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  • Ferrari se lance dans la mode de luxe, en ciblant les jeunes

    MARANELLO, Italie (AP) – Les voitures de production Ferrari V12 ont été suspendues au-dessus de l’usine dimanche soir, alors que le constructeur automobile de luxe, âgé de 74 ans, entamait une nouvelle ère en tant que marque de style de vie, avec un défilé dévoilant sa première collection de prêt-à-porter ciblant une jeune génération qui ne connaît peut-être pas son pedigree de course de Formule 1 et ses voitures de rue aux performances convoitées.

    Les mannequins ont marché le long de la chaîne de production arrêtée dans un geste symbolique qui soulignait l’interaction créative entre la longue lignée des carrosseries automobiles élégantes et courbes de Ferrari et la ligne de mode du directeur de la création Rocco Iannone, forte de vêtements structurés contrastant avec des soies imprimées fluides et brillantes dans les tons rouge Ferrari, jaune Scuderia et bleu électrique.

    La collection de Iannone aurait pu facilement cibler la clientèle déjà fidèle de Ferrari – essentiellement des consommateurs plus âgés qui remplissent les listes d’attente pour la production annuelle de près de 10 000 voitures de luxe dont le prix de départ est d’environ 200 000 dollars – avec des vêtements de conduite plus classiques dans des tissus de luxe et des chaussures de conduite plates.

    Mais au lieu de cela, il a fait preuve d’audace, en commençant par des trenchs, des bombers et des parkas modélisés de manière complexe pour donner l’apparence d’une coquille, marqués du célèbre logo Prancing Pony placé discrètement sur la nuque, et comprenant des accents caoutchoutés astucieux sur les poches et les manches pour rappeler l’héritage automobile.

    « Les jeunes générations ont le pouvoir d’exprimer l’énergie et la puissance d’une marque », a déclaré Iannone à propos du public cible. Le designer de 35 ans était auparavant directeur de la création chez Pal Zileri après plus d’une décennie chez Giorgio Armani et un passage chez Dolce&Gabbana.

    Les manteaux étaient complétés par des vêtements de jour, notamment des jupes midi soyeuses dans de nouveaux imprimés Ferrari représentant des collages de voitures de course classiques et le logo Ferrari. L’esprit streetwear de la jeunesse était sophistiqué, avec un marquage Ferrari surdimensionné sur les chemises, complété par des shorts larges avec des bandes réfléchissantes ou des pantalons amples fermés de façon sportive à la cheville.

    Les chaussures comprenaient des mocassins à talons aiguilles en acier avec des semelles en caoutchouc pour les femmes, ou des sandales de trekking avec des éclats de couleur et une collaboration de baskets avec Puma pour les hommes. Parmi les accessoires, on trouve de grandes boucles d’oreilles en cristal Prancing Pony, des ceintures traînantes de la marque Ferrari et des lunettes de soleil futuristes de Rayban.

    La collection non saisonnière sera déclinée en six versions cette année, dont 80 % seront dépourvus de sexe et disponibles dans une gamme de tailles allant de XXXS à XXXL.

    La collection de défilés fait partie d’un projet de diversification des marques qui pourrait représenter jusqu’à 10 % du résultat net de Ferrari d’ici dix ans, a déclaré Nicola Boari, responsable de la diversification des marques. Le projet englobe la vente au détail et les licences, qui ont été entièrement revues depuis 2019, le divertissement, notamment les parcs à thème Ferrari à Barcelone et à Dubaï et une nouvelle entreprise d’e-sports, et les expériences de luxe pour les propriétaires de Ferrari.

    Même si Ferrari fait partie des marques les plus reconnues au monde, Boari a déclaré qu’il ne tient pas pour acquis que les jeunes générations ont les mêmes connaissances et la même passion que leurs parents.

    Il a passé sa première année à ce nouveau poste à supprimer 50 % des produits sous licence – principalement destinés aux fans de Formule 1 – qui ne correspondaient pas au cachet de luxe de Ferrari. Mais, selon M. Boari, la clé est de trouver un équilibre entre l’exclusivité et la volonté d’être plus inclusif en s’adressant à une génération qui, pour l’instant, n’est pas intéressée par la gamme automobile de Ferrari.

    Quelqu’un dit : « N’avez-vous pas peur de devenir trop accessible ? ». a déclaré Boari à l’Associated Press. « Je pense plutôt que le risque est que si nous ne faisons pas cela, nous devenions non pertinents et non connus. »

    Parallèlement à la collection, Ferrari a dévoilé un magasin phare remodelé, où la première collection capsule est disponible à partir de lundi, et la réouverture du restaurant historique Cavallino sous la tutelle du chef trois étoiles Michelin Massimo Bottura, tous deux aux portes de l’usine. De nouveaux magasins sont également prévus cette année à Milan, Rome, Los Angeles et Miami.

    « Ferrari veut défendre l’excellence italienne et le meilleur de la créativité de notre pays », a déclaré dans un communiqué John Elkann, président de Ferrari, qui a assisté à l’événement. « Le défilé de mode d’aujourd’hui dans notre usine et les ouvertures du magasin Ferrari et du restaurant Cavallino à Maranello sont les signes d’une Italie forte et optimiste, prête pour la croissance et le renouveau. »

    Associated Press, 14 juin 2021

    Etiquettes : Ferrari V12, mode, collection de prêt-à-porter, Formule 1,

  • 28 personnes sont mortes au Maroc en fabriquant nos vêtements : nous devons changer les choses

    Des ouvriers et ouvrières textile sont mortes noyées dans le sous-sol d’ateliers de misère à Tanger le 8 février. Suite au reportage alarmant du Monde ce 1er mars, Fashion Revolution France nous explique ce qu’on peut y faire.

    Vous vous souvenez de l’effondrement du Rana Plaza, à Dacca, capitale du Bangladesh, le 24 avril 2013 ? Plus de 1.000 ouvriers et ouvrières textile y ont péri.

    Beaucoup d’acteurs de la mode avaient alors promis de faire des efforts niveau sécurité et transparence. Eh bien, le problème persiste. Il est juste encore mieux enrobé, dispersé et donc plus difficile à débusquer. En témoignent les 28 personnes, dont 19 femmes, décédées le 8 février 2021 dans d’autres ateliers de misère à Tanger.

    Des ouvrières enfermées au sous-sol pour la confection de fast-fashion
    Dans cette ville portuaire marocaine, point stratégique entre l’Europe et l’Afrique où pullulent les caves de confection textile plus ou moins clandestines, ce genre de drame ne surprend plus, comme l’explique un long reportage du Monde paru le 1er mars 2021.

    La correspondante Ghalia Kadiri y suit des femmes qui vont dans des bâtiments où les hommes bossent au rez-de-chaussée tandis qu’elles descendent dans les hofra (« fosses », en arabe), où elles confectionnent des vêtements pour des marques de fast-fashion — des pièces au sous-sol, sans fenêtre ni issue de secours. Une ouvrière raconte même au grand quotidien national :

    « La plupart du temps, le chef de salle nous enferme à clé. »

    Ces conditions de travail affolantes concernent des milliers d’ouvriers et ouvrières, dont une majorité de femmes. Pour 180 à 230€ par mois (moins que le salaire minimum marocain de 250€), elles travaillent généralement neuf heures par jour, cinq jours sur sept.

    Immatriculées au registre du commerce, ces sociétés en plein centre-ville ne déclarent qu’une infime partie de leurs salariées… Et soudoient les autorités pour qu’elles ferment les yeux sur le fait qu’elles ne sont pas aux normes de sécurité.

    Des usines conformes qui sous-traitent en douce à des ateliers de misère
    Le problème quand on veut se repérer côté consommatrices, c’est que les clients de ces entreprises ne sont pas directement les marques que l’on connaît bien comme Zara ou Bershka, mais des usines qui sous-traitent une partie de leurs commandes. Bardées de labels et de certifications éco-responsables, elles correspondent parfaitement aux normes attendues par les grands groupes de fast-fashion qui viennent y réaliser régulièrement des contrôles de RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises).

    Autrement dit, les marques font bien des audits pour constater que les usines sont bien réglementées… sauf que tout n’est pas produit sur place.

    Abdellah El Fergui, président de la Confédération marocaine des très petites et des petites et moyennes entreprises, dénonce ainsi auprès du Monde :

    « Les caves ne sont que le maillon faible d’un système tenu par le lobby des patrons d’usines marocaines. Ce sont eux qui encouragent les ouvriers à créer des ateliers souterrains ! »

    Les femmes racisées en première ligne des victimes de l’industrie textile
    Ces patrons feraient cela pour rester compétitif aux yeux des marques de plus en plus séduites par l’idée de produire pour peu cher en Turquie ou en Éthiopie. Et les pouvoirs publics fermeraient les yeux pour éviter d’avoir des milliers de personnes au chômage, dans ce pays où le textile représente le ¼ des emplois industriels…

    Catherine Dauriac, coordinatrice nationale de l’association Fashion Revolution France pour une mode plus transparente et éthique, remet les choses en perspective pour Madmoizelle :

    « Je ne suis pas du tout surprise par ce nouveau drame. Il ne s’agit jamais de faits divers isolés mais bien d’un problème structurel de la mode : la façon dont on fait de l’argent sur le dos des travailleurs, et surtout des travailleuses, a fortiori racisées. Car le colonialisme ne s’est pas arrêté à la fin des colonies, comme en attestent ces relations entre pays du Nord qui passent commande et pays du Sud exploités. »

    Pour la responsable France de cette organisation internationale née suite à l’effondrement du Rana Plaza, le fait qu’il s’agisse d’une industrie majoritairement féminine joue également sur la sous-considération de ces problèmes pourtant majeurs :

    « 80% des ouvriers et ouvrières textile dans le monde sont des femmes, donc c’est aussi une question de droits des femmes qui ne sont pas respectés. Au Maroc, en l’occurrence, beaucoup de ces femmes sont payées rien que la moitié du salaire minimum du pays. Le patriarcat et le capitalisme fonctionnent main dans la main pour faire en sorte qu’une certaine partie de la population soit exploitée. »

    « Le boycott n’est pas une solution »
    Mais fuir les étiquettes « Made in Bangladesh » ou « Made in Morocco » n’est pas non plus la meilleure réponse en tant que consommateurs à ce genre de drames… L’éco-féministe et experte en mode éthique nous explique ainsi :

    « Le boycott n’est pas une solution, surtout pour certains pays où l’industrie textile représente une part importante du PIB : ça pourrait jeter ces millions de personnes dans une précarité encore plus grande.

    En revanche, on peut interpeller directement les marques, notamment sur les réseaux sociaux, en leur demandant “Qui a fait mes vêtements ?” Pour que cela ait encore plus d’impact, la Fashion Revolution Week se tient cette année du 19 au 25 avril afin de créer un mouvement mondial d’appel à la responsabilisation des marques et des consommateurs sur les réseaux. »

    Réparer ses vêtements pour réparer l’industrie de la mode
    Plutôt que de culpabiliser, on peut également s’interroger sur sa façon de consommer et traiter ses fringues afin de retrouver en bon sens. En France, où l’on jette 600.000 tonnes de vêtements par an, penser à garder ses habits plus longtemps et les réparer peut sembler dérisoire mais peut quand même faire une différence, selon Catherine Dauriac :

    « D’abord trier son placard, regarder ce qu’on a vraiment, parce qu’on ne porte qu’un tiers de son vestiaire. Puis comprendre pourquoi on ne porte pas ce qu’on possède : parfois il suffit de recoudre un bouton, de faire un ourlet, d’accessoiriser différemment pour redonner vie à une pièce délaissée. Et si on a encore envie d’acheter, on peut penser à la seconde main ! »

    Source : Madmoiselle, 2 mars 2021

    Tags : Maroc, fabrique de vêtements, textile, fashion, mode, exploitation, délocalisation,