Étiquette : #Mémoire

  • La baguette (de pain) de «l’étranger»

    Algérie, France, Macron, #Algérie, #Macron, #Mémoire, #Colonisation, #EricZemmour,

    On se souvient (presque) tous de la fameuse histoire, racontée par Fernand Raynaud, sur le renvoi aveugle d’un village de France d’un immigré («parce qu’il mangeait le pain des Français») qui était, en fait, le boulanger du coin. On s’en était aperçu trop tard.

    Cela nous ramène à l’actuelle campagne présidentielle hexagonale durant laquelle candidats et supporteurs (dont certains animateurs, journalistes et autres «experts») font feu de tout bois, ratissant large, tirant dans tous les coins, utilisant tous les arguments, du plus sérieux au plus ridicule en passant par le plus provocateur et le plus irresponsable (cf. certains récents propos de E. Macron face à des «jeunes Français d’origine algérienne» et de l’arrière petit-fils de Salan, le chef OAS).

    Si à gauche et chez les Verts, les positions restent mesurées, cantonnées à l’essentiel, à droite (avec une bonne partie du pouvoir en place y compris), deux problèmes sont abordés, car devenus thèmes centraux des stratégies électorales: la sécurité publique et l’immigration. Avec un point focal, la faute aux immigrés (clandestins, cela va de soi, et légaux: «Il y en a trop»), aux Arabes et aux Musulmans (sous-entendre l’islam qui amènerait du séparatisme et la violence), les trois sujets se mélangeant pour aboutir à une accusation majeure : ils (surtout les musulmans avec une certaine insistance, parfois non exprimée mais suggérée, sur l’Algérie et le Maghreb) sont la cause unique de l’intolérance, de la violence et de l’insécurité (publique) et par glissement sémantique du «terrorisme». Tout cela accompagné de statistiques et de données qui montrent tout et cachent l’essentiel.

    Cette fois-ci, les attaques vont encore plus loin dans la critique et l’insulte avec, non plus Marine Le Pen (qui ne sous-estime pas (ou plus) l’électorat «franco-arabe»), mais un invité inattendu, un ex-«bien de chez nous», Eric Zemmour qui est arrivé, en peu de temps, à se transformer en possible présidentiable, tout en devenant un homme d’affaires avisé puisque ses ouvrages, grâce à son activisme, caracolent en tête des ventes. D’une pierre plusieurs coups !

    L’essentiel n’est pas là. Le risque est grand de le voir, connaissant la versatilité des peuples pris dans le maelstrom des crises et des peurs (souvent sans fondement mais accélérés par la pandémie de la Covid-19 et ses effets socioéconomiques et même psychologiques) font arriver au pouvoir des populos fascistes dont la première des actions est soit de renvoyer l’«étranger», soit de l’«exterminer». Adolf Hitler, dont on ne sait pas encore avec exactitude la parentèle, en tout cas pas aryenne pour un sou, a débuté avec un ouvrage de haine (haine trop longtemps «personnalisée» et intériorisée) devenu un best-seller et des discours extrémistes contre, tout particulièrement, les étrangers et surtout les Allemands de confession juive, ce qui lui avait permis d’accéder au pouvoir. On connaît la suite.

    Zemmour serait-il, sans peut-être le faire exprès (car il ne faut pas surestimer l’«intelligence» (sic !) de cet homme, «symptôme de la lâcheté des démocraties» selon Luc Ferry, par ailleurs bon polémiste), en train de suivre son cheminement, très bon «ami» depuis les années 80 de papy Le Pen et de mémé Ursula Painvin, fille de Joachim von Ribbentrop, le ministre des Affaires étrangères du IIIe Reich, pendu en 1946 à Nuremberg.

    Ursula, 88 ans, vénère Jean¬ Marie Le Pen («Il faudrait te cloner») et, de Berlin, elle encourage Eric Zemmour avec ses «pensées les plus admiratives et amicales»), en train de suivre le cheminement simili nazi, en oubliant que c’est un immigré tunisien, Makram Akrout, arrivé sans papier de Tunisie il y a 19 ans, boulanger de son état (à Paris) qui a récemment décroché le «Prix de la meilleure baguette -de pain- de Paris» et qui livrera, donc, l’Elysée durant toute une année. Arrivés à l’Elysée avec leur programme de «grand nettoyage», Eric Zemmour et ses amis mangeront-ils alors de ce pain-là ? Un scénario catastrophe pour les radicaux et les racistes : pour «éviter» la «honte», on est, déjà, en train de lui «chercher des poux dans la tête».

    Comme pour la fameuse jeune chanteuse d’origine algérienne, écartée d’un concours (TF1) qu’elle allait remporter, il aurait «écrit on ne sait quels messages anti-français sur les réseaux sociaux» ! Hitler avait alors accusé les juifs de détenir, de la faire et de la défaire, toute la fortune du pays.

    Belkacem Ahcene Djaballah

    Le Quotidien d’Oran, 09/10/2021

  • France-Algérie : Mémoire indissociable

    France-Algérie : Mémoire indissociable

    Algérie, France, mémoire, colonisation, Harkis, #Algérie, #Mémoire,

    par Abdelkrim Zerzouri

    A quelques jours de la commémo ration de la «Journée nationale d’hommage aux harkis et autres membres des formations supplétives », instituée en 2001 par Jacques Chirac, et qui coïncide avec le 25 septembre de chaque année, la politique mémorielle du président français devrait franchir un nouveau cap dans un climat de précampagne électorale pour les présidentielles françaises de 2022.

    La France officielle, qui reste prudente quand il s’agit de « reconnaissance » de ses fautes et ses crimes durant la période coloniale, serait sur le point de mettre de côté ses hésitations et aller droit au but pour tenter de « réparer », moralement et financièrement surtout, les harkis et leurs ayant droits. Toute la presse de l’Hexagone en parle, le président français ne manquerait pas de clôturer en cette occasion le dossier des réparations.

    Ouvert en 2018, quand il a débloqué 40 millions d’euros pour revaloriser les pensions des anciens combattants, ce dossier tiendrait une bonne place parmi les gestes forts attendus envers cette catégorie de la population, qui ne s’est jamais vraiment relevée de ce sentiment d’abandon, de trahison et d’amertume.

    Des fonds plus importants seront, ainsi, accordés aux harkis et à leurs descendants. Le président français pourrait-il aller plus loin que ses prédécesseurs, jusqu’à satisfaire une revendication des associations des harkis et leurs ayants droit, à savoir la promulgation d’une loi de reconnaissance de l’abandon des harkis et de réparation financière ? Et pourrait-on s’attendre dans ce cadre de la politique mémorielle à d’autres gestes de la part de l’Algérie en direction des harkis, qui souhaitent avoir la possibilité de retourner au pays ?

    Avec des liens enchevêtrés, le dossier mémoriel ne peut avancer sans étaler au grand jour tous les tabous. On se rappelle qu’à la veille de la précédente présidentielle, en 2017, Macron avait déclenché une forte polémique en qualifiant, à partir d’Alger, la colonisation française de crime contre l’humanité, une « vraie barbarie » qui « fait partie de ce passé que nous devons regarder en face, en présentant nos excuses à l’égard de ceux envers lesquels nous avons commis ces gestes », devait-il convenir. Que dira à ce sujet le président français à la veille de la fin de son quinquennat ?

    Certainement qu’il serait plus réservé, mais la reconnaissance, d’un côté, et le déni, de l’autre côté, ne peuvent faire le bien de la politique mémorielle. Peut-être que le temps de la parole est dépassé et qu’il faut lui joindre le geste concret.

    Curieusement, depuis la fin de la mission sur « la mémoire de la colonisation », confiée de part et d’autre aux soins de l’historien Benjamin Stora et du docteur Abdelmadjid Chikhi, directeur des archives nationales, le dossier mémoriel fait presque du surplace. Faut-il s’attendre à un geste fort pour le booster à la veille de la célébration du déclenchement de la guerre de libération nationale ?

    Le Quotidien d’Oran, 2070972021