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  • Le Qatargate cause des maux de tête au lobby israélien

    Tags : Parlement Européen, corruption, Israël, lobbying,

    Pour une fois, je peux apporter une bonne nouvelle : le lobby israélien ne va pas bien.

    Un scandale de corruption connu sous le nom de Qatargate signifie que les élus bruxellois ne veulent pas être pris sous l’emprise de groupes de pression.

    La pression pour une plus grande transparence semble avoir mis en péril une nouvelle initiative soutenant les accords d’Abraham – des accords de normalisation entre Israël et plusieurs pays arabes.

    Roberta Metsola, la présidente du Parlement européen, avait indiqué qu’elle assisterait au lancement du soi-disant réseau des accords d’Abraham, plus tard ce mois-ci. Pourtant, lorsque j’ai contacté le bureau de Metsola, son porte-parole a répondu : « Selon les informations dont je dispose, aucune réunion de ce type n’a lieu. »

    L’annulation de l’événement serait un revers pour David Lega, député suédois au Parlement européen (MPE), qui avait été nommé à la tête du réseau. Dans une vidéo récente, il a déclaré que la formation de l’alliance interpartis avait pris deux ans de travail.

    La vidéo donne un aperçu de la façon dont les lobbyistes douteux se mêlent des affaires européennes.
    Lega a déclaré qu’il avait reçu «l’inspiration» pour former une alliance faisant la promotion des accords d’Abraham lors d’un voyage au Moyen-Orient. Le voyage a été organisé par le European Leadership Network, un groupe pro-israélien.

    [youtube https://www.youtube.com/watch?v=CNuzSDTQwGk&w=560&h=315]

    Un objectif central de l’alliance serait de trouver « de nouvelles façons de rassembler les majorités » au sein du Parlement européen, a déclaré Lega.

    Cela en soi est troublant.

    Le but tacite derrière les accords d’Abraham est d’encourager de plus grandes ventes d’armes entre Israël et d’autres États du Moyen-Orient, tout en retirant les droits des Palestiniens de l’ordre du jour . Lega souhaite que le Parlement européen appuie ces efforts.

    Bien faire?

    Mais ce qui est vraiment révélateur, c’est ce que la Lega a à dire sur le Qatargate et ses implications. Lui et d’autres défenseurs pro-israéliens sont clairement nerveux face aux allégations selon lesquelles le Qatar aurait versé une grande somme d’argent à certains législateurs avant la Coupe du monde.

    « Les gens ont peur en ce moment et ils veulent montrer qu’ils font des choses pour empêcher cela », a déclaré Lega. « Mon inquiétude est que les limites qu’ils ont mises en place n’affectent pas les personnes qui veulent tricher, seulement nous qui voulons faire le bien. »

    Loin de faire le « bien », Lega a répandu certains des mensonges les plus pernicieux d’Israël.

    Avec quelques collègues, il a diffamé les groupes de défense des droits de l’homme palestiniens en les qualifiant de « terroristes ».

    Et il a affirmé que le matériel antisémite est largement utilisé dans les écoles palestiniennes. Le lobby israélien colporte ce mythe depuis des lustres.

    Le voyage susmentionné qui a donné à Lega «l’inspiration» pour travailler plus assidûment à la promotion des accords d’Abraham a eu lieu en novembre 2021. Enfreignant les règles du Parlement européen , Lega n’a pas enregistré sa participation au voyage à l’époque, a rapporté le journal belge Le Soir . .

    Le Soir a constaté qu’Israël figure parmi les trois principales destinations des voyages entrepris par des députés européens à l’invitation d’organisations extérieures.

    Bien que Lega ait enfreint les règles concernant l’un de ces junkets, il a fait des déclarations officielles après avoir participé à des voyages organisés par deux autres groupes pro-israéliens, le B’nai B’rith et l’ American Jewish Committee .

    Il a également déclaré avoir discuté des accords d’Abraham lors de diverses réunions au siège du Parlement européen avec des diplomates et des lobbyistes.

    Qu’il remette ou non de l’argent aux eurodéputés, il existe de nombreuses preuves qu’Israël et ses groupes de pression achètent de l’influence à Bruxelles.

    Ils s’en sont tirés jusqu’à présent – ​​peut-être en partie parce que certaines des plus hautes personnalités de la hiérarchie de l’UE se sont laissées charmer et compromettre par Israël.

    L’année dernière, Roberta Metsola s’est adressée à l’Assemblée nationale d’Israël, la Knesset, en sa qualité de présidente du Parlement européen. Elle a passé deux nuits à l’hôtel King David de Jérusalem, l’État israélien prenant en charge la note.

    Le Qatargate a poussé Metsola à s’engager à prendre de nouvelles mesures pour s’assurer que le Parlement européen n’est « pas à vendre ».

    Son engagement en faveur de la transparence et de la probité est tardif.

    Suite à son discours à la Knesset, j’ai fait une demande d’accès à l’information demandant à voir toutes les notes d’information qu’elle avait consultées lors de sa préparation.

    Le Parlement européen a jusqu’à présent refusé de divulguer ces documents.

    La culture du secret à Bruxelles est un problème majeur, qui permet sans doute la corruption. Jusqu’à ce que la culture change, les assurances que les politiciens ne sont pas à vendre seront sans valeur.

    The Electronic Intifada, 17/02/2023

    #Parlement_européen #Corruption #Qatargate #Israël #Lobbying

  • « Team Jorge »: Révélations sur les manipulations d’une officine de désinformation

    Tags : Team Jorge, élections, hacking, piratage, Israël, Kenya, William Ruto,

    Dans ce 2e volet du projet « Story Killers » qui poursuit le travail de la journaliste indienne Gauri Lankesh sur la désinformation, le consortium Forbidden Stories révèle aujourd’hui l’existence d’une entreprise israélienne ultra-secrète impliquée dans la manipulation d’élections à grande échelle et le piratage de responsables politiques africains. Une plongée inédite au cœur d’un monde où s’entremêlent armée de trolls, cyber espionnage et jeux d’influence.

    Par Cécile Andrzejewski
    STORY KILLERS | 15 février 2023
    « Les choses n’ont pas forcément besoin d’être vraies, du moment qu’elles sont crues. » Voilà une citation qui pourrait être attribuée à bien des philosophes, mais qui sort de la bouche d’un certain Alexander Nix. Si son nom vous paraît inconnu, celui de la société qu’il dirigeait le sera certainement un peu moins : Cambridge Analytica.

    En 2018 éclate le scandale éponyme dévoilant comment l’entreprise britannique a recueilli puis analysé et utilisé les données personnelles de près de 87 millions d’utilisateurs de Facebook, à leur insu, à des fins de ciblage politique. La société, qui a vendu ses services dans une soixantaine d’États, du régime iranien à l’entreprise pétrolière nationale en Malaisie, est accusée d’avoir manipulé ou tenté de manipuler de nombreuses élections, contribuant à la victoire de Donald Trump en 2016 aux États-Unis et au vote en faveur du Brexit en Angleterre. À l’époque, l’affaire fait la une des journaux et le nom de Cambridge Analytica devient synonyme de désinformation partout dans le monde.

    Pourtant, de ce scandale planétaire, tout n’a pas encore été révélé. Certains de ses acteurs, redoutés dans le milieu, sont parvenus à rester dans l’ombre. Notamment de mystérieux sous-traitants israéliens, experts en hacking et décrits par l’une des lanceuses d’alerte à l’origine du scandale comme « une équipe chargée des recherches sur les opposants ». Dans les témoignages anonymes publiés dans la presse britannique en 2018, d’anciens salariés décrivent des « hackers israéliens » débarquant dans les locaux de l’entreprise avec des clés USB chargés de mails privés d’hommes politiques piratés. « Les gens ont paniqué, ils ne voulaient rien avoir à faire avec ça », se souvient un ex-employé dans les colonnes du Guardian.

    De ces mystérieux pirates, le scandale Cambridge Analytica a révélé l’existence et les méthodes. Mais de leur identité, rien n’a jamais été divulgué. Derrière ces « hackers israéliens », les employés de Cambridge Analytica désignent-ils d’ailleurs les mêmes personnes ou la même structure ? Aucun des articles consacrés à l’affaire, à l’époque des révélations, n’est parvenu à percer l’anonymat de ces sous-traitants de l’ombre très discrets, ni même mentionné une société en particulier. Lorsqu’il fait référence, dans un mail interne, à des « Israeli back ops », le patron de Cambridge Analytica n’a d’ailleurs ni nom de famille, ni nom de société. Il utilise seulement ce qui semble être un pseudo pour désigner le boss de cette structure ultra-secrète : « Jorge ».

    Pendant plus de six mois, les journalistes d’investigation du consortium Forbidden Stories ont enquêté et suivi la piste de « Jorge ». Sur ce marché parallèle de la désinformation, des entreprises, officielles ou beaucoup plus souterraines, sont passées maîtresses dans l’art de manipuler la réalité et d’infuser des récits créés de toutes pièces.

    En poursuivant le travail de Gauri Lankesh, journaliste indienne qui enquêtait sur la désinformation et « les usines à mensonges », assassinée en 2017, le projet « Story Killers » dévoile une industrie usant de toutes les armes à sa disposition pour manipuler les médias et l’opinion publique, aux dépens de l’information et de la démocratie.

    Quatre ans après le scandale Cambridge Analytica, à l’été 2022, les journalistes du consortium Forbidden Stories ont retrouvé « Jorge ». Le « consultant » israélien aux méthodes douteuses utilise toujours le même pseudo et continue de vendre ses services d’influence et de manipulation au plus offrant. Ses outils se sont adaptés aux évolutions technologiques. L’intelligence artificielle écrit désormais des posts viraux à la demande. Et le piratage à distance de comptes Telegram a enrichi le catalogue du mystérieux entrepreneur.

    Un potentiel client, intermédiaire d’un dirigeant africain, désireux de décaler, voire de faire annuler, des élections lui a justement demandé une démonstration. La mission est estimée à 6 millions d’euros par le consultant, toujours aussi mystérieux qu’à l’époque de Cambridge Analytica. Jamais, pendant plus de trois heures de discussion via Zoom, il ne montrera son visage ni ne dévoilera le nom de son entreprise. En revanche, « Jorge » en vante parfaitement les mérites.

    Ce qu’il ignore, c’est que l’homme face à lui n’est pas du tout intermédiaire et travaille encore moins en Afrique. Il s’agit en fait d’un journaliste de Radio France, bientôt rejoint par des confrères de The Marker et Haaretz, des reporters membres du projet Story Killers, se faisant passer pour des clients.

    « 33 campagnes présidentielles, dont 27 couronnées de succès »

    Plusieurs rendez-vous ont eu lieu avec « Jorge », trois en ligne puis un dernier dans ses bureaux. L’occasion de discuter longuement avec l’ancien sous-traitant de Cambridge Analytica et d’assister à ses démonstrations en live. « Nous fournissons un service, principalement du renseignement et de l’influence. Ce sont nos compétences de base », explique-t-il en guise de préambule. En dehors de ces « capacités technologiques », « Jorge » peut aussi « construire un récit », qu’il s’agira ensuite de propager.

    Le vendeur d’influence se vante d’avoir travaillé sur « 33 campagnes présidentielles, dont 27 ont été couronnées de succès » – une estimation difficilement vérifiable. Plus prudent que son bagout de vendeur ne le laisse paraître, il ne donne aucune indication précise permettant d’identifier ses clients, préférant se limiter à des anecdotes dignes de film d’espionnage et lister l’impressionnant éventail de ses services : catalogue de bots, propagation de fausses informations, hacking d’adversaires….

    Visiblement très en confiance, l’homme va, malgré lui, livrer des informations sur quelques-unes de ses opérations secrètes. La première va d’ailleurs provoquer une tempête médiatique en France. Souvenez-vous, il y a deux semaines, au début du mois de février 2023, la presse se fait écho d’une enquête interne au sein de la chaîne BFM TV, dont une figure historique, Rachid M’Barki, est soupçonnée d’avoir passé à l’antenne des contenus non validés, dont l’origine semble alors très floue. Pour comprendre le point de départ de ce scandale, il faut revenir aux échanges entre « Jorge » et les journalistes infiltrés.

    À la fin d’une rencontre avec ses faux clients, le volubile vendeur de désinformation se gargarise de pouvoir diffuser ses histoires à la télévision française. Pour prouver ce qu’il avance, il montre l’extrait d’un reportage diffusé sur BFM TV, en décembre 2022 : « L’Union européenne annonce un nouveau train de sanction contre la Russie. (…) Des sanctions à répétition qui font craindre le pire aux constructeurs de yachts à Monaco. Le gel des avoirs des oligarques met leur secteur en grande difficulté… ». Le texte de cette brève diffusée à minuit passée sur la chaîne d’info en continu est lu par Rachid M’Barki. Un angle incongru, même à cette heure tardive, dans le tumulte de l’actualité. Et pour cause, d’après « Jorge », le sujet est une commande passée pour le compte de l’un de ses clients.

    Afin de vérifier l’authenticité de cette vidéo et d’autres, nous l’avons soumise à la direction de BFM TV courant janvier, qui a rapidement suspendu le journaliste et lancé un audit interne. « Dans la façon dont ces brèves sont allées à l’antenne et notamment ont été illustrées, le journaliste mis en cause se serait arrangé pour les demander en dernière minute, une fois que le rédacteur en chef était pris sur une autre tranche et après qu’il ait validé l’ensemble de son journal, précise Marc-Olivier Fogiel, le directeur général de la chaîne. J’ai un soupçon déontologique de me demander pourquoi ces brèves sont diffusées alors qu’elles n’ont pas de cohérence éditoriale avec le reste de la chaîne. » Face à lui, Rachid M’Barki fait valoir « son libre arbitre éditorial » et explique avoir suivi les consignes d’un intermédiaire, un certain Jean-Pierre Duthion. Consultant média et lobbyiste, Jean-Pierre Duthion n’est pas un inconnu dans le milieu des agences dites d’influence. L’une d’entre elles le qualifie notamment dans des notes internes auxquelles nous avons eu accès de « mercenaire » de la désinformation, « principalement motivé par le profit ». Contacté, il nous confirme avoir effectivement « travaillé sur la rétention de yachts russes à Monaco qui ont entraîné des pertes d’emplois au niveau local ». Il refuse de dévoiler le nom du commanditaire, arguant que ce genre de deal passe par une série d’intermédiaires, « ne sachant pas eux-mêmes qui est le client final ».

    Il assure ne pas avoir payé Rachid M’Barki qui a certifié lui aussi, auprès de sa direction, ne pas avoir touché un euro pour passer ces brèves à l’antenne. D’après une source bien introduite dans le milieu, de telles prestations pourraient pourtant rapporter autour de 3 000€ à l’unité au journaliste complice. Par voie de presse, Rachid M’Barki, qui a refusé de répondre à nos questions, reconnait ne « pas avoir forcément suivi le cursus habituel de la rédaction ». Et se défend : « Peut-être que je me suis fait avoir, je n’avais pas l’impression que c’était le cas ou que je participais à une opération de je ne sais quoi sinon je ne l’aurais pas fait. »

    La technologie pour propager des récits
    L’exemple de BFM TV, censé illustrer sa puissance de frappe jusqu’aux chaînes d’info françaises, n’est pas le seul argument de vente que « Jorge » met en avant pendant ses entretiens avec les journalistes du consortium.

    En plus de journalistes à sa solde, l’ancien sous-traitant de Cambridge Analytica dispose également, pour diffuser les histoires favorables à ses clients, d’une armée d’avatars enregistrés et pilotés sur une plateforme en ligne, des faux comptes que Forbidden Stories et ses partenaires ont pu vérifier. Cet outil, introuvable sur le web, porte un nom : AIMS pour « Advanced Impact Media Solutions » ; en français, « Solutions médiatiques à impact avancé ». En 2017, « Jorge » proposait déjà à Cambridge Analytica un « Système semi-automatique de création d’avatars et de déploiement de réseaux », accompagné d’une vidéo de démo montrant à quel point il lui était facile de créer des avatars en quelques secondes, avec des prénoms déterminés selon leur pays, sur une plateforme permettant de naviguer d’un compte à l’autre sans difficulté. En 2022, il dispose d’un catalogue de plus de 30 000 profils automatisés de personnes virtuelles possédant de comptes bien réels sur Facebook, Twitter, Instagram, Amazon, Bitcoin… Ces faux individus sont utilisés par Jorge pour poster en rafale des commentaires sur les réseaux sociaux, faire monter une polémique et même – selon lui – commander des sextoys sur Amazon, à l’instar de l’avatar nommée Shannon Aiken. Derrière le profil d’une jolie blonde, une arme redoutable qui aurait servi à envoyer un sulfureux colis au domicile d’un adversaire politique, laissant sa femme s’imaginer un adultère. « Après ça, on a fait fuiter l’histoire et le fait qu’il ne pouvait plus rentrer chez lui. La campagne s’est retournée. », prétend « Jorge ».

    Afin de prouver l’efficacité de son armée numérique, Jorge accepte de faire une démonstration et de propager un hashtag suggéré par les journalistes infiltrés, #RIP_Emmanuel, du nom d’un émeu (grand oiseau qui ressemble à une autruche, ndlr) devenu star d’internet à l’été 2022. Le but : faire circuler une rumeur sur la mort de l’animal pour tester l’efficacité de ces avatars AIMS – sa propriétaire a été prévenue depuis. Les journalistes membres du projet « Story Killers » ont ensuite suivi ce hashtag et sa diffusion pour retrouver les comptes de « Jorge ». Un travail de fourmi qui a permis de remonter la piste d’une vingtaine de campagnes de désinformation, sur quasiment tous les continents, même s’il reste parfois difficile d’en identifier les clients. Florilège.

    Au Royaume-Uni, à l’automne 2021, les avatars AIMS s’en prennent vertement à l’agence de sécurité sanitaire britannique. Son tort ? Avoir ouvert une enquête sur un laboratoire accusé d’avoir fourni environ 43 000 faux résultats négatifs de test Covid à ses patients. Le groupe propriétaire de ce laboratoire a réfuté tout lien avec « Jorge », arguant n’avoir jamais eu vent de son existence.. En 2020, ces mêmes avatars participent à une violente campagne de dénigrement contre l’homme d’affaires de hong-kongais George Chang, propriétaire de 90 % du port de Panama. La même année, l’armée de bots « AIMS » vole au secours d’un ancien haut fonctionnaire mexicain, sous le coup d’un mandat d’arrêt international, Tomás Zerón. Ex-directeur de l’agence chargée des enquêtes criminelles au Mexique, de 2013 à 2016, Zerón est accusé d’enlèvement, de torture et de falsification de preuves dans l’enquête sur la disparition de 43 étudiants en 2014. Impliqué dans l’acquisition du logiciel espion Pegasus par les autorités mexicaines, il est aujourd’hui en fuite en Israël, qui refuse de l’extrader. Mais pour les bots créés par Jorge, ces accusations ne constituent qu’une campagne orchestrée à l’encontre d’un « innocent » par le « président corrompu » du Mexique, Andrés Manuel López Obrador. M. Zerón « n’est responsable d’aucune campagne en son nom et ne sait pas qui se cache derrière chaque commentaire sur les réseaux sociaux », explique son avocate Liora Turlevsky.

    L’outil AIMS ne se contente pas de fournir des avatars. Dans sa dernière version présentée aux journalistes infiltrés, il propose aussi de créer du contenu automatisé. À partir de mots clés donnés, l’intelligence artificielle peut désormais accoucher en quelques secondes de posts massifs, mettre en ligne des articles, des commentaires ou des tweets, dans la langue de son choix, avec un ton « positif », « négatif » ou « neutre ». Par exemple, après avoir rapidement entré les mots « Tchad », « président », « frère » et « Déby », « Jorge » demande à l’intelligence artificielle, en présence des reporters infiltrés, de produire dix tweets négatifs sur le pouvoir tchadien. Douze secondes plus tard, les messages apparaissent : « Trop c’est trop, nous devons mettre fin à l’incompétence et au népotisme du président du Tchad, frère Deby », « Le peuple tchadien a suffisamment souffert sous le règne du président Frère Deby »… Un associé de l’entrepreneur se félicite : « Un opérateur peut gérer 300 profils, donc en deux heures, tout le pays parlera du récit [qu’on] veut ». Rapide, redoutable et terriblement efficace.

    Hacker des ministres

    Ce n’est pourtant pas là l’arme la plus terrifiante de « Jorge ». En temps réel, et pour les besoins de sa démonstration, il va prendre le contrôle de messageries privées de hauts responsables africains. « On est à l’intérieur », répète Jorge. Sous les yeux des journalistes sous couverture, deux adresses Gmail, drive et carnet d’adresses compris, ainsi qu’une ribambelle de comptes Telegram sont scrutés, fouillés, dépouillés. Un piratage sophistiqué, dont les véritables utilisateurs n’ont absolument aucune idée. Ils continuent d’ailleurs à utiliser leurs messageries en toute confiance, comme en attestent les appels passés et les messages reçus entre les différentes présentations faites aux journalistes infiltrés.

    Pour convaincre ses (faux) clients de l’efficacité de l’opération de cyber espionnage, « Jorge » va alors lui-même envoyer des messages aux proches des victimes de son hack, depuis leurs messageries Telegram piratées. En clair, infiltré dans la messagerie d’une victime, il peut se faire passer pour elle auprès de ses contacts et leur écrire ce qui lui plait. Certainement trop confiant, Jorge commet alors une énorme erreur. Tandis qu’il supprime les messages envoyés lors de la démonstration sur le compte de sa victime et de ses contacts, il en oublie un.

    Un destinataire, au moins, a donc gardé la trace de son opération. Nous l’avons retrouvé, ainsi que le message envoyé par « Jorge ». Et cette erreur nous a permis de confirmer qu’à l’été 2022, alors que l’élection présidentielle kenyane se prépare, le pirate israélien navigue sans difficulté entre les comptes de proches de William Ruto, le futur président. Deux de ses victimes – Denis Itumbi et Davis ChirChir, alors respectivement responsable de la stratégie numérique et chef de cabinet de Ruto – ont été accusées, à la suite des élections, d’avoir embauché des hackers pour manipuler les résultats de la présidentielle. Si l’accusation a été rejetée par la Cour Suprême, qui évoquera même des « preuves falsifiées », elle prend une toute autre dimension à l’aune des démonstrations de Jorge. Le hacker israélien se cache-t-il derrière cette tentative de manipulation de l’élection présidentielle kenyane ? À quoi son savoir-faire a-t-il pu servir ?

    Jorge et sa galaxie

    Mais surtout, qui est « Jorge » ? Quelle est la véritable identité de ce fameux consultant, capable de manipuler l’information diffusée sur des chaînes d’information françaises, de créer de faux individus en un claquement de doigt, de hacker l’entourage d’un président ou d’infiltrer les messageries privées de ses victimes ? L’homme, ultra secret, a construit un mystère autour de son personnage. Durant les différents rendez-vous avec les journalistes du consortium, il ne laisse rien fuiter, aucun nom, aucun document et ne se montre jamais dans les visios en ligne. Il faudra se rendre dans ses bureaux, à Modi’in siège de la high-tech israélienne, pour découvrir son visage. Même auprès de ses partenaires les plus éminents, Jorge est parvenu à dissimuler jusqu’au plus petit détail le concernant. Ainsi, Alexander Nix le directeur de Cambridge Analytica, qui ne le connaît que sous son surnom s’enquiert dès mai 2015, dans un mail interne à l’entreprise britannique auquel nous avons eu accès : « Quel est le nom de Jorge ? Et quel est le nom de sa boîte ? ». La réponse arrive le lendemain, dans un courriel de Brittany Kaiser, ancienne directrice du développement de la société et lanceuse d’alerte du scandale : « Tal Hanan, c’est le PDG de Demoman International ».

    Il aura fallu des mois d’enquête au consortium pour retracer son parcours pour dessiner les contours de sa galaxie.

    Dès les premiers jours de notre investigation, nos journalistes infiltrés ont eux-mêmes dû passer plusieurs entretiens avec des intermédiaires, avant de parvenir à le rencontrer. Un attelage d’anciens des renseignements, de communicants et d’experts en sécurité qui confirme l’étendue de ses activités et la nature de son business.

    Il y a d’abord Mashi Meidan, qui dirigeait dans les années 2010 une société de sécurité israélienne au Panama. Un homme dont il reste difficile de retracer le parcours avec exactitude, mais qui serait, selon plusieurs sources, un ancien du Shabak, le service de renseignement intérieur israélien, aussi connu sous le nom de Shin Bet. Selon ses avocats, il aurait « travaillé pour le gouvernement israélien jusqu’en 2006, date à laquelle il a pris sa retraite », mais il « n’est pas, et n’a jamais été, associé à une société ou une entité nommée « Team Jorge » et n’est certainement pas un « partenaire commercial » dans une telle entreprise ». Il est pourtant présent aux côtés de Tal Hanan dans les locaux de son entreprise et lors de la plupart des rendez-vous avec lui, alors que son comparse présente l’étendue de ses services.

    Tout aussi mystérieux que lui, Shuki Friedman serait lui aussi un ancien officier du service de renseignement intérieur israélien. Responsable du renseignement à Ramallah, en Palestine, pendant des années, la légende voudrait qu’il ait recruté le « Prince Vert », fils d’un leader du Hamas, espion pour le Shin Bet durant dix ans. Contacté M. Friedman n’a pas donné suite à notre message. Autour de Tal Hanan pendant deux réunions, Yaakov Tzedek, à la tête du Tzedek Media Group, et se présentant comme « un expert du numérique et de la publicité depuis plus d’une décennie ». Il n’a pas donné suite à nos demandes d’entretien. Et Ishay Shechter, directeur de la stratégie chez Goren Amir, un important cabinet de lobbying israélien. Celui-ci, présent lors d’une des rencontres ayant conduit les journalistes du consortium à Tal Hanan, mais jamais lors d’un rendez-vous avec lui, affirme ne « jamais eu de relation d’affaires avec Jorge ou Tal Hanan » et ne pas être « au courant de leurs activités illégales ou inappropriées ».

    Enfin, Zohar Hanan, le frère de Tal, PDG d’une entreprise de sécurité privée, spécialiste du détecteur de mensonges, rencontré lors de la visite des bureaux, qui a affirmé au consortium « avoir travaillé toute [sa] vie en respectant la loi ».

    Selon la biographie disponible sur le site de son entreprise, Demoman, Tal Hanan a, lui, servi dans les forces spéciales israéliennes au sein d’une unité d’élite dédiée à la neutralisation d’engins explosifs. Sa carrière, tout comme son business, a ensuite cheminé de l’élimination d’explosifs au renseignement, au sens large. Et si « Jorge » est resté invisible pendant des années, Tal Hanan lui, intéresse au moins un service de renseignement européen depuis 2008, d’après une source policière. Pas pour des actions de désinformation, mais pour ses offres de services de sécurité douteux après des conférences sur le contre-terrorisme, le renseignement et le contre-espionnage. Selon la même source, il évoluerait à l’étroite « frontière séparant la sécurité privée des mercenaires ». Contacté par le consortium, Tal Hanan a simplement « nié tout acte répréhensible ».

    En dehors des partenaires présents lors des rendez-vous avec les journalistes infiltrés, celui-ci s’est aussi doté d’un réseau à l’international au fil des années. D’après une enquête de Bloomberg, en 2006, alors en mission pour une banque panaméenne, il alerte un certain Martin Rodil, du FMI (Fonds monétaire international), de mouvements d’argent de PDVSA, la compagnie pétrolière de l’État vénézuélien, vers l’Iran, en violation des sanctions américaines. D’après la même enquête, Hanan propose alors à Rodil d’arrondir ses fins de mois en traquant l’argent pour lui. Un an plus tard, les deux comparses décident de partager leurs informations avec le gouvernement israélien et passent deux jours à répondre aux questions des services secrets. Ils fonderont ensuite la société Global Ressources Solutions, offrant renseignement, sécurité et intelligence financière, l’un y occupant le poste de président, l’autre celui de directeur. Martin Rodil se trouve aujourd’hui sous le coup d’une enquête en Espagne pour avoir extorqué d’anciens officiels vénézuéliens. Il n’a pas souhaité répondre à nos questions.

    Autre ancien associé de choix mentionné par Tal Hanan au détour d’une conversation avec les journalistes : l’ancien secrétaire d’Etat adjoint du président américain George W. Bush, Roger Noriega qui a lui aussi travaillé avec Martin Rodil, dont il a même pris la défense dans la presse.
    Contacté, cet ex-diplomate américain, en partie responsable de la ligne politique américaine très dure vis-à-vis du régime de Chavez, admet connaître Tal Hanan, mais ne pas avoir eu de « réelle conversation avec lui depuis six ou sept ans. Nous avions des clients communs liés au Vénézuela, mais je n’ai jamais fait d’affaires sérieuses avec lui. »

    Un business connecté

    Voilà pour les anciens collègues que nous avons pu retrouver. Pour ses services de manipulation, Tal Hanan a aussi recours aux outils les plus pointus du marché. Lors de ses démonstrations live, il présente par exemple des solutions offertes par TA9, une filiale de l’entreprise Rayzone– dont il a pris soin de gommer une partie du logo dans sa présentation. Contactée par Forbidden Stories, TA9 affirme n’avoir jamais eu relation d’affaires avec Tal Hanan ou ses associés et explique que des captures d’écran de ses produits sont aisément accessibles sur son site Internet ou lors de présentations en ligne.

    Le groupe israélien Rayzone commercialise notamment des outils permettant la collecte de données personnelles et la localisation via Internet ou les réseaux téléphoniques. Pour cela, il s’appuierait notamment sur le réseau SS7, servant à orienter les appels et SMS des utilisateurs de téléphones leurs clients et à localiser leur appareil. Ce réseau, censé être réservé aux opérateurs de téléphonie, souffre de vulnérabilités permettant à des hackers d’accéder aux informations des propriétaires de téléphones portables. À plusieurs reprises, lors des rendez-vous avec ses faux clients, Tal Hanan évoque la possible exploitation de ces failles. Interrogée sur son offre de services, la société Rayzone ne mentionne qu’un produit, règlementé par le ministère israélien, « délivrant uniquement la localisation sans aucune capacité d’interception active ».

    En s’appuyant sur les diapositives issues des brochures de TA9, la filiale de Rayzone en question, Tal Hanan cite également la « reconnaissance faciale », « l’interception du réseau mobile » ou « tout ce qu’on peut trouver dans n’importe quelle base de données » comme autant d’outils à sa disposition pour une surveillance des plus sophistiquées de ces cibles.

    Petit détail, et non des moindres, selon le quotidien israélien Calcalist, David Avital, actionnaire d’une filiale de Rayzone hébergerait actuellement Tomás Zerón, l’ancien haut fonctionnaire mexicain, sous le coup d’un mandat d’arrêt international pour torture et disparition forcée, dont les avatars AIMS défendaient l’innocence. Une information récusée par son avocate Liora Turlevsky : « M. Zerón est en effet en Israël. Cependant, il n’a jamais vécu dans un appartement appartenant à David Avital. »

    Hanan, Rodil, Noriega, Rayzone… Une galaxie dont les relations résument bien la porosité entre États et entreprises privées, renseignement, influence et cybersurveillance. Reste néanmoins une inconnue : comment Tal Hanan est-il rémunéré pour ses services ?

    Les sommes en jeu sont conséquentes. Après des mois d’enquête, les journalistes du consortium ont mis la main sur une brochure envoyée à Cambridge Analytica en 2015. Un document d’un peu plus de trois pages, plutôt vague, intitulé « élections, renseignement et opérations spéciales » qui mentionne une expérience sur le terrain depuis 1999. Or, 1999 est aussi la date de création de l’entreprise Demoman, dont Tal Hanan est le PDG. Dans cette brochure, Hanan propose différentes options qui « se nourrissent et se renforcent mutuellement », alliant « intelligence stratégique », « perception publique », « guerre de l’information », « sécurité des communications » et « package spécial Jour J ». Il y vante son équipe constituée d’anciens des services de renseignement et des forces spéciales israéliennes, américaines, espagnoles, britanniques ou russes. L’équipe compte aussi des « experts des médias » connaissant « les meilleurs moyens de raconter une histoire, un message ou un scandale, et de créer les effets désirés ». Surtout, Tal Hanan y réclame 160 000 dollars pour une « phase initiale de recherche et de préparation » de huit semaines, plus 40 000 dollars de frais de déplacement. Un tarif beaucoup moins élevé que celui qu’il proposera à nos reporters en 2022 – six millions d’euros pour une campagne.

    Ce n’est pourtant pas via Demoman, dont il est effectivement le PDG, que Tal Hanan peut commercialiser ses services de hacking. Et pour cause, l’entreprise est enregistrée auprès du Ministère de la Défense israélien. Or, au regard de la loi israélienne, de telles prestations sont parfaitement illégales. En effet, si une licence peut y être accordée à une entreprise pour vendre des logiciels espions à des États, en conformité avec leur propre législation, aucune n’autorise les services de piratage pour une campagne politique ou à des fins commerciales.

    Lors des rendez-vous sous couverture, Tal Hanan avance néanmoins faire travailler une centaine d’employés, autour du globe. Si le nombre de salariés est impossible à confirmer, le site de Demoman annonce disposer de bureaux et des représentants en Israël, aux États-Unis, en Suisse, en Espagne, en Croatie, aux Philippines ou en Colombie. Des adresses sont également mentionnées au Mexique et en Ukraine, mais, selon les dires de Tal Hanan elles ont été fermées, à cause d’un ralentissement des affaires pour la première, de la guerre pour la seconde. Au cours du même rendez-vous, les frères Hanan avancent également utiliser leurs bots AIMS pour parier sur le marché des cryto-monnaies, et donc engranger des gains supplémentaires. Les affaires sont les affaires, dans cet obscur business, où les sous-traitants d’hier commercialisent désormais directement leur savoir-faire et où les nouvelles technologies servent décidément à tout.

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  • Les hackers israéliens qui ont tenté de voler les élections au Kenya

    Tags : Israël, Team Jorge, élections, Maroc, Hacking, piratage, Kenya, William Ruto,

    La campagne de l’opposition kenyane visant à jeter le doute sur la victoire de William Ruto en 2022 a été aidée par des pirates israéliens, qui ont accédé aux comptes Telegram des hauts responsables du président.

    Tal Hanan est une excellente vendeuse. Il sait ce qui impressionne les clients de l’usine qu’il a créée pour les opérations mondiales de piratage, de contrefaçon et de fraude. Se vanter des capacités de piratage d’e-mails ou de Telegram est une chose, mais emmener les clients dans une visite en temps réel des comptes Telegram piratés en est une autre.

    En juillet et août derniers, Hanan a offert à trois personnes – qui se sont présentées comme des représentants d’un client potentiel – une visite guidée du Telegram piraté et des comptes de messagerie de cinq cibles différentes au Kenya, où il travaillait apparemment pour un client à l’époque.

    Le 15 août 2022 a été l’un des jours où les trois représentants l’ont documenté en train de parcourir ces comptes. C’était aussi le jour où les résultats des élections générales du 9 août au Kenya ont été annoncés.

    Toutes les cibles dont il a sauté les comptes étaient liées à la campagne de celui qui était sur le point d’être nommé prochain président du Kenya : William Ruto.

    Trois jours après la victoire de Ruto, deux des victimes de piratage de Hanan se sont retrouvées au centre d’un scandale public et judiciaire qui agite toujours le Kenya. L’affirmation est que les deux sont responsables du piratage des ordinateurs du comité électoral indépendant du pays afin de truquer les résultats et de voler l’élection présidentielle pour Ruto, renversant la volonté du peuple.

    Cependant, avant de plonger dans les détails, voici un récapitulatif des événements abordés dans notre premier article Story Killers . Pendant des mois, Hanan – un homme d’affaires israélien ayant des relations dans la communauté du renseignement et qui utilisait le pseudonyme de Jorge – et ses partenaires (dont certains sont d’anciens membres des services de sécurité du Shin Bet) ont été en contact avec les trois individus, qui se sont présentés comme des représentants d’un homme d’affaires qui souhaitait se prévaloir de leurs services.

    Cependant, les trois personnes ne représentaient pas réellement un homme d’affaires. C’étaient des journalistes de TheMarker, Radio France et Haaretz, qui avaient inventé une couverture et documentaient toutes leurs conversations avec le groupe.

    En parallèle, les commentaires et les présentations lors des réunions avec Hanan et son équipe ont été étudiés par un consortium de journalistes de divers médias. Il s’agit notamment des publications européennes Le Monde, Der Spiegel, Die Zeit et The Guardian, du groupe de journalistes d’investigation OCCRP et de l’organisation parisienne Forbidden Stories.

    Ce dernier a initié, focalisé et coordonné le rapport d’investigation dans le cadre du projet international Story Killers – qui comprend environ 100 journalistes de 30 médias du monde entier se concentrant sur l’ industrie mondiale de la désinformation .

    Le consortium de journalistes a réussi à vérifier que les cinq comptes e-mail et Telegram présentés par Hanan et son équipe étaient bien ceux des cibles au Kenya dont les noms, e-mails et numéros de téléphone apparaissaient à l’écran lors de la présentation.

    Hanan a également envoyé un certain nombre de messages à partir des comptes piratés. Il a été vérifié par la suite que l’un d’entre eux – envoyé depuis un compte piraté lors de sa présentation à nous – avait bien été reçu par le destinataire.

    Hack en temps réel

    Le piratage des cinq cibles au Kenya que nous avons vu en temps réel s’est produit pendant la campagne électorale. Notre connexion avec Hanan a commencé en juillet dernier, quelques semaines avant les élections générales, et s’est poursuivie les mois suivants.

    « Comme vous le savez, les élections ont eu lieu mercredi dernier [en fait le mardi] dans un certain pays d’Afrique de l’Est », a déclaré Hanan lors de la réunion Zoom du 15 août. « Et c’est – vous pouvez plus tard exécuter [Google] ce nom que vous voyez en haut à gauche », a-t-il dit, faisant référence à Dennis Itumbi, un conseiller politique qui a été l’une des figures de proue de la campagne présidentielle de Ruto.

    « C’est en direct », a déclaré Hanan en parcourant le compte Telegram piraté d’Itumbi. « Alors vous voyez à qui [il parle]. … C’est le plan d’aujourd’hui. … Ils discutent du décompte des voix, qui est toujours en cours. Ils disent qu’à 15 heures, il pourrait y avoir des résultats définitifs – j’en doute, mais voyons voir.

    Hanan a ensuite présenté une autre découverte qu’il avait faite dans le compte piraté du conseiller de campagne. Il a montré un lien, un nom d’utilisateur et un mot de passe pour le site Web interne de l’Alliance démocratique unie (le parti de Ruto). Celle-ci a été mise en place pour suivre les résultats.

    « Ils ont leur propre système », a déclaré Hanan. « Nous avons trouvé leur propre site Web interne. Ils ont créé leur propre plateforme. … C’est le niveau d ‘«intelligence en direct» que vous pouvez obtenir, et ce n’est qu’un exemple.

    Quelques minutes plus tard, Hanan a tenté de nous impressionner en nous montrant le compte Telegram piraté de Davis Chirchir – chef de cabinet de Ruto pendant la campagne électorale et aujourd’hui ministre de l’énergie dans le nouveau gouvernement.

    « Vous pouvez également exécuter [Google] ce nom – Davis », a-t-il déclaré, soulignant sa capacité à envoyer des messages à partir du compte Telegram.

    À la fin de la présentation, on a demandé à Hanan s’il était satisfait des résultats du travail de son groupe au Kenya. « Je suis très content, mais ils disent qu’il faut attendre 15 heures » pour l’annonce des résultats, a-t-il répondu.

    Cependant, les résultats annoncés plus tard dans la journée n’ont pas donné lieu à la célébration de Hanan puisque Ruto – le candidat dont l’équipe était ciblée par Hanan – a été déclaré vainqueur.

    D’autre part, dans les heures qui ont précédé la déclaration, une campagne a commencé, basée au moins en partie sur des actes de faux et de fraude, dans le but de délégitimer les résultats.

    Le personnel de la commission électorale arrêté

    Les élections au Kenya sont historiquement volatiles. Des dizaines de personnes sont mortes lors d’émeutes après l’annonce des résultats des élections précédentes de 2017. L’élection de 2007, quant à elle, avait sombré dans le chaos total et fait quelque 1 500 morts.

    L’élection de 2022 était particulièrement serrée et avait le potentiel de s’avérer tout aussi explosive. Ruto avait été vice-président du puissant président sortant, Uhuru Kenyatta, mais s’était brouillé avec lui. Il était considéré comme l’outsider avant les élections et peu de prévisionnistes avaient prédit sa victoire.

    L’événement au cours duquel les résultats ont été annoncés a été extraordinairement tendu et a vu une flambée de violence. Avant même que la victoire de Ruto ne soit officiellement déclarée, il était clair qu’il avait gagné. Le portail public de la commission électorale mettait constamment à jour le décompte des voix, sous la direction de Ruto, peu de temps avant l’annonce des résultats.

    Peu de temps avant que le président de la commission électorale du Kenya, Wafula Chebukati, ne s’avance pour annoncer les résultats, des objets ont commencé à être lancés dans le centre national de comptage de Nairobi. Les forces de dispersion des foules ont rétabli l’ordre et permis à Chebukati de s’adresser au public.

    Il a déclaré que son personnel avait subi des menaces, des violences et des intimidations, et a laissé entendre que leur source était le gouvernement sortant – qui avait soutenu le candidat perdant.

    « Nous avons parcouru le chemin pour garantir que les Kenyans obtiennent des élections libres, équitables et crédibles », a déclaré Chebukati. « Cela n’a pas été un voyage facile. En ce moment, deux de mes commissaires sont blessés et sont bien sûr soignés. … Nous avons un directeur du scrutin … qui a disparu alors qu’il était en service. Nous avons des employés qui ont été arbitrairement arrêtés, sans raison, [et] nous ne savons pas où ils se trouvent.

    Pendant qu’il parlait, tout le Kenya était confronté à un « scénario épouvantable d’écran partagé » – comme la Cour suprême du pays l’a qualifié plus tard dans un jugement rendu en septembre qui a confirmé la victoire de Ruto. Peu de temps avant que Chebukati n’annonce les résultats, quatre des sept membres de sa commission se sont tenus sur la pelouse d’un hôtel de Nairobi et ont déclaré, sans fournir aucune preuve, qu’ils ne pouvaient pas se tenir derrière les données officielles.

    Selon le décompte officiel, le rival de Ruto, Raila Odinga, a obtenu quelque 6,9 ​​millions de voix (48,85 % des suffrages exprimés), tandis que Ruto a obtenu un peu moins de 7,2 millions de voix (50,49 %). Les deux autres candidats ont obtenu un total combiné de 0,67 % des voix.

    Le lendemain, les quatre commissaires dissidents ont exposé leurs allégations lors d’une conférence de presse. L’une de leurs affirmations, qui est peut-être révélatrice du niveau de la plainte, faisait référence à une « absurdité mathématique » – à savoir que les résultats déclarés tels qu’annoncés par le président de la commission électorale s’élevaient à plus de 100 % – 100,01 %, pour être précis.

    C’était une affirmation étrange si l’on considère que Chebukati a annoncé le nombre exact de votes que chaque candidat a reçu et a permis à toute personne en possession d’une calculatrice d’arriver au pourcentage exact.

    En effet, la Cour suprême du Kenya a rejeté l’allégation de fraude électorale. « Les quatre commissaires n’ont déposé devant ce tribunal aucune information ou document montrant que l’élection a été compromise ou que le résultat aurait sensiblement différé de celui déclaré par le président », a déclaré le tribunal.

    Suite au jugement de septembre, les quatre commissaires dissidents ont déclaré qu’ils acceptaient désormais le résultat et reconnaissaient Ruto comme le président légitime. Cependant, l’objection temporaire particulière de la majorité de la commission électorale n’était que le début d’une campagne visant à délégitimer le résultat présidentiel. Ensuite, les victimes du piratage de Hanan se retrouveraient sur le devant de la scène.

    ‘Cyber ​​op pour voler l’élection’

    John Githongo est une personnalité bien connue au Kenya. Au début des années 2000, l’ancien journaliste est devenu conseiller anti-corruption au bureau du président de l’époque, Mwai Kibaki, et a découvert une corruption à grande échelle concernant les contrats gouvernementaux.

    Cependant, à cause de ses efforts, il a été contraint de s’exiler pendant plusieurs années. Pourtant, les enregistrements qu’il avait rendus publics et le prix personnel qu’il a payé en ont fait une personnalité respectée – et pas seulement dans son propre pays, où il est finalement retourné.

    Le 18 août 2022, trois jours après que Ruto ait été déclaré vainqueur, Githongo a été approché à l’hôtel de Nairobi où il séjournait. Une connaissance a dit qu’il voulait qu’il rencontre une source secrète.

    Par la suite, un jeune homme émotif – qui a été présenté à Githongo en tant qu’ingénieur logiciel – a raconté une histoire choquante : le résultat des élections avait été falsifié ; l’intention du peuple avait été déformée; la déclaration officielle ne reflétait pas le véritable résultat.

    La source a insisté sur le fait qu’il savait tout – parce qu’il avait lui-même fait partie du complot.

    Au départ, Githongo a tenté de persuader la source de déclarer ce qu’il avait fait. Cependant, la source a insisté sur le fait que cela mettrait sa propre vie en danger.

    Ainsi, une autre ligne de conduite a été convenue entre Githongo et la source : ils iraient dans une chambre d’hôtel, filmeraient leur conversation d’une manière qui ne révélerait pas l’identité de la source, puis soumettraient le film à la Cour suprême. C’est exactement ce qu’ils ont fait.

    L’homme portait une cagoule et des gants blancs pour dissimuler son identité. Alors qu’une caméra vidéo le filmait de dos, il a décrit en détail un récit ébouriffant de « la cyber-opération pour voler l’élection ».

    Il a raconté comment il avait fait partie d’un groupe de 56 personnes qui avaient téléchargé, depuis le portail piraté de la commission électorale, les formulaires (dits 34A) sur lesquels étaient enregistrés les résultats du dépouillement depuis les bureaux de vote. Ils avaient trafiqué les données en augmentant le nombre d’électeurs de Ruto aux dépens de son rival, puis avaient réinséré les formulaires falsifiés dans les ordinateurs de la commission, a indiqué la source.

    Interrogée par Githongo sur l’identité de ses supérieurs, la source a nommé deux personnalités de l’équipe de campagne de Ruto – les deux mêmes hauts fonctionnaires dont les comptes piratés Hanan avaient tripoté sous nos yeux trois jours plus tôt : Itumbi et Chirchir.

    Les deux n’avaient pas pénétré dans le système eux-mêmes, a déclaré la source. Ils n’avaient géré que l’équipe de hackers qui, a-t-il dit, avait fait le travail sous leur direction.

    Pour un citoyen fidèle comme Githongo, il était impossible de rester indifférent à ce qu’il avait entendu. Le 21 août, il a signé un affidavit qui a servi de base à un recours en annulation des résultats des élections soumis par le camp d’Odinga.

    Dans sa déclaration, Githongo a raconté l’histoire de l’approche du jeune homme avec lui, a joint la vidéo et a même ajouté des preuves médico-légales prima facie : une copie des journaux – fichiers journaux, enregistrement de l’activité d’un serveur – qu’il avait reçus du secret source. Selon la source, ceux-ci ont confirmé l’activité de piratage et de falsification qu’il avait décrite.

    La Cour suprême du Kenya n’a pas été convaincue par les allégations de Githongo – encore moins par les preuves médico-légales fournies par sa source.

    Lorsqu’il a confirmé les résultats le mois suivant, le tribunal a déclaré : « Certains des journaux [informatiques] présentés comme preuves (…) provenaient soit de journaux résultant des élections de 2017, soit de faux purs et simples. »

    État d’agitation

    Le jugement du tribunal n’a pas mis fin aux revendications électorales truquées. Celles-ci continuent de dominer le discours public au Kenya et font en sorte que le pays est dans un état d’agitation – faisant même descendre un grand nombre de personnes dans les rues.

    Depuis l’élection, des sources secrètes anonymes ont contacté un certain nombre de journalistes dans le monde via des e-mails anonymes, offrant des informations ou des documents qui montrent ostensiblement que le résultat de l’élection est faux. En fait, trois des journalistes membres du consortium publiant cette enquête ont été destinataires de ces mêmes courriels.

    Début 2023, le fondateur de l’organisation Vanguard Africa, Jeffrey Smith, a publié un article basé, dit-il, sur des documents reçus d’un lanceur d’alerte anonyme à la commission électorale. Sur un ton non conflictuel, il a déclaré que, sur la base des documents qui lui avaient été montrés, « les divergences évidentes [dans les documents de la commission électorale] sont telles qu’il est impossible de prédire un vainqueur absolu et suffisantes pour mettre en doute la validité de la résultats définitifs annoncés par la commission.

    Il n’a pas publié les documents eux-mêmes – et ce n’était pas le seul problème de transparence de l’article.

    Dans l’article, Smith se décrit comme ayant fait partie d’une délégation internationale indépendante invitée à observer les élections. Il a oublié de mentionner un point assez important : jusqu’en 2018, il était enregistré en tant que représentant d’Odinga en vertu de la loi sur l’enregistrement des agents étrangers, qui englobe les agents et les représentants d’entités étrangères qui souhaitent influencer la politique aux États-Unis.

    Quelques jours après la publication de l’article de Smith, un compte de blog auparavant inconnu est apparu, intitulé theiebcwhistleblower.org (faisant référence à la commission électorale IEBC du Kenya). Son contenu a fait sensation dans le pays. La source anonyme qui a créé le blog, et qui prétend travailler à la commission, a fait des allégations de fraude électorale – en utilisant des méthodes similaires à celles évoquées par la source secrète de Githongo.

    Le blog a même publié « les documents originaux » : des formulaires attestant des « résultats authentiques des élections » dans les différentes circonscriptions du pays. Selon le blog, Odinga a en fait remporté 58% des voix, alors que le vainqueur déclaré Ruto n’a remporté que 42%.

    Le parti d’Odinga a immédiatement adopté les revendications du blogueur anonyme et les a intégrées à sa campagne publique pour délégitimer les résultats des élections. Odinga a prononcé un discours agressif lors d’une manifestation bondée dans le quartier de Kamukunji à Nairobi. « L’élection a été préparée… nous ne reconnaissons pas William Ruto comme président du Kenya », a-t-il déclaré, enflammant la foule.

    Alors que les influenceurs du Web et les politiciens qui soutiennent Odinga continuent de faire passer le message sur le vol des élections, le camp adverse réussit à repousser ces allégations – en particulier après la découverte de plusieurs indices de ce qui semble être de faux documents du blogueur anonyme.

    Dans la circonscription électorale de Konoin, par exemple, le nombre de votes valides présentés par le formulaire « authentique » était supérieur de 2 000 au nombre de votes reçus par tous les candidats réunis. Dans un autre cas, dans le quartier de Kiani, ce qui ressemble à l’œil nu à un travail de retouche photo bâclé a été trouvé sous une forme « authentique ».

    Les informations médico-légales qui auraient pu conduire à l’identification de leur auteur ont été supprimées de tous les formulaires. Il n’a pas non plus été possible de localiser les propriétaires du nom de domaine du blog.

    L’un des journalistes du consortium, Frederik Obermaier de Paper Trail Media, avait reçu des documents largement identiques dans leur contenu à celui du lanceur d’alerte, mais avec des métadonnées (informations techniques conservées avec les dossiers, contenant des détails sur leur histoire).

    Selon les métadonnées des fichiers, certains d’entre eux ont été conservés ou créés par un certain Henry Mien – une personne dont deux sources ont déclaré au consortium qu’elle était présente lors des événements de campagne internes d’Odinga.

    La méthode : Hacking, sel et poivre

    Hanan a beaucoup d’expérience dans les opérations de changement de conscience basées sur de faux documents. C’est du moins ainsi qu’il s’est décrit dans notre série de rencontres.

    L’une de ses affirmations était qu’au Kazakhstan, son équipe était responsable du piratage et de la divulgation publique du contenu du compte de messagerie d’un individu qui s’est avéré être un ancien cadre supérieur d’une grande banque locale – mais pas avant que « quelqu’un ait ajouté du sel et poivre » à la fuite, comme l’a dit Hanan.

    Un autre exemple, repris par Hanan dans plusieurs présentations, concernait le Venezuela à la veille de l’élection présidentielle de 2012. Hanan et une autre personnalité de son organisation, Mashy Meidan, ont soutenu qu’ils avaient obtenu des présentations internes du cercle proche du président de l’époque Hugo Chávez, qu’ils ont divulguées aux médias après y avoir ajouté de faux détails, ont-ils déclaré.

    Hanan a même raconté lors d’une des réunions que la construction de sites de type WikiLeaks faisait partie de son modus operandi.

    « Parfois, nous mettons en place un site de fuites, comme WikiLeaks, mais avec un nom différent, et là, vous pouvez publier – peu importe quoi. Une fois, il peut s’agir d’images. Une autre fois, ce sont les reçus. Une autre fois, ce sont les e-mails », a-t-il déclaré.

    En ce qui concerne les comptes piratés d’Itumbi et Chirchir, nous n’avons pas suffisamment d’informations pour déterminer si Hanan a ajouté « du sel et du poivre » à ce qu’il a trouvé dans ces comptes.

    Les données obtenues dans le cadre de l’enquête sont également insuffisantes pour déterminer s’il a aidé à créer les documents parvenus à Githongo ou les formulaires électoraux « authentiques » du blog qui font toujours fureur au Kenya.

    Cependant, ce que l’on peut affirmer, sur la base du court tour que Hanan nous a donné dans les récits piratés de Chirchir et Itumbi, concerne principalement ce qui n’a pas été vu. Nous n’avons vu aucune indication de l’implication de Chirchir ou d’Itumbi dans une opération de trucage des élections. Ce qui ressort de leurs comptes piratés, c’est que les deux hommes surveillent, apparemment intensément, les résultats qui sont mis à jour sur le portail de la commission électorale.

    Une indication d’une intention d’ajouter « du sel et du poivre » aux formulaires de la commission électorale était en fait présente dans les comptes que Hanan nous a montrés – mais, étonnamment, pas par le camp qu’il surveillait.

    Le camp de Ruto, nous a affirmé Hanan, avait une source dans le camp rival, et ils, semble-t-il, ont signalé aux conseillers de Ruto l’intention de leurs rivaux de trafiquer de telles formes.

    L’équipe de campagne de Ruto « obtenait ses informations de quelqu’un », a déclaré Hanan lors de la présentation, alors qu’il nous montrait une photocopie d’une note imprimée qui était passée entre les membres du personnel de campagne de Ruto. « Comme vous le voyez, cela vient de l’intérieur de la State House – un endroit qui n’est pas censé être convivial pour eux. » La State House était alors contrôlée par le président sortant, Kenyatta, qui soutenait Odinga.

    La note, intitulée « Le plan d’aujourd’hui », faisait état d’une « réunion de fin de soirée à Statehouse » qui a duré jusqu’à 2 heures du matin ce matin-là et d’un plan en plusieurs étapes qui a apparemment été élaboré lors de la réunion. Cela comprend le retrait de tout le « personnel de sécurité » avec une « équipe de DCI », faisant référence à une unité de lutte contre la criminalité ; retirer tous les agents, observateurs et médias qui sont indépendants ; et essayer d’introduire les « formulaires trafiqués ».

    Tal Hanan a refusé de répondre aux questions, mais a nié « tout acte répréhensible ».

    Raila Odinga, Uhuru Kenyatta et Henry Mien ont refusé de répondre à cette histoire.

    Jeffrey Smith a répondu : « Nous, à Vanguard Africa, avons déposé le FARA en 2017 conformément à la loi américaine, parce que nous avons organisé des réunions à Washington DC pour M. Odinga, un ressortissant étranger. Nous n’avons jamais mené de campagne ou de travail politique dans le cadre de cette Il s’agit d’informations accessibles au public. Nous continuerons à effectuer notre travail en toute transparence et conformément à la loi américaine et aux meilleures pratiques éthiques.

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  • Derrière le cas de Rachid M’Barki, une agence de désinformation israélienne

    Tags : BFMTV, Story Killers, Forbidden Stories, Team Jorge, désinformation, piratage, trolls, hacking,

    Soupçon d’ingérence à BFMTV : derrière le cas de Rachid M’Barki, l’enquête « Story Killers » révèle le rôle d’une agence de désinformation israélienne
    Une enquête de la cellule investigation de Radio France, avec le consortium Forbidden stories, dévoile que BFMTV a diffusé des informations fournies par une agence de désinformation israélienne dirigée par des anciens de l’armée et des services secrets.

    Une rédaction en état de choc. Depuis un mois, les journalistes de BFMTV sont sidérés. Ils se demandent comment leur collègue, l’expérimenté Rachid M’Barki, en est venu à diffuser à l’antenne des informations biaisées et orientées. Oligarques russes, Qatar, Soudan, Cameroun, Sahara « marocain », ces brèves (un texte d’une quarantaine de secondes sur fond d’images illustratives) fournies clés en main pour le compte de clients étrangers, sont passées à l’antenne sans validation de la rédaction en chef et au mépris de la ligne éditoriale de BFMTV.

    Interrogé par sa direction qui a ouvert une enquête interne, Rachid M’Barki, 54 ans, présent à l’antenne depuis la création de BFMTV en 2005, a reconnu des opérations « d’entrisme » et confessé une éventuelle « erreur de jugement journalistique » qui l’aurait conduit à « rendre service à un ami ». Il a été suspendu le 11 janvier 2023 par le directeur de la chaîne, Marc-Olivier Fogiel. Ce dernier a alors expliqué au personnel qu’il avait dû prendre cette décision après avoir été alerté sur l’existence de possibles informations biaisées diffusées à l’antenne.

    La personne qui l’a alerté, c’est un journaliste, Frédéric Métézeau, qui travaille alors pour la cellule investigation de Radio France dans le cadre d’une vaste enquête baptisée « Story Killers », coordonnée par le consortium Forbidden Stories. Pendant plus de six mois, elle a réuni cent journalistes travaillant pour 30 médias internationaux. Comme c’est le cas avant toute publication, Frédéric Métézeau fait part à Marc-Olivier Fogiel de nos découvertes afin de recueillir sa réaction. Ce dernier convoque alors Rachid M’Barki. « Il m’explique que des brèves lui sont proposées par un intermédiaire et que cela relève de son libre arbitre éditorial, raconte le directeur de la chaîne. C’est suffisamment problématique pour que nous lancions un audit interne pour comprendre comment ces brèves arrivent à l’antenne, comment elles sont illustrées, et par quels biais la hiérarchie a été contournée. »

    Une société fantôme
    Le point de départ de cette affaire ne se trouve pourtant pas dans l’hexagone, mais en Israël. Là-bas, pendant plusieurs mois, Frédéric Métézeau avec Gur Megiddo (journaliste d’investigation au journal israélien The Marker), et Omer Benjakob (journaliste d’investigation au journal israélien Haaretz), ont infiltré une structure spécialisée dans l’influence, la manipulation électorale et la désinformation.

    Cette société n’a aucune existence légale. Pour la trouver, il faut se rendre dans la zone d’activités de Modiin, entre Jérusalem et Tel Aviv. Ses bureaux sont fonctionnels mais discrets. « Vous voyez sur la porte ? Il n’y a rien. Nous ne sommes rien », plaisante celui qui nous accueille. C’est pourtant là qu’opère une équipe que nous appellerons « Team Jorge ». Car « Jorge », c’est le surnom que se donne son principal responsable. Sur place, impossible d’interviewer quiconque, compte tenu de la méfiance qui règne à l’égard de la presse et de la sensibilité des activités qui y sont développées. Les employés se présentent comme d’anciens officiers de l’armée ou des services de renseignements israéliens, des experts en information financière, en questions militaires, en guerre psychologique, ou en médias sociaux. Pour comprendre ce qu’ils font réellement, nous n’avons donc eu d’autre choix que de nous présenter comme des « consultants indépendants » missionnés par un client africain qui souhaitait influencer un scrutin électoral.

    « La plupart du temps, les clients ne veulent pas que nous apparaissions, nous explique un cadre de la société. Nous aimons être en coulisses. C’est ce qui fait notre force », précise Jorge. À l’en croire, sa société serait active sur tous les continents : « Nous sommes intervenus dans 33 campagnes électorales au niveau présidentiel. » « Les deux-tiers d’entre elles en Afrique anglophone et francophone. Vingt-sept ont été un succès », revendique l’un de ses collègues. Ils ne s’interdisent d’intervenir que dans trois domaines : la politique nationale américaine, la Russie et Israël.

    Des milliers de faux profils
    Au cœur de son activité : la désinformation en ligne. Team Jorge développe depuis six ans une plateforme numérique d’une efficacité redoutable baptisée Aims pour « Advanced Impact Media Solutions », qui signifie « solutions avancées pour un impact médiatique ». Un acronyme qui veut aussi dire en anglais : « objectifs à atteindre ». Ce logiciel permet de fabriquer des faux profils et de les activer sur les plus grands réseaux sociaux. Nos interlocuteurs affirment avoir vendu Aims à plusieurs services gouvernementaux de renseignements.

    Ce logiciel produit des avatars : des gens qui n’existent pas, mais qui disposent d’une apparence réelle sur internet et de centres d’intérêts crédibles. Ces faux profils publient leurs soi-disant opinions dans l’espoir d’influencer le plus de « twittos » possibles. Début janvier 2023, le système exploitait 39 213 faux profils différents, consultables dans une sorte de catalogue. On y trouve des avatars de toutes ethnies et nationalités, de tous genres, célibataires ou en couple… Leurs visages sont des portraits de vraies personnes piochées sur internet, et leurs patronymes, la combinaison de milliers de noms et de prénoms stockés dans une base de données.

    Pour crédibiliser ces avatars, Aims peut leur ouvrir des comptes sur Amazon ou même Airbnb, et laisser des commentaires en dessous de vidéos YouTube. Ces abonnements sont ensuite authentifiés et validés par courrier électronique (souvent sur Gmail) ou par SMS. Car Aims génère aussi des numéros de téléphones virtuels permettant de recevoir ou d’envoyer des textos.

    Pour nous convaincre, Jorge fabrique sous nos yeux un avatar avec toutes ses caractéristiques, comme s’il commandait une pizza à la carte avec différents ingrédients : « Royaume-Uni… Femme… Isla Sawyer ? Je n’aime pas ce nom… Sophia Wilde… Je préfère ce nom là ! Ça fait british. De quelle ville vient cette dame ? Leeds ? Non, Londres. Maintenant, elle a un email, une date de naissance. Elle a même une empreinte digitale. Il reste à mettre une série de photos. Et tous ses comptes vont être vérifiés par SMS car j’ai généré son numéro de téléphone britannique. »

    La « fausse » mort d’un émeu
    Il ne suffit pas de disposer d’une gigantesque base de faux profils pour qu’ils soient crédibles. Encore faut-il les animer. Aims les fait donc régulièrement interagir sur les réseaux sociaux (Twitter, Facebook, Instagram…) et sur des boucles Telegram. Ces interactions peuvent être pilotées de façon automatique par la plateforme. Et pour nous démontrer ce dont elle est capable, Team Jorge va diffuser une fausse information : la mort aux États-Unis d’un émeu nommé « Emmanuel » qui est très populaire sur Twitter. Les 29 et 3 juillet 2022, Aims diffuse le hashtag #RIP_Emmanuel (« Rest in peace », « repose en paix ») sur Twitter et Facebook, en faisant référence à une vidéo du volatile datant du 27 juillet.

    En quelques heures, l’activation de centaines de comptes gérés par Aims viralise la nouvelle du décès de l’animal. D’autres comptes viennent renforcer l’opération en publiant des commentaires. Le résultat est sidérant. #RIP_Emmanuel, une information parfaitement fausse, figure en « tendances Twitter » dans certains pays comme la Slovaquie, obligeant la propriétaire de l’autruche à démentir l’affirmation à ses plus de 810 000 abonnés. « Je me suis réveillée pour découvrir que quelqu’un avait lancé une rumeur selon laquelle Emmanuel était MORT, écrit-elle. J’ai littéralement couru jusqu’à la grange pour voir si c’était vrai. Il m’attendait à la porte, bien vivant et prêt pour les câlins. EMMANUEL N’EST PAS MORT !! »

    Dans le cadre du projet « Story killers », Le Monde a référencé les comptes Twitter utilisés pour populariser #RIP_Emmanuel. Et il a découvert qu’ils avaient été activés lors d’une vingtaine d’autres opérations de désinformation autrement plus sérieuses que la fausse mort d’un émeu. « On a été très surpris et impressionnés par le degré de sophistication technique de cette plateforme, et par les dispositions mises en place pour échapper aux mesures de détection de Facebook notamment, témoigne Damien Leloup, notre confrère du Monde. Aims est capable de générer des éléments techniques qui lui permettent vraiment de se faire passer pour un humain. »

    Six millions d’euros pour le report d’une élection
    Dans une vidéo adressée à leurs clients qui résume leur savoir-faire, les membres de Team Jorge se vantent d’avoir aussi participé au sabotage de plusieurs scrutins, dont notamment le premier référendum sur l’indépendance de la Catalogne organisé le 9 novembre 2014. Il arrive parfois que Team Jorge renforce son dispositif automatique en recrutant des rédacteurs (des étudiants sachant écrire et parler des langues étrangères), dans les pays où il envisage une opération. En échange d’un Smic local, ils deviendront les « petites mains » des futures campagnes numériques.

    Team Jorge nous raconte que, pour obtenir le report d’un scrutin dans un pays africain, il a facturé sa prestation six millions d’euros. « La première des choses qu’on a faites, c’était une recherche et une analyse très profondes sur le pays, raconte un des opérateurs. Ensuite, il fallait savoir si le résultat du scrutin aurait des répercussions dans d’autres pays. Par exemple, aux États-Unis ou en Europe. Afin d’évaluer ce qu’on pouvait faire aussi là-bas pour servir les intérêts de notre client. » La société active ensuite sa plateforme Aims. Elle inonde les réseaux sociaux. Mais la campagne se fait aussi avec des SMS qui relayent des messages politiques. Jusqu’à deux millions de SMS en une semaine : « L’objectif, c’est de créer une atmosphère sur le terrain comme à l’international qui permette de faire apparaître le report de l’élection comme étant la meilleure solution. »

    Placer ses cibles sur écoute
    Autre volet de l’opération : semer la discorde au sein des clans qui contrôlent les leviers du pouvoir. « Nous devons être très malins pour provoquer des heurts entre les généraux et leurs familles. Entre chaque chef de tribu. » D’où la nécessité de bénéficier de l’aide – pour ne pas dire la complicité – d’employés de compagnies téléphoniques locales pour mettre des cibles sur écoute, nous explique-t-on, afin de « savoir ce que pensent les responsables du camp adverse ». La mise sur écoute est facturée 50 000 euros pièce, nous dit-on.

    On organise enfin un lobbying ciblé. « La dernière chose que les gens souhaitent, c’est l’instabilité, nous explique-t-on. En Europe, vous vous dites : ‘S’il y a de l’instabilité, il va y avoir des vagues de migrants’, et cela vous inquiète. Tandis qu’aux États-Unis, on craindra plutôt que ces événements fassent monter le prix de l’énergie… » Et pour transmettre ces messages, Team Jorge dit s’appuyer sur des personnalités connues comme l’israélien Ilan Mizrahi, ancien directeur adjoint du Mossad et ancien conseiller à la Sécurité nationale du Premier ministre Ehud Olmert, ou encore Roger Noriega, un ancien diplomate des administrations Bush Jr. et Reagan. Ilan Mizrahi nous a dit connaître Jorge mais ne pas avoir de lien d’affaires avec lui. Quant à Roger Noriega, il affirme ne pas se souvenir de son nom.

    BFMTV infiltrée
    Quoi qu’il en soit, et preuves à l’appui, Team Jorge affirme qu’il peut aussi « recruter » des journalistes au sein de grands médias étrangers. Selon nos informations, dans ce cas-là, une publication peut être facturée 20 000 euros au client, dont 3 000 seraient reversés en espèces au journaliste en bout de chaîne. Lors de l’une de nos discussions, les responsables de la société israélienne nous montrent une vidéo du 19 septembre 2022 dans laquelle on voit Rachid M’Barki, le journaliste de BFMTV, faire part, images à l’appui, des difficultés que connait l’industrie du yachting à Monaco après la mise en place des sanctions contre les oligarques russes. Une fois diffusé, cet extrait a été isolé et diffusé massivement sur Twitter par la plateforme Aims, afin de le rendre viral. L’objet de cette intervention consiste donc clairement à discréditer les sanctions infligées à la Russie. Mais nous avons recensé d’autres informations du même type, dont certaines sont diffusées par un site francophone tout aussi obscur « News365 ». Son rédacteur en chef est lui-même un avatar. Et sur ce site, écrit un autre personnage-clé de cette affaire, Jean-Pierre Duthion, que Rachid M’Barki a désigné comme étant celui qui lui fournissait les textes et les images à diffuser à l’antenne.

    Jean-Pierre Duthion n’est pas un inconnu dans l’univers des médias. Entrepreneur expatrié en Syrie de 2007 à 2014, il relatait la vie quotidienne à Damas où il servait aussi de facilitateur à de nombreux reporters étrangers envoyés sur place, avant de devenir, selon un bon connaisseur du secteur, « un bulldozer » de la désinformation. Interrogé par Forbidden Stories, celui qui se présente comme « lobbyiste » et comme « mercenaire » a reconnu être à l’origine de la diffusion des informations contestées sur BFMTV, tout en relativisant les faits. « BFMTV est devenu l’agneau sacrificiel, nous a-t-il dit. On est en train de découvrir que des agences de com’ dont l’objectif est de placer des sujets, arrivent à faire leur travail. » Mais il dément avoir payé le journaliste et affirme ne rien savoir du commanditaire. « Je reçois des missions sans connaître le client final, explique-t-il. C’est très cloisonné. Je ne me pose pas de questions. Je fais ce qu’on me dit de faire. Moins j’en sais, mieux je me porte. »

    D’autres informations biaisées ont été relayées par Rachid M’Barki, comme la gestion du port de Douala au Cameroun par la société Portsec, là encore reprise par News365. Selon le témoignage d’un autre journaliste de BFMTV, la pratique ne serait pas isolée. Lui affirme avoir été contacté par Jean-Pierre Duthion dès 2020. Un an plus tard, le lobbyiste lui aurait précisé : « Je suis missionné pour payer des journalistes pour faire passer des informations… Je connais vos salaires. Je sais qui peut en avoir besoin, lui aurait-il dit. Grâce à moi, ils peuvent s’offrir des vacances, car je sais que les fins de mois peuvent être difficiles. » Toujours selon son témoignage, Jean-Pierre Duthion l’aurait rappelé en janvier 2023, soit juste après la suspension de Rachid M’Barki, mais il déclare ne pas avoir donné suite. De son côté, Jean Pierre Duthion nous a répondu : « Je n’ai jamais et ne rémunèrerai jamais un journaliste. Aucune preuve, aucun élément ne permet d’affirmer le contraire. »

    Jorge : un ancien de l’armée israélienne
    Nous avons finalement pu identifier qui se cachait derrière le mystérieux Jorge, le maître d’œuvre de ces opérations. Il se fait aussi appeler « Michael », « Joyce Gamble » ou « Coral Jaime ». Il dispose de plusieurs adresses email et de numéros de téléphones dans différents pays. Mais il se nomme en réalité Tal Hanan. Il est à la tête de deux sociétés opérant dans la sécurité et le renseignement : Sol Energy et Denoman. Sur le site internet de cette dernière, il est décrit comme un spécialiste des explosifs ayant servi dans les forces spéciales de l’armée israélienne et comme ancien officier de liaison de Tsahal, l’armée de défense d’Israël, auprès du commandement des forces spéciales de la sixième flotte des États-Unis. Selon sa biographie, il aurait aussi « commandé des opérations de protection des cadres à haut risque au Mexique, en Colombie et au Venezuela, et dirigé des programmes de formation en matière de lutte contre le terrorisme… pour le gouvernement américain ». Titulaire d’un diplôme en relations internationales de l’Université hébraïque de Jérusalem, il est présenté comme « un conférencier très recherché qui a fait des exposés devant le Congrès américain, de nombreux gouvernements étrangers et des sociétés internationales ». On le retrouve interviewé dans plusieurs médias en lignes et dans de grands journaux comme le Washington Post en 2006.

    Quand Jorge approche Cambridge Analytica
    Grâce à nos confrères du Guardian, nous avons eu accès à des mails qui montrent qu’entre 2015 et en 2017, Tal Hanan a cherché à travailler pour Cambridge Analytica, société de l’ombre qui a œuvré pour la campagne de Donald Trump, et dont le nom a été mêlé à un scandale de vol de données de Facebook. Dans un de ces courriels daté de 2016, Jorge propose à Cambridge Analytica de lui fournir des vidéos permettant de faire croire aux électeurs américains que Donald Trump s’adresse à eux personnellement. Il y est aussi question d’une vidéo concernant « Clinton », vraisemblablement Hillary Clinton, alors en lice dans la course à la présidence des États-Unis. Il se vante aussi de pouvoir créer entre 3 000 et 5 000 faux profils par semaine sur les réseaux sociaux. Il se propose encore de « donner un coup de main sur le Kenya » où des élections présidentielles doivent bientôt avoir lieu.

    En 2017, il explique au grand patron de Cambridge Analytica, Alexander Nix, que ses services sont si efficaces que, pour gérer une situation de crise, un de ses clients a été « très heureux » de payer un million d’euros. Alexander Nix rejettera ses propositions. « Nous avons déjà notre propre société de production de médias », lui répond-il poliment, et « aucun de nos clients n’acceptera de payer entre 400 000 et 600 000 dollars par mois pour une gestion de crise ».

    Sollicité par Forbidden Stories, Tal Hanan n’a pas répondu à nos questions. Difficile de déroger à la culture du secret lorsque l’on travaille dans l’ombre. Ce secret est pourtant éventé. Selon Anat Ben David, professeure associée de communication à l’Université ouverte d’Israël, non seulement les révélations du projet « Story Killers » lèvent le voile sur les coulisses de la désinformation et ses nouveaux acteurs, mais elles mettent aussi en lumière les failles des réseaux sociaux : « Nous sentions bien, tous, que quelque chose n’allait pas. Nous analysions les profils sans rien pouvoir faire de plus. Mais avec cette investigation on voit enfin en temps réels comment les choses se passent. » Et comment ces réseaux, faute de régulation, mais aussi parce qu’ils sont instrumentalisés par des officines malveillantes, permettent de manipuler l’opinion.

    France TV Info, 14/02/2023

    #Team_Jorge #Forbidden_stories #Espionnage #Désinformation #Piratage #Hacking

  • « Team Jorge », le roi de la désinfomation et le piratage

    Tags : réseaux sociaux, faux comptes, manipulation, fake news, diffamation, trolls, Forbidden Stories,

    L’agence israélienne « Team Jorge » répand la désinformation dans le monde entier depuis des années avec un système sophistiqué de faux comptes pour manipuler les réseaux sociaux. La société fantôme opère complètement sous le radar, mais a été révélée grâce à une opération d’infiltration par des journalistes.

    Beaucoup d’encre a déjà coulé sur le danger de la désinformation en ligne et des fausses nouvelles. Mais une enquête mondiale sur la cyber-industrie responsable des campagnes de diffamation, des armées de trolls et du trucage des élections n’avait jamais eu lieu. C’est pourquoi l’association parisienne Forbidden Stories, qui poursuit le travail des journalistes menacés ou assassinés, s’est associée à 30 médias – dont Knack et Le Soir. Avec la même équipe de journalistes, nous avions déjà exposé en 2021 comment le logiciel espion Pegasus du groupe NSO était abusé pour espionner les journalistes.

    En mémoire du journaliste indien assassiné Gauri Lankesh, nous avons lancé le projet #StoryKillers, une enquête sur les mercenaires de désinformation. Il a débuté par une réunion de partenaires médias à Paris en juin 2022. Lors d’une séance de brainstorming sur la manière de cartographier l’industrie obscure et mystérieuse de la désinformation, l’idée d’une opération d’infiltration est née. Et si nous faisions semblant d’être des clients potentiels afin d’approcher des entreprises qui vendent des services de désinformation ?

    « Interférence dans 33 élections présidentielles »

    « Nous sommes les représentants d’un client potentiel d’un pays africain. Pouvez-vous nous aider à reporter les élections ? Sous cette couverture, nos collègues de TheMarker, Radio France et Haaretz ont réussi à contacter un acteur secret de l’industrie de la désinformation par l’intermédiaire. Et le poisson a mordu. Au cours des six derniers mois, l’équipe d’infiltration a eu plusieurs réunions – en ligne et en face-à-face – avec une agence qui ne devient publique (et toujours dans un cercle restreint) que sous le nom de « Team Jorge » . Les rencontres ont été secrètement filmées.

    L’homme qui s’est présenté comme Jorge s’est avéré être un vendeur de premier ordre. Dans des présentations étonnantes, il a exposé les outils à la disposition de son équipe : cyber-attaques, campagnes internationales de désinformation, documents falsifiés, diffamation d’opposants politiques, diffusion de faux rapports, vol de documents bancaires… Jorge a même affirmé que lui et ses associés s’étaient immiscés dans 33 élections présidentielles dans le monde « dont 27 avec succès ».

    En outre, Jorge a affirmé être à l’origine d’une cyberattaque notoire visant à saboter le référendum sur l’indépendance de la Catalogne en 2014. Il a également raconté comment un client l’avait payé pour aider à arrêter le magnat de la mode canadien Peter Nygård pour des crimes sexuels présumés. Et il s’est vanté d’une attaque en 2015 contre les téléphones du parti d’opposition au Nigeria, dans le cadre d’une campagne électorale à laquelle il a collaboré avec la célèbre société britannique Cambridge Analytica.

    Les argumentaires de vente d’une heure de Jorge et de ses associés n’étaient que le point de départ de notre enquête, car nous devions bien sûr revérifier toutes les affirmations faites dans les présentations de Jorge. Et surtout : découvrir qui est vraiment ce mystérieux Jorge.

    Télégramme piraté

    Lors des premières réunions en ligne avec les journalistes infiltrés de TheMarker, Radio France et Haaretz, l’équipe Jorge a expliqué que toute opération d’influence comporte trois phases : recueillir des renseignements, construire une histoire, puis la diffuser largement pour obtenir un impact maximal.

    Pour récolter des renseignements – utiles si vous voulez noircir quelqu’un – l’équipe utilise, entre autres, le piratage. Par exemple, lors d’une démonstration en direct, il a montré l’accès au compte Telegram d’un ministre kenyan en envoyant un message en son nom. Forbidden Stories a pu vérifier que le message était bien arrivé. L’équipe Jorge a également eu accès à plusieurs comptes de messagerie d’éminentes personnalités, dont le compte gmail d’un homme d’affaires indonésien et d’un ministre mozambicain.

    On ne sait pas comment l’équipe a réussi à déjouer Telegram. Cela peut avoir été fait en menant des attaques dites SS7. Celles-ci répondent à une vulnérabilité du système de signalisation #7, qui est utilisé dans le monde entier par les fournisseurs de télécommunications pour permettre, entre autres, les appels d’un téléphone mobile à un autre. Telegram répond que les utilisateurs en question n’avaient pas activé la vérification en deux étapes pour protéger leur compte.

    Une armée de 39 000 faux profils

    L’équipe Jorge a développé son propre outil avancé pour les campagnes de désinformation en ligne : Advanced Impact Media Solutions (AIMS). Avec cette plateforme logicielle (qui n’a jamais été divulguée auparavant), il peut mettre en place massivement de faux profils sur les réseaux sociaux – les soi-disant avatars – mais aussi créer de faux articles de presse et de blogs et, surtout, diffuser des contenus de manière coordonnée.

    AIMS permet de créer de faux comptes pour des personnes inexistantes sur simple pression d’un bouton, et de manière très crédible, sur de nombreux réseaux sociaux : Twitter, Facebook, Instagram, Amazon, Discord, Reddit… Chaque personnage fictif obtient un premier nom, langue, lieu de résidence, sexe et date de naissance. Les photos volées à d’autres internautes sont utilisées comme images. Les faux profils peuvent même avoir un portefeuille de crypto-monnaie.

    Selon l’interface utilisateur présentée à notre équipe, AIMS gérait plus de 39 000 avatars en décembre 2022 et avait la capacité d’en créer facilement et rapidement de nouveaux. « Nous avons des Arabes, des Russes, des Asiatiques, tout. Des Africains, bien sûr », a déclaré Jorge lors d’une présentation, faisant défiler son inventaire de comptes fictifs.

    Détection de contournement

    Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft ont naturellement mis en place des systèmes de détection pour repérer les faux comptes. Mais AIMS parvient également à contourner cela.

    Pour éviter que de nouvelles inscriptions massives soient mises en place à partir d’une seule et même adresse IP, Team Jorge s’appuie sur une série de proxys dits résidentiels (pour faire simple : serveurs tiers). Cela donne l’impression que les avatars vivent vraiment dans d’autres pays. Et pour contourner le processus de confirmation d’identité des différents sites, des SMS sont envoyés aux numéros virtuels créés pour les avatars. Cela rend beaucoup plus difficile d’exposer les profils comme faux.

    L’armée de faux comptes peut être coordonnée pour mener des campagnes de tromperie ciblées sur les réseaux sociaux. Et mieux encore : la création du contenu que ces faux profils diffusent se fait également de manière automatique, contrôlée par l’intelligence artificielle (IA). Vous choisissez un ton (négatif, positif ou neutre) et le système génère des tweets et des messages difficiles, voire impossibles, à détecter comme générés par la machine.

    Nous avons présenté des images de la présentation AIMS de l’équipe Jorge au professeur Anat Ben-David, chercheur en médias numériques au Département de sociologie, de sciences politiques et de communication de l’Open University israélienne. Elle a été impressionnée : « Ce sont des technologies et des compétences qui n’ont jamais été vues de l’intérieur. »

    RIP Emmanuel

    La présentation AIMS semblait convaincante, mais cela ne signifie pas que le système fonctionne dans le monde réel. Nous avons donc demandé à l’équipe Jorge de nous faire une démonstration.

    À l’été 2022, « Emmanuel l’émeu » est devenu viral sur les réseaux sociaux, chouchou du célèbre influenceur Taylor Blake. Nous avons défié l’équipe Jorge avec une mission : répandre la rumeur sur Twitter que l’émeu est mort. Résultat? En utilisant les faux comptes d’AIMS, le hashtag #RIP_Emmanuel s’est propagé sur Twitter en un rien de temps. La campagne, nous avons pu déterminer par nous-mêmes, comprenait des milliers de tweets, de partages et de likes.

    Jorge nous a envoyé une capture d’écran montrant que #RIP_Emmanuel était l’un des articles tendance sur Twitter en Slovaquie, avec 1347 tweets dans ce seul pays. En Afrique, en Europe et aussi aux Etats-Unis, la mort de « la légende » a été déplorée et les gens ont écrit combien « Emmanuel va nous manquer ».

    Mission accomplie. Mais en même temps, l’équipe Jorge s’était exposée. Après tout, nous avons maintenant pu découvrir quels faux profils ont été utilisés dans la campagne de désinformation autour d’Emmanuel. Sur la base de ces informations, nous avons continué à enquêter. Par exemple, nous avons pu identifier plus de 1700 comptes Twitter et près de 250 comptes Facebook similaires, ainsi que certains profils YouTube et Reddit, qui appartiennent à la plateforme AIMS.

    Tous ces faux comptes se sont également avérés être utilisés dans au moins 19 véritables campagnes de désinformation orchestrées par l’équipe Jorge : de la promotion de l’énergie nucléaire en Californie au soutien du président sénégalais Macky Sall dans sa candidature à la réélection en 2019, en passant par le dénigrement du dénonciateur suisse Xavier Justo qui a contribué à révéler le scandale de corruption 1MDB en Malaisie. Maintenant, nous étions sûrs à 100 % : l’équipe Jorge a répandu la désinformation dans le monde entier avec sa technologie AIMS.

    « Quelle est la différence entre une théorie du complot et la vérité ? », a demandé Jorge lors d’une des réunions. Il a répondu lui-même. « Dix-huit mois. »

    Facebook répond

    Nous avons présenté nos conclusions sur les faux profils à Meta, la société au-dessus de Facebook. En 2019, nous avons mis fin à une opération d’influence liée à une société israélienne appelée Archimedes Group.

    «Cette dernière activité que Forbidden Stories nous a signalée la semaine dernière est une tentative de certains des mêmes individus de revenir et nous les avons retirés pour avoir enfreint nos politiques. Notre évaluation initiale a montré que depuis 2019, ces tentatives ont été bloquées par nos systèmes automatisés ou n’ont pas réussi à créer une audience authentique.

    « La dernière activité du groupe semble s’être concentrée sur la diffusion de fausses pétitions sur Internet ou sur la diffusion d’histoires fabriquées dans les médias grand public. »

    600 liens pour une histoire

    Un autre outil de l’arsenal de l’équipe Jorge est Blogger. Ce logiciel fournit les liens que les faux profils peuvent diffuser lors de campagnes de désinformation. Le matériel peut aller d’informations divulguées à des vidéos, et est hébergé sur des sites Web apparemment authentiques.

    Selon Jorge, Blogger peut créer 600 liens pour la même actualité. Nous n’avons pas vu de version fonctionnelle du système Blogger, mais nous avons vu son résultat : une feuille de calcul avec des centaines de liens menant à ce qui semblait être la même poignée d’actualités et de vidéos d’une élection en Asie.

    Et la manipulation astucieuse va encore plus loin que cela. Nous avons découvert que Team Jorge parvient même à poster de faux messages dans les médias français. En effet, lors d’une réunion, Jorge a montré un fragment d’un message diffusé en décembre sur la chaîne française d’information en continu BFM TV. Jorge a affirmé qu’il était derrière tout cela.

    Dans l’article, le présentateur de télévision français Rachid M’Barki a déclaré que les sanctions contre les oligarques russes conduiraient au chômage de dizaines de milliers de personnes – car indirectement les chantiers navals étaient également touchés. Forbidden Stories a contacté la direction de BFM TV à propos de cette étrange histoire. La chaîne a lancé une enquête interne et le présentateur a été suspendu. M’Barki a admis qu’il avait suivi les instructions d’un intermédiaire pour cette histoire, mais a déclaré qu’il n’avait pas reçu d’argent pour cela.

    Le présentateur de télévision n’a pas répondu à nos questions, mais s’est plutôt défendu dans la presse : « Peut-être que j’ai été trompé. Je n’avais aucune impression que c’était le cas ou que je participais à une quelconque opération chirurgicale. Sinon, je ne l’aurais pas fait.

    Fil rouge : discrétion

    Team Jorge n’a pas d’adresse, pas de numéro de téléphone, pas de site web, pas de coordonnées et n’est pas enregistrée en tant qu’entreprise.

    La discrétion était également de mise lors de nos rencontres avec la Team Jorge. Jorge lui-même et ses compagnons n’ont jamais révélé leur véritable identité, mais ont invariablement travaillé avec des pseudonymes. Par exemple, il y avait un certain « Nick », qui a été présenté comme le directeur de l’équipe Jorge. Et Jorge lui-même ne nous a parlé qu’à partir d’un numéro de téléphone indonésien. Au début, il n’a même pas révélé son visage.

    Ce penchant pour la discrétion est également ressorti en ce qui concerne l’argent. Les opérations de l’équipe Jorge ont un prix élevé : de quelques centaines de milliers de dollars pour une opération mineure à 15 millions de dollars pour tenter d’influencer une campagne présidentielle. Mais le paiement pourrait se faire de diverses manières – sous le radar – via des crypto-monnaies, des dons à des ONG, des transferts à des sociétés écrans…

    Forces spéciales de l’armée israélienne

    Après des mois de recherches approfondies, nous avons pu découvrir qui se cache derrière le pseudonyme « Jorge ». Son vrai nom est Tal Hanan, un Israélien de 51 ans qui vit avec sa famille à Modi’in, une ville entre Jérusalem et Tel-Aviv. Hanan est le chef officiel de deux sociétés : la société d’énergie Sol Energy et Demoman, une société de sécurité israélienne fondée en 1999, spécialisée à la fois dans le contre-terrorisme et l’intelligence économique.

    Sur le site de Demoman, Hanan est décrit comme un spécialiste des explosifs qui a servi dans les forces spéciales de l’armée israélienne. Hanan a dirigé de nombreuses missions de renseignement, de sécurité, d’application de la loi et de lutte contre la corruption, ainsi que des missions et des projets de conseil pour divers membres de l’OTAN, des gouvernements sud-américains et des entreprises privées du secteur pétrolier et gazier. Il a dirigé des opérations de protection à haut risque au Mexique, en Colombie et au Venezuela.

    Bien que peu d’informations soient accessibles au public sur les activités de renseignement de Tal Hanan, son nom a été mentionné en mai 2015 dans un échange de courriels entre Alexander Nix et Brittany Kaiser, deux anciens cadres de Cambridge Analytica. Grâce à notre partenaire média The Guardian, nous avons pu visualiser ce trafic d’e-mails.

    Pour rappel, Cambridge Analytica était la société britannique qui collectait, analysait et utilisait les données personnelles de près de 87 millions d’utilisateurs de Facebook à leur insu et à des fins de ciblage politique. Il a joué un rôle dans la victoire électorale de Donald Trump en 2016 aux États-Unis et dans le référendum sur le Brexit en Angleterre.

    Le directeur de l’équipe Jorge « Nick » s’avère être Zohar Hanan, le frère de Tal. Il n’y a quasiment aucune information publique disponible sur ce quinquagénaire, qui en 2010 était cité dans un magazine américain comme un expert en polygraphie (une technologie de détection de mensonges) et qui était aussi présenté comme consultant pour Sensority, une ancienne start-up israélienne. up qui, entre autres, se spécialise dans les technologies de détection de stress.

    ‘Nous ne sommes rien’

    Tal Hanan n’a pas répondu à nos questions contradictoires, déclarant seulement qu’il nie tout acte répréhensible. « Toute divulgation de données personnelles (c’est-à-dire le doxxing) peut être soumise à différentes lois sur la sécurité nationale », a-t-il ajouté de manière énigmatique. Son frère Zohar a seulement répondu qu’il avait « travaillé dans la légalité toute sa vie ».

    La dernière rencontre entre l’équipe Jorge et les journalistes infiltrés de TheMarker, Radio France et Haaretz a eu lieu dans un immeuble quelconque à moitié vide de la ville israélienne de Modi’in. Jorge a un bureau au troisième étage.

    « Avez-vous vu ce qui est écrit sur la porte ? » demanda Tal Hanan. ‘Rien. Cela ne dit rien. C’est qui nous sommes. Nous ne sommes rien.’

    Cet article était basé sur des textes de Forbidden Stories, Le Monde, TheMarker, Radio France et Haaretz. Der Spiegel, Paper Trail Media et Le Monde ont analysé les faux comptes AIMS utilisés dans 19 campagnes de désinformation. The Guardian a partagé les e-mails de Cambridge Analytica.

    Knack, 14/02/2023

    #Jorge_Team #Israël #Désinformation #Forbidden_stories #Piratage #Hacking #Fake_news

  • L’Algérie face à l’alliance du mal

    Tags : Maroc, APS, cyberattaque, Israël,

    La violence de la cyberattaque dont l’Agence de presse publique (Aps) a été la cible dans la soirée d’avant-hier ne relève pas de l’exception. Beaucoup de cyber-agressions ont été perpétrées contre des institutions du pays, ces dernières années. Mais cette dernière attaque précisément signe l’aggravation d’une guerre de 4e génération que le Maroc et Israël mènent contre l’Algérie. Ainsi, en plus d’inonder le marché algérien de drogue, dont la capacité d’addiction a été sensiblement renforcée, la multiplication de pages facebook, Tiktok, Instagram et autres réseaux sociaux, entièrement réservés à attenter au moral des Algériens, les deux ennemis concentrent également leur tirs sur des organismes publics, avec cette fois, une pointe de sophistication que seule une velléité guerrière peut expliquer.

    L’on n’est pas dans le chapitre de petits jeunes qui voudraient s’amuser, mais une véritable opération d’envergure destinée à saper l’un des outils de communication de la République algérienne. L’intention est ainsi clairement orientée vers un niveau d’hostilité de plusieurs crans au-dessus d’une volonté de déranger. En fait, on ne cherche pas à déranger l’Algérie, mais à la détruire. Un épisode qui renseigne sur le caractère belliqueux de l’alliance israélo-marocaine.

    Cette énième attaque ne doit pas détourner l’attention des Algériens sur les autres vagues d’offensives sur les réseaux sociaux où l’on cherche à saper leur moral. Mais ne nous détrompons pas. Et pour cause, même si la société a réussi à déjouer tous les plans imaginés par les influenceurs marocains et autres pour provoquer l’implosion du pays, elle reste encore la cible d’autres tentatives, de plus en plus «pointues» et forcément de mieux en mieux élaborées.

    Les agresseurs, plusieurs fois démasqués par les citoyens qui s’organisent dans les réseaux sociaux pour défendre le pays, développent un lexique très proche de celui utilisé jadis lors des «révolutions » arabe et aujourd’hui, dirigé contre de grands pays, comme la Russie et la Chine. Sauf que chez nous la situation est différente, en raison des expériences vécues par le peuple. Ce dernier reste tout à fait imperméable à certaines actions de déstabilisation.

    Mais ce ne sont pas ce genre de contraintes qui décourageraient les cercles hostiles à l’Algérie. Ils sont aux aguets et scrutent le moindre mouvement de la société pour y injecter leur venin. Comme ils l’ont fait ailleurs, notamment en Ukraine, en 2014, ils ont la capacité de sortir de leurs laboratoires un discours susceptible de se rapprocher des réalités algériennes, avec l’objectif assigné à leurs agents de casser l’unité du pays et du peuple. Les Algériens ne se trompent pas d’ennemi. Ils savent à qui ils ont affaire, mais la vigilance doit être au maximum. Après l’attaque de l’Aps, Dieu sait ce que l’alliance du mal prépare…

    Par Nabil G.

    Ouest Tribune, 14/02/2023

    #Algérie #Maroc #APS #Cyber_attaque

  • Affaire Pegasus : Panique à Tel-Aviv

    Affaire Pegasus : Panique à Tel-Aviv

    Tags : Parlement européen, Pegasus, espionnage. NSO Group, Israël, Maroc,

    A la veille de la réunion de la commission Pegasus, l’entité sioniste tente de manipuler l’opinion internationale

    L’entité sioniste manigance pour éviter d’être épinglée par l’Union européenne (UE) à cause du scandale d’espionnage Pegasus en se présentant comme victime, à son tour, de ce logiciel décrié par la communauté internationale.

    A la veille de la réunion de la commission du Parlement européen (PE) en charge de l’affaire d’espionnage, jeudi, plusieurs médias internationaux ont fait l’écho d’un pseudo scandale qui serait en train d’ébranler la scène politique interne de l’entité sioniste. Un scandale selon lequel plusieurs personnalités publiques auraient été espionnées par les services de police sionistes, sans autorisation.

    Le subterfuge concocté par les manipulateurs sionistes voudrait que la police d’occupation ait eu un large recours au logiciel Pegasus contre des personnalités politiques et médiatiques, sans autorisation judiciaire.

    Cette opération de manipulation médiatique destinée à faire croire à l’opinion publique internationale que l’entité sioniste n’a pas le contrôle absolu sur les actions du groupe de cybersécurité NSO, concepteur du logiciel espion Pegasus, a pour objectif d’éviter d’être épinglée lors de la réunion de la commission du PE en charge de cette affaire d’espionnage.

    Seulement, les fomenteurs de cette propagande médiatique oublient que le logiciel espion Pegasus est classé comme une exportation militaire de l’entité sioniste et sa vente est contrôlée par le gouvernement d’occupation.

    D’après le quotidien américain The New York Times du 28 janvier 2021, le gouvernement sioniste « considère depuis longtemps Pegasus comme un outil essentiel pour sa politique étrangère », traitant NSO comme son « bras de facto ».

    Selon la même source, les autorités d’occupation sionistes accordent des licences pour Pegasus à de nombreux pays avec lesquels elles espèrent renforcer la sécurité et les relations diplomatiques.

    Rappelons aussi que l’essentiel des fondateurs ainsi que de l’équipe actuelle du groupe NSO sont d’anciens membres du renseignement militaire de l’entité sioniste et beaucoup sont issus de l’unité 8200 spécialisée dans le cyber-renseignement.

    Dans ces conditions, il sera difficile à l’entité sioniste de montrer patte blanche dans cette affaire, d’autant que le 9 janvier dernier, la Cour suprême des Etats-Unis a approuvé la plainte déposée par le groupe Meta, maison mère de WhatsApp, contre le groupe NSO, l’accusant d’avoir téléphones. Plusieurs journalistes de différents pays ont également déposé plainte contre ce groupe.

    Et ces affaires en justice révèleront certainement ce que l’entité sioniste tente de cacher. En juillet 2021, une enquête mondiale menée par des médias internationaux a révélé l’utilisation, entre autres, par le Maroc du logiciel d’espionnage Pegasus.

    Jeudi, la réunion de la commission Pegasus du Parlement européen discutera également de l’implication du Maroc dans ce grand scandale international. « Jusqu’ici épargné par les travaux de la commission Pegasus, le Maroc sera à l’ordre du jour d’une réunion au Parlement européen », a écrit fin janvier le quotidien belge Le Soir.

    Source

    #Parlement_européen #Pegasus #Espionnage #Maroc #Israël

  • Nouveau gouvernement israélien: Deux ministres d’origine marocaine

    Tags : Maroc, Israël, Benyamine Netanyahou, extrê droite,

    Depuis la normalisation des relations avec Rabat en 2020, les politiciens israéliens d’origine marocaine ont joué un rôle clé sur la scène diplomatique publique, s’appuyant fortement sur l’héritage juif marocain et leur maîtrise du dialecte marocain darija.

    Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a nommé deux ministres d’origine marocaine pour rejoindre le nouveau gouvernement israélien d’extrême droite, qui serait le gouvernement le plus extrémiste de l’histoire de l’État.

    Après un fiasco politique de plusieurs mois, le nouveau gouvernement israélien, dirigé par le chef du parti de droite Likud Benjamin Netanyahu, a finalement prêté serment la semaine dernière devant le parlement.

    Deux ministres nés au Maroc ont rejoint le cabinet de Netanyahu : le ministre de l’Intérieur et de la Santé, Aryé Makhlouf Dery et le ministre du Travail, du Bien-être et des Services sociaux, Yaakov Margi.

    Aryé Dery , né en 1959 dans la ville marocaine de Meknès, a immigré avec sa famille en Israël à l’âge de neuf ans. Dery dirige le parti religieux extrémiste du parti Shas, qui représente les juifs séfarades.

    Le parti de Dery, le Shas, refuse de négocier sur l’avenir de la ville de Jérusalem et appelle les pays arabes à dédommager le peuple juif qui a quitté ses biens après son émigration.

    Le parti Shas de Dery a remporté 11 sièges lors des élections législatives de novembre de l’année dernière.

    Dery avait servi dans l’armée israélienne en 1986. En 1988, il a été nommé ministre de l’Intérieur, âgé de 29 ans, devenant ainsi le plus jeune ministre de l’histoire d’Israël.

    De son côté, le nouveau ministre israélien du Travail Yaakov Margi est né à Rabat, la capitale marocaine, en 1960, avant d’immigrer en 1962 avec sa famille en Israël.

    Margi est également membre du parti Shas, selon le site Internet de la Knesset israélienne .

    Le gouvernement nouvellement nommé de Netanyahu est considéré comme « le cabinet le plus à droite » et « le plus extrême » de l’histoire d’Israël.

    Le cabinet de Netanyahu s’est engagé à « développer les colonies », à « promouvoir l’immigration juive en Israël » et « à travailler pour renforcer le statut de Jérusalem en tant que capitale d’Israël ».

    Les politiciens israéliens d’origine marocaine ont joué pendant des décennies un rôle important dans le paysage politique israélien.

    Le précédent gouvernement israélien dirigé par Naftali Bennett, chef du parti Yamina, comprenait quatre ministres d’origine marocaine, tandis que le précédent cabinet de Benjamin Netanyahu comprenait dix ministres d’origine marocaine.

    Près d’un million de Juifs israéliens sont marocains ou d’origine marocaine, ce qui en fait la deuxième plus grande communauté du pays, selon le journal israélien Jerusalem Post .

    Depuis la normalisation des relations avec Rabat en 2020, les politiciens israéliens d’origine marocaine ont joué un rôle clé sur la scène diplomatique publique du partenariat Rabat-Tel Aviv, s’appuyant fortement sur l’atout patrimonial juif marocain et leur maîtrise du dialecte marocain darija.

    Après avoir signé l’accord de normalisation le 22 décembre 2020, Meir Ben-Shabbat, conseiller à la sécurité nationale d’Israël, est monté sur scène et s’est exprimé en dialecte marocain en disant : « Nos frères marocains, que la paix soit sur vous et que Dieu augmente votre bonté. « 

    Ben-Shabbat, qui a des racines marocaines, a terminé son discours par « Lah Yabrek Fi Aamer Sidi » , un salut marocain que les Marocains utilisent pour exprimer leur gratitude à leur roi.

    À « El-Mellahs », les quartiers juifs des villes marocaines, autrefois le cœur florissant d’une importante communauté juive comptant plus de 250 000 personnes, environ 3 000 Juifs marocains continuent de vivre dans leur patrie, le Maroc.

    Cependant, plusieurs juifs marocains, qui ont choisi de rester au Maroc, refusent d’être associés à la propagande religieuse israélienne considérant le royaume nord-africain comme leur seule patrie.

    The New arab, 03/01/2023

    #Israël #Maroc

  • Le Maroc accueille une conférence pour promouvoir la normalisation avec Israël

    Le Maroc accueille une conférence pour promouvoir la normalisation avec Israël

    Tags : Maroc, Israël, normalisation, Initiative N7, Daniel Shapiro, Conseil de l’Atlantique,

    Le Maroc a accueilli lundi une conférence sur l’éducation et la coexistence avec la participation d’Israël et des pays arabes, malgré les protestations populaires.

    Organisée par l’Initiative N7, qui cherche à élargir et à approfondir la normalisation entre Israël et ses voisins arabes, la conférence de trois jours a été suivie par des représentants du Soudan, de la Jordanie, de Bahreïn, des EAU, des États-Unis et d’Israël.

    « Depuis les accords d’Abraham, les progrès dans les relations bilatérales israélo-arabes ont été impressionnants », a déclaré Daniel Shapiro, directeur de l’initiative N7 et ancien ambassadeur américain en Israël.

    « Maintenant, ces progrès doivent s’accompagner de la mise en place de programmes et d’institutions multilatérales qui mènent à une véritable intégration régionale, et montrer les avantages de la normalisation aux citoyens de ces pays », a-t-il ajouté.

    S’exprimant lors de la conférence, William Wechsler, directeur principal du Centre Rafik Hariri et des programmes pour le Moyen-Orient au Conseil de l’Atlantique, a déclaré que les gouvernements de la région et l’administration américaine considèrent l’Initiative N7 comme un « partenaire clé ».

    « Il est important pour l’avenir de la normalisation que les jeunes générations de la région interagissent et apprennent les unes des autres », a-t-il ajouté.

    Israël et le Maroc ont annoncé la reprise de leurs relations diplomatiques en décembre 2020, après leur suspension en 2000. Le Maroc est devenu le quatrième pays arabe à normaliser ses liens avec l’État d’occupation israélien, après les Émirats arabes unis, Bahreïn et le Soudan.

    Les organismes et partis marocains ont catégoriquement rejeté la normalisation des relations avec Israël et ont organisé de nombreuses manifestations contre cette décision.

    #Maroc #Israël #Normalisation

  • Maroc : Des experts d’Israël et de six pays arabes parlent de coexistence

    Maroc : Des experts d’Israël et de six pays arabes parlent de coexistence

    Tags : Maroc, Israël, Bahreïn, Soudan, Égypte, Jordanie, N7,

    Des responsables gouvernementaux, des universitaires et des experts en politique d’Israël et de plus de six pays arabes se réunissent au Maroc lundi pour une réunion de trois jours sur l’éducation, la coexistence et les liens entre les peuples dans la région.

    La conférence est organisée dans le cadre de l’initiative N7 du Conseil atlantique et de la Fondation Jeffrey M. Talpins dans le but de trouver des idées et des propositions pratiques pour des projets gouvernementaux régionaux.

    La conférence N7 a été convoquée pour la première fois l’année dernière à Abu Dhabi avec des ministres d’Israël, des Émirats arabes unis, de Bahreïn, du Maroc, du Soudan, d’Égypte et de Jordanie. L’idée était de soutenir les accords d’Abraham et de créer un autre forum d’engagement entre Israël et les pays de la région.

    William Wechsler, directeur principal des programmes pour le Moyen-Orient au Conseil atlantique, a déclaré que la conférence, qui aura lieu du 5 au 7 décembre à Rabat, se concentrera sur des idées et des projets pratiques tels que la création de plates-formes pour les échanges régionaux d’étudiants et de jeunes et le renforcement de la tolérance religieuse.

    Des sources impliquées dans la conférence ont déclaré à Axios que des experts de pays arabes et musulmans qui ne font pas partie des accords d’Abraham et n’ont pas de relations diplomatiques avec Israël participeront en tant qu’observateurs.

    L’ambassadeur des États-Unis au Maroc, Puneet Talwar, ainsi qu’André Azoulay, conseiller du roi du Maroc Mohammed V, devraient prendre la parole à la conférence. La délégation israélienne comprend l’ancien ministre Tzahi Hanegbi du parti Likoud de Benjamin Netanyahu.

    Des représentants palestiniens devraient également y participer.

    Selon M. Wechsler, les organisateurs espèrent que les idées et les recommandations de la conférence au Maroc pourront être utilisées par les gouvernements qui font partie du forum du Néguev, dont les États-Unis.

    Les groupes de travail du forum du Néguev devraient se réunir à Abu Dhabi en janvier. « Les peuples de la région doivent voir les avantages du processus de normalisation », a déclaré M. Wechsler.

    Selon Oreen Eisner, président de la Jeffrey M. Talpins Foundation, « l’éducation et la coexistence sont importantes pour le processus de normalisation afin que les jeunes de la région soient capables de travailler ensemble ».

    #Maroc #Israël #Normalisation #N7