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  • Méditerranée : Les embarcations de la mort

    Le nombre de migrants décédés en mer a doublé en un an / Méditerranée : Les embarcations de la mort

    C’est une alerte que vient de lancer l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), qui fait état d’une forte hausse de décès de migrants rejoignant l’Europe par la mer.

    PAR NAZIM BRAHIMI

    Au moins 1 146 personnes sont mortes en mer en tentant de rejoindre l’Europe au cours du premier semestre 2021, indique le dernier rapport de l’organisation, qui rappelle qu’en 2020, 513 avaient péri au cours de la même période, et 674 en 2019. La majorité des décès ont été enregistrés en Méditerranée déplorant pas moins de 896 morts, ce qui représente une augmentation de 130% par rapport à la même période en 2020.

    La plupart sont décédés en Méditerranée centrale (741), régulièrement décrite par les organismes humanitaires comme la route migratoire la plus dangereuse au monde, suivie de la Méditerranée orientale (149), alors que six autres migrants ont péri en voulant rejoindre par mer la Grèce depuis la Turquie. C’est la raison pour laquelle la même organisation appelle les Etats à prendre des «mesures urgentes» de nature à arrêter ces drames. Aussi, le rapport montre une augmentation pour la deuxième année consécutive des opérations maritimes menées par les Etats d’Afrique du Nord le long de la route de la Méditerranée centrale.

    Selon l’OIM, plus de 31 500 personnes ont été interceptées ou secourues par les autorités nord-africaines au cours du premier semestre, contre 23 117 au cours des six premiers mois de 2020. Ce type d’opérations menées au large des côtes tunisiennes a augmenté de 90% au cours du premier semestre par rapport à la même période l’an dernier, précise le rapport de l’OIM, qui relève que plus de 15 300 personnes ont été renvoyées en Libye au cours des six premiers mois de 2021, soit près de trois fois plus qu’à la même période en 2020 (5 476).

    En ce qui concerne l’Algérie, le bilan du premier semestre, rendu public par l’ANP et publié récemment, fait état de 1 712 candidats à l’émigration clandestine à travers des embarcations de construction artisanale. Il y a une semaine, sur une plage de Ténès, des estivants ont découvert le corps d’un jeune homme rejeté par les vagues. Des sources locales avaient indiqué qu’il faisait partie d’un groupe de migrants clandestins dont l’embarcation a chaviré au large de Ténès. Pas loin de là, une quinzaine d’autres migrants, partis de Mostaganem fin juin, auraient également disparu en haute mer alors que trois cadavres ont été retrouvés par des pêcheurs de la même région. Par ailleurs, aucune nouvelle de la vingtaine de jeunes partis de Béjaïa au printemps dernier malgré les actions menées par leurs familles quant à leur sort. L’Office des Nations unies pour les réfugiés avait recensé près de 10 000 Algériens qui ont pu rejoindre, jusqu’en avril dernier, la rive sud de la Méditerranée, notamment l’Espagne et l’Italie.

    Responsabilité des Etats

    «Les organisations civiles de recherche et de sauvetage ont continué à se heurter à des obstacles importants, la majorité de leurs bateaux étant bloqués dans les ports européens en raison de saisies administratives et de procédures pénales et administratives en cours contre les membres d’équipage», souligne le même rapport. Ce dernier alerte également quant à l’augmentation des décès à un moment où les interceptions d’embarcations transportant des migrants au large des côtes nord-africaines sont en hausse.

    «L’OIM réitère l’appel lancé aux Etats pour qu’ils prennent des mesures urgentes et proactives afin de réduire les pertes de vies sur les routes migratoires maritimes vers l’Europe et qu’ils respectent leurs obligations en vertu du droit international», a déclaré le directeur général de l’OIM, Antonio Vitorino. Pour ce responsable, l’augmentation des efforts de recherche et de sauvetage, la mise en place de mécanismes de débarquement prévisibles et la garantie d’un accès à des voies de migration sûres et légales sont des étapes clés pour atteindre cet objectif.

    Signe d’inquiétude, ces chiffres sont bien inférieurs à la réalité, selon l’OIM, pour qui des centaines de cas de naufrages invisibles sont signalés par des ONG qui sont en contact direct avec les personnes à bord ou avec leurs familles. «Ces cas, qui sont extrêmement difficiles à vérifier, montrent que le nombre de morts sur les routes maritimes vers l’Europe est bien plus élevé que ce que les données disponibles», ajoute l’OIM. n

    Reporters, 15/07/2021

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  • Maroc: L’histoire derrière la photo qui a fait le tour du monde

    La photo a fait le tour du monde – maintenant la mère raconte ce qui s’est passé
    Un jour de mai, des rumeurs ont commencé à circuler – la frontière avec l’enclave espagnole était ouverte. Des milliers de personnes sont allées nager. Parmi eux se trouvait une femme avec un bébé de quatre semaines attaché dans le dos.

    C’est le 18 mai. Le temps est clément et soudain la mer est pleine de migrants désespérés – pour la plupart des Marocains – essayant de traverser à la nage jusqu’à la frontière de l’enclave espagnole de Ceuta.

    La police des frontières est débordée par le flux de personnes. Il y a des rumeurs selon lesquelles la frontière est ouverte, et de plus en plus d’Africains plongent dans la mer dans l’espoir d’atteindre le territoire européen.

    En attente d’une opportunité

    L’un d’eux était Naima Bakkali (30 ans). Elle a attaché son bébé de quatre semaines, Jawaher, dans son dos et est allée nager avec ses deux fils qui savaient nager eux-mêmes.

    – J’essayais d’arriver à Ceuta depuis longtemps. J’attendais juste une opportunité. Quand j’ai appris que la frontière était ouverte, j’ai rassemblé les enfants et je suis allée à la plage, raconte Naima à la chaîne de télévision néerlandaise RTL.

    Dans l’eau, c’était chaotique. La police des frontières a tenté de chasser les migrants. Naima a commencé à manquer d’énergie.

    – J’ai réalisé que je ne savais plus nager. Il faisait si froid et j’avais si peur pour mon bébé. J’ai appelé à l’aide et quelqu’un a lancé une bouée de sauvetage, mais je n’ai pas pu faire plus, dit-elle.

    Il y avait de hautes vagues et Naima se battait pour sa vie et celle de l’enfant lorsque le garde-frontière Juan Francisco Valle les a rejoints. Jawaher, quatre semaines, était alors complètement pâle et glacial. Valle ne savait pas si elle était vivante, mais la souleva hors de la mer et la porta à terre.

    Le moment a été photographié, et a fait le tour du monde.

    – Soudain, il était là. Je suis tellement reconnaissante, dit Naima avec le petit Jawaher dans ses bras.

    Beaucoup se demandent pourquoi quelqu’un est prêt à risquer la vie de ses enfants pour fuir sa patrie. Naima dit que la famille allait bien jusqu’à ce que la pandémie de corona frappe. Ils vivaient à Tétouan, au Maroc, et avaient l’habitude d’acheter des produits bon marché hors taxes à Ceuta et de les vendre au Maroc. Mais lorsque les frontières ont été fermées, la base économique s’est effondrée.

    – Tout a mal tourné depuis l’arrivée du corona. Nous n’avons pas trouvé de travail, nous n’avions pas d’argent. Je veux juste vivre dans un endroit où on peut gagner de l’argent, et mes enfants peuvent aller à l’école et vivre en paix, dit Naima.

    La famille a demandé l’asile en Espagne, mais ne sait pas si elle sera autorisée à rester.

    Environ 6 000 migrants ont réussi à traverser la frontière ce jour-là. 1000 d’entre eux étaient des enfants. L’Espagne a envoyé des troupes à Ceuta pour calmer l’ambiance, et la grande majorité des migrants ont maintenant été renvoyés au Maroc.

    Crise diplomatique

    Les relations entre l’Espagne et le Maroc sont toujours tendues, alors que les migrants ont traversé la frontière après le retrait des gardes-frontières marocains. Ce retrait est le résultat de l’autorisation de l’Espagne au leader du Front Polisario pour la libération du Sahara occidental, Brahim Ghali, de recevoir un traitement médical à Madrid.

    Le Front Polisario se bat pour l’indépendance du Sahara occidental, qui était auparavant une colonie espagnole jusqu’en 1975, et que le Maroc a annexé. Le Maroc considère le Polisario comme une organisation terroriste.

    TV2, 12/07/2021

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  • Le racisme anti-maghrébin en France

    par Abdelkader Khaldi

    Dans un rapport publié le 28 juin 2021 l’Organisation des Nations Unies exhorte les Etats à reconnaître le racisme systémique pour mettre en lumière son impact délétère et le combattre sans concession. C’est une occasion pour nous de présenter cette brève étude sur le racisme en France dont sont victimes les Maghrébins.

    Dans ce pays le racisme structure les relations sociales. Les discriminations dans l’emploi ou le logement sont récurrentes, actes racistes de la vie quotidienne. Les replis et cloisonnements ethniques dans les quartiers défavorisés dans les grandes villes françaises sont une réalité patente.

    Racisme anti-arabe et islamophobie sont un couple de haine à l’égard d’un groupe humain qui ne demande qu’à vivre en paix.

    Les flux d’émigrés originaires du Maghreb ont commencé dès la période coloniale et se sont amplifiés durant la période dite des trente glorieuses (de 1945 à 1975), phase de forte croissance économique impulsée par une industrialisation accélérée.

    Le nombre d’Algériens vivant en France était de 350 000 en 1962 et de 846 000 en 2019.Quant aux binationaux d’origine algérienne leur estimation varie de trois à quatre millions (évaluation grossière puisque les statistiques ethniques sont interdites en France). La présence d’immigrés en France a été vue par les français comme une invasion et le racisme s’est mis en branle. Selon un sondage d’opinion réalisé en 2014, 73 % de la population française considéraient qu’il y avait trop d’immigrés.

    Le racisme éclot et se développe dans les milieux de socialisation des groupes sociaux d’appartenance, tel un cancer il se métastase. La justification de la différentiation raciale a commencé dès le 19è siècle. Gobineau en France dès 1850 et les idéologues nazis en Allemagne ont essayé, sans succès, de lui donner un fondement scientifique. Peine perdue, les progrès de la génétique ont discrédité ces élucubrations sans pour autant qu’elles reculent ou disparaissent.

    Cette idéologie délétère qui oppose les êtres humains est véhiculée de façon sournoise ou ouverte.

    Elle se répand dans toutes les strates de la société car elle est fondée sur ce qui est présenté comme une évidence, l’altérité : les différences entre groupes humains (couleur de peau, culture etc.).

    L’islamophobie, forme ambivalente et perverse du rejet des musulmans, mêlant critique d’une religion et haine des ses adeptes, a eu le vent en poupe ces dernières décennies en France. Sa manifestation médiatique a commencé à la fin des années 1980 avec l’affaire du foulard islamique porté par de jeunes filles maghrébines à Creil dans la banlieue parisienne. L’affaire a pris une tournure politique et la loi promulguée en 2004 a interdit de porter ce bout de tissu sur la tête dans les écoles.

    Face au racisme agressif ou sournois (remarques d’apparence anodine, plaisanteries etc.,), celui de tous les jours (le nano-racisme comme l’appelle le sociologue Achille Mbembe,), une marche en 1983 et des émeutes en 1990 et 2005 ont eu lieu en France.

    En France le racisme est un des sujets qui fâchent. Il n’irrite pas que l’opinion publique ou les autorités politiques, il crée la discorde même entre les chercheurs en sciences sociales. Les études portant sur le racisme sont restées marginalisées jusqu’au début des années 1990. Tant que la société persiste dans le déni ce mal continuera à la ronger et approfondir la fracture sociale.

    L’analyse du racisme que nous proposons est menée en deux temps d’abord nous présenterons quelques éléments sociologiques pour mieux comprendre ce phénomène social délétère ensuite nous étudierons la discrimination ethnique en France à l’encontre de la communauté d’origine maghrébine.

    Comprendre le mal : les concepts de race et de racisme

    On peut dire avec Etienne Balibar que « le racisme en tant que tel est un phénomène permanent dont le retour périodique traduirait l’incapacité des sociétés à progresser du point de vue de la civilisation, ou leur dépendance insurmontable par rapport à des structures archaïques de la mentalité collective ». S’il est un fait permanent qu’est-ce qui assure sa reproduction ? Il relève de l’émotion négative que ressentent les individus face à l’altérité.

    Les neurosciences nous apprennent grâce à l’imagerie médicale que la zone du cerveau qui réagit face à l’altérité est celle des émotions, émotions qui vont s’exprimer en haine, en rejet voire en actes violents sous l’effet de l’idéologie et du milieu social. Quand le caractère de ce qui est autre (altérité) est perçu comme une menace cela crée la peur, les problèmes surgissent, c’est la voie ouverte au rejet.

    Les préjugés racistes en cours dans la société et intériorisés par les individus élèvent la propension à la méfiance et au jugement de valeur qui dévalorise les autres. Le constat d’une différence ne mène pas obligatoirement au racisme, celui-ci se manifeste quand cette différence est utilisée contre autrui.

    Le dictionnaire Larousse définit le racisme comme « l’idéologie fondée sur la croyance qu’il existe une hiérarchie entre les groupes humains, les races ».

    Si la hiérarchie biologique est scientifiquement discréditée elle a encore la vie dure. On tente aussi de justifier l’inégalité supposée entre groupes humains par les différences culturelles. On passe allègrement de l’essentialisme biologique à l’essentialisme culturel. C’est cette distinction que précise André Taguieff, il y a « le racisme classique, biologique, et inégalitaire, et le racisme différentialiste et culturel, qui ne biologise pas le différent » (Taguieff,p.6).

    Le racisme est « une théorie pseudo-scientifique de l’inégalité des races humaines, fondée sur un déterminisme biologique grossier, de type « telle race telle culture » (…), ensuite un ensemble de conduites et de pratiques discriminatoires, qu’accompagnent des attitudes d’intolérance, voire de passions négatives, comme la haine ou le ressentiment ». (Taguieff, p.9). Le racisme se répand au sein de la société par la socialisation (apprentissage et intériorisation des normes et valeurs sociales de la société à travers différents espaces : familles, écoles, rues, lieux de travail etc.). Il fait l’affaire des groupes dominants, qui en profitent, il a une fonction, nous dit Albert Memmi, « il balise et légitime une dominance » (Memmi, p.92).

    Voyons maintenant d’un peu plus près cette notion de race

    Une race est définie par le dictionnaire Robert (édition de 1977) comme « un groupe ethnique qui se différencie des autres par un ensemble de caractères physiques héréditaires (couleur de la peau, forme de la tête, proportion des groupes sanguins etc.)». Une telle définition s’inscrit en droite ligne de l’idéologie raciste. Elle est facile à déconstruire puisqu’il y a une seule humanité même s’il y a diverses apparences.

    Il n’y a pas de races mais une diversité de groupes humains et d’individus. L’espèce humaine partage le même patrimoine génétique à un peu plus de 99 %. Le chercheur en biologie B.Jordan résume en quelques mots les découvertes scientifiques depuis des années 1990 : on a découvert dit-il « que la quasi-totalité de notre patrimoine génétique est identique chez les africains, les européens ou les asiatiques. L’espèce humaine est génétiquement homogène à environ 99,9 %, ce qui invalide la notion biologique de races humaines» (interview au journal « le monde » du 27/6/2013).

    Hiérarchiser les groupes humains n’a aucun sens.

    Cette prétendue hiérarchie est socialement construite. Les préjugés et la discrimination fondés sur la race, ainsi que les inégalités qui en découlent, nous rappellent que le racisme est un fléau bien réel qui sous-tend les rapports sociaux.

    Le fléau du racisme en France

    Le système colonial a joué un rôle important dans la genèse du racisme. Le racisme colonial est un racisme d’exploitation qui a été institutionnalisé. Le pouvoir politique colonial distingue deux groupes « racialisés » : européens et indigènes auxquels s’appliquent deux systèmes juridiques. Les colons étaient soumis au système judiciaire de la métropole. La population autochtone était régie par un système juridique d’exception, inférieur à celui qui s’appliquait aux français, le code de l’indigénat.

    Entré en application en 1870, le code de l’indigénat n’a été aboli qu’en 1946, c’est un ensemble de textes législatifs infligés aux seuls sujets (et non citoyens) qu’étaient les algériens, une communauté infériorisée politiquement et juridiquement, assujettie par l’ordre colonial.

    Ce code qui est un apartheid juridique, instaure un régime pénal spécial aux seuls indigènes. Il impose par exemple des sanctions collectives contre les tribus, des séquestres de propriétés, une autorisation administrative pour les déplacements, un internement sans jugement décidé par un responsable administratif et non par un juge au mépris du droit français qui est fondé sur la séparation des pouvoirs (exécutif, législatif et judiciaire) etc.

    Le colonialisme consacre la discrimination comme système légal. C’est un racisme d’Etat prégnant (Lecour Grandmaison O., la découverte, 2010), un racisme institutionnel.

    Alexis de Toqueville connu pour avoir écrit « de la démocratie en Amérique » a louangé la colonisation criminelle de l’Algérie en ces termes : il n’est pas « mauvais qu’on brulât les moissons, qu’on vidât les silos et enfin qu’on s’emparât des hommes sans armes, des femmes et des enfants ». Quant au « sage » Victor Hugo, il adhère aussi aux idées dominantes de son époque, celles de la conquête et de la domination en écrivant béatement à propos de l’occupation coloniale de l’Algérie « c’est la civilisation qui marche sur la barbarie ».

    Le système colonial a exacerbé le racisme contre les populations autochtones, car « il n’est pas possible d’asservir des hommes sans les inférioriser » comme l’a souligné Frantz Fanon.

    Le racisme colonial a laissé beaucoup de traces dans la société française. Les immigrés en ont fait les frais. Après la seconde guerre mondiale, durant ce que l’on appelé les trente glorieuses, une croissance économique élevée appuyée sur une forte industrialisation a induit un besoin énorme de force de travail d’où le recours pressant à la main d’œuvre étrangère notamment maghrébine. Le ralentissement de la croissance économique à la fin des années 1970 et son corollaire la montée du chômage ont accentué le racisme. « Les arabes piquent les emplois aux français » disent sans vergogne les racistes.

    Le racisme en France est quotidien, visible ou sournois, il se manifeste partout à l’occasion d’interactions entre les individus, dans les lieux de travail, les guichets d’administration, les rues, les transports, les écoles, les universités etc.

    Les comportements et actes racistes sont innombrables, observables dans tous les milieux sociaux où ils se forment par la socialisation ; ils sont multiformes : discrimination en matière d’emploi et de logement, plaisanteries, moqueries, insultes, mises à l’écart, agressions etc.

    Certains actes qui apparaissent comme anodins prennent une signification raciste, par exemple la lenteur d’un garçon de café à servir un arabe, l’individu qui se lève quand un arabe ou un noir s’assoit à côté de lui dans le bus ou le métro etc. C’est ce genre d’attitudes sournoises que j’ai observé durant mon long séjour en France quand j‘y étais étudiant.

    Durant la colonisation les peuples colonisés sont vilipendés. Culture, mœurs, comportement des indigènes sont scrutés au prisme des stéréotypes négatifs : de supposées tares sont attribuées aux arabes, comme la paresse et la fourberie, pour les mépriser et les asservir.

    Les français racistes désignent les arabes par des appellations outrageantes. Ces mots injurieux et répugnants qui attentent à leur dignité, forgés du temps de la colonisation, sont : bougnoule, crouille, bicot, raton et bicot. Bougnoule est emprunté à la langue wolof du Sénégal et qui veut dire noir. Bicot vient du mot « arabe ». Crouille et crouillat ont pour origine « khouya ». Raton et bicot ou bique en abrégé (renvoyant à l’animal qu’est le chevreau) visent à « animaliser » des êtres humains.

    Les maghrébins sont perçus par les français comme des sous-hommes. En dévalorisant l’autre le raciste se survalorise et il n’est pas prêt à remettre en cause les poncifs qui fondent sa conviction. Le racisme est propagé et consolidé par divers canaux, puissants moyens de la socialisation: romans, mass médias, sketchs etc. Littérature, cinéma, sketchs sont mobilisés pour stigmatiser et se moquer des arabes.

    Le roman de l’énergumène Michel Houellebeque, « soumission », publié en 2015 et qui a connu un grand succès (300 000 exemplaires vendus en un mois) a un contenu arabophobe et islamophobe manifeste, son thème est l’élection d’un président de la république musulman qui fait appliquer la charia dans sa version pure et dure.

    Tous les moyens sont bons pour déprécier le maghrébin. En 1974 l’humoriste franchouillard Pierre Péchin s’est rendu tristement célèbre par ses spectacles racistes, son fonds de commerce immonde, où il se moque des immigrés arabes en imitant leur accent particulier. Parler comme un arabe est devenu une raillerie raciste largement partagée par la population française durant la décennie 1970.

    Le recours à ce genre d’humour pour railler et humilier une communauté n’a rien de drôle, il participe dangereusement à son mépris, à sa dévalorisation sociale, il est tout simplement ignoble.

    Les mass-médias sont de la partie, diffusant des insanités qui stigmatisent des groupes sociaux d’origine étrangère, se préoccupant uniquement de leur audimat. La chaîne de télévision C News participe sans vergogne à la diffusion du racisme sans complexe, en donnant la parole à des commentateurs tel le tristement célèbre Eric Zemmour qui débite sa haine à l’encontre des arabes vivant en France. L’impunité dont ils bénéficient montre la faiblesse de la politique de lutte contre le racisme. Ainsi les mass-médias sont devenus un instrument puissant pour diffuser la funeste idéologie du racisme au lieu de contribuer à la réduire.

    Les actes racistes font l’objet d’une évaluation statistique depuis deux décennies à travers des enquêtes par sondage. Selon une enquête réalisée en 2003 par le ministère français des affaires sociales 39 % des personnes immigrés et 44% des personnes issues de l’immigration ont déclaré avoir subi au moins une attitude discriminatoire, moqueries, mises à l’écart, refus d’un droit etc. (Le vécu des attitudes intolérables et discriminatoires, in « Etudes et résultats » n° 290, février 2004).

    En 2008 ce sont 57 % des descendants d’immigrés algériens qui ont déclaré avoir été l’objet d’actes racistes et 55 % des descendants d’immigrés tunisiens et marocains. La discrimination ethnique sur le marché du travail est une réalité amère.

    L’enquête par tests (envoi de CV identiques ne différant que par le patronyme, l’un d’un français de souche et l’autre d’un français d’origine maghrébine) faite en 2006 par la direction de l’animation de la recherche du ministère français du travail évalue la discrimination ethnique qui règne sur le marché du travail. Il ressort de cette enquête que la probabilité pour un entretien d’embauche d’un candidat issu de l’immigration est réduite, « 70 % des choix ont été effectués en faveur du candidat d’origine apparente hexagonale ancienne et 19 % en faveur de celui d’origine apparente maghrébine ou noire africaine. Le taux net de discrimination s’élève donc à 51 % ».

    Quant au logement la population d’origine étrangère n’est pas mieux lotie. A la demande du Défenseur des droits et du ministère de la cohésion des territoires une étude faite en 2017 se référant à plusieurs enquêtes conclut à la fréquence de la discrimination à l’encontre des individus d’origine maghrébine dans l’accès au logement.

    Cette ségrégation a conduit à la constitution d’espaces pour immigrés, des ghettos à la périphérie des grandes villes où règnent la pauvreté, le chômage et l’insécurité. Les cloisonnements ethniques traduisent un grand repli des communautés minoritaires (Bancel N. et alii, le grand repli). Manuel Valls avait dit quand il était premier ministre qu’on a affaire à un « apartheid territorial, social, ethnique ».

    La ségrégation urbaine peu propice à une éducation de qualité dans les quartiers défavorisés où habitent une bonne partie des immigrés participe à l’échec scolaire de leurs enfants.

    Le Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA, enquête de 2012) indique qu’un quart des élèves français âgés entre 15 et 24 ans sortis du système scolaire sans diplôme sont des enfants d’immigrés nés en France. Ils vont alterner alors chômage et emploi à courte durée et parfois certains d’entre eux chutent dans la délinquance.

    Le racisme s’exprime aussi de façon violente par des agressions physiques. Dans les années 1970 les actes de violence raciste se sont multipliés. En 1973 suite à l’assassinat d’un chauffeur de bus par un algérien déséquilibré mental, pas moins de 21 magrébins ont été tués, un châtiment collectif dans le pays dit des « droits de l’homme ». Selon la Délégation interministérielle contre le racisme et l’antisémitisme les agressions physiques évaluées ont concerné 7% des musulmans vivant en France durant la période 2014-2019. Les actes racistes ne sont pas déclarés en totalité aux services de police. Selon le Conseil consultatif des droits de l’homme, en 2019 on a recensé 5730 actes racistes soit une augmentation de 38 % par rapport à l’année précédente. « Le taux de plainte est estimé à 3% pour les injures racistes, à 17% en cas de menaces et à 30% en cas de violences à caractère raciste. En 2017, les services de police ont enregistré 8 700 plaintes ». Le racisme ne peut mener qu’à la violence, violence verbale ou physique.

    Conclusion

    Le racisme en France est bien enraciné dans la société, c’est un héritage du système colonial, il s’est consolidé durant la phase post-coloniale par l’absence de politique d’intégration efficace. Sous l’impulsion des normes de la Communauté européenne des lois qui punissent ces discriminations ont été promulguées en France mais leur application est insuffisante car les actes discriminatoires sont souvent imperceptibles et pernicieux, difficiles à prouver. Le cadre législatif mis en place s’est avéré insuffisant pour combattre le fléau du racisme qui est un phénomène bien incrusté, détestable et nocif.

    Combattre avec force ce mal ne relève pas seulement de la répression judiciaire, il faut le combattre aussi par d’autres moyens à portée préventive, l’éducation et l’information des mass-médias. Il faut l’expliquer, le déconstruire pour mieux le faire reculer, libérant les gens qui succombent à ses biais cognitifs. L’éducation qui est un moyen d’action crucial doit être privilégiée pour former les jeunes générations au respect de l’égalité des droits pour tous les groupes humains, leur inculquer les connaissances actuelles qui invalidement scientifiquement les préjugés racistes car l’ignorance, l’inculture sont le terreau sur lequel prolifèrent la dépréciation des autres et les haines raciales. L’école est un lieu majeur de la socialisation qui doit transmettre les valeurs de la république.

    La propagation du racisme par les mass médias doit être bannie. Les réseaux sociaux sont un autre vecteur de haine raciale, leurs messages doivent subir un contrôle qui est un acte de salubrité publique.

    Ainsi la lutte contre le poison du racisme est complexe et multidimensionnelle. La participation de la société civile au combat contre le racisme est d’une nécessité impérieuse.

    La communauté maghrébine est entrée massivement dans la lutte pour l’égalité des droits pour la première fois en 1983. La marche pour l’égalité et contre le racisme, organisée cette année par des jeunes issus de l’immigration, avait mobilisé des milliers de personnes de plusieurs villes françaises convergeant vers Paris. C’est la première irruption politique de cette communauté. Le mouvement a fini par s’affaiblir sans avoir atteint ces objectifs, la lutte pour l’égalité des droits est une œuvre de longue haleine. Des divergences politiques internes et l’absence de leadership ont contribué à empêcher l’émergence d’une organisation structurée au sein de la communauté maghrébine. L’élite intellectuelle d’origine immigrée doit s’engager dans cette lutte. Jusqu’à présent elle paraît timorée. Un travail de lobbying s’impose.

    Les citoyens français originaires du Maghreb participent peu aux élections politiques. Leur implication dans le domaine politique est un axe majeur de la lutte contre la discrimination ethnique. Cette lutte multiforme sera longue et difficile.

    La participation aux associations locales ou nationales (par exemple SOS racisme) et aux organisations syndicales est un autre moyen d’action pour l’intégration et l’égalité des droits.

    Dans chaque pays il y a le meilleur et le pire, la société française d’origine européenne n’est pas raciste dans son ensemble, ceux qui sont opposés au racisme sont assez nombreux, ils représentent des alliés des victimes du racisme.

    Références bibliographiques

    Balibar E. : la construction du racisme, revue Actuel Marx, Presses universitaires de France, Paris, 2005

    Bancel N., Blanchard P. et Boubekeur A. : le grand repli, éditions la découverte, Paris, 2015

    Fanon E. : peaux noirs, masques blancs, éditions du seuil, Paris 2015

    Le Cour Grandmaison A : de l’indigénat, éditions la découverte, Paris, 2010

    Memmi A. : le racisme, éditions Gallimard, Paris, 1982

    Taguieff P.A. : le racisme, cahier du CEVIPOF, n°20, Paris, 1998

    Notes

    1- Docteur en socio-économie, diplômé des universités Paris 1-Sorbonne et Paris 10-Nanterre

    Le quotidien d’Oran, 11/07/2021


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  • La France tente de cacher l’échec de sa médiation entre l’Espagne et le Maroc

    Dans une conférence de presse organisée vendredi avec son homologue espagnole, le ministre français des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian a déclaré qu’il n’appartient pas à la France d’assurer la médiation entre l’Espagne et le Maroc, a rapporté vendredi le site Hola News.

    Selon la même source, Le Drian et a exprimé sa confiance dans le fait que ces deux pays voisins surmonteront leurs différends de manière « sereine » et avec un « dialogue positif ».

    « Nous avons confiance dans la qualité des relations entre l’Espagne et le Maroc pour surmonter cette période difficile de manière sereine et que les difficultés débouchent sur une situation de dialogue positif », a-t-il ajouté.

    Le ministre a tenu une réunion de travail avec la ministre des Affaires étrangères, Arancha González Laya, avec laquelle il a participé à une conférence de presse conjointe au cours de laquelle on lui a demandé s’il avait tenté une médiation entre l’Espagne et le Maroc, tel qu’il l’a révélé le 23 mai dans une émission de « Le Grand Jury ».

    « Ce n’est pas à la France de faire de la médiation entre le Maroc et l’Espagne, deux pays souverains qui ont leurs propres responsabilités », a assuré le chef de la diplomatie française, qui a souligné que la France a « d’excellentes relations avec les deux pays », mais qu’avec l’Espagne elle a « une grande solidarité » car tous deux sont membres de l’UE.

    Les déclarations de Le Drian cache mal son échec dans sa tentative d’apaiser les relations entre l’Espagne et le Maroc qui, selon Hola News « traversent une période de grand conflit, apparemment provoquée par la décision espagnole d’autoriser le chef du Front Polisario, Brahim Ghali, à entrer en Espagne pour être traité contre le coronavirus dans un hôpital de Logroño ».

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  • Ceuta : Un Schengen en Afrique

    Les gardiens de l’UE : la coopération hispano-marocaine à Ceuta

    Entre lundi 17 et mardi 18 mai 2021, plus de 8 000 personnes ont traversé à la nage ou à pied le Maroc jusqu’à la côte espagnole de Ceuta, sans être arrêtées par les autorités marocaines. Ceuta, avec sa frontière fortement sécurisée et ses hautes clôtures, est depuis longtemps un symbole de la « forteresse Europe », mais l’Espagne compte beaucoup sur l’externalisation des contrôles frontaliers pour y parvenir.

    Par Isabella Leroy

    Depuis le lundi 17 mai 2021, on estime que 8 000 personnes ont traversé du Maroc vers Ceuta, une ville espagnole de 84 000 habitants située sur la côte du nord du Maroc. La plupart d’entre eux ont voyagé du Maroc à Ceuta à la nage, mais certains l’ont également fait sur de petits radeaux ou bateaux ou à pied. Certains d’entre eux pourraient bénéficier d’une protection internationale, notamment les mineurs étrangers non accompagnés. La passivité inhabituelle de la police marocaine à la frontière a permis à ces personnes d’entrer librement en Espagne. Malgré cela, un homme est mort pendant la tentative.

    Le Premier ministre espagnol, Pedro Sánchez, s’est rendu à Ceuta après avoir souligné la nécessité de défendre l’ »intégrité territoriale » de l’Espagne. Le gouvernement espagnol a déployé l’armée, y compris des chars militaires sur les plages de Ceuta, et le ministère de l’intérieur affirme que 5 600 des personnes entrées illégalement à Ceuta sont depuis « rentrées au Maroc ».

    Contexte

    En novembre 2020, le cessez-le-feu de 1991 entre le Maroc et le Front Polisario, le mouvement de libération du peuple sahraoui qui revendique le contrôle du Sahara occidental, a pris fin brutalement. Fin avril 2021, les autorités espagnoles ont accepté le transfert de Brahim Ghali, le secrétaire général du Front Polisario, vers l’hôpital espagnol de Logroño après avoir été infecté par le COVID 2019. Cette décision va à l’encontre de la position des autorités marocaines, qui ont mis en garde à plusieurs reprises contre d’éventuelles répercussions diplomatiques pour ce qu’elles considèrent comme un soutien politique au mouvement séparatiste.

    La décision des autorités marocaines de ne pas empêcher le passage de la frontière est probablement le résultat des récentes tensions diplomatiques entre l’Espagne et le Maroc au sujet de l’hospitalisation secrète de Brahim Gali. Cependant, le Maroc a réfuté ces allégations, soulignant plutôt la manière secrète et lourde dont Brahim Gali a été amené en Espagne et la position ambiguë du gouvernement espagnol concernant le Sahara Occidental. Dans ce contexte, des personnes détenues au Maroc ont profité de l’assouplissement de la frontière pour traverser.

    L’arrivée de ce groupe de personnes en transit, dont des demandeurs d’asile, a incité la commissaire européenne aux affaires intérieures, Ylva Johansson, à appeler à la solidarité avec l’Espagne et à souligner l’importance de la coopération de l’UE avec le Maroc. Le plus important maintenant est que le Maroc poursuive ses efforts pour empêcher les départs illégaux et que ceux qui n’ont pas le droit de rester soient renvoyés de manière ordonnée et efficace, a-t-elle déclaré. Les députés ont accusé le Maroc d’utiliser les mineurs non accompagnés comme des pions diplomatiques, mais sont satisfaits de la décision des autorités marocaines de reprendre les mineurs marocains non accompagnés et des efforts déployés pour les réunir avec leurs familles. Ces membres ont également souligné que « Ceuta est une frontière extérieure de l’UE dont la protection et la sécurité concernent l’ensemble de l’Union européenne ». Les députés marocains ont dénoncé ce qu’ils appellent « l’européanisation » d’une crise bilatérale.

    Comment l’UE et l’Espagne externalisent-elles la gestion des frontières à Ceuta ?

    L’externalisation est un processus par lequel l’Union européenne externalise une partie du contrôle de ses frontières en dehors de son propre territoire. Ceuta est un exemple clair de cette politique, où l’Espagne travaille en étroite collaboration avec le Maroc malgré les différends territoriaux, aboutissant à la situation quelque peu paradoxale où le Maroc contribue à la sécurité frontalière tout en refusant de reconnaître la frontière terrestre parce qu’il revendique toujours la souveraineté sur Ceuta.

    Schengen en Afrique : Ceuta comme frontière extérieure de l’UE

    Ceuta est, avec Melilla, l’une des deux enclaves espagnoles sur la côte du Maroc et est espagnole depuis le 16e et le 15e siècle, respectivement. Cependant, il existe toujours des différends territoriaux avec le Maroc au sujet des deux villes. En tant que villes autonomes, elles font partie de l’UE, mais avec des exceptions importantes, notamment le territoire douanier communautaire, la politique commerciale commune et les dispositions de l’UE relatives à la libre circulation des marchandises, la politique commerciale commune et les politiques de l’UE en matière de pêche et d’agriculture. Toutefois, ils ne bénéficient d’aucune exemption, dérogation ou exception en matière d’immigration en vertu de la législation européenne, de sorte que le même cadre juridique européen s’applique à Ceuta et Melilla que dans le reste de l’Espagne. Néanmoins, l’Espagne a introduit une dérogation à l’expulsion collective. Cette exception ne s’applique qu’à Ceuta et Melilla, ce qui a revêtu une importance particulière dans l’affaire récente de la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire ND et NT c. Espagne. Depuis que l’Espagne a adhéré à l’accord de Schengen en 1991, Ceuta et Melilla sont les seules frontières terrestres de l’UE situées sur le continent africain, faisant ainsi office de frontière entre l’UE et l’Afrique. Avec les îles Canaries – où le nombre d’arrivées a également augmenté en 2021 – elles forment la frontera sur (« frontière sud ») de l’Espagne et constituent une source essentielle de premières arrivées de demandes d’asile.

    En raison de sa situation géographique, Ceuta est devenue une zone de transit populaire pour la migration du continent subsaharien vers l’UE. En conséquence, la frontière a été de plus en plus sécurisée, notamment avec l’aide de fonds européens. En 1995, la frontière entre Ceuta et le Maroc a été entourée d’une clôture toujours plus haute, qui est devenue l’incarnation de la « forteresse Europe ». Depuis lors, elle a été renforcée par une deuxième clôture pour fermer l’enclave aux personnes qui tentent de traverser depuis le Maroc. En outre, la forte présence de gardes-frontières espagnols et marocains rend la frontière pratiquement impénétrable, et les patrouilles des deux côtés de la frontière empêchent généralement les gens de la traverser. Il est également question de l’introduction d’une technologie de reconnaissance faciale.

    En raison de la militarisation croissante de la frontière, il est pratiquement impossible de la franchir sans visa. Les personnes souhaitant se rendre à Ceuta ou Melilla ont quatre possibilités. Tout d’abord, ils peuvent, du moins en théorie, demander l’asile à l’un des postes frontières de Ceuta ou Melilla, mais dans la pratique, cela est difficile, voire impossible, surtout pour les migrants subsahariens, en raison du recours au profilage ethnique. C’était l’un des principaux problèmes de la ND et de la NT contre l’Espagne. Deuxièmement, certaines personnes ont recours à de faux passeports marocains pour entrer dans les enclaves. Ces deux options ne sont disponibles que pour un nombre très limité de personnes. Troisièmement, ils peuvent franchir les deux barrières (une du côté espagnol et une du côté marocain), ce qu’ils tentent parfois en groupe pour avoir plus de chances de réussir. Enfin, certains tentent de rejoindre les enclaves par la mer depuis le côté marocain, ce qui implique souvent de nager pendant plusieurs heures depuis le Maroc pour atteindre la côte du côté espagnol, en évitant la surveillance des patrouilles frontalières. C’est la voie que les gens ont choisie lorsqu’il est apparu que les gardes-frontières du côté marocain n’empêchaient pas l’entrée en Espagne. Ces récents passages de frontière sont remarquables précisément parce que la frontière, généralement très sécurisée, est devenue quelque peu perméable pendant une courte période. L’absence d’autres voies légales pour rejoindre Ceuta explique pourquoi de nombreuses personnes ont profité du report des contrôles frontaliers par le Maroc pour franchir la frontière.

    La dépendance de l’UE à l’égard de la coopération des pays tiers pour sa gestion des migrations a été particulièrement visible dans cet incident. Le vice-président de la Commission européenne, Margaritis Schinas, a déclaré : « Ceuta, c’est l’Europe. Cette frontière est une frontière européenne, et ce qui s’y passe et s’y est passé n’est pas seulement un problème pour Madrid, c’est un problème pour toute l’Europe ». « Personne ne peut faire chanter l’Union européenne », a-t-il ajouté.

    La coopération hispano-marocaine comme externalisation de la politique migratoire de l’UE

    La coopération entre l’UE, les autorités espagnoles et marocaines reste néanmoins essentielle au fonctionnement de Ceuta, car elle vise à réduire le nombre d’immigrants clandestins quittant les côtes marocaines. L’accord bilatéral de réadmission de 1992 entre le Maroc et l’Espagne a également été utilisé, par exemple, pour justifier le retour immédiat de ressortissants de pays tiers transitant par le Maroc.

    Bien que cette coopération ait permis de détourner les routes migratoires des enclaves, elle dépend fortement de la coopération des autorités marocaines. Les efforts du Maroc pour empêcher l’entrée illégale de la côte sud ont également été utilisés comme un atout dans d’autres négociations par le passé. Un arrêt de 2016 de la Cour de justice de l’Union européenne concernant un différend douanier UE-Maroc – défavorable au Maroc – a incité le ministre marocain de l’Agriculture, Aziz Akhanouch, à rappeler à l’UE que « toute restriction à l’application [de l’accord euro-méditerranéen] garantit un risque réel de reprise des flux migratoires que le Maroc a réussi à maîtriser. » L’augmentation récente du nombre de nouveaux arrivants à Ceuta est un autre exemple de la dépendance de l’UE vis-à-vis des pays tiers dans le domaine de la migration et de l’asile. En outre, toute mesure prise par les autorités marocaines a un impact direct sur les enclaves.

    Enfin, la situation à Ceuta n’est pas sans précédent, puisqu’elle se déroule aux frontières extérieures de l’UE. À bien des égards, elle est similaire à la décision turque de ne pas faire obstacle à la traversée des demandeurs d’asile syriens vers la Grèce en mars 2020. Le contrôle et la gestion des frontières extérieures reposent en grande partie sur la coopération avec les pays tiers en matière d’asile et de migration.

    Verblijfblog, 02/02/2021

    Etiquettes : Espagne, Maroc, Ceuta, Melilla, Union Européenne, UE, frontières, Schengen, migration, Sahara Occidental,

  • Selon la Lituanie, le Belarus fait entrer des migrants

    La Lituanie affirme que le Belarus fait entrer des migrants par avion et prévoit une barrière frontalière

    KARVIAI, Lituanie, 7 juillet (Reuters) – La Lituanie a accusé mercredi le Bélarus de faire venir par avion des migrants de l’étranger pour les envoyer dans l’Union européenne et a déclaré qu’elle construirait une barrière à la frontière et déploierait des troupes pour les empêcher de passer illégalement sur son territoire.

    Le Belarus a décidé d’autoriser les migrants à passer en Lituanie, membre de l’Union européenne, en réponse aux sanctions imposées par l’UE après que Minsk a forcé un vol Ryanair à atterrir sur son territoire et arrêté un blogueur dissident qui se trouvait à bord.

    Des centaines de personnes ont effectué la traversée ces derniers jours.

    La première ministre lituanienne, Ingrida Simonyte, a déclaré que la Biélorussie proposait aux migrants des vols à destination de Minsk, citant des preuves trouvées sur au moins un migrant ayant atteint la Lituanie.

    Il existe des agences de voyage, des vols directs qui relient Minsk à Bagdad, par exemple, et des agences, tant en Biélorussie que dans d’autres pays, qui opèrent et attirent des « touristes » à Minsk », a déclaré Simonyte à Reuters à Vilnius.

    Elle a déclaré que le principal aéroport d’où les gens se rendaient en Biélorussie était Bagdad, mais qu’elle n’excluait pas que des personnes puissent également s’y rendre depuis Istanbul.

    Les documents cités comme preuves, dont des copies ont été envoyées à Reuters par un fonctionnaire du gouvernement lituanien, comprennent des demandes d’agences basées à Minsk, appelées UmnoTury et Tsentrkurort, datées du 27 mai et du 7 juin, demandant au ministère biélorusse des affaires étrangères des visas pour trois citoyens irakiens.

    Le fonctionnaire a également envoyé des copies de quatre cartes d’embarquement pour un vol de la compagnie nationale biélorusse Belavia d’Istanbul à Minsk le 27 mai, trouvées sur un migrant.

    Le ministère turc des Affaires étrangères n’a pas immédiatement commenté les affirmations de la Lituanie.

    BARRIERE

    Le président biélorusse Alexandre Loukachenko a déclaré le 26 mai que son pays n’empêcherait plus les migrants de franchir sa frontière occidentale vers l’UE.

    La Lituanie travaille à l’organisation d’une visite de son ministre des affaires étrangères, Gabrielius Landsbergis, à Bagdad la semaine prochaine pour discuter des migrations, a déclaré un porte-parole du ministère des affaires étrangères.

    M. Simonyte a déclaré que la Lituanie prendrait des mesures pour empêcher les migrants de franchir la frontière en augmentant les patrouilles et en construisant une barrière, et qu’elle commencerait également à construire un camp pour accueillir ceux qui ont déjà atteint le pays.

    « Nous allons commencer à construire une barrière physique supplémentaire, qui sépare la Lituanie et le Belarus, ce qui constituerait un certain signe et une certaine dissuasion pour les organisateurs des flux migratoires illégaux », a-t-elle déclaré lors d’une conférence de presse.

    Elle a également déclaré que le pays, membre de l’espace de libre circulation Schengen, envisageait d’imposer des contrôles aux frontières avec les pays voisins de l’UE afin d’empêcher les migrants de se rendre dans les pays occidentaux de l’Union.

    GARDES-FRONTIÈRES

    Plus tôt dans la journée de mercredi, trois gardes-frontières lituaniens avaient eu du mal à communiquer avec quatre personnes visiblement fatiguées et vêtues de pulls, abritées à l’arrêt de bus d’un village situé à 2 km de la frontière. Aucun ne parlait anglais.

    Identifiées comme étant des Irakiens sans passeport, elles ont été emmenées pour interrogatoire, toujours sans traducteur, dans le hall d’entrée du quartier général des gardes-frontières.

    « Nous avions l’habitude de nous occuper principalement de la contrebande de cigarettes en provenance de Biélorussie. Tout cela est nouveau pour nous », a déclaré Povilas Vitkus, un garde-frontière.

    Moins d’une douzaine d’agents patrouillent sur le tronçon de 64 km assigné au poste frontière de Vitkus – principalement des forêts et des marais – et ils comptent sur les villageois pour signaler les passages de migrants illégaux.

    779 migrants illégaux ont franchi la frontière entre le Belarus et la Lituanie au cours des sept jours du mois de juillet, contre 636 migrants au cours des six premiers mois de l’année, selon le bureau des gardes-frontières. Le pays n’a pas reçu plus de 104 migrants par an au cours de la période 2018-2020.

    « Si les gens continuent à venir en si grand nombre, par centaines par jour, la situation deviendra sérieuse, c’est certain – il sera difficile de trouver un hébergement approprié, d’assurer les besoins humanitaires et les services adéquats pour ces personnes », a déclaré à Reuters Egle Samuchovaite de la Croix-Rouge lituanienne.

    L’autorité lituanienne chargée des migrations déclare avoir un arriéré croissant de demandes d’asile, et le tribunal qui examine ses décisions s’attend à être bientôt débordé.

    Dans le village de Kalviai, à la frontière biélorusse, de grands groupes de migrants traversant les champs voisins ou les rues du village sont devenus un spectacle quotidien cette semaine.

    « Je leur ai donné de l’eau sur leur passage », a déclaré un villageois, Valentinas Margevicius, 54 ans. « Ils doivent être vraiment mal en point, s’ils ont décidé de tout laisser tomber et de voyager vers une terre inconnue ».

    Reuters, 07/07/2021

    Etiquettes : Lituanie, Bélarus, migration, UE,

  • Arrestation des deux responsables d’une patera partie du Maroc

    Arrestation des deux responsables de la patera dans laquelle une fillette de cinq ans est morte

    Des agents de la police nationale ont arrêté l’organisateur et le responsable de la navigation de la patera dans laquelle voyageait la fillette de cinq ans d’origine subsaharienne décédée le 30 juin après avoir été secourue par un navire marchand à environ 500 kilomètres des îles Canaries.

    Les immigrants, retrouvés 13 jours après leur départ du Maroc, voyageaient dans des conditions déplorables et dangereuses, à la dérive.

    Au total, 29 personnes ont été secourues. Un immigrant est décédé dans le bateau et a dû être transféré par hélicoptère, en plus du mineur qui était initialement dans le coma, deux autres immigrants dans un état grave ont été transférés à l’hôpital de la Candelaria (Tenerife).

    La police estime qu’un nombre approximatif de 52 à 60 personnes seraient parties de la ville de Dakhla, le nombre de morts serait donc supérieur à vingt.

    Après les événements, les agents de l’UCRIF de la brigade provinciale des étrangers et des frontières de Santa Cruz de Tenerife, avec le soutien et la collaboration des agents déployés dans le cadre de l’opération Triton, ont mis en place un dispositif afin de clarifier les circonstances qui ont conduit au dénouement et la localisation des responsables.

    Après les investigations, il a été déterminé que parmi les survivants se trouvaient l’organisateur du voyage et le propriétaire de la patera.

    L’opération a abouti à l’arrestation de ces deux personnes à Tenerife pour les délits de blessures graves, d’homicide par imprudence et d’encouragement à l’immigration clandestine, et le tribunal a ordonné leur emprisonnement.

    En réponse à l’arrivée d’immigrants aux îles Canaries, la Brigade d’Investigation du Réseau (BIR) de l’UCRIF-Central a créé l’Opération Triton, qui vise à renforcer le personnel affecté par ce phénomène migratoire, avec le déploiement d’agents spécialisés dans la lutte contre les organisations criminelles dédiées au trafic de personnes par voie maritime.

    Grâce à la collaboration entre les agents déployés dans le cadre de l’opération Triton et l’UCRIF du commissariat provincial de Tenerife, il a été possible d’identifier et d’arrêter l’organisateur et le responsable de la navigation du bateau intercepté à la dérive le 30 juin.

    Quelques jours auparavant, et grâce au travail conjoint de ces agents spécialisés, cette fois-ci, avec des agents attachés à la Brigade des Étrangers et des Frontières d’Arrecife, ont procédé à l’arrestation de ceux qui ont été identifiés comme les patrons du bateau pneumatique qui est arrivé, le 17 juin dernier, dans la ville d’Órzola sur l’île de Lanzarote.

    À cette occasion, quatre immigrants sont morts, dont un mineur.

    Lancelot Digital, 07/07/2021

    Etiquettes : Maroc, Espagne, Iles Canaries, migration, pateras, Dakhla,

  • Plus de 800 harragas algériens arrivés en Espagne en 4 jours

    L’Algérie se vide de sa jeunesse comme un corps blessé se vide de son sang. Le phénomène de la harga devient une plaie béante que la crise traversée le pays ouvre de plus en plus.

    En quatre jours, plus de 800 Algériens, des jeunes hommes et des jeunes femmes, mais aussi des mamans et des enfants, montent sur les barques de la mort, défiant la Grande Bleue, et s’élançant vers un eldorado incertain. C’est Francisco Jose Clemente Martin, de l’organisation espagnole Héroes del Mar, (Les héros de la mer), qui a livré hier un bilan alarmant sur le nombre d’Algériens qui ont foulé le sol espagnol lors de ces quatre derniers jours. Le militant et bénévole n’y va pas par quatre chemins.

    « Au cours des 4 derniers jours plus de 800 Algériens sont arriv és àAlmeria », écrit-il sur sa page Facebook .

    Plus de 1.100 personnes en quelques jours

    Parmi les 800 Algériens qui sont arrivés à Alméria ces 4 derniers jours, « seuls 600 ont été interceptés par la Garde Civile ou le Secours Maritime, les autres ont échappé aux autorités », précise la même source qui ajoute que parmi les harraga algériens, figurent beaucoup de femmes et d’enfants.

    L’activiste assure qu’aucune embarcation ne manque à l’appel en eaux espagnoles, cependant es investigations sont en cours en ce qui concerne un probable naufrage en eaux algériennes. En outre, Francisco Josel Clemente Martin assure qu’ »ils sont arriv és à Motril, Almería, Cartagena, Alicante, Baléares, ces jours-ci, plus de 1.100 personnes ». Un chiffre énorme qui laisse les autorités espagnoles impuissantes face à un tel afflux migratoire qui ne cesse de prendre de l’ampleur.

    Il y a « beaucoup de harraga algériens qui se trouvent en garde à vue, mais ils seront libérés aujourd’hui ou demain » assure le militant bénévole qui précise aussi que « 4 passeurs ont été arrêté par la police espagnole. Seulement à Almería, du 1er janv ier 2021 à ce jour, un total de 245 bateaux sont arrivés » indique encore la même source qui confie avoir répondu à près de 200 messages de familles algériennes qui s’inquiétaient pour leurs enfants.

    Enfin, et en guise de conseil, il a été demandé aux candidats à la migration illégale d’attendre à ce que la mer se calme pour sortir.

    Le Midi libre, 06/07/2021

    Etiquettes : Algérie, Espagne, migration, harga, harragas,

  • Belgique : « La grève de la faim ne sera jamais populaire »

    Opinion de Sara Cosemans : La grève de la faim ne sera jamais populaire »

    Les recherches montrent qu’une régularisation collective des migrants ne crée pas d’effet d’aspiration, affirme l’historienne Sara Cosemans dans un article d’opinion paru dans De Standaard. En outre, tant les migrants que leur communauté d’accueil bénéficient de la régularisation.

    Où sont passés les jours où le CD&V était un vrai parti de gouvernement qui n’avait pas besoin de se cacher derrière des photos sur Twitter ? La démocratie chrétienne, dit un tweet du parti, c’est l’humanité. Il suggère ensuite que la régularisation entraînerait une augmentation exponentielle des grévistes de la faim. Un millier demain, davantage le jour suivant. Mais les grèves de la faim sont une forme de protestation incroyablement difficile. Vous devez être assez désespéré pour risquer votre vie. Les chiffres le prouvent.

    Le dimanche 23 mai, jour du début de la grève de la faim, environ 700 personnes ont participé. Aujourd’hui, ils sont encore 450. Le nombre de sans-papiers dans notre pays est estimé à 150.000. Ces 450 personnes représentent 0,3 % du total. Mais ils donnent un visage au groupe – un visage aux lèvres cousues et au regard féroce, affamé. Cela doit être sacrément difficile pour un parti qui souhaite propager l’humanité chrétienne.

    « Il n’y aura pas de grand cycle de régularisation comme dans les années 1999-2000 et 2009-2010 », m’a écrit par courriel un membre du cabinet du ministre d’État chargé de l’asile, Sammy Mahdi. Cela ouvrirait, selon le secrétaire d’État, une nouvelle voie de migration à côté de l’asile, du regroupement familial, de la migration de travail ou de la migration d’étude. Mais la régularisation n’est pas une « filière ». Il s’agit de personnes qui sont déjà ici. Ils sont venus ici une fois, souvent légalement, en tant que travailleurs migrants, étudiants ou candidats réfugiés, pour ensuite perdre leur statut. Même s’ils sont venus ici sans papiers, une telle campagne ne fait que légaliser ceux qui sont déjà ici. Il s’agit de personnes qui travaillent ici, dont les enfants vont à l’école ici, qui ont construit des relations durables ici. Il n’est pas rare que ce soit la main-d’œuvre invisible qui fasse fonctionner la société. Les campagnes à grande échelle ont rendu ces personnes moins invisibles, leur travail imposable et leur contribution tangible.

    J’ai mené des recherches sur l’effet des deux campagnes de régularisation sur la communauté sikh dans ma région natale, Haspengouw. Dès les années 1980, on a constaté un afflux constant de sikhs dans la région fruitière du Limbourg. Ils ont comblé un vide crucial sur le marché du travail en tant que travailleurs saisonniers. Leur régularisation révèle trois éléments : premièrement, les régularisations à grande échelle légalisent une situation existante ; deuxièmement, après une campagne de régularisation, une certaine communauté ne connaît pas une croissance exponentielle ; et troisièmement, tant le migrant que la communauté d’accueil bénéficient des régularisations.

    En 1999, les sikhs ont présenté environ 150 dossiers de régularisation réussis. Il s’agissait tous de personnes qui pouvaient prouver avoir travaillé et vécu en Belgique pendant plus de six ans ou qui remplissaient des conditions particulières (procédures d’asile de plus de quatre ans, maladie grave…). Au départ, la régularisation a entraîné une augmentation de la migration : principalement le regroupement familial des migrants mariés, qui avaient laissé femme et enfants derrière eux en Inde, ou la migration par mariage. La migration irrégulière n’a pas non plus complètement cessé. En 2009, le nombre de demandes de régularisation de sikhs ayant abouti était plus élevé, soit environ 300 cas. Cependant, il ne s’agissait pas seulement de nouveaux migrants, mais aussi d’un groupe qui avait échoué au cycle de régularisation précédent.

    La communauté sikhe se développait, mais pas de façon exponentielle. La croissance n’a même pas été suffisante pour répondre à la demande de main-d’œuvre. Depuis l’adhésion des nouveaux États membres de l’UE en 2004, la main-d’œuvre saisonnière provient de plus en plus de l’Europe de l’Est. Entre-temps, les Sikhs ont gravi les échelons de la société, en tant que (petits) indépendants et propriétaires de magasins de nuit, parfois même en tant qu’agriculteurs capables d’employer eux-mêmes des travailleurs invités.

    Les régularisations ont été une bonne chose pour les Sikhs ainsi que pour la région fruitière, en premier lieu sur le plan économique. Les sikhs pouvaient enfin travailler légalement. Ils pouvaient épargner et investir, acheter des maisons et des terres agricoles. Leurs contributions (fiscales) et l’augmentation de l’activité économique ont été un avantage indéniable pour Haspengouw. Sur le plan politique et culturel également, les sikhs ont laissé leur empreinte dans la région des fruits, avec notamment plusieurs candidats sikhs sur diverses listes politiques à Saint-Trond. Bientôt, la plus grande maison de prière sikh du Benelux ouvrira sur le territoire de Haspengouw.

    En d’autres termes, la régularisation n’est pas le canal de migration que Sammy Mahdi présente comme tel. Au cours des dix années entre les campagnes de régularisation et des dix années suivantes, la migration en Belgique n’a pas connu une croissance exponentielle, y compris la migration irrégulière. Le fait que tant de sans-papiers travaillent encore aujourd’hui prouve que notre société vieillissante a besoin d’une migration (de travail).

    Les prédécesseurs de Mahdi au CD&V l’avaient compris. Les deux campagnes de régularisation se sont déroulées sous la houlette de Jean-Luc Dehaene et Herman Van Rompuy du CD&V. Les hommes d’État mesurent leur grandeur à la mesure de leur capacité à accorder l’amnistie. Si Mahdi ne le fait pas, il montrera pour la énième fois que le CD&V est devenu un petit parti, non pas de leaders mais de suiveurs.

    Source : De Standaard (Sara Cosemans)

    KULEUVEN, 02/07/2021

    Etiquettes : Belgique, Sara Cosemans, sans papiers, clandestins, régularisation, migration, CD&V, Jean-Luc Dehaene, Herman Van Rompuy,

  • Maroc : 1100 mineurs se trouvent encore à Ceuta

    Selon le site Spanje Vandaag, 1100 mineurs se trouvent encore dans la ville espagnole de Ceuta et « leur processus de réunification avec leurs familles est très difficile ». « La difficulté est que pour renvoyer un mineur, le mineur lui-même et ses parents doivent accepter le regroupement », affirme-t-il.

    « En mars, le Maroc et l’Espagne et l’Espagne ont décidé conjointement de fermer leurs frontières en réponse à la pandémie du coronavirus. C’est cette décision qui rend désormais difficile le renvoi des jeunes chez eux. leurs parents ne peuvent tout simplement pas venir les chercher à Ceuta tant que le Maroc maintient le poste frontières de Tarajal reste fermé. A ce stade, les enfants devraient être remis aux garde-frontières pour rejoindre leurs parents à un point de rendez-vous au Maroc. Le problème est que de cette manière, l’Espagne ne peut pas garantir que le transfert se passe réellement bien », précise Spanje Vandaag.

    « Le gouvernement marocain attribue la lenteur des progrès aux « procédures difficiles de certains pays européens », qui compliquent le retour des jeunes et des adolescents dans leur pays d’origine », indique la même source.

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