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Diplomatie algérienne : Lamamra à cartes sur table !
Algérie, Maroc, France, Mémoire, Sahara Occidental, Mali, Sahel, #Algérie, #Maroc, #Macron,Dans un entretien télévisé accordé à la chaîne russe en langue arabe «RT Arabic», le ministre des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l’étranger, Ramtane Lamamra, est revenu, samedi, sur près d’un mois d’une actualité diplomatique particulièrement chargée pour l’Algérie.Par Nadir KadiLe ministre a en ce sens abordé le «fond» de la crise diplomatique et politique entre Alger et Paris, le dossier de la rupture des relations avec le royaume du Maroc ou encore les questions malienne et libyenne. Le sentiment général qui transparaît des déclarations de Ramtane Lamamra est un message laissant apparaître le souhait d’un certain apaisement, ou du moins d’un refus de toute nouvelle escalade. Le ministre se montre par ailleurs intransigeant sur le respect «total» de la souveraineté du pays.En effet, questionné durant près de 40 minutes, le ministre explique à propos de la relation entre Alger et Paris, capitale d’un pays «anciennement colonisateur», rappelle R. Lamamra à plusieurs reprises, que la «crise» actuelle a «suscité beaucoup de commentaires, une couverture médiatique qui a parfois dépassé les pratiques habituelles et certains sont allés de leurs commentaires sur ce qu’ils appellent les ‘causes’ de la crise». Un moyen, comprend-on, de dénoncer les exagérations, d’autant qu’elles ne viendraient pas du côté algérien, et que l’Algérie maintiendra le dialogue : «Pour revenir à la question, la plupart des déclarations sont venues du côté français, l’Algérie ne pratique pas la diplomatie des haut-parleurs. La diplomatie algérienne travaille en silence à travers des canaux diplomatiques ouverts et inscrit ses positions en toute transparence et clarté quand il s’agit des intérêts nationaux et de sa souveraineté».Quant aux raisons premières de cette crise, qui dure depuis un mois, liées à la fois au dossier des clandestins algériens en France, mais surtout à la question sensible de la mémoire, M. Lamamra précise que «les choses ont commencé quand des paroles ont été dites au plus haut niveau en France». Références aux déclarations du président français Emmanuel Macron, qualifiées «d’incompréhensibles, d’inacceptables» et qui n’ont eu aucun «contexte ou cadre rationnel». Ainsi les paroles «qui ont été dites sur l’histoire de l’Algérie, sur son système de gouvernance» ont touché à la souveraineté de l’Algérie : «Nous n’acceptons aucune intervention dans nos affaires intérieures, quelle que soit son origine et, en particulier, venant des autorités d’un pays anciennement colonisateur.» Et dans cette logique, sans donner son sentiment sur la tournure que pourrait prendre cette crise, le chef de la diplomatie ajoute plus loin : «L’Algérie a mis les choses au clair, a pris des mesures concrètes (…) Nous avons rappelé notre ambassadeur pour consultation et il est toujours en Algérie. Nous avons également pris la décision souveraine de stopper l’autorisation de survol pour les avions militaires français (…) Un moyen de manifester notre refus et notre colère suite à des agressions verbales à l’encontre de la souveraineté algérienne.»«Nous ne souhaitons aucune présence militaire étrangère»Le ministre a, également, répondu aux questions concernant le dossier malien, et plus précisément sur le possible recours de Bamako à une entreprise privée de «sécurité», liée à la Russie, ou, en tout cas, essentiellement composée d’anciens militaires russes. M. Lamamra, qui a parlé plus précisément de «coopération militaire» entre le Mali et la Russie, a fait savoir : «Nous n’avons pas d’information précise, ni du côté russe ni du côté malien, sur cette question de la coloration militaire entre ces deux pays.» Toutefois, Lamamra a rappelé en substance l’hostilité de principe de l’Algérie quant au recours aux «mercenaires» et forces étrangères : «La base de notre politique axée sur les principes du non-alignement fait que nous ne souhaitons aucune présence militaire étrangère dans aucun pays africain indépendant.» Mais la question est toutefois complexe, souligne M. Lamamra, ajoutant plus loin à propos des préoccupations des autorités maliennes : «En même temps, nous reconnaissons le droit souverain de chaque pays à prendre les mesures qu’il estime nécessaires et à sa portée pour défendre sa souveraineté et garantir sa sécurité.»Quant au rôle de l’Algérie au Mali, le ministre des Affaires étrangères répond en prenant à témoin l’histoire des relations entre les deux pays dès avant l’Indépendance algérienne. Un passé qui «nous conduit à dire que ce qui touche à la sécurité, la stabilité et les intérêts du Mali touche également la sécurité, la stabilité et les intérêts de l’Algérie». Ainsi l’Algérie reste un soutien et un «médiateur» entre les forces en présence au Mali, explique-t-il en substance : «Il était naturel, quand les relations se sont dégradées entre le Mali et la France, que notre devoir nous pousse à écouter les revendications du Mali à l’encontre de la France (…) Il y a aussi des déclarations françaises à l’égard du Mali que nous considérons, en Algérie, comme une ingérence dans les affaires intérieures du Mali (…) Nous n’apprécions pas ces paroles et ces pratiques, nous avons réaffirmé notre solidarité avec le peuple et l’Etat maliens.»Abordant par ailleurs la question libyenne, M. Lamamra se veut positif pour l’avenir du pays. Ainsi au lendemain de la Conférence internationale pour la stabilité de la Libye, qui s’est clôturée sur un appel au respect du calendrier de l’élection du 24 décembre prochain, le diplomate déclare : «Il y a des nouvelles encourageantes (…) Pour la première fois depuis 11 ans, 15 ministres de pays amis de la Libye se sont réunis à Tripoli (…) Cela prouve que le niveau de stabilité et de non-violence en Libye est arrivé à un degré qui permet la tenue d’une réunion qui souligne la solidarité avec la Libye.» Et plus que cela, M. Lamamra estime que «les fils et filles de Libye ont pris l’initiative de la situation dans leur pays (…) Il n’y a pas si longtemps, les réunions sur la Libye étaient organisées ailleurs qu’en Libye. Ainsi la possibilité d’organiser des élections est «forte», et ne relèverait, selon le diplomate, «que de questions organisationnelles, plus que sécuritaires». Quant à la délicate question de l’avenir des «forces étrangères» présentes sur le sol libyen, le ministre estime : «Selon moi, il y a ici deux questions. La première est la souveraineté de la Libye en prenant des mesures à l’encontre des milices internes (…) La seconde concerne la communauté étrangère et l’application de l’accord de Berlin en retirant les forces armées étrangères, qu’elles soient régulières, mercenaires ou peut-être terroristes…»«Rabat est allé très loin dans ses attaques contre l’Algérie»Revenant également sur les relations entre l’Algérie et le royaume du Maroc, une crise, qui a atteint son plus haut niveau, fin août dernier, avec la rupture officielle des relations diplomatiques, le ministre des Affaires étrangères explique : «… Rabat est allé loin, très loin dans ses attaques contre l’Algérie, dans son complot contre l’Algérie. Que ce soit au travers d’individus ou de groupes qualifiés avec justesse en Algérie de terroristes.» En ce sens, la réaction algérienne est intervenue pour R. Lamamra dans un contexte d’accumulation et d’approfondissement des différends, avec pour responsable Rabat : «Le Maroc a usé de moyens issus des guerres dites de quatrième génération dans le but de frapper la stabilité de l’Algérie de l’intérieur (…) Par ailleurs, le Maroc est arrivé à faire appel à l’Etat d’Israël, alors que, comme vous l’avez remarqué, nous ne parlons pas des pays qui usent de leur souveraineté, mais quand il a été commis des actes dirigés contre la stabilité de l’Algérie, nous avons alerté l’attention de tous sur les actes dangereux et inacceptables que prépare Rabat».Reporters, 25/10/2021 -
La popularité de Macron en chute libre
La popularité de Macron en chute libre. Il est rattrapé par les questions brûlantes inquiétant la société française en général et les électeurs en particulier.
En retrouvant le niveau de sa cote de popularité au début de la pandémie sanitaire, après avoir perdu quatre points, selon un dernier sondage, le président Emmanuel Macron est rattrapé par les questions brûlantes inquiétant la société française en général et les électeurs en particulier, lui qui ces derniers mois s’est focalisé sur les questions intéressant l’électorat de l’extrême droite, pour s’assurer des voix, à la présidentielle.
La chute de la cote de popularité du locataire de l’Elysée dont fait part le récent sondage de BVA pour Orange et RTL révèle selon des réactions et les lectures faites sur les résultats du dit sondage, la dégradation inquiétante des conditions socio-économiques des français, qui s’est manifestée bien avant la pandémie de la covid19, avec le mouvement des gilets jaunes, et que la situation sanitaire a aggravé davantage. Si pour certains experts qui se sont exprimés sur le sondage qui explique le recul de la popularité de Macron et de son Premier ministre, en raison des reproches qui leur sont faits, dont le non traitement des questions brûlante de la vie sociale, à l’origine de la « paupérisation des classes moyennes » et de l’appauvrissement davantage des couches déjà pauvres ou en difficultés, d’autres indiquent que l’abstention à la prochaine présidentielle sera le candidat difficile à dépasser. Alors que le sondage fait état de 74% de Français qui estiment que leur pouvoir d’achat a baissé ces dernières années, 43% pensent qu’il a beaucoup chuté ce qui met à mal la mise en avant du bilan sur les questions sociales et économiques du locataire de l’Elysée, Emmanuel Macron, s’il venait à se présenter pour la présidentielle prévue au printemps prochain.
Autres statistiques qui révèlent le décalage entre ce qui intéresse les espaces politico-médiatiques et les préoccupations de la majorité des citoyens, celles indiquant que 73% des sondés ne veulent pas voir celui sur lequel les médias se focalisent, en l’occurrence Eric Zemmour, se présenter à la présidentielle 2022, ce qui est aussi un message au locataire de l’Elysée qui a endossé les questions de l’extrême droits, pensant donner un souffle à sa cote, qui après ses dernières sorties médiatiques, sur des questions ne figurant pas au premier plan des préoccupations des français, lui a encore fait perdre quatre points, selon le sondage en question.
Pour des observateurs de la scène politique française, la présidentielle française en vue sera porteuse de surprises, non seulement en ce qui concerne ceux ou celles fait sont ou vont être de la course, mais sur ce qu’elle aura à révéler notamment sur le déphasage existant entre la classe politique et les français, particulièrement les jeunes, qui ne reconnaissent pas ni dans le discours politique ambiant ni dans l’offre politique. Le sondage qui fiat état que 45% des français, affiche fermement son opposition de voir, Eric Zemmour, produit du monde politico-médiatique, pour occuper et distraire la galerie, en vue de l’occultation des questions préoccupant la société française, la retraite, le chômage, la hausse des prix de l’électricité, la perte d’emploi, la précarité de l’emploi, les licenciements, ect…
Des questions auxquelles les plateaux des chaînes privés françaises esquivent, en faveur des questions de l’agenda politique de l’extrême droite, sécurité, l’immigration, ect, reprises fortement aussi par la droite, dont le président Emmanuel Macron, sur fond de son bilan à l’Elysée, non satisfaisant pour ceux et celles qui l’ont élu sur ses engagements d’amélioration de la vie socio-économique des français et les question environnementales, ces dernières figurent faut-il le noter en tête de liste des attentes de la jeunesse française.
Les mouvements de grèves annoncés ou observés, dont celui du secteur de la SNTF, l’augmentation des prix du carburant, point déclencheur, avant la pandémie du Covid19, le mouvement des gilets jaunes et des retraités .. Le pouvoir d’achat qui n’a cessé de dégringoler, depuis notamment 2017, fait partie des trois thèmes qui compteront le plus dans l’élection à venir.
Dans sa dernière annonce lors du Conseil de Bruxelles, e 22 octobre dernier, relative à l’ «indemnité inflation » de 100 euros à plus de 56% de français, qui gagnent moins le 2000 euros mensuellement, visant selon le locataire de l’Elysée à réduire l’impact de la chute du pouvoir d’achat davantage, suite à l’augmentation du carburant, Macron a déclaré que « si on veut accompagner le pouvoir d’achat, mieux vaut avoir un instrument plus ciblé qu’un instrument général », mesure qui a suscité de vives réactions de l’opinion française, ne voyant pas cette mesure comme solution au problème de la chute du pouvoir d’achat qui ne cesse de se dégrader.
Aussi l’opposition et certains spécialistes critiquent la mesure. Les salariés devront attendre décembre pour la toucher de la part des employeurs, alors que les retraités, les indépendants, les apprentis, les étudiants boursiers et ceux fiscalement autonomes touchant moins de 2.000 euros, la recevront entre janvier et février.
Karima Bennour
Le Courrier d’Algérie, 25/10/2021
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À 85 dollars le baril, le Maroc jaloux et Macron déprimé
À 85 dollars le baril, le Maroc jaloux et Macron triste, va regretter ses dernières déclarations hostiles à l’Algérie.
De longue date, avant de prendre mon petit déjeuner, je surveille le prix du pétrole que l’Algérie vend à l’étranger pour se procurer des devises. (Mon moral, pendant la journée, en dépend). Et bien, depuis quelques jours, il est monté à 85 dollars le baril. Youpi ! Quelle bonne nouvelle ! Sûrement que les choses vont aller mieux dans les semaines et les mois à venir : nos pauvres esprits fatigués vont commencer à se détendre, on va pouvoir respirer. À 85 dollars le baril, l’Algérie va devenir un peu une superpuissance, non ? Nos voisins de l’ouest, en tout cas, vont tomber raides morts de jalousie. Le président français Emmanuel Macron va regretter amèrement ses dernières déclarations hostiles à notre pays.
À 85 dollars le baril, certains vont ricaner, prétendre qu’une partie de cet argent va finir dans les poches de nos mafiosi locaux, mais moi je crois qu’après le Hirak, les escrocs de tous bords vont réfléchir à deux fois avant de détourner un centime. À 85 dollars le baril, les mêmes questions lancinantes vont néanmoins continuer à être posées douloureusement : est-ce que l’Algérie ne va pas refaire les mêmes erreurs qu’auparavant ? Est-ce qu’on ne va pas s’obstiner à prendre des décisions hâtives qu’on va regretter aussitôt après ? Est-ce qu’on ne va pas persister à être davantage cigales que fourmis ?
Même à 85 dollars le baril, n’est-il pourtant pas grand temps pour nous de devenir des gens sérieux, de renouer, par exemple, avec l’amour du travail bien fait, de construire non des murs mais des ponts et libérer les énergies, de nous regarder en face avec nos qualités mais aussi nos défauts afin de pouvoir avancer ? Alors, à 85 dollars le baril, peut-être qu’il y aura moins, demain, de jeunes harragas qui, pour fuir la mal-vie et la peur du lendemain iront chercher un peu de bonheur ailleurs, au risque de perdre leur vie; peut-être qu’il y aura moins, demain, de désillusions et de rêves brisés, d’opportunités ratées, dans une Algérie aussi belle et fraternelle que l’auront imaginée nos valeureux chouhadas.
Algérie1, 23/10/2021
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Zemmour au deuxième tour de la présidentielle derrière Macron
Zemmour au deuxième tour de la présidentielle derrière Macron. Selon un nouveau sondage, Eric Zemmour arrachera la place pour le duel du second tour contre le président Macron.
PARIS, 22 oct. (Reuters) – Selon un nouveau sondage d’opinion réalisé vendredi, le franc-tireur d’extrême droite Eric Zemmour a évincé Marine Le Pen de la place qualificative pour un duel de second tour contre le président Emmanuel Macron lors de l’élection présidentielle d’avril prochain.
L’ascension fulgurante de la star du talk-show politique dans les sondages d’opinion a bouleversé les attentes de longue date selon lesquelles le second tour serait certainement une répétition du concours de 2017 opposant Macron à Le Pen, dont le parti domine l’extrême droite depuis des décennies.
Le sondage publié vendredi pour le journal Le Monde par Ipsos Sopra Steria était seulement la deuxième enquête qui plaçait Zemmour au second tour, avec 16-16,5% au premier tour contre 15-16% pour Le Pen. M. Zemmour n’a pas officiellement annoncé sa candidature, mais on s’attend à ce qu’il se présente.
Macron est toujours en tête du premier tour avec 24-28%. Le dernier sondage n’a pas prédit le vainqueur du second tour, mais d’autres sondages ont prévu que Macron serait le vainqueur final probable.
Les sondeurs d’Ipsos Sopra Steria ont noté que M. Zemmour, qui a été condamné pour incitation à la haine et qui a déclaré que les femmes « n’incarnent pas le pouvoir », est un personnage qui divise davantage les électeurs que Mme Le Pen.
Seuls 20% d’entre eux considèrent qu’il a les qualités requises pour être président, contre 30% pour Le Pen. Alors que 21% des hommes de plus de 60 ans soutiennent Zemmour, son soutien aux femmes de moins de 35 ans n’est que de 8%.
Le sondage a été réalisé auprès de 16 000 personnes interrogées les 07/10-13/10.
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17 Octobre 1961 : Macron ne reconnaît pas le crime d’État !
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On l’a constaté, le huitième Président de la Vème République française a fait un peu mieux que son prédécesseur socialiste dans la qualification et la reconnaissance des faits inhérents au massacre à grande échelle, sur Seine, à Paris, le 17 octobre 1961. Mais il n’a pas, fait indéniable, reconnu le crime d’État en le cas d’espèce. Le communiqué de l’Élysée, après la cérémonie officielle pour les 60 ans du massacre d’Algériens pacifiques, est un parfait exercice d’équilibrisme sémantique, mémoriel et, par extension, politique. La gauche en France et les critiques en Algérie y ont trouvé assez de matière pour fustiger un chef de l’État réservé, voire timoré, qui ne va pas assez loin, c’est-à-dire au juste niveau, celui de crime d’État. Tandis que la droite française, elle, trouve dans les termes du communiqué un accès de « repentance », ce qui n’est, du reste, pas le cas.
Une analyse de contenu du communiqué en question, à travers le sens évocateur des mots-clés utilisés avec une précision horlogère, éclaire assez bien les réactions contradictoires, ici et là. Les divergences de points de vue, dans le contexte français et le contexte algérien, partent des différences des mémoires et de leur poids et, in fine, des contextes politiques, notamment en France où la conjoncture est marquée par la prochaine élection présidentielle en point de mire.
De quoi parle donc le communiqué de l’Élysée et pourquoi il pose finalement des questions ?
D’abord, le texte établit un constat des faits. Il note que douze mille Algériens ont été arrêtés et transférés vers différents points de regroupement. Il constate ensuite que la répression fut « brutale, « violente », « sanglante ». Qu’il y a eu de nombreux blessés et que plusieurs dizaines de personnes furent jetées dans la Seine, ainsi que de nombreux disparus. Suit le constat un hommage du Président Emmanuel Macron « à la mémoire de toutes les victimes ».
Après le constat, la minute de silence symbolique et l’hommage, surviennent la qualification des faits, la définition des responsabilités et leur imputation. De ce point de vue, le chef de l’État français s’appuie, pensant se montrer le plus objectif possible, le plus distancié possible, sur les historiens qui « ont établi de longue date ces faits et les ont inscrits dans un engrenage de violence durant plusieurs semaines ».
Dans l’enchaînement, intervient après le fait que la démarche du président soit la seconde du genre dans le domaine de la qualification et de la reconnaissance des faits. Avant lui, François Hollande avait admis en 2012 une « sanglante répression».
En reconnaissant des faits tangibles, le Président Emmanuel Macron se place d’abord à un degré supérieur par rapport à son prédécesseur. Il reprend ensuite à son compte l’inscription par les historiens des faits incriminés « dans un engrenage de violence durant plusieurs semaines ». On en comprend qu’ils seraient le résultat d’un simple « engrenage de la violence ». Qu’ils ne seraient donc pas la conséquence d’ordres donnés par l’autorité préfectorale, appuyée elle-même par l’autorité politique supérieure, ou en tout cas, au vu et au su de cette dernière qui aurait couvert de fait les actes barbares. D’ailleurs, le communiqué souligne que les crimes ont été « commis sous l’autorité de Maurice Papon » (préfet de police de Paris, Ndlr). Sous-entendu, ils seraient le fait d’un haut fonctionnaire qui aurait alors agi seul et à sa seule initiative, sans couverture politique et à l’insu de sa hiérarchie gouvernementale et de la présidence de la République.
Il est donc clair et entendu que le Président Emmanuel Macron a pris soigneusement le soin de ne pas imputer le massacre du 17 Octobre 1961 à l’État français pour ne pas avoir à le qualifier de crime d’État. Le cas échéant, une telle qualification n’aurait pas manqué d’avoir des conséquences politiques, avec des répercussions électorales. C’est-à-dire, du point de vue des pertes et des gains électoraux escomptés, et en termes de points dans les baromètres d’opinion en France où les mémoires de la colonisation sont traduites, politiquement et électoralement, par des lobbys et en intentions de vote.
On voit bien que la reconnaissance d’un crime d’Etat apparaît comme un plafond de verre, un horizon indépassable pour le moment. Autre signe en est, cette autre phrase du communiqué qui souligne que « la France regarde toute son histoire avec lucidité et reconnaît les responsabilités dûment établies », sans pour autant dire qu’elles sont celles de l’État. Sauf à avoir choisi la formule de « crimes commis sous l’autorité de Maurice Papon ». Et à affirmer que ces mêmes crimes sont « inexcusables » pour la République ». Dans les dictionnaires linguistiques, l’adjectif « inexcusable » signifie impardonnable, injustifiable. Dans le sens du droit français, la « faute inexcusable » se définit comme une faute d’une gravité exceptionnelle dérivant d’un acte ou d’une omission volontaire, de la conscience du danger que devait en avoir son auteur, de l’absence de toute cause justificative, et se distinguant par le défaut d’un élément intentionnel. (Chambre sociale 28 février 2002, pourvoi : n°99-17221, Legifrance).
On note donc, que si les crimes commis « sous l’autorité de Maurice Papon » sont « inexcusables pour la République », il n’existerait donc pas un « élément intentionnel » qui aurait amené le Président Emmanuel Macron à les imputer à l’État, mais plutôt à un individu agissant seul et de son fait. Par « définition », un acte isolé malgré son amplitude.
Pour ne citer qu’elles, à titre d’exemple, les réactions politiques en France ne s’y sont pas trompées. L’historien Benjamin Stora, auteur du fameux rapport sur les mémoires de la colonisation et de la guerre d’Algérie, est un des rares à trouver que «pour la première fois, un chef d’État en exercice reconnaît la responsabilité de l’État dans un massacre considéré comme un crime ». Mais, en réalité, les mots rigoureusement pesés du locataire de l’Élysée sont loin d’avoir fait l’unanimité, à droite comme à gauche.À gauche, les responsables politiques et autres députés regrettent qu’Emmanuel Macron ne soit pas allé plus loin, en reconnaissant « un crime d’État ». Chez les écologistes d’EELV qui réclament la reconnaissance du « crime d’État », Julien Bayou, le secrétaire national du parti, relève que Papon, le responsable direct des massacres, « est resté en place » jusqu’en 1967. Cette reconnaissance est également demandée par la France insoumise. Le député LFI Alexis Corbière appelle le Président Emmanuel Macron à « reconnaître le massacre des Algériens pour ce qu’il a été: un crime d’État ».
Le président de SOS Racisme, Dominique Sopo, a souligné, pour sa part, « des avancées bienvenues » tout en regrettant « la frilosité d’Emmanuel Macron » et sa « politique des petits pas » prudents. « Le chef de l’État va plus loin que Hollande dans la précision des faits ». Et par ailleurs le « crime est réduit à la responsabilité de Maurice Papon » qui « n’était pas un État dans l’État », car « il y avait bien un chef du gouvernement et un chef de l’État qui décidaient qui était préfet de police ».
Mais si d’aucuns estiment que le Président français ne fait pas juste ce qu’il faut, et a raté ainsi l’occasion de reconnaître le « crime d’Etat », d’autres, à droite et à l’extrême-droite, estiment qu’il en fait trop. D’aucuns dénoncent des « repentances à répétition » qui « deviennent insoutenables et attentent à l’image de la France », selon Marine Le Pen. Enfin, Éric Ciotti, l’un des candidats des Républicains à la présidentielle de 2022, stigmatise « la propagande victimaire anti-française du Président Macron ». Pour sa part, Valérie Pécresse, présidente de la région Ile-de-France, tout en concédant «une tragédie», met cependant sur un pied d’égalité le vaste massacre d’Algériens et les 22 policiers français qui ont perdu la vie dans des attentats FLN, cette même année 1961».
Au final, on pourrait comprendre un peu l’exercice de funambule sur le fil du rasoir auquel s’est adonné le Président Emmanuel Macron au sujet du grand massacre de la Seine.
Noureddine Khelassi
Le Soir d’Algérie, 19/10/2021
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Macron : «Ce n’est pas moi, c’est Papon …»
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La France n’a pas honte de ses crimes, elle «regarde toute son histoire avec lucidité et reconnaît les responsabilités clairement établies», a affirmé, hier, Emmanuel Macron, premier président français à se rendre sur un lieu de mémoire du massacre du 17 Octobre 1961. Un déplacement qu’il a, faut-il le préciser, effectué 24 heures avant la date de commémoration.
Pour les 60 ans de ce massacre, le président Macron avait affiché le souhait d’aller plus loin que la «sanglante répression» admise par François Hollande, en 2012, mais ses «petits» pas n’arrivent pas à rattraper la grande reculade qu’il a enregistré avec les propos belliqueux qu’il a proférés, dernièrement, contre l’Algérie, son histoire et ses dirigeants. Comme ses prédécesseurs, le président français refuse de présenter des excuses pour les génocides et les abominables crimes commis par la France coloniale et c’est sans prise de parole qu’il a déposé une gerbe sur les berges de la Seine, à la hauteur du pont de Bezons, d’où ont été jetés, il y a six décennies, des dizaines de manifestants algériens. Lors de la cérémonie, il a respecté une minute de silence avant de s’entretenir, ensuite, avec des proches de victimes, invités pour la circonstance. Un communiqué de l’Élysée, diffusé juste après le recueillement, a indiqué que le président français «a reconnu les faits: les crimes commis, cette nuit-là, sous l’autorité de Maurice Papon (le préfet de police de Paris, NDLR) sont inexcusables pour la République».
Macron, dans sa logique de «reconnaissance et non repentance», a, certes, parlé de «crimes inexcusables», mais non sans disculper l’État français en soutenant que c’est uniquement «sous l’autorité de Maurice Papon» que les crimes ont été commis. C’est comme si Papon avait agi seul, alors que c’est bien la responsabilité de l’État français de cette époque qu’Emmanuel Macron devrait reconnaître. Et si Hollande avait rendu «hommage à la mémoire des victimes», Macron, lui, a préféré parler de victimes de «tous côtés».
Il a ainsi expliqué que si la France doit regarder son histoire avec lucidité, «Elle le doit d’abord et avant tout, à elle-même, à toutes celles et ceux que la guerre d’Algérie et son cortège de crimes commis de tous côtés ont meurtris dans leur chair et dans leur âme. Elle le doit en particulier à sa jeunesse, pour qu’elle ne soit pas enfermée dans les conflits de mémoire, et construise, dans le respect et la reconnaissance de chacun, son avenir.» Macron veut, ainsi, mettre bourreau et victime sur un même pied d’égalité. Peut-il le faire en regardant droit dans les yeux les proches de Fatima Dedar, l’enfant de 15 ans qui a été noyée dans la Seine?
Ni le jeune âge de Fatima, ni son cartable de collégienne, encore moins ses tresses enfantines, n’ont réussi à arrêter son bourreau. Qu’a fait la France coloniale à cette époque? Son administration s’était empressée à affirmer qu’il n’y avait eu que deux décès et aucun disparu.
Le 31 octobre, lorsque le corps de la jeune Fatima, coincé dans une turbine de l’écluse de la Seine, a été retiré dans un état de dégradation avancé, la police, poursuivant sa logique de déni, a conclu à un suicide. C’est dire qu’il y a eu mensonges d’État! Mais la France n’a pas à avoir honte ni à s’excuser puisque -comme le soutien son président- elle reconnaît les faits. Pourquoi avoir alors créé des tribunaux pour juger les criminels de guerre, les tortionnaires et ceux qui ont commis des génocides puisque l’État colonial, qui a commis des enfumades, anéanti des villages entiers ou qui compte par dizaines de milliers de victimes des essais nucléaires n’est pas prêt à regretter ses gestes ni à s’en repentir affirmant qu’une reconnaissance des faits suffit largement à «réconcilier et apaiser les mémoires»?
Hasna YACOUB
L’Expression, 17/10/2021
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« L’étrange obsession de Macron » pour la Turquie, selon Filiu
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L’expert du Moyen-Orient Jean-Pierre Filiu a publié dimanche dans le quotidien français « Le Monde », un article de blog intitulé « L’étrange obsession de la France pour la Turquie au Maghreb ».
L’historien français Filiu a constaté que « le président Macron ne cible que la Turquie dans ses interventions sur le Maghreb, où la Russie et les Émirats arabes unis s’emploient pourtant à saper l’influence française », rappelant des déclarations du Président français Emmanuel Macron sur l’Algérie et la Turquie.
L’historien a noté qu’il est « légitime » que Macron s’inquiète des campagnes supposées de diffamation contre la France « inspirées par le président Recep Tayyip Erdogan », notamment lors de « la polémique internationale » d’octobre 2020 sur les caricatures contre le prophète Mahomet.
Déclarant que la visite du président algérien Abdelmadjid Tebboune à Ankara marquera « une sorte d’apogée » des relations entre l’Algérie et la Turquie, Filiu a noté qu’ « à trop se focaliser sur Erdogan, Macron en finit par oublier que c’est plutôt de la Russie et des Émirats arabes unis qu’émanent les plus sérieuses menaces à l’influence française au Maghreb. L’aveuglement du président français au Maghreb découle directement de la politique erronée qu’il a suivie en Libye durant les trois premières années de son mandat ».
Filiu a affirmé que le soutien de Macron à Khalifa Haftar, l’ex-général à la tête des forces illégitimes de l’est de la Libye, avait provoqué la reprise de la « guerre civile » dans le pays en 2019 et sapé le travail de médiation de l’Organisation des Nations unies (ONU).
Notant que la France s’était « discrètement » rangée du côté de la Russie, des Émirats arabes unis, de l’Égypte et de l’Arabie saoudite, Filiu a ajouté que « l’offensive de Haftar n’aboutit qu’à jeter le gouvernement de Tripoli dans les bras de la Turquie, dont l’intervention renversa la donne militaire, avec débandade des « mercenaires » russes engagés aux côtés de Haftar ».
Dans ce contexte, Filiu a attiré l’attention sur le fait que si la France observe les actions et objectifs de la Russie envers le Maghreb avec « tolérance », elle juge les objectifs de la Turquie comme « hostiles ».
Précisant que Moscou est « de loin » le premier partenaire militaire de l’Algérie, Filiu a noté qu’ »Il est dès lors paradoxal d’entendre le président français dénoncer « le système politico-militaire qui s’est construit sur cette rente mémorielle »anti-française en Algérie sans jamais mentionner la Russie, pourtant le principal allié extérieur d’un tel « système » ».
« Ce silence est d’autant plus troublant que Macron ne se prive pas de fustiger les autorités maliennes lorsqu’elles envisagent de recourir à des « mercenaires » russes », note encore l’historien français.
Filiu a déclaré que Macron avait ouvertement exprimé « sa proximité », voire sa « complicité » avec le prince héritier des Émirats arabes unis Mohammed Ben Zayed Al Nahyan.
Constatant que les réserves de la France envers Abou Dhabi ont disparu après que les Émirats arabes unis ont signé « l’accord de paix » avec Israël en septembre 2020, Filiu a également noté que « c’est oublier que Mohammed Ben Zayed lui-même entretient des relations peu avouables avec des ennemis déclarés de la France, à commencer par le satrape tchétchène Kadyrov ».
Filiu a estimé que Nahyan « se venge » de la défaite de Haftar en Libye en sabotant « l’expérience démocratique » en Tunisie.
Arguant que les Émirats arabes unis et l’Égypte ont joué un rôle important dans la décision du président tunisien Kaïs Saïed de « suspendre le processus constitutionnel » dans son pays, Filiu a affirmé que les Émirats arabes unis avaient également contribué à l’escalade des tensions entre l’Algérie et le Maroc.
« Espérons que la lucidité dont Macron vient de faire preuve envers le régime algérien ne soit pas aussi tardive s’agissant des visées des Émirats arabes unis dans la région. Dans le cas contraire, les relations franco-maghrébines entreront dans une zone de turbulences accrues, dont la Turquie tirera naturellement bénéfice, sans en être pour autant la cause », a encore noté l’historien.
– Les déclarations de Macron sur l’Algérie et la Turquie
Dans une déclaration faite le 30 septembre, Macron a estimé que « La construction de l’Algérie comme nation est un phénomène à regarder », le président français posant la question « Est-ce qu’il y avait une nation algérienne avant la colonisation française ? », et d’ajouter « Ça, c’est la question. Il y avait de précédentes colonisations. Moi, je suis fasciné de voir la capacité qu’a la Turquie à faire totalement oublier le rôle qu’elle a joué en Algérie et la domination qu’elle a exercée. Et d’expliquer qu’on est les seuls colonisateurs, c’est génial. Les Algériens y croient ».
Le président français avait dénoncé ce qu’il avait qualifié d’une « histoire officielle » selon lui « totalement réécrit[e] » et qui ne s’appuie pas sur des « vérités » mais sur « un discours qui, il faut bien le dire, repose sur une haine de la France ».
Estimant que la nation algérienne s’est construite après 1962 sur une déchirure de mémoire, le président français ajoutait que le problème est présenté comme la France. Macron a annoncé son intention de faire produire des publications en arabe et en berbère contre « la désinformation et la propagande qui seraient faites par les Turcs ainsi que sur ce qu’il qualifie de réécriture de l’histoire du Maghreb.
Anadolou
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Algérie-France : Indigérable passé, présent brouillé
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La photo souvenir du 60e anniversaire du massacre du 17 octobre 1961 à Paris est la suivante : en Algérie, une commémoration marquée par le message du chef de l’Etat, samedi 16 octobre, par lequel il rend hommage aux victimes et promet aux Algériens de l’étranger une meilleure écoute et une meilleure prise en charge de leurs besoins au pays comme à l’extérieur.
Par Lyes Sakhi
Une annonce que la journée du 17 octobre sera chaque année un moment de souvenir national à la célébration duquel sera observée une minute silence et de recueillement à la mémoire des morts noyés dans la Seine ou assassinés par balles. Le déplacement, enfin, de M. Tebboune, hier, 17 octobre, au sanctuaire du Martyr à Alger, pour s’incliner devant les victimes du massacre et déposer une gerbe de fleurs au pied de la stèle commémorative. Sur la même photo, à l’échelle du gouvernement, la déclaration du Premier ministre, Aïmene Benabderrahmane, que les manifestations du 17 octobre 1961 à Paris marquent «une date sombre dans l’histoire de l’occupation, une date que nul ne peut effacer».En France, on retient de cette photo une commémoration marquée par le geste du président Emmanuel Macron de se rendre pour un dépôt de gerbes et une minute de silence sur les berges de la Seine à hauteur du pont de Bezons, le 16 octobre 2021, d’où a commencé la répression par la police parisienne des manifestants algériens pacifiques. A cette initiative, s’est ajouté durant la même journée un communiqué de l’Elysée dénonçant des «crimes inexcusables pour la République». En France, toujours, le 17 octobre, on voit sur cette photo, le préfet de police de Paris, Didier Lallement, déposer une gerbe de fleurs près de la Seine au niveau du Pont Saint-Michel. On gardera de son geste le fait qu’il est le premier préfet de police de Paris à rendre hommage aux victimes algériennes.
Pendant sa présence sur les lieux, la sonnerie aux morts a résonné. Puis une minute de silence a été respectée «à la mémoire des morts du 17 octobre 1961», selon les paroles prononcées par une représentante de la préfecture de police au micro. En France, toujours, le défilé de «quelques centaines de manifestants», selon l’AFP, pour scander «17 octobre 1961, crime d’État» et brandir la banderole «pour la reconnaissance d’un crime d’État» à l’appel de «dizaines d’organisations et d’associations (LDH, SOS Racisme, Mrap, Attac, Gisti, etc.), de syndicats et de partis de gauche (EELV, LFI, PCF…)», ajoute l’agence de presse.
Entre les deux, plusieurs historiens qui considèrent en Algérie comme en France que le geste du président français est «un petit pas de plus», mais que «ce n’est pas satisfaisant», ainsi que le résume l’historien spécialiste de la colonisation Gilles Manceron. «C’est une reconnaissance d’un crime de préfecture. Nous demandons une reconnaissance de crime d’État et l’accès réel aux archives», a-t-il déclaré. Entre les deux, la lecture est que, pour les Etats algériens et français, c’est du «chacun de son côté» pour reprendre la formule d’un observateur du bilatéral algéro-français sur les sensibles questions de l’histoire et de la Mémoire. En France, l’Etat avance sur ce dossier suivant une logique politique claire qui tient compte des courants et des sensibilités encore fortes dans l’Hexagone par rapport à une certaine idée de la France et par rapport à tout ce qui relève de l’héritage colonial, en particulier en Algérie, et de la perspective de la présidentielle de 2022 pour laquelle le président Macron se positionne chaque jour.
En Algérie, l’Etat, défenseur de l’histoire et de la mémoire nationale qu’il considère attaquée par des nostalgiques de la colonisation et des «lobbies incapables de s’affranchir dans leur extrémisme chronique», est dans une approche «loin de la prédominance de la pensée colonialiste», selon la dernière déclaration du président Tebboune, samedi 16 octobre. Le président de la République a ajouté qu’il est désormais question de «traiter les dossiers de l’histoire et de la mémoire sans complaisances, ni compromissions et avec le sens aigu des responsabilités»… Une déclaration qui confirme le «chacun pour soi» et l’inexistence aujourd’hui de signaux de rapprochement entre l’Algérie et la France officielles sur ce qui est appelée la «guerre» ou le «contentieux» mémoriels depuis l’adoption en France de la loi abrogée du 23 février 2005 portant «reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés».
Cette perspective est rendue plus éloignée par le calendrier politique et électoral en France, qui ne devrait pas dicter au président candidat Macron de faire avant le printemps 2022 de nouveaux pas vers la «vérité» et la «reconnaissance», selon les termes des historiens algériens et français qui réclament la qualification de «crime d’Etat» pour les massacres d’octobre 1961. Elle ne semble pas envisageable au vu de l’orientation d’intransigeance actuellement audible dans le discours de l’Etat algérien, qui a ses difficultés spécifiques au contexte national actuel, sur la lecture à donner sur la séquence coloniale.
Pour revenir à la photo, l’image qu’elle renvoie, si on peut dire, est celle d’un indigérable passé et d’un (presque) ingérable présent dont la gestion ne peut qu’évoluer comme toute chose par nature. Mais quand, donc, aura lieu ce rapprochement ? La seule réponse intelligente à cette interrogation est que le débat mémoriel n’a jamais été aussi prépondérant en France comme en Algérie. La logique est qu’il débouche sur des ouvertures certaines contre les tabous politiques qui ont perduré depuis soixante ans.
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Macron et sa prose
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Le rivage de la réconciliation mémorielle entre l’Algérie et la France est si lointain. Le « nouveau geste» d’apaisement annoncé en grande pompe à l’occasion de la célébration du massacre du 17 octobre 1961, tant attendu lors de la sortie du président français, n’a pas eu lieu. Déception totale à Alger qui n’a vu aucune évolution positive dans l’attitude de la France officielle. En affirmant «reconnaître les faits» dont il attribue la responsabilité au préfet de police, Maurice Papon, le chef de l’État français entretenant l’amalgame entre le bourreau et sa victime et en reniant les faits pourtant clairs, finit, en bout de course, par s’enfermer lui-même dans les «conflits de mémoires» qu’il perpétue. Comme un crabe, le président Macron avance à reculons.
C’est à peine qu’il reconnaît du bout des lèvres la tragédie du 17 octobre 1961et s’interdit de présenter des excuses au peuple algérien, mais pour les harkis il s’est bien excusé. Plus encore, il impute la tragédie au préfet de l’époque, Maurice Papon alors que c’est un crime d’État qui implique la République française avec ses rouages administratifs et policiers. Papon dirigeait une police républicaine au nom de laquelle il a commis un carnage. Les propos de Macron sonnent alors comme une fuite en avant, une esquive qui consiste à exonérer les responsables politiques de toute culpabilité dans les crimes commis au nom de la République française.
Le préfet Papon n’est qu’un rouage dans l’appareil d’État français qui a froidement planifié et exécuté une campagne massive d’arrestations et d’exécutions.
Cette nouvelle posture de l’Hexagone n’ est pas faite pour primer l’apaisement et la réconciliation qui vont panser les profondes déchirures mémorielles qui traversent les sociétés algérienne et française. Mais faisons l’hypothèse charitable qu’il est écrit quelque part que les dirigeants français ont un goût immodéré de la controverse. Macron ne déroge pas à cette culture héritée du général de Gaulle qui a toujours excellé dans cet «art».
Saluant «l’immortel génie de la France, (…) pour élever les hommes au sommet de la dignité…», en 1944, lors de la conférence de Brazzaville, le général cautionne vaillamment la déportation de Messali El Hadj la même année et dans la même ville. Le général n’avait-il pas lancé le plan de Constantine, proposé la paix des braves et accepte de négocier avec le GPRA, tout en rappelant 15 000 militaires réservistes, et ordonnant au général Challe «d’écraser la rébellion du FLN».
La France de Macron n’a pas encore trouvé le courage collectif pour affronter ses crimes. «Tendre la main, retisser les liens, ce n’est pas s’humilier par je ne sais quelle repentance, c’est se grandir, c’est être fort.», c’est la prose du président Emmanuel Macron. Y croit-il vraiment?
Brahim TAKHEROUBT
L’Expression, 18/10/2021
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Existe-t-il des crimes justifiables ? Sur les 17 octobre 1961 et 2021
Algérie, France, Macron, 17 octobre 1961, #Algérie, #France, #Macron,Les évocations du 17 octobre 1961 dans les médias français ont été davantage multipliés dans la perspective de la démarche présidentielle que par le soixantième anniversaire ou par le « devoir de mémoire ». Emmanuel Macron dirait-il « crime d’État » ?Question et attente absurdes, quelle qu’en soit la réponse, puisqu’on ne peut qualifier autrement une tuerie massive perpétrée par les forces dudit État dans le contexte de sa politique de l’époque.La question du nombre de victimes décédées reste ouverte et les estimations dans les médias ces jours-ci oscillent entre quelques dizaines et environ deux cents. On évoque plus rarement 300, chiffre retenu par Jean-Luc Einaudi. En se basant sur les historiens institutionnels, des journalistes demeurent approximatifs, ajoutant à l’occasion que « certaines » victimes ont été jetées à la Seine sans témoigner à ce propos d’une lecture exhaustive des livres qu’ils évoquent.Cette lacune me semble plus partagée qu’on ne croit, y compris parmi les spécialistes de la mémoire.J’ai tenté un tableau des groupes de victimes décédées (je le précise car le nombre de blessés est incommensurable) en me basant sur les témoignages évoqués pour l’essentiel dans les livres de Jean-Luc Einaudi, qui marquent une évolution au cours de vingt ans de recherches.1. Au pont de Neuilly, pour empêcher environ dix mille manifestants venus des bidonvilles au nord-ouest de Paris, la FPA principalement a effectué de longs mitraillages, au fur et à mesure qu’avançaient les vagues successives, de 18 h à 21 h environ. On a évoqué une centaine de morts avant le pont.2. Cependant des groupes de manifestants ont réussi à franchir la première partie du pont. Ils se sont trouvés coincés avant d’en sortir vers Neuilly par un autre barrage constitué de policiers (on avait placé les supplétifs en première ligne, comme d’habitude). Les manifestants pris dans cette nasse ont été matraqués à outrance et jetés à la Seine. Selon le tract des « policiers républicains », il s’agit là d’une « bonne centaine » de tués.3. Cette nasse est connue par ailleurs, par des captations radios des réseaux de la police, évoquées par un conscrit opérateur officiant au centre de diffusion. Il saisissait ce que les policiers se disaient entre eux d’unités à unités répandues dans Paris et sa banlieue. Leurs propos portaient sur deux à trois cents victimes jetées à la Seine : parmi celles-ci, figurent la « bonne centaine » du groupe 2. Il faut donc ajouter donc cent à deux cents jetés ailleurs. Ce témoignage sur le moment même ne peut se confondre avec ceux portant sur ce qui s’est passé ensuite ailleurs.4. Les vagues de manifestants venus du nord-ouest ont été pourchassées et dispersées dans les rues de Puteaux et de Courbevoie (de chaque côté de la grande avenue allant du rond-point de La Défense à Neuilly). Charges, tirs à balles. Selon un témoignage de l’AGTA, un long mitraillage a visé environ 200 manifestants réfugiés dans un terrain vague clos. On ignore le chiffre des victimes plausibles de ce groupe.5. Il faut envisager que la poursuite systématique des groupes de manifestants désorganisés dans Paris et ses banlieues a donné lieu à des tirs à balles, des charges y compris par véhicules, etc. Une rumeur de militaires porte sur environ 200 tués par balles, parmi lesquels figurent possiblement ceux des fusillades au pont de Neuilly. Ce seraient donc une centaine de tués qui s’ajoutent à eux.6. La « farce » des policiers dans l’une des cours de la Préfecture a été mentionnée maintes fois à l’époque. L’estimation minimale de tués est d’une cinquantaine. Une émanant de policiers porte ce chiffre à 80.7. Un autre témoignage de policier a recensé 40 noyés dans le canal près de Bastille. Ils ne peuvent provenir de la Seine, ce ne sont donc pas des manifestants du pont Saint-Michel ni de la banlieue nord.8. Témoignage policier encore d’une centaine « au moins » (et sans doute « beaucoup plus ») de corps apportés à l’Institut médico-légal jouxtant la Préfecture et jetés immédiatement à la Seine voisine, sans enregistrement administratif. Ces corps peuvent être une part des tués par balles (ou matraqués) par-ci par-là dans Paris au cours des chasses à l’homme. Et aussi des morts dans les commissariats divers ou autres lieux de détention mineurs, comparés à celui de la porte de Versailles. Il s’agit donc partiellement de victimes plausibles en plus de celles assurées.9. Un témoignage évoque les corps emportés par les Algériens dans le cours de la nuit. Il avait compté 78 corps. Or ce militant n’évoque en cela qu’une seule équipe de recherche, alors qu’il y en eut sans doute d’autres.10. Un récit plus tard d’un manifestant estime à 150 les blessés graves qui moururent les jours suivants dans leur baraques ou garnis.Les groupes 6, 7, 9 et 10 approchent 350 décès en plus des 400 des groupes 1 à 5. Les victimes plausibles alourdissent forcément ce bilan. Les rejoignent encore :– les chasses à l’homme éparses en banlieue nord, qui durèrent toute la nuit (tirs à balles, corps ramassés dans des fourgons);– une carence statistique du Centre d’identification de Vincennes, d’environ 200 personnes;– les déclarés expulsés vers l’Algérie dont une part fut assassinée en route, ou en vol, ou là-bas;– des traces de fosses communes retrouvées tardivement et demeurées inexpliquées.C’est pourquoi, en conclusion de ma démarche, je soutiens que l’échelle d’un millier de morts le 17 et les jours suivants est une estimation beaucoup plus réaliste que les recensements statistiques encore possibles dans un univers fermé où beaucoup s’effectua sans consignation (ni ordres officiels).Le journal Vérité-Liberté, dont j’ai édité un recueil des articles principaux, notamment la totalité du numéro de novembre 1961 consacré au 17, citait une estimation des Algériens : 400 morts et 600 disparus. Les recoupements présentés ici confirmeraient cette échelle.Dix mille policiers organisés dans Paris pour disloquer vingt à trente mille manifestants (répartis en différents cortèges ou systématiquement embarqués à leur sortie du métro ou dans le métro) et déchaînés dans une violence meurtrière intentionnelle, douze mille incarcérés recensés, des brutalités omniprésentes et continuelles : envisager cette réalité pratique ne me semble pas contredire mes conclusions. Elles sont tirées, je le rappelle, de la lecture précise de livres accessibles à tous, et dont on honore l’auteur.Jean-Louis Mohand PaulLe Matin d’Algérie, 17/10/2021