El Djeich : Terrorisme et trahison, deux faces d’une seule médaille – armée, lutte antiterroriste, ANP, Saïd Chengriha,
« Les détachements de l’Armée nationale populaire ont enregistré des résultats remarquables dans la lutte contre le terrorisme, grâce à des efforts soutenus traduisant une volonté d’acier d’éradiquer ce phénomène étranger aux valeurs de notre religion et de notre société », écrit la revue El Djeïch dans son dernier numéro.
« Le déplacement de Monsieur le chef d’état-major de l’ANP, le général de corps d’armée, Saïd Chengriha, sur les lieux de l’opération militaire dans la wilaya de Skikda, est l’expression de sa volonté de veiller personnellement au suivi sur le terrain des efforts acharnés déployés par les éléments de l’Armée nationale populaire, qui font vaillamment face aux groupes terroristes en les poursuivant jusque dans leurs derniers retranchements afin de les éradiquer », a écrit la revue dans son éditorial.
El Djeich précise que cette visite a permis au général de corps d’armée de s’enquérir de l’état de disponibilité des unités versées dans la lutte contre le terrorisme, comme elle a été l’occasion de féliciter les éléments ayant participé à l’opération, de rendre hommage à leur courage et à leur gestion de la situation avec professionnalisme. « le Haut commandement de l’Armée nationale populaire continuera de veiller au développement du système de défense de nos forces armées pour garantir la disponibilité opérationnelle permanente, en rehaussant leurs capacités de combat au plus haut niveau et en entourant de tout ce qui est de nature à assurer la promotion des compétences pour être à même de repousser toute menace, de quelque forme que ce soient, et faire échec à tous les traitres, ennemis de l’Algérie », a-t-elle ajouté.
France, Egypte, Opération Sirli, DRM, Abdel Fatah Al Sissi – France-Egypte : Les mémos de la terreur (2/2)
A l’été 2016, les agents de la DRM sont sans ambiguïté : la mission a peu d’intérêt. D’autant que les zones de survol autorisées restent strictement limitées à la partie occidentale du pays, où les groupes armés sont quasi inexistants. Le Sinaï et la Libye, où la menace terroriste est réelle, leur sont interdits. Ce que déplore un membre de l’équipe Sirli, début septembre.
NOTE 3 septembre 2016 « Quasi aucun élément n’a permis d’aborder la problématique terroriste. » « L’impossibilité de survol du territoire libyen ainsi que du Sinaï a limité le recueil d’informations aux zones frontalières. » « La priorité de la mission va à la satisfaction du besoin du partenaire. »
Pour satisfaire son obsession sécuritaire, la dictature exige toujours plus. Comme « l’instauration d’une boucle courte de transfert d’informations » entre l’avion français et la base militaire. Objectif : permettre à l’aviation égyptienne d’arriver sur zone pour « traiter » la cible le plus vite possible. Une demande qui inquiète les militaires sur place, mais pas le sous-directeur recherche de la direction du renseignement militaire, qui accepte de réduire les délais de transmission des données récoltées. Dès lors, précise l’officier auteur de la note du 3 septembre, « l’implication de l’armée de l’air égyptienne dans la destruction de trafiquants a été plus visible ». La dérive de la mission de renseignement est actée : elle va servir à cibler des véhicules de civils.
FAILLITE DE LA MISSION Le 21 septembre 2016, les hommes de Sirli décollent de Marsa Matruh à bord du Merlin III, l’avion de surveillance français. Après avoir survolé le désert pendant plusieurs heures, ils repèrent un convoi de pick-up filant à travers les dunes. Ils transmettent leur localisation à leurs collègues au sol qui la communiquent à l’aviation égyptienne. Grâce à la fameuse « boucle courte », un Cessna 208 arrive sur zone peu de temps après. Les Français doivent changer de trajectoire pour éviter une collision. Quarante-trois minutes plus tard, lorsqu’ils survolent à nouveau la zone, un véhicule est en flammes.
Le lendemain, l’officier de liaison de la DRM informe sa hiérarchie : « La frappe a très probablement été perpétrée par le Cessna 208 de l’armée égyptienne. » Il ajoute :
Note du 22 septembre 2016 « La seule présence du Cessna armé atteste de la volonté de l’armée de l’air égyptienne d’utiliser les informations [fournies] à des fins répressives contre le trafic local. »
Quelques jours après la frappe, les militaires égyptiens déclarent avoir détruit huit pick-up et leurs occupants, des contrebandiers présumés. En fournissant leur localisation, l’Etat français s’est rendu complice d’une exécution arbitraire.
A la fin de l’année 2016, les Français se montrent de plus en plus critiques.
Note du 28 septembre 2016 « L’ELT 16 reste très vigilant mais néanmoins inquiet quant à l’utilisation faite des [renseignements] à des fins de [ciblage]. »Note du 15 décembre 2016 « L’armée de l’air égyptienne exerce une pression constante sur la planification des missions pour exploiter au maximum les capacités de l’ALSR à son profit. »
Note du 6 janvier 2017 « La problématique terroriste n’a jamais été abordée. »
Selon les documents « confidentiel-défense » obtenus par Disclose, les forces françaises auraient été impliquées dans au moins 19 bombardements contre des civils, entre 2016 et 2018. Les frappes détruisant souvent plusieurs véhicules, le nombre de victimes pourrait se chiffrer à plusieurs centaines. Selon les critères de la résolution 56/83 [2] de l’Assemblée générale des Nations unies, la complicité de la France dans ces exécutions illégales serait donc établie.
[2] Article 16 L’Etat qui aide ou assiste un autre Etat dans la commission du fait internationalement illicite par ce dernier est internationalement responsable pour avoir agi de la sorte dans le cas où : a) Ledit Etat agit ainsi en connaissance des circonstances du fait internationalement illicite; b) Le fait serait internationalement illicite s’il était commis par cet Etat.
Le 7 mai 2017, Emmanuel Macron est élu président de la République. « L’Europe et le monde attendent que nous défendions partout l’esprit des Lumières menacé dans tant d’endroits, proclame-t-il le soir même, sur l’esplanade du Louvre. Ils attendent que partout nous défendions les libertés, que nous protégions les opprimés. » Pourtant, à peine élu, le président Macron va s’empresser de confirmer la poursuite de la coopération avec la dictature.
Trois semaines après son entrée à l’Elysée, le chef de l’Etat téléphone à son homologue égyptien. Un appel qui fait suite à un attentat survenu quelques jours plus tôt contre des chrétiens coptes et revendiqué par Daech. Selon le compte rendu de l’échange, la conversation se focalise très vite sur le partenariat militaire entre Paris et Le Caire. Emmanuel Macron assure à son interlocuteur qu’il est « parfaitement informé des opérations en cours » [3] en Egypte. Sollicité, le cabinet d’Emmanuel Macron n’a pas souhaité répondre à nos questions, renvoyant vers le ministère des armées, qui n’a pas donné suite.
[3] Note de l’Elysée datée du 30 mai.
Le lendemain, le chef d’Etat-major des armées, Pierre de Villiers, placé sous l’autorité du président de la République, est destinataire d’une note « confidentiel-défense ». Rédigé par le directeur de la DRM de l’époque, le général Christophe Gomart, ce bilan détaillé affirme à son tour que la plupart des pick-up localisés dans le désert égyptien ne sont pas liés à des groupes terroristes.
Note 1er juin 2017 « Les itinéraires de trafic sont principalement liés à de la ‘simple’ contrebande professionnelle bédouine. »
Le chef de la DRM souligne ensuite « l’ordre des priorités » de l’Egypte. La lutte contre le terrorisme arrive seulement en troisième position.
Note du 1er juin 2017 L’ordre des priorités du partenaire est le suivant : 1 – Le trafic 2 – L’immigration illégale 3 – Le terrorisme
Interrogé par Disclose sur ces différents points, Christophe Gomart, directeur de la DRM jusqu’en juillet 2017, assure que ses services n’ont « jamais donné de renseignement ayant permis, à [sa] connaissance, d’aller détruire des civils ou d’aller exécuter des gens. » Il insiste : « Si j’avais fait un tel constat, j’aurais préconisé de stopper la mission et de refaire un point avec les autorités égyptiennes. »
Le 6 juin, Sylvie Goulard, l’éphémère ministre de la défense d’Emmanuel Macron – elle quitte ses fonctions le 21 juin –, se rend au Caire pour y rencontrer le président égyptien. Malgré les dérives manifestes de l’opération, elle assure qu’Emmanuel Macron est « prêt à examiner la possibilité d’augmenter l’utilisation » de l’avion espion, dont elle félicite des résultats « exceptionnels ».
Note du 6 juin 2017 « Les résultats déjà obtenus grâce aux missions de l’ALSR [sont] exceptionnels. Ces missions [ont] permis en une année l’interception et la destruction de plus de 1 000 véhicules tout-terrain franchissant illégalement la frontière. »
Deux jours après Sylvie Goulard, Jean-Yves Le Drian, tout juste nommé chef de la diplomatie française, fait lui aussi le déplacement. Pour la huitième fois en moins de trois ans, il rencontre le ministre Sedki Sobhi. Après s’être complimentés sur « le niveau de confiance atteint », les deux hommes font un point sur le volet secret du partenariat militaire, comme le dévoile une note diplomatique du 11 juin 2017. « Les missions de l’ALSR [ont] été déterminantes pour l’identification et la désignation de nombreuses cibles », se réjouit le ministre égyptien. Un commentaire auquel Jean-Yves Le Drian a répondu par un « hommage au savoir-faire et à la précision des pilotes de l’armée de l’air égyptienne ». Presque un mois jour pour jour après cette séance d’autocongratulation, la « précision » de l’aviation égyptienne tue trois travailleurs, dont Ahmed El-Fiky, un ingénieur cairote, père de quatre enfants.
Le 5 juillet 2017, Ahmed El-Fiky et deux de ses collègues – nous ne sommes pas parvenus à confirmer leur identité – travaillaient au pavage d’une route, à proximité de l’oasis d’Al-Bahariya, 32 000 habitants. Dans l’après-midi, alors qu’ils roulent en pick-up, les trois hommes s’arrêtent sur le terrain d’une mine de fer où ils ont l’habitude de se ravitailler en eau, avec l’accord de la direction du site. L’instant d’après, un avion égyptien fend le ciel et frappe la voiture, tuant Ahmed et ses deux collègues. Le site local d’information indépendant Mada Masr et la chaîne de télévision qatarie Al-Jazeera relatent l’événement, suivi de quelques messages sur les réseaux sociaux. Puis, plus rien… L’armée égyptienne aurait étouffé l’affaire. « A la morgue, des hommes cagoulés et vêtus en noir ont menacé la famille pour que le certificat de décès d’Ahmed indique ‘raison de la mort inconnue’ », assure à Disclose une enquêtrice du site Killed in Egypt, sous couvert d’anonymat.
La mort d’Ahmed El-Fiky et de ses collègues n’est mentionnée dans aucun des documents transmis à Disclose. Mais deux jours seulement après le bombardement, un officier français s’entretient avec un général de l’armée de l’air égyptienne. « Le partenariat ne permet en aucun cas à l’ALSR de participer à des opérations de ciblage », martèle-t-il. Les informations transmises (…) doivent en effet être recoupées ». Quant au lieu de la frappe, il se situe dans l’une des zones de survol de la DRM à la même période.
« Vous pouvez être assurés que la DRM continuera à être votre partenaire pleinement engagé à vos côtés » (Lettre de Florence Parly, ministre des armées, au ministre égyptien de la défense, le 31 juillet 2017).
Près de deux ans après le début de la mission, les manquements de celle-ci deviennent une préoccupation majeure, non seulement à la DRM, mais aussi dans l’armée de l’air, qui s’inquiète de la persistance des frappes aveugles, comme en atteste cette note transmise à l’Elysée.
Note du 23 novembre 2017 « Par manque de moyens de surveillance, l’identification des pick-up ne peut être effectuée sans autre élément d’appréciation que le survol initial dont ils ont fait l’objet. Aussi, l’identification de certains véhicules et les frappes d’interdiction qui en découlent pourraient être soumises à caution. »
Tout au long de l’année 2018, les missions s’enchaînent. Les F-16 égyptiens frappent à un rythme de plus en plus soutenu.
Note du 1er avril 2018 « Il semblerait que la patrouille des deux F-16 de l’Egyptian Air Force ait réussi à traiter six pick-up sur les huit observés. »Note du 5 juin 2018 « Les coordonnées et la nature de la détection ont été transmis au partenaire (…) Deux des pick-up ont été détruits. »
Début 2019, Emmanuel Macron et Florence Parly entament une visite officielle en Egypte. A cette occasion, le chef de l’Etat et sa ministre des armées sont abreuvés de notes. L’une d’elles, rédigée le 19 janvier par la cellule Afrique de l’Elysée, rappelle à Emmanuel Macron la « nécessité » d’un accord écrit garantissant « un cadre juridique solide » à l’équipe sur le terrain. Une autre, destinée à Florence Parly, l’exhorte à mettre fin aux dérives de l’opération.
Note 22 janvier 2019 « Des cas avérés de destruction d’objectifs détectés par l’aéronef sont établis (…) Il est important de rappeler au partenaire que ALSR n’est pas un outil de ciblage. »
Pourtant, aucun accord ne sera signé ni la mission remise en cause. Le soutien à la dictature reste la priorité, quoi qu’il en coûte. Le 5 décembre 2020, Emmanuel Macron décore le maréchal Sissi de la grand-croix de la Légion d’honneur lors d’un dîner organisé à l’Elysée. Quatre mois après la cérémonie, la dictature commande discrètement 30 avions Rafale à la France, pour un montant de 3,6 milliards d’euros. Selon nos informations, l’armée française est toujours déployée dans le désert égyptien.
France, Egypte, Al Sissi, Opération Sirli – France-Egypte : Les mémos de la terreur (1/2).
Disclose a obtenu des centaines de documents « confidentiel-défense » qui dévoilent les dérives d’une opération militaire secrète de la France en Egypte. Révélations sur la complicité de l’Etat dans des bombardements contre des civils.
En début de matinée, le samedi 13 février 2016, un bus aux rideaux tirés franchit le portail de la base militaire de Marsa Matruh, à 570 kilomètres du Caire. Le véhicule s’arrête devant un baraquement couleur sable. Dix hommes en descendent, des Français arrivés en Egypte quelques jours plus tôt avec des visas « touristes ». Précédé par des militaires locaux, le groupe s’engouffre dans un bâtiment aux équipements rudimentaires, sans point d’eau et à la climatisation défectueuse. Ce sera leur quartier général. Le centre de commandement d’une opération militaire clandestine de la France en Egypte. Nom de code : Sirli.
Une source a transmis à Disclose plusieurs centaines de documents classés « confidentiel-défense ». Des notes issues des services de l’Elysée, du ministère des armées et de la direction du renseignement militaire (DRM) qui révèlent les dérives de cette mission de renseignement débutée en février 2016, au nom de la lutte antiterroriste. Une fuite inédite de documents qui démontrent comment cette coopération dissimulée au public a été détournée par l’Etat égyptien au profit d’une campagne d’exécutions arbitraires. Des crimes d’Etat dont François Hollande et Emmanuel Macron ont été constamment informés. Sans jamais en tirer les conséquences.
« Ce qui fait rompre le silence, ce sont les dérives de l’action politico-militaire française qui entachent profondément ce pour quoi des hommes et des femmes sont au service de la France » (La source)
Le projet de la mission Sirli naît le 25 juillet 2015. Ce jour-là, Jean-Yves Le Drian, alors ministre de la défense de François Hollande, s’envole pour Le Caire en compagnie du directeur du renseignement militaire, le général Christophe Gomart. Il y rencontre son homologue égyptien, le ministre Sedki Sobhi dans un contexte « extrêmement favorable (…) reposant sur les récents succès des contrats Rafale et [frégates] FREMM », souligne une note diplomatique obtenue par Disclose – en avril, l’Egypte a acheté 24 avions de chasse Rafale et deux navires de guerre pour un montant de 5,6 milliards d’euros.
Ordre du jour du rendez-vous : la sécurisation des 1 200 kilomètres de frontière avec la Libye, en plein chaos. Le ministre égyptien évoque en particulier un « besoin pressant » en matière de renseignement aérien. Jean-Yves Le Drian s’engage alors à mettre en œuvre « une coopération opérationnelle et immédiate », dans le cadre d’une « manœuvre globale contre le terrorisme ». Elle prendra la forme d’une mission officieuse pilotée par la DRM sur une base militaire égyptienne.
Ne reste plus qu’à signer un accord technique entre les deux pays. Lequel doit préciser l’objectif de l’opération, et permettre aux militaires de s’y référer pour en connaître les contours précis. Selon nos informations, un tel document n’a jamais été signé.
« Cet accord aurait obligé les deux parties à décrire noir sur blanc le cadre de la coopération, le type de mission et surtout ses limites » (La Source)
Début 2016, une équipe est secrètement envoyée dans le désert occidental, une zone de 700 000 km2 qui s’étend du Nil à la frontière égypto-libyenne. L’opération Sirli est née. Elle mobilise dix agents : quatre militaires et six anciens de l’armée reconvertis dans le privé – deux pilotes d’avion et quatre analystes. Ces derniers sont employés par CAE Aviation. Spécialisée dans l’imagerie et l’interception des communications, la société, basée au Luxembourg, loue également à la DRM la pièce maîtresse du dispositif : un avion léger de surveillance et de reconnaissance (ALSR) de type Merlin III. Les yeux et les oreilles des militaires. Sollicitée, la direction de CAE Aviation n’a pas répondu à nos questions.
En principe, la mission du détachement, baptisé « ELT 16 » pour « équipe de liaison technique 16 », consiste à scruter le désert occidental pour y détecter d’éventuelles menaces terroristes venues de Libye. A chaque sortie, les Français sont accompagnés d’un officier égyptien. Ce dernier est chargé d’écouter en direct les conversations interceptées. Théoriquement, les données recueillies devraient faire l’objet de recoupements afin d’évaluer la réalité de la menace et l’identité des suspects.
Mais très vite, les membres de l’équipe comprennent que les renseignements fournis aux Egyptiens sont utilisés pour tuer des civils soupçonnés de contrebande. Une dérive dont ils vont alerter leur hiérarchie à intervalles réguliers. Pendant un an, puis deux, puis trois… en vain.
Les premiers doutes interviennent deux mois à peine après leur prise de fonction, comme l’indique un rapport de la DRM du 20 avril 2016. Dans cette note, l’officier de liaison avertit sa hiérarchie : les Egyptiens veulent « mener des actions directes contre les trafiquants ». La lutte antiterroriste semble déjà loin.
Quatre mois plus tard, un nouveau rapport confirme les soupçons des militaires français.
NOTE 15 août 2016 « Le colonel [égyptien] a insisté sur sa volonté d’effectuer des vols principalement au-dessus de la ‘banane’ afin de réduire sensiblement l’activité des trafiquants transitant entre la Libye et l’Egypte. »
Ce que le militaire appelle la « banane » est une vaste zone désertique qui va du sud de l’oasis de Siwa aux villes du delta du Nil. C’est là, selon lui, que se concentrent les pick-up de contrebandiers qui franchissent la frontière libyenne en direction du Caire, d’Alexandrie ou de la vallée du Nil. Des véhicules tout-terrain conduits le plus souvent par des jeunes âgés de 18 à 30 ans, des civils qui peuvent transporter des cigarettes, de la drogue ou des armes, mais aussi du maquillage, de l’essence ou encore du riz et des céréales, comme l’indiquent les notes « confidentiel-défense » de la DRM.
Disclose s’est rendu dans la région de Marsa Matruh, où près de 50 % des habitants vivent sous le seuil de pauvreté. Sur place, le trafic est perçu par beaucoup comme une échappatoire au travail dans les champs d’olives ou de dattes. « Quand tu travailles du matin au soir dans les champs, tu gagnes juste 120 livres égyptiennes par jour [6,61 euros], témoigne un ancien fonctionnaire qui vit au cœur de la zone frontalière. Avec ça, tu ne peux même pas acheter un kilo de viande. » Alors, ajoute-il, « quand les jeunes du coin, qui n’ont jamais plus de 30 ans, et qui sont parfois mariés avec des enfants en bas âge, voient un gars se construire une villa ou un grand jardin, ils veulent la même chose sans penser au danger ».
Un ancien trafiquant reconverti dans le tourisme renchérit : « Un conducteur de pick-up chargé de cigarettes gagne 3 800 euros pour un aller-retour entre la Libye et l’Egypte. » C’est près de quarante fois le salaire mensuel moyen en Egypte. De quoi attirer les candidats malgré le risque mortel – en juillet 2020, la présidence égyptienne a annoncé le chiffre probablement exagéré de « 10 000 voitures remplies de terroristes et de trafiquants » détruites en sept ans, soit « 40 000 personnes tuées ».
Mais selon Jalel Harchaoui, chercheur au sein de l’ONG suisse Global Initiative Against Transnational Organized Crime, la menace terroriste venant de Libye est « largement surestimée par l’armée égyptienne afin d’obtenir du soutien sur la scène internationale ». Depuis 2017, aucun groupe terroriste ou se revendiquant comme islamiste n’est implanté dans la partie est de la Libye. « Il n’y a quasiment aucun élément permettant d’affirmer que l’Etat islamique ou d’autres groupes utilisent le trafic de drogue pour financer leurs opérations en Libye », conclut également un rapport de l’Institut européen pour la paix publié en mai 2020.
« Il n’y a que des civils qui sont tués. Les terroristes ne courent pas cette partie de désert, ils sont surtout concentrés dans le Sinaï, à l’extrême nord-est du pays » (La Source)
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Ramtane Lamamra a invité les ministres africains des Affaires étrangères à se joindre à la nouvelle vision récemment présentée par le Président de la République sur la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent sur le continent africain.
Le ministre des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l’étranger a déclaré dans un discours prononcé lors de sa participation à une réunion ministérielle du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine, consacrée à discuter de la question de la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent sur le continent africain. « La vision du président Tebboune vise à adapter et à dynamiser les différents mécanismes d’action commune africaine.
Le discours du ministre Lamamra a porté sur les enseignements les plus importants de l’expérience algérienne dans la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent, selon une approche qui prend en compte les capacités que ce fléau a démontrées à faire face, ainsi que la nécessité d’un travail continu pour assécher tous sources de financement de ce fléau, à travers la formulation d’une stratégie continentale pour cela.
Lamamra a souligné la nécessité de formuler et d’adopter une approche globale et intégrée basée sur les circonstances spécifiques de chaque pays et visant à s’attaquer aux causes profondes de ce fléau.
Le ministre a également rappelé les nombreuses contributions de l’Algérie visant à renforcer la coordination, la coopération et le renforcement des capacités des pays touchés, notamment dans la région sahélo-saharienne, ainsi que son engagement au niveau continental en tant que coordinateur des efforts collectifs des pays africains dans la lutte contre le terrorisme. et l’extrémisme violent.
Cette rencontre, qui s’est déroulée sous la présidence tournante de la République arabe d’Egypte représentée par son ministre des Affaires étrangères, M. Sameh Shoukry, a vu la participation d’un certain nombre de ministres des Etats membres du Conseil et de représentants de la Commission de l’Union africaine. et des institutions continentales pertinentes telles que le Centre africain d’études et de recherche sur le terrorisme en Algérie, ainsi que des représentants des Nations Unies.
La réunion du Conseil se déroule dans des circonstances particulières dictées par l’évolution rapide de la menace terroriste sur l’arène continentale au regard de son extension géographique et du danger croissant pour les peuples africains, ce qui oblige les pays du continent à renforcer leurs efforts collectifs pour prévenir et combattre ce fléau en s’appuyant sur le bilan des pays qui ont réussi à atteindre cet objectif.
Cembrero: Le Maroc fait peur aux élites espagnoles – Le Maroc a toujours bénéficié d’un intérêt beaucoup plus grand et d’un meilleur traitement que l’Algérie.
Le 26 octobre dernier, les membres du « Club de encuentros Manuel Broseta » ont invité l’écrivain et journaliste Ignacio Cembrero pour connaître les détails de la relation entre l’Espagne et le Maroc. Voici les points les plus importants de son intervention :
-La politique de l’Espagne à l’égard des pays du Maghreb a toujours été déséquilibrée. Le Maroc a toujours bénéficié d’un intérêt beaucoup plus grand et d’un meilleur traitement que l’Algérie.
-Le Maroc est un voisin que la classe politique espagnole, ou du moins les partis au pouvoir, craignent. C’est le cas aussi, dans une certaine mesure, au-delà de l’Espagne. Le Maroc est craint principalement pour deux raisons :
a) Il détient la clé de la coopération antiterroriste et c’est une clé qu’il a utilisée pour faire pression sur l’Espagne et la France. b) L’immigration irrégulière, qui est aussi un instrument qu’il manipule aisément.
Le normalisation des relations avec le Maroc dont parle le ministre Albares n’est que du vent pour les raisons suivantes:
a)L’absence d’un ambassadeur marocain est un signe qu’il n’y a pas de normalisation ou de signaux positifs concernant les relations avec le Maroc.
b)Le Maroc organise l’opération Traversée du détroit en contournant les ports espagnols. Au lieu d’Algésiras, il choisit Sète et Gênes.
c)Jusqu’à présent, il n’est pas possible de se rendre au Maroc par voie maritime.
-Dans la question du Sahara Occidental, le gouvernement espagnol a deux positions : une position publique orthodoxe, conforme à la doctrine des Nations unies, et une position cachée, qui consiste à prêter main forte au Maroc, mais très discrètement.
-Au Maroc, la prise de décision appartient à un petit cercle de personnes proches du roi : Fouad Al El Himma, Yassine Mansouri et Abdellatif El Hammouchi. Nasser Bourita n’est qu’un simple pion aux ordres.
-L’Espagne peut faire pression sur le Maroc en lui arrachant la gestion de l’espace aérien sahraoui et en bloquant ses exportations dans les ports espagnols.
«L’Algérie est un partenaire fiable et très fort, et si je suis ici, c’est que nous sommes convaincus que l’Algérie peut jouer un rôle très important pour assurer la sécurité et la paix dans toute la région», a précisé le général d’armée Stephen Townsend, chef du Commandement des Etats-Unis pour l’Afrique (Africom), à l’issue de sa rencontre avec le président de la République.
L a coopération militaire entre les deux parties se limite, aujourd’hui, à la formation et à l’échange de données techniques. Les Etats-Unis n’ont pas réussi à convaincre l’Algérie de déplacer le siège d’«Africom» de Stuttgart, en Allemagne, vers l’Afrique. Les pouvoirs publics avaient à maintes reprises exprimé leur refus quant à une présence militaire américaine dans la région, en dépit des assurances de Washington qui parle d’une activité purement logistique pour faire face aux menaces des groupes terroristes.
Dans la perspective toujours de rassurer sur ses intentions, un responsable américain avait estimé à 9 milliards de dollars l’aide des Etats-Unis dans le cadre de l’Africom à l’Afrique. Mhand Berkouk, analyste spécialiste des questions géopolitiques, revient, dans ce cadre, sur cette visite qui relève, dit-il, «de la qualité des relations entre les deux pays qui entretiennent depuis 2005 un dialogue stratégique assez conséquent. Cette coopération souveraine entre deux Etats reflète le respect des Etats-Unis vis-à-vis du rôle que joue l’Algérie dans la consolidation de la paix et de la sécurité dans la sous-région, Afrique du Nord et Sahel, et dans le continent d’une manière générale».
Pour lui, «l’expertise algérienne en matière de lutte contre l’extrémisme violent et le terrorisme constitue un cas d’école pour les pays qui font face à cette menace transnationale». Sur la position immuable des autorités algériennes qui refusent totalement l’idée de l’installation de bases militaires étrangères sur son sol, il explique que «de par sa doctrine, l’Algérie a une politique étrangère souveraine basée sur une indépendance décisionnelle devenue presque sacro-sainte. C’est pourquoi elle refuse toute présence étrangère sur son sol et préfère prendre en charge elle-même ses besoins de sécurité nationale».
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Evoquant la coopération militaire entre les deux pays et l’Africom qui avait appelé, en 2010, l’Algérie à développer une stratégie militaire aérienne conjointe, Berkouk affirme qu’«au vu de certaines analyses américaines notamment celle publiée récemment dans Military Watch Magazine spécialisé dans les études militaires et stratégiques, l’armée algérienne est la première puissance aérienne dans la région, dépassant de loin les pays du Maghreb», soulignant que «ses capacités de défense nationales sont, néanmoins, définies par une doctrine défensive liée à une lecture objective et reflétant des principes fondateurs de notre politique étrangère, à savoir le respect de la souveraineté et la non-ingérence dans les affaires intérieures des autres pays».
Selon le géo-politologue, «les choix opérationnels ou stratégiques du pays sont essentiellement définis par des évaluations actuelles et prospectives des risques et menaces. Toutes les décisions sont ainsi étroitement liées au souci de préserver la souveraineté nationale». A la question de savoir quel est le rôle réel de l’Africom dans le Sahel, sachant que l’Algérie est chargée de coordonner la position du Commandement militaire conjoint des Etats de la région (Algérie, Niger, Mali et Mauritanie), il dira que «toute coopération est définie par des échanges de bonne pratique sécuritaire en matière notamment de lutte contre le terrorisme et le partage d’un savoirfaire opérationnel».
Et de poursuivre : «Le Sahel est considéré, cependant, comme une extension même de notre sécurité nationale. C’est pourquoi les autorités demeurent soucieuses de la préservation de cette souveraineté et de l’évolution des cas d’insécurité et de dynamique crisogène dans ces pays.» De l’avis de Mhand Berkouk, «la position algérienne est de principe même si nos besoins sont toujours en évolution au vu de la complexification de l’insécurité dans la région du Sahel et en Libye et la fragilité de la Tunisie».
Sur l’impact que pourrait avoir la rupture des relations diplomatiques entre l’Algérie et le Maroc sur la coopération algérienne avec l’Africom, il estime que «notre pays est en position de pivot dans cette région au regard de nos capacités nationales endogènes et souveraines». «Nous défendons notre indépendance décisionnelle, contrairement au Maroc qui est dans une position de servitude stratégique au profit de l’Occident et du projet du sionisme mondial», précise-t-il.
Et de conclure : «Les Etats-Unis ont toujours essayé d’avoir des relations multi-variables avec l’Algérie en raison du rôle important des deux Etats et de l’identité militaire et sécuritaire des deux pays.»
L’Algérie se dote d’une Unité information passagers. Un décret présidentiel publié au journal officiel a en effet acté la création du dispositif national de traitement d’informations passagers.
Le texte a fixé les missions, l’organisation et le fonctionnement de ce dispositif qui constitue un « outil intersectoriel d’appui en matière de préventio et de lutte contre le terrorisme et la criminalité transnationale organisée sous toutes ses formes ».
Placé auprès du Premier ministre, ce dispositif compren un Conseil d’orientation et de coordination, et une unité nationale d’informations passagers, selon la même source.
Le Conseil, présidé par le ministre chargé de l’Intérieur, est composé de représentants des ministères de la Défense nationale, des Affaires étrangères, de l’Intérieur, de la Justice, des Finances, des Télécommunications, des Transports, du commandant de la Gendarmerie nationale, du directeur général de la sûreté nationale, du directeur général de la sécurité intérieure (contre-espionnage), du directeur général de la documentation et de la sécurité extérieure, du directeur général des Douanes, du commandant du service national de Garde-Côtes et du président de l’Autorité nationale de protection des données à caractère personnel.
Cette Unité est un « organe opérationnel intersectoriel, à compétence nationale, placée sous l’autorité du directeur général de la sécurité intérieure » des services de renseignements. L’unité est dirigée par un « directeur désigné conformément à la réglementation en vigueur au sein du ministère de la Défense nationale ».
Cette Unité est chargée de la « collecte, du traitement et de la conservation des données de réservation, d’enregistrement et d’embarquement des passagers, notamment les données API-PNR, transmises par les transporteurs et les opérateurs de voyages ».
Les données API sont des informations liées à l’enregistrement des passagers et contenues dans le passeport ou dans un autre document de voyage et des informations générales concernant le vol.
Pour les données PNR, il s’agit d’informations liées à la réservation et contenues dans les dossiers créés par les transporteurs et les opérateurs de voyages, les compagnies aériennes ou leurs agents agréés, pour chaque vol.
Le décret présidentiel précise que les « transporteurs et opérateurs de voyages sont tenus de transmettre à l’unité, par voie électronique, lors de la réservation, de l’enregistrement et au moment de l’embarquement des passagers, à destination, en transit ou quittant le territoire national, les informations et les données des passagers ainsi que les données des membres de l’équipage et les détails sur leurs moyens de transport. »
Le personnel de cette unité est composé de « détachés des services habilités du ministère de la Défense nationale, de la direction générale des Douanes et de la direction générale de la Sûreté nationale ».
Câbles WikiLeaks : l’Algérie passe de blague sécuritaire à alliée des Etats-Unis au Maghreb
Après les attentats suicide de 2007, les diplomates américains ont fustigé les forces de sécurité du pays, mais les relations se sont considérablement améliorées depuis lors
Le gouvernement algérien a été gravement secoué par les attentats d’Al-Qaida il y a trois ans alors que l’organisation terroriste ouvrait un nouveau front en Afrique du Nord et que les forces de sécurité « sclérosées et méfiantes » du pays avaient du mal à réagir, selon des câbles diplomatiques américains.
Mais des rapports secrets de l’ambassade américaine à Alger révèlent que la coopération en matière de renseignement avec les États-Unis s’est tellement améliorée depuis que Washington considère l’Algérie comme le pays le plus important combattant al-Qaida dans la région du Maghreb.
En décembre 2007, cependant, il y a eu un silence embarrassé du président Abdelaziz Bouteflika après que des attentats-suicides quasi simultanés contre un bâtiment de l’ONU et la Cour suprême de la capitale ont tué 41 personnes.
Les câbles de l’ambassade américaine montrent le désarroi, la confusion et une incapacité à gérer les problèmes de sécurité de base. Bouteflika a demandé l’aide européenne « pour mettre sur écoute les téléphones portables dont les cartes SIM sont changées », tandis que les États-Unis avaient été invités plus tôt à lutter contre les attentats à la voiture piégée, selon les documents.
De nombreux contacts algériens de l’ambassade ont attribué le silence du président après les attentats « à son embarras que les kamikazes étaient auparavant connus des services de sécurité » et avaient bénéficié d’un programme officiel de réconciliation pour les anciens djihadistes. Certains des plus de 250 islamistes qui avaient été amnistiés avaient rejoint al-Qaida au Maghreb islamique (Aqim).
En février 2008, cependant, la coopération des États-Unis avec le renseignement militaire algérien s’était améliorée et avait porté ses fruits. « C’est un groupe épineux et paranoïaque avec lequel travailler », a indiqué l’ambassade, « mais avec eux, nous avons mis en place plusieurs réseaux qui ont envoyé des djihadistes algériens en Irak ».
Un bureau du FBI avait été installé à l’ambassade pour établir des programmes de collaboration avec le ministère de l’Intérieur, « mais les Algériens ne se précipitent pas pour coopérer ». Dans la coopération militaire et sécuritaire, les Algériens sont restés « exceptionnellement prudents ».
En septembre 2008, AQMI a appelé à l’assassinat de la secrétaire d’État américaine de l’époque, Condoleezza Rice, lors de sa visite à Alger. Les forces de sécurité algériennes ont déjoué un complot visant à attaquer l’aéroport de Hassi Messaoud, agissant apparemment sur la base d’informations reçues d’une cellule d’Al-Qaida en Europe. Le plan présumé impliquait le détournement d’un avion et d’une voiture piégée.
Fin 2009, les documents américains montrent que l’Algérie avait « pris l’initiative » en persuadant ses voisins mauritanien, nigérien et malien de mettre en place un commandement régional pour des opérations conjointes de lutte contre le terrorisme à Tamanrasset, dans le sud de l’Algérie.
« AQMI », a déclaré un haut responsable algérien aux responsables américains, « veut s’implanter dans la région et, par conséquent, l’Algérie entendait mener le combat au-delà des frontières de l’Algérie. Comme un boxeur qualifié… la clé est de maintenir la pression sur votre adversaire et augmentez votre marge de manœuvre. »
Lorsque les Algériens ont insisté pour plus de partage de renseignements, un responsable américain de la défense a rétorqué que les survols de surveillance devraient être liés à une action directe sur le terrain puisque le coût d’une mission était d’environ 50 000 $, « nous devions donc être sûrs du résultat ». L’Algérie avait également besoin de brouilleurs d’engins explosifs improvisés sophistiqués, car les insurgés utilisaient des téléphones portables pour faire exploser ces bombes à distance.
Les câbles montrent que les Algériens étaient cinglants à l’égard du Mali, se plaignant que les responsables de la capitale, Bamako, « ont alerté les insurgés que leurs appels sur leurs téléphones portables étaient surveillés et la fuite de renseignements sensibles ». L’Algérie a également accusé le Mali de faciliter le paiement des rançons pour les otages et a qualifié le pays de « environnement commercial favorable pour les terroristes ».
Fin 2009, l’Algérie a tardé à répondre à une demande américaine d’autoriser des vols de surveillance par des avions EP-3 « pour surveiller l’environnement sigint (signal intelligence) dans les zones de Mauritanie et du Mali où AQMI opère ». Cela faisait suite à une visite du chef du commandement américain pour l’Afrique, le général William Ward, et était « une démonstration de la coopération renforcée en matière de sécurité que nous voulons soutenir face à la menace AQMI dans la région transsaharienne ».
Les vols ont ensuite été approuvés, mais un nouveau problème est apparu en janvier lorsque le ministre algérien des Affaires étrangères a convoqué l’ambassadeur des États-Unis, David Pearce, pour protester contre l’inscription du pays sur une liste de « contrôle renforcé » par l’Administration américaine de la sécurité des transports. Cela faisait suite à la tentative du jour de Noël dernier du « Lamikaze » envoyé par al-Qaida au Yémen pour abattre un avion de ligne au-dessus du Détroit.
« L’inscription de l’Algérie sur une liste qui inclut les Etats sponsors du terrorisme et les pays d’intérêt crée l’impression que l’Algérie fait partie du problème et n’est pas un partenaire à part entière dans la lutte contre le terrorisme », a déclaré l’envoyé.
« Au cours de l’année écoulée, nous avons eu le feu vert pour développer de nouveaux liens à tous les niveaux, des militaires aux forces de l’ordre », a-t-il déclaré à Washington. « Cette lumière est maintenant devenue jaune ». Pearce a ajouté : « Il convient de rappeler qu’aucun pays n’est plus important que l’Algérie dans la lutte contre al-Qaida au Sahel et au Maghreb.
Alain Chouet (ex-DGSE): «Quand on a des choses secrètes à dire, on le dit sur des réseaux secrets»
L’un des téléphones du président Emmanuel Macron a-t-il été la cible des services secrets marocains via le logiciel israélien Pegasus ? Oui, selon le consortium de presse Forbidden Stories et l’ONG Amnesty International. Non, réplique le gouvernement marocain, qui menace de lancer des procédures judiciaires contre quiconque l’accuse d’avoir eu recours à ce logiciel d’espionnage. Alain Chouet, ancien maître-espion et chef du service de renseignement de sécurité de la DGSE, est l’invité de RFI.
RFI : Si l’on en croit le consortium de presse Forbidden Stories et l’ONG Amnesty International, il y a eu une frénésie de surveillance de la part du Maroc. Plus de 10 000 numéros ciblés. Êtes-vous surpris ?
Alain Chouet : Je suis surtout surpris que cela surprenne tout le monde. Et si nos hommes politiques, nos journalistes et nos médias font l’objet de ce genre d’attaques, c’est parce qu’ils ne prennent pas les précautions élémentaires que tous les services de sécurité français passent leur temps à leur seriner, notamment en matière d’utilisation de téléphone portable. Quand on a des choses secrètes à dire, on le dit sur des réseaux secrets, en tout cas sur des réseaux protégés, et pas sur des Iphone du commerce.
Donc, vous êtes d’accord avec le sénateur d’opposition (LR) Bruno Retailleau qui dit que, dans l’utilisation de ses téléphones portables, le président Emmanuel Macron a été « naïf » et « imprudent » ?
Il n’a pas été… Bon, d’abord, je ne connais pas monsieur Retailleau. Mais le président [Emmanuel] Macron a été, comme tous les autres hommes politiques français, on l’a vu avec Nicolas Sarkozy, Bismuth et compagnie, effectivement d’une grande imprudence et d’une grande naïveté dans l’utilisation de ce genre de moyen de communication.
Mais il faut bien que le chef de l’État puisse converser avec des gens au téléphone !
Mais, absolument. Mais il a pour cela à sa disposition des services techniques qui seront en mesure de lui fournir des logiciels de cryptage ou des téléphones cryptés qui peuvent très bien être utilisés.
Alors, vous dites que les Marocains s’intéressent notamment à leur diaspora en Europe et en France. Est-ce à dire qu’ils privilégient la lutte antiterroriste ou est-ce qu’ils sont dans une obsession contre tous les adversaires du « Sahara marocain » ?
C’est plus large que cela. Les services marocains sont des services extrêmement professionnels, qui fonctionnent à peu près sur le modèle français. Là, ils s’intéressent à tout ce qui intéresse la sécurité du Royaume, c’est-à-dire le terrorisme bien sûr, les problèmes de la relation avec l’Algérie et les problèmes sahraouis, mais aussi l’opposition éventuelle au régime.
On prête aux services marocains une participation active dans la localisation et la neutralisation d’Abdelhamid Abaaoud, l’un des organisateurs de l’attentat du Bataclan de novembre 2015. Est-ce à dire que les services marocains sont très utiles aux services français ?
Ils ont toujours été extrêmement précieux, extrêmement utiles. Depuis une cinquantaine d’années, les services marocains et les services français travaillent la main dans la main en matière d’antiterrorisme. Avant, c’était le terrorisme euro palestinien, ou les terrorismes d’État -Iran, Syrie, Libye-, et maintenant, c’est le terrorisme islamiste. Les services marocains ont toujours aidé les services français, mais aussi les services belges ou les services allemands dans la détection et le suivi d’un certain nombre de menaces.
Vous dites que vous n’êtes pas surpris par tout cela. Mais, tout de même, est-ce que le fait de cibler le téléphone personnel du chef de l’État français n’est pas un acte hostile de la part de l’allié marocain ?
Oui, si on veut. Mais, les écoutes de la NSA [National Security Agency, l’agence de renseignement américaine chargée des écoutes électroniques] également sur le président de la République [à l’époque de Jacques Chirac, de Nicolas Sarkozy et de François Hollande] ou sur la chancelière allemande Angela Merkel, ce sont aussi des actes hostiles. Et ce que cette histoire révèle, c’est que tout le monde, en tout cas tous ceux qui en ont la possibilité, écoutent les autres dans leurs domaines d’intérêt.
Est-ce à dire que les services français écoutent le roi Mohammed VI ?
Ah, ça, je n’en sais rien et même si je le savais, je ne vous le dirais pas. Mais si cela présentait un intérêt quelconque, on a les moyens techniques de le faire.
Alors vous dites que tout vient de deux services importants à Rabat, la Direction générale des études et de la documentation (DGED) et la Direction générale de la surveillance du territoire (DGST). Quel est le plus puissant des deux ?
Je pense que c’est le service intérieur, parce que c’est celui le plus impliqué dans la sécurité du Royaume.
La DGST ?
Oui, c’est ça. La Direction générale de surveillance du territoire, un héritage de la DST (Direction de la surveillance du territoire] française. C’est certainement le service qui a à la fois le plus de moyens et le plus de puissance.
Et on dit que son chef, Abdellatif Hammouchi, est l’un des hommes forts du régime. Vous confirmez ?
Les chefs des services spéciaux, dans tous les pays arabes, sont toujours les hommes forts du régime.
Oui, mais celui-là en particulier ?
Celui-là en particulier est un homme fort du régime.
Vous le connaissez ?
Pas personnellement. Mais enfin, je vois bien qui c’est. Mais vous savez, [Mohamed] Oufkir était aussi le personnage le plus puissant du régime. On sait comment il a fini !
Il a essayé de renverser le roi Hassan II [lors d’un coup d’État raté en 1972, au terme duquel il a été éliminé] …
Donc, les monarques ou les présidents du monde arabe savent très bien que leurs chefs des services spéciaux sont des gens extrêmement puissants et ils les ont extrêmement à l’œil.
Le roi Mohammed VI lui-même aurait été écouté par ses propres services. Est-ce que c’est crédible ?
Je n’en sais rien. Il faudrait en avoir la preuve pour pouvoir gloser là-dessus. Moi, je ne sais pas quel est l’état actuel de la relation entre sa majesté le roi et ses services. Je les vois mal prendre le risque de faire quelque chose qu’il n’aurait pas approuvé.
L’épouse du roi Lalla Salma Bennani sur écoute ?
C’est pareil. On est à peu près dans la même configuration que pour le roi lui-même.
« Si les faits sont avérés, ils sont graves », déclare le Premier ministre français, Jean Castex. Est-ce que, après enquête, la France est susceptible d’émettre une vive protestation contre le Royaume marocain ?
On peut toujours émettre de vives protestations. On a émis aussi de vivres protestations sur les écoutes de la NSA depuis une vingtaine d’années et, régulièrement, on fait une vive protestation. Le résultat n’est pas vraiment tangible. On émettra des vives protestations. On ne va pas aller faire la guerre aux Marocains.
Est-ce que cela peut changer la vision du Maroc par la France ?
À mon avis, non. Ça, c’est une tempête dans un verre d’eau. Dans 15 jours, plus personne n’en parlera.
RFI, 22/07/2021
Etiquettes : France, Maroc, Emmanuel Macron, espionnage, logiciels espions, ONS Group, Pegasus, Sahara Occidental, lutte antiterroriste,
La défense invoque des raisons budgétaires pour refuser de participer aux exercices du Commandement des États-Unis pour l’Afrique (Africom) dans l’ancienne colonie espagnole.
L’Espagne a refusé de participer à African Lion 2021, les plus importants exercices militaires jamais organisés en Afrique, qui se dérouleront du 7 au 18 juin au Maroc, en Tunisie et au Sénégal. La Défense a décliné l’invitation du Commandement des États-Unis pour l’Afrique (Africom) en invoquant des raisons budgétaires, mais des sources gouvernementales admettent que la raison sous-jacente est qu’une grande partie de ces exercices, auxquels l’Espagne a participé chaque année, auront lieu pour la première fois au Sahara occidental. L’envoi de soldats espagnols sur place légitimerait l’occupation de l’ancienne colonie par le Maroc.
Les manœuvres organisées par le Commandement des États-Unis pour l’Afrique (Africom), en coopération avec le Maroc, impliqueront 7 800 soldats de neuf pays, 67 avions (21 de combat et 46 de soutien) et deux composantes navales. Il coûtera 28 millions de dollars.
Les forces armées espagnoles ont participé chaque année à ces exercices (qui ont été suspendus en 2020 en raison de la pandémie), dont l’objectif est d’améliorer l’interopérabilité des troupes occidentales avec les troupes africaines dans la lutte contre la menace djihadiste, une question qui intéresse au plus haut point l’Espagne. Cependant, cette année, la Défense a décliné l’invitation, affirmant que les ajustements budgétaires l’obligent à donner la priorité aux exercices auxquels elle participe. Et elle n’a même pas envoyé d’observateurs, comme l’ont fait 20 autres pays.
La raison sous-jacente est que, pour la première fois depuis leur inauguration il y a presque trois décennies, une grande partie des exercices se déroulera dans le Sahara occidental occupé par le Maroc. Envoyer des soldats à ces exercices reviendrait à légitimer l’occupation marocaine 45 ans après le départ des dernières troupes espagnoles de l’ancienne colonie. Rabat a choisi les zones de Tan Tan (au sud du Maroc, en face des îles Canaries, où il dispose d’un camp de manœuvre construit par les États-Unis), Mahbes (au nord-est du Sahara occidental, à un peu plus de 100 kilomètres des camps de réfugiés sahraouis de Tindouf, en Algérie) et Dakhla (l’ancienne Villa Cisneros, au sud-ouest de l’ancienne colonie espagnole) comme sites.
La tenue du Lion d’Afrique au Sahara occidental est une étape supplémentaire dans la reconnaissance de sa marocanité, entérinée le 10 décembre dernier par l’administration Trump et non remise en cause jusqu’à présent par l’administration Biden, bien qu’elle s’inscrive dans une stratégie à plus long terme.
En octobre dernier, le chef du Pentagone de l’époque, Mark Esper, a signé à Rabat la « feuille de route » pour la coopération en matière de défense entre les États-Unis et le Maroc pour la décennie 2020-2030 ; un accord à long terme qui contraste avec le fait que l’accord entre l’Espagne et les États-Unis a déjà expiré et est automatiquement prolongé pour des périodes d’un an.
L’accord entre Washington et Rabat a servi de parapluie pour un important paquet de fournitures militaires américaines qui, selon certains experts, vaut environ 20 milliards de dollars. Sans être exhaustive, la liste des armements américains vendus ces dernières années au Maroc comprend 200 chars de combat Abrams, 20 chasseurs F-16 de dernière génération (plus la modernisation de 23 anciens), 24 hélicoptères d’attaque Apache (avec une option pour 12 autres) et quatre drones armés MQ-9 Sea Guardian.
Bien que le budget de la Défense du pays maghrébin ait augmenté de 29 % depuis 2019 et absorbe 4,3 % de son PIB, la majeure partie de ce budget sert à payer le personnel, surtout après la réintroduction du service militaire, si bien que de sérieux doutes planent sur le financement de ces achats. « Le grand problème est l’opacité, il n’y a pas de données fiables, mais il est clair que les comptes ne s’additionnent pas », déclare Guillem Colom, coauteur du rapport Le Maroc, le détroit de Gibraltar et la menace militaire pour l’Espagne, de l’Institut pour la sécurité et la culture.
Ce que l’on sait, souligne-t-il, c’est que l’achat des F-16 a été cofinancé par l’Arabie saoudite, soi-disant en remerciement de sa participation à la guerre au Yémen, au cours de laquelle un F-16 marocain a été abattu. D’autres sources désignent les Émirats arabes unis (EAU), l’un des signataires arabes – avec le Bahreïn – des accords d’Abraham, auxquels le royaume alaouite a adhéré en reconnaissant Israël, comme le financier du réarmement marocain.
En théorie, l’objectif de la course aux armements marocaine est de disputer l’hégémonie régionale à l’Algérie, qui consacre 6,7 % de son PIB à la défense, mais les sources militaires reconnaissent que l’équilibre avec l’Espagne a également été modifié : il existe des capacités pour lesquelles les deux pays sont presque à égalité et d’autres pour lesquelles le Maroc a pris l’avance technologique. Par exemple, soulignent les mêmes sources, Rabat a acheté la dernière version du missile Harpoon (l’AGM-84L Block II) pour le F-16, la même que la variante navale que l’Espagne veut acquérir pour son futur sous-marin S-81.
Outre les achats aux Etats-Unis, le Maroc a continué à s’équiper en France (qui lui a fourni ses premiers satellites espions) et même en Chine, où il aurait acheté des missiles anti-aériens, en attendant que Washington accepte de lui fournir des batteries anti-missiles Patriot.
Après une décennie (2008-2018) au cours de laquelle l’Espagne a paralysé les investissements dans la Défense, des sources militaires soutiennent que « l’avantage militaire que l’Espagne avait sur le Maroc s’est réduit et le facteur de dissuasion que cela représentait s’affaiblit ».
M. Colom, titulaire d’un doctorat en sécurité internationale, estime également que « si l’écart [de puissance militaire entre les deux pays] se réduit, le calcul stratégique pourrait changer ; et la stabilité du détroit, qui reposait précisément sur ce déséquilibre des forces, pourrait s’affaiblir », prévient-il.
Les commandants espagnols chevronnés préviennent que le fait de disposer d’un armement de pointe peut ne pas être décisif si l’entretien ou la formation échouent, mais sur cet aspect également, l’armée marocaine semble avoir fait des progrès notables ces dernières années, comme en témoigne l’assassinat, à l’aide d’un drone, du chef de la Garde nationale sahraouie, Adaj el Bendir, début avril. Les fréquentes manœuvres avec les États-Unis leur permettent également de mettre à jour leurs procédures.
Le changement d’attitude de Washington est devenu évident dans la crise de Ceuta, déclenchée par l’entrée irrégulière de plus de 8 000 immigrants. Si en 2002, après la prise de Perejil, les Etats-Unis ont prêté main forte à l’Espagne, tandis que l’UE restait sur la touche, cette fois-ci Madrid a reçu le soutien de ses partenaires européens face à un Washington équidistant, qui s’est contenté d’inviter les deux parties à trouver un accord. Il est probable, prévient Colom, que ce soit la position des Etats-Unis à l’avenir, étant donné le rôle croissant du Maroc dans leur stratégie de sécurité.
Le contingent espagnol au Mali s’élève à 530 soldats
L’Espagne a porté son contingent au Mali à 530 soldats, le maximum approuvé en décembre dernier par le Conseil des ministres, contre 278 il y a un an. Le général espagnol Fernando Gracia commande la mission européenne (EUTM Mali), qui est passée d’un entraînement statique sur la base de Kulikoro à des patrouilles mobiles, qui accompagnent les forces maliennes.
Pour faciliter le déploiement, l’Allemagne a proposé de construire une nouvelle base à Sevare, à plus de 600 kilomètres au nord-est de la capitale, Bamako. L’Espagne a promis d’envoyer deux hélicoptères de transport NH-90.
La situation reste très dangereuse, de grandes parties du nord et de l’est du pays étant en proie à des violences ethniques alimentées par des djihadistes et des criminels. À cela s’ajoute l’instabilité du gouvernement, qui a connu lundi dernier « un coup d’État dans un coup d’État », selon les termes du président français Emmanuel Macron.