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  • Algérie. Géopolitique : Redéploiement gagnant

    Algérie. Géopolitique : Redéploiement gagnant – Abdelmadjid Tebboune, Sahara Occidental, Libyen Tunisie, Mali, sahel, Maroc,

    Le bilan des deux années de règne du président de la République a été marqué par un redéploiement de l’Algérie sur la scène internationale.
    En effet, dès son élection, le chef de l’Etat s’est attelé à élaborer une stratégie de renforcement du rôle et de la présence de l’Algérie aux plans régional et mondial. C’est ainsi que lors de ses différents déplacements, le ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, chargé de la mise en application de la stratégie présidentielle, s’est efforcé de réaffirmer les positions de principe de l’Algérie à l’égard des questions régionales internationales. Aussi et dans l’optique de porter la voix de l’Algérie, le président Tebboune a mis en avant l’approche algériennes dans le règlement des crises et le renforcement de la paix et la sécurité dans son environnement régional, surtout s’agissant de la Libye, du Mali, du Sahara Occidental et de la région sahélo-saharienne.

    A cet égard, la question du conflit qui oppose le Maroc au Front Polisario a été moult fois évoquée précisant qu’«il (le conflit, ndlr) doit trouver sa solution dans le cadre du processus de décolonisation et de l’organisation d’un référendum d’autodétermination sous l’égide des Nations unies». Le président de la République a également instauré de nouvelles règles pour les relations algéro-françaises, basées sur «la réciprocité, l’égalité et le respect de la souveraineté et de la décision de l’Etat et du peuple algériens».

    Le nouveau ton à l’égard de la France constitue en effet une réaction aux déclarations du président français, Emmanuel Macron, à l’encontre de l’Algérie et ses institutions. Aussi, l’an II de la présidence de Tebboune a été marqué par «la rupture, en août dernier, des relations diplomatiques avec le Maroc en raison des actes hostiles incessants perpétrés» par ce pays à l’égard de l’Algérie. En outre, la démarche diplomatique du chef de l’Etat a également concerné le renforcement des liens avec l’Afrique et le Monde arabe, le développement du partenariat et de la paix dans le monde.

    Conscient de l’histoire, du poids et l’emplacement géographique central de notre pays entre l’Afrique, le Monde arabe et la Méditerranée, le Président, au travers du gouvernement ambitionne aussi d’engager l’Algérie dans la «promotion d’initiatives, de dynamiques de réconciliation» dans l’objectif de participer à la définition de solutions aux crises et conflits régionaux. Cet objectif, loin d’être un simple souhait a été même intégré dans le plan d’action du gouvernement aux fins de suivre sa mise en œuvre. C’est ainsi que dans ce plan d’action, il est noté qu’«en Libye, l’Algérie s’emploiera à conforter la dynamique de réconciliation du peuple libyen et l’organisation des élections, loin de toute interférence et ingérence étrangères», précisant dans le même ordre d’idées qu’«au sahel, l’Algérie redoublera d’efforts pour aider à la stabilité et la sécurité de cette région, à laquelle elle appartient et dont les pays sont liés à elle par des liens historiques, politiques et humains, forts et multiples ainsi que par une communauté de destin face à des défis existentiels».

    Par ailleurs, il est à relever que la présidence de Tebboune a été caractérisée aussi par la remise au goût du jour des questions liées à la mémoire avec la récupération des crânes des chouhada et le lancement d’une chaîne dédiée à la mémoire.

    Fatma Zohra Hakem

    Horizons, 12/12/2021

    #Algérie #Maroc #Sahel #Mali #Libye #Tunisie #Palestine #Sahara_Occidental

  • Algérie-France : Prémices de retour aux bons comptes…

    Algérie-France : Prémices de retour aux bons comptes…

    Algérie-France : Prémices de retour aux bons comptes… – Emmanuel Macron, Tebboune, Mémoire, Sahel, Mali,

    Après plusieurs semaines de crise aiguë, le bilatéral algéro-français semble désormais évoluer sur une voie de règlement pour une «relation de confiance», a déclaré hier à Alger Jean-Yves Le Drian, à l’issue de l’audience que lui a accordée le président de la République, Abdelmadjid Tebboune. La visite du chef de la diplomatie française – un geste fort – augure d’un retour aux bons comptes et d’une reprise de la coopération au plus haut niveau des deux gouvernements.

    La visite effectuée hier en Algérie par le ministre français des Affaires étrangères ne ressemble certainement pas à ses devancières sur le registre des relations entre les deux pays. Cette nouvelle présence à Alger de Jean Yves Le Drian intervient dans une conjoncture marquée par un refroidissement glacial de ces relations qui dure depuis plus de deux mois, après les propos que s’est autorisé à tenir Emmanuel Macron à l’égard de l’Algérie et de son histoire.
    Partant, la visite d’hier est inscrite dans le cadre du déploiement de Paris en faveur d’un apaisement et d’un retour à la normale avec Alger, après la crise provoquée par le dérapage incontrôlé du président français, fin septembre dernier, à travers des déclarations qui n’ont pas tardé à être relayées par le quotidien Le Monde, sonnant l’entame d’une rupture entre les deux pays.

    Le chef de la diplomatie française a d’ailleurs explicitement exposé les motifs de sa nouvelle mission algéroise en indiquant d’emblée que son déplacement en Algérie avait «pour doble objectif de renouer une relation de confiance entre nos deux pays, marquée par le respect de la souveraineté de chacun, mais aussi de regarder vers l’avenir pour travailler à la relance et à l’approfondissement de notre partenariat qui est indispensable».

    Le ministre français des Affaires étrangères s’exprimait devant la presse, au sortir de l’audience qui lui a été accordée par le président de la République Abdelmadjid Tebboune. Il a donc réitéré le discours qu’il s’emploie à tenir à l’égard de l’Algérie depuis que son Président l’a mis devant le fait accompli, l’obligeant à redoubler de marketing diplomatique pour faire baisser la colère d’Alger. Faut-il rappeler, à ce propos, que Le Drian n’avait pas tardé à monter au créneau dans la semaine même qui avait suivi les propos de Macron, dans l’objectif de calmer la colère des Algériens, offusqués par l’attitude du locataire de l’Elysée. Le même responsable est revenu plusieurs fois à la charge dans l’espoir d’un dégel qui n’a pas eu lieu.

    Mais sa visite d’hier laisse assez clairement se dégager les prémices d’un apaisement en cours qu’il est venu chercher en insistant, une nouvelle fois, sur les relations entre les deux pays. «La France et l’Algérie ont des liens profonds animés par la densité des relations humaines entre Algériens et Français, et ancrés dans une Histoire complexe», dira-il à ce sujet, avant de formuler «le souhait de travailler à lever les blocages et les malentendus qui peuvent exister entre les deux pays», précisant qu’au cours des échanges, les deux parties ont convenu de reprendre certains axes de la coopération bilatérale.

    «Cela se traduira par la reprise d’un dialogue opérationnel entre partenaires sur les questions humaines et migratoires, et aussi par la reprise d’un dialogue opérationnel sur la lutte contre le terrorisme et par nos efforts communs pour assurer la sécurité de nos deux pays», a-t-il dit, exprimant aussi son «souhait que le dialogue que nous relançons aujourd’hui puisse conduire à une reprise des échanges politiques entre nos deux gouvernements en 2022».
    On voit donc bien que le chef de la diplomatie française n’hésite pas à se mettre d’ores et déjà à l’heure de la normalisation accomplie. Partant, il ne manque pas, non plus, d’inscrire les relations entre l’Algérie et la France dans une nouvelle étape de coopération et de partenariat, bilatéral, mais aussi sur la scène régionale, notamment à travers le dossier libyen ou celui du Sahel.

    «L’Algérie est un partenaire essentiel»

    «Je veux redire, ici, que l’Algérie est un partenaire essentiel pour la France sur le plan bilatéral, mais également sur le plan régional. Nous entendons continuer à coordonner nos initiatives diplomatiques pour favoriser le processus d’une transition politique en Libye à la suite de la Conférence de Paris à laquelle le ministre des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l’étranger, Ramtane Lamamra, avait représenté le Président Tebboune», ajoutera le même responsable français.

    «Nous avons également fait le point sur la situation au Mali où l’Algérie joue un rôle important», a-t-il indiqué, soulignant que «l’engagement de l’Algérie dans la mise en œuvre de l’Accord de paix et de réconciliation est un élément essentiel du processus de paix au Mali».

    «Je tiens à saluer cet engagement et je forme le vœu que notre dialogue se poursuive sur ce sujet», a-t-il affirmé.
    Dans le même sillage, il a indiqué que la France et l’Algérie font face ensemble à «des défis majeurs dans un environnement régional et international incertain», soulignant que les deux pays «doivent être en mesure de proposer des réponses opérationnelles aux défis que représente le terrorisme dans la région sahélienne, mais aussi l’émigration clandestine ainsi qu’aux enjeux de développement économique».

    «Sur tous ces sujets et parce que nos intérêts sont communs, notre concertation est primordiale et c’était le sens de ma présence aujourd’hui à Alger», a ajouté M. Le Drian qui s’est dit «heureux de revenir en Algérie» où «j’ai eu l’honneur et le plaisir de m’entretenir longuement avec le Président Tebboune et avec mon homologue M. Lamamra».
    Mais sans doute bien plus que les retrouvailles entre les deux chefs de la diplomatie algérienne et française, qui n’ont d’ailleurs pas cessé de se rencontrer durant les deux mois de crise entre les deux pays (sommet de l’ONU puis à la conférence sur la Libye), c’est l’audience accordée par Abdelmadjid Tebboune à Jean Yves Le Drian qui laisse entendre une avancée dans la normalisation algéro-française.

    Faut-il rappeler, à ce propos, que le président de la République avait clairement affiché son refus de faire le premier pas dans le cadre de ce processus revendiqué aussi publiquement par Emmanuel Macron.

    Par Feriel Nourine

    Reporters, 09/12/2021

    #Algérie #France #Macron #Tebboune #Mémoire #Colonisation #Mali #Sahel

  • Barkhane: La fermeture du ciel algérien a coûté des millions

    Barkhane: La fermeture du ciel algérien a coûté des millions

    France, Mali, Niger, Burkina Faso, Algérie – Barkhane: La fermeture du ciel algérien a coûté des millions

    Barkhane : L’interdiction de survol de l’Algérie par les avions militaires français a déjà coûté « plusieurs millions d’euros »

    Ces dernières semaines, six unités de la force française Barkhane ont été relevées dans le cadre de la réorganisation du dispostif de cette dernière, lequel repose sur cinq Groupements tactiques désert [GTD] et un groupement commando. Selon le détail livré par l’État-major des armées [EMA] dans son dernier compte-rendu des opérations, le GTD n°1 « Korrigan » est désormais armé par le 3e Régiment d’infanterie de marine [RIMa] avec des véhicules Griffon, renforcé par des éléments du 5e Régiment de Dragons, du 1er RIMa, du 11e Régiment d’artillerie de Marine [RAMa] et du 6e Régiment du génie [RG]. Installé à Gao, sa mission est de mener des actions de combat dans la région dite des « trois frontières ». À Gossi [Mali], le GTD n°2 « intervention et partenariat de combat » [IPC] « Auvergne » accompagne les Forces armées maliennes [FAMa] dans la région du Gourma. Il est armé par le 92e Régiment d’Infanterie [RI], avec des renforts provenant du 501e Régiment de chars de combat [RCC], le 40e Régiment d’artillerie [40e RA] et le 13e RG.

    Des éléments de ces mêmes unités, renforcés par le 16e Bataillon de chasseurs à pieds [BCP] constituent le GTD n°3 « Salamandre », qui opère, depuis Niamey, dans la région du Liptako aux côtés des Forces armées nigériennes, dans le cadre d’un Partenariat militaire opérationnel [PMO].

    S’agissant de l’aéromobilité, le GTD aérocombat [GTD-A] est désormais armé par le 5e Régiment d’hélicoptères de combat [RHC], avec le renfort « d’éléments des autres unités du pilier aérocombat ». Pour rappel, il met en oeuvre 6 NH-90 Caïman TTH, 1 Cougar, 5 Tigre et 4 Gazelle. Trois hélicoptères de transport lourd [HTL] CH-47 Chinook de la Royal Air Force complètent ce dispositif.

    Quant au GTD Logistique, il s’appuie sur le 516e Régiment du train [516e RT] et le 8e Régiment du matériel [8e RMat]. Enfin, la 6e Brigade légère blindée [BLB] et la 11e Brigade parachutiste [BP] arment le groupement commando.

    Ces relèves ont sans doute commencé au plus mauvais moment… En effet, le 3 octobre, l’Algérie a décidé d’interdire l’accès de son espace aérien aux avions militaires français se rendant au Sahel, en réaction à des propos tenus par le président Macron.

    Selon le quotidien Le Monde, celui-ci aurait affirmé que, depuis son indépendance, obtenue il y a près de 60 ans, l’Algérie s’est « construite sur une rente mémorielle », entretenue par le « système politico-militaire » algérien. Et de dénoncer une « histoire officielle […] totalement réécrite » qui « ne s’appuie pas sur des vérités » mais sur « un discours qui repose sur une haine de la France ».

    Cela étant, la décision algérienne a évidemment impact sur les opérations françaises au Sahel, les avions de transport de l’armée de l’Air & de l’Espace [AAE] étant bien obligé de contourner l’Algérie. Ce qui allonge le temps de vol… et accroît la consommation de kerosène.

    « Aujourd’hui, la durée de chaque rotation vers la bande sahélo-saharienne est rallongée de 2 heures à 2 heures 30. Pour conserver la charge utile offerte par les A400M, nous procédons à une escale à Dakar », a en effet expliqué le général Stéphane Mille, le chef d’état-major de l’armée de l’Air [CEMAAE], en réponse à une question posée par le Christian Cambon, le président de la commission sénatoriale des Affaires étrangères et de la Défense.

    « À ce jour, j’évalue à plusieurs millions d’euros le surcoût de ces adaptations de trajectoire », a ensuite indiqué le général Mille, sans préciser le montant exact de la facture…

    L’an passé, les surcoûts de l’opération Barkhane avaient été évalués à 911 millions d’euros, en raison notamment des renforts envoyés au Sahel après le sommet de Pau [13 janvier 2020]. Cette année, aucune estimation n’a été communiquée à la faveur des auditions parlementaires de la ministre des Armées, Florence Parly, et du général Burkhard, le chef d’état-major des armées [CEMA].

    Quoi qu’il en soit, cette interdiction du survol de l’Algérie faite aux avions militaires français va-t-elle durer? Le 26 novembre, le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, a laissé entendre que la situation pourrait s’arranger bientôt. « Il faut bien que ces relations reviennent à la normale, à condition que l’autre partie [la France] les conçoive sur une base d’égal à égal, sans provocation », a-t-il dit, à la télévision publique. « Nous sommes d’accord pour qu’on traite l’un avec l’autre pour ne pas nuire aux intérêts de chaque partie, mais nous n’accepterons pas qu’on nous impose quoi que ce soit », a-t-il ajouté.

    Zone militaire, 28/11/2021

    #France #Barkhane #Mali #Sahel #Tchad #Niger #BurkinaFaso #Algérie

  • Le déclin français

    Le déclin français

    France, Sahel, Mali, Barkhane, AUKUS, – Le déclin français

    Le thème du «déclin français» et son corollaire «le retour de la grandeur de la France» est devenu, directement ou indirectement, de la droite à la gauche des forces politiques françaises, le sujet majeur de la vie politique française.

    Ce «déclin français», avec ses composantes de peur, d’amertume, ces interrogations sur l’avenir, domine,sans le dire, depuis des années le climat politique et la vie intellectuelle française. Il a nourri au fur et à mesure un nationalisme d’autant plus malsain qu’il est fait de dépit, de peur de l’autre, de xénophobie, de perte de confiance en soi.

    Avec la crise du Corona, ce sentiment de déclin s’est accentué: on y retrouve, pèlemêle jetés, le scandale des masques, le paracétamol et les autres pénuries de médicaments de base, les difficultés de production de l’oxygène, l’échec de la France», la seule parmi les «grandes puissances», à ne pas produire un vaccin anticovid», mais aussi les déboires militaires au Sahel décidément trop grand pour les capacités françaises,»l’irrespect»manifesté par l’Algérie comme le dénoncent des hommes politiques français, l’arrogance du Royaume Uni sur l’affaire des zones de pêche, l’affaire du contrat de vente de sous-marins avec l’Australie etc.. etc.. Si on n’a pas en vue ce sentiment de déclin, on ne peut comprendre, par exemple, la réaction extrême française à cette dernière affaire. La désinvolture, voire l’indifférence aux intérêts français manifestée par ses alliés, ont vexé la France. Encore plus, lorsque ce manque de considération s’est confirmé dans l’annonce d’un traité d’alliance Indopacifique entre les États Unis, le Royaume Uni et l’Australie, conclu sans que la France ne le sache et d’où elle est exclue . Cela ne pouvait mieux confirmer ce sentiment de déclin.

    C’est comme si la France était obligée, désormais clairement, de prendre conscience de sa place dans les rapports stratégiques mondiaux.

    Mais qu’y a-t-il en réalité derrière cette question du déclin

    En effet, si on considère la question de plus près, on pourra s’apercevoir, vite alors,que le mot «déclin» est inapproprié. Il sert à masquer, en fait, une nouvelle réalité qui détermine et qui déterminera probablement la place de la France, comme celle d’autres pays naguère dominants, dans les rapports entre nations. Le mot déclin remplit alors une fonction: celle du déni de cette réalité ; cette angle d’approche, cette lecture de la situation française par le déclin, va s’imposer à toutes les forces politiques, de gauche comme de droite, aussi bien dans la dénonciation de ce déclin, que dans la recherche de ses responsables, ainsi que dans la nécessité de le refuser et de redonner à la France, «la place qui est la sienne». Le président Macron parle de» redonner sa grandeur à la France». Éric Zemmour clame que «la France n’est pas la France si elle n’est pas hégémonique». Jean Luc Mélenchon tonne que La France est  » le 2eme domaine maritime du monde avec 10 millions de km2 , qu’en 2050 cinq cent millions de personnes parleront le français dans le monde » grâce à la présence de la France en Afrique, et que «la France ne ressemble pas aux autres puissances car sa mission est universelle» . Le nationalisme fait rage. De façon générale, tout le discours politique reflète ce souci, cette obsession de redonner sa puissance à la France que ce soit dans les approches économiques de réindustrialisation de la France, culturelle à travers la francophonie, ou militaire à travers l’attachement à une présence à l’extérieur, même si les moyens ne le permettent plus.

    Car tout cela n’est d’évidence plus possible. La place de la France, et aussi de l’Europe, dans le PIB mondial a été pendant deux siècles une sorte d’exception historique, liée à la révolution industrielle européenne. Celle-ci a fait que des pays relativement petits, du point de vue de leur étendue géographique et du nombre de leurs habitants, ont pu dominer d’immenses pays grâce à la fois à leur puissance technologique et militaire et à leur unité nationale . Qu’on regarde la carte du monde, ceci saute aux yeux et laisse songeur. Avant la révolution industrielle, des pays comme la Chine et l’Inde représentaient 50% de la production mondiale. On sait que le facteur démographique est, en dernière instance, le facteur déterminant des rapports entre groupes humains. Aujourd’hui avec leurs trois milliards d’habitants, ils reprennent progressivement leur place mondiale. C’est aussi simple que cela. C’est aussi le cas progressivement d’autres régions du monde. Il ne s’agit donc pas d’un «déclin», mais d’une évolution historique en quelque sorte normale, d’un retour à l’ordre des choses.

    Le déni de la réalité

    De la même manière, la France, et d’autres pays européens, vont reprendre historiquement tout simplement leur place naturelle dans le concert des nations du monde. Et c’est une bonne chose, y compris pour la France. Les autres nations dans le monde se trouvent-elles dévalorisées d’être à leur place, de ne pas être hégémoniques. L’Allemagne s’est trouvée bien plus respectée de ne plus l’être, et de consacrer ses forces à son développement , bien que …la tentation hégémonique n’est jamais bien loin.  D’autres pays, fameux par leur qualité de vie, et leur niveau civilisationnel, se trouveraient-ils diminués d’être comme tout le monde , des pays «normaux» . Sont-ils de «petits pays» ou bien au contraire des pays admirés. Mais en attendant, malheur à celui qui dirait en France tout simplement «voilà c’est la réalité de ce que nous sommes actuellement, le monde a évolué». Il n’aurait plus aucune chance politique dans un climat où domine le nationalisme sous sa forme la plus négative, la plus dangereuse, celle de l’amertume, celle d’un sentiment dedéchéance par rapport à un statut désormais dépassé.

    Le déni de la réalité est toujours dangereux, que ce soit pour un individu ou pour un groupe social. Il entraine toujours à des pathologies.La réalité est niée, refusée, insupportable pour bien des forces politiques française, et même, pourrait-on dire par l’opinion publique française en général. D’où ce pourrissement de la situation politique, d’où cette propension à chercher des boucs émissaires à cette situation, émigration, arabes, musulmans, «politiciens- traitres». Cette fausse conscience de déclin pourrait expliquer des phénomènes inquiétants en France comme l’exacerbation du racisme, la généralisation du sentiment de haine, la haine des autres mais aussi la haine de soi. Au contraire, les sociétés optimistes, en plein essor, sont caractérisées par le sentiment de solidarité et l’optimisme pour l’avenir. Ce déni de la réalité peut expliquer aussi, et c’est intéressant à noter, ce refuge vers le passé, vers l’Histoire de France ,chez bien des intellectuels français actuellement Dernièrement, au cours du débat qui les opposait, aussi bien Jean Luc Mélenchon qu’ Éric Zemmour ont fait assaut de références à l’Histoire française, chacun de leur point de vue évidemment, mais ce passéisme est en lui-même significatif. La rencontre de toutes les forces politiques autour de la personnalité du général de Gaulle, représentant prestigieux s’il en est du nationalisme français, et leurs disputes autour de l’appropriation de son héritage est édifiante à ce sujet.

    L’idéologie du déclin et son instrumentalisation

    Comme pour beaucoup de civilisations qui se tournent vers leur grandeur passée pour oublier leur présent, cette relecture de l’histoire française devient alors une sorte d’opium du peuple pour retrouverles vertiges de puissance d’antan. Pendant longtemps «le chauvinisme de grande puissance», pour reprendre une expression chinoise, avait permis de gérer les classes populaires, et de les entrainer, malgré des résistances vite vaincues, dans les aventures impériales. Aujourd’hui la réactivation de ce passé cherche à atteindre exactement les mêmes buts. Une idéologie du déclin et de ses causes est élaborée. Elle va se diffuser, s’enraciner dans l’opinion publique. On va appeler dramatiquement le peuple à se mobiliser contre le danger du déclin. Cette idéologie va servir à la fois à masquer les causes réelles de la situation, c’est-à-dire l’évolution du monde, et à produire un nationalisme exacerbé. Plutôt que s’adapter au monde et à ses nouvelles réalités, tout sera fait pour les refuser.Là réside le danger principal de cette idéologie du déclin aussi bien pour les français que pour leurs amis dans le monde. La France doit faire un aggiornamento, un délicat passage vers l’avenir. Ici, l’entrée dans la modernité, signifie , pour elle, revoir complètement l’image qu’elle a d’elle-même et du reste du monde, ne plus gaspiller ses forces dans des objectifs de domination voués tôt ou tard à l’échec, se libérer de ces forces négatives qui ne cessent de l’entrainer vers le bas, adapter ses objectifs à ses moyens, ne plus avoir des objectifs de domination mais seulement de bien-être et de progrès pour son peuple. Y a-t-il plus belle utopie ?

    par Djamel Labidi

    Le Quotidien d’Oran, 27/11/2021

    #France #Sahel #Mali #Barkhane #Déclin

  • Afrique – Maghreb: Fin de la diplomatie française?

    Afrique – Maghreb: Fin de la diplomatie française?

    France, diplomatie, Maghreb, Afrique – Afrique – Maghreb: Fin de la diplomatie française?

    En Afrique de l’Ouest et du Centre, où le ridicule ne fait plus rire personne (fini les traits d’humour involontaires de Idi Amin Dada et de Jean-Bedel Bokassa), la pauvreté rampe et la corruption s’étend, la Chine avale tout ce qui passe (entre parenthèse, c’est très joli de dire que la France ne doit pas faire la loi en Afrique, mais c’est oublier que la jungle est en Afrique !). Au Sahel, la débandade est crépusculaire : on y tourne « Le Dernier Spahi » avec Delon et Bardot (le narratif de Lucchini en est pathétique et les couleurs y sont féériques…). Au Maghreb, la France se couvre de honte à chaque répartie qu’elle donne : on sombre à Paris dans l’idiotisme… le BHLisme et le Zémmourisme. Au Levant, Syrie comprise, la gêne est indicible, tellement on ne s’attendait peu à ce que la France y soit aussi nulle (trois présidents français, trois matamores !). Et jusque dans la Mer du Nord, d’où le continent se voit chassé comme un mendiant. Un remake de… « L’année dernière à Fachoda ».

    Bon ! Tout n’est pas perdu ! La France est encore présente avec un petit contingent militaire à Djibouti, où elle conserve l’impression de côtoyer les grands. À force de s’être éparpillée dans des partenariats (comme celui avec l’Angleterre, qui fut pour elle et l’Europe continentale le cheval de Troie le plus magistral des temps modernes), de s’être diluée dans l’OTAN et de se complaire dans la mondialisation aux antipodes et dans le libéralisme économique et la privatisation à domicile, la France a pris de mauvaises habitudes. Elle a surtout manqué des rendez-vous avec l’Histoire et pris des risques considérables. Je donnerai deux exemples paradoxaux dans le registre régalien. Le premier, dans le secteur de l’énergie, est hélas consommé. Le second stigmatise le danger qui guette le pays dans le transport maritime et la gestion des ports.

    Après la Guerre du Golfe, l’Irak offrit aux deux majors français, la Compagnie Française des Pétroles (qui deviendra Total) et ELF Aquitaine, d’opérer chacun un gisement géant de Pétrole Brut – celui de Majnoun pour ELF et celui de Nahr Umr pour Total : un (grand) président de gauche accepta cette main tendue, un (petit) gouvernement de droite la snoba ! Après quatre ans d’intense négociation de contrats de partage de production – ce qui ne s’était jamais vu en Irak depuis la nationalisation – un accord devait être conclu en octobre 1995 sans objection américaine affichée[i]. Or un certain Edouard Balladur, né à Izmir, en Turquie, naturalisé Français en 1932, Premier ministre de cohabitation, traître de Jacques Chirac, lui-même traître de Valéry Giscard d’Estaing, s’y opposa. Balladur ambitionnait la présidence de la République Française ! On ne le savait pas alors. Il cherchait des faveurs Outre-Atlantique et voulait pouvoir disposer du viatique financier que Loïc Le Floch-Prigent pourrait lui refuser, sachant en revanche que Philippe Jaffré – aux ordres – ne lui dirait pas non.

    ELF a disparu corps et âme. TotalEnergies a fini par conclure à Bagdad – 26 ans plus tard – quatre petits contrats d’un montant global de 9 milliards d’Euros (et non pas de 27 comme claironné). C’est accoucher d’une souris. L’âge d’or des hydrocarbures fossiles n’est plus et il ne s’agit pas d’exploration pétrolière mais, principalement, de traitement de l’eau pour la réinjecter dans le sol, de panneaux photovoltaïques et de gaz fatal récupérable à la tête du puits des autres. Bref, rien à voir avec les capacités du groupe en rapport avec les occasions perdues.

    Total, devenu TotalFinaElf puis TotalEnergies, est un groupe florissant. Il poursuit brillamment par sa percée en Russie au sein de plusieurs coentreprises (projets Yamal LNG et Arctic LNG 2) avec les Russes (Novatek), les Chinois (CNPC, CNOOC et Silk Road Fund) et les Japonais Mitsui et JOCMEC, la politique d’investissement initiée par Christophe de Margerie. Mais le groupe ne détient que 20% et 10% dans chacun desdits projets, assortis de transferts de technologie dans la tradition des méga-contrats conclus au cours des trente dernières années par les entreprises françaises en Chine. C’est grâce à ces transferts que les entreprises chinoises sont en mesure de damer le pion à leurs ex-bailleurs de technologie.

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    #France #Diplomatie #Afrique #Maghreb #Françafrique

  • L’Algérie est prête à envoyer des troupes au Mali

    Tags : Algérie, Mali, Sahel, – L’Algérie est prête à envoyer des troupes au Mali

    Abdelmadjid Tebboune a déclaré dans une interview, que le pays est prêt à envoyer des troupes au Mali, si les autorités de Bamako en font la demande, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.

    Au centre de l’accord de paix signé entre les autorités maliennes et les principaux chefs des groupes armés, l’Algérie veut s’impliquer davantage dans la crise sécuritaire qui secoue le Mali. Selon le président algérien Abdelmadjid Tebboune, son pays est prêt à intervenir militairement au Mali, si les autorités de Bamako font la demande. La déclaration du dirigeant algérien intervient après le renforcement de la coopération entre l’Algérie et le Mali.

    Selon plusieurs sources, de nombreux soldats algériens ont été formés par la Russie pour intervenir au Mali, afin d’aider le pays à rétablir l’autorité de l’Etat sur toute l’étendue de son territoire. L’Algérie est la deuxième puissance militaire en Afrique et un éminent responsable de l’accord d’Alger.

    Début juin, le chef de l’Etat algérien avait déclaré dans une interview accordée au Magazine Le Point, que son pays ne « laissera jamais le nord du Mali devenir un sanctuaire pour les terroristes, ni permettra une partition du pays ». « Pour régler le problème au nord du pays, il faut y redéployer l’Etat. Via les accords d’Alger, nous sommes là pour aider Bamako, ce que nous faisons déjà avec la formation des militaires maliens », a-t-il expliqué, ajoutant: » En Afrique et dans le monde arabe nous sommes leaders contre la lutte antiterroriste. Cette expérience a bénéficié à tous les pays occidentaux, y compris les Etats-Unis… ».

    La Russie a invité, début octobre, six cent soldats algériens en Ossétie du Nord afin de sécuriser ensemble la junte militaire malienne. Pire, cette formation militaire a été dispensée aux cotés des mercenaires de la société Wagner, dont l’arrivée à Bamako est imminente. Au grand dam du président français inquiet qui craint un départ sans gloire des troupes françaises du Mali. Ce qui pourrait miner sa campagne électorale pour la Présidentielle.

    Une alliance Alger-Moscou-Bamako semble prendre forme pour éviter l’embrasement du Mali après des années d’impuissance, voire d’amplification des violences dans la région depuis l’arrivée de Barkhane.

    Aldjazair.org, 09/11/2021

    #Algérie #Mali #Sahel

  • Tebboune ne fera pas le premier pas pour apaiser les tensions

    Tebboune ne fera pas le premier pas pour apaiser les tensions – Le président algérien affirme que Macron a « porté atteinte à la dignité des Algériens »

    Le président algérien Abdelmadjid Tebboune prévient samedi qu’il ne fera pas « le premier pas » pour tenter d’apaiser les tensions provoquées par des propos critiques d’Emmanuel Macron sur la « nation » algérienne.

    « Je n’ai pas de regrets. Macron a rouvert un vieux conflit de manière totalement inutile », dénonce le dirigeant algérien dans une interview accordée à l’hebdomadaire allemand Der Spiegel. « Si Zemmour dit quelque chose comme ça, qu’importe, personne ne fait attention. Mais quand un chef d’État déclare que l’Algérie n’était pas une nation distincte, c’est très grave », fustige-t-il.

    Dans ces conditions, « je ne serai pas celui qui fera le premier pas », prévient le chef de l’Etat algérien. « Sinon je vais perdre tous les Algériens, il ne s’agit pas de moi, mais d’un problème national ». « Aucun Algérien n’accepterait que je contacte ceux qui nous ont insultés », explique le chef d’Etat algérien.

    « Rente mémorielle »

    Emmanuel Macron a déclenché la colère d’Alger après des propos rapportés le 2 octobre par le quotidien Le Monde accusant le système « politico-militaire » algérien d’entretenir une « rente mémorielle » en servant à son peuple une « histoire officielle » qui « ne s’appuie pas sur des vérités ».

    D’après Le Monde, le président français avait également affirmé que « la construction de l’Algérie comme nation est un phénomène à regarder. Est-ce qu’il y avait une nation algérienne avant la colonisation française? Ça, c’est la question (…) ».

    « On ne touche pas à l’histoire d’un peuple, et on n’insulte pas les Algériens », déplore le président algérien.

    « Atteinte à la dignité des Algériens »

    Pour lui, « ce qui est ressorti, c’est la vieille haine des maîtres coloniaux, et je sais que Macron est loin de penser de cette façon ». « Pourquoi a-t-il dit ça ? Je pense que c’était pour des raisons électorales stratégiques », estime Abdelmadjid Tebboune.

    « C’est le même discours que le journaliste d’extrême droite Éric Zemmour utilise depuis longtemps: l’Algérie n’était pas une nation, c’est la France qui en a fait une nation », fait-il valoir.

    Selon le président algérien, « avec cette déclaration, Macron s’est placé du côté de ceux qui justifient la colonisation ». Existe-t-il une perspective de dénouement avec la France? l’interroge le Spiegel. « Non, si les Français veulent aller au Mali ou au Niger maintenant, ils devront juste faire neuf heures de vol au lieu de quatre », rétorque-t-il, assurant toutefois qu’une « exception » serait faite pour « le sauvetage de personnes blessées ».

    « Mais pour tout le reste, nous ne sommes plus obligés de coopérer les uns avec les autres, c’est peut-être terminé maintenant », prévient-il, accusant Emmanuel Macron d’avoir « porté atteinte à la dignité des Algériens ».

    BFMTV, 06/11/2021

  • Le Maroc a accusé l’Algérie de tuer deux camionneurs au Mali

    Le Maroc a accusé l’Algérie de tuer deux camionneurs au Mali – Les ressortissants marocains ont été assassinés par un groupe terroriste sur la route, à 300 kilomètres de Bamako, dans une région infestée de groupes armés

    Trois (3) ressortissants algériens ont été lâchement assassinés par un « bombardement barbare » de leurs camions, alors qu’ils faisaient la liaison Nouakchott-Ouargla, a indiqué mercredi un communiqué de la Présidence de la République.

    Selon la même source, plusieurs facteurs désignent les forces d’occupation marocaines au Sahara Occidental comme « ayant commis, avec un armement sophistiqué, ce lâche assassinat ».

    « Le 1er novembre 2021, alors que le peuple algérien célèbre dans la joie et la sérénité le 67e anniversaire du déclenchement de la glorieuse Révolution de libération nationale, trois (03) ressortissants algériens ont été lâchement assassinés par un bombardement barbare de leurs camions, alors qu’ils faisaient la liaison Nouakchott-Ouargla, dans un mouvement naturel d’échanges commerciaux entre les peuples de la région », précise la même source.

    « Les autorités algériennes ont aussitôt pris les dispositions nécessaires pour enquêter sur cet acte ignoble en vue d’élucider les circonstances qui l’ont entouré », note le communiqué, ajoutant que « plusieurs facteurs désignent les forces d’occupation marocaines au Sahara Occidental comme ayant commis avec un armement sophistiqué ce lâche assassinat à travers cette nouvelle manifestation d’agressivité brutale qui est caractéristique d’une politique connue d’expansion territoriale et de terreur ».

    « Les trois victimes innocentes de cet acte de terrorisme d’Etat rejoignent, en ce glorieux jour du 1er Novembre, les Martyrs de la Libération nationale qui font de l’Algérie Nouvelle la citadelle des valeurs et des principes de son Histoire éternelle. Leur assassinat ne restera pas impuni », affirme la même source.

    En attendant le résultat de l’enquête, force est de constater que cet attentat est intervenu après une détérioration, sans précédent, des relations entre l’Algérie et le Maroc. Pour ses projets expansionnistes, le royaume de Mohamed 6 a affiché clairement son hostilité à l’Algérie. Son alliance avec l’entité d’Israël est scellée exclusivement dans le but de nuire à l’Algérie.

    Cette affaire est une étape supplémentaire dans l’escalade entamée pendant l’été dernier, avec une série d’ « actes hostiles» et de «provocations» du Maroc à l’égard de l’Algérie et qui ont amené Alger à annoncer le 24 août la rupture des relations diplomatiques avec Rabat.

    Les observateurs s’interrogent sur les motivations du Maroc à travers cet acte gravissime et surtout, jusqu’où ira l’escalade après cette énième provocation directe ?

    En septembre dernier, certaines voix au Maroc avaient imputé à l’Algérie l’assassinat de deux chauffeurs de camion marocains au Mali. Les ressortissants marocains ont été assassinés par un groupe terroriste sur la route, à 300 kilomètres de Bamako, dans une région infestée de groupes armés.

    Il n’était du coup pas sérieux d’accuser l’Algérie et c’est pourquoi des voix non officielles au Maroc se sont chargées de le faire à la place des autorités.

    Cette attaque du 1er novembre 2021 est très différente, les forces d’occupation marocaine étant proches de la zone où elle a eu lieu.

    Du reste, les autorités algériennes devraient détenir toutes les preuves irréfutables de l’implication du Maroc, sinon elles n’auraient pas proféré de telles accusations à l’égard d’un Etat étranger. Autrement dit, les Algériens ont la certitude qu’il ne s’agit pas d’une banale bavure.

    Il est important de souligner que cette attaque s’est déroulée le jour-même où l’Algérie a fermé le robinet de gaz au Maroc.

    La veille, le 31 octobre au soir, le président Abdelmadjid Tebboune avait annoncé avoir ordonné la non-reconduction du contrat d’exploitation du gazoduc Maghreb-Europe (GME) qui relie l’Algérie à l’Espagne via le Maroc et sur lequel ce dernier prélevait des quantités de gaz pour sa production d’électricité.

    Aziz T.

    La Nation, 04/11/2021

  • Afrique, la France commence le désengagement de Barkhane. Deux scénarios s'ouvrent pour le Sahel

    Afrique, France, Mali, Sahel, Barkhane, Takuba,

    La France a commencé le désengagement militaire de l’opération Barkhane au Sahel. Les troupes seront réduites de 5 100 à 3 000, mais la composante aérienne sera maintenue.
    La France a officiellement commencé à réduire ses troupes de l’opération Barkhane au Sahel. C’est ce qu’a annoncé l’état-major de Paris, en publiant une vidéo sur la mission. Elle concerne en particulier les militaires stationnés dans le nord du Mali. Selon les plans, d’ici la fin de l’année, les bases de l’armée française à Kidal, Tessalit et Tombouctou seront remises aux forces locales et le contingent français sera réduit d’environ 5 100 à 3 000 personnes. Pour le moment, cependant, la composante aérienne à Niamey, au Niger et à N’Djamena, qui fournit un appui aérien rapproché (CAS) contre les djihadistes de l’ISGS et du JNIM, un groupe terroriste affilié à Al-Qaïda, devrait rester inchangée. Celle-ci comprend sept Mirage 2000 C et D, entre six et dix avions de transport tactique et stratégique, ainsi que trois drones Predator-B Reaper. Il est flanqué de trois Ch-47 britanniques et de deux Merlin danois pour les hélicoptères de troupes.
    Le retrait des soldats français ouvre deux scénarios dans la région africaine. Soit l’UE entrera dans le jeu, soit la Russie deviendra un protagoniste.
    Le désengagement des forces françaises de Barkhane ouvre deux scénarios au Sahel. La première prévoit un rôle croissant pour les entrepreneurs russes du groupe Wagner, qui ont déjà signé des accords avec le Mali dans la lutte contre l’ISGS et le JNIM. Dans le second, en revanche, l’UE deviendra un protagoniste, compensant la sortie de Paris. Soit dans le cadre de la Takuba Task Force, qui pourrait être renforcée et ne pas se limiter aux seules forces spéciales, soit avec une nouvelle mission ad hoc qui opère sur la base des accords de l’Alliance pour le Sahel avec le groupe G5 Sahel (Mali, Mauritanie, Burkina Faso, Tchad et Niger). Cette question est discutée à Bruxelles depuis un certain temps, mais jusqu’à présent, il n’y a rien de concret. Le délai pour une décision se resserre toutefois. En fait, Moscou est déjà prêt à intervenir et n’attend qu’une demande officielle des pays de la région africaine, qui ne tardera pas si l’Union européenne ne réagit pas rapidement.
    Difesa & Sicurezza, 29/10/2021
  • CS-ONU: Au Mali, la sécurité se détériore et la crise s’approfondit

    CS-ONU: Au Mali, la sécurité se détériore et la crise s’approfondit, prévient le Représentant spécial du Secrétaire général

    « La réalité, c’est que la situation sécuritaire s’est détériorée et la crise s’approfondit » au Mali, a déclaré aujourd’hui devant le Conseil de sécurité le Représentant spécial du Secrétaire général dans ce pays, M. Al-Ghassim Wane, qui a invité le Conseil à réfléchir sur les modalités d’un travail commun et à mieux détailler les rôles et responsabilités respectifs des différents acteurs dans le pays, y compris en termes d’exigence et d’établissement des responsabilités.

    Le Conseil examinait la situation au Mali à la lumière du rapport trimestriel du Secrétaire général, mais aussi à la suite de la mission qu’il venait d’effectuer dans ce pays ainsi qu’au Niger, et qui venait de faire l’objet, quelques minutes plus tôt, d’une séance de compte-rendu.

    Daté du 1er octobre, le rapport du Secrétaire général prend notamment note de l’annonce de la décision du Gouvernement français tendant à restructurer la présence de la force de l’opération Barkhane au Sahel, avec en particulier la fermeture de trois avant-postes dans le nord du Mali, d’ici à janvier 2022; et du retrait partiel des troupes tchadiennes déployées dans le cadre de la Force conjointe du Groupe de cinq pays du Sahel dans la zone du Liptako Gourma. Le Secrétaire général ajoute que, « face à la nouvelle vague de violences provoquée par les éléments extrémistes qui s’abat depuis plusieurs mois sur la population civile au Burkina Faso, au Mali et au Niger, il est nécessaire de maintenir une présence internationale forte ». Il demande donc « à toutes les parties prenantes de continuer à coordonner étroitement ces processus de restructuration et de réduction des effectifs en vue d’éviter que se forme un vide sécuritaire dont les groupes armés et les terroristes risqueraient de tirer parti ».

    M. Wane, qui a accompagné le Conseil de sécurité lors de sa visite au Mali, a jugé très sérieux les défis que pose la situation sur le terrain. Il a présenté un contexte marqué par une insécurité croissante dans le nord, le centre et le sud du pays, ainsi que par une situation humanitaire inquiétante, avec 4,7 millions de personnes nécessitant une assistance humanitaire et environ 400 000 autres déplacées, dont la moitié dans la région centrale.

    Sur le plan politique, le Représentant spécial constate que l’incertitude perdure au moment même où le Mali est aux prises avec l’achèvement de la transition. M. Wane a relevé que le Gouvernement malien issu du coup d’état du 24 mai avait saisi l’occasion de la visite du Conseil pour exprimer « haut et clair » ses préoccupations et priorités, la principale menace étant, selon ses interlocuteurs, la détérioration de la situation sécuritaire pour le Malien moyen, et la nécessité d’assurer les services de base.

    M. Wane, qui est également le Chef de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), a précisé que la Mission s’était adaptée à un climat très complexe pour protéger les civils. Il a toutefois fait observer que la Mission, dont le mandat a été reconduit pour un an, le 29 juin, avec un effectif maximal inchangé de 13 289 militaires et 1 920 policiers, devait faire avec les ressources dont elle dispose. C’est pourquoi le Secrétaire général a, de nouveau, demandé aux pays fournisseurs de contingents d’allouer à la Mission des hélicoptères de combat, tout en demandant, « par-dessus tout », aux autorités maliennes de continuer à coopérer avec la MINUSMA.

    La MINUSMA ne peut résoudre, à elle seule, les problèmes du Mali, en l’absence d’un environnement politique approprié, a estimé le Royaume-Uni lors du débat. C’est pourquoi le Royaume-Uni salue les efforts de médiation de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et approuve son exigence de maintenir l’élection présidentielle prévue pour le 27 février 2022, et la publication, sans délai, d’un calendrier électoral. La solution au problème sécuritaire n’est pas le renforcement du mandat de la MINUSMA, mais le soutien aux forces nationales et régionales pour qu’elles puissent faire face au défi, a ajouté l’Inde.

    À cet égard, les membres du « A3+1 », par la voix du Niger, ont déclaré qu’on ne pouvait pas reprocher à la Force conjointe du G5 Sahel de ne pas avoir la capacité de relever ces défis sans lui en donner les moyens. Ils ont donc demandé au Conseil de sécurité de montrer plus de souplesse et d’appuyer leur proposition de création d’un bureau de conseil auprès du Bureau exécutif de la Force conjointe, ce qu’a aussi demandé le Mali. Dans une perspective plus large, le « A3+1 » a mis l’accent sur le rendez-vous que constitue la prochaine réunion ministérielle sur le maintien de la paix de l’ONU, prévue à Séoul les 7 et 8 décembre, pour réfléchir sur la manière de donner aux opérations de paix les moyens de s’acquitter de leur mandat.

    Le représentant du Mali, qui s’est fait l’écho de l’exaspération des citoyens maliens face à la détérioration « désastreuse » de la situation sécuritaire, a décrit une myriade d’activités entreprises par le Gouvernement avant d’assurer le Conseil de la détermination des autorités de transition de jeter les bases de « quelques réformes, pas toutes, notamment celles qui puissent garantir des élections inclusives, transparentes et crédibles ».

    Mais les efforts internationaux n’aboutiront que si les autorités maliennes s’engagent pleinement à instaurer la paix et la stabilité dans le pays, a mis en garde l’Estonie, pour qui « cela comprend l’adoption et la mise en œuvre d’une approche stratégique globale sur le rétablissement et le maintien d’une présence effective de l’État sur l’ensemble du territoire ».

    Enfin, la Fédération de Russie a appelé à tenir compte de la réalité sur le terrain et à mettre l’accent sur la stabilité intérieure du Mali, qui, sans cela, « irait vers l’impasse ». Dès lors, il serait irresponsable d’abandonner le pays à son sort et de réduire l’appui militaire, estime la Fédération de Russie. Il convient au contraire de prendre des mesures d’adaptation de la MINUSMA, s’agissant en particulier de ses effectifs, en prenant l’avis de Bamako, car ce sont les autorités nationales à qui revient le rôle décisionnel.

    LA SITUATION AU MALI – S/2021/844

    M. AL-GASSIM WANE, Représentant spécial du Secrétaire général pour le Mali, a exprimé sa gratitude pour la visite du Conseil alors que le pays se trouve à la croisée des chemins, saluant en outre l’hommage de la délégation du Conseil aux 243 Casques bleus tombés dans l’exercice de leur fonction depuis huit ans au Mali. Sur le terrain, la situation pose des défis très sérieux, avec un contexte marqué par une insécurité croissante dans le nord, le centre et le sud du pays, ainsi qu’une situation humanitaire inquiétante, avec 4,7 millions de personnes nécessitant une assistance humanitaire et environ 400 mille autres déplacées, dont la moitié dans la région centrale. Les attaques, qui prennent pour cibles à la fois les forces internationales et maliennes, y compris la Mission multidimensionnelle des Nations Unies pour la stabilisation du Mali (MINUSMA), ne sont pas estompées. Hier encore, le camp d’Aguelhok a été soumis à une attaque indirecte au mortier et à la roquette. Six projectiles ont été tirés sur le camp par des assaillants non identifiés. M. Wane a signalé toutefois qu’il n’y a eu ni victimes ni dégâts. Du côté politique, l’incertitude perdure au moment même où le Mali est aux prises avec l’achèvement de la transition.

    Le Représentant spécial a ensuite indiqué que le Gouvernement malien a saisi l’occasion de la visite du Conseil de sécurité pour exprimer « clairement et à haute voix » ses préoccupations et priorités. Plusieurs de ses interlocuteurs ont en effet pointé la détérioration de la situation sécuritaire comme la principale menace pour le Malien moyen, et la nécessité de fournir des services de base. M. Wane a souligné que ces doléances lui ont été faites lors de ses interactions locales à Gao, Ménaka, Mopti, Douentza, Bandiagara, Aguelhok et Tessalit, et plus récemment, Tombouctou où il se trouvait lundi. Ses interlocuteurs locaux ont également insisté sur la nécessité de mener de profondes réformes politiques et de gouvernance aux fins de la tenue réussie d’élections crédibles et d’une stabilité durable.

    Soulignant que la présence de la MINUSMA demeure cruciale, le haut fonctionnaire a indiqué que celle-ci se sert de tous les moyens nécessaires pour s’acquitter de son mandat, en coordination avec les autorités maliennes et les partenaires internationaux. La Mission s’est également adaptée à un climat très complexe pour protéger les civils, y compris dans le centre du pays. M. Wane a expliqué que ses opérations sont menées en fonction des ressources disponibles et qu’en conséquence, le Secrétaire général a recommandé une hausse de l’allocation budgétaire afin, notamment, d’obtenir des hélicoptères et autres véhicules utilitaires, et qu’il revient au Conseil de se prononcer sur la voie à suivre, en prenant en considération les préoccupations des autorités maliennes. Le Représentant spécial a également évoqué d’autres lacunes en matière d’équipements, avant de lancer un appel aux pays en mesure de le faire de mobiliser les ressources requises.

    Le Représentant spécial a cependant souligné que la solution ne saurait être entièrement militaire et que l’insécurité exige aussi une réponse politique. À cet égard, la stratégie de la MINUSMA est axée sur la lutte contre les groupes extrémistes et accordera la priorité à la réconciliation, comme ce fut le cas à Ogassagou ainsi qu’au retour des autorités étatiques, à la prestation de services de base au renforcement de la résilience et à la participation des femmes et des jeunes. S’agissant de l’Accord de paix de 2015, il a exprimé sa frustration devant la lenteur de la mise en œuvre des dispositions sur le programme de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR), les réformes institutionnelles et le développement dans le Nord, bien qu’au cours des dernières semaines, une évolution encourageante ait été constatée. Il a plus particulièrement salué l’annonce par le Gouvernement de l’intégration prochaine de 13 000 combattants des mouvements signataires d’ici à la fin de l’année, ce qu’il a estimé être des jalons les plus importants en six ans.

    Le Représentant spécial a ensuite indiqué que la transition avait atteint une étape déterminante mais qu’à quatre mois de l’échéance électorale, les espoirs sont faibles, compte tenu du fait que les autorités nationales estiment qu’il faut d’abord garantir la sécurité, lancer des réformes fondamentales, notamment en rendant opérationnel l’organe chargé de la gestion électorale pour garantir des élections crédibles. Il a évoqué, entre autres, la Révision annuelle des listes électorales, lancée le 1er octobre, au sujet des termes de référence et de la nomination des membres qui seront chargés de la surveillance et de la formation des comités d’organisation. M. Wane a mis l’accent sur la nécessité d’axer les efforts sur un consensus minimum à cet égard, la MINUSMA appuyant aussi la gestion des organes électoraux. Il a également évoqué sa mission de bons offices, en collaboration avec la CEDEAO et l’Union africaine, en vue d’un « dialogue franc » entre les parties prenantes nationales, afin d’aboutir à un consensus politique sur la voie à suivre, tout en assurant une synergie accrue entre le Mali et ses partenaires vers l’objectif commun du retour à l’ordre constitutionnel et la promesse d’une stabilité à long terme.

    En conclusion, le Représentant spécial a déploré que « la réalité, c’est que la situation sécuritaire s’est détériorée et la crise s’approfondit ». Mais tout n’est pas perdu, a-t-il assuré, en invitant à une réflexion pour réexaminer la façon dont on travaille ensemble, mieux détailler les rôles et responsabilités respectifs, y compris en termes d’exigence et d’établissement

    M. MOUSSA MAMAN SANI (Niger), qui s’exprimait au nom des « A3+1 » (Niger, Kenya, Tunisie et Saint-Vincent-et-les Grenadines), a déclaré que la récente visite des membres du Conseil de sécurité au Mali avait été l’occasion de découvrir l’environnement dans lequel les Casques bleus opèrent avec les contraintes qui leur sont imposées par les États Membres de l’ONU. Il a insisté sur le rendez-vous de la prochaine réunion ministérielle sur le maintien de la paix de l’ONU, qui se tiendra à Séoul pour réfléchir sur la manière de donner les moyens nécessaires aux missions pour s’acquitter de leurs mandats. Il a salué les mesures prises par les autorités de transition pour faire face à la détérioration de la situation dans le pays et les a encouragées à poursuivre sur cette voie. Toutefois, la stabilisation tant attendue au Mali passe par des élections libres, crédibles, transparentes dans les délais impartis, a fait valoir le représentant, en appelant les dirigeants maliens à s’engager à respecter la feuille de route de la CEDEAO notamment.

    Le Mali, comme le Sahel, est en prise avec des défis sécuritaires, aux changements climatiques et à la pandémie de COVID-19, a également fait observer le représentant, qui a estimé que l’on ne pouvait pas reprocher à la Force conjointe G5 Sahel de ne pas avoir la capacité de relever ces défis sans lui en donner les moyens. Dès lors, les A3+1 appellent le Conseil de sécurité à faire montre de plus de flexibilité et appuient la proposition de création d’un bureau de conseil auprès du Bureau exécutif de la Force conjointe G5-Sahel.

    Mme GERALDINE BYRNE NASON (Irlande) a appuyé le rôle de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) au Mali, avant de juger préoccupante l’expulsion par les autorités maliennes de M. Hamidou Boly, représentant de cette organisation. Jugeant impératif l’achèvement de la transition politique au Mali, ainsi qu’un retour à l’ordre constitutionnel, Mme Byrne Nason a jugé décevant que les mesures préparatoires aux élections n’aient pas été prises, avant d’appeler à travailler étroitement avec l’Union africaine et la CEDEAO pour favoriser le retour à l’ordre constitutionnel. « L’engagement renouvelé à l’Accord de Paix est essentiel », a-t-elle insisté, avant d’exhorter tous les acteurs à respecter leurs responsabilités et leurs obligations.

    Par ailleurs, la représentante a dit espérer la désignation de 15 femmes aux mécanismes de suivi de l’Accord, en rappelant que la participation des femmes crée, renforce, et rend durable la paix. Elle a estimé que l’Observatoire Indépendant des Femmes serait un outil important pour s’assurer qu’elles soient complètement engagées dans les processus politiques et de paix. Face à la détérioration de la situation humanitaire, elle a exhorté les autorités maliennes à développer leur coopération avec la MINUSMA pour permettre à la mission de mettre en œuvre pleinement ses missions d’assistance à la population.

    En outre, Mme Byrne Nason a exhorté les autorités maliennes à mettre fin à l’impunité, y voyant une condition de la rupture du cycle des conflits et du renforcement du contrat social entre le peuple malien et l’État. Nous nous félicitons du travail accompli par la MINUSMA pour établir un mécanisme de suivi de la mise en œuvre des principales recommandations de la commission d’enquête, a ajouté la représentante, qui a renouvelé le soutien de l’Irlande au régime de sanctions créé par la résolution 2374 (2017), tout en regrettant les retards dans la nomination d’experts, qui freinent un processus essentiel. Enfin, elle s’est inquiétée que le processus de transition politique, dont beaucoup dépend, soit en péril, avant d’avertir que tout retard dans cette transition ne ferait qu’alimenter l’instabilité politique et sociale, permettrait aux groupes extrémistes d’étendre leur contrôle et exacerberait les souffrances du peuple malien.

    M. RICHARD MILLS (États-Unis) a jugé « impératif » que la protection des civils reste une « priorité absolue » de la MINUSMA et du Gouvernement de transition. Ce dernier doit continuer de prendre des mesures crédibles pour lutter contre l’impunité et s’assurer que ses citoyens disposent d’un canal politique pour exprimer leurs préoccupations. Il a demandé au Gouvernement de transition malien de respecter strictement le calendrier de transition vers un gouvernement démocratiquement élu et la tenue de l’élection présidentielle le 27 février 2022. Par ailleurs, bien que nous convenions que les problèmes de gouvernance et de corruption sont au cœur de l’insécurité au Mali, les réformes initiées par le Gouvernement de transition devraient, soit être achevées dans les délais convenus, soit confiées à un gouvernement élu pour qu’elles se poursuivent, a-t-il ajouté.

    M. Mills a également affirmé soutenir les paramètres définis par la CEDEAO et reflétés dans la Charte de transition du Mali qui interdisent au Président de transition et au Premier Ministre d’être candidats à la prochaine élection présidentielle. Il est en outre essentiel que les élections soient libres, équitables et administrées de manière transparente. À ce titre, les États-Unis exhortent le Gouvernement de transition à garantir la participation pleine, égale et significative des femmes en tant qu’électrices ou candidates. La délégation américaine a également souligné l’importance des groupes d’observateurs électoraux nationaux en tant qu’outil essentiel pour faciliter des élections libres et équitables.

    Les États-Unis ont en outre estimé que le Gouvernement de transition doit créer les conditions de stabilité et répondre aux doléances sociales. Cela nécessite la pleine mise en œuvre de l’Accord de paix. Pour cette raison, la délégation se félicite de la nomination par l’Algérie de M. Boudjemaa Delmi à la présidence du Comité de suivi dudit accord. Si elle a salué les efforts déployés pour soutenir le G5 Sahel, elle a toutefois exprimé ses doutes quant au fait que l’ONU puisse être un « véhicule » approprié ou efficace pour un soutien logistique à la Force conjointe du G5 Sahel. Elle reste cependant « impatiente » d’identifier d’autres options bilatérales et multilatérales non onusiennes.

    M. SVEN JÜRGENSON (Estonie) a demandé que les préparatifs d’élections crédibles, inclusives et transparentes se poursuivent, en rappelant que la période de transition ne doit servir qu’à un retour vers un régime civil et un ordre constitutionnel conformément à la feuille de route convenue. Il a regretté que la représentation des femmes dans le Gouvernement de transition reste à 21,4%, ce qui est inférieur aux 30% requis par la loi. S’inquiétant de la lenteur des progrès du processus de paix au Mali issu de l’Accord de paix d’Alger, le représentant de l’Estonie a exhorté toutes les parties maliennes à recentrer leur attention et à poursuivre leurs efforts pour prendre des mesures concrètes dans le processus de mise en œuvre.

    Après avoir salué l’appui de la MINUSMA aux processus DDR et SSR au Mali, le représentant a prévenu que les efforts internationaux ne pourront aboutir que si les autorités maliennes s’engagent pleinement à instaurer la paix et la stabilité dans le pays. « Cela comprend l’adoption et la mise en œuvre d’une approche stratégique globale sur le rétablissement et le maintien d’une présence effective de l’État sur l’ensemble du territoire », a-t-il insisté, avant de rappeler que tous ceux qui entravent le processus de paix au Mali doivent être tenus pour responsables. Le représentant a espéré que le Groupe d’experts sur le Mali sera bientôt pleinement opérationnel pour poursuivre son précieux travail d’assistance au Conseil de sécurité dans la mise en œuvre des mesures de sanctions adoptées à la demande du Gouvernement malien. En outre, il a aussi souligné que la lutte contre les abus de droits de l’homme passait par la lutte contre l’impunité et le rétablissement de l’autorité de l’État sur tout le territoire.

    Le représentant de l’Estonie a salué l’engagement de l’Union africaine et de la CEDEAO à soutenir la transition politique au Mali. Il a assuré que l’Estonie continuera de soutenir les efforts de paix au Mali et dans l’ensemble de la région du Sahel, notamment par le biais de missions de formation multilatérales et d’efforts antiterroristes, ainsi que par le biais d’initiatives de consolidation de la paix et de prévention des conflits.

    M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) a dit partager les mêmes inquiétudes quant au manque de progrès accomplis par les autorités de transition maliennes dans la préparation des élections. Le Royaume-Uni soutient les efforts de médiation de la CEDEAO et approuve son appel visant à la publication, sans délai, d’un calendrier électoral. Si sa délégation reconnaît la nécessité de réformes axées sur les questions de gouvernance, de sécurité et de justice, elle estime aussi que les autorités devraient se concentrer sur celles qui sont nécessaires pour une transition politique. Les réformes plus larges sont l’affaire d’un gouvernement démocratiquement élu, a déclaré le représentant.

    Le représentant a également déclaré que son pays reste déterminé à faire tout son possible pour aider à relever ces défis que rencontre le Mali. Dans le cadre de la MINUSMA, les troupes britanniques démontrent comment une coordination militaire civile renforcée et un maintien de la paix plus proactif peuvent offrir une meilleure protection aux communautés dans les zones difficiles d’accès. Cependant, la MINUSMA ne peut résoudre à elle seule les problèmes du Mali, en l’absence d’un environnement politique approprié.

    Pour cette raison, la délégation est d’avis qu’il faut continuer de suivre de près l’évolution de la situation au Mali, dans l’espoir que les autorités de transition continueront à s’engager étroitement avec la CEDEAO et assureront un retour rapide à l’état constitutionnel. Si les autorités ne le font pas, il doit y avoir des conséquences, a prévenu le représentant, ajoutant que dans le contexte actuel, le Comité des sanctions du Mali et le Groupe d’experts doivent continuer d’opérer sans entrave, rendre compte des développements sur le terrain et éclairer le Conseil de sécurité dans la prise de décisions.

    M. RAVINDRA RAGUTTAHALLI (Inde) a dit que les événements des derniers mois au Mali indiquent que la transition pourrait aller au-delà de février 2022. Mais les autorités de transition doivent s’organiser conformément à l’engagement convenu avec la CEDEAO, a exhorté le représentant, pour qui la mise en œuvre de l’Accord de paix est cruciale. Le délégué a réitéré que la situation sécuritaire s’était dégradée dans ces régions du pays où les groupes armés ont multiplié les attaques, et tirent parti du vide administratif et sécuritaire. Pour lui, la solution à ce problème n’est pas le renforcement du mandat de la MINUSMA, mais le soutien aux forces nationales et régionales pour qu’elles puissent faire face au défi. M. Raguttahalli a toutefois appelé à continuer d’appuyer la Mission pour stabiliser la sécurité au Mali, la hausse des attaques contre les Casques bleus informant de la nécessité de renforcer les camps de la Mission. La population malienne a besoin de solutions aux défis du pays, a indiqué le représentant, avant de prier le Conseil de sécurité d’appuyer les solutions régionales et politiques au Mali.

    Mme ANNA M. EVSTIGNEEVA (Fédération de Russie) a déclaré que tout dépend de la stabilité intérieure de la situation politique au Mali, faute de quoi, le pays « irait vers l’impasse ». Elle a salué la visite du Conseil au Niger et au Mali, et mis l’accent sur la nécessité de continuer de favoriser un large dialogue avec un large spectre de participation, notamment pour la mise en œuvre de l’Accord et les réformes qui s’imposent. Il faut faire cela en tenant compte de la réalité sur le terrain et des conditions locales qui exigent des mesures sélectives. Sans rétablissement du contrôle de l’État sur l’ensemble du pays, a-t-elle affirmé, les résultats des élections ne pourront être considérés fiables.

    La situation sécuritaire reste très compliquée, les extrémistes continuant leurs attaques contre les civils et les forces de la MINUSMA. Il serait irresponsable d’abandonner le pays à son sort et de réduire l’appui militaire, car il en va de la stabilité de la région, a insisté la représentante. Il est impératif que la coopération étroite entre les autorités maliennes et la MINUSMA se poursuive. Elle a recommandé de prendre des mesures d’adaptation de la Mission, s’agissant en particulier de ses effectifs, en prenant l’avis de Bamako, car ce sont les autorités nationales à qui revient le rôle décisionnel. Enfin, Mme Evstigneeva a mis l’accent sur le principe de non-ingérence dans les affaires maliennes. Mais le pays étant clef dans la région, elle a estimé que l’idée de la Commission africaine d’un déploiement de forces africaines mérite d’être approfondie.

    M. ZHANG JUN (Chine) a estimé que la visite des membres du Conseil de sécurité au Mali et au Niger leur avait permis de comprendre la situation sur le terrain ainsi que les difficultés rencontrées. Concrètement, cette visite devrait permettre de fournir une aide plus ciblée, a estimé le représentant. La priorité au Mali est de préserver la stabilité politique, et la Chine soutient les autorités de transition maliennes qui cherchent à renforcer l’unité par le dialogue et à améliorer l’inclusivité. Elle soutient, en outre, les efforts de médiation de la CEDEAO et de l’Union africaine, a assuré le représentant, tout en appelant à tenir compte de la réalité dans le pays.

    Préoccupée par la détérioration des conditions sécuritaires au Mali, la Chine appelle à l’application stricte de l’Accord de paix. Les efforts doivent débuter par les aspects politiques, économiques et judiciaires, a estimé le représentant, pour qui cela permettrait de s’attaquer aux causes profondes du conflit, alors que la communauté internationale devrait continuer de soutenir le Mali dans sa lutte contre le terrorisme. Pour la Chine, il faut éviter un vide sécuritaire qui pourrait avoir des conséquences néfastes. Le représentant a salué les efforts du Chef de la MINUSMA et a appelé à prendre des mesures ciblées pour améliorer la compréhension de la situation sur le terrain, en particulier la protection des camps. Pour sa part, la Chine est disposée à travailler avec le Secrétariat sur cette question de la sécurité des Casques bleus.

    Pour Mme MONA JUUL (Norvège), la visite du Conseil au Mali a mis en exergue le besoin de réformes politiques et institutionnelles, au-delà desquelles il sera nécessaire de maintenir le processus de transition sur la bonne voie pour garantir la paix. Après deux coups d’état, les autorités de transition ont désormais une énorme responsabilité envers le peuple malien, a-t-elle souligné. Leurs décisions politiques auront également des conséquences sur la situation sécuritaire de l’ensemble de la région. Pour ce qui est de la transition démocratique, la Norvège a estimé que le seul moyen d’assurer la légitimité des réformes politiques clefs est de céder le pouvoir à un gouvernement dirigé par des civils. Elle a conseillé vivement aux autorités de transition du Mali de ne jamais perdre de vue ce fait. Cela signifie proposer un plan crédible pour savoir comment et quand les élections auront lieu. La CEDEAO, l’UA, ce Conseil –et la propre Charte de transition du Mali– ont tous été clairs sur cette question, leur a-t-elle rappelé. En outre, l’Accord d’Alger, signé par toutes les parties, doit être respecté et mis en œuvre dans l’ensemble du pays. La Norvège a également insisté sur l’inclusivité, notamment des femmes.

    La délégation s’est dite alarmée par l’augmentation des attaques contre les civils et par les violations et abus des droits de l’homme. Le nombre de déplacés internes au Mali a également quadruplé en deux ans. Grâce notamment au leadership du Niger, le Conseil de sécurité a adopté ce matin une résolution sur la protection de l’éducation en période de conflit, ce qui a amené la Norvège à rappeler que, rien qu’au Mali, près d’un demi-million d’enfants sont touchés par près de 1 600 écoles qui restent fermées. Or, sans écoles, les enfants sont plus vulnérables aux abus, au recrutement et à l’utilisation par des groupes armés. La Norvège s’est enfin félicitée que toutes les parties signataires aient désormais rejoint le « Plan d’action contre le recrutement et l’utilisation d’enfants dans les conflits armés », et de la signature par le Mali de la Déclaration sur la sécurité dans les écoles – une déclaration qui a fait l’objet d’une conférence internationale à Abuja cette semaine.

    Notant que « la répétition a valeur de pédagogie », M. ISSA KONFOUROU (Mali) a réitéré les observations du Gouvernement malien, en s’inquiétant d’abord de la dégradation quotidienne de la situation sécuritaire au Mali malgré les efforts sur le plan national et en dépit d’une forte présence militaire internationale depuis 2013. Il a cité que l’exaspération des citoyens maliens face à la dégradation de la situation sécuritaire s’adresse aussi aux partenaires du Mali, y compris la MINUSMA, l’opération Barkhane et autres. « Il ne s’agit pas de sentiments antiforces internationales », a insisté le représentant, avant de préciser que les Maliens sont très reconnaissants des sacrifices humains, matériels et financiers importants consentis par la communauté internationale pour la paix dans leur pays. « Cependant, ils exigent que nous travaillions davantage ensemble pour permettre à l’État de rétablir son autorité sur l’ensemble du territoire national, condition essentielle pour qu’ils vivent en sécurité et en dignité dans les villes et les campagnes », a précisé M. Konfourou.

    Illustrant les conséquences désastreuses de la dégradation de la situation sécuritaire au Mali, M. Konfourou a cité des centaines de milliers de Maliens obligés de fuir; la destruction ou l’occupation des infrastructures scolaires, qui a conduit à la fermeture de 1 300 écoles dans le nord et le centre du Mali et à la déscolarisation de plusieurs milliers d’enfants; le chômage de plus de 9 000 enseignants; des services sociaux de base qui ne fonctionnent plus là où l’administration publique a dû se replier pour des raisons sécuritaires. Soulignant les conséquences humanitaires de cette situation, le représentant a noté que les populations sont empêchées de mener leurs activités agricoles, d’élevage, de pêche et de commerce par divers groupes criminels. Il a rappelé que les dirigeants de la CEDEAO ont, dès octobre 2018, recommandé, à l’issue de leur mission d’information relative à la crise postélectorale de mener les réformes politiques et institutionnelles qui puissent garantir une stabilité institutionnelle durable du pays. Il a dit la détermination des autorités de transition à jeter les bases de « quelques réformes, pas toutes, notamment celles qui puissent garantir des élections inclusives, transparentes et crédibles ».

    À cet égard, il a précisé qu’un calendrier électoral sera présenté à la CEDEAO à l’issue des assises nationales de la refondation, qui se tiendront de novembre à décembre 2021. Illustrant la détermination du Gouvernement, le représentant a cité la mise en place, dès novembre, d’un organe unique de gestion des élections; la révision des listes électorales entre le 1er octobre et le 31 décembre 2021; les opérations d’inscription électorale; et l’adoption de la loi électorale par le Conseil national de Transition en novembre.

    Pour ce qui est de la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, M. Konfourou a précisé que la quarante-cinquième session du Comité de suivi de l’Accord (CSA), organisée à Bamako le 5 octobre dernier, a offert aux parties l’occasion de renouveler leurs engagements en faveur du parachèvement du DDR accéléré. Il a précisé que sur 3 000 ex-combattants à réintégrer au titre des mouvements signataires, 1 840 l’ont déjà été à l’armée nationale reconstituée et que les 1 160 restants le seront dès réception de la liste correspondante de la Coordination des mouvements de l’Azawad. Il a ajouté que le Gouvernement reste disposé à intégrer prochainement d’autres anciens combattants des mouvements signataires au sein des Forces armées et de sécurité, de la fonction publique de l’État et d’autres corps paramilitaires du pays, « dès lors que les quotas seront compatibles avec les capacités du budget national ».

    Notant que le Mali est devenu un pays surmilitarisé et paradoxalement très vulnérable face au terrorisme et aux autres formes de crime organisé, il a jugé pertinent de mener des consultations approfondies pour mieux apprécier la pertinence de la hausse des effectifs militaires de la MINUSMA, sa valeur ajoutée, son efficacité, son articulation avec les forces maliennes sur le terrain. « Nous voulons plus d’actions ou d’opérations communes sur le terrain », a insisté le représentant avant de juger nécessaire d’adapter le mandat de la MINUSMA aux besoins sécuritaires réels du Mali. À cet égard, il a notamment demandé le déploiement de brigades d’intervention rapide, capables de mener des opérations de protection des populations contre les menaces extrémistes.

    Par ailleurs, le représentant a assuré de la détermination du Gouvernement, malgré les nombreux défis, à ne ménager aucun effort pour lutter contre l’impunité et pour la protection des droits humains, tout en reconnaissant que les conditions sécuritaires sur le terrain, l’absence des services publics compétents dans certaines localités et le déficit d’expertise dans certains domaines ne favorisent pas l’aboutissement rapide des procédures ouvertes. C’est pourquoi le représentant malien a plaidé pour un renforcement de la coopération internationale en faveur du Mali en vue de l’aider à relever les défis sur ce plan, en termes de formation, d’équipements, d’expertise et de financements adéquats.

    Après avoir remercié les pays voisins qui accueillent des centaines de milliers de Maliens déplacés, il a prévenu d’une possible détérioration de la situation humanitaire en raison d’une mauvaise saison de pluie et de l’insécurité grandissante dans les régions du centre du pays, zones de production par excellence. Il a précisé que le Gouvernement travaille, avec l’appui des partenaires bilatéraux et multilatéraux, à créer les conditions idoines d’un retour dans la sécurité et la dignité des populations, y compris en vue de leur participation aux prochaines élections générales au Mali. Enfin, il a précisé que le G5 Sahel, avec ses deux piliers sécurité et développement, constitue une réponse globale, adéquate et durable aux multiples défis de l’espace commun régional. C’est pourquoi, pour la pleine opérationnalisation de la Force conjointe, le représentant du Mali a réitéré son appel au Conseil de sécurité en faveur d’un mandat robuste, c’est à dire placé sous le Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, et d’un financement prévisible et pérenne de la Force conjointe, y compris à travers les Nations Unies. Enfin, il a appuyé la proposition de création d’un Bureau d’appui des Nations Unies à la Force conjointe du G5 Sahel.

    UN Press, 29/10/2021