissent paraître à ceux qui auront perdu les élections. Nombre de partis minoritaires, dont d’éternels groupuscules, ayant pris la décision de ne pas prendre part à ces dernières, des gens aussi futiles que bruyants, parce que disposant de la faveur de médias ou les possédant, font ouvertement campagne pour le boycott, comme si leur propre sort en dépendait directement. Ils se trompent, il dépendra en premier lieu de la majorité de ceux des Algériens qui auront voté. Le champ politique n’a pas changé au cours de ces deux dernières années.

    Ce qui peut avoir changé en revanche, ce sont les poids respectifs, ou plus exactement les poids relatifs, des partis qui vont se mesurer le 12 juin prochain, non pas les grands courants politiques traversant la société algérienne depuis l’indépendance du pays, et même avant que celle-ci ne soit acquise. Au point de vue politique, l’Algérie est comme tous les pays arabes, structurée par deux grands courants, ceux-ci pris indépendamment des partis qui s’en réclament. C’est le nationalisme d’une part, de l’autre l’islamisme. Bien entendu, d’autres courants, d’autres idéologies sont présentes dans l’opinion algérienne, et depuis assez longtemps pour certaines, comme le communisme par exemple, mais ils sont minoritaires. Ceci vaut pour quasiment tous les pays de la région, de l’océan à la mer et même au-delà. Ce sont ces deux courants majeurs à travers leurs organisations qui vont s’affronter le 12 juin prochain. Les nationalistes seront représentés pour l’essentiel par le FLN et le RND, et les islamistes par le MSP, outre deux ou trois autres partis de même inspiration quoique de moindre implantation. D’autres listes que les leurs seront proposées aux électeurs, notamment celles des indépendants, mais cela n’implique pas qu’elles portent d’autres offres politiques. On ne peut parler en l’occurrence de listes identitaires, ou berbéristes, ceux-ci ayant opté pour le boycott, bien qu’il ne soit pas impossible qu’au final des indépendants issus de cette mouvance soient de la partie, dans l’une ou l’autre des wilayas berbérophones notamment. Pas plus que les organisations ayant pignon sur rue, les indépendants ne sont pas indépendants des grands courants de pensée, produits de la longue durée non des circonstances ou de l’histoire immédiate. Si l’on admet le fait qu’il existe bel et bien des courants dominants, et qui sont l’islamisme et le nationalisme, alors il ne faudra pas s’étonner que les résultats soient à l’avenant. La seule question qui se pose est de savoir qui des deux familles sera majoritaire. Et par suite, laquelle sera appelée à former le gouvernement. Cela dit, le chef de l’Etat n’a pas directement affaire à des courants diffus dans la société mais à des partis légaux. C’est au chef de celui qui aura remporté le plus de sièges qu’il demandera de former le gouvernement. Dans la mesure évidemment où il s’en trouvera un qui à lui seul aura engrangé une majorité de sièges. Autrement, ce sera une autre affaire.

    —————————–

    Logiquement il n’y a pas lieu de supposer une abstention massive dans une élection à laquelle prennent part les formations politiques les plus importantes, en plus d’un grand nombre d’indépendants issus de la société civile. La nature même de la consultation à venir s’inscrit en faux contre une telle perspective. En Algérie, traditionnellement, les législatives et les locales donnent lieu à une participation plus grande que lors des autres échéances, présidentielles et référendums. Après tout l’appel à l’abstention dans ce cas précis provient de formations minoritaires, d’associations et d’activistes dont rien ne laisse penser qu’ils sont particulièrement influents. On ne peut leur dénier ce droit bien sûr. Une élection, ce n’est d’ailleurs pas que des votants, et des voix exprimées, mais tout autant de l’abstention, du boycott le cas échéant, et des voix blanches. Au bout du compte, tout le monde y aura pris part à sa façon, sauf, si du moins il s’en trouve, des Algériens qui n’en auront même pas entendu parler. On objectera sans doute à cela que les circonstances actuelles sont exceptionnelles, qu’il règne aujourd’hui une atmosphère particulière, que d’aucuns ne cessent de qualifier de révolutionnaire, et que pour tout cela, ce qui serait en jeu véritablement, ce n’est pas le partage des sièges à l’Assemblée et le pouvoir législatif qui s’y attache, mais le volume de l’abstention.

    S’il est aussi important que lors du référendum constitutionnel, ou davantage, cela voudra dire que la victoire à l’occasion de cette consultation sera revenue à ceux qui de façon délibérée et même concertée se sont opposés à sa tenue. Avant ce référendum, il est vrai marqué quant à lui par une faible participation, une autre échéance a eu lieu, la présidentielle, où l’abstention n’a pas été aussi considérable, bien qu’elle fût grande. Si celle-ci a été de façon nette plus importante que lors de la présidentielle, qui pourtant s’est déroulée dans le même contexte houleux, c’est probablement dû au fait que les gouvernants n’ont pas su garder mobilisés les quelque 10 millions d’électeurs du 12 décembre 2019. Ils se sont plus préoccupés en effet à cette deuxième occasion de convaincre ceux qui se nomment les hirakistes d’aller voter que d’en appeler à leurs fidèles. Une erreur de communication dont tout indique qu’ils sont revenus. Et que du reste il leur serait aujourd’hui difficile de commettre, la nature de la consultation faisant porter sur les compétiteurs le poids de la mobilisation. Aux partis et aux indépendants de donner envie aux électeurs de s’exprimer massivement, de leur accorder ce faisant la victoire. La campagne étant à sa première semaine, il n’est pas facile de voir dès maintenant s’ils en sont ou non capables. Toujours est-il qu’il semble que cette tâche soit plus facile pour les islamistes que pour les nationalistes, dont les partis, le FLN et le RND, ont été mis à mal ces derniers temps. D’anciens secrétaires généraux, deux du premier et un du second, purgent pour l’heure des peines de prison. La candidature du secrétaire général en exercice du FLN a été rejetée par l’ANIE, ce qui est un comble, sinon le coup de grâce. A la suite de quoi l’Organisation des moudjahidine elle-même a demandé que le sigle FLN lui soit enlevé.

    Le Jour d’Algérie

    Etiquettes : Algérie, élections législatives, candidats, taux de participation, taux d’abstention, résultats, campagne de boycott, partis politiques, nationalisme, islamisme, 12 juin 2021,

  • Algérie/ Elections : nationalistes vs islamistes (1&2)

    Par Mohamed Habili

    Contrairement à ce que l’on croit dans une certaine frange de l’opinion, reconnaissable tout particulièrement à ceci qu’elle croit dur comme fer qu’elle est majoritaire dans l’opinion, l’enjeu des prochaines législatives n’est pas seulement dans le taux de participation, ou à l’inverse dans celui de l’abstention, mais tout autant et même davantage dans leurs résultats. Il est déjà arrivé au chef de l’Etat de dire que ceux-ci seront pris en compte quel que soit le volume de l’abstention. Partant ils le seront également quels qu’ils soient en eux-mêmes, aussi déplaisants ou même inacceptables qu’ils puissent paraître à ceux qui auront perdu les élections. Nombre de partis minoritaires, dont d’éternels groupuscules, ayant pris la décision de ne pas prendre part à ces dernières, des gens aussi futiles que bruyants, parce que disposant de la faveur de médias ou les possédant, font ouvertement campagne pour le boycott, comme si leur propre sort en dépendait directement. Ils se trompent, il dépendra en premier lieu de la majorité de ceux des Algériens qui auront voté. Le champ politique n’a pas changé au cours de ces deux dernières années.

    Ce qui peut avoir changé en revanche, ce sont les poids respectifs, ou plus exactement les poids relatifs, des partis qui vont se mesurer le 12 juin prochain, non pas les grands courants politiques traversant la société algérienne depuis l’indépendance du pays, et même avant que celle-ci ne soit acquise. Au point de vue politique, l’Algérie est comme tous les pays arabes, structurée par deux grands courants, ceux-ci pris indépendamment des partis qui s’en réclament. C’est le nationalisme d’une part, de l’autre l’islamisme. Bien entendu, d’autres courants, d’autres idéologies sont présentes dans l’opinion algérienne, et depuis assez longtemps pour certaines, comme le communisme par exemple, mais ils sont minoritaires. Ceci vaut pour quasiment tous les pays de la région, de l’océan à la mer et même au-delà. Ce sont ces deux courants majeurs à travers leurs organisations qui vont s’affronter le 12 juin prochain. Les nationalistes seront représentés pour l’essentiel par le FLN et le RND, et les islamistes par le MSP, outre deux ou trois autres partis de même inspiration quoique de moindre implantation. D’autres listes que les leurs seront proposées aux électeurs, notamment celles des indépendants, mais cela n’implique pas qu’elles portent d’autres offres politiques. On ne peut parler en l’occurrence de listes identitaires, ou berbéristes, ceux-ci ayant opté pour le boycott, bien qu’il ne soit pas impossible qu’au final des indépendants issus de cette mouvance soient de la partie, dans l’une ou l’autre des wilayas berbérophones notamment. Pas plus que les organisations ayant pignon sur rue, les indépendants ne sont pas indépendants des grands courants de pensée, produits de la longue durée non des circonstances ou de l’histoire immédiate. Si l’on admet le fait qu’il existe bel et bien des courants dominants, et qui sont l’islamisme et le nationalisme, alors il ne faudra pas s’étonner que les résultats soient à l’avenant. La seule question qui se pose est de savoir qui des deux familles sera majoritaire. Et par suite, laquelle sera appelée à former le gouvernement. Cela dit, le chef de l’Etat n’a pas directement affaire à des courants diffus dans la société mais à des partis légaux. C’est au chef de celui qui aura remporté le plus de sièges qu’il demandera de former le gouvernement. Dans la mesure évidemment où il s’en trouvera un qui à lui seul aura engrangé une majorité de sièges. Autrement, ce sera une autre affaire.

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    Logiquement il n’y a pas lieu de supposer une abstention massive dans une élection à laquelle prennent part les formations politiques les plus importantes, en plus d’un grand nombre d’indépendants issus de la société civile. La nature même de la consultation à venir s’inscrit en faux contre une telle perspective. En Algérie, traditionnellement, les législatives et les locales donnent lieu à une participation plus grande que lors des autres échéances, présidentielles et référendums. Après tout l’appel à l’abstention dans ce cas précis provient de formations minoritaires, d’associations et d’activistes dont rien ne laisse penser qu’ils sont particulièrement influents. On ne peut leur dénier ce droit bien sûr. Une élection, ce n’est d’ailleurs pas que des votants, et des voix exprimées, mais tout autant de l’abstention, du boycott le cas échéant, et des voix blanches. Au bout du compte, tout le monde y aura pris part à sa façon, sauf, si du moins il s’en trouve, des Algériens qui n’en auront même pas entendu parler. On objectera sans doute à cela que les circonstances actuelles sont exceptionnelles, qu’il règne aujourd’hui une atmosphère particulière, que d’aucuns ne cessent de qualifier de révolutionnaire, et que pour tout cela, ce qui serait en jeu véritablement, ce n’est pas le partage des sièges à l’Assemblée et le pouvoir législatif qui s’y attache, mais le volume de l’abstention.

    S’il est aussi important que lors du référendum constitutionnel, ou davantage, cela voudra dire que la victoire à l’occasion de cette consultation sera revenue à ceux qui de façon délibérée et même concertée se sont opposés à sa tenue. Avant ce référendum, il est vrai marqué quant à lui par une faible participation, une autre échéance a eu lieu, la présidentielle, où l’abstention n’a pas été aussi considérable, bien qu’elle fût grande. Si celle-ci a été de façon nette plus importante que lors de la présidentielle, qui pourtant s’est déroulée dans le même contexte houleux, c’est probablement dû au fait que les gouvernants n’ont pas su garder mobilisés les quelque 10 millions d’électeurs du 12 décembre 2019. Ils se sont plus préoccupés en effet à cette deuxième occasion de convaincre ceux qui se nomment les hirakistes d’aller voter que d’en appeler à leurs fidèles. Une erreur de communication dont tout indique qu’ils sont revenus. Et que du reste il leur serait aujourd’hui difficile de commettre, la nature de la consultation faisant porter sur les compétiteurs le poids de la mobilisation. Aux partis et aux indépendants de donner envie aux électeurs de s’exprimer massivement, de leur accorder ce faisant la victoire. La campagne étant à sa première semaine, il n’est pas facile de voir dès maintenant s’ils en sont ou non capables. Toujours est-il qu’il semble que cette tâche soit plus facile pour les islamistes que pour les nationalistes, dont les partis, le FLN et le RND, ont été mis à mal ces derniers temps. D’anciens secrétaires généraux, deux du premier et un du second, purgent pour l’heure des peines de prison. La candidature du secrétaire général en exercice du FLN a été rejetée par l’ANIE, ce qui est un comble, sinon le coup de grâce. A la suite de quoi l’Organisation des moudjahidine elle-même a demandé que le sigle FLN lui soit enlevé.

    Le Jour d’Algérie

    Etiquettes : Algérie, élections législatives, candidats, taux de participation, taux d’abstention, résultats, campagne de boycott, partis politiques, nationalisme, islamisme, 12 juin 2021,