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  • Maroc : les islamistes jetés aux orties

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    «Je dois avouer que je ne cherche pas la vérité. J’ai reçu des ordres à cet effet. Ce qui compte : aboutir à des conclusions qui se tiennent. Peu importe leur véracité. Agadir, Mohammed Khaïr Eddine
    La longue parenthèse du gouvernement islamiste a-t-elle été tournée par le Maroc ? La victoire du Rassemblement National des Indépendants (RNI) et en seconde position le Parti Authenticité et Modernité (PAM), deux partis politiques proches du Makhzen, et la cinglante défaite du parti islamiste PJD marquent un beau tournant pour le peuple marocain quoi que l’on puisse dire. La révolte de 2011 animée essentiellement par le Mouvement du 20 février avait obligé le Palais à composer une nouvelle Constitution et à laisser entrer au gouvernement les islamistes.

    Le nouveau chef du gouvernement, Aziz Akhanouch, patron du RNI et milliardaire, présente un profil inédit. Il réunit toutes les qualités que recherche le roi : l’enracinement dans la berbérité et dans la gestion du pays profond puisqu’il a été ministre de l’Agriculture, dans la modernité en tant qu’homme d’affaires bien équipé pour gérer l’économie et surtout la loyauté à l’égard du monarque.

    La question qui se pose est le genre d’explication à donner sur la sévère défaite des islamistes lors de ces dernières élections alors qu’ils dominaient l’arène politique nationale. Deux manières de voir les choses :

    En 2011, avec la vague du « printemps arabe », l’appareil d’État a été obligé de faire monter au pouvoir la branche marocaine des Frères musulmans pour mieux la discréditer et l’anémier. C’est d’ailleurs ce qu’il avait fait avec l’USFP des années auparavant. Les islamistes ont été plus résistants que prévu. Il a fallu procéder par paliers et commencer par mettre sur la touche le premier Premier ministre islamiste, Abdellilah Benkiran. Après la mise à l’écart de ce dernier, le Palais a choisi un homme effacé et insignifiant en la personne de Saad Dine El Othmani. Ce dernier ne s’est jamais opposé au Makhzen y compris lorsque le Maroc a procédé à un échange d’ambassadeurs avec Israël. À partir du moment où ce parti n’exerçait aucune influence sur le cours des choses, même pas à travers la parole, il ne servait strictement à rien.

    Les partis qui ont gagné sont très riches. Ils auraient acheté massivement des voix dans les zones rurales et dans les faubourgs des grandes villes. Une grande partie du peuple marocain vit dans une pauvreté extrême. Le patron du RNI est milliardaire. Le parti a tiré avantage de moyens de financement privé. Il n’est pas étonnant que les résultats aient été arrangés. Parce qu’il est surprenant de voir le PJD, qui n’a pas arrêté de progresser, s’effondrer brutalement. L’islamisme marocain, comme celui de l’Algérie voisine ou de la Tunisie, s’inscrit dans un phénomène politique et social de longue haleine. Qu’il puisse disparaître du jour au lendemain semble déconcertant.

    Au Maroc, il est impossible de gouverner hors de la ligne fixée par le Palais. Ce dernier fixe la politique dans tous les domaines. C’est lui qui établit les plans et les projets. Et il tient fermement les ministères régaliens. Dans ces conditions, le gouvernement et le parlement n’exercent pratiquement aucune influence. Comme dans les autres pays du Maghreb, c’est le pouvoir qui décide de tout. Au Maroc, on observe aussi la disparition de tous les corps intermédiaires.

    En plus, le roi s’est accaparé la direction de l’islam, il est le commandeur des croyants. La presse d’opposition n’existe quasiment plus. On n’entend plus parler de syndicats. Et toute la gauche a pratiquement disparu. Hassan II a mis en pratique cette culture politique du prince éclairé par ses conseillers qui décide pour toute la société. Il n’avait pas pu la mettre véritablement en pratique parce que les syndicats, les associations et les partis, nés dans la lutte pour l’indépendance, étaient encore puissants.

    Aujourd’hui, le Maroc renoue avec l’idéal du bon roi et c’est sur Mohamed VI que retombe cette « bénédiction ».

    Le Matin d’Algérie, 17/10/2021

  • Le PJD et l’histoire de la politique partisane au Maroc

    Le PJD et l’histoire de la politique partisane au Maroc

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    Le 8 septembre, les citoyens marocains ont infligé au Parti de la justice et du développement (PJD) une défaite écrasante aux urnes et ont retiré ce qui était essentiellement un mandat de 10 ans pour la primauté partisane dans le pays. Peut-être tirée par la combinaison des élections locales et parlementaires, la participation électorale officielle a atteint plus de 50 %, ce qui est historiquement élevé pour le Maroc. Le PJD est passé de 125 sièges au parlement de 2016 – sur un total de 395 – à seulement 12, choquant même ses adversaires les plus ardents.

    Cela a incité de nombreux commentateurs à déclarer la mort de l’islam politique et la fin du printemps arabe. Cependant, comme certains l’ ont fait valoir , ces prédictions ont été grandement exagérées. La défaite du PJD ne se comprend pas non plus dans les épreuves et tribulations régionales de l’islam politique, ni dans le contexte du printemps arabe (qui, selon votre degré d’optimisme, a été soit enterré au début de 2013 soit persiste jusqu’à aujourd’hui malgré de grandes difficultés en Algérie et au Soudan). Au contraire, ce qui est le plus instructif, c’est l’histoire récente du PJD lui-même, en tant que parti politique indépendant au Maroc. L’histoire de la politique partisane marocaine et la manière dont la monarchie marocaine a géré ses relations avec des partis politiques indépendants similaires sont également instructives.

    Surprendre les experts

    La défaite a surpris la plupart des observateurs, y compris le PJD et ses adversaires. Rien n’indiquait que les pertes électorales du PJD seraient si lourdes. Les données d’enquête menées au Maroc et parmi les projets comparatifs ont indiqué un degré de satisfaction relativement élevé de la part des citoyens marocains à l’égard de la performance du gouvernement. Selon l’indice de confiance 2021 de l’Institut marocain d’analyse des politiques, la confiance dans le gouvernement marocain a plus que doublé entre 2020 et 2021. Ces chiffres se démarquent par rapport à la région : printemps 2021, le Maroc placé plus hautdans la confiance du gouvernement et la satisfaction de la performance du gouvernement (y compris la réponse à la pandémie) dans sept pays interrogés du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord. Saadeddine Othmani lui-même a vanté ces résultats dans le cadre de sa stratégie de campagne lorsqu’il s’adressait à la presse locale sceptique.

    Tout en essayant de s’approprier le crédit, Othmani ne faisait pas que des slogans. Le gouvernement marocain a géré la pandémie avec un succès relatif. Les fermetures ont été ciblées, les éruptions ont été rapidement traitées et les taux d’infection étaient raisonnables pour un pays de la taille du Maroc. Fait important, le déploiement du vaccin a été efficaceet un appétit pour le vaccin relativement élevé par rapport aux autres pays de la région. Le gouvernement marocain est apparu comme le seul gouvernement régional épargné par la pandémie, selon les chiffres du Baromètre arabe (contrairement à la Jordanie, où les taux d’approbation étaient initialement élevés puis ont chuté en raison de la gestion de la pandémie). En tant que parti qui dirigeait officiellement (mais peut-être cérémonieusement) ce gouvernement, il aurait été raisonnable de s’attendre à ce que le PJD soit récompensé pour cette performance, au moins électoralement.

    De plus, la compétition du PJD laissait beaucoup à désirer. Ses rivaux partisans avaient subi des crises de réputation récentes et ne s’en sortaient pas forcément mieux devant l’opinion publique. Aziz Akhannouch, leader du Rassemblement national des indépendants (RNI), victorieux, a été la cible d’une vigoureuse campagne de boycott économique en 2018 visant un certain nombre d’entreprises dans lesquelles il détient une participation importante. Le Parti de l’authenticité et de la modernité (PAM), qui s’est classé deuxième au scrutin, a lui-même été en proie à la tourmente et à la crise parmi ses dirigeants. Enfin, l’Istiqlal a peut-être porté le coup le plus dur à sa réputation lors du congrès général de 2017qui fut plus tard nommée « la bataille des plats ». Bien qu’ils consacraient des ressources substantielles à l’élection (en particulier le RNI), il était peu probable que le PJD se retrouve derrière les trois partis – sans parler des quatre autres partis qui l’ont battu – lors des élections de 2021.

    Les leçons de l’histoire

    Avec le recul, la défaite électorale du PJD n’aurait pas dû être si surprenante. Le PJD en 2021 n’était plus le parti qui avait remporté deux élections en 2011 et 2016. Par une série de manœuvres et de machinations, le palais (ou le makhzen tant vanté ) a pu émousser toutes les armes du PJD. Le parti a failli se scinder en différentes factions après la décision de 2017 de « diriger » un gouvernement sans son chef charismatique – Abdelilah Benkirane. C’est Benkirane lui-même qui a empêché que cela se produise et a appelé à l’unité du parti, mais de nombreux membres de la direction et des cadres du parti n’étaient pas convaincus que ce qu’Othmani et ses collègues du PJD qui ont plaidé pour la participation au gouvernement n’ont pas fait de la trahison.. Il n’était pas clair en 2017 que le PJD survivrait à la décision de participer et de diriger un gouvernement qui a été essentiellement dépouillé de ses dirigeants élus. Que la décision soit revenue hanter le parti lors des élections suivantes a un parallèle historique frappant, avec un parti d’un penchant idéologique complètement différent.

    L’Union socialiste des forces populaires (USFP) avait historiquement entretenu les relations les plus acrimonieuses avec la monarchie marocaine. Beaucoup de ses dirigeants ont été persécutés et réprimés par le meurtre, l’exil et l’emprisonnement. S’il y avait un parti politique indépendant qui pouvait prétendre être l’opposition dominante à la monarchie, ce serait l’USFP. Les années 1990 ont vu une détente entre la monarchie et l’USFP, et en 1997, le parti a remporté (ou a été autorisé à gagner) les élections législatives. Le roi Hassan II a ensuite demandé au chef de l’USFP Abderrahmane Youssefi de former un gouvernement en 1998. En 2002, l’USFP a de nouveau remporté les élections législatives, mais plutôt que d’assigner son chef à former un gouvernement une seconde fois, le nouveau roi, Mohammed VI, a assigné Driss Jettou, un « technocrate » indépendant et non partisan, de le faire à la place.

    Les parallèles entre l’expérience de l’USFP et celle du PJD sont nombreux. Comme l’USFP, le PJD a accepté de participer au gouvernement dans des conditions qu’il ne contrôle pas entièrement. Comme l’USFP, le PJD a supervisé des politiques de libéralisation économique (privatisations dans le cas de l’USFP, baisse des subventions dans le cas du PJD) qu’il ne prônait pas mais qu’il approuvait sans équivoque. Comme l’USFP, le PJD avait des partenaires gouvernementaux qui lui étaient « imposés », que les partis attaquaient et combattaient activement dans la sphère publique (Driss Basri dans le cas de l’USFP, Akhannouch dans le cas du PJD). A l’instar de l’USFP, le PJD a fini par se porter garant de nombreuses dérives administratives à l’encontre d’acteurs sociaux favorables à son activisme.ciblé depuis 2017. Enfin, et peut-être le moins remarquable, le PJD a signé la libéralisation du cannabis et le traité de normalisation avec Israël – qui semblait contredire de manière flagrante ses principes conservateurs de la même manière que la libéralisation économique contredisait les principes du parti socialiste. La comparaison entre les deux éclaire ainsi le sort électoral du PJD, sinon (encore) organisationnel, similaire à celui de l’USFP il y a 15 ans. A ce titre, ce n’est ni le sort du printemps arabe ni celui de l’islam politique qui sont particulièrement instructifs pour contextualiser et analyser la défaite électorale du PJD.

    La disparition de l’islam politique ?

    Comme tous les partis indépendants au Maroc – ceux qui n’ont pas été formés explicitement par la monarchie et sa coterie pour organiser les élections et administrer le gouvernement – le PJD a bénéficié des avantages d’une participation politique formelle, mais a également supporté ses coûts. Ce faisant, l’idéologie a joué un rôle important dans l’activisme politique du PJD. Ailleurs , j’ai défini l’idéologie comme une articulation de l’appartenance à une communauté politique souhaitée qui structure, informe et restreint le menu de l’action politique possible.. L’idéologie du PJD a très certainement limité ses actions de manière importante. Il convient de noter ici l’incapacité d’Othmani à justifier suffisamment sa signature des accords de normalisation avec Israël en 2020 (anathème, selon l’idéologie du parti) auprès de la base de son parti, qu’il a tenté de réparer lors de sa grande réception du chef du Hamas Ismail Haniyeh en 2021. Cela dit, depuis 2015, le PJD avait pris ses distances assez notablement avec les Frères musulmans et ses partis et mouvements subsidiaires dans la région MENA, plaçant ses racines dans le mouvement nationaliste marocain. En tant que tel, son destin ne se reflète pas sur « l’islam politique » en soi.

    De plus, les experts qui soutiennent que l’islam politique a subi une défaite écrasante dans la région MENA sont extrêmement optimistes dans leur pensée. Au Maroc en particulier, la force politique la plus importante, la plus disciplinée et la plus populaire reste le groupe islamiste Al-Adl Wa Al-Ihsan. Al-Adl a une capacité de mobilisation sans précédent au Maroc, et il n’y a aucun signe que cette capacité ait été réduite ces derniers temps. En fait, le sort du PJD lors de sa participation aux institutions gouvernementales pourrait finir par renforcer l’approche d’Al-Adl consistant à rejeter la participation politique formelle dans le système de gouvernance marocain. La participation et la défaite à des élections autoritaires, bien qu’ayant des implications notables, sont rarement un signe d’effondrement idéologique et les islamistes sont passés maîtres dans l’art de jouer leur rôle de victime lorsqu’ils sont chassés des institutions du pouvoir.

    Au lieu de cela, il est peut-être plus prudent d’étudier l’expérience du PJD en tant qu’organisation politique dans le contexte national marocain. Ce contexte a finalement pesé plus lourd dans la prise de décision du parti, ainsi que dans la détermination de son sort électoral et organisationnel. À cet égard, les grandes déclarations idéologiques ne sont pas particulièrement instructives. De plus, le paradigme de la cooptation-coercition – qui a longtemps été dominant dans l’analyse des politiques autoritaires et des relations titulaire-opposition dans la région MENA – est d’une utilité limitée. Le Maroc a remis en cause à plusieurs reprises les hypothèses sur lesquelles le paradigme est basé, par exemple qu’il existe une opposition unitaire, ou que le menu de choix pour le titulaire autoritaire est exclusivement soit la cooptation, soit la coercition. Une approche plus nuancée, qui tire profit de l’histoire marocaine et se concentre sur la relation ancienne et évolutive entre la monarchie et les forces politiques indépendantes, est plus utile.

    Abdul-Wahab Kayyali, chercheur indépendant vivant à Montréal, QC, Canada. Ses intérêts de recherche portent sur les partis politiques, les mouvements sociaux et l’agence politique générale dans le monde arabe. Il tweete à @awkayyali . Les opinions exprimées dans cet article sont les siennes.

    Middle East Institute, 04/10/2021

  • Algérie: Il y a 27 ans l’assassinat de Cheb Hasni

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    Il y a 27 ans, l’icône de la chanson du Rai, et porteur de l’espoir de la jeunesse algérienne, tombera sous les balles de la barbarie, du terrorisme et de l’obscurantisme.

    27ans après, il est primordial de rendre un vibrant hommage de ce fils d’Oran,qui réussira à faire vibrer des millions d’algériens qui aspiraient à vivre dans la dignité et la liberté, loin du joug de l’obscurantisme qui envahira le pays, pour imposer la fin de l’État-nation, fruit des sacrifices de millions de dignes fils de l’Algérie, depuis 1830, date de la colonisation.

    Commémorer aujourd’hui l’anniversaire du lâche assassinat de Cheb Hasni, c’est de se mobiliser pour défendre l’État national et faire barrage aux commanditaires, et théoriciens des égorgeurs de la décennie noire qui n’ont pas abdiqué au même titre que les terroristes de la répartition de l’Algérie qui se sont mis au service du néocolonialisme et sionisme.

    Algérie54, 29/09/2021

  • Séisme politique au Maroc

    Séisme politique au Maroc

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    Les dernières élections ont vu le parti dominant subir une défaire cinglante et être relégué loin derrière les autres partis. Ce qui peut sembler un phénomène relativement rare mais classique prend ici d’autres significations et même au-delà des frontières.

    Le Parti pour la Justice et le Développement, que l’on qualifie habituellement d’islamiste, a subi un échec spectaculaire, qui a surpris par son ampleur et sa soudaineté. Rarement un parti aura passé de l’exercice du pouvoir au sommet à la quasi-disparition.

    Le PJD paie ainsi son aveuglement face à la réalité du pouvoir marocain, son louvoiement constant entre le respect de ses principes et les nécessaires compromissions, son refus de trancher dans les moments décisifs.

    Dès son lancement, le parti avait connu une vague de sympathie impressionnante. On sortait de décennies d’immobilisme politique, avec les mêmes acteurs qui se soumettaient au bon vouloir du Souverain. La corruption et la gabegie régnaient partout. Le vernis libéral était un leurre savamment entretenu grâce à la complaisance étrangère.

    Le peuple marocain fantasmait sur un renouveau improbable. Et puis est venu ce parti avec des idéaux qui lui parlaient, des gens hors du système, qui promettaient la moralisation de la vie politique avec une référence marquée pour la religion. Ce dernier point avait son importance. Le Maroc se prétendait certes un pays musulman, avec des cérémonies religieuses officielles, par exemple les causeries du Ramadan présidées par le Roi, mais peu étaient dupes du double discours et des pratiques sur le terrain. Rappelons pour mémoire la construction de la grande mosquée saoudienne et des institutions culturelles y attenantes sur la Corniche de Casablanca, censée faire oublier des excentricités peu compatibles avec l’Islam des visiteurs du Golfe.

    C’est dire si l’apparition du PJD avait suscité de grandes espérances, et ses références à l’islam n’étaient pas pour déplaire. La société marocaine est majoritairement attachée aux valeurs traditionnelles. C’était aussi l’époque où dans le monde arabe on espérait trouver dans l’islam politique une issue naturelle après l’échec de toutes les idéologies importées et une corruption endémique qui leur était imputée. Un gouvernement dirigé par des pratiquants sincères ne pouvait que défendre les intérêts fondamentaux du peuple. Et ce d’autant que le PJD ne se présentait pas comme le parti qui voulait imposer une tyrannie intégriste. Beaucoup de Marocains, modernistes par essence et par culture, n’auraient pas vu d’un mauvais œil un « assainissement » indispensable que seul ce parti pouvait réaliser.

    On peut penser ce qu’on veut de la Monarchie marocaine, mais elle est d’une perspicacité redoutable pour déceler la moindre menace à son pouvoir absolu et pour la juguler avec maestria et cynisme. Il suffit de rappeler comment Hassan II s’était joué de l’USFP et de son chef historique pendant 30 ans avant de lui offrir enfin un pouvoir démonétisé dont il avait su seul tirer tout le bénéfice. Le Palais offrit alors au PJD de se présenter aux élections mais en limitant volontairement sa participation sur une partie du territoire. Question de « stabilité » dans un Maroc qui doit évoluer avec « prudence ». Le parti « islamiste » joua le jeu et arriva même au sommet du pouvoir. Mais pour faire quoi ?

    Le Parti pour la Justice et le Développement a occupé pendant deux législatures des postes clés dont celui de premier Ministre. Certes il devait partager le pouvoir avec d’autres partis, mais le principal obstacle à l’application de son programme était le Monarque. Non seulement la constitution marocaine donne au Roi des pouvoirs exorbitants – à l’image de la constitution française dont elle s’est inspirée – mais ce dernier dispose d’une aura qui le rend intouchable, politiquement parlant. Lorsque Mohamed VI a organisé un référendum en 2011 réformant la constitution, pour éliminer toute velléité de « printemps marocain », et bien que cette réforme ne fût que cosmétique, tous les partis ont appelé à voter oui. Personne n’aurait imaginé une autre prise de position. Toute réserve aurait été considérée comme une atteinte à la personne sacrée du Roi.

    Le PJD était conscient de cet obstacle insurmontable. Il fut constamment « assis entre deux chaises ». D’un côté il connaissait la nature du pouvoir et son inclination pour un capitalisme mondial grevé de prébendes et dont le Monarque était un des principaux bénéficiaires. De l’autre il pensait bénéficier de la légitimité populaire pour pousser à quelques réformes décisives.

    Au final, si on juge un arbre à ses fruits, le PJD aura totalement échoué. On peut même dire qu’il est tombé dans le piège royal avec une facilité consternante. Il a joué son rôle historique voulu par le Roi avant de prendre la sortie, une sortie probablement définitive et sans honneur. Son désaveu aura montré à la population que la politique est décidément chose sérieuse que l’on ne peut confier à quelques idéalistes dépassés par l’Histoire, et que la morale religieuse n’a rien à voir dans la conduite d’un pays. Les Marocains auront bien appris la leçon puisqu’ils ont conduit à la tête du gouvernement un homme d’affaires accompli, un businessman ouvert à l’international et très compréhensif des intérêts économiques de la Monarchie.

    Sans revenir sur les nombreuses occasions qui auraient pu permettre au parti islamiste de « sauver l’honneur » et de ne pas trahir totalement son électorat, citons la dernière. Le Roi avait décidé de normaliser ses relations avec Israël. Il avait ses raisons. Ce n’est pas le lieu ici de les évoquer. Cette décision ne rencontrait pas l’adhésion populaire, c’est le moins que l’on puisse dire. Les partis politiques traditionnels, habitués aux magouilles, aux prébende et aux trahisons, et sachant que les faveurs viennent de Sa Majesté, ont mis leurs convictions (s’ils en avaient) dans leurs poches et un mouchoir dessus et ont fait de la surenchère dans leurs flatteries au Monarque visionnaire.

    Mais le PJD ? Ce fut la dernière couleuvre qu’il avala. Il avait pourtant une très belle carte à jouer. Quelle sortie audacieuse ! Mais il demeura tétanisé, comme tout autre homme politique qui aurait eu la terrible charge d’être en désaccord avec le Roi. Pour le peuple marocain, il était alors devenu un parti comme les autres, triste constat, alors autant remettre au pouvoir les orfèvres affairistes et ne plus vivre d’illusions.

    Les déboires du PJD nous amènent à faire cette remarque sur la nature du régime politique. Ce dernier a toutes les apparences d’un système moderniste reposant sur des législations cohérentes et appliquées par une administration relativement efficiente. Mais le système reste en dernier ressort profondément absolutiste, gouverné par un monarque tutélaire, devant qui toutes les dispositions législatives et tous les équilibres politiques s’évaporent pour laisser place à un rapport quasi féodal. C’est probablement ce trait que les dirigeants du PJD n’avaient pas pris suffisamment en compte.

    Il nous reste à souligner la terrible désillusion de cet échec, non seulement au Maroc, mais dans tous les secteurs du monde arabe, qui cherchent depuis deux ou trois décennies, une voie d’émancipation nationale combinant l’identité islamique, l’héritage philosophique et culturel et les apports universels. La plupart de ces expériences s’étant réalisées dans la violence ont laissé un goût amer. On pensait qu’un gouvernement islamiste « modéré » – suprême exigence pour être adoubé par l’Occident – allait réhabiliter cette voie. Mais il semble que des forces obscures n’avaient pas intérêt à ce qu’elle réussisse.

    Jacob Cohen

    Algérie54, 26/09/2021

  • Maroc : Les islamistes doutent de la régularité du scrutin

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    Pour avoir cautionné le processus de normalisation des relations diplomatiques israélo-marocaines, les islamistes ont subi une défaite cinglante aux dernières législatives en passant de 125 à 13 sièges au Parlement.

    Quelques jours après leur cinglante défaite aux législatives, les islamistes marocains continuent de crier à la fraude. Le parti islamiste PJD a dénoncé “les violations et les irrégularités” qui ont émaillé les dernières élections générales au Maroc, où il a essuyé une déroute historique, selon un communiqué diffusé hier.

    Le Parti de la justice et du développement (PJD) “dénonce les violations et les irrégularités qu’ont connues les élections”, dont “l’usage massif de l’argent, la manipulation des procès-verbaux ou encore les noms rayés des listes électorales ou ceux y figurant doublement”, accuse le communiqué clôturant une session extraordinaire du conseil national du PJD tenue samedi à huis clos.

    Ces “formes de corruption électorale ont abouti à l’annonce de résultats qui ne reflètent pas la teneur de la cartographie politique et la libre volonté des électeurs”, estime le parti islamiste modéré, qui a déploré “une régression de notre expérience démocratique”.

    Selon le ministre de l’Intérieur, Abdelouafi Laftit, les opérations de vote se sont déroulées “dans des circonstances normales, hormis des cas isolés”. Au pouvoir depuis dix ans, sans jamais véritablement gouverner, le PJD s’est effondré aux législatives, passant de 125 sièges à 13 sur un total de 395.

    L’ampleur inattendue de la défaite s’est confirmée avec les élections locales, tenues le même jour : le parti a dégringolé de 5 021 élus à 777 aux communales et de 174 sièges à 18 aux régionales contre 174. En fin de campagne et le jour du vote, les islamistes avaient déjà fait état de “graves irrégularités”, citant des achats de voix et de candidats ainsi que “la distribution obscène d’argent” à proximité de bureaux de vote.

    Le PJD “est à un tournant important où nous pouvons questionner nos choix (…) sans succomber à la psychologie de la défaite”, a dit samedi son secrétaire général démissionnaire, Saâd Eddine El-Othmani, dans la réunion à huis clos.

    Le parti a convoqué un congrès extraordinaire “fin octobre” qui choisira une nouvelle direction après la démission collective du secrétariat général au lendemain de la débâcle électorale. “Nous sommes encore sous le choc. C’est comme si le parti était en réanimation, mais nous ambitionnons de le ressusciter”, a promis une responsable du PJD Amina Maelainine.

    C’est le parti libéral du Rassemblement national des indépendants (RNI), considéré comme proche du palais royal, qui a triomphé le 8 septembre, raflant 102 sièges à la Chambre des représentants.

    Son patron, le milliardaire Aziz Akhannouch — désigné depuis chef du gouvernement par le roi Mohammed VI —, a lancé des tractations avec les partis représentés au Parlement — mis à part le PJD retourné dans l’opposition — pour former une coalition gouvernementale.

    Liberté, 20/09/2021

  • Maroc :  Dos au mur, les islamistes font leur post-mortem

    Maroc : Dos au mur, les islamistes font leur post-mortem

    Maroc, PJD, islamistes, #Maroc,

    par Kamal Guerroua

    Voté, il y a quelques jours, le plan d’action du gouvernement confirme que le PIB de l’Algérie a dépassé 136 milliards de dollars US en 2020. Ce qui marque une signifiante chute par rapport à 2019 où ce dernier était fixé à 171 milliards de dollars.

    Ce recul significatif soulève, il est vrai, de sérieuses inquiétudes, dans la mesure où il s’ajoute au fait que depuis le choc pétrolier de 2014, où la chute des prix du baril de pétrole a dépassé les 50% (celui-ci a, pour rappel, baissé sous le seuil symbolique des 60 dollars), l’Algérie ne cesse de s’appauvrir.

    Pour rappel, entre novembre 2014 et janvier 2016, les prix du pétrole qui s’étaient établis à 100 $ le baril, ont reculé de plus de 60%, atteignant 27 $ en janvier 2016, leur plus bas niveau depuis de nombreuses années.

    En conséquence, en 2014, le PIB de l’Algérie, parvenu au seuil de 218 milliards de dollars, a chuté en 2017 jusqu’à 170 milliards de dollars, avant de remonter en 2018 à près de 175 milliards de dollars.

    La paupérisation de larges couches de la société n’est que la résultante de déséquilibres macro-économiques majeurs. Si elle continue sur cette voie, l’Algérie risque de se voir être déclassée par de nombreux pays africains dans les années à venir.

    Le pays voisin, le Maroc à titre d’exemple, pourrait nous laisser derrière lui d’ici l’horizon 2026. Son PIB sera, d’après les projections du FMI, dans ses dernières perspectives sur la Croissance Economique Mondiale dans le continent africain, de 162 milliards de dollars US et l’Algérie aux alentours de 153 milliards de dollars.

    Il en sera, peut-être, de même pour certains pays africains, lesquels deviendront d’ici là de géants économiques à l’instar du Nigeria ou de l’Egypte.

    Le Nigeria, première puissance économique en Afrique, va ainsi doubler sa richesse nationale au cours des six prochaines années en passant de 429 M $ en 2020 à 964 M $ en 2026.

    Cela dit, en comparaison avec beaucoup de pays qui progressent, l’Algérie recule et s’appauvrit, de plus en plus. N’est-il pas grand temps de remédier à cette situation pour permettre à l’Algérie d’exploiter son potentiel et devenir une puissance émergente dans l’avenir?

    Le Quotidien d’Oran, 20/09/2021

  • Maroc-élections: Les islamistes dénoncent des irrégularités

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    Il critique la dernière réforme électorale, qui a modifié le mode de calcul, et accuse les partis rivaux et « certains agents de l’autorité » – qu’il ne nomme pas – d’avoir exercé des pressions sur leurs militants.

    Le parti islamiste Justice et Développement (PJD), qui a subi une lourde défaite lors des élections du 8 septembre au Maroc, a de nouveau dénoncé des irrégularités dans le processus électoral, qualifiant sa débâcle de « revers démocratique » dans le pays.

    Le Conseil national (assemblée) du PJD – le parti qui a dirigé le gouvernement au cours de la dernière décennie – s’est réuni samedi, dix jours après les élections législatives et municipales, pour évaluer les résultats après avoir perdu 90% de ses sièges ainsi que les mairies des principales villes du pays.

    Le PJD n’a remporté que 13 sièges sur un total de 395 à la Chambre des représentants (contre 125 en 2016), occupant la huitième place de ces élections.

    Dans son communiqué, publié dimanche, l’assemblée du parti islamiste dénonce à nouveau des irrégularités au cours du processus électoral : elle dénonce la dernière réforme électorale qui a changé la méthode de calcul, et accuse les partis rivaux et « certains agents de l’autorité » – qu’elle ne nomme pas – d’avoir exercé des pressions sur ses militants.

    Le PJD a également dénoncé la confusion liée aux listes électorales (avec l’élimination ou la répétition de noms), et a critiqué « l’achat massif de votes », la non-délivrance des rapports électoraux, le retard dans la déclaration des résultats, et la non-publication des résultats détaillés jusqu’à présent.

    L’assemblée du parti islamiste a estimé que les résultats des élections « ne reflètent pas la réalité de la carte politique, la libre volonté des électeurs, et constituent un recul dans le processus de notre expérience démocratique », a-t-elle critiqué.

    Le PJD a décidé de convoquer un congrès extraordinaire à la fin du mois d’octobre pour élire une nouvelle direction après la démission du secrétaire général du parti, Saadedin Otmani, et de l’ensemble de l’exécutif du parti.

    Les élections du 8 septembre – où le taux de participation a atteint 50,35 % – ont donné la victoire au Rassemblement national des indépendants (RNI), parti centriste et libéral, avec 102 sièges, suivi du Parti authenticité et modernité (PAM), libéral, avec 87 sièges, et du Parti Istiqlal (PI), nationaliste, avec 81 sièges.

    Les trois partis ont entamé des consultations la semaine dernière en vue de former un gouvernement de coalition.

    Les observateurs marocains et internationaux qui ont assisté au processus électoral l’ont qualifié de « transparent » malgré quelques irrégularités qu’ils ont constatées et qui, selon eux, n’ont pas affecté le scrutin.

    El Diario de Ceuta, 19/09/2021

  • Islamistes : leurs échecs au Maroc et ailleurs

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    Décidément le pouvoir ne réussit pas aux islamistes au Maroc après la Tunisie. Et les talibans se heurtent également aux réalités.

    Par Yves Montenay

    Ce qui suit s’appuie notamment sur les travaux et les sondages du centre de recherche Pewet de « Arab Barometer »

    Décidément, le pouvoir ne réussit pas aux islamistes. Ils viennent de le perdre au Maroc après la Tunisie et surtout après l’Égypte où ils sont sévèrement réprimés.

    Et en Afghanistan ? Au bout de huit jours de pouvoir, les talibans se heurtent également aux réalités.

    LE CAS DU MAROC

    Je connais assez bien le Maroc pour y être allé très souvent soit en colloque, ce qui permet des contacts approfondis avec des gens compétents et avec les étudiants, soit en exploration en multipliant les contacts à la base, ce qui est possible grâce à une francophonie partielle, voire honorable, de mes interlocuteurs, appuyée de mon côté par quelques mots d’arabe.

    Mon impression générale est qu’il s’agit d’un pays qui est parti d’extrêmement bas et où la présence française a été courte : de 1918 à 1956, le début du protectorat en 1911 ayant été occulté par la Première Guerre mondiale, et où cette présence française a été assez respectueuse des structures locales, notamment grâce à Lyautey. Un mot pour ce dernier qui semble oublié des deux côtés, et dont le cercueil aux Invalides porte l’inscription en arabe : « je suis fier d’avoir servi le grand peuple marocain ».

    Bref un pays extrêmement pauvre, profondément féodal et religieux, mais qui a eu la sagesse de détruire beaucoup moins l’apport français, notamment économique, que la Tunisie et surtout l’Algérie. Ce qui lui permet un développement notable par rapport au niveau initial et de grandes inégalités… qui ne sont pas récentes dans ce pays.

    Passons maintenant aux islamistes locaux. Dire qu’ils étaient au pouvoir au Maroc est très exagéré. Le pouvoir suprême a toujours été entre les mains du roi, et comme le roi est commandeur des croyants, il était délicat pour les islamistes de s’y opposer.

    Le mouvement islamiste s’est donc coupé en deux : un parti légaliste, le PJD, qui participe aux élections et un parti illégal, mais toléré. Le parti légaliste a gagné les législatives de 2011, et de 2016, mais avec une majorité relative seulement ce qui l’a obligé à un gouvernement de coalition diluant encore plus son pouvoir partiel.

    Les élections de 2021 ont vu la chute brutale du parti, qui n’a plus que 12 sièges sur 395 et sera donc écarté du pouvoir.

    Cela après des mésaventures analogues des partis islamistes dans d’autres pays dont nous parlerons tout à l’heure.

    Les islamistes semblent donc bien meilleurs dans l’opposition qu’au pouvoir, comme c’est le cas de nombreux partis dans le monde. Mais l’histoire nous montre que c’est particulièrement accentué pour les partis religieux au sens propre ou au sens pratique, comme les partis communistes. C’est-à-dire pour ceux qui promettent des miracles et demandent d’agir par la violence pour les obtenir.

    Donc si le vote est libre, le parti est battu. S’il n’y en a pas, il devient un parti unique et se maintient par la répression, comme c’est le cas en Iran.

    Mais, dira-t-on, le Maroc est totalement et profondément musulman, et cela devrait déterminer tout le reste. Je mets de côté la minuscule communauté juive, naguère importante, mais aujourd’hui en Israël, les dizaines de milliers de Marocains convertis à l’évangélisme ainsi que les Subsahariens et Européens chrétiens, mais ces deux derniers groupes ne sont pas citoyens marocains.

    Totalement musulman donc ? Apparemment oui, mais il ne faut pas oublier qu’une forte pression sociale amène les sceptiques à être discrets, sauf quand ils sont entre eux, ou croient l’être comme en témoigne ce petit souvenir. Étant à Marrakech pour un colloque international, donc dans un brassage de nationalités qui n’obligeait pas à se montrer plus pieux que l’on était, j’ai recueilli plusieurs observations du petit personnel d’un niveau social moyen, donc suffisamment francophone pour saisir les propos échangés. Elles peuvent être résumées par : « je constate avec surprise qu’il y a beaucoup d’athées parmi les participants marocains, or je n’arrive pas à concevoir qu’on puisse être marocain sans être musulman. Vous êtes Français, expliquez-moi comment on peut être athée ».

    D’autres indicateurs vont dans le même sens : une forte consommation de vin, les contraventions pour attitude inconvenante pour des gens non mariés, la consultation d’Internet en français, donc de tendances religieuses ou sociales très variées, et le développement de l’enseignement privé, général ou professionnel, massivement francophone et maintenant parfois anglophone, mais dont le cadre de pensée est séculier.

    Tout cela se retrouve dans les travaux des centres de recherche cités plus haut. En résumé, on constate la sécularisation d’une partie importante de la société et l’étonnement, voire le rejet de cette sécularisation par une autre partie. Cela explique dans un premier temps un vote islamiste important, mais loin d’être unanime, et dans un deuxième temps une déception puisque les élus ne se sont pas montrés moins corrompus ou plus efficaces que leurs prédécesseurs. À leur décharge, rappelons que de nombreux Marocains n’ont pas une vue très précise des conditions du développement et notamment de la contribution ou du frein venant de l’éducation nationale. Les Français non plus, d’ailleurs.

    Tout cela retrouve également plus ou moins dans les autres pays arabes.

    LES ARABES ET L’ISLAMISME

    Partons du pire, pour un Occidental du moins, l’adhésion au djihadisme. Les sondages réalisés dans le monde arabe dès 2011 montraient (et continuent de montrer) que seule une infime minorité de musulmans (un pour 100 000) se reconnaissent dans le projet radical porté par Ben Laden et plus tard par l’État islamique. Ce qui n’empêche pas un nombre important d’Arabes de se réjouir de tout ce qui peut humilier l’Amérique, sentiment qui n’est pas réservé aux Arabes.

    Finalement, Ben Laden et l’État islamique ont plutôt affaibli le monde musulman radical en le rendant infréquentable, mais parallèlement augmenté la crainte des musulmans par les Occidentaux. Les seuls gagnants ont finalement été les dictateurs comme le président Sissi en Égypte ou l’armée algérienne.

    En Tunisie, la chute du régime autoritaire de Ben Ali a permis aux islamistes relativement modérés du parti Enhada (la renaissance) d’arriver en tête des élections démocratiques qui ont suivi. Ce passage des islamistes au pouvoir a beaucoup déçu, ce qui a permis au président Kaïs Saïed de prendre le pouvoir. Ce tournant est trop récent pour savoir ce qu’il donnera.

    Remarquons que les djihadistes, Al-Qaïda ou autres, bénéficient d’un effet d’optique qui en exagère l’importance, car les médias, comme il est normal, ne parlent pas des musulmans paisibles, puisqu’ils ne font pas l’actualité. Il est beaucoup plus vendeur de parler des djihadistes, et ces derniers commettent suffisamment d’atrocités pour remplir les médias.

    À l’autre extrémité du spectre religieux, 12 % des Arabes ne seraient pas croyants, dont 33 % des jeunes Tunisiens. Ces sceptiques peuvent se conforter mutuellement sur les réseaux sociaux francophones ou anglophones.

    L’AFGHANISTAN ET LES AUTRES ISLAMISTES AU POUVOIR

    Au Moyen-Orient, hors du monde arabe, on pense inévitablement à l’Iran que nous avons évoqué et où la dictature islamiste a ruiné le pays. On peut penser aussi à la Turquie où le pouvoir autoritaire et islamiste du président Erdogan est menacé d’après les sondages… mais reste à savoir si la prochaine élection sera libre.

    Un peu plus à l’Est se trouve l’Afghanistan. Les talibans sont au pouvoir depuis quelques jours, mais d’ores et déjà on remarque que gouverner sera plus difficile que conquérir. Du moins si on peut appeler « conquête » d’avoir vu l’armée officielle refuser de combattre, voire vendre ses armes pour avoir la vie sauve ou encore rallier directement les talibans.

    Les déceptions s’annoncent fortes. D’abord tout simplement faute de nourriture maintenant qu’il n’y a plus d’aide occidentale. Notre tropisme charitable nous mènera bientôt à nourrir les affamés malgré les entorses de leurs dirigeants à nos principes, comme en Corée du Nord. 1,2 milliard de dollars viennent d’être affectés à cela.

    Mais cela va poser toutes sortes de problèmes pratiques : qui distribuera la nourriture, alors que pour l’instant seules les ONG occidentales et leurs employées, probablement obligées de se voiler intégralement, ont la logistique nécessaire ? Les talibans proclament qu’ils ont changé alors que chacun constatera que ce soi-disant changement ne s’applique pas sur le terrain où il n’est pas du tout certain qu’un commandant local obéisse au gouvernement central. Il n’est même pas certain que ledit gouvernement central ait changé, alors qu’il est composé de Patchounes traditionalistes.

    Il faudra aussi gouverner sans les personnes qualifiées qui ont fui et sans les femmes qui formaient une partie du corps professoral et de santé. Il faudra aussi payer les fonctionnaires et entretenir les infrastructures vitales. L’usage probable de la planche à billets ne fera qu’accélérer l’inflation et donc appauvrir le reste de la population.

    La déception qui s’annonce se traduirait dans les urnes s’il y avait des élections libres. Les islamistes disent que ces élections seront remplacées par des instances de consultation (choura), et non de concertation. Soit ces débats feront évoluer le régime en écartant les plus traditionalistes, soit ces derniers garderont le pouvoir par la force comme en Iran.

    Au Sahel francophone (et au Nigéria anglophone), même remarque : il est facile pour les djihadistes de se comporter comme les talibans avant la prise du pouvoir en terrorisant les uns ou en apportant aux autres une autorité patriarcale qui leur convient. Il leur sera tout aussi difficile de gouverner si les Français s’en vont, suivis d’une bonne part des cadres du pays vers les États côtiers, voire la France. Il faudra alors néanmoins, comme en Afghanistan, nourrir le peuple et développer pays…

    RESTE À DIFFUSER CES ÉCHECS DES GOUVERNEMENTS ISLAMISTES

    Cela nous ramène au Maroc et à la Tunisie, où les élections, certes imparfaites, ont néanmoins un sens. Partout où elles pourront avoir lieu, mon avis est que les islamistes ne tiendront pas longtemps.

    Je sais que la démocratie n’a pas bonne presse en ce moment, mais elle sera la revendication ouverte ou cachée des populations soumises aux islamistes. Revendication démocratique qui sera souvent prise en charge par les militaires, comme en Égypte. Vous me direz qu’ils sont déjà en place en Afghanistan…

    Le devoir des médias indépendants, notamment occidentaux, est de diffuser le choc du réel qui a suivi ou pourrait suivre les prises de pouvoir, notamment dans la partie de la population que les proclamations islamistes font rêver, du Sahel à certains recoins de l’Occident. L’ouverture sur l’extérieur du Maroc et de la Tunisie montre que c’est possible.

    Contrepoints, 18/09/2021

  • BBC: Comment le roi du Maroc a porté un coup à l’islam politique

    BBC: Comment le roi du Maroc a porté un coup à l’islam politique

    Maroc, PJD, élections, islamistes, Mohammed VI, #Maroc,

    Par Magdi Abdelhadi*

    Le parti islamiste au pouvoir au Maroc a subi une défaite choquante lors des récentes élections – une tournure des événements qui se répercute dans toute l’Afrique du Nord, compte tenu du rôle pionnier de l’islam politique dans le cadre du printemps arabe.

    Le Parti du développement et de la justice (PJD), qui a été le premier parti islamiste à arriver au pouvoir lors d’une élection dans la région et au Moyen-Orient élargi, a vu sa part des voix décimée, passant de 125 à seulement 12 sièges.

    En 2011, le sentiment d’un nouveau départ pour beaucoup au Maroc était réel.

    L’ascension du PJD correspondait à l’air du temps.

    Les protestations qui ont d’abord éclaté en Tunisie, connues plus tard sous le nom de Printemps arabe, battaient leur plein. Zine al-Abidine Ben Ali en Tunisie, Hosni Mubarak en Égypte et Muammar Gaddafi en Libye ont tous été renversés cette année-là.

    Les partis islamistes étaient sur le point de remporter les élections en Égypte et en Tunisie et de changer le cours de l’histoire, comme beaucoup l’avaient espéré.

    Le roi du Maroc, Mohammed VI, a vu où le vent soufflait et a agi rapidement pour prévenir tout bouleversement similaire qui pourrait menacer son trône.

    Il a limogé le cabinet et dissous le parlement. Pour endiguer la vague de protestations, il a annoncé son intention de rédiger une nouvelle constitution afin d’engager le Maroc sur une nouvelle voie.

    Des changements cosmétiques

    La Constitution, approuvée par 98,5 % des voix, a été saluée comme un changement de cap et a contribué à faire du roi un autocrate bienveillant désireux de partager le pouvoir avec le peuple.

    Mais les réformes promises par le roi ont été jugées superficielles par le Mouvement du 20 février pour le changement, la bannière sous laquelle les manifestations ont été organisées pendant le printemps arabe.

    Ce mouvement était descendu dans la rue pour réclamer une réforme radicale visant à faire du Maroc une monarchie constitutionnelle, où le roi « régnerait mais ne gouvernerait pas », un symbole de la nation – plus conforme aux monarchies européennes du Royaume-Uni ou de la Scandinavie.

    En fait, le roi a conservé dans la nouvelle constitution presque tous les pouvoirs qu’il détenait par le passé. Il a continué à contrôler la politique étrangère, de défense et de sécurité.

    Il a également conservé sa position de chef spirituel de la nation – il est officiellement le « commandant des croyants », une description historique utilisée nulle part ailleurs aujourd’hui, et qui repose sur l’affirmation que sa dynastie est une descendante directe du prophète Mahomet.

    Cependant, la nouvelle constitution a fait miroiter un nouveau départ à une partie de la classe politique, dont le PJD.

    Le parti a saisi l’occasion et a surfé sur la vague de mécontentement généralisé à l’égard des anciens partis politiques.

    Et le roi et ses courtisans – qui avaient toléré les islamistes à contrecœur – n’ont pas bloqué leur ascension pour compléter la façade démocratique, tout en gardant les ficelles du pouvoir réel sous sa coupe.

    Le PJD a encore augmenté sa part de voix lors des élections suivantes, en 2016, pour atteindre 125 sièges et passer encore cinq ans au pouvoir.

    Un calice empoisonné

    Bien que presque tout le monde s’attendait à ce que le parti perde quelques voix lors des élections de la semaine dernière, personne n’avait prévu cette défaite écrasante – même le chef du parti et son adjoint ont perdu leurs sièges, ce qui a entraîné leur démission immédiate.

    Il est peut-être trop tôt pour expliquer pleinement les raisons de cette chute spectaculaire. Mais les observateurs s’accordent à dire que le PJD n’a tout simplement pas réussi à tenir ses promesses électorales.

    Un parti qui a pour nom « justice » et « développement » n’a pas réussi à tenir ses promesses, affirment-ils.

    Il avait, par exemple, promis de sortir davantage de Marocains de la pauvreté, d’améliorer l’éducation et la santé publiques, mais n’a rien fait de tout cela. Au contraire, le fossé entre les riches et les pauvres s’est tout simplement creusé.

    En outre, le parti s’est aliéné une partie de sa base en approuvant une loi controversée introduisant des contrats de deux ans pour les enseignants, ce qui les prive de la sécurité de l’emploi et est considéré par certains comme la première étape de la privatisation du système éducatif.

    Sur la question du statut de la langue française dans l’éducation – un sujet particulièrement sensible pour un parti qui défend l’identité arabo-islamique dans l’ancienne colonie française – il n’a pas réussi à bloquer une loi qui faisait du français la langue d’enseignement des sciences dans les écoles.

    Les détracteurs du parti affirment qu’une fois au pouvoir, il est devenu plus royaliste que le roi, prenant le parti du « makhzen » – le terme utilisé par les Marocains pour désigner le roi, les puissants courtisans et les agences de sécurité – contre le peuple dans les principaux conflits de droits et de travail.

    Certains commentateurs estiment que la plus grande erreur du parti a été d’assumer la responsabilité du gouvernement sans détenir le véritable pouvoir, qui appartenait au roi.

    C’était comme un calice empoisonné.

    Cela dit, la modification de la loi électorale, qui n’avait pas été proposée par le PJD mais qui a été adoptée par le Parlement en mars, a également porté un coup décisif aux chances du parti de remporter une autre grande victoire électorale.

    L’abaissement du seuil de référence pour les petits partis et le décompte des voix sur la base de tous les électeurs éligibles plutôt que sur les seuls bulletins valides ont contribué à la défaite du parti.

    Le parti avait contesté ces changements, les qualifiant d’inconstitutionnels, mais n’avait pas réussi à les bloquer au Parlement.

    En apparence, ces changements visaient à permettre une plus grande pluralité, mais en réalité, ils n’ont fait que fragmenter davantage le paysage politique, une tactique utilisée depuis longtemps par le makhzen, selon les analystes, pour miner les partis politiques.

    Une mascarade électorale ?

    Au niveau régional, la nouvelle de l’échec a été accueillie avec jubilation.

    En Égypte et dans le Golfe, le parti est considéré comme la version marocaine des Frères musulmans, un mouvement politico-religieux national et transnational qui a été désigné comme « terroriste » dans certains pays.

    Les commentateurs ont considéré la chute du PJD comme le dernier clou du cercueil de l’islam politique.

    Au Maroc, on peut affirmer sans risque de se tromper que la marginalisation du PJD suggère que le makhzen a désormais complètement traversé la tempête du printemps arabe et de ses suites immédiates.

    Mais les tensions sous-jacentes, nées de la quête d’un gouvernement véritablement représentatif et responsable, ou du désir de contrôler les pouvoirs du roi, n’ont pas disparu.

    L’homme désigné par le roi pour former le nouveau gouvernement, Aziz Akhannouch, le leader milliardaire du Rassemblement national des indépendants (RNI), qui a remporté le plus grand nombre de voix, a déclaré que son gouvernement s’emploiera à « mettre en œuvre la stratégie du roi ».

    Commentant cette déclaration, le journaliste marocain chevronné, Hamid Elmahdaouy, a écrit que tous les candidats précédents au poste de Premier ministre avaient dit la même chose.

    Il s’est demandé quel était l’intérêt de l’élection, estimant que « le vote et toute l’élection n’étaient qu’une mascarade ».

    *Analyste de l’Afrique du Nord

    BBC, 16/09/2021

  • COPE : « Une étape historique au Maroc »

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    Avec la nomination d’Aziz Akhannouch comme nouveau Président du Gouvernement du Maroc, une nouvelle étape s’ouvre

    Avec la nomination d’Aziz Akhannouch comme nouveau Premier ministre du Maroc, une nouvelle étape historique s’ouvre dans notre pays voisin, qui a tourné le dos à l’islamisme politique après dix ans de pouvoir. Akhannouch est un homme d’affaires qui a réussi à devenir l’homme le plus riche du Maroc.

    Fort d’un bilan d’efficacité en tant que ministre de l’Agriculture et de la Pêche, ainsi qu’à la tête de son parti libéral, devenu la première force politique du pays, il bénéficie du soutien enthousiaste du roi Mohamed VI lui-même, ébloui par la capacité de cet homme d’affaires fier de ses racines amazighes, dans la région reculée du Sus, au pied du Grand Atlas, qui a tout quitté pour transformer le Maroc en un pays moderne, sans la médiation d’aucune idéologie.

    Il est significatif que le nouvel homme fort du Maroc n’ait pas évoqué dans ses premières déclarations les conflits territoriaux qui empoisonnent les relations du Maroc avec l’Espagne et l’Algérie. La grande priorité du Gouvernement qu’ Akhannouch entend former est d’améliorer le quotidien des Marocains d’un point de vue commercial, habitués qu’ils sont à générer de la richesse et de l’emploi.

    Une grande partie de sa victoire électorale est due à sa démission de tous les salaires en tant qu’homme politique, député et ministre, ainsi qu’à l’utilisation de sa fortune personnelle pour payer ses conseillers et aux fréquents déplacements de son avion privé dans tous les coins du pays. C’est le profil d’un homme avec lequel le gouvernement espagnol devra comprendre dans les années à venir.