Étiquette : Minurso

  • Le roi du Maroc, rattrapé par ses casseroles avec l’ONU

    Ban Ki-moon ne sait pas s’il pourra un jour se réconcilier avec le roi Mohammed VI

    L’ancien secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon ne sait pas s’il pourra un jour se réconcilier avec le roi du Maroc Mohammed VI après le traitement que lui a réservé le royaume en 2016 à la suite de remarques sur le Sahara occidental, dit-il dans ses nouveaux mémoires.

    « Nous nous recroiserons peut-être à l’avenir, probablement à l’occasion d’une conférence sur le changement climatique ou les initiatives de la jeunesse. Mais je ne sais pas quand, si jamais, nous nous réconcilierons », déclare Ban dans le livre, intitulé « Resolved ». Uniting Nations in a Divided World », qui vient d’être publié par Columbia University Press.

    Le diplomate coréen consacre un long passage intitulé « Il y a des gens avec lesquels vous ne serez jamais d’accord » au dur clash qu’il a vécu en 2016 avec le Maroc, qui a débuté à l’occasion d’un voyage du chef de l’ONU de l’époque au Sahara occidental.

    Au cours de la visite, Ban a utilisé le mot « occupation » pour faire référence à la présence marocaine dans le territoire sahraoui, ce à quoi Rabat a répondu par des messages forts en public, des manifestations contre elle organisées à travers le pays et des mesures contre la Minurso, la mission de l’ONU dans la région.

    UNE VISITE DIFFICILE

    Dans ses mémoires, le diplomate explique que, dès le début de son mandat, il a essayé de rendre visite à la Minurso, mais que le Maroc a, pendant des années, « intentionnellement retardé » l’autorisation de la faire entrer dans le territoire sous son contrôle, au motif que Mohamed VI voulait l’accueillir personnellement au Sahara et que les dates n’étaient jamais bonnes.

    Ainsi, « franchement frustré » et à l’approche de la fin de son second mandat, Ban a décidé de visiter les camps de réfugiés sahraouis pour constater de visu les dures conditions de vie de ces communautés et leur témoigner sa solidarité.

    À son arrivée, cependant, il est accueilli par des protestations à son encontre de la part des réfugiés, qui lui reprochent l’absence de progrès dans la résolution du conflit avec le Maroc. Les manifestants sont allés jusqu’à secouer et jeter des pierres sur le véhicule blindé dans lequel il se trouvait, comme il s’en souvient.

    Finalement, la visite a été avortée au dernier moment et Ban a directement procédé à une conférence de presse qui était déjà prévue et dans laquelle il a déploré la situation des réfugiés et, en particulier, de ceux qui sont déjà nés dans cette situation d’ »occupation ».

    « Je savais que ce mot était très sensible pour les Marocains, mais j’étais tellement émue par ce que j’avais vécu cet après-midi-là et tellement émue d’avoir parlé sans censure. En fait, j’avais dit la vérité », se souvient-il dans son livre.

    COMPORTEMENT « INACCEPTABLE

    Ban décrit ensuite les nombreux efforts qu’il a déployés pour tenter d’endiguer la crise diplomatique qui a suivi et critique l’attitude des autorités marocaines.

    Il se souvient notamment de la visite que lui a rendue quelques jours plus tard, à son retour de tournée, le ministre des Affaires étrangères Salahedin Mezuar.

    « Je l’ai reçu alors que je savais qu’il était à New York pour protester contre mes paroles accidentelles, ce que j’avais déjà fait en public à plusieurs reprises. Mais j’ai été surpris lorsqu’il m’a ordonné de présenter des excuses à son gouvernement et au roi Mohammed », déclare l’ancien ministre coréen des affaires étrangères.

    M. Ban dit avoir refusé de le faire et a déclaré à Mezuar qu’en « dix ans de service aux Nations unies, je n’avais jamais vu ni entendu parler d’un comportement aussi grossier et inacceptable de la part d’un État membre après une émotion spontanée et sincère de la part d’un secrétaire général ».

    « Ma relation avec le roi Mohammed VI ne devait pas être réparée. En fait, les fonctionnaires marocains ne se sont jamais vraiment remis de ma franchise, mais je n’ai pas regretté d’avoir dit la vérité », dit-il.

    Interrogé sur cette relation tendue lors d’une rencontre avec des journalistes mercredi, Ban a voulu dédramatiser la situation et a espéré que les « malentendus » avaient été résolus.

    En ce sens, il a rappelé qu’après avoir quitté le poste de secrétaire général, il a rencontré Mohamed VI lors d’un sommet à Paris et s’est entretenu brièvement, mais « de manière très amicale ».

    Dans son livre, il dit de cette rencontre que « cela aurait été inconfortable s’ils ne s’étaient pas serrés la main », donc « ils l’ont fait poliment et sans grande conversation », mais il précise qu’il n’y a pas eu de réconciliation.

    « Nous ne pouvons pas tendre la main à des personnes qui non seulement ne sont pas d’accord, mais qui refusent aussi de nous écouter. On n’arrive à rien avec ces personnes et il est important de savoir quand arrêter d’essayer », conclut le passage.

    L’épisode avec le Maroc n’est que l’un des nombreux sujets abordés par Ban dans les plus de 300 pages de ses mémoires, dans lesquelles il propose également quelques idées pour l’avenir afin de répondre à certains des grands défis auxquels l’ONU est confrontée.

    Mario Villar

    EFE, 17 juin 2021

    Etiquettes : Maroc, ONU, Ban Ki-moon, Sahara Occidental, Front Polisario, MINURSO, Mohammed VI, Resolved, Uniting Nations in a Divided World,

  • Contrairement à Ban Ki-moon, Guterres est très apprécié au Maroc

    Ban Ki-moon vient de livrer ses mémoires dans un succulent ouvrage intitulé « Resolved! Uniting Nations in a divided world. Une confession qui révèle l’intégrité d’un homme qui a été méchament malmené par Rabat. Avec des mots courtois, il a décrit le Maroc d’Etat voyou.

    Grâce à cet ouvrage, nous avons appris qu’il a souhaité, à plusieurs reprises, se rendre au territoire du Sahara Occidental pour visiter la MINURSO. En vue de le repousser, les autorités marocaines, ont utilisé un argument aussi inacceptable que ridicule : Il doit attendre d’accorder son agenda avec celle du roi du Maroc pour qu’il puisse l’accueillir en personne. Le comble de la mythomanie mêlée à la bêtise.
    Contrairement à Ban Ki-moon, Antonio Guterres ne semble pas s’intéresser ni pour la situation de la MINURSO ni l’état du processus de paix mené sous les auspices de l’ONU depuis plus de 40 ans. Décrit comme un « ami du Maroc » dans les documents confidentiels de la diplomatie marocaine, le portugais Guterres a laissé pourrir la situation dans le territoire sahraoui. Grâce à sa complaisance avec l’occupant marocain et sa capacité à bafouer les principes fondamentaux du droit international, il a réussi à rendre le processus de paix au point de départ en faisant parler les canons et en allumant le feu des armes à El Guerguerat.
    Il vient d’être réélu pour un nouveau mandat à la tête de ce « machin » appelé l’ONU. Une mauvaise nouvelle pour le peuple sahraoui. Notamment, désormais, qu’à la condition de « solution mutuellement acceptable » s’est ajouté la condition d’envoyé accepté par les deux parties.
    Etiquettes : Sahara Occidental, Maroc, ONU, Antonio Guterres, Ban Ki-moon, MINURSO, 
  • Sahara Occidental : renouveler le mandat de la MINURSO, a-t-il un sens quelconque?

    Le mandat de la Mission des Nations Unies pour le Référendum au Sahara Occidental (MINURSO) expire le 30 avril 2021. C’est ce qui justifie l’inclusion de la question sahraouie dans l’agenda du Conseil de Sécurité au mois d’avril. « L’échéance d’avril » tant décrié dans les documents confidentiels de la diplomatie que le célèbre hacker Chris Coleman a balancé sur la toile. Le Conseil doit renouveler ce mandat. Mais, ce renouvellement, a-t-il un sens dans les conditions actuelles?

    Une question légitime puisque la MINURSO a échoué dans la mission pour laquelle a été créée : l’organisation du référendum d’autodétermination du peuple sahraoui.
    Aprés avoir été déviée de cette mission, les Etats-Unis et la France lui ont attribué la seule mission de surveiller le cessez-le-feu. Là aussi, elle a été couronnée par un échec total puisque depuis le 13 novembre 2020 les canons n’arrêtent pas de parler. Par conséquent, il y a lieu de se demander, si le Conseil de Sécurité renouvelle son mandat, quelle sera sa mission dans une situation de guerre totale entre le Maroc et le Front Polisario.
    Etiquettes : Sahara Occidental, Front Polisario, Maroc, ONU, MINURSO, Conseil de Sécurité,
  • Sahara Occidental : La RASD réclme un siège à l'ONU

    La République arabe sahraouie démocratique (RASD) a indiqué lundi vouloir solliciter « un siège » à l’ONU, où le Conseil de sécurité doit de nouveau débattre ce mois du dossier du Sahara occidental qui oppose de longue date un mouvement indépendantiste au Maroc. « La RASD, membre fondateur de l’Union africaine (UA), réclame la place qui lui revient au sein du concert des nations », a déclaré lors d’une conférence de presse à Alger le chef de la diplomatie sahraouie, Mohamed Salem Ould Salek.

    A ce jour, la RASD ne dispose d’aucun statut à l’ONU. Et « il ne faut pas que le peuple sahraoui et l’Etat sahraoui soient pénalisés par cette attitude intransigeante qui défie la légalité internationale », a-t-il ajouté, en allusion au refus du Maroc d’organiser un référendum d’autodétermination dans le territoire.
    La question du Sahara occidental, considéré comme un « territoire non autonome » par l’ONU en l’absence d’un règlement définitif, oppose le Maroc aux indépendantistes du Front Polisario depuis le départ du colonisateur espagnol dans les années 1970.
    Devant la presse lundi, le diplomate sahraoui a de nouveau demandé à la France de « cesser son soutien aveugle » au Maroc. Il s’en est également pris à l’Espagne « qui refuse d’assumer ses responsabilités » historiques d’ancienne puissance coloniale, l’accusant de « trahison » envers le peuple sahraoui.
    Comme chaque année, le Conseil de sécurité de l’ONU doit se réunir ce mois –le 21 avril– pour discuter du conflit et proroger le mandat de sa mission sur place (Minurso). Cette réunion interviendra alors que le nouveau secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, a demandé au secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres d’accélérer la nomination d’un nouvel envoyé spécial au Sahara occidental. Le dernier titulaire du poste, Horst Kohler, a démissionné en mai 2019.En outre, pour la première fois en trois décennies, des accrochages armés sont survenus en novembre dans l’extrême sud du Sahara occidental, et le Polisario se dit depuis « en état de guerre de légitime défense ».
    Une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU avait eu lieu en décembre pour discuter de cette rupture inédite du cessez-le-feu.
    Etiquettes : Sahara Occidental, Maroc, Front Polisario, ONU, MINURSO, RASD,
  • Le Conseil de sécurité se réunira le 21 avril sur la situation au Sahara Occidental

    Le Conseil de sécurité de l’ONU se réunira le 21 avril prochain pour discuter du conflit au Sahara occidental, au moment où les Nations unies poursuivaient leurs efforts pour nommer un nouvel émissaire en vue de relancer le processus politique à l’arrêt, selon le programme mensuel de l’organe onusien rendu public jeudi à New York.

    Au menu de la réunion du Conseil qui sera présidé par le Vietnam, qui assure la présidence tournante pour le mois d’avril, un exposé de Collin Stewart, le chef de la mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum d’autodétermination au Sahara occidental (MINURSO). La question clé pour le Conseil de sécurité est de savoir comment redynamiser le processus politique en vue de résoudre le conflit.
    A cet égard, et à la lumière des tensions persistantes, la question de trouver un nouvel envoyé personnel du Secrétaire général est devenu « plus pressante », selon des observateurs. Le poste est vacant depuis mai 2019, suite à la démission, pour des raisons de santé, de l’ancien président allemand Horst Kohler, après vingt mois d’intense médiation qui l’ont vu insuffler une nouvelle dynamique au processus de paix de l’ONU.
    Avec le départ de M. Kohler, le Sahara occidental aura consommé quatre médiateurs après les deux américains James Baker et Christopher Ross et le hollandais Peter Van Walssun. Au demeurant, l’ancien président allemand n’a pas échappé aux obstacles imposés à son prédécesseur, Christopher Ross, qui l’ont empêché d’accomplir sa mission de médiation.
    Entravé dans sa liberté de mouvement, Ross s’était vu refusé l’accès aux interlocuteurs sahraouis dans les territoires illégalement occupés par le Maroc.
    Le Maroc a eu déjà à saborder les efforts d’un autre émissaire américain en 2004, en l’occurrence James Baker, dont il a rejeté le plan de paix. Celui-ci maintenait le principe d’autodétermination en exigeant la tenue d’un référendum au terme de cinq années de sa mise en œuvre.
    Les Nations-Unies qui poursuivent leurs efforts pour nommer un nouvel émissaire pour le Sahara occidental, rencontrent des « difficultés » à trouver le bon profil pour occuper ce poste, a avoué mercredi, le porte-parole du SG de l’ONU, Stéphane Dujarric.
    « Nous continuons nos recherches pour autant que je sache, mais il s’agit d’un poste compliqué pour lequel il a toujours été un peu difficile de trouver les bonnes personnes ou la bonne personne pour ce poste », a déclaré Dujarric.
    Lundi, le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a souligné le soutien des Etats-Unis aux négociations politiques « en vue de résoudre le conflit au Sahara occidental », exhortant Guterres à accélérer la nomination d’un envoyé personnel pour ce territoire non autonome.
    En septembre dernier, le président de la République sahraouie, Brahim Ghali, avait exhorté l’organe onusien à « renouveler son engagement en faveur du processus politique et de la reprise des négociations directes et cruciales entre les deux parties en vue de parvenir à un solution pacifique et durable qui respecte pleinement le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination et à l’indépendance ».
    Le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine (CPS) a pris une décision, le 9 mars dernier, dans laquelle il a remis la question sahraouie dans son véritable contexte de décolonisation.
    L’organe décisionnel de l’organisation africaine, avait prévu une série de mesures pour la réactivation du rôle de l’UA, notamment à travers la mobilisation du CPS, la réouverture du Bureau de l’UA à Laâyoune occupée, l’organisation d’une visite sur le terrain, le mandat octroyé à l’Envoyé de l’UA qui est appelé à reprendre d’urgence son engagement auprès des parties en conflit.
    Le CPS rappelle, en outre, aux Nations unies l’impératif d’expédier le processus de désignation d’un envoyé personnel du secrétaire général de l’ONU et de remettre sur les rails le processus de règlement sur des bases crédibles.
  • Identités en chantier : Le Sahara Occidental

    Le Sahara Occidental reste le dernier territoire à décoloniser sur le continent africain. Situé entre le Maroc, la Mauritanie, et l’Algérie, cette ancienne colonie espagnole est annexée illégalement par le Maroc en 1975.

    Les Nations-Unies rappellent tous les ans le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination. Cependant un statu quo règne, laissant l’occupation marocaine s’intensifier chaque jour davantage, au mépris du droit international.
    Dans une tactique du « fait accompli », le Maroc délimite, défend, et occupe l’espace, espérant rendre obsolète le droit du peuple sahraoui au référendum d’autodétermination.
    Militarisation du désert, urbanisme et campagnes de peuplements, ou politiques de déculturation des sahraouis.
    Plantés dans le désert, les constructions matérialisent les enjeux de ce conflit territorial qui s’éternise depuis 1975.
    Avant même le départ des espagnols, l’invasion par le Maroc en 1975 a forcé la population sahraouie hors de son territoire, vers des camps de réfugiés dans le désert algérien. Les sahraouis restés sur le territoire occupé sont minoritaires et subissent la répression exercée par les autorités marocaines.
    L’histoire de cette terre de nomadisme a légué un patrimoine sahraoui quasi immatériel, offrant ainsi l’avantage à l’Espagne puis au Maroc de façonner ce vaste espace désertique, dans un rapport de force inégal.
    Tel un butin, ce territoire riche de ressources
    devient propriété privée, éminemment économique et commercial. L’exploitation des richesses naturelles s’accompagne à la fois d’une migration massive de travailleurs marocains et d’un urbanisme ex-nihilo, rapide et spectaculaire. Par une bataille démographique, il s’agit de gommer l’identité sahraouie dans la masse.
    Ces différents mécanismes d’occupation et de déculturation du peuple sahraoui ambitionnent d’atteindre un point de non-retour :  
    la « marocanité » irréversible du Sahara Occidental.
    Dans ce territoire occupé, reconnaître l’existence du Sahara Occidental en tant qu’entité distincte du Maroc est une infraction passible d’une peine d’emprisonnement pour « atteinte à la sécurité intérieure » du Maroc.
    La surveillance des forces de sécurité marocaine est constante, et l’activisme sahraoui sévèrement réprimé.
    Les autorités refusent l’entrée au Sahara Occidental ou expulsent les étrangers qu’ils soient journalistes, experts des droits de l’homme, juristes, militants, ou membres de l’ONU.
    Décrypter les interventions humaines sur le paysage est un moyen de contourner le manque de liberté dû à l’obstruction policière, pour raconter et traduire ce conflit territorial en image.
    Il s’agit de rendre sensible une zone laissée à la marge de la représentation. Les stratégies politiques se répercutent sur le terrain, et les paysages sont finalement bavards, généreux en témoignages.
    Nichées dans le désert, les constructions deviennent les personnages principaux des images. Ces paysages portent en eux les traces de l’homme et de ses intentions. Hamadas, reg, erg, gueltas. L’être humain ne peut s’empêcher de conquérir et délimiter ces espaces. Même en plein désert, il plante des signes qui témoignent à sa place.
  • Le conflit oublié du Sahara Occidental et ses réfugiés

    En 1975, le conflit du Sahara Occidental a forcé dix milliers de Sahraouis à fuir. 45 ans plus tard, il n’est toujours pas résolu – et les Sahraouis restent un peuple géographiquement dispersé qui attend de pouvoir un jour retourner dans son propre pays.

    Un contexte historique pour expliquer le présent
    Le conflit prolongé au Sahara Occidental est un problème de décolonisation et de déni du droit à l’autodétermination du peuple sahraoui. Avec une superficie de 266.000 km2, le Sahara Occidental reste un territoire non autonome [1], qui possède d’importantes ressources naturelles telles que le phosphate et d’autres minéraux, ainsi que l’une des plus grandes réserves de pêche au monde.
    Le territoire du Sahara Occidental a été attribué à l’Espagne lors de la conférence dite du Congo à Berlin, qui a eu lieu de novembre 1884 à février 1885. L’Espagne a alors commencé la colonisation de la région, bien qu’elle n’ait pas exercé de contrôle effectif sur le territoire avant 1934. Les forces espagnoles ont réprimé pendant des décennies le mouvement anticolonial sahraoui qui avait émergé et en 1973, le Front populaire de libération de la Saguia el-Hamra et du Rio de Oro (Front Polisario) a été créé. Dans le même temps, les pays voisins, le Maroc et la Mauritanie, revendiquent le territoire. En novembre 1975, le roi du Maroc, Hassan II, a appelé 350 000 Marocains à traverser la frontière dans le cadre de la « Marche verte »[2]. Auparavant, les forces militaires marocaines avaient pénétré dans la zone frontalière du nord-est. L’invasion du territoire du Sahara occidental par le nord a marqué le début de l’exode de milliers de Sahraouis vers le désert, fuyant les meurtres, les tortures, les disparitions forcées et les bombardements perpétrés par les forces militaires marocaines[3]. Cette population a fini par atteindre la province algérienne de Tindouf, où elle s’est installée dans des camps de réfugiés. Peu après l’invasion par le Maroc du territoire du Sahara occidental par le Nord, la Mauritanie a commencé à l’envahir par le Sud. Le 14 novembre 1975, les accords tripartites (également connus sous le nom d’accords de Madrid) ont été signés à Madrid – un pacte par lequel l’Espagne abandonnait le Sahara occidental et permettait au Maroc et à la Mauritanie de le diviser. L’Espagne s’est officiellement retirée du Sahara occidental le 26 février 1976.
    Ces événements ont conduit à l’éclatement d’un conflit armé au Sahara occidental dans lequel le Maroc et le Front Polisario étaient les acteurs centraux. Le 27 février 1976, le Front Polisario proclame la République arabe sahraouie démocratique (RASD) et forme quelques jours plus tard un gouvernement en exil basé en Algérie. La Mauritanie s’est retirée du territoire en 1979 et les troupes marocaines ont également occupé cette partie sud du territoire saharien. La guerre entre le Front Polisario et le Maroc s’est poursuivie jusqu’en 1991, date à laquelle un accord de cessez-le-feu a été signé[4], qui prévoyait le déploiement d’une mission des Nations unies (MINURSO) chargée d’organiser un référendum d’autodétermination en 1992 pour décider du statut du territoire. Pendant plus d’une décennie, les différends concernant l’électorat autorisé à décider de l’avenir du Sahara Occidental ont empêché la tenue d’un tel référendum. En juillet 2003, le Conseil de sécurité des Nations unies a approuvé le plan Baker (plan de paix pour l’autodétermination du peuple du Sahara occidental), qui contenait une nouvelle proposition de recensement. Si le Front Polisario l’a accepté à contrecœur, le Maroc a rejeté le plan et déclaré qu’il n’accepterait plus aucun référendum incluant l’indépendance comme option. Par conséquent, 30 ans après l’accord de cessez-le-feu, le référendum sur le statut du Sahara occidental est toujours en attente. Le Maroc considère le Sahara Occidental comme un territoire marocain et continue à exploiter ses ressources naturelles. L’extraction des ressources au Sahara Occidental est une affaire lucrative à la fois pour les autorités marocaines et pour les entreprises étrangères, qui bénéficient principalement de l’extraction de phosphate et de la pêche le long de la côte sahraouie[5].
    Un peuple divisé en quatre et survivant à 45 ans de refuge
    Pendant la guerre, le Maroc a commencé à construire un mur de sable et de pierre (berm) de 2 700 kilomètres de long, miné et fortifié, qui divise le Sahara occidental en deux. Aujourd’hui, le peuple sahraoui est dispersé de force dans quatre groupes de population : ceux qui vivent dans le territoire occupé par le Maroc, ceux qui résident dans les zones sous contrôle du Front Polisario, ceux qui ont fui vers des camps de réfugiés en Algérie, et la diaspora sahraouie dans d’autres parties du monde, principalement en Europe.
    Selon des données publiées en 2014, sur les 530 000 habitants du territoire du Sahara occidental occupé par le Maroc, 180 000 (34 %) sont des membres de l’armée marocaine, 245 000 sont des civils marocains (46 %) et 105 000 sont des Sahraouis (20 %)[6] Depuis la Marche verte, le Maroc a soutenu une politique d’incitations pour encourager les Marocains à s’installer au Sahara occidental en construisant de nouvelles maisons et en offrant des emplois. Cette stratégie a eu un impact majeur sur les caractéristiques sociales et démographiques de la région, générant une situation dans laquelle la population sahraouie est devenue une minorité dans son propre pays. Leur présence dans les territoires occupés est devenue confinée à certaines zones et quartiers des villes[7].
    Dans les territoires libérés pendant la guerre et maintenant sous le contrôle du Front Polisario (appelés « zone libre »), on estime à 49 000 le nombre d’habitants, tandis que la diaspora sahraouie, installée principalement en Europe, surtout en Espagne, compte 50 000 personnes[8]. En outre, il y a plus de 170 000 réfugiés sahraouis dans la province algérienne de Tindouf, près des frontières mauritanienne, sahraouie et marocaine[9].
    En arrivant à Tindouf il y a plus de 45 ans, les réfugiés sahraouis se sont établis dans quatre grands camps ou wilayas : El Aaiun, Smara, Dajla et Auserd, nommées d’après les principales villes du Sahara occidental, et un cinquième camp, le 27 février (aujourd’hui appelé Bojador), établi pour abriter les institutions du gouvernement en exil. Chaque wilaya était divisée en plusieurs municipalités ou dairas, et chaque daira était divisée en quatre quartiers ou groupes de haimas (tentes). Cette division administrative perdure jusqu’à aujourd’hui. Les camps sont gérés par le Front Polisario et le gouvernement en exil. La République arabe sahraouie démocratique est un membre à part entière de l’Union africaine et a mis en place sa propre police et son armée, son système religieux et juridique, ainsi que d’autres infrastructures publiques. Par conséquent, l’une des particularités du cas sahraoui est qu’il s’agit d’un État en exil basé sur un camp.
    Le rôle des femmes dans les camps de réfugiés sahraouis
    Depuis l’établissement des camps, les femmes sahraouies ont joué des rôles de premier plan dans l’organisation civile et le maintien des camps. Cela a contribué à faire des Sahraouis en exil l’un des exemples les plus mis en évidence au niveau international de la capacité d’organisation des femmes réfugiées. Les femmes ont organisé et assumé des postes de direction dans les cinq comités de services de base présents dans chaque quartier : Éducation, Santé, Distribution et Alimentation, Production, et Justice et Affaires sociales. L’Union nationale des femmes sahraouies (Unión Nacional de Mujeres Sahrauis, UNMS), créée en 1974 comme élément fondamental de la structure du Mouvement de libération, a promu l’organisation des femmes pendant et après la guerre contre l’occupation marocaine. Elle cherche à organiser le soutien international à la cause sahraouie et promeut les droits des femmes et leur influence dans la prise de décision politique dans la RASD. Au cours des années 2000, l’UNMS a réussi à ouvrir les Maisons des femmes, une dans chaque wilaya ou camp. Ces Maisons sont utilisées comme des centres de rencontre et de formation pour les femmes avec l’objectif de renforcer leur participation sociale, politique et économique dans la société sahraouie. L’un des défis actuels de l’UNMS est de renforcer les liens avec les femmes organisées dans le territoire occupé. Cela pourrait aider à mieux articuler l’activisme des femmes sahraouies pour les droits de l’homme.
    L’autodétermination comme seule perspective
    Dans les camps sahraouis, la dépendance de l’aide étrangère est très élevée dans des secteurs aussi fondamentaux que la nourriture, l’eau, l’éducation et la santé. Comme les camps sont situés dans le désert, l’activité agricole est pratiquement impossible. Au fil des années, l’activité commerciale s’est développée, bien que sur une base informelle et sans poids suffisant pour garantir l’autosuffisance de la population[10]. Certaines familles survivent grâce aux envois de fonds et au soutien de leurs proches vivant à l’étranger. La pauvreté et la vulnérabilité pourraient être deux caractéristiques de la vie quotidienne dans les camps, au même titre que la conscience politique et la résistance collectives.
    La résolution du conflit du Sahara occidental est loin d’être une priorité dans l’agenda international et l’aide étrangère aux réfugiés sahraouis a été progressivement réduite, surtout au cours de la dernière décennie. En conséquence, le peuple sahraoui affronte presque seul les dures conditions de vie d’un refuge dans un désert. Deux générations de Sahraouis sont nées dans les camps et ne connaissent pas d’autre vie que celle de l’exil. L’aide humanitaire et les projets de développement contribuent à maintenir la vie dans un environnement où les réfugiés n’ont pas la possibilité de décider de leur vie.
    Depuis les années 1970, les camps de réfugiés sont apparus comme la meilleure solution temporaire pour gérer et administrer les migrations forcées, contrôler les populations réfugiées et fournir de l’aide. Cependant, la situation prolongée des réfugiés sahraouis montre que les camps de réfugiés peuvent également fonctionner comme une forme de « confinement politique » [11] qui, dans ce cas, retarde la solution la plus viable à ce conflit : l’autodétermination. Il est urgent d’aborder le conflit du Sahara Occidental non seulement comme un problème humanitaire mais aussi comme un problème politique et de droits de l’homme. L’occupation du Sahara Occidental par le Maroc, le mur militarisé construit dans le désert et le blocage du référendum d’autodétermination sont les principaux facteurs qui empêchent les réfugiés sahraouis de retourner dans leur pays, ce qui devrait être l’objectif directeur de toute politique d’aide.
    Références :
    Harrell-Bond, Barbara E. (1986). Imposing aid. Emergency Assistance to Refugees. Oxford : Oxford University Press.
    Hegoa & Aranzadi (2014). Voces del desierto. La resistencia frente al olvido. Bilbao : Institut Hegoa & Sociedad de Ciencias Aranzadi. Université du Pays basque. http://publicaciones.hegoa.ehu.es/publications/317 (Zugriff : 21.12.2020).
    Martin Beristain, Carlos & González Hidalgo, Eloísa (2013). L’oasis de la mémoire. Mémoire historique et violations des droits de l’homme au Sahara occidental. Vols. I et II. Bilbao : Hegoa-Institut d’études sur le développement et la coopération internationale. Université du Pays basque. Le résumé exécutif peut être consulté en anglais à l’adresse suivante : http://publicaciones.hegoa.ehu.es/uploads/pdfs/368/Summary_Oasis.pdf?1525689961 (Zugriff : 21.12.2020).
    Mendia Azkue, Irantzu & Guzmán Orellana, Gloria (2016). En terre occupée. Mémoire et résistances des femmes au Sahara occidental. Bilbao : Hegoa-Institut d’études sur le développement et la coopération internationale. Université du Pays basque. http://publicaciones.hegoa.ehu.es/publications/348 (Zugriff : 21.12.2020).
    Notes d’introduction
    1.Les Nations Unies ont inclus le Sahara Occidental dans la liste des territoires non autonomes en 1963. Voir : https://www.un.org/dppa/decolonization/en/nsgt.
    2.Connu comme la « Marche Noire » par le peuple Sahraoui.
    3.Pour des détails sur les violations des droits de l’homme commises par le Maroc au Sahara Occidental depuis 1975, voir Martin Beristain & González Hidalgo (2013). Pour des informations sur les violations des droits de l’homme visant spécifiquement les femmes sahraouies dans les territoires occupés, voir Mendia Azkue& Guzmán Orellana (2016).
    4.Le 13 novembre 2020, le cessez-le-feu a été rompu dans la zone sud de Guergerat. Les civils sahraouis y manifestaient depuis le 21 octobre. Le Maroc a envoyé ses forces militaires pour disperser les manifestations et le Front Polisario a ouvert le feu contre les positions militaires marocaines.
    5.Depuis 2006, l’Union européenne a signé avec le Maroc des accords successifs de commerce et de pêche qui englobent le territoire du Sahara occidental. En 2018, la Cour de justice de l’Union européenne a jugé que ces accords ne pouvaient pas être appliqués au Sahara occidental, car le territoire n’appartient pas au Maroc. Cependant, le Parlement européen a de nouveau approuvé en 2019 un nouvel accord de commerce et de pêche avec le Maroc qui inclut les eaux du Sahara occidental.
    6.Hegoa & Aranzadi (2014).
    7.La Division des statistiques des Nations unies estime que la population au Sahara occidental en 2019 est de 582 000 personnes. Voir : http://data.un.org.However, elle ne propose pas de données sur la population sahraouie.
    8.Hegoa & Aranzadi (2014).
    9.Voir le communiqué de presse d’Oxfam International, 2020 : https://allafrica.com/stories/202010300810.html (consulté le 3-11-2020).
    10.Exemples d’activités commerciales dans les camps de réfugiés : épiceries, magasins de vêtements, magasins de tapis et de couvertures, magasins d’ameublement, coiffeurs, ateliers de réparation de voitures, vente d’objets artisanaux, points d’approvisionnement en carburant ou commerce d’animaux comme les chèvres et les chameaux.
    11.Harrell-Bond (1986).
    Etiquettes : Sahara Occidental, Maroc, ONU, MINURSO, 
  • La longue ombre du colonialisme – Escalade au Sahara occidental

    Dans la première partie de cet article, notre auteur Jakob Reimann décrit le conflit au Sahara occidental occupé par le Maroc. L’auteur replace la situation actuelle dans son contexte historique pour expliquer la résurgence du conflit en novembre 2020 après 29 ans de cessez-le-feu. Ce faisant, il cite Nadjat Hamdi, le représentant du mouvement de libération socialiste Frente Polisario en Allemagne qu’il a interviewé. La partie 2 analyse ensuite le rôle de l’UE et des entreprises allemandes dans le conflit du Sahara Occidental. (Editorial)

    À la mi-novembre, le conflit entre l’armée marocaine et le mouvement de libération socialiste Front Polisario dans le Sahara occidental occupé par le Maroc a repris pour la première fois après 29 ans de cessez-le-feu. Un référendum sur l’indépendance promis par l’ONU mais qui n’a jamais eu lieu, plus de 50 ans de misère et d’absence de perspectives dans les camps de réfugiés sahraouis en Algérie, et une UE néocoloniale qui exploite illégalement les trésors du Sahara occidental en complicité avec la puissance occupante marocaine – un mélange explosif qui pourrait transformer le conflit latent en guerre ouverte.
    Le Sahara occidental est un État non reconnu du nord-ouest de l’Afrique. Avec un peu moins de 600 000 habitants, cet État désertique de la taille de la Nouvelle-Zélande est l’un des endroits les moins peuplés du monde. Le Maroc a occupé le Sahara occidental en 1975. Sur la liste de l’ONU des 17 dernières colonies du monde, le Sahara occidental est de loin la plus grande et la plus peuplée. C’est la dernière colonie d’Afrique. Le Maroc occupe toujours les deux tiers de l’ouest du pays où vivent quelque 95 % de la population – dont une grande partie sont des Marocains réinstallés, en violation des conventions de Genève, dont l’article 49 interdit à une puissance occupante de réinstaller « des parties de sa propre population civile dans le territoire qu’elle occupe ». Le mouvement de libération socialiste Front Polisario contrôle le tiers presque inhabité à l’est depuis les camps de réfugiés de Tinduf, en Algérie. Pour comprendre l’embrasement actuel du conflit du Sahara occidental, il est d’abord nécessaire de jeter un coup d’œil à l’histoire.
    Le jouet des impérialistes
    Avec le début des campagnes de conquête au 15e siècle, les conquistadors de l’empire espagnol ont jeté leur dévolu sur le Sahara occidental, situé à proximité, à partir des îles Canaries conquises, qui devaient plus tard servir de plaque tournante pour le commerce d’esclaves outre-mer. Au XVIIIe siècle, l’intérêt des Espagnols s’est ensuite déplacé principalement vers l’exploitation des riches zones de pêche au large de la côte sahraouie. À la fin du XIXe siècle, lorsque l’impérialisme européen s’est partagé l’ensemble du continent africain – à l’exception de l’Éthiopie et du Liberia – la Couronne espagnole a pu annexer deux zones au nord et au sud du Maroc ainsi que l’ensemble du Sahara occidental lors de la conférence de Berlin (« conférence du Congo ») en 1884/85. Dès le début, les colonialistes ont rencontré une résistance farouche de la part des tribus indigènes sahraouies. Une multitude de soulèvements s’ensuivent, qui sont tous réprimés dans le sang par l’Espagne, en partie en collaboration avec la France. En 1924, le Sahara occidental est devenu officiellement la colonie du Sahara espagnol, qui a été à son tour uni à la petite colonie d’Ifni, située au Maroc, pour former l’Afrique occidentale espagnole en 1946.
    Après des siècles d’occupation et d’influence européennes et partiellement ottomanes, le Maroc a été officiellement divisé en un protectorat français et un protectorat espagnol bipartite en 1912. En 1956, en raison de la tendance croissante à la décolonisation dans le monde, les deux puissances ont été contraintes de « libérer » le Maroc de son indépendance, tandis que le Sahara occidental restait sous occupation espagnole. En 1973, d’anciens étudiants pour la plupart ont fondé le Front Polisario socialiste, un mouvement populaire qui a toujours cherché à obtenir l’indépendance du Sahara occidental. À la fin de l’année 1975, le roi du Maroc Hassan II a organisé la Marche verte, à laquelle 350 000 personnes – suivies et en partie déjà infiltrées par des militaires marocains – ont pénétré pacifiquement dans les zones septentrionales du Sahara occidental et, peu après la mort du dictateur Franco, ont finalement chassé les troupes espagnoles du Sahara occidental : Le retrait du « Sahara espagnol » peut donc être considéré comme le dernier clou du cercueil de l’empire espagnol, vieux de 500 ans.
    Les Sahraouis, quant à eux, ont été chassés d’une occupation à l’autre. Après des accords antérieurs entre Madrid, Rabat et Nouakchott, les deux tiers nord du Sahara occidental ont été occupés par le Maroc et le tiers sud par la Mauritanie en vertu de l’accord de Madrid avant même le retrait des Espagnols. Soutenu par l’Algérie, le mouvement de libération sahraoui, le Front Polisario, lance une guérilla contre les deux puissances occupantes et proclame la République arabe sahraouie démocratique (RASD) en 1976. Le DARS a été officiellement reconnu par 86 pays, aujourd’hui il y a encore 36 états – parmi eux pas un seul pays du Nord Global, mais en plus de l’Algérie d’autres poids lourds africains comme l’Ethiopie, le Nigeria et l’Afrique du Sud, ainsi que des états qui ont tendance à être en aversion de l’impérialisme occidental, comme l’Iran, Cuba, le Mexique, la Corée du Nord, la Syrie et le Venezuela [1] L’Union Africaine (UA) reconnaît également le DARS à ce jour comme la seule représentation légitime du peuple du Sahara Occidental. En 1984, le DARS est devenu membre de l’UA, après quoi le Maroc a quitté l’organisation en signe de protestation et a été le seul pays du continent à ne pas être membre de l’organisation panafricaine pendant 33 ans, jusqu’à sa réintégration en 2017.
    Napalm et phosphore blanc – le vol vers l’Algérie
    En 1979, après trois ans de guerre, le gouvernement mauritanien a été contraint de se retirer du sud du Sahara occidental en raison de la résistance sahraouie et des attaques de guérilla du Polisario au cœur de la Mauritanie. Les parties libérées sont immédiatement réoccupées par le Maroc. La guerre du Polisario contre le Maroc occupant s’est prolongée jusqu’au cessez-le-feu négocié par l’ONU en 1991. Dans les années 1980, les militaires marocains ont successivement encerclé les territoires conquis au moyen d’un mur d’environ 2 700 kilomètres de long, le long duquel des postes de garde ou des bases militaires ont été installés à quelques kilomètres d’intervalle, ce qui en fait la plus longue zone minée en continu au monde. Les Sahraouis l’appellent le « Mur de la honte ». La barrière sépare les territoires occupés par le Maroc – les deux tiers de la superficie du Sahara occidental, où vivent environ 95 % des Sahraouis – des zones peu peuplées, voire non peuplées, sous le contrôle du gouvernement du DARS. Dans cette zone dite libre, 30 000 personnes seulement vivent sur un territoire grand comme le Portugal[2].
    À la suite de la guerre, les Sahraouis ont fui vers des camps de réfugiés dans l’est du Sahara occidental à partir de 1976. Lorsque l’armée de l’air marocaine a bombardé ces camps au napalm et au phosphore blanc dans le cadre d’opérations de nettoyage, la population a fui vers l’Algérie voisine. Les camps de la province de Tinduf abritent toujours les sièges du Front Polisario et du gouvernement en exil du DARS. Aujourd’hui, environ 174 000 Sahraouis vivent dans les camps algériens – la troisième génération grandit ici en tant que réfugiés dans les conditions les plus dures[3]. Dans le cadre du cessez-le-feu, la mission de l’ONU MINURSO a été mise en place il y a presque 30 ans, en avril 1991, pour organiser un référendum sur l’indépendance du Sahara occidental (plus tard également pour contrôler le cessez-le-feu et la démilitarisation du territoire). Le référendum est censé donner aux Sahraouis le choix entre l’intégration dans l’État marocain, l’autonomie ou l’indépendance, mais il n’a pas eu lieu à ce jour parce que le Maroc construit des conflits autour de sa mise en œuvre, l’empêchant ainsi en permanence.
    La combustion spontanée comme ultime protestation
    À l’extrémité sud-ouest du Sahara occidental occupé par le Maroc se trouve le village de Guerguerat, qui se trouve à cinq kilomètres de l’océan Atlantique et à onze de la Mauritanie et qui revêt une grande importance stratégique. Pour le Maroc, c’est le seul transit vers la Mauritanie : « Le Maroc veut maintenant s’orienter davantage vers l’Afrique de l’Ouest pour y vendre ses marchandises, et a donc ouvert le mur de séparation à Guerguerat et construit une route commerciale », explique Nadjat Hamdi, le représentant du Front Polisario en Allemagne, dans une interview accordée à Grassroots Revolution (GWR)[4]. Cette route, déjà planifiée depuis le début des années 2000, doit être développée pour devenir l’artère commerciale marocaine vers l’Afrique subsaharienne. En 2019, le chiffre d’affaires des marchandises passant par Guerguerat a déjà triplé par rapport à l’année précédente. Pour le Polisario, ce talon d’Achille stratégique du Maroc – le blocage de la traversée, en d’autres termes – est à son tour l’un des rares moyens de pouvoir exercer une pression sur Rabat. Le mur de séparation du Maroc délimite une bande de quelques kilomètres de large le long de la frontière mauritanienne, qui fait office de zone tampon dans laquelle toute présence militaire est interdite en vertu de l’accord de paix de 1991, tout comme en vertu de l’accord militaire n° 1 de 1997/98. Mais en août 2016, les forces de sécurité marocaines sont entrées dans la zone démilitarisée pour surveiller la construction de la route, rompant ainsi les deux accords. Le Polisario est alors intervenu pour arrêter les militaires marocains[5].
    Pour protester contre cette violation de l’accord par le Maroc, la route commerciale a été bloquée à plusieurs reprises depuis 2017 par des civils sahraouis, qui sont autorisés à accéder à la zone tampon en vertu du droit international. La police marocaine a répondu aux manifestants, parfois par la violence et les enlèvements, tandis que l’ONU a toujours laissé le Maroc libre de réprimer les Sahraouis. Du côté de l’ONU et de son envoyé spécial, l’ancien directeur du FMI et président allemand Horst Köhler, qui a occupé le poste d’août 2017 à mai 2019, aucune objection à cette violation du droit international par le Maroc n’était audible. Le 27 janvier 2019, Ahmed Salem Ould Ahmed Lemgheimadh, commerçant sahraoui de 24 ans, a bloqué la circulation des marchandises près de Guerguerat et s’est immolé par le feu pour protester contre l’arbitraire de la police et l’occupation marocaine. Trois jours plus tard, le jeune Sahraui a succombé à ses blessures[6].
    30 ans de non-violence, non concluants
    Fin septembre 2020, des dizaines de civils non armés des camps algériens ont fait le voyage de 1 500 kilomètres vers Guerguerat le long du mur de séparation miné, s’installant initialement dans la zone tampon près de Guerguerat à partir de la mi-octobre. En parallèle, les Sahraouis ont organisé des sit-in et des manifestations initiales devant la barrière, à la vue des militaires marocains et des troupes de la MINURSO. À partir de la fin octobre, une soixantaine de militants ont occupé l’importante route commerciale vers la Mauritanie pendant plus de trois semaines, avec pour résultat d’empêcher quelque 200 camions marocains, principalement chargés de nourriture, de poursuivre leur route vers le nord par la Mauritanie [7]. « Il y avait surtout des femmes et des jeunes hommes. Il n’y avait pas de militaires sahraouis là-bas. Il s’agissait de civils provenant des camps de réfugiés et des zones libérées », a déclaré à GWR Nadjat Hamdi, représentant du Polisario. Cependant, début novembre, les troupes marocaines se sont positionnées dans la zone d’accès restreint et ont fini par pénétrer dans la zone tampon le 13 novembre, à nouveau en violation du droit international et sous les yeux des unités de la MINURSO. Le blocus devait être levé et la libre circulation des marchandises rétablie.
    Les troupes marocaines ont mené « une attaque brutale contre des civils sahraouis non armés qui manifestaient pacifiquement à Guerguerat », selon une lettre du président sahraoui Brahim Ghali au secrétaire général des Nations unies António Guterres. Les troupes du Polisario sont intervenues pour mettre les militants en sécurité, affrontant les forces de sécurité marocaines ; le ministre sahraoui des Affaires étrangères, Mohamed Salem Ould Salek, a qualifié cette intervention de « légitime défense »[9]. Hamdi poursuit : « Ils n’ont pas seulement déplacé les civils, mais ont également occupé une nouvelle partie du pays et étendu le mur marocain. Et ils n’ont pu faire ça que parce qu’ils savent que l’ONU ne ferait rien. » Elli Lorz, un photojournaliste actif au Sahara occidental, a également signalé l’extension du mur et l’exploitation minière immédiate de la zone environnante, ce qui signifie que l’accès sahraoui à l’océan Atlantique est maintenant essentiellement coupé complètement[10]. Un jour plus tard, le Polisario a déclaré la guerre au Royaume du Maroc le 14 novembre, mettant fin au cessez-le-feu après 29 ans. Dans les jours qui ont suivi, le Polisario a déclaré avoir attaqué les positions marocaines à plusieurs endroits le long de la barrière de 2700 kilomètres, et avoir riposté.[11] Il n’y a aucune information officielle sur les personnes tuées ou blessées. Nadjat Hamdi a confirmé à GWR les attaques du Polisario à travers le mur de séparation, déclarant qu’il n’y avait pas de victimes du côté sahraoui lors de la récente vague de violence. Il a ajouté que les combats n’étaient pas terminés mais se poursuivaient, « ils vont s’intensifier. […] J’en suis sûr, ce n’est que le début. »
    Dans l’interview, Nadjat Hamdi décrit comment, il y a 30 ans, le Front Polisario a délibérément choisi la non-violence afin de mener à bien la lutte de libération sahraouie par des moyens pacifiques. Par exemple, le Polisario a choisi la voie du droit et a poursuivi avec succès l’UE, affirmant que son accord de libre-échange avec le Maroc ne devait pas inclure les territoires sahraouis occupés[12]. Mais qu’est-ce que Siemens, Continental ou HeidelbergCement ont à faire d’un arrêt de la Cour de justice européenne ? L’UE, et surtout les entreprises allemandes, continuent d’exploiter illégalement les matières premières du Sahara occidental, les zones de pêche, le phosphate, les minerais, les pastèques, le sable, le vent ou les tomates. « Tout le monde se comporte comme des voleurs », accuse Nadjat Hamdi. Le Polisario a dû douloureusement se rendre compte que le droit européen n’est pas en mesure d’établir la justice, mais que l’UE, en tant qu’acteur néocolonial, ne sert que les intérêts des sociétés européennes. Trente ans de lutte non-violente ont échoué. Nadjat Hamdi :
    « Attendre patiemment pendant 30 ans signifie beaucoup. C’est toute une génération qui a grandi dans des camps de réfugiés dans des conditions difficiles. Trente ans d’exploitation, trente ans de fuite, trente ans de misère. Nous avons bien sûr continué à nous battre, par d’autres moyens, politiquement, diplomatiquement, juridiquement, mais pas militairement. Mais tout cela n’a servi à rien. Et maintenant, nous utiliserons également la lutte armée comme un moyen légitime pour défendre et libérer notre pays. Nous ne glorifions pas la guerre, car nous l’avons vécue et nous savons ce qu’elle signifie. Nous ne voulons pas la guerre, et pourtant, pour la deuxième fois, on nous y force. »
    La deuxième partie de cet article analyse le rôle de l’UE et des entreprises allemandes dans le conflit du Sahara occidental.
    Cet article de notre auteur Jakob Reimann a été publié dans le numéro de février du mensuel Graswurzelrevolution.
    Die Freiheitsliebe, 29 mars 2021
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  • Sahara Occidental : « Le Maroc cache ses pertes militaires » (Bachir Mustapha sayed)

    LE RESPONSABLE SAHRAOUI, BACHIR MUSTAPHA SAYED : « Le Maroc cache ses pertes militaires »

    Suite à sa rencontre mercredi dernier, avec le président de la République mauritanienne, Mohamed Ould Cheïkh Al-Ghazwani, lequel a été destinataire d’une lettre de son homologue, de la république arabe Sahraouie démocratique, Brahim Ghali, le membre du secrétariat national du Front Polisario, Bachir Mustapha Sayed, a indiqué, dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux, que le président mauritanien est au courant de tout ce qui a trait à la situation et à ses développements, dans la région d’EL-Guerguerat, et de la réalité de la répression marocaine, dans les territoires sahraouis occupés. 
    Depuis le 13 novembre dernier, suite à l’agression militaire marocaine, contre des civils sahraouis, à El-Guerguerat, en violation du cessez-le-feu onusien conclu entre le Front Polisario et le Maroc, l’Armée de libération du peuple sahraoui a riposté et depuis la guerre a repris au Sahara occidental, territoire soumis à un processus de décolonisation à l’ONU, auquel s’opposent le Maroc et ses soutiens, dont la France, faisant perdurer ainsi le dernier, système colonial en Afrique. 
    Poursuivant son intervention dans la vidéo précitée, le ministre-conseiller en charge des affaires politiques à la présidence sahraouie, a affirmé que Rabat persiste à vouloir résoudre le conflit qui l’oppose au Front Polisario, par la force des armes et le fait accompli, en torpillant toute solution basée sur le droit international, lequel consacre le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination.
    Poursuivant, le membre du secrétariat national du Front Polisario est revenu sur le black-out médiatique marocain sur la guerre de libération que mène contre lui l’Armée de libération du peuple sahraoui (ALPS), depuis le 13 novembre dernier , ciblant les positions militaires du royaume chérifien, stationnées tout au long du mur de la honte séparant les territoires du Sahara occidental, affirmant que Rabat persiste « à cacher ses pertes ». Après avoir des années durant, depuis la date du cessez-le-feu sous les auspices des Nations unies, et la création de la mission de l’ONU pour l’organisation du référendum au Sahara occidental (Minurso), la partie marocaine, souligne le responsable sahraoui, « œuvre à perturber et torpiller la voie de la solution par le référendum » jusqu’ à violer, a-t-il déclaré « le cessez-le-feu, novembre dernier, à El-Guerguerat ». 
    Rapportant l’audience qui lui a été accordée par le président mauritanien, Ould Cheïkh Al-Ghazwani, l’agence de presse mauritanienne a indiqué que, le responsable sahraoui, Bachir Mustapha Sayed, « a remis la lettre du président sahraoui Brahim Ghali » au chef de l’État de la Mauritanie, message portant sur « l’évolution de la question sahraouie et des relations bilatérales » entre les deux pays voisins, la Mauritanie et le Sahara occidental.
    Karima B.
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  • Le conflit du Sahara occidental et l'ONU

    Comment le conflit a-t-il surgi ? – Lignes de conflit et acteurs impliqués – Le rôle de la communauté internationale : Selon la population locale, « la dernière colonie d’Afrique », selon le Maroc, une partie de son territoire national : La souveraineté sur le Sahara occidental n’a pas été résolue depuis le retrait de la puissance coloniale espagnole en 1975. Des récits totalement contradictoires sur la cause du conflit, ainsi que le désaccord de la communauté internationale, bloquent toute solution. Pendant ce temps, les réfugiés du conflit vivent dans des camps depuis 45 ans, tandis que les matières premières de la région sont exportées dans le monde entier au profit du Maroc.

    Comment le conflit a-t-il surgi ?
    Lorsque l’Espagne s’est retirée du Sahara occidental en tant que puissance coloniale en 1975, elle a transféré le contrôle administratif de la moitié nord au Maroc, et celui du sud à la Mauritanie, comme stipulé dans l’accord de Madrid. Les Sahraouis, la population locale représentée par leur mouvement indépendantiste Polisario (Frente Popular de Liberación de Saguía el Hamra y Río de Oro), n’ont pas été inclus dans les négociations. En 1976, ils ont déclaré la République arabe saharienne démocratique (RASD) comme un État indépendant sur l’ensemble du territoire contesté.
    La Mauritanie retire rapidement ses revendications territoriales, laissant le conflit de souveraineté au Maroc et au Polisario, qui s’engagent dans une guérilla indécise qui dure 15 ans sans vainqueur. En 1984, le Maroc construit un mur de sable de 2 700 km de long pour séparer les fronts, ce qui permet de contenir en grande partie les combats. Depuis lors, le tiers oriental du territoire est contrôlé par le Polisario, les deux tiers occidentaux par le Maroc.
    Dans le conflit contre le royaume, les Sahraouis ont pu se maintenir grâce au soutien de l’Algérie : Façonnée par sa propre expérience de la colonisation, elle soutient les mouvements d’indépendance dans le monde et donc la revendication sahraouie. En outre, elle est en concurrence avec le Maroc pour la démarcation des frontières et la suprématie régionale. L’Algérie ouvre sa frontière aux réfugiés civils sahraouis ainsi qu’aux unités militaires du Polisario, qui trouvent refuge au-delà. Le Maroc n’a aucun intérêt à entamer une confrontation militaire directe avec l’Algérie.
    En 1991, l’ONU a négocié un accord de cessez-le-feu entre le Maroc et le Polisario. Dans cet accord, les deux parties conviennent d’un référendum pour décider entre l’indépendance du Sahara Occidental et son affiliation au Maroc. Pour ce faire, la mission des Nations unies MINURSO (Mission des Nations unies pour le référendum au Sahara occidental) est fondée. Mais les deux parties ne parviennent pas à se mettre d’accord : Les Sahraouis demandent que l’ethnicité soit déterminante pour le droit de vote et donc que seuls ceux qui ont vécu dans la région jusqu’à la fin de la période coloniale espagnole en 1975, ainsi que leurs descendants, soient autorisés à voter. Le Royaume du Maroc, quant à lui, insiste sur l’appartenance territoriale comme facteur décisif, c’est-à-dire que toutes les personnes vivant aujourd’hui sur le territoire doivent être incluses. Il y a maintenant environ 100.000 migrants du territoire marocain qui vivent au Sahara Occidental. Cette différence de voix serait significative pour l’issue du référendum.
    Ce désaccord fondamental n’a pu être surmonté malgré de nombreux cycles de négociations, et le conflit n’a donc pas abouti. L’accord de cessez-le-feu de 1991 est resté en vigueur et le conflit a été de plus en plus oublié – jusqu’en novembre 2020, lorsque Brahim Ghali, le chef du Polisario, a déclaré l’accord invalide, rejetant la faute sur le Maroc, et que de nouveaux affrontements militaires ont commencé.
    La majorité de la population civile sahraouie vit depuis 1975 dans des camps de réfugiés dans le sud-ouest de l’Algérie, près de la ville de Tindouf. Les camps, qui dépendent entièrement de l’aide humanitaire, comptent une population de 170 000 personnes, selon les estimations du HCR. Ici, le Polisario organise la vie politique comme une « république en exil » : il s’est doté d’un parlement, d’une constitution et de représentations internationales. La jeune génération, en particulier, ne voit aucune perspective d’avenir et est de plus en plus frustrée par l’impasse dans laquelle se trouve le conflit. La reprise des armes en 2020 n’est donc pas une surprise.
    Lignes de conflit et acteurs impliqués
    Les récits des deux parties sur le conflit sont irréconciliables, ce qui rend la conversation sur le sujet presque impossible. Le Maroc argumente pour protéger son propre territoire et sa population – y compris les Sahraouis. Les Sahraouis, quant à eux, se considèrent comme « la dernière colonie d’Afrique » et parlent de « décolonisation inachevée » car leur territoire est occupé par le Maroc. L’ONU classe le Sahara Occidental comme un « territoire sans gouvernement autonome ».
    Outre le nationalisme, des intérêts économiques sont également en jeu : Les territoires du Maroc et du Sahara occidental ont un quasi-monopole sur les gisements de phosphate dans le monde, une matière première nécessaire pour fabriquer des engrais et donc centrale pour la production alimentaire moderne. 70 % d’entre elles se trouvent dans les territoires du Sahara occidental contrôlés par le Maroc. Enfin, de riches zones de pêche se trouvent au large de la côte, dont l’UE, entre autres, importe par le biais d’accords commerciaux avec le Maroc. En outre, des gisements de pétrole et de gaz sont soupçonnés dans les eaux appartenant au Sahara occidental, qui n’ont pas encore été explorés. La résolution 1803 de l’ONU de 1962 accorde aux peuples le droit « de disposer des ressources naturelles de leur territoire et de les utiliser pour leur développement et leur bien-être ». Sur cette base, les Sahraouis soutiennent que les matières premières du pays ne peuvent être siphonnées sans leur consentement. Le Maroc rétorque que les bénéfices réalisés seraient investis dans le bien-être de la population locale. Cependant, les investissements sont réalisés dans la partie du Sahara occidental contrôlée par le Maroc, où les Sahraouis ne représentent qu’entre 10 et 30 % de la population.
    Les deux parties s’accusent mutuellement de violations des droits de l’homme : Le Maroc affirme que l’Algérie opprime et maltraite les Sahraouis vivant dans les camps autour de Tindouf. Si les conditions de vie y sont incontestablement difficiles, cette accusation ne bénéficie d’aucun soutien international. D’autre part, avec l’aide de la documentation d’Amnesty International et Human Rights Watch, les Sahraouis rapportent être limités dans leurs droits civils et politiques. L’activisme critique contre la famille royale marocaine est considéré comme illégal, de même que tout ce qui peut être lié à l’indépendance du Sahara occidental. Les violations sont sanctionnées par des intimidations, des arrestations, des tortures, des disparitions forcées et des tirs sur les manifestants.
    La MINURSO est accusée à plusieurs reprises de son inaction face à la brutalité marocaine contre les manifestants et les activistes. Cependant, ses mains sont liées : Il s’agit de la seule mission de l’ONU dans le monde sans mandat de surveillance des droits de l’homme. Les États-Unis et la France, dans l’intérêt du Maroc, s’y opposent au sein du Conseil de sécurité des Nations unies.
    Le rôle de la communauté internationale
    Au sein de l’ONU, il n’y a pas d’accord sur le statut du Sahara Occidental : 84 états dans le monde reconnaissent l’indépendance du DARS. Ce dernier est membre à part entière de l’Union africaine – dont le Maroc s’est temporairement retiré en signe de protestation – depuis 1981. En décembre 2020, l’administration américaine de Donald Trump est devenue la première à reconnaître officiellement la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental.
    La confiance du Polisario dans le processus de paix international n’a cessé de diminuer au cours des 30 dernières années d’impasse. Sous la direction du dernier envoyé spécial de l’ONU au Sahara occidental, l’ancien président allemand Horst Köhler, des pourparlers ont eu lieu en 2018-2019 sur un accord d’autonomie présenté par le Maroc et rejeté par le Polisario. Depuis que Köhler a démissionné de son poste en mai 2019 pour des raisons de santé, le poste est resté vacant. Ainsi, le processus politique a été complètement paralysé. Depuis que le cessez-le-feu a été rompu en 2020, l’ONU n’a pas été en mesure de le rétablir. Pendant ce temps, des voix internationales demandent qu’il est temps pour l’ONU de changer d’orientation : l’accord de 1991 ne doit plus être l’objectif. De nouvelles approches devraient être introduites par la communauté internationale. (Société allemande pour les Nations unies)
    Africa Live, 27 mars 2021