Étiquette : Mémoire

  • Crise diplomatique Algérie-France: Partie pour durer

    Tags : Algérie, France, Emmanuel Macron, Abdelmadjid Tebboune, histoire, colonialisme, mémoire,

    Dans son interview au journal allemand Der Speigel, le président Tebboune a laissé entendre que le retour à la normale dans les relations algéro-française n’est pas pour demain.

    Rythmées par des turbulences cycliques, les relations entre Alger et Paris, fortement tendues après les propos d’Emmanuel Macron, début octobre, ne risquent visiblement pas de s’arranger de sitôt.

    La crise est même partie pour s’installer dans la durée. Les dommages infligés par les propos d’Emmanuel Macron aux relations entre les deux pays ne sont pas de nature à apaiser les tensions entre les deux capitales et encore moins à envisager un retour de sérénité dans l’immédiat tant que le président français n’aura pas fait amende honorable.

    C’est en substance ce qui ressort des propos d’Abdelmadjid Tebboune à l’hebdomadaire allemand Der Spiegel. “Je ne serai pas celui qui fera le premier pas”, a prévenu Abdelmadjid Tebboune. “Sinon, je vais perdre tous les Algériens, il ne s’agit pas de moi, mais d’un problème national”, a-t-il dit.

    “Aucun Algérien n’accepterait que je contacte ceux qui nous ont insultés”, a-t-il encore ajouté. Non seulement, le chef de l’État exclut un “contact de sa part”, mais il exclut également une perspective de dénouement à court terme en évoquant, notamment, le maintien de la fermeture du ciel aux avions militaires français qui se rendent au Mali.

    “Non, si les Français veulent aller au Mali ou au Niger maintenant, ils devront juste faire neuf heures de vol au lieu de quatre”, a répondu Tebboune à la question du journaliste avant de concéder qu’une “exception” serait faite pour “le sauvetage de personnes blessées”. “Mais pour tout le reste, nous ne sommes plus obligés de coopérer les uns avec les autres, c’est peut-être terminé maintenant”, a-t-il tranché, accusant Emmanuel Macron d’avoir “porté atteinte à la dignité des Algériens”.

    Ces propos, après ceux de Ramtane Lamamra ayant dénoncé une “faillite mémorielle qui est malheureusement intergénérationnelle chez un certain nombre d’acteurs de la vie politique française, parfois au niveau le plus élevé” et le communiqué officiel dénonçant des “propos irresponsables” et “une ingérence dans les affaires intérieures” traduisent de nouveau la colère, toujours à fleur de peau, d’Alger qui n’est visiblement pas prête à digérer la sortie de piste du président français.

    D’ailleurs, même le plaidoyer de Macron en faveur de l’apaisement n’a pas eu d’effet sur l’attitude des dirigeants algériens. Très attendue, sa récente sortie à l’occasion des événements du 17 Octobre où il s’est contenté d’un communiqué dénonçant des “crimes inexcusables” n’a pas réussi non plus à apporter la sérénité peut-être espérée.

    À l’examen des propos d’Abdelmadjid Tebboune, notamment en assurant que l’Algérie n’est pas tenue par l’obligation de “coopérer”, Alger envisage même de revoir en profondeur ses rapports avec l’ancienne puissance coloniale.

    C’est peut-être ce qui explique, par certains égards, cet accueil en grande pompe réservé au président de la République italien et les louanges de Tebboune à l’égard de la chancelière Angela Merkel. Cela sans compter sur ses relations déjà privilégiées avec la Chine et la Russie, ou encore la Turquie. Peut-on pour autant parler d’un point de non-retour ? Compte tenu du poids et de la dimension autant historique qu’humaine qui lient les deux pays, il paraît très peu probable, voire impossible, de concevoir un divorce entre les deux pays.

    Mais combien de temps encore la tension et le froid vont-ils durer ? Si pour l’heure, aucun signe n’indique que la relation retrouvera son état normal dans l’immédiat, il apparaît clair qu’elle risque de prendre plus de temps que prévu, particulièrement avec les chamboulements géopolitiques qui s’opèrent dans la région et le contentieux mémoriel toujours vif.

    Karim K.

    Liberté, 08/11/2021

    #France #Algérie #Macron #Tebboune #Histoire #Mémoire #Colonisation

  • Algérie-France : Le président Tebboune persiste et signe

    Tags : France, Algérie, Emmanuel Macron, Abdelmadjid Tebboune, histoire, mémoire, colonialisme,

    Si l’escalade politique et médiatique entre l’Algérie et le France, qui a ponctué pendant plusieurs semaines les relations (historiquement tumultueuses) entre les deux pays, nous assistons ces derniers jours à une baisse palpable de tension, comme si entre Alger et Paris on a pris conscience de la nécessité de tempérer les ardeurs belliqueuses. Pour autant, les choses vont encore attendre longtemps avant de se normaliser, du moins en se fiant aux propos du président Tebboune, dans son entretien à l’hebdomadaire allemand Der Spiegel dans lequel il s’est longuement attardé sur la nouvelle crise politico-diplomatique entre l’Algérie et la France. « Les déclarations du président Macron sont extrêmement graves en cela qu’elles remettent en cause l’existence même de la nation algérienne avant la colonisation française en 1830 », fait valoir le président Tebboune pour qui « jamais au grand jamais nous n’accepterons une quelconque remise en cause de notre Histoire, ni une quelconque atteinte à l’honneur de notre peuple ».

    Loin de décolérer, le chef de l’Etat estime que « les déclarations du président français ont causé beaucoup de tort aux relations bilatérales », l’accusant en outre « d’avoir cherché délibérément à faire mal à l’Algérie, à son peuple et à son histoire, lors d’une rencontre à l’Elysée au cours de laquelle il avait reçu les descendants des Harkis et des pieds- noirs avec la complicité du journal Le Monde ».« C’est une des pires phases de nos relations bilatérales depuis quinze ans » insiste le président Abdelmadjid Tebboune qui accuse une bonne partie de la classe politique, intellectuelle et médiatique française « d’avoir encore sur l’Algérie un regard néo-colonial , alors que « nous nous apprêtons à célébrer cette année le 60 ème anniversaire de note indépendance, le 5 juillet prochain ».

    Le président Tebboune a rappelé dans les colonnes du journal allemand, les mesures qu’il avait prises en réaction aux propos agressifs et inélégants de son homologue français, citant le rappel de l’ambassadeur à Alger ainsi que l’interdiction de survol du territoire algérien par les avions militaires français engagés dans le cadre de l’opération Barkhal au Mali. Si les propos du président français constituent en quelque sorte l’étincelle qui a provoqué la déflagration, des dossiers de fonds sont à la base de la crise actuelle, notamment la question de la mémoire, la question des visas ( à la lumière des Accords de 1968) , les échanges économiques et le très sensible dossier du Sahara occidental avec la partialité de la France en soutenant le plan marocain de « large autonomie interne » au détriment du référendum sur l’autodétermination soutenu par l’Algérie et l’ONU. Trop de nuages en somme pour espérer une nouvelle embellie d’autant que le président algérien reste ferme en assenant sans ambages ni afféteries diplomatiques que « Je ne serai pas le premier à prendre l’initiative (N.D.L.R pour relancer les relation bilatérales), sinon je perdrai (le soutien NDLR) du peuple algérien ».Car, a conclu le président Tebboune ,l’enjeu « dépasse la personne du président de la République, c’est toute la nation algérienne qui est au centre de la problématique »

    H. Khellifi

    L’Est Républicain, 07/11/2021

    #Algérie #France #Tebboune #Macron #Colonialisme #Histoire #Mémoire

  • Les mensonges de M. Zemmour

    Tags : France, Eric Zemmour, extrême droite, Algérie, Colonialisme, Histoire, Mémoire,

    Si, durant la colonisation turque, le rythme de croissance de la population algérienne évolua naturellement malgré les expéditions punitives contre les résistants et les tribus réfractaires au paiement des impôts, il en fut autrement lors des premières années de la présence française. Un génocide en règle ! M. Zemmour ment quand il dit que la population algérienne a été multipliée par 10 entre 1830 et 1962. Au contraire, cette population, martyrisée et affamée, n’a jamais connu une courbe naturelle entre ces deux dates. Évaluée à 3 millions d’habitants en 1830, elle n’a augmenté que de 9 millions en presque un siècle et demi !

    Donc : multipliée par quatre et non par dix ! Autre précision pour notre «Berbère juif» : en 1962, l’espérance de vie était de 48 ans. M. Zemmour doit savoir qu’elle est actuellement de 78 ans !
    Encore un «méfait» de l’indépendance !

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    La dernière blague de M. Zemmour : la France a laissé en Algérie des hôpitaux, des routes, des écoles, etc. alors que les Turcs n’ont rien laissé du tout. Sur la seconde partie, je suis entièrement d’accord avec M. Zemmour : hormis prendre les impôts, épouser les belles Algériennes et utiliser le port d’Alger au profit des guerres ottomanes, les Turcs s’en f… royalement des Algériens. Mais nos tribus vivaient sur leurs terres qui n’avaient pas été volées. Car l’occupation turque ne fut pas une colonisation de peuplement ! En plus clair, si la France a construit hôpitaux, routes et écoles, ce n’était pas pour nos gueules ! Dépossédés de leurs terres, ruinés, affamés, massacrés, les Algériens vivaient en marge de la civilisation… Les réalisations françaises qui font la fierté de M. Zemmour étaient destinées aux Français !
    C’est l’indépendance qui donna au peuple algérien, dans son ensemble, l’accès au progrès social et au confort moderne. Pas la colonisation ! Pas du tout !

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    M. Zemmour, qui joue un one man show intitulé : «je suis candidat mais je ne le sais pas encore !», continue de multiplier les fausses vérités. Ainsi, il affirme que les parents des immigrés maghrébins, «venus des gourbis de leur bled, ont bénéficié de logements décents dès leur arrivée en France». Totalement faux ! Cette main-d’œuvre malléable et corvéable à merci, dont usait et abusait la France pour ses chantiers, n’a jamais pu accéder au stade de la dignité humaine. Parqués dans des foyers de triste mémoire, quand ils n’étaient pas entassés dans des bidonvilles aux noms qui sonnent comme une flagrante injustice dans la mémoire collective, ces immigrés n’ont accédé à des cités modernes qu’au cours de la seconde moitié du XXe siècle. Mais leurs problèmes de fond sont loin d’être réglés. Et la solution ne viendra sûrement pas d’un raciste nommé Éric Zemmour !
    Un conseil : rendez visite aux derniers chibanis. Ils vous raconteront…

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    M. Zemmour se considère comme un exemple parfait de l’étranger devenu français qui a su parfaitement s’intégrer dans son nouveau pays. Selon lui, ceux qui tiennent à garder leur identité d’origine seraient de mauvais citoyens. Et il va plus loin : ce semblant de pays d’où il vient (l’Algérie) a été inventé par la France ! Je laisse le soin aux psys d’analyser ce reniement extrême mais j’y lis les dégâts d’une idée fixe, une obsession : je suis tellement français et j’aime d’un amour fou la France et rien d’autre que même le territoire de mes aïeuls n’existe que grâce à… la France !
    À croire que le consul de France, et tous les autres diplomates en mission à Alger, du Moyen-Age jusqu’à 1930, se trouvaient sur une terre inconnue ! J’ai déjà cité Voltaire pour répondre à une bêtise semblable proférée par Macron. Le célèbre penseur français citait les grands philosophes de Madaure qu’il situait dans la régence d’Alger et pas en Papouasie Nouvelle ! Il se désolait que notre pays ne soit connu que par ses corsaires et pas par les lumières de Madaure qui, selon lui, constituèrent la «première école de philosophie après Atlas».

    L’Algérie existe en tant que peuple et État depuis l’Antiquité (Massinissa, Jughurta, Juba, Kahina, etc.) Si Macron et Zemmour font référence au nom «Algérie», il est certain que notre pays ne portait pas cette appellation, comme les territoires des Francs, Alamans, Burgondes, Wisigoths, n’étaient pas encore la France, ni la Lombardie, le Piémont Vénétie et la Sicile, l’Italie !
    Les ancêtres de M. Zemmour, juifs berbères vivant en parfaite harmonie avec les musulmans, doivent se retourner dans leur tombe devant tant de contrevérités historiques.

    On connaissait ceux qui renient leurs origines. Mais quand on nie même l’existence de là d’où l’on vient, allant jusqu’à considérer que c’est une «invention» d’une autre nation, il faut se faire soigner rapidement ! La France ne mérite pas d’avoir à sa tête un si piètre hâbleur !

    Mâamar Farah

    Le Soir d’Algérie, novembre 2021

    #France #Algérie #Elections_présidentiellles #Eric_Zemmour #Extrême_droite #Colonialisme #Histoire #Mémoire #Macron

  • Aucun contact n’est accepté avec ceux qui insultent l’Algérie

    Tags : Algérie, France, Emmanuel Macron, Abdelmadjid Tebboune, Histoire, Mémoire, Colonialisme,

    Dans un entretien à l’hebdomadaire allemand Der Spiegel, paru vendredi 5 novembre, mis sous le titre évocateur « Quand Macron appelle, il (Tebboune, ndlr) ne décroche pas. Pourquoi? », le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a répondu aux questions relatives à l’état des lieux des relations entre l’Algérie et la France.

    D’emblée, le Président a qualifié de « très graves » les propos tenus par Emmanuel Macron mettant en cause l’existence de la Nation algérienne avant la colonisation française. En effet, Tebboune a qualifié de « très graves » les propos du président français qui a exprimé des doutes sur l’existence de la Nation algérienne avant la colonisation. « On ne touche pas à l’histoire d’un peuple, on n’humilie pas les Algériens », a précisé l’interviewé au très influent magazine allemand. En mettant en doute l’existence de l’Algérie avant la colonisation française, exprimée le 30 septembre dernier lors d’une rencontre à l’Elysée avec des jeunes, « M. Macron a blessé la dignité des Algériens. Nous n’étions pas un peuple de sous-hommes, nous n’étions pas des tribus nomades avant que les Français viennent », tonne le Président. En outre, Tebboune ne voit pas dans un avenir proche, le retour à la normal des relations entre l’Algérie et la France. Dans ses réponses aux questions des journalistes de Der Spiegel, il écarte de voir la reprise à court terme des contacts et des relations entre les deux pays. « Je ne vais pas être le premier à faire le pas, sinon je perds tous les Algériens », a assuré le Président, car « c’est un problème national, ce n’est pas un problème du président de la République », ajoutant qu’« aucun Algérien n’accepterait que je reprenne contact avec ceux qui ont formulé ces insultes ». « M. Macron a blessé la dignité des Algériens », a-t-il réprimandé. Ensuite, et concernant le dossier de la mémoire, le Président a clairement indiqué que « la France devait reconnaître tous ses crimes coloniaux, et non ce qui s’est passé en peu de temps, comme l’affirme le rapport de Benjamin Stora », allusion aux 132 ans de colonisation française derrière un crime de 5,5 millions d’Algériens. À la question de Der Spiegel de savoir s’il existait une possibilité que la crise bilatérale entre l’Algérie et la France prenne « fin bientôt », le chef de l’État a répondu crûment par un grand « NON ».
    Et pour cause, Tebboune a estimé que les propos de son homologue français font « partie de la vieille haine coloniale », même s’il a admis que « M. Macron est loin de la haine coloniale ». « Pourquoi l’a-t-il dit alors ? », « Il l’a dit pour des raisons électoralistes. », répond l’interviewé, précisant que Macron «a repris le même discours que tient le journaliste et auteur Eric Zemmour depuis longtemps », à savoir que « l’Algérie n’était pas une Nation et que c’est la France qui en a fait une nation ». « Malheureusement, M. Macron s’est placé du côté de ceux qui justifient la colonisation en disant cela », déplore le Président, renvoyant aux déclarations de Macron, tenues en 2017 depuis Alger en tant que candidat aux présidentielles françaises, où il avait reconnu les faits, selon lesquels, « la colonisation était un crime contre l’humanité ».
    À propos de l’interdiction de survol de l’espace aérien par des avions militaires français, le chef de l’État a noté que les français s’ils veulent « aller au Niger ou au Mali, ils vont mettre neuf heures et non plus quatre comme avant ». Il a précisé que l’Algérie va toujours « rendre possible de rapatrier des blessés, mais sur le reste, on n’a plus à coopérer ensemble… Peut-être que c’est simplement fini maintenant ». Il est bon de rappeler que les propos provocateurs d’Emanuel Macron, rapportés par le journal Le Monde, avaient déclenché une crise ouverte avec l’Algérie, qui avait réagi immédiatement par rappeler, pour consultation, son ambassadeur à Paris. Comme elle a décidé aussi, en toute souveraineté, d’interdire aux avions militaires français le survol de son espace aérien dans le cadre des opérations armées françaises au Sahel. Ce coup de froid, le plus grave depuis une quinzaine d’années entre les deux pays, avait été précédé d’une série de contentieux autour de la question des visas, dont la France a réduit de moitié le quota aux Algériens. Pour le reste, la mémoire de la colonisation française, les contrats économiques entre les deux pays et la politique pro-marocaine française sur le Sahara occidental, ont attisé les tensions.
    Sarah O.

    Le Courrier d’Algérie, 07/11/2021

  • Algérie-France : pas de réconciliation à l’ordre du jour

    Tags : Algérie, France, Abdelmadjid Tebboune, Emmmanuel Macron, Colonialisme, Histoire, Mémoire, Italie, Mattarella

    Abdelmadjid Tebboune refuse catégoriquement de faire un quelconque premier pas en direction du président français Emmanuel Macron pour un éventuel réchauffement des relations après les propos « très graves » tenus par ce dernier envers l’Algérie.  

    « On ne touche pas à l’histoire d’un peuple, on n’humilie pas les Algériens » a-t-il affirmé dans un entretien avec le magazine allemand Der Spiegel, ce vendredi 5 novembre. « C’est un problème national, ce n’est pas un problème du président de la République », a-t-il insisté en précisant que Macron a blessé la dignité des Algériens. « Je ne vais pas être le premier à faire le pas, sinon je perds tous les Algériens (…) aucun Algérien n’accepterait que je reprenne contact avec ceux qui ont formulé ces insultes », a-t-il dit.

    L’Algérie officielle et populaire reproche au chef de l’Etat français d’avoir usé d’une rhétorique de l’extrême droite sur l’Algérie et la colonisation, allant jusqu’à douter de l’existence d’une nation algérienne avant la colonisation. Pourtant, lorsqu’il était candidat à la magistrature suprême dans son pays en 2017, il avait osé qualifier, à Alger, le colonialisme de « crime contre l’humanité ».

    Ce retournement ainsi que les paroles hostiles à l’Etat algérien et à son histoire ont profondément choqué l’opinion à tel point que des voix se sont élevées pour réclamer la remise en cause en profondeur des relations entre les deux pays. D’ailleurs, rapidement, les autorités ont décidé d’interdire le survol du territoire algérien par les avions de guerre français en partance pour le Mali. Tebboune a maintenu que la décision était définitive et expliqué que les appareils français mettent « neuf heures et non plus quatre comme avant » pour se rendre au Niger ou au Mali.

    Tebboune s’est montré, enfin, pessimiste sur l’avenir des relations franco-algériennes, en affirmant que la fin de la crise n’est pas pour demain.

    Ali-Younsi-Massi

    Partenariat algéro-italien : Le baromètre est au beau-fixe

    Entre l’Algérie et l’Italie, l’entente, qu’elle soit diplomatique ou économique, est cordiale. La visite du président Sergio Mattarella confirme cette lune de miel.

    C’est fort d’une importante délégation que le président italien Sergio Mattarella est arrivé hier à Alger pour une visite d’Etat de deux jours. Au menu des discussions qu’il aura avec son homologue Abdelmadjid Tebboune et avec les plus hauts responsables du pays : dialogue politique et partenariat stratégique dans divers domaines ainsi que la coordination des efforts pour faire face, ensemble, aux problématiques du bassin méditerranéen et des développements que connaît le continent africain.

    L’Algérie et l’Italie ont, de tout temps, entretenu des relations équilibrées et, par différents aspects, amicales. Tout plaide donc pour le renforcement des ces liens. Rome a besoin de sécuriser ses approvisionnements en hydrocarbures, particulièrement en gaz qu’elle reçoit via le pipeline Enrico Mattei (du nom de l’ancien patron de l’ENI favorable à l’indépendance de l’Algérie) et d’une coopération en matière de lutte contre les migrations clandestines et le terrorisme transfrontalier. Les Italiens cherchent aussi à prendre une plus grande part du marché algérien où leurs entreprises sont déjà très bien représentées. Ils veulent aussi une porte d’entrée vers l’Afrique qui suscite actuellement la convoitise et la concurrence acharnée des puissances.

    De son côté, l’Algérie attend de son partenaire du nord une plus grande implication pour dynamiser son économie à travers des investissements directs et par le transfert de technologie. Les autorités, à commencer par le président Tebboune, ne tarissent pas d’éloges sur le Know how italien qui, selon les pouvoirs publics, pourrait facilement s’adapter au contexte algérien.

    Sur le plan diplomatique, les deux pays partagent des points de vue convergents sur plusieurs dossiers internationaux. Ainsi, concernant la Libye, les deux Etats œuvrent pour le retour rapide de la paix et la stabilité dans ce pays et pour le départ des forces étrangères ainsi que les mercenaires qui tentent de le contrôler par la force des armes.

    Il en est de même pour la question sahraouie. La solution à ce conflit doit tenir « dûment compte des droits du peuple sahraoui », a ainsi affirmé Sergio Mattarella qui a exprimé le souhait d’une reprise des négociations directes entre les parties en vue d’une solution « équitable et durable » de la question qu’il dit suivre de près.

    « Nous avons toujours soutenu avec conviction le rôle joué par les Nations unies » a-t-il ajouté, notant avec « satisfaction » la nomination du diplomate italo-suédois Staffan De Mistura comme envoyé personnel du secrétaire général de l’ONU.

    D’autre part, au niveau bilatéral, l’Algérie et l’Italie ont signé, hier, trois accords dans les domaines de l’Education, de la Justice et de la sauvegarde du patrimoine culturel. Ceux-ci permettront déjà l’ouverture d’une école internationale italienne à Alger et le jumelage des Ecoles supérieures de la magistrature d’Algérie et d’Italie. Un accord-cadre a également été ratifié entre l’Ecole nationale supérieure de sauvegarde du patrimoine culturel et sa restauration de Tipasa (Alger) et l’Institut central de la restauration de Rome (Italie).

    Mohamed Badaoui

    La Nation, 07/11/2021

  • Algérie – France : Tebboune maintient le cap

    Tags : Algérie, France, Abdelmadjid Tebboune, Emmanuel Macron, Colonialisme, Mémoire, Histoire,

    Les relations entre l’Algérie et la France sont toujours assez tendues. Cela fait en effet un peu plus d’un mois que ces relations traversent une grande crise et aucun fait n’est venu l’atténuer un tant soit peu.

    La France, à l’origine de cette dégradation des relations, n’a fait aucun pas positif à même de satisfaire l’Algérie et de répondre à ses préoccupations. Et c’est donc en toute logique que l’Algérie campe sur sa position d’intransigeance. Une position confirmée, une fois de plus, par le président de la République, Abdelmadjid Tebboune. « Je ne vais pas être le premier à faire le pas, sinon je perds tous les Algériens », a indiqué le Président Tebboune dans un entretien accordé à l’hebdomadaire allemand Der Spiegel. Pour lui « aucun Algérien n’accepterait que je reprenne contact avec ceux qui ont formulé ces insultes ». Le propos est clair net et précis et s’adresse en premier lieu à son homologue français, Emmanuel Macron, qui est à l’origine de cette crise dans les relations entre les deux pays.

    On se rappelle que le Président français s’est attaqué au « système politico-militaire » en Algérie et allant plus loin encore dans cette attaque il a osé s’interroger sur l’existence de la nation algérienne. Une sortie médiatique qui a très vite mis le feu aux poudres dans les relations entre les deux pays tant la riposte de l’Algérie a été à la hauteur de cette gravissime offense. L’Algérie a ainsi convoqué, dans un premier temps, l’ambassadeur français en Algérie avant de rappeler son propre ambassadeur en France pour, selon le communiqué des affaires étrangères, des « consultations ». De plus, l’Algérie a aussitôt interdit le survol de son territoire par les avions militaires français. Depuis les choses sont restées en ’état puisque l’ambassadeur d’Algérie en France est toujours à Alger. La France ne semble pas avoir bien compris cette colère de l’Algérie et c’est sans doute pourquoi rien n’a été fait par les dirigeants français pour apaiser cette colère. « On ne touche pas à l’Histoire d’un peuple, on n’humilie pas les Algériens », a aussi indiqué Tebboune dans cet entretien au journal allemand. Sur la question de la réconciliation mémorielle le Président Tebboune a affirmé que

    « l’Algérie n’a pas besoin des excuses de Macron pour quelque chose qui s’est passé entre 1.830 ou 1.840, mais d’une pleine et absolue reconnaissance des crimes coloniaux. » Macron « reconnaît les faits, il a déjà di en 2017 que la colonisation était un crime contre l’humanité », a précisé le chef de l’état. Tebboune a en outre reproché au Président français de reprendre le discours de l’extrême droite s’agissant de la question migratoire. Revenant à la question du survol du territoire algerien par des avions militaires français Tebboune s’est montré catégorique en soulignant que cette décision est « irrémédiable ». Pour lui, si les « Français veulent aller au Niger ou au Mali, ils vont mettre 9 heures et non plus 4 comme avant ». Enfin sur la perspective d’avenir Tebboune s’est montré pessimiste quant au devenir des relations entre les deux pays.

    Par : KAMEL HAMED

    Le Midi Libre, 07/11/2021

  • L’Algérie pourrait approvisionner l’Europe en énergie solaire

    L’Algérie pourrait approvisionner l’Europe en énergie solaire – « Notre priorité est de moraliser l’administration et le monde des affaires ».

    Dans un entretien publié hier par le Der Spiegel, le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a réaffirmé la volonté de l’Etat de poursuivre la lutte contre la corruption à travers la moralisation de la vie publique et la consolidation de la bonne gouvernance, ainsi que la consécration de la transparence et de l’intégrité dans la gestion des deniers publics.

    «Notre priorité est de moraliser l’administration et le monde des affaires», a-t-il déclaré à l’hebdomadaire allemand, précisant que les autorités du pays «luttent, depuis deux ans, contre ce fléau». Le chef de l’Etat a réitéré la volonté de récupérer l’argent public détourné et placé à l’étranger, affirmant que «ce qui s’est passé au niveau du plus haut sommet de l’Etat était une dilapidation impardonnable des richesses du pays», et que cela était «nuisible pour les citoyens».

    Il a souligné, dans ce contexte, que la stratégie de lutte contre la corruption adoptée, depuis son accession à la présidence de la République, repose sur «la lutte contre l’argent sale», rappelant que l’Algérie a adopté «une nouvelle Constitution qui donne plus de droits aux citoyens» et procède, actuellement, à «la réorganisation de la Cour des comptes». Evoquant les mesures prises pour améliorer le pouvoir d’achat des citoyens, le président Tebboune a rappelé qu’il avait décidé d’exonérer les salaires inférieurs à 30.000 DA de l’Impôt sur le revenu global (IRG) et d’augmenter le salaire national minimum garanti (SNMG), faisant remarquer qu’un «intérêt particulier» est accordé aux zones rurales, jusque-là oubliées, pour améliorer les conditions de vie des citoyens.

    Sur un autre registre, le président de la République a affirmé également que la liberté de la presse est garantie en Algérie, relevant, toutefois, que cette liberté ne donne pas le droit de diffuser de fausses informations ou de dénigrer son pays. Interrogé sur la réforme de la Constitution ouvrant la voie à un possible déploiement de l’armée algérienne à l’étranger, le président de la République a affirmé que l’ONU pourra désormais solliciter l’Algérie pour participer aux opérations de maintien de la paix, précisant, néanmoins, qu’il n’enverrait pas les soldats algériens à la mort pour défendre les intérêts des autres.

    L’Algérie pourrait approvisionner l’europe en énergie solaire

    Dans le registre de la coopération, le président Tebboune a mis en évidence le «potentiel» existant notamment en matière d’énergies renouvelables entre l’Algérie et l’Allemagne, un potentiel qui pourrait permettre d’approvisionner l’Europe entière en énergie solaire. «Il y a (…) beaucoup de potentiel dans les énergies renouvelables.

    Avec l’aide de l’Allemagne, nous pourrions approvisionner l’Europe en énergie solaire», a affirmé le président Tebboun. A une question sur ses attentes par rapport au prochain gouvernement allemand dans le domaine de la coopération bilatérale, le chef de l’Etat a déclaré : «Tout ce qui est possible», affirmant que «l’Allemagne est un modèle pour nous à bien des égards».

    Evoquant les secteurs de coopération pouvant être développés, il a cité, à titre d’exemple, celui de la santé. «Je voudrais que nous construisions ensemble un grand hôpital à Alger. Un établissement qui couvre toutes les spécialités de la médecine», a-t-il précisé, soulignant que l’Algérie serait disposée à financer une «grande partie» de ce projet. Le président Tebboune s’est félicité de la qualité des relations politiques entre les deux pays.

    «Les Allemands nous ont toujours traités avec respect, ils ne nous ont jamais traités avec arrogance, et il n’y a jamais eu de désaccord sur la politique étrangère», a-t-il souligné.

    Le chef de l’Etat qualifie de « très grave » les propos de Macron : « On ne touche pas à l’histoire des Algériens »

    Le président de la République, Abdelmadjid Tebboune a qualifié de « très graves » les propos du Président français, Emmanuel Macron, sur l’Algérie. « Quand un chef d’Etat déclare que l’Algérie n’était pas une nation à part entière, cela devient très grave », a indiqué le Président Tebboune dans cette interview, soulignant qu’il « ne s’agit pas d’un problème personnel (avec Macron), mais d’un problème national ». « L’on ne touche pas à l’Histoire d’un peuple et on n’offense pas les Algériens », a-t-il dit, qualifiant les propos de Macron de « vieille haine ».

    « Macron a relancé complètement et inutilement une vieille querelle », a précisé le chef de l’Etat, faisant observer que « si le journaliste d’extrême droite Eric Zemmour tenait de tels propos, personne n’y prêterait attention, mais quand un chef d’Etat déclare que l’Algérie n’était pas une nation à part entière, cela devient très grave ». Toutefois, pour le Président Tebboune, « Macron est loin de penser ainsi », estimant que ses propos sont motivées par des « raisons électorales », estimant qu’avec cette déclaration, Macron « s’est rangé du côté de ceux qui justifient la colonisation ». Interrogé sur la question de la Mémoire, le président de la République a indiqué que « l’Algérie n’a pas besoin d’excuses de la part de Macron pour des événements qui se sont déroulés en 1830 ou en 1840, mais exige une reconnaissance pleine et entière des crimes commis par les Français ».

    « Macron l’a déjà fait quand, en 2017, il avait déclaré publiquement que la colonisation était un crime contre l’humanité », a ajouté le Chef de l’Etat, relevant que « les Allemands ont détruit un village entier à Oradour-sur-Glane en 1944 et que ce massacre est encore commémoré à ce jour ».
    Pour M. Tebboune, « il y a des dizaines d’Oradour-sur-Glane en Algérie où les Français avaient amené les habitants de nombreux villages dans des grottes et y ont mis le feu pour les asphyxier ».

    « Désormais, pour aller au Mali, les français devront voler 9 heures au lieu  de 4 »

    Concernant le Mali, M. Tebboune, a affirmé que « l’Algérie n’acceptera jamais une partition » de ce pays. Le chef de l’Etat a également réitéré l’attachement de l’Algérie à l’exercice par le peuple sahraoui de son droit à l’autodétermination. A une question sur une éventuelle réouverture de l’espace aérien aux avions militaires français, il a répondu en affirmant : « Non, si les Français veulent aller au Mali ou au Niger, désormais ils devront voler 9 heures au lieu de 4. Toutefois, nous sommes disposés à faire une exception pour secourir les blessés »

    El Moudjahid, 07/11/2021

    #Algérie #France #Allemagne #Histoire #Colonialisme #mémoire #Corruption

  • Tebboune refuse de reprendre contact avec Macron

    Le froid glacial dans lequel sont plongées les relations entre l’Algérie et la France risquent de durer longtemps

    Le froid glacial dans lequel sont plongées les relations entre l’Algérie et la France risquent de durer longtemps. Le président Abdelmadjid Tebboune s’est montré particulièrement pessimiste sur la fin de la brouille entre les deux pays. En effet, dans un entretien au magazine allemand Der Spiegel, ce vendredi 5 novembre, repris par Le Monde, le président Abdelmadjid Tebboune a qualifié de « très grave » les propos tenus par le président Macron, qui avait pourtant bonne réputation à Alger, depuis qu’il a qualifié le colonialisme de crime contre l’humanité en 2017, alors qu’il était candidat à la présidentielle française de la même année.

    « On ne touche pas à l’histoire d’un peuple, on n’humilie pas les Algériens », a critiqué M. Tebboune. En reprenant à son compte une rhétorique de l’extrême droite sur l’Algérie et la colonisation, le président français a cassé le lien avec son homologue algérien Abdelmadjid Tebboune. Les deux hommes entretenaient jusque-là une bonne relation, s’appelaient régulièrement au téléphone, et ont même échangé publiquement des compliments en 2020. Mais les propos de Macron ont tout remis en cause. « Je ne vais pas être le premier à faire le pas, sinon je perds tous les Algériens », a expliqué M. Tebboune, actant ainsi sa rupture avec Emmanuel Macron.

    Plus explicite, le président de la République affirme qu’ « aucun Algérien n’accepterait que je reprenne contact avec ceux qui ont formulé ces insultes ». « C’est un problème national, ce n’est pas un problème du président de la République », a-t-il dit, en affirmant que « M. Macron a blessé la dignité des Algériens ».

    Concernant l’avenir de la relation franco-algérienne, M. Tebboune s’est montré pessimiste en affirmant que la fin de la crise n’est pas pour demain. Le président Tebboune a accusé Emmanuel Macron de reprendre le même discours que le polémiste anti-immigration et anti-islam Eric Zemmour, en soulignant qu’il l’a fait pour des « raisons électoralistes. »

    Sur le survol des avions militaires français opérant au Mali, le président Tebboune a fait savoir que la décision était définitive, en expliquant que si les Français veulent aller au Niger ou au Mali, ils « vont mettre neuf heures et non plus quatre comme avant ».

    « Bien sûr, on va toujours rendre possible de rapatrier des blessés, mais sur le reste, on n’a plus à coopérer ensemble, a-t-il dit. Peut-être que c’est simplement fini maintenant ».

    Réflexion, 06/11/2021

    #Algérie #France #Tebboune #Macron #Mémoire #Colonialisme

  • Texte intégral Interview Tebboune accordée à Der Spiegel

    Texte intégral Interview Tebboune accordée à Der Spiegel – « On ne touche pas à l’histoire d’un peuple, et on n’insulte pas les Algériens ».

    Algérie54 a jugé utile de mettre en ligne la traduction de l’intégralité de l’interview du Président Abdelmadjid Tebboune accordé à l’hebdomadaire allemand Der Spiegel un des hebdomadaires le plus lu et respecté en Allemagne.
    Der Spiegel est un magazine allemand d’investigation créé par Rudolf Augstein en 1946-1947.C’est l’hebdomadaire le plus lu et le plus influent des hebdomadaires d’information en Allemagne.
    Der Spiegel : Monsieur le Président, fin septembre, Emmanuel Macron s’est demandé, lors d’une conversation avec de jeunes Algériens, si l’Algérie avait été une nation avant la colonisation par les Français. Par la suite, vous avez rompu les relations diplomatiques avec la France. Une seule phrase justifie-t-elle une réaction aussi radicale ?
    Abdelmadjid Tebboune : On ne touche pas à l’histoire d’un peuple, et on n’insulte pas les Algériens. Ce qui en est ressorti, c’est la vieille haine des maîtres coloniaux, et je sais que Macron est loin de penser de cette façon. Pourquoi a-t-il dit ça ? Je pense que c’était pour des raisons de stratégie électorale. C’est ce même discours que le journaliste d’extrême-droite Éric Zemmour utilise depuis longtemps : l’Algérie n’était pas une nation, c’est la France qui en a fait une nation. Avec cette déclaration, Macron s’est placé du côté de ceux qui justifient la colonisation.Der Spiegel : Pourtant, vous vous êtes très bien entendu avec lui jusqu’à présent. Vous aviez des projets communs, notamment pour aborder l’histoire des deux pays. Regrettez-vous la crise actuelle ?

    Abdelmadjid Tebboune : Je n’ai pas de regrets. Macron a rouvert un vieux conflit de manière totalement inutile. Si Zemmour dit quelque chose comme ça, qu’importe, personne ne fait attention à ça. Mais quand un chef d’État déclare que l’Algérie n’était pas une nation indépendante, c’est très grave. Je ne serai pas celui qui fera le premier pas. Sinon je vais perdre tous les Algériens, il ne s’agit pas de moi, mais d’un problème national. Aucun Algérien n’accepterait que je prenne contact avec ceux qui nous ont insultés.

    Der Spiegel : L’année dernière, le président français a commandé à un historien un rapport contenant des recommandations sur la manière dont Paris devrait gérer son histoire coloniale. Qu’attendiez-vous de lui, de la France, des excuses ?

    Abdelmadjid Tebboune : Notre pays n’a pas besoin d’excuses de la part de Macron pour ce qui s’est passé en 1830 ou en 1840, mais nous voulons une reconnaissance complète et sans réserve des crimes que les Français ont commis. Macron l’a déjà fait. Il a déclaré publiquement que la colonisation était un crime contre l’humanité. Vous savez, les Allemands ont détruit un village entier à Oradour-sur-Glane. Aujourd’hui encore, ce massacre est commémoré, à juste titre. Mais en Algérie, il y avait des dizaines d’Oradour-sur-Glane. Les Français ont emmené les habitants de nombreux villages dans des grottes, y ont ajouté du bois et y ont mis le feu. Les gens suffoquaient misérablement.

    Der Spiegel : Il n’y a aucune perspective de règlement de la crise avec la France dans un avenir proche ?

    Abdelmadjid Tebboune: Non, si les Français veulent aller au Mali ou au Niger maintenant, ils devront juste faire neuf heures de vol au lieu de quatre. Toutefois, nous ferons une exception pour le sauvetage de personnes blessées. Mais pour tout le reste, nous ne sommes plus obligés de coopérer les uns avec les autres, c’est peut-être terminé maintenant. Macron a porté atteinte à la dignité des Algériens. Nous n’étions pas des sous-hommes, nous n’étions pas une nation de tribus nomades avant l’arrivée des Français.

    « J’admire la persévérance et la modestie d’Angela Merkel. Je suis vraiment désolé de la voir partir. »

    Der Spiegel : Vous adoptez un ton beaucoup plus conciliant envers un autre pays européen, l’Allemagne. Pourquoi ? Quel est le lien entre l’Algérie et la République fédérale d’Allemagne ?

    Abdelmadjid Tebboune : Les Allemands nous ont toujours traités avec respect, ils ne nous ont jamais traités avec arrogance, il n’y a jamais eu de désaccords en matière de politique étrangère. J’admire également la persévérance et la modestie d’Angela Merkel. Je suis vraiment désolé de la voir partir. Je n’oublierai jamais comment elle s’est personnellement occupée de moi lorsque j’étais en Allemagne pour un traitement médical. L’Allemagne est un modèle pour nous à bien des égards.

    Der Spiegel : Vous souhaitez également développer la coopération avec l’Allemagne sur le plan économique. Qu’attendez-vous des relations germano-algériennes après le changement de gouvernement à Berlin ?

    Abdelmadjid Tebboune : Pour être honnête, tout ce qui est possible. Par exemple, je souhaiterais que nous construisions ensemble un grand hôpital à Alger. Une institution qui couvre toutes les spécialités de la médecine, pour tout le Maghreb. Un président africain pourrait alors enfin être soigné ici, sur son propre continent, au lieu d’aller en Suisse. Nous serions prêts à financer une grande partie de ce projet. Les énergies renouvelables offrent également un grand potentiel. Avec l’aide de l’Allemagne, nous pourrions approvisionner l’Europe en énergie solaire.

    Der Spiegel : Il y a presque deux ans, vous avez promis de mettre fin aux anciennes conditions et de laisser une nouvelle ère commencer. Dans quelle mesure cela s’est-il réalisé entre-temps ?

    Abdelmadjid Tebboune : J’ai supprimé les impôts pour tous les salaires inférieurs à 30 000 dinars, l’équivalent de près de 190 euros, j’ai augmenté le salaire minimum. Des régions rurales autrefois oubliées bénéficient désormais d’un soutien particulier. L’une des tâches les plus importantes est cependant d’introduire une nouvelle moralité dans l’administration et l’économie. Nous luttons contre la corruption depuis deux ans.

    Der Spiegel : Avant même que vous n’entriez en fonction, l’armée a fait mettre derrière les barreaux des membres de haut rang de l’ancien appareil du pouvoir, dont Saïd, le frère de Bouteflika, qui a été condamné pour conspiration contre l’État. Est-ce que d’autres arrestations ont suivi sous vos ordres ?

    Abdelmadjid Tebboune : Bien sûr. Pour l’instant, je m’attaque principalement à la corruption dans les échelons inférieurs. Ce qui s’est passé au niveau du gouvernement est un gaspillage impardonnable des richesses de ce pays. Avec la corruption quotidienne, ce sont les citoyens qui paient. C’est terminé maintenant. Personne ne devrait plus jamais avoir à déposer un billet dans une mairie pour obtenir un nouveau passeport.

    Der Spiegel : Mais peut-on changer comme ça un système et des habitudes ancrées depuis des décennies ?

    Abdelmadjid Tebboune: Cela commence par les choses de base. Nous avons dû reconstruire complètement l’État, il y avait ce que j’appellerais un État informel ici, avant. J’ai fait entrer beaucoup de personnes du secteur privé dans le gouvernement, le porte-parole du gouvernement était auparavant un présentateur de télévision. L’homme qui dirige aujourd’hui le ministère des start-ups a fait partie du mouvement de protestation. Nous sommes en train de reconstituer la Cour des comptes. Nous nous attaquons à l’argent sale. Et nous avons voté une nouvelle constitution qui donne plus de droits aux citoyens.

    « La politique, c’est moi. Personne ne l’exercera à ma place. C’est moi qui ai ordonné la fermeture de l’espace aérien algérien aux avions militaires français. »

    Der Spiegel : Et pourtant, vos citoyens craignent plus que jamais la répression et n’osent pas exprimer ouvertement leurs opinions. Des journalistes sont arrêtés dans votre pays. N’êtes-vous pas juste la façade civile d’un régime militaire qui existe toujours ?

    Abdelmadjid Tebboune : Le peuple algérien sait que ce n’est pas vrai. C’est moi qui ai nommé le chef de l’armée. J’exerce la fonction de ministre de la Défense en plus de la présidence. Les services secrets ont été placés sous mon contrôle, ils ne sont plus sous l’autorité des militaires. Telle est la nouvelle réalité en Algérie, garantie par la constitution – pas de dépendances, et une action souveraine.

    Der Spiegel : Quel est le rapport de force actuel entre l’armée et le président ?

    Abdelmadjid Tebboune : Je peux vous le dire. Le chef des armées, que je dirige, a reçu de moi des instructions pour moderniser l’armée. D’ailleurs, il a assez à faire avec la situation délicate de nos frontières. La politique, c’est moi. Personne ne l’exercera à ma place. C’est moi qui ai ordonné la fermeture de l’espace aérien algérien aux avions militaires français. C’est également moi qui ai ordonné la même mesure pour les avions marocains. Mais on ne peut pas se débarrasser de cette image que l’Algérie est un État militaire.

    Der Spiegel : Vous avez inclus dans la nouvelle constitution un passage selon lequel l’Algérie peut envoyer des troupes à l’étranger. Allez-vous envoyer vos propres soldats au Mali ?

    Abdelmadjid Tebboune : On peut maintenant nous demander de l’aide. L’ONU peut se tourner vers nous ou même vers l’Union africaine. Si les Maliens sont confrontés à une attaque demain, nous interviendrons à leur demande. Mais nos soldats sont des Algériens qui ont des familles, je ne les enverrai pas mourir pour les intérêts des autres. Assez d’Algériens sont morts dans le passé. La grande question au Mali est de savoir comment réunifier le pays. En tout état de cause, l’Algérie n’acceptera jamais une partition du Mali.

    Der Spiegel : La France n’est pas le seul pays avec lequel vous avez des problèmes en ce moment. Vous avez également interdit au Maroc, votre pays voisin, de survoler l’espace aérien algérien. Pourquoi ?

    Abdelmadjid Tebboune : Les Marocains veulent diviser l’Algérie. Leur représentant à l’ONU a parlé favorablement des aspirations indépendantistes d’une partie de notre pays, la Kabylie. Personne, pas même le roi, n’a corrigé ses déclarations. Finalement, nous avons rompu les relations.

    Der Spiegel : Mais vous soutenez toujours le Polisario, le mouvement indépendantiste du Sahara occidental. Le Maroc revendique ce territoire pour lui-même. Pourquoi faites-vous cela ?

    Abdelmadjid Tebboune: Nous sommes favorables à ce que le peuple sahraoui décide de son propre sort. Mais le Maroc ne s’y adhère pas. Vous savez, il y a quelque chose qui me dérange dans la perception publique des deux pays. Au Maroc, le roi est riche, mais le taux d’analphabétisme est toujours de 45 % ; chez nous, il n’est que de 9%. L’Europe imagine à tort le Maroc comme une belle carte postale, mais nous sommes vus comme une sorte de Corée du Nord. Pourtant, nous sommes un pays très ouvert.

    Der Spiegel : Le fait que tant d’Algériens tentent actuellement de quitter leur pays ne va-t-il pas à l’encontre de votre politique ?

    Abdelmadjid Tebboune : Ce n’est pas la situation économique qui pousse les jeunes vers l’Europe. C’est le rêve d’une vie en Europe. En Algérie, personne ne doit souffrir de la faim. Parmi ceux qui fuient, on trouve de nombreux médecins et avocats qui gagnent relativement bien leur vie. Mais n’oublions pas qu’il y a aussi beaucoup d’Algériens qui obtiennent des visas, prennent l’avion pour Paris et Marseille et rentrent chez eux après deux semaines.

  • Tebboune : Macron a blessé la dignité des Algériens

    Tebboune : Macron a blessé la dignité des Algériens – Le coup de froid entre Alger et Paris risque bien de s’installer dans la durée

    Le coup de froid entre Alger et Paris risque bien de s’installer dans la durée. Dans un entretien accordé, vendredi, au magazine allemand «Der Spiegel», le Président de la République, Abdelmadjid Tebboune, est revenu sur la relation difficile avec la France. Le président algérien a reproché ses propos récents à Emmanuel Macron et «ne présage pas d’apaisement entre les deux pays dans un avenir proche». « On ne touche pas à l’histoire d’un peuple, on n’humilie pas les Algériens », s’est indigné Abdelmadjid Tebboune dans cet entretien. «Est-ce qu’il y avait une nation algérienne avant la colonisation française?». La déclaration blessante, relayée par le journal «Le Monde», avait provoqué le rappel de l’ambassadeur de l’Algérie à Paris, signe de relations de plus en plus tendues au cours des derniers mois. «M.Macron a blessé la dignité des Algériens.

    Nous n’étions pas un peuple de sous-hommes, nous n’étions pas des tribus nomades avant que les Français viennent», a lancé le chef d’État. Il a encore rappelé que le Président français «avait reconnu la colonisation comme un crime contre l’humanité, et affirmé donc ne pas comprendre sa position selon laquelle l’Algérie entretient une rente mémorielle pour servir à son peuple une histoire officielle qui ne s’appuie pas sur des vérités ; il a repris le même discours que tient le journaliste et auteur Éric Zemmour depuis longtemps», a reproché le président Tebboune.

    Toujours selon le magazine allemand, Abdelmadjid Tebboune, «jure qu’il ne sera pas le premier à faire le pas pour améliorer les relations, sinon je perds tous les Algériens». Le magazine titre d’ailleurs son article «Quand Macron appelle, il ne décroche pas. Pourquoi?». «Aucun Algérien n’accepterait que je reprenne contact avec ceux qui ont formulé ces insultes», a-t-il répondu.

    Interrogé sur une fin de crise bilatérale «bientôt», le Président algérien est catégorique: «Non». «C’est un problème national, ce n’est pas un problème du Président de la République», a-t-il estimé. En attendant, l’espace aérien algérien est toujours fermé aux avions français, ce qui rend plus longs les trajets pour se rendre au Niger ou au Mali, peut-être pour longtemps. «Peut-être que c’est simplement fini maintenant», a conclu le président algérien.

    Le magazine allemand rappelle également le passé colonial français en Algérie, «qui a toujours rendu les relations difficiles entre les deux pays». «Plusieurs tentatives de normalisation dans les années 1970 et 1980 ont été réduites à néant en 2005 avec la promulgation de la loi sur le rôle positif de la colonisation, bien qu’abrogée au bout d’un an. Quelques déclarations de Sarkozy puis Hollande sur les effets néfastes de la colonisation n’ont pas non plus suffi», écrit «Der Spiegel».

    El-Houari Dilmi

    Le Quotidien d’Oran, 07/11/2021