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  • Sahara occidental: «le Maroc est poussé dans ses derniers retranchements»

    Alors que la communauté internationale est de plus en plus indignée face au conflit qui sévit au Sahara occidental, l’ONU tarde à agir. Son Conseil de sécurité entretien le statut-quo et la Minurso, dont la mission est d’organiser un référendum d’autodétermination, ne parvient toujours pas à accomplir sa tâche conformément au droit international. Devant cette situation, l’Union africaine (UA) «doit imposer la solution à la société internationale», déclare Abdelkader Soufi, docteur et chercheur dans les questions stratégiques et sécuritaire.

    Dans une intervention sur les ondes de la radio Chaîne III, Soufi estime que «l’Union Africaine a la possibilité d’imposer la solution à la société internationale, particulièrement, ces derniers temps, où nous assistons à une mobilisation de la communauté internationale, des Organisations non gouvernementales (ONG)…».
    Pour le politologue, le rapport de force est en faveur du peuple sahraoui et «le Maroc est poussé vers ses derniers retranchements». Il note, à ce titre, que «beaucoup d’entités qui étaient pro-Maroc ont changé de camp», notamment, depuis la deuxième guerre qui a démontré la réalité du terrain.
    Pour rappel, un groupe de plus de 270 organisations avait alerté, mardi dernier, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’Homme (HCDH) sur les violations marocaines des droits humains au Sahara occidental, l’appelant à soumettre rapidement une proposition de programme de coopération technique et de renforcement des capacités au représentant légitime du peuple sahraoui, le Front Polisario dès que possible.
    Echourouk Online, 27 mars 2021
    Tags : Sahara Occidental, Maroc, Union Africaine, ONU, MINURSO,
  • Offensive diplomatique marocaine contre l’Allemagne

    En ouvrant une crise avec l’Allemagne, la diplomatie marocaine vise le principal pays de l’Union européenne. Un partenaire économique important, mais qui refuse de se plier à la vision de Rabat concernant le conflit du Sahara occidental.

    Khadija Mohsen Finan, Aboubakr Jamai

    Le 2 mars, Nasser Bourita, le ministre marocain des affaires étrangères a adressé un communiqué au chef du gouvernement, mentionnant que du fait de « malentendus profonds avec la République fédérale d’Allemagne, les départements ministériels, et les organismes relevant de leurs tutelles doivent suspendre tout contact, interaction ou action de coopération ». Cette position inhabituelle reflète l’ampleur des différends qui se sont accumulés au cours des années entre les deux pays, et d’abord autour de la question du Sahara occidental.

    Dans son rapport de mars 2021 [Réengager des efforts internationaux au Sahara occidental, Briefing no. 2, 11 mars 2021.]] consacré au conflit du Sahara occidental, International Crisis Group révèle que le Maroc a émis des conditions à la nomination de l’envoyé spécial du secrétaire général des Nations unies en remplacement de Horst Köhler qui avait démissionné en mai 2019. Réalisant au cours du mandat de l’ancien président allemand qu’il était difficile de « contrer Berlin », Rabat ne voulait plus d’un émissaire allemand. L’intransigeance de Berlin avait déjà fait grincer les dents des diplomates marocains. Elle allait bientôt les exaspérer un peu plus : l’Allemagne a refusé d’emboiter le pas aux États-Unis sur le dossier du Sahara après l’annonce du président américain Donald Trump, le 11 décembre 2020, de la reconnaissance de la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental.

    Quelques jours plus tard, les Allemands réaffirmaient leur détermination « à parvenir à une solution juste, durable et mutuellement acceptable sous la médiation des Nations unies », avant de demander, une semaine plus tard, une réunion d’urgence du conseil de sécurité de l’ONU pour discuter de ce dossier. Le communiqué1 du représentant allemand à l’ONU Christoph Heusgen à l’issue de cette réunion d’urgence réaffirme la centralité du processus onusien et se démarque de l’initiative américaine. Il va même plus loin en faisant endosser au Maroc l’échec du processus référendaire mis en place par l’ONU au début des années 1990, quand il affirme que « 10 000 colons ont été transférés par le Maroc dans la région qu’il occupait ». Pour Berlin, les transferts de Marocains vers le Sahara occidental pour venir grossir le corps électoral sont à l’origine de l’enlisement du processus référendaire.

    L’Allemagne rend le Maroc responsable de l’échec de l’organisation d’un référendum, mais n’en continue pas moins d’entretenir une coopération très active avec le Maroc. Elle répète à l’envi que le Maroc est son meilleur allié dans la région, et qu’il s’agit d’un pays ami avec lequel elle ne manque pas de se montrer généreuse et solidaire. Pour preuve, le 2 décembre 2020 — soit 20 jours seulement avant la publication du communiqué précité —, Berlin débloquait une enveloppe de 1,387 milliard d’euros d’appui financier dont 202,6 millions d’euros sous forme de dons, et le reste sous forme de prêts bonifiés, en soutien aux réformes du système financier marocain et en aide à la lutte contre la Covid-19.

    AMBIGUÏTÉ AMÉRICAINE ET RÉTICENCE EUROPÉENNE

    Si la tension était déjà grande entre les deux pays à la fin 2020, pourquoi les autorités marocaines ont-elles attendu plus de deux mois pour réagir ? Était-ce un effet de la lettre ouverte qu’adressaient au président Joe Biden, le 17 février 2021, 27 sénateurs américains emmenés par le républicain James Inhofe et le démocrate Patrick Leahy pour l’inciter à revenir sur la décision de Donald Trump de reconnaître la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental ? « Nous vous exhortons respectueusement à revenir sur cette décision malheureuse et à réengager les États-Unis dans l’organisation d’un référendum d’autodétermination pour le peuple du Sahara occidental. »

    La réponse ambiguë du porte-parole du département d’État Ned Price, le 22 février, à une question sur le sujet révèle une possible prise de distance avec la position de l’équipe Trump. Après avoir exprimé l’appui et la satisfaction de l’administration Biden pour la normalisation des relations entre le Maroc et Israël, Ned Price s’est empressé d’ajouter que les États-Unis « soutiennent le processus onusien pour trouver une solution juste et durable au conflit ».

    L’échange montre que si l’administration Biden n’est pas revenue sur la décision de l’administration Trump sur le Sahara occidental, elle ne le proclame pas haut et fort pour autant. Et que pour les États-Unis, l’ONU et la Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (Minurso) restent des acteurs centraux dans le processus de résolution du conflit.

    Un mois plus tôt, le Maroc mesurait déjà les limites de l’effet d’entrainement de l’initiative Trump. Ce 15 janvier 2021, Il espérait capitaliser sur celle-ci et organisait conjointement avec l’administration américaine en fin de course une conférence virtuelle de soutien au plan d’autonomie. Le succès de l’événement dépendait du nombre de pays participants, et surtout de leur importance géostratégique. Le moins qu’on puisse dire est que la montagne a accouché d’une souris, puisque la France était le seul pays occidental à y prendre part. Et la participation africaine était également en deçà des attentes. Par sa politique économique offensive et son adhésion à l’Union africaine en 2017, le Maroc espérait gagner des pays à sa cause saharienne. Or l’Afrique du Sud, le Nigeria, l’Éthiopie et même le Kenya étaient absents de cette conférence.

    Concernant l’autonomie du Sahara, la diplomatie allemande tient un discours bien plus nuancé que les autres pays européens qui entretiennent de très bonnes relations avec le Maroc. Dans un entretien du 12 janvier 2021 diffusé sur YouTube2, l’ambassadeur d’Allemagne au Maroc Götz Schmidt-Bremme explique que le confit du Sahara « n’a que trop duré », et qu’une solution juridique est nécessaire pour que Berlin puisse encourager et soutenir les entreprises allemandes à investir dans le Sahara sans s’exposer à des plaintes déposées par le Front Polisario auprès de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). Le diplomate prend soin d’expliquer que le Front Polisario doit « obtenir quelque chose » et que la solution devrait être acceptée par les deux parties.

    Si Berlin considère que le plan d’autonomie proposé par Rabat constitue une solution « réaliste et pratique », le diplomate précise toutefois qu’elle ne satisfait pas pleinement son pays. Et c’est peut-être la conclusion de l’interview qui a cristallisé le mécontentement de Rabat. L’ambassadeur y qualifie en des termes peu diplomatiques les insuffisances de la politique de régionalisation. « Il y a des voix ici au Maroc, qui disent qu’avec la régionalisation avancée nous avons le modèle pour les régions du Sud. Ça ne marche pas. »

    Cet argument met le doigt sur la principale faiblesse de la proposition d’autonomie. Le Maroc ne veut pas seulement que la communauté internationale accepte le principe d’autonomie comme unique solution au conflit. Il insiste pour que son plan d’autonomie soit accepté sans discussion. Et c’est là que le bât blesse, car même si la diplomatie marocaine parvenait à faire accepter le principe d’autonomie à la communauté internationale, il lui sera difficile d’appliquer aux Sahraouis ses institutions autoritaires. Accepteraient-ils sans sourciller la multiplication des violations des droits humains, un appareil sécuritaire qui ne rend compte qu’au roi, et une justice rendue au nom du seul souverain et qui n’est en rien indépendante du pouvoir exécutif ? Certains parlent même d’une « benalisation » du régime.

    UNE DIPLOMATIE « SÉCURITAIRE » MISE À MAL

    C’est une affaire de violation des droits humains qui a contribué à la récente crise : l’affaire Mohamed Hajib. Arrêté par les autorités marocaines, ce militant islamiste maroco-allemand a été condamné en 2010 à sept ans de prison pour terrorisme. Libéré en 2017, il est retourné en Allemagne d’où sont diffusées sur YouTube des vidéos3 dans lesquelles il dénonce des violations des droits humains au Maroc. Sa présence en Allemagne fait craindre aux autorités marocaines une seconde affaire Zakaria Moumni, du nom de cet ancien champion de kick-boxing qui, en France, avait déposé plainte pour torture contre Abdelatif Hammouchi, le directeur de la Direction générale de la sécurité du territoire (DGST). L’affaire avait conduit un juge d’instruction français à convoquer Hammouchi, provoquant une immense colère des dirigeants marocains et une crise entre Paris et Rabat. Après une année d’arrêt de la coopération judiciaire entre les deux pays, la France finira par accéder à la signature d’un accord remettant en cause la compétence universelle des tribunaux français à l’égard du Maroc.

    Les craintes du Palais sont d’autant plus fondées que le dossier Mohamed Hajib pourrait être plus épineux encore. En effet, en alléguant que ses vidéos incitaient au terrorisme, la justice marocaine a demandé à Interpol, l’organisation policière intergouvernementale, d’émettre une « notice rouge » pour l’arrestation de Mohamed Hajib. La requête a été rejetée, Interpol s’appuyant sur l’avis du comité de l’ONU contre la torture de 2012. Pour le comité onusien, qui prend en compte les rapports du personnel consulaire allemand, les plaintes pour torture déposées par Hajib lors de sa détention au Maroc étaient crédibles.

    Plus grave encore : dans ses vidéos, Mohamed Hajib promet la prison aux responsables sécuritaires marocains et évoque des poursuites contre Abdelatif Hammouchi en Allemagne. Ces paroles pouvaient passer pour de la forfanterie, jusqu’à la condamnation le 24 février 2021 d’un ancien membre des services secrets syriens par la Haute Cour régionale de Coblence en Allemagne pour complicité de crime contre l’humanité. Cette condamnation souligne la volonté des tribunaux allemands de faire jouer la compétence universelle dans les cas de crimes contre l’humanité.

    Le Maroc redoute aussi que l’affaire porte atteinte à l’image de sa diplomatie « sécuritaire ». La presse favorable au régime ne cesse de mettre en avant la perspicacité des services de renseignement, dont les informations communiquées aux pays amis ont été d’une grande utilité. C’est donc la crédibilité même du renseignement marocain qui est en jeu, dans la mesure où cette presse est instrumentalisée par Rabat pour donner un caractère politique à certaines enquêtes. Le journaliste Ignacio Cembrero avait révélé dans son ouvrage La España de Ala comment les services de renseignement marocains signalaient comme terroristes islamistes des militants de la cause sahraouie.

    En donnant consigne à l’administration marocaine de bouder l’Allemagne et ses institutions présentes au Maroc, Nasser Bourita adopte une attitude conforme à la diplomatie de Mohamed VI. Une approche qui a porté ses fruits notamment avec la France et l’Espagne. Avec l’Allemagne, il est possible que le Maroc soit tombé sur un État qui refuse de considérer ce que le régime marocain appelle un « partenariat global », qui inclut la coopération économique et sécuritaire, et naturellement la reconnaissance de la marocanité du Sahara.

    Khadija Mohsen-Finan

    Politologue, enseignante (université de Paris 1) et chercheuse associée au laboratoire Sirice (Identités, relations internationales et civilisations de l’Europe). Dernière publication (avec Pierre Vermeren) : Dissidents du Maghreb (Belin, 2018). Membre de la rédaction d’Orient XXI.

    Aboubakr Jamai

    Journaliste marocain, directeur du programme des relations internationales à l’Institut américain universitaire (IAU College) d’Aix-en-Provence. Il a fondé et dirigé les hebdomadaires marocains Le Journal Hebdomadaire et Assahifa Al Ousbouiya.

    Orient XXI, 24 mars 2021

    Tags : Maroc, Allemagne, Sahara Occidental, Front Polisario, ONU, MINURSO, Union Européenne,

  • Guerre des « Fake News » entre l’Algérie et le Maroc

    Pedro Canales

    Les gouvernements algérien et marocain se livrent depuis quelque temps à une guerre des mots féroce, avec de fausses nouvelles, de faux arguments et des déformations flagrantes de la réalité des uns et des autres. C’est une bataille de « Fake News », à travers tous les médias possibles, audiovisuels, écrits et, surtout, à travers l’Internet sur les réseaux sociaux.

    Les ministères de la propagande correspondants, dans le plus pur style de Joseph Goebbels, n’existent pas en tant que tels, mais leurs bureaux sont logés dans les services secrets, dans les ministères de l’intérieur et dans une série de comités d’information audiovisuels. Dans les deux pays, il existe, outre les journalistes accros à la propagande officielle, de nombreux hackers et cellules opérant sur les principaux portails des réseaux sociaux, Youtube, Instagram, Twitter, Facebook, dédiés à la production de fausses nouvelles, d’audios manipulés, de vidéos aux dialogues inexistants.

    Par exemple, une vidéo du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu parlant à des journalistes dans un avion circule sur les réseaux. Ils lui attribuent des déclarations telles que celle selon laquelle l’Algérie a demandé 22 millions de vaccins israéliens que Tel Aviv a acceptés, et que, dans le cas hypothétique d’une confrontation militaire entre l’Algérie et Israël, l’armée algérienne – Netanyahu dixit – ne tiendrait pas plus de dix heures. Il s’agit d’intentions totalement fausses visant à humilier le rival maghrébin du Maroc et à créer la confusion au sein de l’opinion publique algérienne, qui est immergée dans les protestations populaires du Hirak, réclamant un changement de régime et l’instauration d’un État de droit avec des libertés démocratiques. Le président Abdelmadjid Tebboune va jusqu’à affirmer que 97 % des fausses nouvelles sur l’Algérie proviennent de sources marocaines et israéliennes.

    D’autres vidéos dont l’origine est plus confuse circulent impliquant l’Espagne. « Les îles Canaries appartiennent au Maroc », dit l’un d’eux. « Nous allons égorger tous les Espagnols qui ne font pas l’éloge de Mahomet », dit un autre. Des déclarations qui cherchent à créer des tares entre Rabat et Madrid au moment où un saut qualitatif dans les relations bilatérales se dessine dans la perspective de la prochaine RAN (Réunion de Haut Niveau) entre l’Espagne et le Maroc, avec la possible rencontre entre le président Pedro Sanchez et le roi Mohammed VI, reportée déjà deux fois.

    Le Front Polisario joue également le jeu des fake news, allant jusqu’à montrer, par exemple, un prétendu drone militaire marocain abattu par sa défense anti-aérienne sur le territoire du Sahara, alors qu’il s’agit d’un engin militaire turc abattu à la frontière entre la Turquie et la Syrie. Sans parler des rapports militaires quotidiens émis par le Polisario sur des attaques présumées contre des garnisons et des unités militaires marocaines, jamais vérifiés ni par la MINURSO ni par des sources journalistiques internationales.

    Au cours de ses 30 années d’existence, la MINURSO a rapporté des milliers de violations du cessez-le-feu entre l’armée marocaine et les milices du Polisario, dont certaines majeures, de mouvements de troupes, de stockage de matériel, de fusillades et d’affrontements armés. La MINURSO compte 235 militaires répartis sur l’ensemble du territoire du Sahara, avec deux installations importantes à Tindouf et El Ayoun. La mission de l’ONU n’a signalé aucun des affrontements rapportés dans les rapports de guerre du Polisario.

    Contrairement à ce que l’on pourrait croire, cette guerre des « Fake News » entre Rabat et Alger, loin de renforcer leur diplomatie, l’affaiblit. En fabriquant autant de fausses nouvelles, certains fonctionnaires finissent par y croire. L’échec de la diplomatie algérienne au Sahel, une région dans laquelle l’Algérie perd de son influence, et en Libye, où le régime n’a pas prévu l’évolution de la situation dans le pays de Kadhafi, montrent une diplomatie qui s’essouffle.

    On pourrait en dire autant du Maroc, où la diplomatie a subi un sérieux revers avec l’issue inattendue de la réunion du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine, qui s’est soldée par une déclaration relativement favorable au Front Polisario dans sa confrontation avec le Royaume du Maroc sur la souveraineté de l’ancienne colonie espagnole du Sahara occidental. Le Conseil demande une « cessation des hostilités » et la création de conditions propices à des « négociations directes entre la République sahraouie (RASD) et le Royaume du Maroc ». Bien que les discussions au sein du CPS n’aient aucun caractère juridique ou résolutoire, et ne changent pas le fait que le seul cadre de discussion sur le conflit du Sahara soit les Nations Unies, la diplomatie marocaine a subi un revers, parce que jusqu’à un jour avant la réunion, elle a présenté le pays promoteur, le Kenya, comme un « ami loyal » et la réunion comme insignifiante, et le lendemain, le Kenya devient inamical et instigateur de la désunion africaine, ce pour quoi Rabat déplore « l’attitude irresponsable et rusée du Kenya et de ses alliés ».

    Cette guerre atypique dans le cyberespace entre les deux voisins du Maghreb est déjà en cours. La seule chose positive est que tant qu’il s’agit d’une guerre des mots, on n’en viendra pas à une guerre des armes.

    Atalayar, 23 mars 2021

    Tags : Maroc, Algérie, Sahara Occidental, Israël, fake news, MINURSO, guerre médiatique, Giuig, Laaroda, El Arja,

  • Rapport du thikn tank International Crisis Group sur le Sahara Occidental

    Réengager des efforts internationaux au Sahara occidental
    Après un cessez-le-feu de 30 ans entre le Maroc et le Front Polisario indépendantiste, des affrontements ont éclaté au Sahara occidental. Sans une aide internationale, les combats pourraient s’intensifier. L’ONU devrait nommer un envoyé spécial, et les Etats-Unis devraient prendre la tête des efforts internationaux de diplomatie.

    Que se passe-t-il ? Le conflit latent entre le Maroc et le Front Polisario concernant le territoire disputé du Sahara occidental semble se raviver. Un blocage du Polisario sur une artère principale de la zone tampon sous contrôle onusien a déclenché une réponse militaire du Maroc, le Polisario a lancé de nouvelles attaques, rompant le cessez-le-feu.

    En quoi est-ce significatif ? Les affrontements récents laissent présager une nouvelle escalade, d’autant que les efforts internationaux en faveur de l’apaisement et des négociations font défaut. La reconnaissance par l’administration Trump de la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental, sur laquelle le nouveau président des Etats-Unis Joe Biden pourrait ne pas revenir, complique encore la situation.

    Comment agir ? Les puissances étrangères devraient prendre deux mesures d’apaisement. Premièrement, l’ONU devrait nommer un nouvel envoyé spécial au Sahara occidental, un poste laissé vacant depuis près de deux ans. Deuxièmement, Washington devrait s’efforcer d’encourager une désescalade et de relancer les pourparlers politiques.

    I. Synthèse
    Après avoir respecté le cessez-le-feu de 1991 pendant près de 30 ans, le Maroc et le Front Polisario ont rouvert les hostilités au Sahara occidental, un territoire disputé dont le Polisario demande l’indépendance. Le 13 novembre, le Maroc a envoyé des troupes dans la zone tampon sous contrôle de l’ONU pour mettre un terme au blocage de la route stratégique de Guerguerat, entamé trois semaines plus tôt. En réponse, le Polisario s’est retiré du cessez-le-feu et a renouvelé ses attaques contre les unités militaires marocaines. Les réactions internationales à cette escalade des tensions ont été, pour la plupart, favorables au Maroc. Le Conseil de sécurité de l’ONU ne s’est pas exprimé. Le 10 décembre, Rabat a remporté une grande victoire diplomatique, lorsque le président des Etats-Unis, Donald Trump, a reconnu sa souveraineté sur le Sahara occidental. Pour éviter que les tensions ne s’exacerbent, les soutiens internationaux de Rabat devraient l’encourager à accepter la nomination d’un nouvel envoyé spécial de l’ONU – un poste resté vacant depuis mai 2019 – sans condition préalable. L’administration Biden, en étroite collaboration avec la France, la Russie et l’Algérie, les principaux acteurs extérieurs du conflit, devraient inciter les deux parties à accepter une trêve et à reprendre les négociations.

    Il y a deux ans à peine, la situation était très différente. La diplomatie semblait faire son chemin, grâce à la nomination en août 2017 de l’ancien président allemand Horst Köhler au poste d’envoyé spécial de l’ONU. En avril 2018, le Conseil de sécurité de l’ONU a réduit le délai de renouvellement du mandat de la Mission des Nations Unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (Minurso) d’un an à six mois ; l’envoyé informait donc plus régulièrement le Conseil de sécurité de la situation, ce qui a renforcé la pression sur les deux parties. Le Maroc, le Front Polisario, l’Algérie et la Mauritanie ont participé à deux réunions au cours desquelles des progrès ont pu être observés. Mais la démission soudaine de Köhler en mai 2019 et le rétablissement par le Conseil de sécurité du renouvellement annuel du mandat de la Minurso ont coupé cet élan. Depuis lors, le Maroc et le Polisario ont tous deux imposé leurs conditions pour la nomination d’un nouvel envoyé chargé de remplacer Köhler et les exigences strictes de Rabat semblent avoir conduit à une impasse.

    Les tensions sont apparues dans la zone de Guerguerat, où une route qui relie le Maroc à la Mauritanie traverse la zone tampon sous contrôle de l’ONU qui sépare les troupes marocaines des combattants du Polisario. Tirant parti du vide diplomatique laissé par le départ de Köhler, le Maroc a invité plusieurs gouvernements d’Afrique et du Moyen-Orient à ouvrir des consulats au Sahara occidental. En réponse, les responsables et les militants du Polisario ont rapidement considéré qu’il s’agissait d’un acte hostile. Les partisans civils du Polisario (rejoints par des hommes armés) ont bloqué la route principale de la zone de Guerguerat, y établissant un camp à la fin octobre 2020, ce qui a marqué la reprise des hostilités. Le 13 novembre, le Maroc a envoyé des troupes dans la zone tampon pour mettre un terme au blocage. En réponse, le Polisario a entamé un conflit de faible intensité avec le Maroc, bien que Rabat ait réaffirmé sa volonté d’observer le cessez-le-feu.

    La plupart des acteurs internationaux ont prôné un retour au cessez-le-feu ou se sont rangés derrière le Maroc. Parallèlement, le Conseil de sécurité de l’ONU s’est abstenu de commenter cette flambée de violence, empêchant ainsi le Polisario d’obtenir l’attention internationale qu’il recherchait. Pour Rabat, la reconnaissance par les Etats-Unis de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, le 10 décembre, vient appuyer sa stratégie. Cet acte de l’administration Trump n’a fait que durcir la position des Sahraouis indépendantistes, et en particulier de la jeunesse sahraouie, qui a déjà perdu depuis longtemps l’espoir d’une résolution diplomatique du conflit.

    « La faible intensité du conflit ne peut pas justifier l’inaction ».

    La faible intensité du conflit ne peut pas justifier l’inaction. Le risque d’une escalade militaire progressive, limité mais tangible, déstabiliserait encore davantage l’Afrique du Nord et le Sahel. Les combats pourraient s’intensifier au moindre incident militaire, tel qu’une ingérence algérienne – par exemple, des transferts d’armes plus importants entre Alger et le Polisario – ou un changement de tactique militaire au sein du mouvement indépendantiste. Pour limiter les risques, les partenaires internationaux du Maroc – les Etats-Unis et la France – devraient pousser Rabat à accepter, sans condition préalable, un nouvel envoyé chargé de négocier une désescalade qui pourrait amener les deux parties à négocier une trêve.

    Ces mesures n’auraient d’effet que si les Etats-Unis et le Conseil de sécurité adoptaient une approche plus directe. L’administration Biden risque d’être réticente à l’idée de revenir sur la reconnaissance par l’administration Trump de la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental. Malgré cela, elle pourrait envisager d’autres façons de rassurer le Polisario, par exemple en réaffirmant le soutien de Washington au renouvellement semestriel du mandat de la Minurso. Pour éviter de contrarier le Maroc, les résolutions du Conseil de sécurité devraient faire explicitement référence à la nécessité de sécuriser la route de Guerguerat. Ces arbitrages pourraient permettre d’entamer une nouvelle phase diplomatique. L’administration Biden devrait coordonner sa position plus étroitement et de façon plus transparente avec les autres pays pour qui l’issue du conflit représente un enjeu, à savoir la France, la Russie et l’Algérie. Une meilleure coopération à ce niveau pourrait mettre fin aux affrontements et relancer les efforts de paix, actuellement entravés.

    II. Un statuquo de plus en plus instable
    Le conflit a commencé en 1975, lors du retrait de l’Espagne du Sahara occidental, à l’époque la plus importante des colonies qui lui restaient en Afrique. Le Maroc et la Mauritanie ont aussitôt proclamé leur souveraineté sur ce territoire. Le Front Polisario, créé pour obtenir l’indépendance du territoire, a entamé une lutte armée contre l’Espagne en 1973. Le 7 novembre 1975, le roi Hassan II du Maroc a réuni 350 000 citoyens non armés pour entrer dans les zones sous contrôle espagnol et revendiquer ses droits sur ce territoire. La Marche verte, ainsi nommée par le roi, a forcé la main de l’Espagne – et plutôt que d’ordonner à ses soldats de tirer sur les manifestants, Madrid s’est résolue à quitter le territoire.

    Les accords de Madrid de novembre 1975 ont officiellement mis un terme à la souveraineté de l’Espagne sur le Sahara occidental et ont partagé le territoire – les deux tiers revenant au Maroc et le dernier tiers à la Mauritanie. Le Front Polisario indépendantiste et l’Algérie ont rejeté cet accord. La guerre qui s’est ensuivie a permis au Polisario de remporter de rapides victoires militaires, forçant la Mauritanie à se retirer en 1979, même si des milliers de Sahraouis se sont réfugiés près de Tindouf, en Algérie. Au cours des années qui ont suivi, néanmoins, le Maroc a renforcé son contrôle sur le Sahara occidental, notamment grâce à la construction de murs de protection, le « mur de sable ».

    En 1991, alors que l’on pensait être dans une impasse militaire, les deux parties ont accepté un plan de règlement sous l’égide de l’ONU. Cette initiative a introduit un cessez-le-feu qui a divisé le territoire le long du mur de sable et a créé une zone tampon et une zone restreinte pour séparer les deux parties. Ce plan visait également une résolution du conflit qui passerait par un référendum d’autodétermination, qui serait organisé par la Minurso. Néanmoins, à la suite de manœuvres politiques du Maroc et des interprétations divergentes du plan par les deux parties, le référendum n’a jamais eu lieu. De nombreux envoyés de l’ONU ont tenté en vain de ressusciter le référendum, après quoi le Maroc a fait, en 2006, une proposition de compromis sous la forme d’un plan d’autonomie. Selon le Polisario, ce plan d’autonomie bafoue le droit à l’autodétermination de la population sahraouie. Aucun des nombreux cycles de négociation entre Rabat et le Polisario n’a permis de débloquer la situation.


    A. En perte de vitesse
    La nomination en août 2017 de l’ancien président allemand Horst Köhler en tant qu’envoyé spécial de l’ONU au Sahara occidental avait donné un nouvel élan aux efforts diplomatiques. Köhler a mené une série de réunions préliminaires entre fin 2017 et début 2018. Il a ensuite bénéficié de la décision du Conseil de sécurité d’avril 2018 de renouveler le mandat de la Minurso tous les six mois au lieu de tous les ans, comme c’est généralement le cas. Les Etats-Unis, et en particulier John Bolton, alors conseiller national à la sécurité des Etats-Unis et personnellement investi dans la résolution du conflit, ont joué un rôle clé au sein du Conseil. La décision de réduire le délai de renouvellement du mandat visait à renforcer la pression sur les parties, en demandant à l’envoyé spécial de dresser un état des lieux plus régulier auprès du Conseil.

    L’empressement des Etats-Unis s’expliquerait par le fait qu’ils s’agaçaient de la lenteur des progrès et du mandat à durée indéterminée de la Minurso, et souhaitaient, plus globalement, opérer des coupes dans le budget de maintien de la paix de l’ONU. Selon un diplomate américain : « Il est temps d’avancer vers une résolution politique et, après 27 ans, d’arrêter de prolonger le statuquo ». Malgré la résistance d’autres membres du Groupe des amis pour le Sahara occidental, à savoir la France et la Russie, le renouvellement semestriel du mandat s’est poursuivi jusqu’en octobre 2019, en vue de soutenir les efforts de médiation.

    Si le Polisario a salué cette nouvelle approche comme une occasion de rouvrir des négociations, le Maroc s’est montré plus réticent à modifier le statuquo diplomatique. Pour rassurer Rabat, les Etats-Unis et la France ont introduit des formulations reflétant ces réticences dans la résolution du Conseil de sécurité d’avril 2018 ainsi que dans les suivantes. Le texte affirme « qu’il convient de faire des progrès dans la recherche d’une solution politique réaliste, pragmatique et durable à la question du Sahara occidental », ce que le Polisario, à l’instar d’autres observateurs, ont interprété comme une approbation implicite du plan d’autonomie du Maroc de 2006. Cette même résolution comprenait deux paragraphes distincts visant la violation, par le Polisario, de l’accord de cessez-le-feu dans la zone de Guerguerat et sa volonté de déplacer des fonctions administratives de la République arabe sahraouie démocratique à Bir Lahlou, au sein du Sahara occidental.

    Néanmoins, les négociations semblaient s’accélérer. Köhler en a organisé un premier cycle à Genève en décembre 2018. Un ancien conseiller de Köhler a décrit une atmosphère positive, et des discussions « agréables et amicales ». Le Maroc et le Polisario n’avaient pas mené de pourparlers sous l’égide de l’ONU depuis six ans. Le Maroc a obtenu une concession majeure : le format de la réunion était une table ronde, à laquelle participaient l’Algérie et la Mauritanie. Rabat considère que le Sahara occidental est une question régionale et que le Polisario est un intermédiaire de l’Algérie ; le Maroc voulait réunir l’Algérie et la Mauritanie puisqu’ils avaient précédemment refusé de participer aux négociations, affirmant qu’il s’agissait d’un conflit bilatéral entre le Maroc et le Polisario portant sur des questions de décolonisation. Une deuxième réunion s’est tenue en mars 2019, également à Genève, mais l’atmosphère était nettement moins cordiale. Aucune de ces deux réunions n’a abouti à une sortie de crise, mais elles ont permis de maintenir la communication, comme l’a souligné le communiqué conjoint publié au terme de la deuxième réunion. Cette dynamique encourageante a brutalement pris fin lorsque Köhler a démissionné, le 22 mai 2019, invoquant des raisons de santé.

    Après le départ de Köhler, le Maroc et le Polisario se sont empressés de fixer leurs conditions pour la nomination d’un nouvel envoyé de l’ONU. Selon un diplomate du Polisario, le mouvement n’exigeait qu’une personne « hautement qualifiée, déterminée et neutre ». Officiellement, le Maroc exigeait juste que ce poste revienne à une personnalité reconnue. Selon de nombreuses sources pro-Polisario ou non partisanes, néanmoins, Rabat aurait posé des conditions plus spécifiques, et plus strictes. Le Maroc aurait refusé qu’il s’agisse d’un ou une diplomate issue d’un pays scandinave (du fait d’une prétendue sympathie qu’ils auraient pour la cause sahraouie), d’Allemagne (car Rabat a découvert avec Köhler qu’il était difficile de contrer Berlin) ou d’un Etat membre permanent du Conseil de sécurité (pour éviter que des pressions politiques illégitimes puissent être exercées sur les négociations).

    Ces conditions ont rendu difficile la tâche du secrétaire général de l’ONU, António Guterres, chargé de remplacer Köhler. Les exigences du Maroc ont réduit le vivier de candidats potentiels de façon significative. En outre, la réputation du conflit au Sahara occidental, perçu comme obscur et inextricable, a contribué à dissuader les diplomates internationaux d’accepter le poste. Comme l’a dit un ancien ministre des Affaires étrangères qui avait été approché pour le poste : « Personne ne veut être associé à un échec diplomatique ».

    Parallèlement, le scepticisme croissant concernant la possibilité de résoudre ce conflit a poussé le Conseil de sécurité à revenir à un renouvellement annuel du mandat de la Minurso. Bolton a quitté l’administration Trump en septembre 2019 et, le mois suivant, Washington, désabusé par cette situation, a abandonné l’idée d’un renouvellement semestriel et accepté les demandes répétées de la France de ne renouveler le mandat que tous les ans. Malgré les doléances du Polisario, de la Russie et de l’Afrique du Sud, la formulation évoquant une « solution politique réaliste, pragmatique et durable », rédigée pour rassurer le Maroc par rapport aux mandats plus courts de la Minurso, a été maintenue dans les résolutions d’octobre 2019 et d’octobre 2020 visant à renouveler le mandat de la mission.

    B. Évolutions de la situation sur le terrain
    En parallèle de la démission de Köhler et du retour de l’approche diplomatique habituelle du Conseil de sécurité des Nations unies, le Maroc a accéléré sa politique du fait accompli. La stratégie principale de Rabat était d’inviter des Etats amis d’Afrique et du Moyen-Orient à ouvrir des consulats au Sahara occidental. Le premier pays à le faire fut la Côte d’Ivoire ; elle a inauguré son consulat honoraire à Laâyoune en juin 2019, après quoi les Comores y ont ouvert, en décembre 2019, le premier consulat général étranger. Dans les mois qui ont suivi, une ribambelle de gouvernements africains ont marché dans leurs traces. Le 4 novembre 2020, les Emirats arabes unis sont devenus le premier pays arabe à ouvrir un consulat au Sahara occidental. Pour Rabat, ces représentations diplomatiques sont autant d’éléments qui appuient sa revendication de souveraineté sur le territoire. Le secrétaire général du Polisario, Brahim Ghali, s’est indigné contre l’ouverture des consulats, les qualifiant de « violation du droit international et […] [d’] atteinte au statut juridique du Sahara occidental en tant que territoire non autonome ».

    L’ouverture des consulats résulte d’une stratégie marocaine ambitieuse visant à renforcer les liens politiques et économiques avec l’Afrique subsaharienne. Ces dernières années, Rabat a fortement intensifié ses investissements et ses relations commerciales avec le reste du continent, surtout avec l’Afrique de l’Ouest. En 2017, le Maroc a rejoint l’Union africaine (UA). En 1984, le pays avait claqué la porte de l’Organisation de l’unité africaine, prédécesseur de l’UA, après l’admission en son sein de la République arabe sahraouie démocratique, nom que donne le Polisario à son Etat de facto, situé à l’est du mur de sable. Lors de son admission à l’UA, le Maroc a juré d’œuvrer à l’expulsion du proto-Etat du Polisario de l’organisation. Rabat a profité de ses nouvelles relations pour plaider auprès de certains gouvernements africains afin qu’ils reviennent sur leur reconnaissance de la République arabe sahraouie démocratique de facto.

    Parallèlement à son offensive diplomatique, le Maroc a adopté, en janvier 2020, deux lois délimitant ses eaux territoriales et une zone économique exclusive au large du littoral du Sahara occidental. Le ministre des Affaires étrangères marocain, Nasser Bourita, a indiqué que ces lois avaient notamment pour objectif de réaffirmer la souveraineté du Maroc sur « ses frontières effectives, territoriales et maritimes ». Le Polisario a rejeté cette manœuvre.

    Le Front Polisario, confronté à une impasse à l’ONU et en réponse aux actions prises par le Maroc dans le cadre de sa politique du fait accompli, a dès lors réévalué ses options. Mohamed Wali Akeik, Premier ministre de la République arabe sahraouie démocratique à l’époque et critique notoire de l’impasse diplomatique, a dénoncé à plusieurs reprises le manque d’intérêt de la communauté internationale à l’égard du conflit et a appelé le mouvement à reprendre les hostilités avec le Maroc. Il a également fustigé le cessez-le-feu, suggérant que des négociations devraient se tenir en parallèle des combats.

    De nombreux Sahraouis, en particulier les femmes (administratrices de camps et enseignantes) et les jeunes qui habitent les camps, sont frustrés de l’impasse diplomatique ; ils ne croient plus aux négociations et estiment que la direction du mouvement ne se renouvelle pas assez. Le manque de perspectives professionnelles auquel sont confrontés des jeunes souvent très qualifiés a encore accentué leur déception. La direction du Polisario, qui prend de l’âge, s’est donc sentie contrainte de reprendre les combats.

    Le quinzième congrès du Front Polisario, qui s’est déroulé en décembre 2019 à Tifariti, au cœur du Sahara occidental, a été un moment clé. Pendant plusieurs jours, les débats sur la manière de réagir à la détérioration de la situation politique ont opposé les partisans de l’action militaire aux tenants de la diplomatie. Les premiers insistaient pour arrêter immédiatement une date pour la reprise des hostilités, alors que les seconds affirmaient que le front n’avait pas les moyens de mener une offensive militaire. Le secrétaire général Ghali, réélu lors du congrès, s’est montré habile ; il a réaffirmé l’engagement du mouvement en faveur de la diplomatie, tout en menaçant de « revoir son engagement dans le processus de paix ».

    III. Le retour de la guerre
    A. Fin du cessez-le-feu à Guerguerat
    Les tensions opposant le Front Polisario à Rabat et celles qui secouent le mouvement lui-même ont finalement trouvé un exutoire dans les escarmouches concernant la route de Guerguerat, qui relie le Maroc à la Mauritanie en traversant une zone tampon sous contrôle des Nations unies. Rabat a construit cette route dans le désert en 2016 (et déployé des gendarmes au sein de la zone tampon, ce qui constitue une violation du cessez-le-feu), et depuis lors, celle-ci semble être le point le plus sensible de la guerre d’usure entre les deux camps, car des incidents y sont désormais déplorés chaque année. Suite au renforcement des liens commerciaux qui unissent le Maroc à la Mauritanie et à d’autres régions d’Afrique de l’Ouest, cette route a gagné en importance et est donc devenue cruciale pour Rabat. De son côté, le Polisario condamne ce qu’il considère être un amendement unilatéral au cessez-le-feu, puisque la route ouvre une brèche dans la zone tampon, qui ne faisait pas partie de l’accord de 1991. D’après la Minurso, entre octobre 2019 et mai 2020, le nombre de manifestations rassemblant des civils pro-Polisario et le nombre d’incursions militaires dans cette zone ont augmenté, ce dont le Maroc s’est régulièrement plaint auprès des Nations unies.

    Le 21 octobre 2021, la situation a atteint un point de non-retour lorsqu’un groupe de civils pro-Polisario a établi un campement sur la route de Guerguerat, bloquant ainsi la circulation. Quelques combattants du Polisario, dont la présence constituait une violation du cessez-le-feu, les ont rejoints. Contrairement aux incidents précédents, les manifestants ont refusé les tentatives de conciliation de la Minurso, arguant que l’ONU se désintéressait du conflit. Pendant deux semaines, le Maroc a déposé des plaintes auprès du secrétaire général de l’ONU et de la Minurso concernant ce blocage. Ensuite, après le discours du roi Mohamed VI prononcé à l’occasion du 45e anniversaire de la Marche verte, le Maroc a commencé à mobiliser des soldats au sein de la zone réglementée de 30 kilomètres de large, violant donc également le cessez-le-feu. Le 13 novembre, après l’échec d’une tentative de médiation de dernière minute émanant du secrétaire général de l’ONU, les troupes sont entrées dans la zone tampon pour rouvrir la route. Bien que les deux camps aient recouru à de l’artillerie lourde, aucune victime n’a été déplorée, les civils et les combattants du Polisario ayant battu en retraite quasi immédiatement. Le 14 novembre, le Polisario a déclaré la fin du cessez-le-feu et annoncé la reprise des hostilités avec le Maroc.

    Au cours des semaines qui ont suivi, le bras armé du Polisario, l’Armée de libération du peuple sahraoui, a attaqué à plusieurs reprises les postes défensifs du Maroc situés le long du mur de sable, généralement depuis une certaine distance et avec des effets limités. La réponse de l’armée marocaine est restée mesurée ; elle n’a pas, jusqu’à présent, cherché à pourchasser les unités ennemies ou à mener une grande opération. Si le Maroc nie avoir essuyé des pertes, des sources onusiennes indiquent que deux soldats, au moins, ont perdu la vie au cours de la première semaine de combats.

    La retenue relative dont fait preuve le Maroc dénote par rapport à la forte mobilisation sahraouie, tant dans les camps de réfugiés qu’à l’étranger. La stratégie de Rabat a été d’exprimer son soutien continu au cessez-le-feu de 1991 et de minimiser l’importance des affrontements militaires, ce qui correspond à une approche du « circulez, il n’y a rien à voir ». Le retour de la guerre a toutefois galvanisé la jeunesse sahraouie dans les camps comme à l’étranger, et le Polisario a réactivé ses réseaux de solidarité internationale pour attirer l’attention sur ce conflit. Un militant sahraoui a déclaré que les jeunes vivant dans le Sahara occidental contrôlé par le Maroc avaient essayé de descendre dans les rues pour afficher leur solidarité avec le Polisario, mais que les forces de sécurité marocaines avaient rapidement réprimé ces tentatives.

    B. Silence sur le front international
    Malgré la mobilisation du Polisario, pour la plupart, les réactions internationales aux évènements survenus dans le Sahara occidental étaient favorables au retour rapide du cessez-le-feu, ou s’alignaient sur la position du Maroc. Le ministre français des Affaires étrangères a exprimé sa préoccupation concernant la situation, tout en saluant « l’attachement du Maroc au cessez-le-feu ». L’Espagne et la Russie ont appelé les deux parties à respecter le cessez-le-feu, alors que les Etats-Unis sont restés muets jusqu’à ce que le secrétaire d’Etat américain de l’époque, Mike Pompeo, déclare le 8 décembre que « le conflit ne devrait pas être résolu par des moyens militaires, mais bien par une série de conversations ».

    Les réactions des pays voisins étaient, elles aussi, empreintes de prudence afin d’éviter d’alimenter les tensions. L’Algérie qui, par le soutien qu’elle apporte au Polisario, joue un rôle déterminant dans le conflit, a sagement appelé les deux camps à faire preuve de retenue. Des diplomates algériens indiquent que cette approche s’inscrit dans une volonté d’éviter une escalade militaire qui pourrait déstabiliser encore plus la région. De même, la Mauritanie a appelé les deux parties à la retenue et au respect du cessez-le-feu.

    Pour sa part, le Conseil de sécurité des Nations unies n’a pris aucune mesure concernant la situation militaire au Sahara occidental. Il n’a convoqué qu’une réunion consultative à huis clos le 21 décembre, soit plus d’un mois après la reprise des hostilités. Si cette inaction a arrangé le Maroc, elle a fâché les responsables du Polisario, car elle n’a pas permis de braquer les projecteurs sur leur cause. Un responsable français a déclaré que l’inertie du Conseil de sécurité s’expliquait par la faible intensité des affrontements, puisque jusqu’à présent les combats n’ont compromis ni la paix ni la sécurité régionales. Même l’Afrique du Sud, soutien du Polisario et présidente du Conseil de sécurité depuis décembre, a indiqué qu’elle n’avait pas l’intention de porter l’affaire devant le Conseil, car ses diplomates estiment que l’issue serait probablement favorable au Maroc.

    C. La reconnaissance de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental par les Etats-Unis
    Alors que l’environnement international lui est déjà favorable, Rabat a remporté une importante victoire diplomatique le 10 décembre, lorsque le président Donald Trump a annoncé sur Twitter que les Etats-Unis reconnaissaient officiellement la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental. En contrepartie de cette reconnaissance, le Maroc a accepté de renouer des relations diplomatiques avec Israël, en commençant par rouvrir leurs bureaux de liaison respectifs, et peut-être, à terme, une représentation diplomatique à part entière. Les Etats-Unis ont, en outre, proposé de vendre pour un milliard de dollars de drones et d’armes guidées avec précision au Maroc. La reconnaissance américaine étant liée à la normalisation diplomatique avec Israël, et bien que des représentants des deux partis appellent à renoncer à cette mesure, l’administration Biden aura probablement du mal à revenir sur la reconnaissance par les Etats-Unis de la souveraineté marocaine sans mettre en péril la relation entre Rabat et Israël.

    Plusieurs gouvernements ont réprouvé la déclaration de Trump. La Russie l’a condamnée, estimant qu’elle violait le droit international. L’Espagne a réitéré son soutien aux « principes et résolutions de l’ONU » concernant ce différend. Le Premier ministre algérien, Abdelaziz Djerad, a condamné la normalisation des relations avec Israël et rejeté la reconnaissance par les Etats-Unis de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, appelant à l’application du droit international et défendant les actions militaires du Polisario, les qualifiant de « légitime défense ».

    La France a quant à elle adopté une position plus nuancée. Un responsable français et un ancien diplomate ont déclaré que l’annonce de Trump était un problème pour Paris, car la reconnaissance par les Etats-Unis de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental contrevient en effet au droit international et aux résolutions du Conseil de sécurité. Ils craignent par ailleurs que cette reconnaissance pousse le Maroc à faire pression sur la France afin qu’elle prononce une déclaration similaire. Cependant, selon eux, Paris pourrait profiter de cette annonce pour relancer le Plan d’autonomie marocain, lequel servirait de base à une résolution permanente du conflit.

    Les responsables du Polisario ont rejeté l’annonce de Trump, estimant qu’elle constituait une violation inacceptable du droit international. Un militant d’une ONG sahraouie située au Sahara occidental contrôlé par le Maroc a déclaré que la population locale avait perdu toute confiance en la communauté internationale et évoqué les risques croissants de troubles violents. Toutefois, si l’annonce américaine s’apparentait à un revers pour le mouvement, il a saisi cette occasion pour attirer une nouvelle fois l’attention des médias internationaux sur ce conflit oublié. En outre, avec l’arrivée de l’administration Biden aux Etats-Unis, les diplomates du Polisario ont manifesté un optimisme prudent quant à la possibilité que la décision soit revue et que l’ONU joue un rôle de médiateur afin de mettre un terme au conflit.

    Peu après l’annonce américaine, le Maroc a décidé de conserver des troupes à Guerguerat, indéfiniment, balayant toute possibilité de négocier un retrait ultérieur. Rabat a communiqué cette nouvelle position à toutes les parties concernées, y compris dans une lettre officielle adressée au secrétaire général des Nations unies. La présence militaire marocaine vise à protéger les biens qui transitent par la frontière avec la Mauritanie, mais elle constitue une violation de l’accord de cessez-le-feu, qui interdit aux forces armées des deux parties d’entrer dans la zone réglementée. Ceci va donc à l’encontre de la position officielle de Rabat, selon laquelle le Maroc respecte l’accord. Dès lors, le Polisario a clairement indiqué que, dans ces conditions, il refuserait de participer à tout nouvel effort de négociation d’un cessez-le-feu. En effet, le 24 janvier 2021, pour la première fois depuis la fin du cessez-le-feu, des forces pro-Polisario ont bombardé la zone de Guerguerat et menacé d’intensifier le conflit en élargissant leurs opérations.

    IV. Le moment de se réengager
    La faible intensité du conflit au Sahara occidental ne devrait pas justifier l’inaction. Le risque d’une forte escalade militaire entre le Maroc et le Front Polisario reste limité, mais il n’est pas négligeable pour autant. La stratégie adoptée par le Polisario – bombarder à distance – pourrait donner lieu à une frappe non maîtrisée qui ferait plus de victimes marocaines qu’escompté et déclencherait alors une offensive vengeresse visant les bases arrière du Polisario. Il serait erroné de penser que l’Algérie restera neutre. L’Algérie soutient la stratégie militaire d’usure du Polisario. Bien qu’aucun nouveau transfert d’armes en provenance d’Algérie pouvant améliorer les capacités de l’Armée de libération du peuple sahraoui n’ait été constaté, Alger pourrait envisager ce type de transferts si une flambée de violence tuait un grand nombre de combattants du Polisario, par exemple. Ceci aurait des implications pour toute la région.

    Le désintérêt de la communauté internationale pour ce conflit pourrait également avoir des conséquences à long terme pour la stabilité régionale. Sans solution diplomatique, les Sahraouis désabusés, surtout les jeunes, pourraient contraindre le Front Polisario à changer de tactique. Celui-ci pourrait procéder à des frappes visant les installations militaires dans le Sahara occidental contrôlé par le Maroc ou au Maroc même, au lieu de se limiter à des cibles situées le long du mur du sable, comme il l’a presque exclusivement fait jusqu’à présent. Une telle escalade déstabiliserait l’Afrique du Nord et le Sahel, et pourrait avoir des conséquences imprévisibles pour les intérêts américains et européens.

    Nommer un envoyé spécial de l’ONU au Sahara occidental est un premier pas nécessaire. Si le Maroc a imposé des préconditions à cette nomination, les Etats-Unis et la France doivent pousser Rabat à y renoncer. Le nouvel envoyé spécial ne pourra pas mettre fin aux combats seul. Les responsables du Polisario ont clairement indiqué qu’ils voulaient réinitialiser les conditions du processus de paix avant d’envisager un nouveau cessez-le-feu. Bien qu’une réinitialisation complète soit peu probable, si l’ONU se réengage, un envoyé pourrait parvenir à négocier une désescalade temporaire qui pourrait permettre la négociation d’une trêve. Cette trêve pourrait alors favoriser la reprise des pourparlers entre le Maroc et le Polisario (avec la participation de l’Algérie et de la Mauritanie) quant au statut de l’intégralité du territoire disputé.

    Cette approche ne pourra se concrétiser que si les Etats-Unis et le Conseil de sécurité de l’ONU intensifient réellement leurs efforts en vue d’une résolution du conflit. Bien que des voix s’élèvent au sein des deux partis pour que cette décision soit annulée, il est possible que l’administration Biden estime trop complexe, d’un point de vue politique, de revenir sur la reconnaissance annoncée par Trump. Elle pourrait néanmoins chercher à rassurer le Polisario sur la possibilité d’une résolution et à convaincre les responsables qui refusent la trêve et veulent négocier en continuant les combats en parallèle. Les Etats-Unis pourraient, par exemple, renouveler leur soutien d’antan à des mandats de six mois reconductibles pour la Minurso et modifier, dans les prochaines résolutions du Conseil de sécurité, la formulation portant sur « une solution politique réaliste, pragmatique et durable », qui, pour le Polisario, s’assimile à l’approbation du Plan d’autonomie marocain de 2006, et ce en vue de gagner l’adhésion du Polisario. Pour éviter de braquer le Maroc, ces changements pourraient s’accompagner de références explicites à la nécessité d’assurer la sécurité sur la route de Guerguerat.

    Une trêve, appuyée par une nouvelle approche du conflit au niveau du Conseil de sécurité, pourrait inaugurer une nouvelle ère. Le mandat de Köhler, l’envoyé de l’ONU, bien qu’abrégé, rappelle qu’exercer une pression internationale constante sur les deux camps peut faire bouger les choses. Pour que cela puisse se renouveler, l’administration Biden devra se coordonner de manière plus étroite et plus transparente avec les autres membres du Groupe des amis pour le Sahara occidental, à savoir la France, la Russie et l’Algérie. Seule une pression internationale conjointe peut pousser le Maroc et le Front Polisario à revenir à la table des négociations.

    V. Conclusion
    Le désintérêt de la communauté internationale pour le Sahara occidental, exacerbé par le manque d’intérêt des médias étrangers, risque d’aviver des tensions militaires restées jusqu’à présent contenues. Le manque de considération des puissances mondiales pour ce conflit, gelé depuis longtemps, les a menées à sous-estimer la possibilité d’une escalade et a créé les conditions parfaites pour que ce face-à-face instable dégénère en une guerre de faible intensité. Le Conseil de sécurité doit agir maintenant. Il est difficile de déterminer ce qu’il coûterait d’attendre avant d’agir, mais la situation est explosive et pourrait rapidement se dégrader.

    International Crisis Group, 11 mars 2021

    Tags : Sahara Occidental, Maroc, front Polisario, ONU, MINURSO, Algérie, International Crisis Group,

  • Algérie : Frontières

    Tout ce qui touche aux pays limitrophes à l’Algérie ne peut passer inaperçu, et quand la nouvelle semble aller dans le bon sens, alors c’est évidemment à «prendre» avec intérêt. Celle provenant, hier, de la ville libyenne de Syrte, est à mettre dans la case «espoir». La nouvelle vient éclaircir des cieux d’une région à feu et à sang depuis plus de 10 ans. Ainsi, l’approbation du gouvernement intérimaire libyen par le Parlement, qui s’était réuni dans l’ancien fief de Mouamar Kadhafi, vient conforter un processus politique déclenché juste après le cessez-le feu du 23 octobre 2020. Un acte important en vue de la tenue des élections générales prévues le 24 décembre prochain.
    La réussite de ces étapes en terre libyenne est (tant que la stabilité est au bout) évidemment bénéfique pour l’Algérie. Les guerres fratricides à nos frontières Est, qui durent depuis 2011, ont été la base arrière de l’insécurité qui a régné après en Tunisie, au Niger, et surtout au Mali. Même l’Algérie n’a pas été épargnée, et Tiguentourine est toujours dans les mémoires.
    Du côté libyen, c’est rassurant, mais par contre, à l’Ouest, la situation suscite de plus en plus d’inquiétude. Le dernier foyer colonial en Afrique qu’est le Sahara occidental n’a pas trouvé encore une solution juste et permanente. L’intervention du Président Tebboune lors de la réunion, en visioconférence, du CPS (Conseil de paix et de sécurité) de l’UA (Union africaine) est venue rappeler la position algérienne envers ce dossier de décolonisation qui n’a que trop tardé. Une fidélité à la cause sahraouie qui n’est pas du goût du Makhzen, et il le démontre par ses «réactions». Ces dernières ne sont pas uniquement affichées par les médias marocains, mais d’autres formes ont été actionnées, et avec force. Il s’agit surtout des attaques électroniques qui ne sont pas négligeables et dont l’impact est parfois ahurissant sur les réseaux sociaux algériens. La manipulation et les Fake news qui pullulent sur la toile sont très souvent élaborés dans les laboratoires de Rabat. C’est pour au moins ces raisons qu’il est primordial de riposter, mais avec intelligence. Peut-être que la journée d’étude, portant sur la guerre de l’information, organisée samedi passé par l’INESG (Institut national d’études de stratégie globale) va pouvoir apporter du «concret».

  • Sahara Occidental : L'aveu d'échec des Nations Unies

    Dans un point de presse, le porte-parole du Secrétaire Général de l’ONU, Stephane Dujarric, a révélé les difficultés rencontrées par les Nations Unies dans la nomination d’un nouvel Envoyé Personnel pour le Sahara Occidental depuis la démission de l’allemand Horst Koehler en mai 2019.

    A la question d’un journaliste sur « la raison pour laquelle, depuis deux ans, le Secrétaire général n’a pas pu trouver un envoyé personnel pour faire ce travail ? Personne ne veut ce travail ? », M. Dujarric a répondu: « permettez-moi de le dire ainsi », indiquant que « ce n’est pas le travail le plus facile de l’agenda des Nations unies ». « C’est un travail d’une importance capitale. Le Secrétaire général s’est efforcé de nommer ce poste, mais comme dans beaucoup de ces nominations, tous les leviers ne sont pas entre ses mains, mais il fait ce qu’il pouvait » a-t-il ajouté.
    Ainsi, l’institution onusienne avoue son échec après 30 ans d’un processus de paix dont le but s’est avéré d’imposer la pseudo-solution autonomique marocaine au nom d’intérêts géopolitiques lorgnant les richesses naturelles du peuple sahraoui.
    Tags : Sahara Occidental, Western Sahara, Front Polisario, Maroc, ONU, MINURSO, 
  • L’ONU confirme la poursuite des affrontements militaires au Sahara occidental

    NEW YORK (Nations unies) – Le porte-parole du secrétaire général des Nations Unies, Stephane Dujarric, a confirmé, lundi, la poursuite des affrontements militaires au Sahara occidental, alors que le Maroc continue de verser dans le déni de la réalité de la guerre qui fait rage dans les territoires sahraouis occupés et dans certaines localités du sud du Maroc depuis le 13 novembre dernier.

    La Mission des Nations Unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (MINURSO) continue de recevoir des rapports faisant état de tirs sporadiques le long du mur de sable marocain, a indiqué M. Dujarric lors d’un point de presse quotidien au siège de l’ONU à New York.
    Il a souligné, que « la Mission continue de suivre la situation dans tout le territoire, y compris à El-Guerguerat (au sud-ouest du Sahara occidental), dans la mesure du possible compte tenu de ses capacités tout en exhortant les parties (Maroc/Front Polisario) à faire preuve de retenue ».
    La déclaration du porte-parole du secrétaire général de l’ONU vient réfuter une fois de plus les allégations de Rabat, qui s’efforce de dissimuler la guerre qui fait rage au Sahara occidental et dans certaines régions du sud du Maroc depuis plus de trois mois.
    Malgré les tentatives marocaines de minimiser la gravité de la situation, les attaques de l’armée de libération populaire sahraouie (ALPS) se poursuivent contre les sites de retranchement des soldats de l’occupation marocaine, qui ont subi davantage de pertes en vies humaines et matériels le long du mur de la honte, affirme l’armée sahraouie.
    L’armée marocaine dont le moral est au plus bas, selon des experts militaires, a subi de nombreuses pertes en équipements et en vies humaines, selon l’armée sahraouie.
    Les forces armées marocaines ont mené le 13 novembre 2020, en violation du cessez-le-feu de l’ONU de 1991, une agression militaire à El Gurguerat où des Sahraouis civils manifestaient pacifiquement pour réclamer la fermeture définitive de la brèche illégale créée par le Maroc le long du mur de sable.
    APS
    Tags : Sahara Occidental, Western Sahara, Maroc, ONU, MINURSO, 
  • Selon François Soudan, il y a risque d’affrontement entre le Maroc et l’Algérie

    Maroc – Algérie: le conflit du Sahara occidental montre des signes d’escalade

    Par François Soudan

    Les tensions entre l’Algérie et le Maroc n’ont jamais été aussi tendues depuis 45 ans. Novembre 2020 a déclenché la boîte de pandore suite à l’intervention militaire à Guerguerat et à la reconnaissance par Washington de la souveraineté de Rabat sur le Sahara occidental.

    Ceci est la partie 1 d’une série en 5 parties.

    Depuis le 13 novembre 2020, jour où l’armée marocaine a «sécurisé» plusieurs centaines de mètres de la route goudronnée reliant le petit village de Guerguerat et la Mauritanie, l’ancien protectorat espagnol du Sahara occidental est aux en proie à une histoire alternative.

    Ce genre littéraire et cinématographique – actuellement à la mode, comme en témoigne le récent succès de la série dramatique de la période Netflix Bridgerton – consiste à ré-imaginer des événements historiques passés dans des histoires fictives, créant une sorte de réalité alternative et contrefactuelle.

    Un exemple concret: les hauts gradés du Front Polisario envoient des rapports quotidiens triomphants que le service de presse officiel algérien, Algérie Presse Service, reprend régulièrement.

    À en croire les rapports de cet univers parallèle, le 13 novembre 2020 a été le point de départ d’une guerre qui fait rage le long du mur de défense du Maroc, qui s’étend sur quelque 2 500 kilomètres et que le peuple sahraoui appelle le «mur de la honte».

    Le 22 février 2021, alors que la République arabe sahraouie démocratique (RASD) célébrait le 45e anniversaire de son indépendance en exil dans les camps de réfugiés de la Hamada de Tindouf, l’Armée de libération du peuple sahraoui (SPLA) en était à sa 102e parte de guerra, ou rapport de guerre.

    Selon ces informations, presque toutes les positions militaires marocaines à l’ouest de la berme, d’Al Mahbes à Bir Gandus, et même certaines garnisons frontalières de la province de Guelmim et de la région de Souss-Massa, en dehors du Sahara occidental, ont subi trois mois de «bombardements intenses raids » et « attaques violentes », entraînant des dommages aussi importants que« la destruction de pans entiers du mur » et d’une base de commandement. Les rapports décrivent également les Forces armées royales marocaines (FAR) comme ayant subi des pertes «dévastatrices», alors que le Polisario n’a enregistré aucun décès.

    Ces mises à jour sur le conflit, si consciencieusement reprises par les médias d’État algériens mais ignorées ailleurs, ne reflétaient avec précision qu’un seul événement du monde réel. Le 13 novembre 2020, le Polisario a lancé une attaque à la roquette sur Guerguerat, mais il n’a pas coupé la route ni fait des morts.

    Une source de l’état-major des FAR l’a décrit comme «une tentative d’intimidation» qui était «sans incident» et la situation comme «sous contrôle et assez calme», avant d’ajouter: «Les dirigeants du Polisario savent que leurs milices ne peuvent pas faire de différence sur le terrain, de sorte que ces rapports ne sont rien d’autre qu’une propagande de masse visant leurs partisans ».

    Assauts sanglants
    Hormis le fait qu’aucun expert ou rapport indépendant n’a été en mesure de confirmer la réalité sur le terrain dans ce dernier chapitre de la guerre des sables, il est hautement improbable que les séparatistes sahraouis aient les capacités de mener une telle guerre.

    Le Polisario est loin de ce qu’il était dans les années 1980 et qui a conduit à l’établissement du cessez-le-feu il y a près de 30 ans, lorsque ses katibas [unités] ont utilisé un canon de 106 mm pour lancer des assauts sanglants sur les flancs de l’armée marocaine, ses missiles SAM-7 ont abattu des avions de combat Mirage F1 en l’air et ses 2000 prisonniers de guerre languissaient dans les prisons des camps de Tindouf.

    Les dirigeants sahraouis ne sont plus à leur apogée, à commencer par le secrétaire général du Polisario, Brahim Ghali, âgé de 71 ans, et on peut en dire autant de l’arsenal du mouvement rebelle. Une grande partie du matériel fourni par la Libye (sous le règne de Mouammar Kadhafi), la Corée du Nord et l’Algérie, en plus des véhicules blindés pris à l’armée marocaine au début du conflit, n’est plus en état de marche.

    La liste des fournitures du Polisario en baisse comprend une flotte de véhicules Toyota 4 × 4 équipés de mitrailleuses de 14 mm, de lance-roquettes multiples de fabrication russe, de mortiers de 120 mm et de chars T-62 de fabrication soviétique.

    Face à une ligne de défense flanquée de champs de mines, parsemée de systèmes de détection, surveillés par des drones et protégés par des forces d’intervention rapide, les séparatistes, qui comptent au plus entre 3000 et 5000 hommes, n’ont d’autre choix que d’utiliser des frappes et des balles et exécuter des tactiques qui infligent peu de dégâts.

    Selon toute vraisemblance, c’est ce qui passe pour «guerre» au Sahara Occidental depuis le 13 novembre 2020, loin d’être la mère de toutes les batailles qui se déroulent chaque soir sur RASD TV, la chaîne de télévision d’Etat sahraouie.

    Ce serait une erreur, cependant, de conclure sur la base de cette description de ce qui semble théâtral pour les forces militaires que toute cette action sert à maintenir le statu quo au Sahara.

    Si le Polisario n’a pas été, à proprement parler, créé par le gouvernement algérien – il s’agit plutôt d’une initiative conjointe algéro-libyenne datant des années 1970, alors que le nationalisme sahraoui était en plein essor – Alger est depuis un certain temps l’un de ses moteurs.

    Toute décision prise dans les camps de Tindouf est soumise à l’approbation des dirigeants algériens, et à moins que vous ne pensiez que ces derniers ont renoncé à leur souveraineté sur une partie de leur territoire, cela est parfaitement logique.

    La réalité alternative est donc un écran de fumée qui occulte une réalité bien plus inquiétante: les tensions entre l’Algérie et le Maroc ont atteint un niveau jamais vu depuis la fin des années 1970.

    Outre les gouvernements d’Europe (en particulier la France et l’Espagne), les États-Unis et la Russie, la partie la plus concernée est probablement le secrétaire général de l’ONU, António Guterres. L’ONU a maintenu une mission de maintien de la paix de 462 personnes (dont 245 militaires) au Sahara occidental – la Mission pour le référendum au Sahara occidental (MINURSO) – au cours des trois dernières décennies. Actuellement dirigée par un diplomate canadien et un commandant des forces pakistanaises, la mission coûte 62 millions de dollars par an.

    Cette petite force de bérets bleus est chargée de patrouiller dans une zone s’étendant du no man’s land à l’est du mur jusqu’à la frontière avec la Mauritanie, représentant 20% du territoire de l’ancien protectorat espagnol – une zone interdite à part entière. Le Polisario considère comme «libéré», un pays qui regorge de mines terrestres et souvent parcouru par des migrants se dirigeant vers le nord, des mineurs d’or illégaux et des trafiquants de drogue. En d’autres termes, les troupes de l’ONU sont en première ligne.

    Admission d’impuissance
    Sentant une escalade du conflit, Guterres a noté dans son dernier rapport, daté d’octobre 2020, au Conseil de sécurité de l’ONU que les milices du Polisario étaient «beaucoup moins coopératives que par le passé», refusant au personnel de la MINURSO l’accès à leurs sites, augmentant ainsi la fréquence d’incursions dans la zone tampon et de la mise en place d’unités militaires dans plusieurs localités proches du mur de défense marocain, sous couvert de la mise en place de centres d’isolement pour les personnes infectées par le Covid-19.

    L’inquiétude de Guterres est aussi un aveu d’impuissance, car l’ancien envoyé de l’ONU au Sahara occidental, Horst Köhler de l’Allemagne, qui a démissionné en mai 2019 «pour des raisons de santé», n’a pas encore été remplacé en raison de l’absence d’un candidat convenant aux deux côtés. Cela signifie qu’il n’y a plus de médiateur entre l’Algérie et le Maroc.

    Ajoutez à cette poudrière l’annonce faite le 10 décembre 2020 par Donald Trump que les États-Unis reconnaîtraient la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental – l’une de ses dernières initiatives de politique étrangère – et soudain la situation est sur le point d’exploser.

    Au risque d’écarter le fantasme diplomatique selon lequel l’Algérie n’est qu’une «partie intéressée», et non une «partie au conflit» en ce qui concerne la question du Sahara occidental, Alger est immédiatement parvenue à la conclusion que les États-Unis visaient son gouvernement en prenant une telle décision et en normalisant simultanément les relations israélo-marocaines.

    Et lorsque les pages d’El Djeich, la publication très influente de l’Armée nationale populaire (ANP), évoquent «les menaces imminentes que certaines parties ennemies font peser sur la sécurité de la région», elles font allusion à ces récentes décisions.

    Qu’ils y adhèrent ou non, le récit des dirigeants algériens est clair: le royaume marocain a fait en sorte que «l’entité sioniste» se profile désormais aux frontières du pays. Ceci explique la double réponse d’Alger.

    Sur le plan diplomatique, l’Algérie a envoyé des messages à Moscou pour confirmer que la Russie, en tant que fournisseur de longue date d’armes à l’ANP, aurait son soutien, si nécessaire, et a intensifié ses efforts pour faire pression sur la nouvelle administration américaine afin qu’elle annule l’ordre de Trump reconnaissant la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental.

    C’est dans cet esprit que des représentants de tous les groupes parlementaires à l’Assemblée nationale algérienne et à la chambre haute de la législature, le Conseil de la Nation, ont adressé le 2 février 2021 une lettre à Joe Biden dans laquelle ils le pressent de renverser la décisionde son prédécesseur.

    Biden écoutera-t-il leur plaidoyer? Si un tel renversement est techniquement possible, il est peu probable, car les deux côtés de l’accord (Sahara occidental et Israël) sont étroitement liés.

    Sur le front militaire, la réponse de l’Algérie se veut ouvertement menaçante. Les 17 et 18 janvier derniers, l’ANP a attiré l’attention des médias en procédant à des exercices militaires à grande échelle dans la région de Tindouf, à quelques dizaines de kilomètres de la frontière avec le Maroc.

    Mené par le chef d’état-major de l’ANP, le général Saïd Chengriha, l’exercice «Al-Hazm 2021» a été une démonstration de force et une occasion de mettre en valeur les équipements russes de nouvelle génération de l’armée (y compris les chasseurs Sukhoi Su-30, T- 72 chars, hélicoptères Mi-35 et missiles Iskander), ces biens précieux qui ont coûté un précieux prix à l’Algérie: 100 milliards de dollars entre 2010 et 2020, soit plus du double du montant des dépenses militaires du Maroc sur la même période.

    Une dépendance coûteuse
    Certes, l’Algérie a 6 700 kilomètres de frontières à protéger, contre 3 600 kilomètres au Maroc, mais tous les experts s’accordent à dire que la frénésie de magasinage dans le pays qui a commencé en 2006 dépasse de loin ses besoins en matière de sécurité dans son pays et à l’étranger.

    La volonté affichée de l’Algérie de devenir la première puissance militaire de la région n’explique que partiellement la frénésie des dépenses, qui est désormais encore plus coûteuse depuis l’effondrement des revenus pétroliers. Également en jeu, comme l’écrivait fin 2013 le chercheur Laurent Touchard dans son blog de défense, c’est «le souci de l’Algérie de mettre la mainmise financière sur son rival marocain, qui sera contraint d’augmenter son budget militaire alors même que sa marge de manœuvre financière est loin d’être proche de l’Algérie » et « la négociation opaque d’un haut commandement militaire activement impliqué dans la finalisation de gros contrats ».

    Sept ans plus tard, et l’évaluation de Touchard sonne toujours vraie aujourd’hui, tout comme la rupture des communications de chaque côté de la frontière, qui a été fermée en 1994 et n’a jamais été rouverte, a été étanche pendant des décennies.

    Au Maroc, le Sahara occidental est une cause nationale qui rallie tout le monde sauf une frange ultra-minoritaire à l’extrême gauche. En Algérie, c’est une cause politico-militaire, mais pas précisément populaire, et il est extrêmement rare que des voix de premier plan se hasardent à exprimer un point de vue contraire. Ceux qui ont osé s’exprimer – Ferhat Abbas, Benyoucef Benkhedda, Mohamed Boudiaf et, plus récemment, Khaled Nezzar – ont été farouchement maîtrisés.

    L’histoire des affrontements armés directs entre les armées algérienne et marocaine nous en apprend peu sur ce qui se passerait si le conflit s’intensifiait. Gagnée sur le front militaire par le Maroc sous le roi Hassan II et sur le front diplomatique par l’Algérie sous Ahmed Ben Bella, la guerre du sable d’octobre 1963 est une série d’escarmouches le long d’une zone peu peuplée entre les villes de Tindouf et Figuig.

    Au total, 350 hommes ont perdu la vie dans la guerre et le chef d’état-major de l’armée algérienne a connu de première main les limites opérationnelles de la confrontation d’une armée populaire issue de la lutte pour l’indépendance contre une force traditionnelle en terrain découvert.

    Combat mobile
    Quelque 13 ans plus tard, lors des première et deuxième batailles d’Amgala, qui se sont déroulées dans la partie nord du Sahara occidental, les forces des FAR ont repris l’oasis en janvier 1976, mais les Algériens l’ont reprise en février suivant.

    Alors que l’on craignait à l’époque que les combats sanglants ne se transforment en conflit à grande échelle entre les deux voisins, il était limité à une petite zone géographique.

    Serait-ce encore le cas aujourd’hui si la balance basculait vers une guerre totale? Rien de moins sûr puisque, à en juger par la configuration de la dernière série d’exercices méga-militaires de l’armée algérienne, Alger se prépare à mener une guerre conventionnelle de haute intensité.

    Ce conflit – qui pourrait avoir des conséquences économiques et humaines désastreuses – serait avant tout une confrontation entre deux doctrines militaires opposées.

    La partie algérienne a adopté la méthode soviétique, qui est basée sur l’utilisation à grande échelle de véhicules blindés soutenus par l’armée de l’air pour mener des offensives stratégiquement agiles et tactiquement rigides. La partie marocaine, quant à elle, a une approche plus franco-américaine axée sur le combat mobile, les opérations de contre-offensive et l’initiative de manœuvre des commandants.

    Le conflit serait également entre deux armées qui diffèrent considérablement dans toutes les mesures sauf la taille. L’Algérie est de loin la mieux équipée des deux en termes de quantité d’équipements modernes, mais le Maroc a ses propres avantages, notamment une plus grande proportion de soldats professionnels, des normes de gestion plus élevées et une logistique mieux organisée.

    «Bien paraître sur le papier»
    Interrogé sur les raisons pour lesquelles l’armée marocaine se classe 26 places derrière l’Algérie dans le dernier classement des forces militaires de Global Firepower, notre source de l’état-major des FAR a déclaré qu’il n’accordait guère d’importance à «bien paraître sur le papier».

    Il a ajouté: «Le programme de modernisation lancé par Sa Majesté en tant que commandant en chef et chef d’état-major des FAR donne la priorité absolue à l’élément humain. Les armes sont inutiles sans courage, savoir-faire et patriotisme. Notre stratégie n’a jamais été basée sur la compétition militaire. Cela dit, lorsque le Maroc décide de mettre fin aux provocations de l’Algérie, il le fait de manière agressive et définitive. Guerguerat est un excellent exemple de cette approche.

    Comme notre source l’indique, la supériorité quantitative de l’Algérie se heurte à l’avantage qualitatif du Maroc. Si cette évaluation n’est pas sacro-sainte, elle résume assez bien la situation. Lorsque l’auteur de cette histoire a interrogé un général marocain il y a quelques années sur le scénario le plus probable en cas d’éclatement d’une guerre, il a expliqué que le premier agresseur – qui à ses yeux ne pouvait évidemment être que l’Algérie – aurait peu de mal à pénétrer 100 kilomètres en «territoire ennemi», avant de le payer cher par la suite. Un général algérien serait sans doute d’accord avec la version inverse de ce scénario.

    Tout comme les Américains et les Soviétiques au plus fort de la guerre froide, les deux nations nord-africaines éloignées se préparent à une guerre chaude. Ils espèrent qu’ils n’auront pas à subir une telle mission suicide, mais ils n’ont jamais été aussi proches de la guerre depuis les batailles d’Amgala il y a 45 ans. L’adage latin si vis pacem, para bellum («si vous voulez la paix, préparez-vous à la guerre») est dangereux dans cette partie du monde.

    The Africa Report, 2 mars 2021 (traduction non officielle)

    Tags : Algérie, Maroc, Sahara Occidental, Western Sahara, Front Polisario, ONU, MINURSO,

  • Reuters : La frustration des réfugiés entraîne une reprise du conflit au Sahara occidental

    TINDOUF, Algérie (Reuters) – Des générations de jeunes sahraouis ont grandi dans les camps de réfugiés éloignés du désert algérien, largement oubliés du monde extérieur et ne voient plus aucune perspective d’une patrie indépendante au Sahara occidental, sauf à travers une nouvelle guerre, selon leurs dirigeants, déjà commencée.

    Leurs craintes que la quête d’un État soit devenue une cause perdue ont grandi lorsque l’administration américaine de l’ancien président Donald Trump a reconnu les revendications du Maroc sur le vaste territoire peu peuplé en décembre.

    «Nous n’avons reçu aucun résultat pacifique», a déclaré Brahim, un homme sahraoui participant à un récent défilé du mouvement indépendantiste du Front Polisario du groupe à Tindouf, près de la frontière algérienne avec le Sahara occidental.

    «C’est pourquoi nous devons revenir à la lutte armée.»

    En novembre, le mouvement a déclaré qu’il quittait un cessez-le-feu de trois décennies avec Rabat et a annoncé depuis lors de fréquentes attaques contre les forces marocaines le long de la frontière du désert.

    Le Maroc a déclaré que les attaques du Polisario, dans des zones reculées où il est difficile de vérifier les affirmations de l’une ou l’autre des parties, ne lui ont fait aucune victime et n’ont fait que des dégâts limités.

    Le gouvernement sahraoui en exil basé à Tindouf a appelé le président américain Joe Biden à revenir sur la décision de son prédécesseur d’accepter la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental.

    «Les années de paix n’ont pas fonctionné. Il est maintenant temps de retourner à la guerre et nous, les femmes du Sahara occidental, sacrifierons nos enfants pour la cause », a déclaré Mbaraka, 65 ans, dans le camp d’Awserd à Tindouf.

    Le différend remonte à l’époque où le territoire, riche en phosphates et en zones de pêche, était une colonie espagnole, résistée par le Front Polisario avec le soutien algérien mais aussi revendiquée par le Maroc.

    Lorsque l’Espagne a démissionné en 1975, les troupes marocaines sont entrées et le Polisario, avec le soutien de l’Algérie, a tourné ses armes contre ce qu’il considérait comme une continuation de la domination coloniale par un autre pays.

    Ses succès limités de guérilla ont été réduits dans les années 1980 lorsque le Maroc a construit un long mur de sable dans le désert, enfermant environ les quatre cinquièmes du territoire sous son propre contrôle et laissant des dizaines de milliers de réfugiés de l’autre côté.

    Les deux hommes ont convenu d’un cessez-le-feu en 1991 mais, alors que le conflit se figeait et que les négociations sur un règlement permanent se bloquaient, les réfugiés sont restés dans les camps.

    Le Maroc considère la région comme faisant partie de son territoire et est prêt à n’offrir rien d’autre qu’une autonomie limitée. Le Polisario et son gouvernement en exil veulent l’indépendance.

    Tindouf, au cœur du Sahara et plus loin d’Alger que de Paris, abrite plusieurs camps abritant plus de 165 000 réfugiés. Ils vivent dans des abris en béton ou en boue balayés par le vent avec peu d’emplois et peu d’espoir.

    «La solution est le feu et la lutte pour libérer la terre», a déclaré Mohamed Salem, un autre sahraoui participant au défilé.

    Reuters, 1 mars 2021

    Tags : Sahara Occidental, Western Sahara, Front Polisario, Maroc, ONU, MINURSO,

  • Sahara occidental : Le Polisario intensifie ses attaques contre les forces d’occupation marocaines

    Le ministre sahraoui de l’Equipement, Sid Ahmed Batal, a affirmé que l’ensemble des points de retranchement des forces marocaines constitueraient des cibles pour l’armée sahraouie, en guerre pour l’indépendance.

    L’Armée populaire de libération sahraouie (APLS) a poursuivi, hier, ses attaques contre les positions et les retranchements des forces d’occupation marocaines, derrière le mur de la «honte», pour le 75e jour consécutif.
    Selon le communiqué du ministère sahraoui de la Défense, «les forces de l’armée sahraouie ont lancé dimanche deux attaques ciblant les forces d’occupation marocaines dans la région d’Ankeb Elabd».
    Quant à la journée de lundi, la même source indique que «des unités de l’armée sahraouie ont effectué des bombardements visant les positions de l’armée royale marocaine retranchée dans plusieurs zones, notamment dans la région de Rous Lefririna (secteur de Smara), la région de Rous Essabti (secteur de Mahbés) et la zone d’Amkelli Ezkelma (secteur d’Amkala)».
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    Les attaques de l’armée sahraouie ont, poursuit-on, infligé de lourdes pertes humaines et matérielles le long du mur marocain de la honte.
    Une cible pour l’armée sahraouie
    Le ministre sahraoui de l’Equipement, Sid Ahmed Batal, a affirmé pour sa part que l’ensemble des points de retranchement des forces marocaines constitueraient des cibles pour l’armée sahraouie, en guerre pour l’indépendance.
    Intervenant dans l’émission «Invité du journal» à la radio sahraouie, M. Batal a rappelé que «la guerre était finie depuis 29 ans, or le désespoir du peuple et de la direction sahraouis vis-à-vis des solutions pacifiques a fait qu’il était devenu primordial de choisir un site qui revêt une importance nationale et internationale pour reprendre le combat dans une nouvelle version, et nous avons choisi le passage d’El Guergarat». «En donnant un coup fatal aux forces de l’occupant, qui ont tenté de protéger ce passage de toute opération militaire, l’armée sahraouie a démontré que les combattants sahraouis, intelligents et militairement capables, étaient en mesure d’atteindre chaque recoin dans les territoires occupés», a-t-il expliqué.
    Sid Ahmed Batal a affirmé que ce coup se veut un message clair, pour le Maroc et pour le monde entier, qu’El Guergarat tout comme les autres points de retranchement des forces marocaines constitueront des cibles pour l’armée sahraouie en guerre d’usure dans tous les secteurs qui brûleront sous les pieds des colonisateurs. Saluant l’élan populaire sahraoui, ravivé depuis le 13 novembre passé, le ministre a fait savoir que plus la guerre dure dans le temps et gagne du terrain, plus l’unité du peuple sahraoui se raffermit. 
    L’ONU est devenue une «partie au conflit prolongé»
    Les Nations unies, qui ont «échoué» à organiser un référendum d’autodétermination au Sahara occidental, sont «devenues une partie» au conflit qui perdure depuis plus de quatre décennies, a indiqué la représentante du Front Polisario auprès de l’ONU à Genève, Omaima Mahmoud Abdel Salam.
    S’exprimant au journal en ligne finlandais Kansan Uuset au sujet de la «volonté» de l’ONU et de l’Union européenne (UE) d’éviter l’escalade au Sahara occidental après la reprise des affrontements militaires, ayant suivie la violation par le Maroc de l’accord de cessez-le-feu de 1991, Mme Mahmoud Abdel Salam a souligné la difficulté de parvenir à une solution pacifique car l’ONU a «non seulement échoué dans sa mission (d’organiser un référendum dans ce territoire non autonome), mais elle est devenue une partie au conflit prolongé».
    «Cela ne sert à rien si on ne prend pas des mesures pratiques qui contribueraient et accéléreraient la recherche d’une solution définitive», a-t-elle soutenu regrettant de ce fait, l’absence de pourparlers de paix.
    Plus grave encore, la représentante sahraouie a estimé que l’UE s’est davantage impliquée dans le conflit par la signature d’accords commerciaux avec le Maroc, qui incluent le territoire du Sahara occidental occupé, en violation flagrante des décisions de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) de 2016 et 2018. R. I.
    El Watan, 27 jan 2021
    Tags : Sahara Occidental, Maroc, Polisario, ONU, MINURSO,