Étiquette : Méditerranée

  • « L’Europe doit revoir ses alliances internationales »

    Europe, Méditerranée, alliances, Maroc, Algérie, Tunisie, Turquie, #Europe, #Maroc, #Algérie, #Tunisie,

    Compte tenu des nouveaux défis auxquels l’Europe sera confrontée dans les années à venir, nous ferions bien de revoir nos alliances internationales afin de renforcer celles qui améliorent la productivité et facilitent les canaux par lesquels nous obtenons les matières premières et les différents composants de plus en plus essentiels dans nos vies, comme les micropuces, dont toute l’industrie technologique est devenue si dépendante ces dernières années.

    Le fait est que l’ Asie monopolise tout le gâteau productif ; et l’on sait déjà que l’Asie est entre les mains de la Chine et de la Russie d’une part et des États – Unis et de leurs nouveaux alliés d’autre part (AUKUS). Cette nouvelle alliance qui se passe des Européens misera sur le renforcement de l’ Inde comme base manufacturière capable de concurrencer l’infaillible machinerie de production qu’est la Chine, en plus de sauvegarder ses intérêts à Taïwan et à Hong Kong.

    L’Europe ferait bien de miser sur l’Afrique du Nord comme nouvelle base d’approvisionnement et de production au détriment des entreprises asiatiques, en investissant sérieusement dans la construction d’usines et l’exploitation des matières premières, après un accord politique de haut niveau, comme la création d’une alliance stratégique qui fait de l’espace méditerranéen une puissance commerciale à part entière.

    L’Espagne, l’Italie, le Portugal et la Grèce s’ajouteraient à la liste des États disposant de leur propre technologie, privilégiant l’investissement et le développement à la productivité et laissant cette dernière à la Turquie, au Maroc, à l’Algérie, à la Tunisie, à l’Égypte… Il me semble que, dans le même temps, nos relations diplomatiques pourraient être améliorées de cette manière. Aujourd’hui, la Turquie et certains pays africains sont séduits par la Russie et la Chine.

    En ne faisant rien, l’Europe se retrouvera sans privilèges lorsqu’il s’agira de négocier ces accords avec nos voisins. Plus grave encore : s’ils finissent par former des alliances avec des régimes communistes, ils pourraient constituer une menace militaire à part entière.

    El Perdiodico, 08/10/2021

  • Méditerranée : Les embarcations de la mort

    Le nombre de migrants décédés en mer a doublé en un an / Méditerranée : Les embarcations de la mort

    C’est une alerte que vient de lancer l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), qui fait état d’une forte hausse de décès de migrants rejoignant l’Europe par la mer.

    PAR NAZIM BRAHIMI

    Au moins 1 146 personnes sont mortes en mer en tentant de rejoindre l’Europe au cours du premier semestre 2021, indique le dernier rapport de l’organisation, qui rappelle qu’en 2020, 513 avaient péri au cours de la même période, et 674 en 2019. La majorité des décès ont été enregistrés en Méditerranée déplorant pas moins de 896 morts, ce qui représente une augmentation de 130% par rapport à la même période en 2020.

    La plupart sont décédés en Méditerranée centrale (741), régulièrement décrite par les organismes humanitaires comme la route migratoire la plus dangereuse au monde, suivie de la Méditerranée orientale (149), alors que six autres migrants ont péri en voulant rejoindre par mer la Grèce depuis la Turquie. C’est la raison pour laquelle la même organisation appelle les Etats à prendre des «mesures urgentes» de nature à arrêter ces drames. Aussi, le rapport montre une augmentation pour la deuxième année consécutive des opérations maritimes menées par les Etats d’Afrique du Nord le long de la route de la Méditerranée centrale.

    Selon l’OIM, plus de 31 500 personnes ont été interceptées ou secourues par les autorités nord-africaines au cours du premier semestre, contre 23 117 au cours des six premiers mois de 2020. Ce type d’opérations menées au large des côtes tunisiennes a augmenté de 90% au cours du premier semestre par rapport à la même période l’an dernier, précise le rapport de l’OIM, qui relève que plus de 15 300 personnes ont été renvoyées en Libye au cours des six premiers mois de 2021, soit près de trois fois plus qu’à la même période en 2020 (5 476).

    En ce qui concerne l’Algérie, le bilan du premier semestre, rendu public par l’ANP et publié récemment, fait état de 1 712 candidats à l’émigration clandestine à travers des embarcations de construction artisanale. Il y a une semaine, sur une plage de Ténès, des estivants ont découvert le corps d’un jeune homme rejeté par les vagues. Des sources locales avaient indiqué qu’il faisait partie d’un groupe de migrants clandestins dont l’embarcation a chaviré au large de Ténès. Pas loin de là, une quinzaine d’autres migrants, partis de Mostaganem fin juin, auraient également disparu en haute mer alors que trois cadavres ont été retrouvés par des pêcheurs de la même région. Par ailleurs, aucune nouvelle de la vingtaine de jeunes partis de Béjaïa au printemps dernier malgré les actions menées par leurs familles quant à leur sort. L’Office des Nations unies pour les réfugiés avait recensé près de 10 000 Algériens qui ont pu rejoindre, jusqu’en avril dernier, la rive sud de la Méditerranée, notamment l’Espagne et l’Italie.

    Responsabilité des Etats

    «Les organisations civiles de recherche et de sauvetage ont continué à se heurter à des obstacles importants, la majorité de leurs bateaux étant bloqués dans les ports européens en raison de saisies administratives et de procédures pénales et administratives en cours contre les membres d’équipage», souligne le même rapport. Ce dernier alerte également quant à l’augmentation des décès à un moment où les interceptions d’embarcations transportant des migrants au large des côtes nord-africaines sont en hausse.

    «L’OIM réitère l’appel lancé aux Etats pour qu’ils prennent des mesures urgentes et proactives afin de réduire les pertes de vies sur les routes migratoires maritimes vers l’Europe et qu’ils respectent leurs obligations en vertu du droit international», a déclaré le directeur général de l’OIM, Antonio Vitorino. Pour ce responsable, l’augmentation des efforts de recherche et de sauvetage, la mise en place de mécanismes de débarquement prévisibles et la garantie d’un accès à des voies de migration sûres et légales sont des étapes clés pour atteindre cet objectif.

    Signe d’inquiétude, ces chiffres sont bien inférieurs à la réalité, selon l’OIM, pour qui des centaines de cas de naufrages invisibles sont signalés par des ONG qui sont en contact direct avec les personnes à bord ou avec leurs familles. «Ces cas, qui sont extrêmement difficiles à vérifier, montrent que le nombre de morts sur les routes maritimes vers l’Europe est bien plus élevé que ce que les données disponibles», ajoute l’OIM. n

    Reporters, 15/07/2021

    Etiquettes : Migration, harga, harragas, Algérie, Méditerranée,

  • La stabilité du Maghreb, un impératif pour l’Europe (Institut Montaigne)

    Hakim El Karoui*

    La Méditerranée n’est pas une frontière : les flux d’hommes, d’idées, de marchandises, d’argent en ont fait depuis longtemps une interface beaucoup plus qu’une barrière. Les six millions de Français originaires du Maghreb font aujourd’hui que le destin de la France est lié à cette région du monde. C’est aussi le cas pour l’Espagne, avec le Maroc, et l’Italie, avec la Tunisie et la Libye. Le Sud de l’Europe est arrimé au Nord de l’Afrique, pour le meilleur – les échanges culturels, les services comme le tourisme, l’économie du care, la coopération industrielle – comme pour le pire, avec l’islamisme radical européen qui prend ses racines au Maghreb.

    L’Europe – et particulièrement la France – n’a pas nécessairement su prendre la mesure des transformations sociales qui ont provoqué les révoltes du printemps arabe il y a une décennie. Ce rendez-vous manqué ne doit pas se reproduire à l’occasion de la crise sanitaire et de ses conséquences économiques.

    Depuis de nombreuses années, les pays européens ont le sentiment de voir se rétrécir leur sphère d’influence en Afrique du Nord. D’autres pays, notamment des économies émergentes, ont su trouver leur place auprès des nouvelles élites économiques et formuler des propositions de partenariat concurrentes à celles des Européens.

    Les dés ne sont pourtant pas jetés. Il n’y a aucune fatalité à ce que les liens entre les deux rives de la Méditerranée s’estompent au profit d’une présence turque, qatarie, chinoise ou russe renforcée. Nous avons de nombreux atouts et au-delà nous partageons une histoire et un destin communs avec ces pays.

    Cette note dresse un état des lieux complet du Maroc, de la Tunisie et de l’Algérie, avant la crise du Covid-19 et depuis. L’Institut Montaigne y plaide pour que les Européens octroient un soutien massif au Maghreb, notamment à la Tunisie, sans contrepartie trop brutale, pour éviter un choc social et politique qui y menacerait le fragile édifice démocratique.

    Avant le Covid-19 et depuis : quel état des lieux économique ?

    La Tunisie, une démocratie au modèle économique à réinventer
    Symbole politique unique dans le monde arabe, la Tunisie a réussi sa transition démocratique. Ses indices de transparence sont au niveau des grandes démocraties émergentes, à l’instar de l’Inde ou du Brésil. Mais, longtemps considérée comme l’un des pays les plus compétitifs du continent africain, la Tunisie voit sa situation économique et financière se dégrader depuis les années 2010 pour atteindre -7 % de croissance en 2020.

    Le pays est désormais caractérisé par un potentiel de croissance trop peu exploité, un manque de productivité et une certaine stagnation économique. Le secteur primaire (près de 13 % des emplois tunisiens), trop orienté vers la sécurité alimentaire nationale, est insuffisamment tourné vers le commerce extérieur. La Tunisie ne dispose d’aucune rente naturelle. C’est donc sur les exportations liées aux services (principalement le tourisme) et sur les flux d’investissements étrangers (IDE), notamment dans le textile et la micro-électronique, que repose l’économie tunisienne. Malgré une forte diversification de son économie et de réels atouts comme le faible coût du travail associé à un système de formation relativement efficace, la Tunisie peine à valoriser pleinement ses atouts.

    La Tunisie connaît un fort taux de chômage, environ 15 % de la population active. Sa croissance démographique rapide, d’environ 1 % par an, ralentit la capacité d’absorption du marché du travail de sorte que les taux de chômage des 15-24 ans comme celui des diplômés s’élèvent à environ 35 % et 30 % respectivement.

    Afin de calmer la colère sociale, les autorités ont massivement eu recours à l’augmentation de l’emploi public, en titularisant notamment des personnes en contrats à durée déterminée et en recrutant massivement dans la fonction publique dans les zones les plus pauvres. Dès la fin de l’année 2016, on dénombrait déjà près de 600 000 emplois publics, contre un peu moins de 450 000 à la fin de l’année 2010. Aujourd’hui, la masse salariale représente environ la moitié de la dépense publique tunisienne. L’emploi public culmine à près de 18 % du total – un record mondial.

    Ce modèle économique a fortement été ébranlé par la crise de 2020 et le « Grand confinement ». La réponse des autorités tunisiennes a été cohérente sur le plan sanitaire mais limitée financièrement. Par exemple, le gouvernement a versé deux tiers du SMIC aux familles les plus pauvres, soit 140 euros.

    Avec un total d’environ 2 points de PIB, le plan de relance lié aux mesures d’urgence demeure modeste, comparé à la moyenne mondiale et à celle des pays émergents (respectivement, près de 3,5 et 3 points de PIB).

    Le Maroc, un modèle de croissance expansif malgré de fortes inégalités

    Le Maroc et la Tunisie partagent certaines caractéristiques de développement :

    -un modèle de croissance « ouvert » (taux d’ouverture avant-crise proche de 90 %) qui repose sur les exportations touristiques et sur la consommation ;
    -un secteur primaire important, qui représente 12,5 % du PIB et concerne un tiers de la population active.

    Le « printemps arabe » et la recrudescence de l’instabilité régionale ont largement bénéficié au Maroc. Le pays se situe une vingtaine de places devant la Tunisie dans les classements Doing Business et Global Competitive Index. Les flux touristiques le démontrent : le Maroc a enregistré une croissance nettement plus importante que la Tunisie ou même l’Égypte – où les arrivées se sont effondrées lors des manifestations de 2011 et des vagues d’attentats de 2015 et 2016.

    Mais de fortes inégalités persistent. Le Maroc souffre, comme la Tunisie, d’un taux de chômage important, principalement chez les jeunes de 15-24 ans (21,9 %). La participation des femmes au marché du travail (19,9 % in 2020) est près de deux fois inférieure à la moyenne des pays en voie de développement (45 %). Le taux d’alphabétisation des femmes est inférieur d’environ 20 points à celui des hommes. Par conséquent, les femmes marocaines sont plus nombreuses qu’ailleurs dans le secteur informel.

    Plus largement, les principaux indicateurs sociaux sont inférieurs au reste des pays du Maghreb. Mais si le Maroc peine à réduire les inégalités structurelles, le pays a rapidement mobilisé un grand nombre d’outils de financement pour gérer l’urgence sanitaire de 2020 et soutenir les populations fragiles. Dès le début de la crise de Covid-19, les autorités marocaines ont effectivement mobilisé 3 milliards de dollars, soit 3 % du PIB. Mais ce montant ne suffit pas à contenir l’accroissement rapide du ratio d’endettement et le creusement des déficits courants.

    L’Algérie, des fondamentaux économiques dépendants du cours des hydrocarbures

    Le modèle de croissance algérien est fondé sur un triptyque :

    -production et exportation des ressources, notamment en hydrocarbures qui représentent entre 20 et 25 % du PIB national et plus de 90 % des exportations ;
    -faible tertiarisation de l’activité, notamment en ce qui concerne le tourisme et les services à la personne ;
    forte présence de l’État dans l’économie.
    -La pérennité de ce modèle de croissance dépend donc fortement des cours des hydrocarbures. Or, depuis 2014, on observe une baisse tendancielle des rentes pétrolières, ce qui impacte réellement le PIB algérien.

    La baisse des recettes pétrolières a conduit à un accroissement du déficit budgétaire depuis cinq ans. En 2015, il atteignait -16 % du PIB. L’endettement public intérieur a continué à se creuser, passant à 46,3 % du PIB en 2019. Le double choc pétrolier et sanitaire du premier semestre 2020 a abouti à une contraction du secteur des hydrocarbures, une baisse de la consommation et une chute de l’investissement. La crise est financière mais aussi sociopolitique. La stabilité sociale et politique de l’Algérie repose depuis la fin des années 1990 sur ses dépenses sociales.

    Les dépenses sociales au sens large représentent environ 25 % du PIB, soit 5 points de plus que la moyenne de l’OCDE – un montant considérable. La soutenabilité de ce système de redistribution massive via les transferts sociaux en Algérie est conditionnée à un prix élevé du baril de pétrole. L’effondrement des prix du pétrole au début de l’année 2020 a ainsi mis en péril un système de transferts sociaux essentiels pour la stabilité politique du pays.

    Cette politique de transferts sociaux permet de compenser un taux d’emploi très faible, avec un taux d’activité parmi les plus bas au monde (42 % en moyenne).

    L’Algérie doit donc trouver d’autres sources de financement pour assurer la pérennité de son système.

    Avant la pandémie, les pays du Maghreb étaient porteurs de fragilités économiques et sociales. Ces dernières se sont accentuées avec la crise. Pour y faire face, cette note projette des scénarios macroéconomiques par lesquels l’Institut Montaigne évalue clairement et précisément les besoins de financement des trois pays maghrébins.

    Sortir de la crise : quels scénarios ?

    Le cas tunisien

    La Tunisie a bénéficié d’un prêt d’urgence d’environ 753 millions de dollars de la part du FMI en avril 2020. Cette somme ne suffira pas à couvrir l’entièreté du besoin de financement public du pays en 2021. 1 milliard de dollars supplémentaires pourraient lui être accordés, mais ils sont conditionnés à la mise en place de réformes structurelles négociées avec le précédent gouvernement.

    Selon les scénarios les plus optimistes, les besoins de financement tunisiens seraient compris entre 3 et 5 milliards de dollars, et entre 5 et 9 milliards de dollars pour les scénarios pessimistes. La Tunisie a besoin de trouver en urgence des financements complémentaires.

    Le cas marocain

    Le Maroc a levé environ 3 milliards de dollars en décembre 2020. Le FMI soulignait début 2021 que la dette marocaine semblait soutenable à court terme.

    Le pays doit néanmoins financer un grand plan de développement à moyen terme : renforcement de son capital humain (déficiences structurelles pour l’éducation par exemple), financement en infrastructures et industries de réseaux (notamment le réseau routier), transition énergétique et modernisation du système de protection sociale et de santé.

    Selon les scénarios optimistes, les besoins de financement par le Maroc se situeraient entre 3,5 et 6,5 milliards de dollars. Entre 6 et 11 milliards de dollars seront nécessaires selon les scénarios pessimistes, s’il ne dispose pas d’aide des bailleurs internationaux.

    Le cas algérien

    Des trois pays du Maghreb, c’est l’Algérie qui détient le déficit budgétaire le plus important : il devrait atteindre 13,5 % du PIB en 2021. L’Algérie maîtrise cependant son taux d’endettement (46,3 % de son PIB en 2019). Déclinant un soutien multilatéral (en particulier du FMI), le gouvernement finance ses transferts sociaux sans difficulté grâce à la richesse de ses ressources en hydrocarbures. Néanmoins, la pérennité de ce système social dépend fortement du paramètre très évolutif du prix des hydrocarbures.

    Soutenir le Maghreb, un impératif pour l’Europe

    Relancer le partenariat euro-méditerranéen

    Le bilan est clair : les pays du Maghreb, et particulièrement la Tunisie, ont besoin d’être soutenus financièrement dans le contexte de la crise sanitaire. Les économies de la région et la stabilité de ces pays sont sous tension. L’Europe doit pouvoir inclure le Maghreb dans son plan européen de 750 milliards d’euros. Faire bénéficier la capacité d’emprunt européenne aux trois pays du Maghreb leur permettrait d’acquérir les liquidités nécessaires à la transformation de leurs modèles de développement. À cette condition, la crise pourra constituer une opportunité à saisir pour se relancer durablement.

    Le Maghreb, nouvel enjeu stratégique

    Le Maghreb n’est plus un pré-carré européen. Les trois pays du Maghreb font l’objet d’un intérêt de la part des grands acteurs régionaux et mondiaux. L’influence de l’Europe – et particulièrement celle de la France – recule progressivement.

    Seule démocratie du monde arabe, proche de l’Europe par ses échanges commerciaux, la Tunisie représente un fort symbole politique. La France demeure un partenaire majeur de la Tunisie : environ 14 % des importations tunisiennes en 2019 (contre 21 % en 2009). Mais l’analyse des flux d’investissements directs montre que d’autres puissances s’intéressent à la Tunisie. 39 % du stock d’IDE en 2019 provenaient des pays du Golfe, dont 11 % pour le Qatar. La Turquie est également très implantée sur le marché tunisien, notamment dans le domaine des travaux publics et des infrastructures.

    Le Maroc, passerelle entre l’Europe et l’Afrique, plateforme commerciale et financière importante, économie ouverte aux échanges et insérée dans les principaux flux économiques et financiers, est au cœur des intérêts régionaux et internationaux. Le Maroc intéresse de plus en plus la Chine, dont la diaspora est assez importante sur le littoral marocain. La Chine regarde de près les implantations logistiques, notamment à Tanger, et exporte beaucoup de biens manufacturés et de matériel au Maroc. Elle a aussi construit un partenariat avec le Royaume pendant la crise du Covid-19 : envois de masques, test avancé de vaccins, distribution massive de vaccins chinois, etc. La Chine est en bonne position sur le plan des importations marocaines : elle représente 10 % du total en 2019, même si elle demeure derrière l’Espagne (15 %) et la France (12 %).

    Fondamentalement souverainiste mais très ouverte sur l’international par ses échanges commerciaux, l’Algérie se caractérise par son paradoxe. Riche en hydrocarbures et très attentive aux choix de ses partenaires économiques, l’Algérie détient les clients et les fournisseurs les plus diversifiés de la région. La Russie et la Chine sont devenues des partenaires importants de l’Algérie (17 % des importations algériennes provenaient de Chine en 2019). Longtemps concentrées sur le secteur de la défense, les relations entre Moscou et Alger ont récemment évolué avec la crise du Covid-19 vers le domaine de la santé (utilisation du vaccin russe en Algérie).

    C’est pourquoi l’Europe doit rester très attentive à la situation du Maghreb et trouver des solutions, pas seulement d’ordre financier, pour contribuer à la stabilité de ces pays. Celles-ci dépendent du bien-être des populations, davantage que le seul soutien aux régimes. Agissons tant qu’il est encore temps.

    *Normalien, agrégé de géographie, Hakim El Karoui a enseigné à l’université Lyon II avant de rejoindre le cabinet du Premier ministre en 2002. Après un passage à Bercy, il rejoint, en 2006, la banque Rothschild. Depuis le mois d’avril 2021, il dirige le bureau parisien de Brunswick. Il est également essayiste et entrepreneur social et a créé le club du XXIe siècle et les Young Mediterranean Leaders. Hakim El Karoui est senior fellow de l’Institut Montaigne et auteur de plusieurs rapports, dont Nouveau monde arabe, nouvelle « politique arabe » pour la France (2017).

    Institut Montaigne, mai 2021

    Etiquettes : Maroc, Algérie, Tunisie, Mauritanie, Libye, Maghreb, Migration, Méditerranée,

  • Crise des migrants à Ceuta : des centaines de mineurs en errance

    La crise des migrants dans l’exclave méditerranéenne espagnole de Ceuta s’est atténuée. Après la mort de trois personnes cherchant une protection dans la zone frontalière, le Maroc a accepté le retour d’environ 7 500 personnes sur un total de 9 000.

    Parmi eux se trouvent de nombreux enfants et adolescents dont les parents ont fourni la preuve qu’ils sont les tuteurs légaux.

    Cependant, des centaines de mineurs non accompagnés restent encore dans la ville autonome.

    Mabel Deu est la vice-présidente régionale de la ville de Ceuta : « Nous travaillons sans relâche et jusqu’à l’épuisement pour obtenir l’affiliation de ces enfants, les données nécessaires et la confirmation de leurs parents pour pouvoir ramener ces mineurs chez eux. »

    Le problème : de nombreux autres mineurs errent dans l’exclave. Sans savoir où aller ni vers qui se tourner. Ils ne sont pas tous originaires du Maroc, loin s’en faut.

    « Nous n’avons rien »
    « Quel âge avez-vous ? » demande le journaliste. « J’ai quinze ans et je viens de Guinée Conacry » dit l’adolescent. « Là-bas, nous n’avons rien à manger, nous n’avons rien, les écoles ne sont pas efficaces » explique-t-il.

    L’arrivée massive de migrants à Ceuta, contre laquelle le Maroc n’a rien fait, s’est produite dans le contexte d’une grave crise diplomatique entre Rabat et Madrid. Elle a été déclenchée par l’hospitalisation accordée par l’Espagne à Brahim Ghali. Il est le chef du Front Polisario, qui lutte pour l’indépendance de la région du Sahara occidental, dont une grande partie a été annexée par le Maroc.


    Selon les médias, Ghali est sur la voie de la guérison après sa grave maladie du Covid 19.
  • La Grèce dit que résoudre les différends avec la Turquie peut être difficile, mais pas impossible

    La Grèce ne peut ignorer ses divergences avec la Turquie sur les différends territoriaux en Méditerranée et d’autres questions, mais si une solution est difficile, ce n’est pas impossible, a déclaré dimanche son ministre des Affaires étrangères à un journal.

    Les deux pays sont des alliés de l’OTAN mais en désaccord sur de nombreuses questions, y compris des revendications concurrentes sur l’étendue de leurs plateaux continentaux en Méditerranée, l’espace aérien, les ressources énergétiques et la division ethnique de Chypre.

    « Il n’est pas possible de se cacher sous les problèmes de tapis où nous avons des points de vue et des approches différents », a déclaré Nikos Dendias au journal Kathimerini dans une interview.

    Jeudi, Dendias et son homologue turc Mevlut Cavusoglu se sont affrontés ouvertement lors d’une conférence de presse conjointe à Ankara qui a commencé avec l’espoir d’une amélioration des relations, mais a rapidement sombré dans des accusations acrimonieuses des deux côtés.

    Il s’agissait de la première visite d’un ministre grec des Affaires étrangères en Turquie depuis 2015 dans le but de trouver un terrain d’entente pour un programme de discussions positif avec Ankara.

    Dendias a déclaré au journal que si le climat pendant les négociations était bon, il n’y avait pas de convergence sur de nombreuses questions.

    « Le problème auquel nous sommes confrontés avec la Turquie est qu’il n’y a pas de dénominateur commun concernant le cadre de résolution de nos différends », a déclaré Dendias au journal.

    Il a déclaré que le point de vue de la Grèce est que la délimitation de sa zone économique exclusive et de son plateau continental avec la Turquie dans la mer Égée et la Méditerranée orientale doit être fondée sur le droit international.

    « Je ne vois pas un durcissement de la position de la Turquie sur les questions concernant la mer Égée et la Méditerranée orientale. Mais je vois des positions fixes qui vont au-delà du droit international, ce qui rend les perspectives de résolution difficiles mais pas impossibles », a-t-il déclaré.

    Dendias a déclaré qu’il avait invité Cavusoglou à Athènes pour poursuivre les pourparlers, ce qui pourrait aider à préparer le terrain pour une réunion du Premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis avec le président turc Tayyip Erdogan.

    Reuters, 18 avr 2021

    Etiquettes : Grèce, Turquie, Méditerranée,

  • Turquie : Erdogan aux prises avec la quadrature du cercle

    Mohamed Habili

    Dans le monde d’aujourd’hui, un pays isolé est un pays bientôt attaqué. Le meilleur exemple reste la Libye de Kadhafi, qui n’a trouvé personne en 2011 pour prendre place à ses côtés lorsque l’agression franco-britannique allait s’abattre sur elle. Son isolement au plan international l’avait condamnée. Même les pays les plus puissants militairement et économiquement, de ce fait capables de se défendre, n’ont quand même rien à gagner, rien que des coups, à se trouver isolés, c’est-à-dire sans alliés.

    Un pays, quel qu’il soit, a un besoin vital d’alliés sûrs, en premier lieu dans son environnement immédiat, dont ses agresseurs potentiels sauraient par avance qu’ils s’interposeraient. C’est parce que la Turquie sous Erdogan a réussi à n’avoir que des ennemis à l’est de la Méditerranée qu’elle s’est résolue finalement à se tourner vers l’Egypte, le pays avec lequel elle s’entend le moins dans la région, mais duquel elle se sent suffisamment proche à bien des égards pour faire taire ses préventions à son endroit. Pour le président turc, et sans doute aussi pour une bonne partie de l’opinion turque, il vaut toujours mieux se réconcilier avec un pays musulman, de surcroit un temps sujet de l’empire ottoman, que se retrouver entourés d’Etats qui ne pensent qu’à leur nuire.

    Ce dont la Turquie se sent aujourd’hui menacée, certes ce n’est pas d’une agression militaire comme ce fut le cas il y a maintenant une décennie pour la Libye, mais d’un partage des ressources énergétiques en mer qui se ferait à ses dépens. Cette menace est d’autant plus réelle qu’elle s’est déjà aliénée les Européens, et en premier lieu la France, avec laquelle les relations ne sont pas loin de se rompre. Entre elles deux, on peut dire que c’est déjà l’animosité déclarée. Il suffirait de pas grand-chose pour que leurs rapports s’aigrissent tout à fait, ce qui du reste avait failli se produire en Méditerranée entre deux de leurs navires de guerre, il y a de cela quelques mois.

    La France n’est pas à l’est de la Méditerranée, mais elle y compte des amis, comme il se doit hostiles à la Turquie. De là le désir de la Turquie de réconciliation avec l’Egypte, d’autant plus grand qu’elle ne voit chez cette dernière aucune envie de la déposséder de ce qui lui revient de droit en Méditerranée. Donald Trump a dit de Recep Tayyip Erdogan qu’il était un joueur d’échec de niveau mondial. Si le compliment est mérité ou objectif, c’est le moment pour Erdogan d’avancer ses pièces de façon à consolider ses positions sur tous les points de tension en Méditerranée. Il lui faut tout à la fois renouer avec l’Egypte, conserver son influence en Libye, et maintenir son leadership sur l’ensemble des courants islamistes dans le monde arabe et musulman, le tout bien sûr sans devoir rien perdre de sa part d’hydrocarbures en Méditerranée.

    Cela semble la quadrature du cercle. Mais un manœuvrier de niveau mondial comme lui devrait pouvoir tirer son épingle dans chacune de ces directions. Sur invitation de l’Egypte à ce qu’il semble, une délégation turque se rendra au Caire au début du mois prochain pour faire avancer le dossier de la normalisation. Cette délégation ne sera pas conduite par le ministre turc des Affaires étrangères. Le rapprochement n’en est pas encore à ce point en effet. N’empêche, les Turcs ont annoncé la nouvelle comme si c’était lui en personne qui avait été mandé par le Caire. D’ailleurs, c’est lui qui le premier en a parlé.

    Le Jour d’Algérie, 16 avr 2021

    Etiquettes : Turquie, Tayyip Erdogan, OTAN, France, Méditerranée,

  • La Grèce accuse la Turquie de vouloir la provoquer avec des bateaux de migrants

    ATHENES (Reuters) – La Grèce a accusé vendredi la Turquie de vouloir la provoquer en tentant de pousser des bateaux transportant des migrants dans les eaux grecques, ce qu’Ankara a fermement rejeté.

    La Grèce et la Turquie sont en désaccord sur une série de questions, notamment les ressources énergétiques en Méditerranée, et les tensions entre les alliés de l’OTAN se sont accrues l’an dernier lorsque des milliers de demandeurs d’asile en Turquie ont tenté de prendre d’assaut la frontière terrestre grecque.

    Le ministre des migrations Notis Mitarachi a déclaré que les garde-côtes grecs avaient signalé vendredi de multiples incidents au cours desquels les garde-côtes et la marine turcs ont accompagné des bateaux de migrants « jusqu’à la frontière de l’Europe, dans le but de provoquer une escalade » avec la Grèce.

    « Il ne fait aucun doute que ces migrants ont quitté les côtes turques, et compte tenu du fait qu’ils étaient soutenus par la Turquie, ils ne couraient aucun risque », a déclaré Mitarachi dans une déclaration enregistrée.

    « Nous appelons la Turquie à se retirer et à mettre fin à cette provocation injustifiée ».

    Le vice-ministre turc de l’Intérieur, Ismail Catakli, a répondu à Mitarachi sur Twitter, affirmant qu’il déformait les événements et racontait des mensonges.

    Catakli a accusé la Grèce d’avoir repoussé 231 migrants lors de sept incidents qui ont eu lieu vendredi, ajoutant que la Turquie les a secourus.

    « C’est un crime contre l’humanité que de calomnier les garde-côtes turcs qui sauvent des gens que vous avez laissés à la mort. C’est typique de vous ! », a écrit Catakli.

    Les garde-côtes grecs ont déclaré que dans un incident, un bateau transportant des migrants a tenté de pénétrer dans les eaux territoriales grecques vendredi, accompagné d’un navire des garde-côtes turcs. Dans un autre cas, deux navires turcs ont tenté de pousser un canot pneumatique transportant des migrants dans les eaux grecques.

    Dans un troisième incident, au large de l’île de Lesbos, un navire des garde-côtes turcs a pénétré dans les eaux territoriales grecques et a harcelé un patrouilleur grec, a indiqué le ministère.

    Près d’un million de demandeurs d’asile, principalement des Syriens, des Irakiens et des Afghans, ont traversé vers la Grèce depuis la Turquie sur des bateaux en 2015, au début de la crise migratoire en Europe. Un an plus tard, l’UE a conclu un accord avec Ankara pour endiguer le flux et les chiffres ont chuté de façon spectaculaire.

    Mitarachi a appelé la Turquie à « respecter » ses engagements dans le cadre de cet accord.

    Reuters, 2 avr 2021

    Etiquettes : Grèce, Turquie, migration, Ankara, Méditerranée, OTAN, Notis Mitarachi, UE, Lesbos, Union Européenne,

  • Les enjeux de la Méditerranée occidentale

    27/10/20 – HR/VP Blog – La Méditerranée occidentale a de tout temps été une région clé pour l’Europe et elle le restera. Mais pour que les relations entre les deux rives de la Méditerranée se développent de façon mutuellement profitable, il nous faudra réussir à combler ensemble le fossé qui tend à se creuser entre elles, notamment sur le plan économique.

    La semaine dernière, j’ai été invité à participer à la réunion des ministres des affaires étrangères du groupe dit des 5+5 de Méditerranée occidentale. Ce Forum rassemble depuis trente ans maintenant, 5 pays de l’Union, l’Espagne, la France, l’Italie, Malte et le Portugal, et 5 pays du Sud de la Méditerranée, l’Algérie, la Libye, le Maroc, la Mauritanie et la Tunisie.

    Bien que cette structure soit informelle, elle permet de confronter les points de vue et de développer des partenariats autour d’une région, la Méditerranée occidentale, qui a joué dans le passé, joue aujourd’hui et jouera encore demain un rôle essentiel pour l’Union Européenne.

    Les écarts se creusent entre l’Union et le Maghreb

    Au cours de cette réunion j’ai été impressionné par la description qu’ont faite mes collègues des difficultés que traversent actuellement les pays du Sud de la Méditerranée. Les écarts de richesse entre les deux rives de notre mer commune, déjà considérables, s’accroissent. Les 102 millions d’habitants des 5 pays du Sud de la Méditerranée représentent un peu moins du quart de la population de l’Union mais leur PIB cumulé est 60 fois moins élevé que celui de l’Union. Autrement dit la richesse produite par habitant y est 13 fois plus faible qu’en Europe. Et même si on corrige cette différence des niveaux des prix, qui sont nettement plus bas de l’autre côté de la Méditerranée, l’écart des niveaux de vie reste encore quasiment de un à cinq.

    Et surtout, le mouvement de rattrapage qu’on avait pu observer jusqu’au milieu des années 2000 s’est inversé depuis : en 2005, le niveau de vie moyen des habitants des 5 pays du Sud de la Méditerranée était 3 fois plus faible que celui des Européens, aujourd’hui il l’est presque 5 fois plus.

    Une démographie dynamique

    Cette stagnation des niveaux de vie n’est pas simplement liée aux difficultés des économies du Sud de la Méditerranée, elle est due aussi aux dynamiques démographiques : entre 1990 et 2019, la population des 5 pays du Maghreb s’est en effet accrue de 57 % quand celle de l’Union ne progressait que de 6%. La croissance des économies a eu du mal à suivre ce rythme.

    De plus, ces chiffres se rapportent à l’année 2019. En 2020, la pandémie de COVID-19 a profondément affecté les économies du Maroc ou de la Tunisie, qui dépendent beaucoup du tourisme, de la sous-traitance automobile ou encore du textile. Tandis que la baisse du prix et des volumes des ventes d’hydrocarbures frappe durement celle de l’Algérie. Et tous les pays de la région souffrent de la forte diminution des transferts en provenance de leurs émigrés présents en Europe du fait de la crise.

    « La Covid-19 s’est jouée des notions de Nord et de Sud : les pays les plus touchés au Nord sont au Sud de l’Europe, et les plus touchés au Sud sont au Nord de l’Afrique ». Nasser Bourita, ministre marocain des Affaires Etrangères

    Comme l’a indiqué justement mon collègue, Nasser Bourita, ministre des Affaires étrangères du Maroc, au cours de notre rencontre : « la Covid-19 a durement frappé la Méditerranée occidentale. Elle s’est jouée des notions de Nord et de Sud : les pays les plus touchés au Nord sont au Sud de l’Europe, et les plus touchés au Sud sont au Nord de l’Afrique ».

    Tant que le niveau de vie stagnera au Sud de la Méditerranée et que l’écart se creusera entre ses deux rives, il sera difficile d’éviter le développement de l’instabilité politique et sociale sur l’autre rive et les mouvements migratoires vers l’Europe. Il est donc dans l’intérêt des Européens de contribuer activement à inverser cette tendance, dans le respect bien entendu de la souveraineté de chacun.

    « Les profondes difficultés de cette région tiennent en particulier au « non Maghreb ». Celui-ci reste en effet l’une des régions les moins intégrées en termes économiques. »

    Les causes de ces profondes difficultés sont nombreuses. Elles tiennent néanmoins pour une part importante au « non Maghreb ». Cette région reste en effet l’une des moins intégrées au monde en termes économiques : les échanges entre les pays du Maghreb sont estimés à un quart de leur potentiel. En 2012, nous avions proposé un large éventail de mesures pour favoriser cette intégration régionale et encourager une coopération plus étroite avec l’UE.

    Les conflits persistent

    Huit ans plus tard, les relations bilatérales certes ont gagné en maturité et la coopération s’est étendue à des questions essentielles comme le changement climatique. Néanmoins, les efforts déployés n’ont eu que des effets limités. Les conflits persistants et les intérêts divergents entre les pays de la région ont prévalu sur les efforts de coopération en vue de résoudre des difficultés communes. Cela n’a pas permis en particulier de répondre aux attentes d’une population jeune et éduquée en pleine croissance.

    Pour ne rien arranger, les relations commerciales avec l’Europe ne se sont pas développées. Elles ont au contraire sensiblement décliné depuis la fin de la décennie 2000. Aujourd’hui le commerce extérieur avec ces pays ne représente que de l’ordre de 3 % du total des échanges de l’Union. Les exportations de l’Union vers le Maghreb pèsent 8 fois moins par exemple que celles vers les Etats Unis.

    Une dynamique à inverser d’urgence

    Il nous faudra impérativement réussir à inverser ensemble cette dynamique pour faire en sorte que la sortie de la crise du COVID-19 soit à la fois numérique, écologique et équitable des deux côtés de la Méditerranée. Notre coopération avec le Maghreb se développe dans un contexte international de plus en plus incertain – voire conflictuel: relocalisations et souveraineté économique sont désormais devenus des thèmes dominants dans le monde entier.

    « L’Europe n’a pas l’intention de se replier sur son pré-carré. Notre volonté de reconquérir une plus grande souveraineté économique peut être une chance pour le Maghreb. »

    Mais notre volonté de reconquérir une plus grande souveraineté économique pour l’Europe peut être un atout pour le développement du Maghreb. L’Europe n’a pas l’intention en effet de se replier sur son pré-carré : il s’agit de produire des richesses en lien étroit avec nos voisins immédiats pour tirer profit de nos complémentarités et améliorer ensemble notre niveau de vie et le nombre de nos emplois. Il reste cependant encore beaucoup à faire, notamment en termes de réformes politiques et économiques, pour réussir à attirer les investisseurs étrangers dans les pays du Maghreb.

    Une instabilité politique et sécuritaire croissante

    Ces difficultés économiques et sociales persistantes sont allées de pair avec une instabilité politique qui s’est traduite en particulier par les affrontements internes en Libye et le déploiement du terrorisme islamique dans tout le Sahel. Cela a amené l’Union à développer sa coopération avec la région en matière de sécurité.

    L’Algérie la Tunisie et le Maroc participent à plusieurs programmes européens en matière de lutte contre le terrorisme. La coopération se poursuit aussi en matière de lutte contre la criminalité organisée. Aux côtés des pays de la région, l’Union participe enfin activement au processus de Berlin pour la Libye, piloté par les Nations unies, pour rétablir la paix et la stabilité en Libye. En mars dernier, l’UE a ainsi lancé l’opération Irini pour contribuer à faire respecter l’embargo sur les armes, décidé par les Nations unies, mais aussi pour combattre la contrebande et le trafic d’êtres humains.

    « Il y a lieu de se réjouir des derniers développements en Libye : grâce notamment aux efforts des pays du Maghreb, la voie de la négociation semble prévaloir. »

    Il y a lieu de se réjouir des derniers développements en Libye : grâce notamment aux efforts des pays du Maghreb, la voie de la négociation semble prévaloir. Elle l’emportera si les Libyens parviennent à trouver par eux-mêmes des solutions. Les Nations Unies et l’Union européenne apporteront tout le soutien nécessaire à leurs efforts de compromis. Nous avons évidemment bien conscience cependant que ces défis sécuritaires ne pourront être relevés dans le long terme que si on s’attaque en même temps à leurs causes structurelles à travers de profondes réformes politiques et socio-économiques.

    Les migrations doivent se faire de façon ordonnée

    Nos sociétés et nos peuples sont étroitement liés, des millions de citoyens des pays du Maghreb vivent légalement dans les pays de l’Union Européenne. Ces pays sont confrontés également de pressions migratoires venant de pays d’Afrique subsaharienne. Nous devons renforcer davantage notre coopération avec les pays d’origine et de transit pour assurer que ces mouvements migratoires se fassent de façon ordonnée. C’est le but des dialogues migratoires que nous chercherons à développer avec les pays du Maghreb, en s’appuyant sur les coopération solides qui existent déjà dans ce domaine.

    Cette réunion informelle m’a permis de mieux cerner les graves difficultés que traversent actuellement nos voisins du Sud de la Méditerranée et les énormes enjeux liés au développement de nos relations. Elle ne constituait cependant qu’une première étape avant une autre échéance importante : le Forum Régional de l’Union pour la Méditerranée qui se tiendra le 27 novembre prochain.

    Le 27 novembre : les 25 ans du processus de Barcelone

    Avec nos partenaires de l’ensemble du pourtour méditerranéen cette fois, nous dresserons le bilan de 25 années du processus de coopération régionale dit de Barcelone. A cette occasion, l’Union confirmera sa détermination à faire de la Méditerranée une région plus sûre, plus prospère et plus stable. J’ai pleinement conscience que les actions menées en ce sens depuis un quart de siècle n’ont eu que des résultats limités et que la tâche s’annonce particulièrement rude pour les mois qui viennent…

    Source : EEAS, 27 oct 2020

    Tags : Mediterranée, Union Europea, UE, Maroc, Algérie, Tunisie, Libye, Egypte, Union pour le Méditerranée, UpM, Processus de Barcelone,