Avec les financiers milanais, un groupe d’enquêteurs de Bruxelles est également arrivé à Rome, en compagnie du procureur fédéral Raphael Malagnini. L’ONG est considérée par le parquet de Bruxelles comme l’un des instruments utilisés pour déplacer et justifier formellement l’argent provenant du Qatar et du Maroc.
Perquisitions au siège de Rome de No peace without justice, l’ONG de Niccolò Figà-Talamanca, dans le cadre de Qatargate, l’enquête qui a conduit à son arrestation ainsi qu’à celle de l’ancien député européen Pd Antonio Panzeri, de sa femme et de sa fille avocate. Les militaires de l’unité Guardia di Finanza du parquet de Milan sont en train d’acquérir des documents comptables sur l’ONG, qui est considérée par le parquet de Bruxelles comme l’un des instruments utilisés pour déplacer et justifier formellement l’argent arrivant du Qatar et du Maroc, les pays accusés d’avoir versé des pots-de-vin pour influencer la politique du Parlement européen.
Avec les financiers milanais, un groupe d’enquêteurs de Bruxelles est également arrivé à Rome, en compagnie du procureur fédéral Raphaël Malagnini, qui s’était déjà arrêté à Milan pour rencontrer le chef du parquet Marcello Viola et le procureur adjoint Fabio De Pasquale. La perquisition a également concerné le domicile d’une responsable de l’ONG, Antonella Casu, qui gère la trésorerie. La femme a été entendue par les enquêteurs.
Talamanca avait été libéré de prison en février, après deux mois d’incarcération. L’ONG ne fait pas l’objet d’une enquête. L’ordre de perquisition est daté du 11 décembre 2022. « No Peace Without Justice a apporté sa pleine coopération aux enquêteurs, et réaffirme toute la justesse et la légitimité de son travail », commente l’avocat de l’ONG, Guido Camera.
Tags : Qatargate, Figa-Talamanca, No peace without justice, Parlement européen, corruption, Moroccogate, Antonella Casu,
L’ordre d’enquête européenne vient des juges belges
Selon ANSa, le bureau de Rome de l’ONG « No peace without justice » a été perquisitionné mardi dans le cadre de l’affaire « Qatargate » de corruption présumée par le pays du Moyen-Orient et le Maroc pour obtenir les faveurs du Parlement européen.
Le directeur de cette ONG, l’Italien Niccolò Figa-Talamanca, est l’un des meneurs présumés de l’affaire de corruption et a été arrêté par les procureurs belges.
Des perquisitions au siège de ladite association, dont Figà-Talamanca est le secrétaire général, et au domicile de la trésorière de l’association, Antonella Casu, à Rome, ont été menées par le parquet de Milan sur la base d’un ordre d’enquête européenne provenant de la justice bruxelloise dans le cadre du Qatargate.
Une associée de Figa-Talamanca, Antonella Casu, a également été interrogée assistée d’un avocat, précise l’agence italienne.
Objet : Union européenne / Analyse sur la nouvelle composition de la Commission européenne.
J’ai l’honneur de porter à votre connaissance que le Président élu de la Commission européenne, M. Jean-Claude Juncker, a présenté, le 10 septembre courant, la liste des futurs membres de la Commission européenne et a mis en exergue la nouvelle structure organisationnelle de la prochaine Commission, dont le mandat débutera le 1er novembre 2014.
Le nouveau collège sera composé de sept vice-présidents, six en plus de la Haute Représentante de l’UE pour les Affaires étrangères et la Politique de Sécurité, chacun responsable d’une équipe de projet. Les vice-présidents auront pour mission de piloter et de coordonner le travail d’un certain nombre de commissaires européens, dans des groupes dont la composition pourra évoluer en fonction des besoins et de la mise en place progressive de nouveaux projets. Tous les membres du collège collaboreront ainsi de manière dynamique, en rupture avec les approches figées et cloisonnées traditionnelles.
S’agissant de la structure et dans un souci d’une meilleure cohérence des politiques de l’UE, un certain nombre de portefeuilles ont été remaniés et simplifiés. Les portefeuilles Environnement et Affaires maritimes et pêche ont été combinés ; dans cette même logique les portefeuilles de l’action pour le climat et l’énergie ont également été combinés; celui de la justice, combiné avec celui des consommateurs et à l’égalité des genres et enfin celui des Affaires économiques et financières avec la fiscalité et douanes.
Ainsi, la liste de la nouvelle équipe, dont copie, ci-jointe, s’annonce plus politique que la précédente, eu égard à la qualité des personnalités retenues qui avaient occupé des hautes fonctions dans leurs pays respectifs (Premier Ministre, vice Premier Ministre et Ministre) ou de Commissaire européen et dont certains ont une légitimité démocratique à la faveur des élections européennes.
La nouvelle Commission comprendra, entre autres, les membres suivants qui seront, notamment amenés à collaborer avec notre pays :
Un premier Vice-président, qui sera assumé par l’actuel Ministre néerlandais des Affaires Etrangères, Frans Timmermans, sera l’adjoint principal du Président de la Commission européenne. C’est la première fois qu’un Commissaire sera appelé à être spécialement en charge de l’amélioration de la réglementation, afin de garantir que toute proposition de la Commission est véritablement nécessaire et que les objectifs visés ne peuvent pas être mieux atteints par les États membres. Le premier vice-président sera également chargé de veiller à la conformité de toutes les activités de la Commission avec la charte des droits fondamentaux et l’État de droit.
La Vice-présidente et Haute Représentante de l’UE pour les Affaires Etrangères et la Politique de Sécurité, Federica Mogherini, qui occupe depuis février dernier le poste de Ministre des Affaires Etrangères de l’Italie. Elle dirigera la diplomatie européenne et aura ainsi la lourde tache d’unifier la position des Etats membres au niveau international. le Président Juncker et la haute représentante/vice-présidente sont convenus d’une approche nouvelle et pragmatique visant à accroître l’efficacité de l’action extérieure de l’Union. Sur cette base, d’autres commissaires en charge des relations extérieures suppléeront Mme Federica Mogherini, chaque fois qu’elle le jugera nécessaire, dans des domaines liés aux compétences de la Commission. Issue du parti démocrate italien qui était à l’origine de la motion contre le Maroc au Parlement italien, Mme Mogherini a adopté des positions favorables à la thèse des séparatistes concernant la question du Sahara. Ainsi, il est nécessaire d’agir auprès des amis du Maroc (Hauts Responsables européens et membres du parti S&D, notamment Gilles Pargneaux et Antonio Panzeri) pour la sensibiliser à ce sujet, sachant qu’en s’exprimant au nom de tous les pays européens, la haute responsable européenne n’a pas la même liberté d’expression et d’action qu’en tant que MAE italienne. Néanmoins, il n’est pas exclu que la responsable européenne puisse avoir des déclarations qui pourraient nuire à notre pays, sous l’influence de nombreux eurodéputés italiens qui soutiennent la thèse des séparatistes.
Le portefeuille de la Politique européenne de voisinage et des négociations d’élargissement sera sous la responsabilité de l’ancien Ministre autrichien de la Justice et actuel Commissaire européen pour la Politique régionale, M. Johannes Hahn. Ce portefeuille vise à consolider davantage la politique de voisinage et éventuellement renforcer ses dimensions régionales et sous-régionales (UpM, Partenariat Oriental, UE-Maghreb,…) vu l’expérience de M. Hahn en la matière. Il s’agit de l’interlocuteur privilégié pour le renforcement des relations entre l’UE et les pays du voisinage, dont le Maroc qui ambitionne à mettre en place un véritable Partenariat gagnant-gagnant avec l’UE dans l’esprit du Statut avancé. Le responsable européen pourrait être réceptif aux aspirations marocaines de bénéficier des mêmes Instruments financiers que ceux mobilisés dans le cadre de la politique régionale et de cohésion de l’UE. Néanmoins, son origine autrichienne pourrait le rendre plus favorable au pays de l’Est que de Sud. Ce portefeuille a pour objectif, également, de mettre l’accent sur la poursuite des négociations d’adhésion à l’UE, même si le président élu a indiqué dans ses orientations politiques qu’il n’y aurait pas de nouvel élargissement dans les cinq prochaines années. Selon certaines sources, il était question, dans un premier temps, compte tenu des tendances européennes de supprimer le mot « élargissement » de l’intitulé dudit portefeuille.
Le portefeuille de la Migration et des Affaires Intérieures sera sous la responsabilité de l’ancien Ministre grec des AE et actuel Ministre de la Défense, M. Dimitris Avramopoulos. Afin de refléter l’importance accordée par l’UE à la migration notamment dans sa dimension de relations extérieures avec les pays partenaires, le terme « Migration » a été mis en évidence dans l’intitulé du portefeuille. De même, l’attribution de ce portefeuille à un responsable grec est un signal fort aux Etats membres situés à la frontière extérieure de l’UE, qui sont exposés à des problèmes sécuritaires (migration clandestine, trafics en tous genres,…). Le nouveau Commissaire sera en charge de fixer les priorités d’une nouvelle politique migratoire commune qui luttera efficacement contre l’immigration clandestine tout en faisant de l’Europe une destination attrayante pour les meilleurs talents. Le Maroc qui s’est engagé avec l’UE dans la mise en œuvre de leur « Partenariat pour la Mobilité », est appelé à collaborer étroitement avec le nouveau Commissaire, notamment afin de bénéficier de l’appui européen nécessaire à la réussite de sa nouvelle politique migratoire.
L’ancienne Commissaire européenne aux Affaires Intérieures, la suédoise Cecilia Malmström, a hérité du portefeuille important du Commerce. Elle aura pour charge, essentiellement, de renforcer l’accès des produits européens aux marchés internationaux, notamment à travers la conclusion des négociations en cours des ALE avec plusieurs pays à travers le Monde, notamment les Etats-Unis. Le Maroc peut mettre à profit le degré de confiance et l’excellente coopération, développés avec Mme Malmström lors de l’élaboration du Partenariat pour la Mobilité Maroc-UE, pour renforcer les relations commerciales entre les deux parties et faire valoir les intérêts marocains dans le cadre des négociations sur l’ALECA, d’autant plus que les adversaires de notre intégrité territoriale instrumentalisent, de plus en plus, la question du Sahara pour nuire à la relation Maroc-UE, notamment dans sa dimension commerciale. En revanche, les adversaires du Maroc pourraient trouver en la nomination d’une suédoise à ce poste une opportunité pour poursuivre leurs actions malveillantes visant à décrédibiliser les accords commerciaux entre le Maroc et l’UE.
Les portefeuilles Environnement et Affaires maritimes et pêche ont été combinés et seront placés sous la responsabilité de l’ancien Ministre maltais du Tourisme, M. Karmenu Vella, afin de refléter la double logique de la croissance «bleue» et «verte». Il serait opportun de développer des relations étroites avec ce responsable européen afin de s’assurer de son appui concernant la mise en œuvre de l’Accord de pêche Maroc-UE, en raison du recours déposé par nos adversaires à la Cours européenne de Justice dans l’objectif de suspendre ledit Accord en arguant son incompatibilité avec le droit international. Bien que le Maroc accorde une grande importance à l’aspect environnemental concernant la pêche, la combinaison des deux portefeuilles pêche et environnement pourrait gêner notre pays dans la mise en œuvre de l’Accord et de l’appui sectoriel où la dimension environnement et exploitation des ressources naturelles serait plus présente dans les discussions avec la partie européenne.
Le Commissaire en charge de l’Agriculture et du Développement Rural, sera l’ancien Ministre irlandais de l’Environnement et des Collectivités Locales, M. Phil Hogan, avec lequel il faudra collaborer de manière positive afin d’éviter / mieux gérer les aléas qui pourraient survenir dans la coopération entre les deux parties en matière agricole, sachant que d’après notre Ambassade à Dublin, Hogan visiterait le Maroc souvent. Son origine irlandaise pourrait néanmoins, influer sur ses positions concernant le champ d’application de l’Accord agricole au moment où un recours en annulation devant la Cours européenne de Justice a été déposé et un avis juridique défavorable au Maroc a été élaboré par les Services de la DG Agriculture.
Le portefeuille de la Coopération Internationale et du Développement, a été attribué au Croate Neven Mimika, ancien Commissaire européen à la protection des Consommateurs. Il s’agit d’un poste clé pour ce qui concerne la définition des aides aux partenaires de l’UE, dont la répartition financière par pays de l’Instrument Européen de Voisinage. Le Maroc devrait approcher le Commissaire, profitant du rapprochement qui s’est opéré entre le Maroc et la Croatie, pour explorer la possibilité de mettre en place la coopération triangulaire Maroc-UE-Afrique sur la base des Instruments européens existants.
Le Porte parole du Gouvernement Chypriote, Christos Stylianides, occupera le poste de Commissaire à l’Aide humanitaire et à la Gestion des Crises, et à ce titre, il dirigera la direction générale de l’aide humanitaire (ECHO) qui accorde une aide financière annuelle aux populations des camps de Tindouf. Il serait hautement souhaitable de le sensibiliser sur le détournement de l’aide (rapport de l’OLAF) et quant à la nécessité de permettre au HCR de procéder au recensement de la population des camps.
Le portefeuille Affaires économiques et financières, fiscalité et douanes sera sous la responsabilité de l’ancien Ministre de l’Economie et des Finances, M. Pierre Moscovici qui aura pour mission de garantir que la politique fiscale et la politique d’union douanière deviennent partie intégrante d’une Union économique et monétaire approfondie. En occupant ce poste important, le responsable français veillera à la reprise économique en Europe et à la préservation des équilibres macro-économiques et au renforcement de la compétitivité de l’Europe au niveau international. Le Maroc a tout intérêt à développer une étroite coopération avec M. Moscovici, qui a des positions mitigées voire négatives à l’égard de notre pays, puisqu’il dirigera la DG TAXUD en charge des négociations sur la révision de la Convention régionale Euromed sur les Règles d’Origine et de la dimension douanière de l’ALECA Maroc-UE. A cet égard, il y a lieu de rappeler que TAXUD était à l’origine de la réforme des prix d’entrées des produits agricoles sous la pression des français, notamment.
Le Commissaire en charge de l’Action pour le Climat et l’Energie sera l’ancien Ministre espagnol de l’Agriculture, M. Miguel Arias Cañete, membre du Parti populaire espagnol. Ces deux nouveaux portefeuilles contribueront à la réalisation des objectifs de l’équipe de projet «Union de l’énergie» qui sera pilotée et coordonnée par le nouveau vice-président de la Commission européenne, la slovène, Mme Alenka Bratušek. Le Commissaire espagnol entretient des relations amicales avec notre pays, sur lesquelles il faudra capitaliser pour développer davantage notre coopération avec l’UE en matière énergétique. La nomination de l’espagnol à ce poste clé au sein de l’UE n’est pas fortuite. A cet égard, il y a lieu de rappeler qu’au sein de l’UpM l’Espagne a été à l’origine de l’échec de la Conférence ministérielle sur l’Energie en rejetant l’extension du réseau trans-méditerranéen de l’énergie aux pays du Sud et le Plan solaire méditerranéen, tant que le projet de développement des interconnexions énergétiques au sein de l’UE, bloqué par la France, n’a pas été achevé.
Lors de l’étape suivante, l’ensemble du collège des commissaires, y compris le Président et la Haute Représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, également Vice-présidente de la Commission européenne, sera soumis à un vote d’approbation du Parlement européen.
Dans le cadre de notre Partenariat renforcé avec l’UE et au regard des questions inscrites à l’agenda bilatéral, cette Direction recommande vivement que des Ministres marocains se rendent à Bruxelles pour rencontrer les principaux commissaires européens dès leur confirmation.
Commission des questions politiques et de la démocratie
Contribution parlementaire à la résolution du conflit du Sahara occidental
Rapporteure : Mme Liliane Maury Pasquier, Suisse, Groupe socialiste
Projet de rapport
A. Avant-projet de résolution
L’Assemblée parlementaire se félicite des progrès effectifs réalisés par le Maroc au sujet de diverses questions relatives aux questions des droits de l’Homme et de la démocratie, tel que souligné dans la Résolution 1942 (2013) sur l’évaluation du partenariat pour la démocratie concernant le Parlement du Maroc, y compris de la création, en 2011, du Conseil National des Droits de l’Homme (CNDH) marocain et d’autres organisations de protection des droits de l’Homme.
En même temps, l’Assemblée rappelle que selon les termes de sa Résolution 1818 (2011) accordant le statut de partenaire pour la démocratie au Parlement du Maroc le 21 juin 2011, elle attend du Maroc qu’il continue à rechercher des moyens pacifiques de régler les litiges internationaux, conformément à la Charte des Nations Unies. Dans ce contexte, l’Assemblée a spécifiquement appelé le Parlement du Maroc « à contribuer davantage au règlement de la question du Sahara occidental, conformément aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité des Nations Unies ».
Aujourd’hui, trois ans plus tard, l’Assemblée reste préoccupée par la lenteur des progrès dans la recherche d’une solution politique juste et durable au conflit du Sahara occidental, qui reste source d’épreuves et de souffrances depuis presque 40 ans.
L’Assemblée note notamment que le Sahara occidental reste un territoire disputé, considéré comme « territoire non autonome » par les Nations Unies et administré de fait par le Maroc, et qu’une partie de la population sahraouie du territoire et des réfugiés des camps de Tindouf en Algérie, liée au Front Polisario, s’oppose à cette situation. À cet égard, l’Assemblée :
4.1. appuie les Résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies et soutient en particulier les efforts du Secrétaire général des Nations Unies et de son Envoyé personnel pour le Sahara occidental pour parvenir à un règlement politique négocié et mutuellement acceptable du conflit ;
4.2. prend note de la proposition marocaine d’un plan accordant une large autonomie au peuple sahraoui, qui serait doté de ses propres organes législatifs, exécutifs et judiciaires, ainsi que de ressources financières lui permettant de se développer ;
4.3. prend note de la proposition du Front Polisario, qui considère que la solution au conflit doit passer par l’exercice, par le peuple Sahraoui, de son droit à l’autodétermination à travers un référendum ;
4.4. prend note des obstacles à l’organisation d’un référendum et, notamment, à l’identification des électeurs, dont est chargée la Mission des Nations Unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (MINURSO), qui, à l’heure actuelle, veille au respect du cessez-le-feu, soutient les mesures de confiance visant à répondre aux besoins des familles sahraouies déplacées, ainsi que les programmes de déminage de la région ;
4.5. souligne que le statu quo engendre, en particulier chez les jeunes, une frustration croissante qui risque de générer de la violence dans toute la région sahélo-saharienne ;
4.6. encourage le Maroc et le Front Polisario à maintenir le dialogue et à rester en contact de manière constructive avec l’Envoyé personnel du Secrétaire général des Nations Unies pour le Sahara occidental, qui a appelé les deux parties à faire preuve de souplesse et de créativité dans la recherche d’une solution au conflit ;
4.7. rappelle que la question des droits de l’Homme reste un élément primordial de tout règlement global du conflit et souligne que leur respect doit être immédiatement assuré au Sahara occidental ainsi que dans les camps des réfugiés près de Tindouf, sans attendre un règlement politique définitif du conflit ;
4.8. se félicite du récent projet de loi approuvé par le Conseil des ministres du Maroc le 14 mars 2014 relatif à la réforme de la justice militaire, visant à mettre fin à la pratique de juger des civils devant un tribunal militaire, quels que soient les crimes commis, ainsi que de la création d’un réseau des parlementaires contre la peine de mort au sein du Parlement du Maroc ;
4.9. s’inquiète néanmoins d’un certain nombre d’allégations d’atteintes aux droits de l’Homme au Sahara occidental, en particulier en matière de libertés d’expression, de réunion et d’association ainsi que des allégations de torture, de traitements inhumains ou dégradants ou de violation du droit à un procès équitable ;
4.10. s’inquiète également des allégations d’atteintes aux droits de l’Homme dans les camps de réfugiés sahraouis près de Tindouf, notamment en matière de libertés d’expression, de réunion, d’association et de circulation, ainsi que de la situation humanitaire dans les camps, aggravée par la crise économique mondiale, le chômage, l’absence de perspectives et une situation extrêmement préoccupante et instable au Sahel ;
4.11. constate avec satisfaction que, depuis mars 2004, les visites des familles se déroulent de manière satisfaisante entre les camps de réfugiés et les territoires du Sahara occidental et invite les deux parties à continuer de coopérer avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et la MINURSO pour le bon déroulement de ces visites des familles.
5. Plus particulièrement, l’Assemblée appelle les autorités marocaines à :
5.1. intensifier les efforts et la coopération avec la MINURSO et le Comité international de la Croix Rouge (CICR) afin de retrouver les personnes qui restent portées disparues dans le cadre du conflit et à procéder à l’exhumation et à la restitution des dépouilles aux familles ;
5.2. mettre en œuvre les recommandations issues des Procédures spéciales du Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies, avec lequel le CNDH, l’Institut du médiateur et la délégation interministérielle aux droits de l’Homme du Maroc coopèrent activement ;
5.3. garantir la liberté d’expression et réviser certains articles du Code de la presse, la loi sur les associations ainsi que les autres lois qui rendent illégaux les discours et les activités politiques et associatives considérés comme portant atteinte à « l’intégrité territoriale » du Maroc, et garantir la liberté de mouvement des journalistes et des visiteurs étrangers qui se rendent au Sahara occidental ;
5.4. respecter le droit des personnes à se réunir pacifiquement, y compris celui des défenseurs de l’autodétermination du peuple sahraoui, et s’assurer que les restrictions soient temporaires et limitées au strict nécessaire ;
5.5. assurer le respect de la loi marocaine sur les associations en mettant fin à la pratique qui consiste à refuser les documents de constitution déposés par les associations de la société civile sahraouie non enregistrées pour des raisons formelles ;
5.6. veiller à ce que l’action de la police reste proportionnelle et renforcer les programmes de formation aux droits de l’Homme à destination des membres des forces de l’ordre ainsi que des juges et des procureurs, en partenariat avec le Conseil de l’Europe ;
5.7. organiser des enquêtes indépendantes pour déterminer la responsabilité de la police marocaine suite aux plaintes de civils concernant des violations des droits de l’Homme au Sahara occidental, examiner toutes les allégations de torture et s’assurer qu’aucune déclaration obtenue par la force n’ait été admise comme preuve ;
5.8. accorder aux accusés du procès des événements de Gdeim Izik de décembre 2010 le droit d’être jugés de nouveau par un tribunal civil, en accord avec le projet de loi stipulant que les civils ne devront plus répondre de leurs actes, quels que soient les crimes commis, devant un tribunal militaire ;
5.9. poursuivre les efforts accomplis au sujet de l’abolition de la peine de mort et déclarer entretemps un moratoire de jure sur les exécutions ;
5.10. renforcer le rôle des institutions marocaines de protection des droits de l’Homme, en particulier le CNDH, par rapport à la situation des droits de l’Homme au Sahara occidental ;
5.11. signer l’Appel de Genève sur l’interdiction des mines antipersonnel et adhérer à la Convention des Nations Unies sur l’interdiction de l’emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction.
6. L’Assemblée invite également les représentants du Front Polisario et de l’Algérie en tant que pays hôte à :
6.1. procéder à un recensement pour établir le nombre effectif des réfugiés dans les camps près de Tindouf ;
6.2. coopérer avec les Nations Unies pour un règlement juste et définitif de ce conflit, faire preuve de réalisme et d’une attitude constructive dans les négociations et intensifier le dialogue sur toute question concernant les droits de l’Homme dans les camps des réfugiés ;
6.3. garantir le respect des droits d’expression, de réunion et d’association pour tous les résidents des camps, y compris en s’assurant qu’ils sont libres de prôner des options pour le Sahara occidental autres que l’indépendance ;
6.4. garantir aux résidents des camps le respect de leur liberté de circulation, y compris, si tel est leur souhait, de quitter les camps et s’installer sur le territoire du Sahara occidental.
7. L’Assemblée encourage toutes les institutions parlementaires de la région à prendre une part plus active et à s’impliquer davantage dans la recherche de solutions qui permettent de faciliter les négociations afin de consolider la confiance mutuelle entre les parties au conflit, y compris en facilitant des échanges directs.
8. En particulier, l’Assemblée invite le Parlement du Maroc, dans le cadre des engagements pris dans la Résolution 1818 (2011) lui accordant le statut de partenaire pour la démocratie, à :
8.1. encourager le gouvernement marocain à mettre en œuvre toutes les recommandations formulées dans le cadre des Nations Unies et du CNDH, et à continuer à développer une culture des droits de l’Homme au Sahara occidental ;
8.2. s’ouvrir au dialogue avec les associations de la société civile sahraouie non enregistrées et les défenseurs des droits de l’Homme, avec les autorités du Front Polisario basées dans les camps de Tindouf, tel que le Conseil National Sahraoui, ainsi qu’avec les parlementaires algériens, afin de développer la confiance mutuelle et faciliter des négociations.
9. L’Assemblée appelle également tous les pays membres du Conseil de l’Europe à :
9.1. redoubler et conjuguer leurs efforts dans la recherche d’une solution politique juste et définitive au conflit, qui permette l’instauration de la sécuritéet d’une stabilitédurables dans la région sahélo-saharienne ;
9.2. fournir des fonds d’urgence au programme visant à renforcer la confiance et au programme d’exécution du mandat du HCR dans les camps de réfugiés proches de Tindouf.
10. Enfin, l’Assemblée estime que les avancées réalisées par le Maroc en matière de droits de l’Homme au Sahara occidental, ainsi que la mise en œuvre de la présente résolution, devraient désormais être prises en compte dans le prochain rapport d’évaluation du partenariat pour la démocratie concernant le Parlement du Maroc, prévu en 2015. Dans ce contexte, l’Assemblée reste prête à faciliter les échanges directs entre les parties concernées.
B. Exposé des motifs par Mme Maury Pasquier, rapporteure
1. Introduction
J’ai été nommée rapporteuse le 21 juin 2011, sur la base d’une proposition de résolution concernant une contribution parlementaire à la résolution du conflit du Sahara occidental que j’avais déposée lors de la partie de session d’avril 2011 avec 19 parlementaires couvrant l’ensemble du spectre politique.
À la suite de la demande déposée en 2011 par le Parlement du Maroc pour obtenir le statut de partenaire pour la démocratie auprès de l’Assemblée parlementaire, plusieurs collègues avaient soulevé la question du territoire contesté du Sahara occidental et celle du respect des droits de l’Homme dans le cadre du conflit en cours dans cette région. M. Luca Volontè, rapporteur sur la demande de statut de partenaire pour la démocratie déposée par le Parlement marocain, avait alors avancé que cette question, en soi, n’entrait pas dans le cadre de son rapport et ne devrait pas constituer un obstacle ni conditionner la décision de l’Assemblée au sujet du statut1. Il avait par ailleurs estimé que mon rapport constituerait un cadre approprié pour traiter de cette question.
Cela étant, dans la Résolution 1818 (2011) accordant le statut de partenaire pour la démocratie au Parlement du Maroc, il est explicitement indiqué que « l’Assemblée attend du Maroc qu’il continue à rechercher des moyens pacifiques de régler les litiges internationaux, conformément à la Charte des Nations Unies ». Dans ce contexte, l’Assemblée a spécifiquement appelé le Parlement marocain à « contribuer davantage au règlement de la question du Sahara occidental, conformément aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité des Nations Unies. »
Le conflit du Sahara occidental en tant que tel est traité dans le cadre de l’Organisation des Nations Unies (ONU), conformément aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité. Bien qu’il n’ait pas de compétence spécifique en la matière, le Conseil de l’Europe soutient clairement les efforts des Nations Unies, comme l’indique aussi la Résolution 1408 (2004) de l’Assemblée parlementaire sur la situation au Sahara occidental. En même temps, la situation au Sahara occidental soulève des questions importantes sur le plan des droits de l’Homme et de la gouvernance démocratique, qui sont au cœur des préoccupations de notre Assemblée. Le but de mon rapport est de mettre en lumière ces aspects particuliers du conflit et de chercher à renforcer le rôle des institutions parlementaires et de la société civile dans la quête d’une solution politique.
Le statut de partenaire pour la démocratie auprès de l’Assemblée parlementaire, accordé au Parlement marocain, constitue une reconnaissance des avancées réalisées par le Maroc en matière de droits de l’Homme, de démocratie et de l’État de droit et présente une réelle opportunité pour renforcer le dialogue entre les deux parties dans tous les domaines d’intérêt commun et relever ensemble les défis globaux. À travers cette base institutionnelle, notre Assemblée a renforcé sa propre capacité à suivre certains aspects de plus près et à en discuter ouvertement avec ses partenaires marocains. J’ai mis à profit les nouvelles possibilités de dialogue intensifié avec le Parlement marocain pour renforcer la contribution parlementaire à la recherche, dans le cadre des Nations Unies, d’un règlement politique équitable, durable et mutuellement acceptable de ce contentieux sur le Sahara occidental, en souffrance depuis trop longtemps déjà.
Je me suis aussi efforcée d’impliquer le Parlement algérien dans ce processus car l’Algérie me paraît jouer un rôle très important depuis le début du conflit du Sahara occidental et serait, selon la position marocaine, une véritable partie prenante dans le conflit.
Notre Commission a procédé, jusqu’à présent, à cinq auditions :
à Paris, le 14 novembre 2012, avec la participation de M. Alexander Ivanko, principal conseiller politique de la Mission des Nations Unies pour le référendum au Sahara occidental (MINURSO), de Mme Christiane Perregaux, du Bureau international pour le respect des droits de l’Homme au Sahara occidental (BIRDHSO), de M. Eric Sottas, de la Kennedy Foundation, ancien Secrétaire général de l’Organisation mondiale contre la torture, et de deux parlementaires algériens, Mme Saïda Brahim Bounab et M. Mohamed Boukhalfa;
à Rabat, le 14 mars 2013, avec la participation de M. Mohamed Cheikh Biadillah, Président de la Chambre des Conseillers du parlement marocain, de M. Rachid Talbi Elalami, Président de la Commission d’enquête sur le camp de Gdeim Izik, de M. Ahmed Abbadi, du Conseil économique et social, de M. Omar Adkhil, membre sahraoui du parlement marocain et président de la Commission de la justice et des droits de l’Homme à la Chambre des Conseillers, et de Mme Khadija Marouazi, Secrétaire générale du Médiateur pour la démocratie et les droits de l’Homme;
à Paris, le 5 septembre 2013, avec la participation de M. Driss El Yazami, Président du Conseil national des droits de l’Homme (CNDH) du Maroc, de Mme Hasna Abouzaid, membre sahraoui du parlement marocain, de Mme Senia Ahmed Merhba, représentante du Front Polisario et du Conseil national sahraoui de la République arabe sahraouie démocratique autoproclamée2, de M. Omar Mansour, représentant du Front Polisario à Paris, et de M. Djamel Ould Abbes, parlementaire, membre du Conseil de la nation algérien.
A Strasbourg, le 29 janvier 2014, avec la participation de représentants de la société civile basés à Laâyoune et Tindouf, à savoir, M. Abadila Essamlali, Président de l’Association ARRAI à Laâyoune, M. Abdellah Elharich, Secrétaire général de l’Association sahraouie pour la démocratie et la justice sociale (MINBAR) à Laâyoune, Mme Fatimetou Moustapha Saleh, membre du Conseil national de l’Association des familles des disparus et prisonniers sahraouis (AFAPREDESA) à Tindouf et Mme El Ghalia Djimi, vice-présidente de l’Association sahraouie pour les victimes de graves violations des droits de l’Homme (ASVDH) à Laâyoune.
A Strasbourg, le 7 avril 2014, avec la participation de M. Maouelainin Ben Khalihanna Maoulainin, Secrétaire Général du Conseil Royal Consultatif des Affaires Sahariennes (CORCAS), et M. Khatri Addouh, Président du Conseil National Sahraoui. Cette dernière audition a permis à la commission d’analyser dans les détails les propositions de solution présentées par les deux parties pour mettre fin au conflit.
Je me suis rendue à Rabat et à Laâyoune du 21 au 24 mai 2013, où j’ai rencontré des autorités marocaines nationales et locales, des parlementaires et des représentants de la communauté internationale, ainsi que des défenseurs des droits de l’Homme. Avant ma visite, organisée avec une grande efficacité par le Parlement marocain, j’avais reçu de nombreuses demandes de représentants d’organisations de la société civile sahraouie basées à Laâyoune, y compris celles qui ne sont pas reconnues par les autorités marocaines. J’ai donc organisé de mon côté des réunions avec un certain nombre d’ONG et d’habitants de Laâyoune.
Je tiens à remercier la délégation de nos partenaires marocains pour la démocratie de leur contribution et de leur disposition à aborder publiquement une question aussi délicate. Suite à un premier examen d’une note introductive le 2 octobre 2013, la délégation marocaine m’a fait parvenir des commentaires que j’ai pris en compte, autant que possible, dans la rédaction de mon rapport qui reflète les conclusions des discussions menées lors des dernières auditions de janvier et avril 2014.
Dernier point, et non le moindre, je me suis également rendue en Algérie du 6 au 9 octobre 2013. A Alger, j’ai été reçue par les Vice-Présidents du Conseil de la nation et de l’Assemblée populaire nationale ; je me suis également rendue dans les camps de réfugiés sahraouis près de Tindouf. Je saisis l’occasion qui m’est donnée ici de remercier le parlement algérien pour l’excellente organisation de mon séjour à Alger.
2. Quarante années de conflit sur le Sahara occidental
Le Sahara occidental est un territoire disputé ; il a le statut onusien de « territoire non autonome ». Il fait partie du dernier chapitre d’une histoire commencée à l’effondrement des empires coloniaux, dans le sillage de la Deuxième Guerre mondiale. Avec une population de plus de 500 000 habitants et une superficie de 266 000 km², le Sahara occidental possède de riches gisements de phosphate, de très importantes réserves halieutiques, des gisements pétroliers et d’autres minerais.
Le territoire est actuellement divisé par un mur d’environ 2 000 km de long et contaminé par des mines antipersonnel, qui continuent de mettre en danger la vie des réfugiés et des populations nomades ainsi que celle des observateurs militaires des Nations Unies. Pour le Maroc, ce mur constitue un dispositif de défense. En 2008, un relevé des zones dangereuses a été effectué par le Service de la lutte anti-mines de l’ONU, duquel il ressortait que le Sahara occidental est l’un des territoires les plus gravement touchés au monde.
La zone située à l’ouest du mur est sous contrôle marocain, tandis que la zone située à l’est est contrôlée par le Front Polisario (pour les Marocains, elle est contrôlée par l’Algérie). La population sahraouie est présente dans les deux zones, sans compter les camps de réfugiés près de Tindouf (Algérie) et la diaspora émigrée dans d’autres pays, notamment en Mauritanie et en Espagne. Les forces des Nations Unies surveillent le cessez-le-feu entre le Front Polisario et le Maroc accepté en 1991 dans le cadre du plan de règlement de l’ONU.
Le Sahara occidental est officiellement devenu province espagnole en 1934, mais se trouvait sous souveraineté espagnole depuis 1884. Selon la position officielle du Maroc, en 1912 le territoire marocain se serait trouvé réparti entre plusieurs zones d’occupation. Quarante-quatre ans après, le Royaume du Maroc aurait commencé à recouvrer, graduellement et à travers des accords internationaux négociés avec les différentes puissances coloniales, son intégrité territoriale. C’est ainsi que le Maroc aurait engagé, au lendemain de son indépendance en 1956, des négociations avec l’Espagne, qui auraient abouti à la récupération progressive de certaines parties situées au sud du Royaume, à savoir Tarfaya en 1958, Sidi Ifni en 1969 et la région de Seguia el Hamra et Oued Ed Dahab, plus connue sous le nom de Sahara, à partir de 1975, à la faveur de l’ « Accord de Madrid ».
Le Front Polisario (« Frente popular para la Liberación de Saguiat El Hamra y de Rio de Oro ») a été créé en mai 1973 pour libérer le territoire du Sahara occidental de la colonisation espagnole. Cette organisation politico-militaire se veut l’instrument d’appel au droit à l’autodétermination et à l’indépendance du Sahara.
En octobre 1975, la Cour internationale de justice a rejeté les revendications du Maroc et de la Mauritanie sur le Sahara occidental mais elle a reconnu l’existence, avant l’époque de la colonisation, de liens d’allégeance, variables selon les époques, entre certaines des tribus du Sahara et le Sultan du Maroc ainsi que l’ensemble mauritanien. L’Espagne a accepté d’organiser un référendum, conformément au droit d’autodétermination du peuple sahraoui reconnu par la Cour. Cependant, en novembre 1975, environ 350 000 Marocains pénétraient au Sahara occidental à la faveur de la « Marche verte » ordonnée par le roi Hassan II afin de récupérer, selon la position officielle du Maroc, la région de Saquiat el Hamra et Oued Ed Dahab. L’Espagne a immédiatement négocié un accord avec le Maroc et la Mauritanie (dit « Accord de Madrid », voir ci-dessus, au paragraphe 14) prévoyant la partition du territoire.
En 1976, le Front Polisario a proclamé la République arabe sahraouie démocratique (RASD), État autoproclamé revendiquant la souveraineté sur le territoire contesté du Sahara occidental. Par la suite, la Mauritanie a signé un accord de paix avec le Front Polisario, tandis que plus tard le Maroc prenait le contrôle du territoire attribué à la Mauritanie, s’agissant, selon le Maroc, de récupérer la région de Oued Ed Dahab. 48 pays, principalement africains, ont reconnu la RASD qui est devenue membre de plein droit de l’Union africaine (UA) en 1984. En protestation, le Maroc s’est retiré de l’UA et reste le seul pays d’Afrique à ne pas en être membre.
Le Front Polisario est installé en Algérie, pays qui lui fournit appui et aide militaire et a permis aux réfugiés sahraouis de s’installer près de Tindouf, où le Front Polisario a établi son siège et son gouvernement en exil. Une guerre meurtrière l’a opposé aux forces marocaines.
En 1991, un accord de cessez-le-feu négocié par l’ONU a créé la Mission des Nations Unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (MINURSO), chargée de la mise en œuvre du plan de paix de l’ONU et de l’organisation d’un référendum au Sahara occidental en 1992. Dans les années qui ont suivi, le processus, fondé sur le recensement effectué par l’Espagne en 1973, s’est trouvé face à de nombreux obstacles dont l’installation au Sahara occidental de milliers de Marocains que le Front Polisario ne pouvait accepter comme votants. Le processus a été suspendu en 1996.
En 1997 et 2000, M. James Baker, envoyé spécial des Nations Unies, a assuré une médiation entre le Front Polisario et le Maroc, mais aucun accord n’a pu être trouvé à propos des personnes qui auraient le droit de vote. En 2001, M. Baker a soumis un accord-cadre prévoyant l’autonomie du peuple sahraoui sous souveraineté marocaine, que le Front Polisario a refusé.
En juillet 2003, les Nations Unies ont adopté une solution de compromis selon laquelle le Sahara occidental deviendrait une région semi-autonome du Maroc pendant une période transitoire de cinq ans, à l’issue de laquelle un référendum pour l’indépendance, la semi-autonomie ou l’intégration au Maroc devrait se tenir. Cette fois, c’est le Maroc qui a rejeté le plan pour des raisons de sécurité, ce qui a conduit M. Baker à démissionner en 2004. D’autres représentants ont été nommés par l’ONU en 2004 et 2005 pour étudier et rechercher avec les parties et les États voisins, notamment l’Algérie, les moyens de sortir de l’impasse politique, en pure perte.
Dès 2005, des manifestations, connues sous le nom « d’intifada de l’indépendance » ont eu lieu dans de nombreuses villes du Sahara occidental; elles ont été durement réprimées par la police marocaine, mais se poursuivent encore actuellement.
En 2006, le Maroc a proposé un plan accordant une large autonomie au territoire, qui serait doté de ses propres organes législatifs, exécutifs et judiciaires, ainsi que de ressources financières lui permettant de se développer, le Royaume du Maroc conservant ses prérogatives dans les domaines de la défense, de la sécurité nationale, des affaires étrangères, de la Constitution, de la religion et des « attributs de la souveraineté ». Le Maroc a mené une vaste campagne diplomatique auprès de nombreux pays afin de préciser le contenu du plan et de parvenir à une solution politique définitive. Les échos ont été largement favorables et la France, en particulier, a qualifié la démarche marocaine de « constructive et sérieuse ».
Le Front Polisario a également présenté en 2006 une « proposition de solution politique mutuellement acceptable qui pourvoit à l’autodétermination du peuple du Sahara occidental », qui prévoit un référendum à trois options : intégration dans le Royaume du Maroc, autonomie ou indépendance. Cette proposition est toujours d’actualité pour le Front Polisario, comme l’a confirmé son Président lors de ma visite dans les camps.
En 2008, les pourparlers ont repris avec la participation de la Mauritanie et de l’Algérie, mais des divergences subsistaient. Au mois de janvier 2009, M. Christopher Ross, ancien ambassadeur des États-Unis en Algérie, a été nommé envoyé personnel du Secrétaire général des Nations Unies pour le Sahara occidental.
Les 9 et 10 octobre 2010, quelques heures à peine avant la reprise des pourparlers sous les auspices des Nations Unies, le camp de Gdeim Izik, à la périphérie de Laâyoune, a été le théâtre de la plus grande manifestation non violente de ce conflit de quarante années, en protestation pacifique contre le gouvernement marocain et la marginalisation économique, politique et sociale du peuple sahraoui. Quelque 20 000 personnes ont campé dans le désert pour protester contre leurs conditions de vie et l’insuffisance des perspectives d’éducation et d’emploi. Des ateliers, un groupe de collecte de dons et un comité de dialogue chargé de négocier avec le gouvernement marocain ont été créés dans le camp.
Le 8 novembre 2010, d’après la plupart des sources et des média internationaux que j’ai consultés, les forces de sécurité marocaines ont pénétré dans le camp avec des hélicoptères et des canons à eau, chassant les occupants, brûlant les tentes, battant les manifestants et procédant à des arrestations. D’après les autorités marocaines, les forces de l’ordre n’avaient pas d’armes à feu et des hélicoptères, qui ne faisaient que filmer, ont été présentés comme des outils d’intervention. Il y a eu plusieurs morts de part et d’autre, dont des agents des forces de l’ordre, et des centaines de blessés. Les journalistes étrangers ont été empêchés d’arriver jusqu’au camp ou ont été chassés de la zone ; néanmoins, les ONG internationales ont été autorisées à enquêter et j’ai moi-même pris connaissance de bon nombre de rapports d’enquête commissionnés par le parlement marocain et par plusieurs ONG marocaines.
Le 17 février 2013, un tribunal militaire de Rabat a condamné 25 civils sahraouis à des peines de prison, dont neuf à perpétuité pour meurtre, pillage et violences en relation avec ces événements, à l’issue d’un procès jugé inéquitable par plusieurs organisations des droits de l’Homme et observateurs internationaux, qui néanmoins ont eu la possibilité d’assister au procès. Parmi les prévenus se trouvaient plusieurs personnes que les autorités marocaines avaient déjà visées ou emprisonnées auparavant en raison de leur action en faveur de l’autodétermination au Sahara occidental ou des droits de l’Homme.
Des allégations de traitement non équitable concernent aussi la période qui a précédé le procès et le fait que celui-ci ait eu lieu devant un tribunal militaire, y compris de la part du CNDH marocain, qui a assuré le suivi de la situation des inculpés avant la tenue du procès et produit un rapport critique concernant les tribunaux militaires. Ce dernier a reçu l’approbation du Roi du Maroc.3. Il faut noter qu’il ne s’agit pas d’un jugement définitif, que les condamnés ont introduit un recours en cassation et que le CNDH est intervenu à maintes reprises depuis la fin du procès pour garantir notamment l’accès aux soins et a tenu plusieurs réunions avec les familles des condamnés.
D’autres violences, qui ont fait des morts et dont les parties en présence ont donné des versions contradictoires, se sont malheureusement produites dans la ville de Dakhla, au Sahara occidental, en septembre 2011.
En 2011, le Maroc a adopté une nouvelle Constitution qui, entre autres, réduit les pouvoirs du roi, garantit la liberté de pensée, d’opinion, d’expression et de création artistiques, d’expression, de circulation et d’association. Ces réformes ont été bien accueillies par l’ensemble de la communauté internationale, qui y a vu une étape importante vers la démocratie et un meilleur respect des droits de l’Homme au Maroc ; mais elles n’ont pas encore été intégrées à la législation nationale et à la pratique gouvernementale.
Le 25 novembre 2011, les élections législatives marocaines ont également eu lieu au Sahara occidental, dans le territoire situé à l’ouest du mur ; elles ont été remportées par le Parti de la justice et du développement (PJD). Neuf parlementaires ont été élus pour représenter le Sahara occidental dans les deux chambres du Parlement marocain. L’un d’eux, M. Chagaf, faisait partie de la délégation marocaine auprès de l’Assemblée parlementaire.
En décembre 2011, le Front Polisario a tenu son 13e Congrès populaire général suivi de la formation d’un nouveau gouvernement en exil.
Ces vingt dernières années, la MINURSO a surveillé le cessez-le-feu sans mandat concernant le volet humanitaire et la situation des droits de l’Homme; elle a aussi soutenu des programmes d’aide visant en particulier à répondre aux besoins des familles sahraouies déplacées et éclatées, ainsi qu’un programme de déminage.
Selon les informations des parlementaires marocains, entre 2009 et 2012, quatre cycles de négociations formelles et neuf cycles de pourparlers informels se sont tenus, au cours desquels le Maroc aurait fait preuve de son approche pragmatique dans ce processus et son engagement sincère à faciliter la mission de l’envoyé personnel du Secrétaire Général de l’ONU, tandis que l’Algérie et le Front Polisario seraient restés sur leur positions, en avançant des options et des solutions dont l’inapplicabilité aurait été prouvée.
En 2012 et 2013, M. Ross, a lancé un nouveau cycle de pourparlers et de visites en Afrique du Nord (Rabat, Fez, Laâyoune, Dakhla, les camps de réfugiés près de Tindouf en Algérie, Nouakchott en Mauritanie et Alger). Il a également entamé, à la fin du mois de mai 2013, des discussions bilatérales confidentielles avec les parties au conflit et les États voisins4. Lors de la dernière tournée de M. Ross en octobre 2013, la MINURSO a demandé aux commissions régionales du CNDH d’établir une liste des acteurs de la société civile à rencontrer, ce qui, selon les autorités marocaines, a été fait sans aucune discrimination et sans tenir compte de leurs opinions politiques.
En avril 2013, le Conseil de sécurité a prorogé le mandat de la MINURSO d’une année supplémentaire, sans l’élargir à la surveillance des droits de l’Homme5. La demande d’élargissement du mandat de la MINURSO au suivi des droits de l’Homme au Sahara occidental a été réitérée par une délégation du Front Polisario qui participait à la 25e session du Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies, tenue à Genève du 3 au 28 mars 2014. Le Conseil de sécurité de l’ONU devrait faire connaître sa décision à la fin avril 2014.
Cela fait presque 40 ans que ce contentieux gèle les relations entre le Maroc et l’Algérie, avec des milliers de réfugiés sahraouis qui vivent sur territoire algérien à la frontière entre le Sahara occidental et l’Algérie.
3. Situation des droits de l’Homme au Sahara occidental
Au cours de la partie de session de juin 2013, j’ai appris avec satisfaction les progrès effectifs réalisés par le Maroc au sujet de diverses questions soulevées par notre Assemblée lorsqu’elle a accordé au Parlement marocain le statut de partenaire pour la démocratie. Le Maroc a en outre récemment intensifié sa coopération avec le Conseil de l’Europe par le biais d’un cadre détaillé de coopération, financé par l’Union européenne, intitulé « Priorités 2012-2014 pour le Maroc dans le cadre de la coopération avec le voisinage » centré sur la réforme de la justice, la corruption, le blanchiment d’argent et la traite des êtres humains. En mars 2013, l’École d’études politiques du Conseil de l’Europe à Rabat a été inaugurée en présence, notamment, de M. Pietro Marcenaro, qui présidait alors notre commission. L’engagement du Maroc dans ce processus a été salué par les organes du Conseil de l’Europe, notamment à l’occasion du dernier comité de pilotage tenu à Paris, en janvier 2013. J’espère que le Maroc tirera bénéfice du programme joint Conseil de l’Europe/UE et continuera d’améliorer son bilan en matière de droits de l’Homme, en particulier dans la perspective du règlement du conflit du Sahara occidental.
Si je me félicite de cette amélioration globale de la situation des droits de l’Homme dans le pays et de la volonté des autorités marocaines de renforcer davantage leur protection, je n’en ai pas moins le devoir de signaler un certain nombre d’allégations d’atteintes aux droits de l’Homme survenues au Sahara occidental, dont j’ai pu m’entretenir directement au cours de mes réunions avec les autorités marocaines, des représentants d’organisations internationales et des défenseurs des droits de l’Homme, à Rabat et à Laâyoune.
Des violations systématiques des droits de l’Homme ont suscité d’énergiques réactions de plusieurs ONG internationales comme Amnesty International, Human Rights Watch et l’ONG Robert F Kennedy Center for Justice and Human Rights. Ces organisations ont dénoncé les disparitions forcées, la torture, les viols, le recours à la détention arbitraire pour réprimer les manifestations, les persécutions et le recours à une force excessive contre les manifestants et ont demandé l’extension du mandat de la MINURSO à la surveillance et à la protection des droits de l’Homme. Dans son rapport intitulé « L’oasis de la mémoire », M. Carlos M. Beristain a décrit la situation en recueillant, en 2011, des témoignages directs de victimes de graves violations des droits de l’Homme commises au Sahara occidental, ainsi que de proches de personnes portées disparues depuis 1975.
Le 4 mars 2013, le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU a examiné le rapport de la Rapporteure spéciale sur la situation des défenseurs des droits de l’Homme, Mme Margaret Sekaggya. Dans son addendum, Mme Sekaggya fait part de ses inquiétudes sur les restrictions à la liberté de réunion au Sahara occidental, le recours excessif à la force lors des manifestations, et les difficultés d’enregistrement dont font part les organisations au Sahara occidental6.
Le respect des droits de l’Homme au Maroc a par ailleurs été évalué dans le cadre de l’examen périodique universel de l’ONU, au mois de mai 2013. Le gouvernement marocain a, par la suite, accepté d’ériger la disparition forcée en infraction dans le Code pénal et de promulguer une loi sur la violence interne, mais il n’a pas appuyé les recommandations de l’ONU demandant un moratoire de droit sur les exécutions et l’amélioration des procédures d’enregistrement des organisations de la société civile. Je rappelle que le moratoire de fait sur la peine capitale est en place depuis 1993 mais que les tribunaux marocains continuent de prononcer des condamnations à la peine capitale. Lors de sa demande de statut de partenaire pour la démocratie, le Parlement du Maroc s’est engagé à abolir la peine de mort en droit et, entretemps, à déclarer un moratoire de droit sur les exécutions. A ce propos, je salue la création, en 2013, d’un réseau de parlementaires contre la peine de mort qui compte plus de 200 parlementaires marocains. Je soutien ce combat pour l’abolition totale de cette peine du système judiciaire marocain. Je salue également l’intention du réseau d’adopter un projet de résolution portant sur l’instauration d’un moratoire universel sur l’application de la peine de mort, qui devrait être soumis à l’attention de l’Assemblée générale des Nations unies en décembre 2014.
Les parlementaires marocains ont souligné que les éventuelles violations des droits de l’Homme ne sont pas systématiques et massives et que les cas soulevés sont des cas isolés, qui sont systématiquement traités par le CNDH. Selon eux, la situation des droits de l’Homme dans la région du Sahara ne constitue pas une exception par rapport au reste du Maroc et cette région a bénéficié de toutes les réformes entreprises par le Maroc aux niveaux politique, économique et social y compris la nouvelle Constitution. Le parlement marocain suit de près la situation des droits de l’Homme, des questions orales sont souvent adressées au gouvernement sur le sujet et des commissions d’enquêtes et d’explorations sont souvent organisées. Les parlementaires marocains ont également fait remarquer que les frontières du Maroc sont ouvertes, ce qui se traduit par un libre accès aux ONG internationales et à la société civile pour mener à bien leurs missions et pour rencontrer différents acteurs.
Malheureusement, en mars 2013, une délégation de députés européens, voyageant à titre privé, s’est vu refuser l’accès à la région. Par la suite, j’ai appris avec satisfaction, qu’après ma visite en mai 2013, qui a été co-organisée avec le parlement marocain, quatre parlementaires espagnols ont pu se rendre au Sahara occidental sans aucune autorisation préalable et se déplacer librement à Laâyoune afin de rencontrer des représentants de la société civile sahraouie. En outre, notre collègue, Mme Josette Durrieu, Sénatrice française, s’est aussi rendue dans la région en 2013 et produit un rapport pour le Sénat français7. À mon avis, les autorités marocaines devraient encourager les visiteurs étrangers à se rendre sur le territoire et y rencontrer qui bon leur semble, comme dans toute démocratie.
L’expression d’opinions dissidentes et de critiques de la position officielle marocaine sur le Sahara occidental reste perçue comme une menace à l’intégrité territoriale du Royaume du Maroc. Les indépendantistes sahraouis se heurtent ainsi à des restrictions dans leurs activités : des allégations d’harcèlement, de surveillance par les forces de sécurité, de restrictions à la liberté de mouvement et certains cas de poursuites pour menace à la sécurité interne et extérieure du Maroc ont été portés à mon attention. La législation sur la presse prévoit des peines de prison pour la diffusion d’informations ou d’opinions menaçant l’Islam, l’institution monarchique ou l’intégrité territoriale, c’est-à-dire la revendication territoriale du Maroc sur le Sahara occidental.
47. Lors de ma visite à Laâyoune au mois de mai, plusieurs autorités marocaines ont tenté de m’empêcher de rencontrer, dans leurs propres locaux, des défenseurs des droits de l’Homme et des dissidents de Laâyoune que j’avais personnellement contactés. Ces organisations ne sont pas reconnues par les autorités marocaines, bien qu’elles aient montré par de nombreuses demandes d’enregistrement qu’elles sont prêtes à fonctionner sous souveraineté marocaine. Je remercie M. Chagaf, qui faisait partie à l’époque de la délégation marocaine à l’Assemblée et qui s’est porté garant pour moi auprès du préfet régional (Wali) me permettant de rencontrer à leur domicile des représentants d’ONG non enregistrées.
48. En novembre 2012, les autorités marocaines ont fait un geste positif en autorisant la chaîne de télévision Al-Jazeera à rouvrir ses bureaux au Maroc, deux ans après les avoir fermés en critiquant la façon dont elle rendait compte du conflit au Sahara occidental.
49. Selon plusieurs rapports internationaux, les autorités continuent de viser les défenseurs sahraouis des droits de l’Homme et les défenseurs de l’autodétermination et de recourir à une force excessive pour réprimer ou empêcher les manifestations au Sahara occidental. Des Sahraouis ont été emprisonnés à la suite de manifestations, certains auraient été torturés ou auraient subi des sévices au cours d’interrogatoires par des agents des forces de l’ordre marocaines. Les allégations correspondantes n’auraient pas fait l’objet d’enquêtes convenables, selon plusieurs organisations de défense des droits de l’Homme.
50. Tant le gouvernement que des défenseurs sahraouis des droits de l’Homme m’ont fait visionner, au cours de mes visites, plusieurs vidéos montrant des actes de violence et de vandalisme. Je n’étais pas en mesure de juger de l’authenticité de ces documents, mais toutes les images qui m’ont été présentées attestaient de violences et de provocations. Si toute forme de violence est condamnable, je trouve particulièrement inquiétant, du point de vue de l’Etat de droit, que les forces de sécurités en fassent un usage délibéré et disproportionné.
51. Comme indiqué précédemment, les autorités marocaines continuent de refuser l’enregistrement formel des organisations sahraouies de la société civile et de défense des droits de l’Homme qui soutiennent le droit à l’autodétermination. J’ai parlé à des représentants de l’Association sahraouie pour les victimes de graves violations des droits de l’Homme (ASVDH), dont l’inscription continue d’être rejetée malgré une décision rendue en 2006 selon laquelle la décision administrative de refus de l’enregistrement était illégale. Aucune des ONG que j’ai rencontrées à Laâyoune n’est autorisée à s’enregistrer et toutes sont considérées comme « illégales » par les autorités locales.
52. Le gouvernement marocain a rejeté une recommandation émise à l’occasion de l’Examen périodique universel de l’ONU lui demandant d’admettre l’enregistrement légal des ONG défendant le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination. Pour leur part, les parlementaires marocains estiment que la réglementation stricte en vigueur, qui, selon eux, s’inspire largement des standards internationaux, constitue un cadre juridique largement étendu et explicite pour les associations, qui recouvre les différents aspects liés à leur constitution, leur fonctionnement et leur mode de financement, et qui régit les rassemblements publics en faisant la distinction entre réunions publiques et manifestations sur la voie publique. A mon avis, la reconnaissance et l’enregistrement des associations aujourd’hui considérées comme « illégales » est une condition préalable à l’instauration du dialogue et permettrait aux autorités marocaines d’avoir des interlocuteurs dans les moments de tension et de révolte.
53. Je félicite le Maroc pour sa législation contre la torture et pour sa ratification de la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ainsi que du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP). Je me félicite également des efforts déployés par le Maroc entre 2003 et 2005 par le mécanisme de justice de transition, l’Instance Equité et Réconciliation, pour enquêter sur les violations flagrantes, généralisées et systématiques des droits de l’Homme commises au Maroc entre 1956 et 1999 (période que les Marocains appellent «les années de plomb»), dont de nombreux cas de torture et de mauvais traitements.
54. Cependant, des rapports crédibles d’organisations internationales et d’ONG locales indiquent que les forces de sécurité marocaines continuent d’infliger des tortures et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants à des détenus, surtout à des militants indépendantistes sahraouis.
55. Malgré le fait que, dans sa Résolution 1818 (2011), l’Assemblée a souligné la nécessité de « prévenir la torture et les traitements inhumains ou dégradants à l’encontre des personnes privées de liberté; lutter contre l’impunité des auteurs d’actes de torture et de sévices » (paragraphe 8.13.), de graves allégations d’abus ont été faites à cet égard, comme également souligné par la Commission des questions juridiques et des droits de l’Homme dans son avis sur l’évaluation du partenariat pour la démocratie concernant le Parlement du Maroc de juin 20138.
56. À la suite de sa visite au Maroc, au mois de septembre 2012, M. Juan E. Méndez, Rapporteur spécial de l’ONU sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, a observé l’émergence d’une culture des droits de l’Homme au Maroc, mais a néanmoins constaté que la torture est toujours pratiquée, surtout dans les situations de forte tension perçues par les autorités comme une menace pour la sécurité nationale, comme les manifestations de masse. Il a aussi conclu à un usage excessif de la force, surtout lorsque la police ou d’autres autorités réagissent à des incidents survenant pendant des rassemblements9.
57. Pour ne citer qu’un exemple, 25 prisonniers, qui attendaient d’être jugés à la suite de violences survenues au camp de protestation de Gdeim Izik, ont été incarcérés à la prison de Sale, près de Rabat, loin de chez eux. Beaucoup d’entre eux disent avoir été torturés ou maltraités d’une façon ou d’une autre pendant leur détention10. Les parlementaires marocains, pour leur part, tiennent à préciser que ni les accusés ni leurs avocats qui les ont accompagnés devant le juge d’instruction n’ont à aucun moment demandé le recours à une expertise médicale pour déterminer le degré de véracité de leurs assertions.
58. Notons que la Résolution 1942 (2013) sur l’évaluation du partenariat pour la démocratie concernant le Parlement du Maroc, s’est félicitée de l’invitation faite au Maroc d’adhérer à une série d’autres conventions du Conseil de l’Europe ou de les signer et a appelé le Parlement marocain à veiller à ce que les conditions appropriées soient réunies à cette fin. L’Assemblée a encouragé aussi les autorités marocaines à envisager l’adhésion à la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (STE n° 126) ainsi qu’aux Conventions du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains (STCE n° 197) et sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (STCE n° 210).
59. Le procès de 25 civils sahraouis, qui devaient être jugés par un tribunal militaire en raison du rôle qu’ils auraient joué dans les confrontations survenues au camp de Gdeim Izik en 2010, a été ajourné à deux reprises. Leurs familles ont indiqué que les conditions de détention étaient particulièrement dures, avec des droits de visite restreints, des difficultés à se faire soigner et à obtenir une nourriture convenable et des vêtements propres.11 Le 17 février 2013, les 25 prisonniers ont été condamnés à des peines allant de 20 ans d’emprisonnement à la prison à vie.
60. Selon le Conseil national marocain des droits de l’Homme, le procès se serait déroulé « dans des conditions normales et selon une procédure régulière ». La Délégation interministérielle aux droits de l’Homme du Royaume du Maroc a publié, au mois de février 2013, un livre blanc sur les événements de Gdeim Izik, dans lequel elle indique ne pas avoir constaté d’irrégularités majeures dans la conduite des forces de sécurité ni dans le déroulement du procès. Le Parlement marocain a constitué une commission d’enquête sur les événements de 2010. Cette commission a rendu son rapport en février 2013, concluant à « des dysfonctionnements de la gouvernance locale, qui ont contribué aux événements de Gdeim Izik et de Laâyoune » et critiquant « le laxisme des autorités locales au moment de l’installation du camp, qui était une erreur des points de vue sécuritaire, social et politique ». Elle opère également une distinction entre une « contestation motivée par des revendications sociales légitimes » et son « exploitation politique par un groupuscule séparatiste soutenu par l’Algérie, qui compte dans ses rangs des criminels et des personnes recherchées par la justice, venus s’installer dans le camp ».
61. Toutefois, de nombreuses organisations de défense des droits de l’Homme estiment que les autorités marocaines devraient rapidement faire rejuger les accusés par un tribunal civil et les remettre en liberté dans l’attente de ce nouveau procès. Ce tribunal devrait également examiner toutes les allégations de torture et s’assurer qu’aucune déclaration obtenue par la violence ou la contrainte n’ait été admise comme preuve. Je salue le fait que le 14 mars 2014 le Maroc a annoncé l’élaboration d’un projet de loi empêchant les tribunaux militaires de juger les civils ; il s’agit là d’une initiative bienvenue qui, espérons-le, aura également des répercussions sur l’affaire de Gdeim Izik.
4. La position et les efforts du Maroc en ce qui concerne les droits de l’Homme au Sahara occidental
62. Tous mes entretiens avec les autorités marocaines m’ont montré que la question du Sahara occidental fait l’unanimité parmi elles, à savoir que toute remise en question compromettrait la stabilité de cette région troublée, ouvrirait la porte aux extrémistes et aux djihadistes, et donnerait à l’Algérie l’occasion de s’ingérer dans les « affaires intérieures » du Maroc.
63. Le Maroc a proposé un plan offrant une large autonomie au peuple sahraoui, considéré par le Maroc comme un peuple marocain d’origine sahraouie. Tous nos interlocuteurs marocains pensent qu’un État indépendant ne serait pas viable pour des raisons de sécurité et craignent de voir se reproduire au Sahara occidental ce qui se passe actuellement au Mali, ce qui aggraverait les risques de déstabilisation de toute la région. Lors de l’audition organisée par la Commission le 7 avril 2014 à Strasbourg, le Dr Maouelainin Ben Khalihenna Maoulainin, Secrétaire Général du CORCAS, a précisé que « l’initiative marocaine d’autonomie est fondée sur la réconciliation et le compromis. La proposition est le fruit d’un large consensus et a été élaborée selon une démarche participative, sincère, démocratique, transparente».
64. 34 tribus du Sahara occidental ont été impliquées dans la préparation de ce plan, qui prévoit un parlement élu localement qui élirait à son tour une autorité exécutive, ainsi que la mise en place d’un système judiciaire indépendant. Le modèle proposé assurerait une représentation majoritaire au sein de l’assemblée législative pour les habitants sahraouis de la région autonome tout en veillant à la représentation législative des non-Sahraouis qui résident depuis longtemps sur le territoire. Les habitants de la région autonome continueraient également à élire des représentants au parlement marocain. Le gouvernement autonome serait compétent dans les domaines de l’administration locale, de la police locale, de l’éducation, du développement culturel et économique, de la planification régionale, du tourisme, de l’investissement, du commerce, des travaux et des transports publics, du logement, de la santé, des sports et de la protection sociale. Il disposerait des prérogatives habituelles lui permettant d’assurer ces fonctions et continuerait également à recevoir des fonds issus du budget de l’État. Il pourrait établir des bureaux de liaison pour le commerce extérieur régional et serait doté de droits consultatifs sur les autres accords étrangers, touchant les domaines régaliens, qui affectent la région12. Ce plan a été présenté au Conseil de sécurité de l’ONU en avril 2007 et a reçu le soutien des Etats-Unis et de la France. Les négociations menées au sein des Nations Unies n’ont pu aboutir à des résultats concluants. Lors de l’audition à Strasbourg, le Secrétaire Général du CORCAS a également lancé un appel pour abandonner les positions extrêmes et pour permettre aux populations des camps de Tindouf de retrouver leurs familles et proches et vivre dans la dignité et la plénitude de leurs droits.
65. Parallèlement, nombre d’institutions marocaines, dont des organisations de défense des droits de l’Homme et le parlement, sont de plus en plus conscientes de la nécessité de prendre au sérieux la question des droits de l’Homme et d’agir efficacement pour leur protection au Sahara occidental, y compris par l’intermédiaire des mécanismes de contrôle des Nations Unies et d’un rôle accru de la communauté internationale et, notamment, de notre Assemblée. Cette nécessité a également été soulignée avec insistance par Mme Hasna Abouzaid, députée de l’opposition représentant le Sahara occidental au Parlement marocain, et par M. Driss El Yazami, Président du CNDH, lors de l’audition tenue par la commission à Paris, le 5 septembre 2013. M. El Yazami, en particulier, a mentionné « l’absence de culture des droits de l’Homme » au Sahara occidental et insisté sur l’importance de promouvoir ces droits dans la région. SelonM. Abdellah Elharich, Secrétaire Général de l’Association sahraouie pour la démocratie et la justice sociale (MINBAR) à Laâyoune, la société civile marocaine redouble d’efforts pour assurer le contrôle des élections dans la région du Sahara occidental et établir des structures de la société civile permettant de renforcer les droits de l’Homme, les droits des femmes et les droits culturels.
66. Comme évoqué plus haut, au cours de la période de « justice transitionnelle », l’Instance Équité et Réconciliation créée en 2004 a enquêté sur les présomptions de graves violations des droits de l’Homme – disparitions forcées, détentions arbitraires, atteintes au droit à la vie, torture, exils forcés, usage disproportionné de la force par la police pour disperser les mouvements de protestation sociale – survenues au Maroc au cours des années dites « de plomb », de 1956 à 1999.
67. Le CNDH a offert des réparations, avec notamment une assistance financière, une formation professionnelle et une assurance médicale, aux victimes sahraouies reconnues ou aux membres des familles de personnes disparues ou détenues dans les années 1970 et 1980. Le Maroc a également renforcé des mécanismes nationaux de surveillance des droits de l’Homme au Sahara occidental par l’ouverture de deux antennes du CNDH à Laâyoune et à Dakhla. L’antenne du CNDH à Laâyoune a recommandé, ces dernières années, l’indemnisation de centaines de victimes ou familles de personnes portées disparues et a récemment recentré son action en faveur de projets communautaires. Cependant, les groupes sahraouis de défense des droits de l’Homme font valoir que de nombreuses demandes ont été rejetées et qu’un nombre bien plus grand encore de demandeurs n’ont pas reçu leurs indemnisations, dont le versement doit être effectué par les instances gouvernementales.
68. L’Association des familles de prisonniers et disparus sahraouis estime que le sort de plus de 550 Sahraouis reste inconnu et de nouvelles découvertes montrent que les informations fournies par le Maroc ne sont pas toujours exactes. En septembre 2013, une équipe espagnole d’experts médico-légaux a publié les résultats d’une enquête confirmant le décès de huit sahraouis, dont deux enfants, disparus en 1976. Ces experts ont, pour la première fois, apporté la preuve que ces personnes ont été exécutées sommairement par les forces armées marocaines. Ces révélations remettent en cause l’exactitude des conclusions publiées par le Conseil consultatif pour les droits de l’Homme (l’institution marocaine des droits de l’Homme, à l’époque) au sujet d’autres cas de disparitions forcées et souligne la nécessité de faire la vérité sur des centaines de cas de disparitions forcées remontant à plusieurs dizaines d’années et de rendre justice aux victimes et à leurs familles. A ce propos, je soutiens la création d’une mission MINURSO-CICR (Comité international de la Croix Rouge) afin de procéder à l’exhumation, à l’identification et à la restitution des dépouilles aux familles. Notons également que le 14 mai 2013, le Maroc a ratifié la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.
69. Le CNDH marocain, l’Institut du médiateur et la délégation interministérielle aux droits de l’Homme constituée en 2011 coopèrent activement avec les Procédures spéciales du Conseil des droits de l’Homme de l’ONU, à travers l’invitation, au Maroc, de trois rapporteurs onusiens en 2012 et de trois autres en 2013. Ces initiatives ont été appréciées par la communauté internationale tel que le Conseil de sécurité des Nations Unies qui, dans le paragraphe 15 de sa résolution n° 2099, « se félicit[e] à cet égard des mesures que le Maroc a prises pour renforcer les commissions du Conseil national des Droits de l’Homme à Dakhla et Laâyoune et du dialogue qu’il entretient avec les titulaires de mandats relevant des procédures spéciales du Conseil des droits de l’Homme de l’ONU, y compris celles qui sont prévues pour l’année 2013 ».
70. La nouvelle Constitution a renforcé le processus de réforme, comme le demandait l’ONU, notamment en définissant plus strictement les conditions d’équité des procès, la participation de la société civile, la non-discrimination et l’égalité des sexes. Cependant, nombre de dispositions constitutionnelles doivent encore être transposées dans la législation interne et dans la pratique de l’État, aussi bien au niveau de l’administration que de la police.
71. Sur une note plus positive, le 13 mars 2014, quelques semaines avant la décision du Conseil de sécurité des Nations Unies sur le mandat de la MINURSO, le gouvernement marocain a annoncé la nomination de personnes de contact au niveau ministériel pour donner suite aux recommandations du CNDH, en particulier des bureaux de Laayoune et de Dakhla, afin de traiter les plaintes des citoyens concernant les droits de l’Homme, dans un délai de trois mois.
72. Fait encore plus marquant, un jour plus tard, le 14 mars 2014, conformément aux recommandations émises par le Conseil national des droits de l’Homme, les avocats et les défenseurs des droits de l’Homme, le Maroc a annoncé l’élaboration d’un projet de loi empêchant les tribunaux militaires de juger les civils.
73. À Laâyoune, j’ai également assisté à la présentation de plusieurs investissements et autres projets très ambitieux en cours de réalisation dans la région (écoles, équipements sportifs, théâtres et autres équipements). Concrètement, un budget important a été consacré, depuis 1976, au développement de cette région. Selon les parlementaires marocains, cet effort dépasse, de loin, les recettes générées par l’exploitation des ressources naturelles et explique largement le fait que l’indice de développement humain dans cette région soit aujourd’hui supérieur à la moyenne nationale en terme de scolarisation, santé, éducation et accès aux infrastructures. Par ailleurs, le 17 janvier 2014, le Président Obama a promulgué un « projet de loi de crédits pour l’exercice 2014 » lequel dispose expressément que l’aide au développement dont bénéficie le Maroc concerne également « l’aide au territoire du Sahara occidental ».
74. Le Maroc est également sur le point de lancer de vastes programmes en faveur des énergies renouvelables. À ce jour, la production d’énergie solaire et éolienne au Sahara occidental représente tout au plus 5,5 % de la quantité totale d’énergie produite au Maroc à partir de ces sources. D’ici 2020, cette part pourrait être portée à environ 26 %. En juillet 2013, le Maroc a également conclu un nouvel accord de pêche de quatre ans avec la Commission européenne, en vertu duquel les bateaux européens auront le droit de pêcher dans les eaux du Maroc et du Sahara occidental. Cet accord a néanmoins été sévèrement critiqué par le Parlement européen ainsi que par de nombreuses ONG car il serait contraire aux principes onusiens qui concernent les territoires non-autonomes.
75. Les Sahraouis que j’ai rencontrés, tout comme des milliers de ceux qui participent régulièrement aux manifestations de rue, affirment de leur côté qu’ils ne tirent aucun bénéfice de l’exploitation de leurs ressources naturelles, en particulier du commerce du phosphate, et que les investissements d’équipement ne leur sont quasiment d’aucun secours. Des aides sont également fournies à la population locale pour atténuer les effets d’un chômage élevé. Elles restent toutefois très limitées et sont interprétées comme une façon « d’acheter la conscience » des gens. De plus, les Sahraouis que j’ai rencontrés considèrent que les efforts déployés par le Maroc pour le développement économique est en fait « un pillage économique des ressources naturelles sahraouies au bénéfice exclusif des élites ». Les Sahraouis se plaignent aussi de discriminations dans l’accès au logement et à l’emploi.
76. En mars 2013, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) du Maroc a publié une évaluation critique de l’actuel modèle de développement du territoire, portant notamment sur la gouvernance et les questions de transparence et de responsabilité, mais aussi de droits de l’Homme, qui sont source de tensions sociales et qui ont comme effet pervers de créer une logique d’assistance et de dépendance. Comme souligné dans le rapport du Sénat français publié en octobre 2013, la liberté du rapport du CESE montre que les autorités marocaines souhaitent attaquer la question des inégalités qui fait le lit des mouvements sociaux spontanés13.
77. D’après les parlementaires marocains, depuis que le Maroc a présenté l’initiative d’autonomie en 2007, la question des droits de l’Homme est exploitée pour dévier les négociations et utilisée comme prétexte pour ne pas s’engager dans la recherche d’une solution politique au différend régional du Sahara occidental. Il s’agirait d’une réaction aux réalisations continues du Maroc sur le plan politique depuis la présentation du projet d’autonomie. À leur avis, le rejet systématique de l’initiative marocaine d’autonomie ferait défaut à la crédibilité et à la bonne foi du Front Polisario, quant au règlement de ce différend.
78. Pour leur part, des observateurs estiment également que le gouvernement marocain doit faire des efforts sérieux et crédibles pour convaincre les jeunes Sahraouis que leurs aspirations à la liberté et au respect de leur dignité auraient plus de chances de se réaliser dans le cadre d’un Maroc véritablement démocratique et pluraliste, ouvert aux divergences d’opinions et respectueux des droits de l’Homme et de la différence culturelle. Concrètement, il faudrait leur permettre de s’exprimer librement et donner la possibilité aux acteurs de la société civile de s’organiser et de participer à la vie publique, jusqu’au niveau parlementaire. Seule la pleine démocratisation des institutions du pays pourrait donner une chance au Maroc de faire reconnaître sa souveraineté sur le Sahara occidental14.
79. J’ai eu la possibilité d’aborder la question à maintes reprises avec nos collègues marocains. Je les ai encouragés à inviter les défenseurs des droits de l’Homme que j’avais rencontrés à Laâyoune à une audition au Parlement, à Rabat, et à voir en eux des interlocuteurs stratégiques plutôt que des opposants, ce qui serait la marque d’une institution authentiquement pluraliste et démocratique, digne du statut de partenaire pour la démocratie de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.
80. Dans cet esprit, je salue l’initiative de l’Union Internationale de la Jeunesse Socialiste d’organiser un programme de visites qui a eu lieu en septembre 2013 d’une délégation de 4 jeunes du Polisario et 4 jeunes Marocains, y compris des députés de l’Union socialiste des forces populaires (USFP), à Dakhla et Laâyoune et ensuite à Tindouf, afin de juger la réalité des choses sur le terrain et de reconstruire la confiance entre les deux parties. Le chef de la délégation marocaine, M. Ali El Yazghi, député de l’USFP, a remarqué qu’« un avenir est possible pour tous dans un Maroc uni, pluriel et qui accepte toutes les divergences »15. Les jeunes se sont mis d’accord sur le principe d’un rassemblement élargi entre les jeunes des deux côtés et dans un pays neutre.
81. Je me félicite également de l’initiative du groupe parlementaire du Parti de la Justice et du développement (PJD) à la Chambre des Représentants du Parlement marocain pour l’activité de communication appelée « Caravane de la lampe », sous le slogan « La Réforme : engagement et responsabilité collectifs », qui a eu lieu du 27 au 30 mars 2014 et qui a permis d’entreprendre un dialogue avec des associations des droits de l’Homme y compris des ONG prônant l’indépendance du Sahara occidental. Au cours de ces réunions, les membres du groupe parlementaire ont pu écouter les doléances de la population et les différents points de vue. Ils se sont également engagés à poursuivre le dialogue avec toutes les composantes politiques, civiles, sociales à travers d’autres réunions à la Chambre des Représentants16.
5. Situation dans les camps de réfugiés proches de Tindouf
82. Les 7 et 8 octobre 2013, je me suis rendue à Alger pour rencontrer des représentants du Parlement algérien et, ensuite, à Tindouf, qui abrite quatre camps sahraouis, « Aousserd », « Dakhla », « El Ayoun» et « Smara », dont les noms proviennent des principales villes du Sahara occidental ; je suis également allée dans le camp scolaire du « 27 février », connu sous le nom de « Boujdour », et à « Rabouni », le centre administratif qui abrite les bureaux du gouvernement auto-proclamé de la RASD, les ONG locales et l’hôpital. Créés en 1975 pour les réfugiés fuyant le conflit, les camps de Tindouf figurent parmi les plus anciens au monde et sont totalement dépendants de l’aide internationale.
83. L’Algérie a reconnu la RASD auto-proclamée et le Polisario en tant que « gouvernement en exil ». Mes entretiens avec les parlementaires algériens ont confirmé l’importance que l’Algérie attache au principe de l’auto-détermination, en raison de sa propre histoire de colonisation et dans le respect des résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU, ainsi que sa détermination à soutenir les mouvements d’indépendance dans le monde. L’Algérie a ainsi, par exemple, soutenu l’indépendance du Timor oriental, essentiellement peuplé de Chrétiens, contre l’Indonésie, un pays musulman. Toutefois, elle estime que les négociations doivent se dérouler entre le Front Polisario et le Maroc et qu’elle n’est pas un interlocuteur.
84. En l’absence de chiffres officiels, le gouvernement algérien estime le nombre de réfugiés à 165 000. En attendant le lancement d’une campagne d’enregistrement, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) fonde ses programmes d’assistance sur une estimation de 90 000 réfugiés vulnérables dans les camps17. Les autorités marocaines ont demandé à l’Algérie de procéder à un recensement pour établir le nombre effectif et la composition des réfugiés vivant dans ces camps et ont souligné que le recensement constitue une condition préalable à l’exercice du mandat du HCR de protection des réfugiés et la fourniture de l’aide humanitaire. Depuis 1975, l’Algérie a toujours refusé de permettre le déroulement de l’opération et l’a conditionnée à un règlement politique global de la question du Sahara. Cette conditionnalité constitue, selon les parlementaires marocains, une violation des obligations statutaires et légales du HCR et représenterait un défi pour le consensus international sur la nécessité de distinguer la dimension humanitaire du processus politique du conflit. Cette attitude algérienne confirmerait la contradiction entre les déclarations de neutralité de l’Algérie et de ses actes dans la question du Sahara.
85. Pour les occupants des camps, il est difficile de se rendre en visite dans les parties du Sahara occidental sous contrôle marocain ; des milliers de familles sont donc séparées depuis près de 40 ans. Depuis 2004, le HCR déploie un programme de mesures de confiance visant à instaurer des contacts directs entre les familles séparées du Sahara occidental et à les aider à se retrouver en organisant des vols réguliers. En janvier 2012, il a lancé un plan d’action actualisé sur les mesures de confiance. Le Maroc et le Front Polisario participent activement à ce programme et a récemment pris part à la quatrième réunion d’évaluation des mesures de confiance organisée sous les auspices du HCR, tenue à Genève, les 2 et 3 juillet 2013.
86. Le Front Polisario est lui aussi accusé par le Maroc de réprimer la liberté d’expression, de pratiquer la torture et le détournement d’aide dans les camps de réfugiés près de Tindouf. S’il a reconnu les accusations de mauvais traitements remontant aux années 1970 et 1980, le Front Polisario dément qu’il en aille encore de même et affirme que les habitants des camps sont libres d’exprimer leurs opinions, de se déplacer et même de quitter les camps.
87. Dans son rapport de visite de 2006, le Haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l’Homme conclut que les conditions de vie dans les camps sont difficiles, mais que la situation des droits de l’Homme est satisfaisante18. En 2010, le gouvernement sahraoui en exil a fait appel aux Nations Unies pour surveiller le respect des droits de l’Homme dans les camps. Plusieurs ONG internationales se rendent régulièrement dans les camps et n’ont pas rapporté de violations majeures des droits de l’Homme. Les organisations internationales présentes dans les camps que j’ai rencontrées m’ont dit qu’elles avaient un accès libre à tout le territoire des camps et que la collaboration avec le gouvernement sahraoui était très bonne.
88. En octobre 2012, au cours de la visite de M. Ross, dans les camps de réfugiés de Tindouf, le Secrétaire général du Front Polisario, M. Mohamed Abdelaziz, a exprimé sa profonde exaspération face à l’incapacité des Nations Unies à organiser le référendum sur l’autodétermination. S’agissant de la situation prévalant alors au Mali, il a souligné que le Front Polisario est fermement opposé aux activités des groupes terroristes ou criminels et qu’il a pris des mesures pour empêcher tout recrutement dans les camps. Lors des réunions avec les groupes de jeunes, d’étudiants et de femmes, M. Ross a constaté que les Sahraouis des deuxième et troisième générations étaient déçus non seulement par le manque de progrès dans les négociations mais aussi par l’absence de possibilités d’emploi. Bon nombre se sont déclarés favorables à des actions radicales comme la reprise des hostilités contre le Maroc, exigeant que la MINURSO reconnaisse son impuissance et s’en aille. D’autres ont prévenu que ces exaspérations faisaient des jeunes des cibles potentielles de recrutement pour les réseaux criminels ou terroristes.19
89. Le 10 juin 2013, le Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, a réitéré « l’engagement de l’ONU à aider le Maroc et le Front Polisario à négocier une solution à leur différend de longue date sur le statut futur du Sahara occidental, conformément aux résolutions de l’ONU », suite à une rencontre avec M. Abdelaziz à New York. Au cours de cette rencontre, M. Ban Ki-moon « a souligné son intérêt soutenu à l’égard des droits de l’Homme au Sahara occidental et pour les camps de réfugiés » et a félicité l’engagement continu du Front Polisario à maintenir le dialogue. Il a également encouragé le Front Polisario à rester en contact de manière constructive avec l’Envoyé personnel du Secrétaire général pour le Sahara occidental, Christopher Ross, qui a appelé les deux parties à faire preuve de souplesse et de créativité dans la recherche d’une solution au conflit. Des conclusions similaires ont été émises à la suite de la dernière visite de M. Ross en octobre 2013.
90. Pendant ma visite des camps le 8 octobre 2013, j’ai eu l’occasion de m’entretenir de ces questions avec M. Mohamed Abdelaziz, Secrétaire du Front Polisario et Président de la RASD auto-proclamée, et avec M. Khatri Addouh et d’autres membres du Conseil national sahraoui, l’organe législatif de la RASD auto-proclamée, qui compte 53 membres « élus » dans 11 circonscriptions basées dans les camps de réfugiés en Algérie et d’autres territoires contrôlés par le Front Polisario. Les « élections » les plus récentes ont eu lieu du 17 au 19 février 2008.
91. La RASD auto-proclamée possède sa propre Constitution, qui prévoit une séparation des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire. Tous les habitants des camps sont membres du Front Polisario, toutefois les opinions divergentes seraient débattues ouvertement au sein du Conseil.
92. J’ai également eu l’occasion de visiter un jardin d’enfants, une école primaire et une clinique locale et j’ai pris note des mécanismes de fonctionnement de la gouvernance locale. Cependant, la pauvreté, le manque de services de base, la malnutrition et le manque d’accès à l’eau potable demeurent des motifs très importants d’inquiétude. Le Programme alimentaire mondial fournit aux réfugiés chaque mois environ 125 000 rations alimentaires générales, et les femmes enceintes ou qui allaitent ainsi que les enfants sous-alimentés reçoivent des compléments alimentaires riches en oligoéléments.
93. Les femmes jouent un rôle important dans la gestion des camps, encouragent l’égalité entre les sexes et ont un rôle essentiel dans la prise de décisions sur divers aspects de la société, notamment le processus de distribution de la nourriture, comme l’a souligné l’Union des femmes sahraouies. L’éducation primaire est obligatoire pour tous les enfants sahraouis, qui doivent cependant quitter le Sahara occidental s’ils veulent poursuivre leurs études (en Algérie, à Cuba, en Libye ou dans d’autres pays).
94. La société civile est très active dans les camps et j’ai discuté d’un certain nombre de questions urgentes, qui sont reprises tout au long du présent rapport. Selon l’Association des familles de prisonniers et disparus sahraouis, il n’y a aucune volonté de la part du Maroc d’enquêter sur la réalité de ce qui est arrivé aux personnes qui ont disparu. Les récentes révélations de l’équipe espagnole d’experts médico-légaux soulignent la nécessité de révéler la vérité sur des centaines de cas de disparitions forcées remontant à plusieurs dizaines d’années et de rendre justice aux victimes et à leurs familles. Lors d’une audition organisée à Strasbourg en janvier 2014, Mme Fatimetou Moustapha Saleh, membre du Conseil national de l’Association des familles de disparus et de prisonniers sahraouis (AFAPREDESA) à Tindouf, a évoqué son père porté disparu depuis 1976 ainsi que les nombreux disparus sahraouis que le Maroc refuse de reconnaître. Elle a exhorté les autorités marocaines à publier la liste des victimes et à coopérer avec les autorités à Tindouf et la communauté internationale afin de faire la lumière sur les tragédies passées. Notre collègue Tiny Kox, ancien rapporteur sur le partenariat pour la démocratie avec le Conseil national palestinien, a insisté sur la responsabilité qui incombe à la délégation marocaine, en tant que premier partenaire pour la démocratie de notre Assemblée, à aider les familles de disparus à connaître la vérité. Il a attiré l’attention sur le fait que le partenariat devrait être un instrument permettant de résoudre des problèmes concrets, à l’instar de celui-ci. Pour ma part, je souscris pleinement à cette déclaration.
95. À l’issue d’une réunion avec l’Association des victimes de mines antipersonnel à Tindouf, j’ai appris que le Front Polisario avait signé l’appel de Genève sur l’interdiction des mines antipersonnel en novembre 2005, alors que le Maroc est l’un des pays à ne pas avoir signé le traité d’Ottawa sur l’interdiction des mines.
96. D’après le HCR, en 2012 et 2013, les effets de la crise économique mondiale ont encore aggravé la situation dans les camps, car de nombreux donateurs ont retiré ou limité leurs contributions. On s’attend à ce que cette tendance se poursuive en 2014. Les représentants des organisations internationales et des ONG basées dans les camps, ainsi que les dirigeants du Polisario, sont d’avis que le statu quo engendre une frustration croissante, en particulier chez les jeunes. Un autre problème de plus en plus préoccupant est celui de l’instabilité dans la région, qui est un carrefour pour le trafic de drogue, les combattants d’Al-Qaïda et les rebelles touareg du Mali. La frustration, le chômage et l’absence de perspectives, combinés à une hausse des trafics en tous genres, risquent encore d’accroître les activités illégales.
6. Considérations finales
97. Les avancées réalisées par le Maroc en matière de droits de l’Homme, de démocratie et de l’Etat de droit ont été reconnues par notre Assemblée à travers l’octroi du statut de partenaire pour la démocratie au parlement du Maroc en 2011. Néanmoins, les allégations de violations des droits de l’Homme au Sahara occidental doivent être prises au sérieux et devraient être envisagées en liaison avec le rapport d’évaluation positif du partenariat pour la démocratie concernant le Parlement du Maroc sur la base duquel l’Assemblée a adopté en juin 2013 la Résolution 1942.
98. Je suis absolument convaincue que le respect scrupuleux des droits de l’Homme et des principes démocratiques doit l’emporter sur toute autre considération dans un pays dont le parlement est partenaire pour la démocratie auprès de notre Assemblée.
99. Un certain nombre d’organisations marocaines de défense des droits de l’Homme ont heureusement commencé à exprimer des critiques et je salue leur courage. Il faut espérer que le Parlement marocain se montrera lui aussi plus critique à l’égard de l’action gouvernementale au Sahara occidental pour ce qui est de la protection des droits de l’Homme de toute la population sahraouie. J’encourage le gouvernement marocain à mettre en œuvre toutes les recommandations formulées dans les rapports des Nations Unies et du Conseil national marocain des droits de l’Homme (CNDH), dont l’indépendance doit être renforcée, et à continuer à développer une véritable culture des droits de l’Homme.
100. Comme je l’ai indiqué plus haut, si les autorités marocaines tiennent à convaincre les jeunes sahraouis que leurs aspirations à la liberté et au respect de leur dignité trouveront mieux à se réaliser dans le cadre d’un Maroc véritablement démocratique et pluraliste, elles doivent leur permettre d’exprimer librement leurs opinions et autoriser les groupes de la société civile à s’organiser par eux-mêmes et à participer à la vie publique, y compris au niveau parlementaire. Une action concrète en ce sens pourrait être d’organiser des auditions à Rabat avec la participation d’ONG non enregistrées et de défenseurs des droits de l’Homme.
101. À mon premier passage dans la région, j’ai entendu deux histoires, deux langages et on m’a présenté deux visions de l’avenir. Parmi les défenseurs des droits de l’Homme que j’ai rencontrés à Laâyoune, Rabat, Tindouf, Genève, Paris et Strasbourg, j’ai ressenti un sentiment d’exaspération croissante devant le statu quo, la violence et la récurrence des violations des droits de l’Homme, surtout parmi les jeunes Sahraouis. Je partage les craintes d’Aminatou Haidar qui voit là un risque de radicalisation et de reprise de la violence.
102. Les autorités marocaines craignent que les militants islamiques ne fomentent des violences. Elles comptent en outre sur les pêcheries et les mines de phosphate du territoire et ont entamé une campagne de prospection pétrolière. Les pays occidentaux voient dans le Maroc un allié stable dans une région agitée et le règlement du conflit ne les intéresse pas au point de vouloir se pencher sérieusement sur les violations des droits de l’Homme.
103. Je partage l’avis de ceux qui voient dans le Sahara occidental le parfait exemple des limites de la capacité de la communauté internationale à aider une population à jouir de son droit à l’autodétermination si elle décide de ne pas recourir à la violence et de se conformer aux règles, par exemple par voie de référendum20. Un accord négocié par les Nations Unies a donné, en 1991, à la population du Sahara occidental le droit de choisir son avenir par les urnes : l’indépendance ou le rattachement au Maroc. Malgré plus de 20 ans de négociations politiques, cette population est toujours laissée pour compte, avec des milliers de familles déchirées par le conflit. La déception est grande face à l’action et aux capacités de l’ONU et l’absence de volonté du Conseil de sécurité d’agir avec détermination a mené la situation dans l’impasse.
104. Pour leur part, les parlementaires marocains estiment que la pratique onusienne dans la résolution des conflits des territoires non autonomes démontre que le recours au référendum reste une exception, dans la mesure où, depuis 1945, seuls 4 cas ont été résolus par un vote référendaire, la grande majorité ayant été solutionnée grâce aux négociations. Ainsi, l’exercice de l’autodétermination ne passerait pas forcement par l’organisation d’un référendum. D’après le Maroc, il s’agit d’un mécanisme qui a déjà été testé au Sahara occidental et a fait preuve de son inapplicabilité et dont le processus d’identification mené pendant plusieurs années n’a pas été concluant. Les parlementaires marocains soulignent également que le caractère tribal et nomade des populations sahraouies rendrait impossible l’opération d’identification.
105. Depuis 2004, le Conseil de Sécurité des Nations Unies fait référence à la recherche d’une solution politique, négociée et mutuellement acceptable. La proposition marocaine d’un plan offrant une large autonomie au peuple sahraoui ne serait une option acceptable par les représentants du Polisario qu’à condition qu’elle passe par un choix du peuple Sahraoui, à travers un référendum, comme réitéré par M. Addouh, Président du Conseil National Sahraoui, lors de la dernière audition du 7 avril 2014. D’après M. Addouh, « le territoire n’appartient pas au Maroc et, tant que son statut n’est pas défini, le Maroc ne peut pas lui accorder une autonomie sous sa souveraineté ».
106. J’estime qu’il n’appartient pas à notre Assemblée de soutenir l’une ou l’autre proposition de solution présentées par les deux parties pour mettre fin au conflit, du moment que des négociations à haut niveau sont en cours. Le rapport, en octobre 2014, du Secrétaire Général des Nations unies au Conseil de Sécurité, sera l’occasion d’avoir une première évaluation des négociations. S’il n’y a aucun progrès avant avril 2015, il faudra inviter les membres du Conseil à examiner en profondeur le cadre fixé en avril 2007 pour le processus de négociation.21 A ce propos, je salue et je soutiens les efforts de l’Envoyé spécial du Secrétaire général des Nations Unies, M. Ross, et je partage son avis sur le fait que la question des droits de l’Homme reste un élément primordial de tout règlement global du conflit. Le respect des droits de l’Homme doit être assuré au Sahara occidental et dans les camps de Tindouf sans attendre un règlement politique final entre le Maroc et le Front Polisario. À mon avis, le Parlement marocain, le Conseil National Sahraoui ainsi que le Parlement algérien devraient prendre une part plus active et s’impliquer davantage dans la recherche de solutions qui permettraient de faciliter les négociations et consolider la confiance entre les parties au conflit, en soutenant les efforts des Nations Unies.
107. Il ne peut y avoir de solution au conflit sans confiance mutuelle et je regrette l’absence de dialogue authentique entre les représentants marocains et les Sahraouis militants pour le droit à l’autodétermination de leur population, en tant qu’élus ou en tant que représentants de la société civile (ONG enregistrées ou non). Les initiatives de l’Union Internationale de la Jeunesse Socialiste et du groupe parlementaire du Parti de la Justice et de développement (PJD) à la Chambre des Représentants du Parlement marocain représentent un bon début et j’encourage tous les parlementaires marocains et les autres acteurs de la société civile à suivre cette piste.
108. À mon avis, la reconnaissance et l’enregistrement des associations aujourd’hui considérées comme « illégales » est une condition préalable à l’instauration du dialogue et permettrait aux autorités marocaines d’avoir des interlocuteurs dans les moments de tension et de révolte. Les libertés d’expression, d’association et de réunion doivent être pleinement garanties et le Parlement marocain, en tant que partenaire de la démocratie auprès de notre assemblée, devrait intensifier ses efforts pour assurer la protection de ces libertés au Sahara occidental.
109. Je me félicite des invitations marocaines à plusieurs délégations internationales et aux rapporteurs spéciaux des Nations Unies. Les autorités marocaines devraient également autoriser les missions d’enquête d’autres organisations internationales telles que la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples et le Parlement européen ou toute autre instance qui en ferait la demande.
110. En ce qui concerne la situation dans les camps de Tindouf, l’Assemblée devrait exhorter les autorités du Front Polisario à faciliter, avec l’assistance de l’Algérie, des recensements réguliers ou des enregistrements officiels afin d’améliorer la gestion de l’assistance humanitaire et les conditions de vie des réfugiés, et d’assumer leurs responsabilités pour garantir la sécurité et le respect des droits de l’Homme dans les camps. Toute allégation de violations des droits de l’Homme dans les camps devrait pouvoir être investiguée par une instance indépendante.
111. En avril 2013, les États-Unis ont, pour la première fois, proposé que les Nations Unies surveillent la situation des droits de l’Homme au Sahara occidental. Après un lobbying intense, et avec le soutien de la France, le Maroc a mis en échec cette proposition, ce qui a déclenché de nouvelles protestations.
112. Pour leur part, les parlementaires marocains estiment que l’inclusion du monitoring des droits de l’Homme au mandat de la MINURSO ne serait pas en mesure d’apporter la solution idoine, du fait que la MINURSO se contenterait uniquement de rapporter des faits. En revanche, ils soulignent que le CNDH, organe marocain indépendant, en sus des rapports qu’il soumet régulièrement aux autorités marocaines, émet des recommandations pour aborder la question des droits de l’Homme dans le cadre d’une approche globale. Cependant, les rapports, avis et propositions du CNDH, de même que son règlement interne et ses priorités, sont soumis à l’approbation du Roi du Maroc, lequel désigne également ses membres22. Parmi les membres du CNDH, beaucoup, notamment son président, ont été des défenseurs actifs des droits de l’Homme. Le manque d’indépendance nuit toutefois à la crédibilité des institutions23.
113. Le 22 octobre 2013, le Parlement européen a adopté le rapport de l’eurodéputé Charles Tannock sur la situation des droits de l’Homme dans la région du Sahel24, rapport qui inclut une section importante sur le Sahara occidental. Ce texte met l’accent sur la nécessité de régler le conflit du Sahara occidental qui freine actuellement l’intégration régionale et il pointe une situation extrêmement préoccupante au Sahel en matière de sécurité, de droits de l’Homme et de développement humain, social et économique. La résolution adoptée encourage les Nations Unies à créer un nouvel organe permanent et impartial en matière de droits de l’Homme qui serait chargé de surveiller et de rendre compte de la situation globale des droits de l’Homme, ainsi que d’enquêter sur les différentes plaintes et demande que cet organe englobe la zone du Sahara occidental contrôlée par le Maroc, les camps de Tindouf ainsi que les autres territoires sous contrôle du Front Polisario. A mon avis, le Maroc devrait prendre en considération une telle proposition qui serait susceptible par la suite de débloquer le statu quo et faciliter l’acceptation d’une solution politique par toutes les parties au conflit.
114. Le 29 avril 2014, adoptant à l’unanimité la Résolution 2152 (2014), le Conseil de Sécurité des Nations unies a prorogé le mandat de la MINURSO jusqu’au 30 avril 2015 et a demandé aux parties « de poursuivre les négociations sous les auspices du Secrétaire général, sans conditions préalables et de bonne foi, en tenant compte des efforts faits depuis 2006 et des faits nouveaux survenus depuis, en vue de parvenir à une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable qui pourvoie à l’autodétermination du peuple du Sahara occidental dans le cadre d’arrangements conformes aux principes et buts de la Charte des Nations Unies », tout en prenant note « du rôle et des responsabilités des parties à cet égard ».
115. Pour leur part, les États membres du Conseil de l’Europe doivent redoubler d’efforts dans la recherche d’un règlement à un conflit qui a engendré tant d’années de détresse. Il n’y aura pas de réconciliation sans droit à la vérité et à la justice ni sans solution à l’exil d’une population marginalisée dans les camps de réfugiés, ce que tous les participants aux auditions organisées par la commission ainsi que mes interlocuteurs dans la région n’ont eu de cesse de souligner clairement. Il me semble également nécessaire de renforcer le plan d’action du HCR sur les mesures de confiance et d’intensifier les rencontres des familles séparées du Sahara occidental.
116. Enfin, il appartient aux parlements et aux gouvernements du Maroc et de l’Algérie d’intensifier leur dialogue sur toute question concernant les droits de l’Homme et la démocratie dans la région, afin de renforcer des relations de confiance favorisée par les échanges comparables à celui qui s’est récemment produit entre les jeunes de l’Union Internationale de la Jeunesse Socialiste.
117. À ce propos, la conférence régionale organisée par la Commission des questions politiques et de la démocratie à Lisbonne le 8 novembre 2013 sur Les changements politiques en Méditerranée du sud et au Proche-Orient : le rôle des institutions représentatives,avec la participation de présidents et représentants des parlements d’Algérie, de Jordanie, du Liban, du Maroc, de l’Assemblée nationale constituante de Tunisie, du Conseil National Palestinien et des représentants des forces politiques d’Égypte est une bonne initiative qui devrait être poursuivie au niveau gouvernemental ainsi qu’au niveau des parlements nationaux.
118. Enfin, selon moi, la mise en œuvre des recommandations qui seront émises par l’Assemblée devraient être prises en considération dans le prochain rapport, prévu en 2015, sur l’évaluation du Partenariat pour la démocratie concernant le Parlement du Maroc (Rapporteur : M. Bogdan Klich, Pologne, PPE/DC). Dans ce contexte, l’Assemblée devrait continuer à faciliter les échanges directs entre les parties concernées. Comme l’ont souligné plusieurs membres de la Commission, ce Partenariat doit devenir un outil permettant de résoudre les problèmes concrets et d’apporter des solutions novatrices aux conflits au long cours, également au moyen de débats parlementaires.
Annexe I: Programme de la visite à Rabat et Laâyoune
Mardi 21 mai 2013 – Rabat
12h20
Arrivée de la délégation à Rabat
13h15
Rencontre avec M. Karim Ghellab, Président de la Chambre des Représentants
14h00
Déjeuner offert par M. Mohammed Yatim, Président de la délégation marocaine de partenariat pour la démocratie auprès de l’APCE
Mercredi 22 mai 2013 – Laâyoune
8h30
Visite de la MINURSO (Mission des Nations Unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental)
10h
Rencontre avec M. Le Wali de la région Laâyoune, Boujdour-Sakia El Hamra
12h
Rencontre avec des organisations non gouvernementales (ONG) de la région et familles des victimes
13h – 15h
Rencontre avec M. le Président du Conseil Municipal de Laâyoune et M. le Président de la région, ainsi qu’avec des élus de la région.
15h30
Rencontres organisées par la Rapporteure avec des représentants de la société civile : Association sahraouie des victimes des violations graves des droits de l’homme commises par l’État (ASVDH) Comité de défense du droit à l’autodétermination du Sahara Occidental (CODAPSO) Comité de Soutien au Plan de Résolution Onusien et pour la Protection des Ressources Naturelles au Sahara Occidental (CSPRON) Forum Avenir de la Femme Sahraouie (FAFESA) Équipe MediaComité des familles des 15 disparusObservateur pour la protection de l’enfant et de la femmeAssociation de la Conservation de la mémoire SahraouieAssociation pour la protection de la culture SahraouieLigue de protection des prisonniers Sahraouis, avec la participation de 3 avocats
Jeudi 23 mai 2013 – Rabat
8h30
Rencontre avec M. Mustapha Khalfi, Ministre de la communication, porte-parole du gouvernement
9h30
Rencontre avec M. El Habib Belkouch, Vice-Président du Conseil National des Droits de l’Homme (CNDH)
11h
Rencontre avec des représentants du Ministère de la Justice
12h30
Rencontre avec M. Chakib Benmoussa, Président du Conseil économique, social et environnemental
13h
Rencontre avec M. Khalihenna Ould Errachid, Président du Conseil Royal Consultatif des affaires sahariennes (CORCAS)
13h30
Déjeuner
15h – 18h
Rencontres organisées par la Rapporteure avec des représentants de la société civile au siège d’Amnesty International Maroc : Ligue Marocaine de défense des droits humains (LMDDH)Association Marocaine des droits humains (AMDH)Organisation marocaine des droits humains (OMDH)Association Justice (ADALA)Médiateur pour la démocratie et les droits de l’homme
19h
Rencontre avec des représentants du ministère des affaires étrangères et de la coopération
20h
Dîner organisé par l’Ambassade de Suisse avec des représentants d’ONG et des milieux académiques marocains
Vendredi 24 mai – Rabat
8h15
Rencontre avec un représentant de l’Organisation marocaine des droits humains (OMDH)
9h
Rencontre avec des membres de la délégation marocaine de partenariat pour la démocratie auprès de l’APCE
10h45
Rencontre avec M. Mohamed Cheikh Biadillah, Président de la Chambre des Conseillers
12h
Fin de la visite
Annexe II : Programme de la visite à Alger et Tindouf
Dimanche 6 octobre 2013 – Alger
17h10
Arrivée à Alger
20h00
Dîner organisé par M. Thomas Feller, Ambassadeur de Suisse à Alger avec la participation d’un représentant du Comité international de la croix rouge
Lundi 7 octobre 2013 – Alger et Tindouf
9h
Rencontre avec Mme Leyla Ettayeb, Vice-présidente du Conseil de la Nation
11h
Rencontre avec M. Mohamed Djemiai, Vice-président de l’Assemblée Populaire Nationale et M. Boualem Bousmaha, Président de la Commission des affaires étrangères, de la coopération et de l’émigration à l’Assemblée Populaire Nationale
13h
Déjeuner offert par le parlement algérien
15h
Départ pour Tindouf
19h
Arrivée à Tindouf et départ pour Rabuni, « VIP Guest House », en compagnie de Mme Noueina Dkhil, membre du Conseil National Sahraoui, et de M. Mahmoud Eidda, fonctionnaire du Département des affaires étrangères de la « République Arabe Sahraouie Démocratique »
20h45
Rencontre avec M. Khatri Addouh, Président du Conseil National Sahraoui
21h
Dîner offert par le Président du Conseil National Sahraoui
Mardi 8 octobre 2013 – Tindouf et Alger
8h
Départ pour la Wilaya de Smara
9h
Rencontre avec le Wali de Smara
9h45
Visite d’une « daira » (commune) et rencontres avec le Président de la « daira » et les membres du conseil communal
10h45
Visite de la crèche, de l’école primaire et du dispensaire de la « daira »
12h15
Départ pour la Wilaya du Boujdour et rencontre avec la Secrétaire générale de l’Union des femmes
14h
Déjeuner avec Mmes Khadijetou Kehbib, Ouarda Hammoudi, Meyama Selma et Momma Dah, femmes membres du Conseil National Sahraoui
16h
Rencontres avec des représentants de la MINURSO, du Haut-Commissariat pour les Réfugiés, du Programme Alimentaire Mondial et de l’UNICEF
17h
Rencontre avec des représentants de l’Association des familles des prisonniers et des personnes disparues (AFAPREDESA)
17h45
Rencontre avec des représentants de l’Association des victimes des mines anti-personnel
18h30
Rencontre avec M. Mohamed Abdelaziz, Président du Front Polisario et de la « République Arabe Sahraouie Démocratique »
19h30
Départ pour l’aéroport de Tindouf et retour à Alger
7 Rapport d’information fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat français sur « la rive Sud de la Méditerranée, une zone de prospérité à construire », par Mme Josette Durrieu et M. Christian Cambon, Sénateurs, 30 octobre 2013.
9 A/HRC/22/53/Add.2, rapport au Conseil des droits de l’Homme de l’ONU.
10 Amnesty International, rapport annuel 2013. Amnesty International a également lancé, au mois de mai 2013, un appel à la libération d’un adolescent de 17 ans, El Hussein Bah, emprisonné à Laâyoune, le Procureur du Roi ayant annulé une précédente décision de libération sous caution. Cinq autres Sahraouis arrêtés pour avoir manifesté en faveur de l’autodétermination auraient été contraints à faire des « aveux » sous la torture et sont maintenant exposés à un procès inéquitable. Le 6 mars 2014, quelque 40 détenus sahraouis de la prison d’Aït Melloul ont entamé une grève de la faim pour protester contre la détérioration de leurs conditions à l’intérieur de la prison.
11 Voir aussi Human Rights Watch, World report 2013.
12 Initiative marocaine pour la négociation d’un statut d’autonomie de la région du Sahara, 2007.
13 Rapport d’information fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat français sur « la rive Sud de la Méditerranée, une zone de prospérité à construire », par Mme Josette Durrieu et M. Christian Cambon, Sénateurs, 30 octobre 2013.
14 Aboubakr Jamaï et Ali Anouzla, Sahara : Le coût de l’autoritarisme, Lakome, média marocain indépendant, 30 avril 2013.
15 Ali Elyazghi. “Vivre à Tindouf est inhumain”, Telquel, 5 Octobre 2013.
16 Communiqué de presse du Groupe de la Justice et du Développement, 7 avril 2014.
18 Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’Homme (HCDH), Rapport de mission au Sahara occidental et dans les camps de réfugiés de Tindouf, 2006.
19 Rapport du Secrétaire général au Conseil de sécurité des Nations Unies sur la situation concernant le Sahara occidental, 8 avril 2013.
20 Voir Jenn Abelson, Western Sahara: why Africa’s last colony can’t break free – In Global Politics, Playing by the Rules doesn’t Always Help, The Boston Globe, 16 juin 2013.
21 Rapport du Secrétaire Général des Nations unies au Conseil de Sécurité sur la situation concernant le Sahara occidental, 10 avril 2014.
22 Dahir (Décret royal), n°1-11-19 du 1er mars 2011.
23 Voir également fondation Alkarama, Questionnaire sur les Institutions Nationales des Droits de l’Homme et les défenseurs des droits de l’Homme – Contribution d’Alkarama sur le CNDH marocain, 2012.
24 Résolution du Parlement européen du 22 octobre 2013 sur la situation des droits de l’Homme dans la région du Sahel (2013/2020(INI)).
– vu sa résolution du 15 décembre 2022 sur les soupçons de corruption du Qatar et le besoin plus large de transparence et de responsabilité au sein des institutions européennes[1] , à sa délibération du 25 octobre 2016 sur la lutte contre la corruption et le suivi de la délibération CRIM[2] et à sa résolution du 19 janvier 2023 sur la situation des journalistes au Maroc, notamment le cas d’Omar Radi[3] ,
– vu l’ensemble de mesures proposées par le président du Parlement européen visant à renforcer l’intégrité, l’indépendance et la responsabilité présentées le 8 février 2023,
– vu sa résolution du 9 mars 2022 sur l’ingérence étrangère dans tous les processus démocratiques de l’Union européenne, y compris la désinformation[4] ,
– vu sa résolution du 16 septembre 2021 sur le renforcement de la transparence et de l’intégrité au sein des institutions de l’Union par la création d’un organe indépendant d’éthique de l’Union[5] ,
– vu le discours du président de la Commission sur l’état de l’Union pour 2022 du 14 septembre 2022 et le programme de travail de la Commission pour 2023,
– vu la convention de 1997 établie sur la base de l’article K.3, paragraphe 2, point c), du traité sur l’Union européenne pour la lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires des Communautés européennes ou des fonctionnaires des États membres de l’Union européenne[6] ,
– vu le règlement n° 31 (CEE), 11 (CEEA) fixant le statut des fonctionnaires et le régime applicable aux autres agents de la Communauté économique européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique[7] ,
– vu le registre de transparence de l’Union européenne,
– vu la convention des Nations unies contre la corruption de 2003, qui témoigne d’une reconnaissance quasi universelle de l’importance de la bonne gouvernance, de la responsabilité et de l’engagement politique,
– vu les conventions du Conseil de l’Europe sur la corruption,
– vu le traité sur l’Union européenne, et notamment son article 29,
– vu l’article 132, paragraphe 2, de son règlement intérieur,
A. considérant que, en réponse immédiate à l’enquête en cours menée par les autorités belges qui a mis au jour un stratagème extrêmement préoccupant de corruption, de blanchiment d’argent et de participation à une organisation criminelle impliquant l’enquête d’actuels et d’anciens députés au Parlement européen et de leur personnel, sur 15 décembre 2022 Le Parlement adopte à une large majorité sa résolution sur les soupçons de corruption du Qatar et le besoin plus large de transparence et de responsabilité au sein des institutions européennes; considérant que la résolution appelait à l’adoption d’un certain nombre de mesures urgentes pour renforcer l’intégrité, la transparence et la responsabilité des institutions de l’Union européenne;
B considérant que le 8 février 2023, le président du Parlement européen a présenté un ensemble de mesures proposées visant à renforcer l’intégrité, l’indépendance et la responsabilité; considérant que les mesures ont été adoptées par la conférence des présidents du Parlement lors d’une réunion à huis clos;
C considérant que les dernières révélations portent gravement atteinte à la perception publique de l’Union européenne en général et du Parlement en particulier et risquent d’alimenter davantage le scepticisme à l’égard des institutions et du projet européens, ainsi que le sentiment croissant de méfiance à l’égard des institutions démocratiques et des élus de l’Union; considérant que les récentes révélations érodent considérablement la crédibilité du Parlement lorsqu’il traite et dénonce la corruption dans d’autres institutions de l’Union, des États membres ou des pays tiers;
D. considérant que la corruption attaque le fondement même de nos institutions démocratiques en déformant les processus électoraux, en pervertissant l’État de droit, en sapant la crédibilité des mandats publics et en créant des structures et des processus uniquement destinés à solliciter des pots-de-vin;
E. considérant que ce scandale de corruption sans précédent doit être saisi comme une opportunité pour le Parlement de revoir radicalement ses méthodes de travail et son règlement intérieur afin de regagner la confiance du public, de montrer l’exemple aux autres institutions européennes et de fournir un modèle pour une institution responsable et éthique démocratie parlementaire;
1. souligne que la transparence et la responsabilité sont des outils essentiels pour prévenir la corruption et garantir la confiance dans les institutions publiques, et souligne l’urgente nécessité de veiller à ce que le Parlement se dote de mesures fortes pour lutter en faveur de la démocratie, de la transparence et de la responsabilité et contre la corruption;
2. souligne que les pots-de-vin et les formes pernicieuses de corruption politique ont un impact extrêmement destructeur sur tous les aspects de la société, contribuent à l’instabilité gouvernementale, érodent la confiance du public dans les institutions démocratiques et constituent, en fin de compte, une grande menace pour la démocratie et l’État de droit;
3. souligne que la prévention et la lutte contre la corruption sont une responsabilité essentielle des institutions démocratiques et que ce n’est que par la coopération et l’implication de tous les organes responsables, y compris la conférence des présidents, la conférence des présidents des commissions, le bureau, le comité consultatif et toutes les commissions compétentes au sein Le Parlement, la Commission, le Conseil et les autres institutions pouvons-nous surmonter l’impact public extrêmement négatif des révélations actuelles ;
4. note que les propositions initiales visant à renforcer l’intégrité, l’indépendance et la responsabilité présentées par le président du Parlement européen le 8 février 2023 constituent une première étape nécessaire pour répondre au besoin urgent pour l’institution de garantir la responsabilité, la transparence et l’intégrité de l’Union européenne établissements; souligne toutefois qu’il est essentiel que le Parlement maintienne un niveau d’ambition élevé et demande que des mesures supplémentaires et plus étendues soient ajoutées au plan d’action, notamment en matière de protection, de suivi, de signalement et de contrôle des lanceurs d’alerte;
5. déplore vivement que deux mois après son pire scandale de corruption, il n’y ait pas eu de processus ouvert et transparent, y compris avec la participation d’experts externes; vise à remédier publiquement aux lacunes de ses règles internes et de leur application afin de montrer de manière crédible au public un engagement fort à mener des réformes et à regagner la confiance que les citoyens devraient avoir dans la seule chambre directement élue de la démocratie européenne ; regrette profondément que même les changements les plus évidents et les plus consensuels n’aient pas été adoptés par la plénière du Parlement ou d’autres organes compétents, y compris les modifications des règles de transparence pour tous les députés sans exception, pour leur personnel et pour leurs réunions et les réunions de leur personnel avec des groupes d’intérêt et des tiers représentants;
6. rappelle que le contrôle public et le contrôle démocratique sont primordiaux dans une démocratie qui fonctionne; demande une clarté et une transparence accrues dans le processus de réforme en cours afin d’assurer un contrôle public du processus et de regagner la confiance des citoyens et de la société civile par une action crédible; demande que toutes les décisions soient adoptées et que les délibérations aient lieu lors de réunions publiques, garantissant ainsi la responsabilité et le contrôle; déplore que le Parlement ait développé une pratique consistant à prendre des décisions, y compris celles relatives à la nomination des fonctionnaires de l’administration, sur la base de considérations politiques, plutôt que sur des critères objectifs tels que les qualifications;
7. souligne la nécessité d’accélérer de toute urgence le processus d’adoption et de mise en œuvre des réformes nécessaires pour regagner la confiance et assurer la prévention et la préparation afin de renforcer la transparence et la responsabilité du Parlement et de toutes les institutions de l’Union et de lutter contre la corruption; insiste pour que les réformes soient votées en plénière dès que possible, en tout cas au plus tard en juin 2023, et que des mesures plus ambitieuses soient ouvertement discutées et adoptées dès que possible;
8. regrette que les mesures adoptées ne contiennent pas de propositions pour une réforme crédible du comité consultatif sur la conduite des députés; s’engage à réformer ce comité consultatif conformément à sa proposition d’un organe d’éthique indépendant et estime que ce comité consultatif réformé devrait fonctionner jusqu’à ce que le nouvel organe d’éthique indépendant de l’UE puisse reprendre son rôle; souligne que cela doit impliquer l’adoption d’une définition claire et complète du conflit d’intérêts à la lumière des récentes révélations, l’introduction d’un contrôle par des experts externes, la possibilité pour le comité consultatif de contrôler les députés de sa propre initiative, la possibilité pour quiconque de formuler des plaintes fondées, l’introduction la publication obligatoire par le Président des sanctions adoptées et des situations où les sanctions ne sont pas appliquées,
9. se félicite du fait que les mesures adoptées prévoient des sanctions exécutoires et dissuasives, mais considère qu’il est absolument nécessaire de préciser ce que sont ces sanctions et comment elles doivent être décidées, mises en œuvre et appliquées de manière transparente; déplore qu’aucune sanction pécuniaire n’ait jamais été infligée pour une infraction au code de conduite des députés malgré au moins 26 infractions documentées dans les rapports annuels du comité consultatif sur la conduite des députés; estime que toute violation du code de conduite doit être sanctionnée financièrement et que ces sanctions doivent être dissuasives ; propose l’obligation pour le président d’expliquer les cas où des sanctions ne sont pas automatiquement imposées; est d’avis qu’en plus des sanctions financières, d’autres sanctions devraient également être envisagées en fonction de la gravité de l’infraction; note que le règlement prévoit que, pour certaines infractions, les députés ne peuvent être élus titulaires de mandats du Parlement ou de l’un de ses organes, être nommés rapporteurs ou participer à une délégation officielle ou à des négociations interinstitutionnelles; propose l’imposition de cette sanction pour les manquements graves au code de conduite;
dix. déplore que la protection des lanceurs d’alerte, en particulier au Parlement, mais aussi dans d’autres institutions de l’Union, soit plus faible que dans la directive pertinente; se félicite que les mesures adoptées s’engagent à améliorer la protection des lanceurs d’alerte et appelle à de nouveaux progrès dans ce domaine tout en appelant également la Commission et le Conseil à coopérer avec le Parlement sur la mise à jour et le renforcement des règles relatives à la protection des lanceurs d’alerte dans les institutions et organes de l’UE et agences ;
11. se félicite des mesures adoptées concernant l’introduction d’une période de réflexion avant que les anciens députés ne puissent travailler pour des représentants d’intérêts, des cabinets de conseil en affaires publiques, des cabinets de conseil, des cabinets d’avocats ou d’autres institutions cherchant à influencer l’élaboration des politiques européennes ou nationales; estime que cette période de réflexion devrait durer au moins six mois, mais que pendant cette période, un ancien député devrait pouvoir bénéficier de l’indemnité transitoire; demande la mise en place d’un système permettant un examen externe de chaque cas;
12. demande à nouveau aux institutions de l’UE de réformer le registre de transparence, notamment en introduisant des règles de transparence plus strictes, en cartographiant les financements étrangers pour le lobbying lié à l’UE et en garantissant des entrées permettant d’identifier les financements provenant de gouvernements étrangers et d’entités agissant en leur nom; se félicite des mesures adoptées sur l’obligation pour tous les députés, quel que soit leur rôle, les assistants parlementaires accrédités et le personnel de déclarer les réunions programmées avec des représentants diplomatiques de pays tiers et des tiers couverts par le champ d’application du registre de transparence; souligne que ces déclarations de réunions doivent être aussi claires et accessibles au public que possible et que des sanctions en cas de non-déclaration de réunions doivent être appliquées;
13. rappelle que toutes les organisations relevant du champ d’application du registre de transparence doivent suivre les règles relatives aux déclarations financières et que ces informations doivent être facilement accessibles; estime que le registre devrait avoir les moyens d’examiner ces déclarations; regrette que certaines déclarations ne précisent pas les montants exacts qui sont dépensés pour la représentation d’intérêts au sein des institutions européennes; rappelle l’importance d’une consultation transparente et équilibrée des parties prenantes dans le cadre de l’élaboration des politiques;
14. se félicite des mesures adoptées à l’égard des représentants du Qatar à la suite des révélations; réitère toutefois sa profonde préoccupation face aux allégations de corruption par les autorités marocaines et demande la mise en œuvre des mêmes mesures pour les représentants du Maroc; réitère son engagement à mener des enquêtes approfondies et à traiter les cas de corruption impliquant des pays cherchant à acheter de l’influence au Parlement;
15. se félicite des mesures adoptées pour introduire une déclaration obligatoire de conflit d’intérêts pour les rapporteurs et les rapporteurs fictifs; souligne l’importance d’appliquer véritablement les règles en matière de conflits d’intérêts par le biais de sanctions, le cas échéant;
16. se félicite des mesures adoptées pour accroître la transparence des déclarations financières des députés en exigeant davantage d’informations sur les emplois parallèles et les activités extérieures des députés; estime que le Parlement doit être plus strict et plus transparent en publiant le montant exact des revenus annexes perçus et les clients pour le compte desquels les députés travaillent contre rémunération; note que l’application de ces règles par le biais de sanctions, le cas échéant, est essentielle à leur pleine mise en œuvre; s’engage à interdire tout travail rémunéré des députés pour des organisations ou des individus relevant du champ d’application du registre de transparence de l’UE ; s’engage à n’autoriser les députés, les assistants des députés et le personnel à occuper des postes au sein d’organisations relevant du champ d’application du registre de transparence que si ces organisations y sont inscrites;
17. regrette que les mesures adoptées, bien qu’inclues dans sa résolution de décembre, ne prévoient pas explicitement l’instauration d’une déclaration de patrimoine par les députés en début et en fin de mandat, ce qui offrirait des garanties supplémentaires contre la corruption, à l’instar de nombreux États membres; estime que la déclaration de patrimoine ne devrait être accessible qu’aux autorités compétentes pour leur permettre de vérifier si les actifs déclarés correspondent aux revenus déclarés lorsqu’ils sont confrontés à des cas d’allégations étayées, ce qui rendrait sensiblement plus difficile la dépense des produits illégaux;
18. S’engage à mieux clarifier sa politique sur les remboursements de frais de voyage et les cadeaux reçus par les députés, ainsi qu’à mieux communiquer les règles sur les cadeaux et les voyages pour les députés et à renforcer leur application par des sanctions le cas échéant ; demande que des mesures adéquates garantissent que les frais de déplacement légitime vers des pays tiers liés au mandat puissent être couverts par l’institution;
19. s’engage à renforcer l’interdiction des activités parallèles de lobbying pour les députés et à la rendre pleinement effective, et à introduire une interdiction des discours, événements, articles et apparitions sponsorisés ;
20. se félicite des mesures adoptées pour faire respecter l’interdiction des activités des groupes d’amitié avec des pays tiers pour lesquels il existe déjà des délégations officielles du Parlement et qui pourraient entraîner une confusion avec les activités officielles du Parlement; souligne l’importance d’une transparence totale sur les activités des groupes d’amitié et d’une application accrue de leurs règles de transparence par des sanctions appropriées, y compris la dissolution de ces groupes non officiels si nécessaire;
21. déplore que le Bureau n’ait pas pleinement mis en œuvre la volonté de la plénière exprimée à plusieurs reprises de réformer l’indemnité de dépenses générales, empêchant ainsi la transparence et la responsabilité des dépenses de l’Union et favorisant une culture d’impunité;
22. est gravement préoccupé par les points du plan initial du président qui restreignent les résolutions sur les droits de l’homme déposées en tant que questions urgentes; est soulagé que ces points aient été retirés; souligne l’importance pour notre institution de continuer à agir en faveur de la société civile, des journalistes, des universitaires et des défenseurs des droits de l’homme et de l’environnement, qui risquent leur vie dans le monde entier pour défendre la démocratie, l’État de droit et les droits de l’homme; souligne à cet égard que les résolutions d’urgence sont un précieux, sinon le principal outil des droits de l’homme dont dispose le Parlement, un outil qui doit être préservé et même renforcé, et non sapé;
23. invite les États membres et toutes les institutions de l’Union, en particulier le Parlement, à renforcer leur coopération avec l’Office européen de lutte antifraude (OLAF), l’Agence de l’Union européenne pour la coopération judiciaire en matière pénale (Eurojust) et le Parquet européen afin de assurer une enquête appropriée et efficace sur tous les cas présumés de corruption dans les institutions, organes et agences de l’UE ; demande que les capacités et la coopération entre l’OLAF et le Parquet européen soient encore renforcées, en tant qu’organes clés de l’UE en matière de lutte contre la corruption; souligne la nécessité d’une législation européenne unique directement applicable qui réglemente la corruption des fonctionnaires de l’UE;
24. demande à la Commission et au Conseil de coopérer avec le Parlement pour œuvrer à la réalisation des réformes nécessaires pour assurer la prévention et la préparation afin de renforcer la transparence et la responsabilité des institutions de l’Union et de lutter contre la corruption; souligne que le prochain paquet « Défense de la démocratie », et en particulier les mesures visant à actualiser le cadre législatif de la lutte contre la corruption, offre une occasion opportune d’agir pour mettre en lumière l’influence étrangère et le financement clandestins et pour relever les normes relatives à des infractions telles que l’enrichissement illicite, le trafic dans l’influence et l’abus de pouvoir, au-delà de la corruption ;
25. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, à la vice-présidente de la Commission/haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et aux gouvernements des États membres.
L’année dernière n’a pas été bonne pour l’image de l’Union européenne. Le scandale du Qatargate gronde. Jusqu’à présent, outre divers fonctionnaires et parasites, trois eurodéputés, dont un vice-président du Parlement européen, et un ex-eurodéputé ont été impliqués dans le scandale. La semaine dernière, cependant, un autre scandale sordide a éclaté, cette fois à propos de l’achat par l’UE de vaccins Covid à Pfizer. Le scandale est moins grave dans la mesure où personne ne suggère qu’il s’agisse de véritables pots-de-vin. Mais c’est quand même un peu plus gênant parce qu’il embrasse la présidente de la Commission Ursula von der Leyen en personne.
En cause, les milliards versés par le bloc à Pfizer pour les vaccins. En 2020, Pfizer avait livré un premier lot au prix exorbitant de 15,50 € la pop. Au début de 2021, l’UE avait besoin de plus et a obtenu les vaccins – cette fois à 19,50 €. Les sourcils se sont levés. De manière inquiétante, des rumeurs circulaient sur des échanges répétés de SMS privés échangés peu de temps avant le deuxième accord entre elle et le PDG de Pfizer, Albert Bourla, sur des questions telles que le prix à payer.
Les demandes des journalistes pour obtenir des enregistrements de ceux-ci en vertu des lois européennes sur la liberté d’information ont été systématiquement bloquées. Les excuses allaient de la vie privée aux affirmations selon lesquelles aucune conversation de ce type n’avait jamais été officiellement enregistrée et que la liberté d’information ne couvrait de toute façon pas ce type de données, et des suggestions regrettables selon lesquelles elles auraient pu être supprimées de toute façon. Les soupçons ont encore été soulevés lorsque le mur du silence s’est poursuivi malgré un rapport cinglant du Médiateur de l’UE en janvier 2022 et des critiques voilées de la Cour des comptes de l’UE plus tard l’année dernière. La semaine dernière, le New York Times , l’un des journaux qui avait initialement publié l’histoire en 2021 et qui creusait tranquillement depuis lors, a perdu patience. Il a maintenant poursuivi l’UE devant son propre tribunal pour l’obliger à révéler l’information, et a rendu public ce fait.
Les échanges vont-ils maintenant se révéler ? Pour être honnête, probablement pas. Ils auront vraisemblablement été partagés, voire pas du tout, entre un très petit nombre de hauts gradés européens. À moins que quelqu’un ait encore les messages et choisisse d’abandonner l’omerta de l’UE, le pari doit être que tout ce que nous obtiendrons sera un jugement disant que les messages auraient dû être révélés, que des mesures raisonnables devraient être prises pour les rechercher, mais que si ils ne sont pas là alors malheureusement on ne peut pas faire grand-chose.
Et les messages pourraient bien ne pas être là – ils auraient pu être effacés. Il convient de rappeler qu’il y a environ quatre ans, il est apparu qu’à l’époque où von der Leyen était ministre allemande de la Défense, des messages avaient mystérieusement disparu de son téléphone, ce qui aurait été utile pour sonder des achats informatiques plutôt douteux pour l’armée allemande. Von der Leyen a nié que les messages aient quoi que ce soit à voir avec les contrats d’approvisionnement.
Le résultat est que les allégations de mauvaise gestion des achats de Covid ne resteront que cela – des allégations. Les détracteurs de von der Leyen continueront de suggérer que cela ressemble à un accord louche : les partisans diront qu’elle faisait de son mieux pour servir les intérêts européens contre l’emprise de Big Pharma qui avait le bloc sur un baril. Qui a raison, nous ne le saurons peut-être jamais.
L’effet réel, cependant, sera sur la réputation et le poids politique de l’UE, et cela pourrait bien être important. Au sein de l’Europe, Bruxelles est déjà politiquement assiégée. Elle est confrontée à l’inconfortable vérité qu’elle ne peut plus compter sur la loyauté inconditionnelle d’États membres encore plus anciens à l’idée européenne : même en Italie, il y a des signes de scepticisme naissant de la part du gouvernement de Giorgia Meloni. Elle doit également rajeunir l’idée d’une identité européenne parmi les électeurs ordinaires et susciter un intérêt pour les élections au Parlement européen égal à celui des votes nationaux. L’apparente incapacité de Bruxelles à garder sa propre maison en ordre, ou à faire la part des choses en cas d’allégations de magouilles, ne peut qu’aggraver les choses à ces deux égards.
Et ceci sans compter l’Europe de l’Est. L’approche intransigeante de la Commission et du Parlement européen envers la Pologne et la Hongrie, avec leur réticence à suivre la ligne de l’UE ou à admettre la suprématie inconditionnelle de l’ordre européen, dépend en partie d’allégations de corruption endémique et de copinage au sein de ces États. Avec le Parlement et maintenant le président de la Commission eux-mêmes faisant l’objet d’allégations d’accords louches et d’obscurcissement délibéré, tout ascendant politique que Bruxelles aurait pu avoir autrefois disparaît de jour en jour. Viktor Orbán en Hongrie a déjà, et à juste titre, souligné que les membres d’un Parlement européen embourbé dans le Qatargate ne sont guère en bonne position pour attaquer son propre pays. Il a maintenant tout à fait raison de dire à peu près la même chose à la Commission à propos de ce scandale.
Au moins en Grande-Bretagne, nous avons un recours contre une classe dirigeante que nous considérons comme coupable de copinage et d’être sur le qui-vive. Nous pouvons le rejeter, comme nous pourrions bien le faire l’année prochaine. Avec l’UE semi-démocratique, cela est plus problématique, et les résultats politiques pourraient bien être moins prévisibles et plus durables. Une chose est claire : quelle que soit la vérité, nous n’entendrons pas la fin du scandale Covid de l’UE avant un certain temps.
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Un rapport d’Al-Quds Al-Arabi a déclaré que les gouvernements européens ne peuvent pas ignorer le Parlement européen, même s’il n’est pas contraignant, d’autant plus que le vote est venu de la droite dans ses différentes couleurs et de la gauche dans ses différentes variantes.
Parmi les exemples, le Parlement européen a voté l’interdiction de la vente d’armes à certains pays arabes en raison de la guerre au Yémen, et un certain nombre de pays ont déjà gelé la vente d’équipements militaires.
Selon le rapport, tous les accords signés par l’Union européenne avec des pays tiers sont soumis au vote du Parlement européen. À la lumière de cette décision, le Parlement européen liera la ratification de tous les accords à la mesure dans laquelle le Maroc satisfait et respecte les recommandations contenues dans la décision, en particulier les droits de l’homme.
En troisième lieu, il deviendra difficile pour le Maroc de convaincre le Parlement européen d’adopter ses thèses coloniales au Sahara Occidental. Au contraire, cette décision, selon le rapport, invitera davantage l’Europe à croire en la cause sahraouie et aux droits des peuple sahraoui.
Selon Al-Quds Al-Arabi, ce qui est peut-être inquiétant, c’est que cette décision placerait l’Espagne dans une position très critique et la ferait reculer par rapport à sa récente décision concernant le Sahara occidental.
Sanchez a été contraint de demander à ses députés au Parlement européen de voter contre la décision de condamner le Maroc sous prétexte de ne pas être d’accord sur certains éléments de la déclaration et non sur l’intégralité de la déclaration, 17 députés du Parti socialiste espagnol ayant voté contre la décision, à l’exception du chef d’équipe qui a voté en sa faveur.
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Agences – Dans le cadre de l’accord qu’Antonio Panzeri a passé avec les autorités belges, il devrait témoigner demain, donnant des témoignages qui devraient « brûler » bon nombre des personnes impliquées.
Les informations à ce jour indiquent que Pierre Antonio Panzeri, le cerveau présumé du Qatargate, sera invité à dire toute la vérité aux autorités judiciaires belges, sans rien cacher. En effet, s’il ne le fait pas, il « rompt l’accord » qu’il a conclu avec les procureurs belges pour réduire sa peine.
Deux facteurs qui ont fait pression sur Panzeri
Panzeri va donner de nouveaux noms impliqués dans le scandale du Qatar et du Maroc », a déclaré une source à Euractiv, qui, en effet, a mentionné que les autorités belges avaient également fait une proposition d’accord similaire à celle de Pantseri à Eva Kaili, avec toutefois , elle refuse de plaider coupable. « Politiquement, elle aurait fini, mais légalement, elle aurait écopé d’une meilleure peine […] elle aurait pu continuer sa vie dans le privé », note la source.
Jusqu’à présent, l’Italien avait gardé le silence, mais il y avait deux facteurs qui l’ont mis sous une pression intense, l’amenant à changer de tactique. L’ancien député européen aurait été poussé par la décision d’un tribunal italien d’extrader sa fille vers la Belgique, mais aussi par le fait que l’eurodéputée Eva Caili et son partenaire, Francesco Giorgi – ancien assistant de Panzeri – l’ont blâmé dès le jour ils ont été arrêtés. Les jours précédents, les informations de Bruxelles parlaient de la référence extensive d’Eva Kaili aux déclarations de Pancheri aux autorités belges et effectivement de manière négative.
Ce que Panzeri s’engage à révéler
Par cet accord, il s’engage à informer les enquêteurs et notamment la Cour sur : – le mode opératoire,
– arrangements financiers avec des pays tiers,
– les structures financières créées,
– les bénéficiaires des structures et des avantages offerts,
– l’implication de personnes connues ou inconnues dans l’affaire, y compris l’identité des personnes qu’il reconnaît avoir corrompues,
Selon le mémorandum signé aujourd’hui, la peine de Pierre Panzeri sera celle prescrite, mais limitée. Elle comprendra une peine d’emprisonnement, une amende et la confiscation de tous les avantages immobiliers acquis, d’une valeur d’un million d’euros.
C’est la deuxième fois dans l’histoire de la justice belge, après l’application de la loi dite des « repentis » (repentis, en référence à la loi italienne permettant les enquêtes sur les mafias) que cette procédure aboutit à la signature d’un mémorandum. Dans les deux cas, il s’agit d’une stratégie appliquée par le Parquet fédéral.
Ce que dit Dimitrakopoulos à propos du témoignage de Panzeri
Dans le bulletin d’information principal d’ANT1, lundi (23/01), l’un des avocats d’Eva Kaili, Michalis Dimitrakopoulos, a parlé des développements rapides attendus concernant le Qatargate.
Comme l’a mentionné M. Dimitrakopoulos, Eva Kaili ne se soucie pas de ce qu’Antonio Panzeri se prépare à témoigner demain. « Pourquoi Pancheri a-t-il maintenant décidé de tout raconter ?
Sa femme et sa fille sont impliquées dans le scandale, donc pour sauver sa famille, il peut impliquer des personnalités politiques d’autres pays et signer tout ce qu’ils lui demandent. Des gens qui n’ont pas encore été entendus, de pays comme l’Angleterre, la France et peut-être même la Grèce », a d’abord souligné M. Dimitrakopoulos.
« Madalena Kaili est très contrariée »
Il a souligné, en effet, que ce que Mme Kaili aurait pu savoir sur Pantseri, elle ne le savait que par l’intermédiaire de son mari. « Il n’était pas au courant des transactions que Pancheri avait avec le Qatar ou avec d’autres pays.
Il n’a rien demandé à Kaili par l’intermédiaire de son mari », a précisé M. Dimitrakopoulos, soulignant que les procureurs belges ne peuvent pas « lier » l’accusation de corruption à Mme Kaili car il n’y a aucune preuve. Il a également évoqué ce qu’Eva Kaili ressent pour son mari, affirmant qu’il est le père de son enfant, mais, comme elle l’a également déclaré devant le tribunal, « il a été trahi, elle sent qu’elle lui a fait confiance et a mis le problème dans sa maison ”.
Enfin, M. Dimitrakopoulos a également répondu à la publication Politico, qui parlait d’une tentative de la sœur d’Eva Kaili de supprimer son entreprise des fichiers de transparence de l’UE. « Madalena Kaili est très bouleversée. L’article est complètement inexact, nous enverrons une réponse à Politico. Ce retrait de la liste de transparence de l’UE n’a pas été fait à la demande de Maddalena Kaili, mais cela a été fait par l’UE elle-même car il n’y avait aucune activité, a précisé l’avocat.
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DER SPIEGEL a obtenu des centaines de documents issus de l’enquête sur le scandale de corruption qui éclabousse le Parlement européen. Ils offrent un aperçu approfondi du trafic d’influence généralisé d’une poignée d’eurodéputés et montrent qu’il pourrait y avoir beaucoup plus à venir. Lorsque Eva Kaili a appris, le matin du 9 décembre 2022, que son compagnon avait été arrêté et sa voiture saisie, elle a dit qu’elle n’a pas immédiatement réalisé que sa vie telle qu’elle la connaissait prenait fin. « Je pensais qu’il avait eu un accident de voiture », a déclaré plus tard la Grecque lors d’un interrogatoire.
Mais ensuite, selon une transcription de ses interrogatoires, la femme de 44 ans a lu les premiers rapports sur les raids et les arrestations à Bruxelles. Ils portaient sur la corruption au Parlement européen, dont Kaili était vice-présidente. Et elle tombe sur un nom : Pier Antonio Panzeri, ancien député européen et ex-patron de son compagnon, Francesco Giorgi. Si elle ne l’avait pas encore compris, c’est à ce moment-là qu’elle a dû se rendre compte que l’affaire avait probablement à voir avec les montagnes d’argent liquide que Giorgi, collaborateur d’un membre italien du Parlement européen, avait à nouveau entreposées dans l’appartement qu’ils partageaient.
Kaili a essayé frénétiquement de joindre Panzeri et d’autres membres de son réseau. Puis elle a appelé son père, qui se trouvait à Bruxelles pour une visite et se promenait avec la fille de Kaili, âgée de 22 mois. Kaili s’est emparée d’une valise pleine d’argent liquide et a caché l’argent sous des biberons et des couches. « Prends ça et pars ! » a-t-elle dit à son père.
Mais il n’est pas allé bien loin. Les enquêteurs ont saisi le père de Kaili ainsi que la valise pleine d’argent au Sofitel de la place Jourdan, un hôtel de luxe très prisé des hommes politiques de premier plan. Kaili a elle aussi été arrêtée et démise de sa vice-présidence du Parlement européen quatre jours plus tard. Elle est actuellement en détention provisoire, tout comme Panzeri et Giorgi. Il y a d’autres suspects, et la police a fouillé plus d’une douzaine d’appartements et de bureaux. Les enquêteurs se concentrent actuellement sur les allégations d’appartenance à une organisation criminelle, de blanchiment d’argent et de corruption.
C’est ainsi qu’a commencé le plus grand scandale de l’histoire du Parlement européen, point culminant préliminaire de l’opération « Mezzo », une enquête en cours depuis plusieurs mois et qui impliquerait les services secrets de cinq pays européens. Plus de 1300 documents internes, que DER SPIEGEL a consultés, permettent de reconstituer en détail l’enquête. Les documents suggèrent fortement que des hauts fonctionnaires du Qatar et du Maroc sont impliqués dans le scandale – et que les informations rendues publiques jusqu’à présent ne sont que la partie émergée de l’iceberg.
La profondeur de cet iceberg pourrait bientôt devenir plus claire. Mardi, le ministère public belge a annoncé que M. Panzeri était devenu un témoin public, ce qui signifie qu’il est apparemment prêt à témoigner – sur la façon dont son organisation fonctionnait, sur les transactions avec les pays concernés, sur les structures financières – en échange d’une peine plus légère. Selon les fonctionnaires belges, Panzeri est également prêt à citer les noms d’autres personnes impliquées, y compris celles qu’il prétend avoir soudoyées. Bruxelles pourrait connaître des jours passionnants.
D’après les résultats de l’enquête menée jusqu’à présent, le groupe de Panzeri faisait preuve d’un amateurisme choquant : Ils ont apparemment reçu des paiements en espèces, qu’ils ont ensuite cachés dans des appartements privés ; ils ont tenu une réunion conspiratoire dans un hôtel équipé de caméras de surveillance ; et ils ont passé des centaines d’appels téléphoniques en utilisant des connexions non cryptées.
Néanmoins, le groupe a apparemment pu opérer sans être détecté pendant plusieurs années, collectant des pots-de-vin non seulement au Qatar et au Maroc, mais aussi en Mauritanie et peut-être même en Arabie saoudite.
Nombreux sont ceux qui ont du mal à croire que le réseau de Panzeri est le seul de ce type à Bruxelles. « Il y a un certain nombre de pays qui ont systématiquement acheté de l’influence sur une longue période », déclare l’eurodéputée du Parti des Verts Viola von Cramon. En plus du Qatar et du Maroc, dit-elle, le groupe comprend le Kazakhstan, l’Azerbaïdjan et la Russie. « Il faut mener une enquête exhaustive », dit-elle. « Il n’y a rien de moins en jeu que la crédibilité de la démocratie européenne ».
1. Les débuts : Du Maroc au Qatar
Le Qatar est au centre du scandale depuis le premier jour, ce qui est principalement dû au fait que les Qataris ont apparemment été pris sur le fait. Mais c’est au Maroc que les autorités ont d’abord jeté leur dévolu.
L’enquête a apparemment été lancée à la suite d’une dénonciation : Les services secrets d’un pays allié ont averti les Belges qu’une organisation criminelle de Bruxelles tentait de faire valoir les intérêts marocains avec l’aide de parlementaires européens.
En avril 2022, le service de sécurité de l’État belge (VSSE) était convaincu que l’affaire représentait une « menace sérieuse pour la sécurité intérieure du pays et pour la continuité de l’ordre démocratique et constitutionnel ». Dans de tels cas, les agents de sécurité sont autorisés à déployer des « mesures exceptionnelles », y compris les « mesures prévues à l’article 18/12 » – la surveillance secrète des suspects à leur domicile.
Des agents des services secrets ont perquisitionné le domicile d’Antonio Panzeri, avenue Eugène Plasky, dans le quartier de Schaerbeek à Bruxelles. Ils ont trouvé une valise sous le lit contenant des liasses de billets – un total de 380 050 euros en billets de 50 euros. Dans le coffre-fort, ils ont découvert 320 000 euros supplémentaires en coupures de 50, 100 et 200 euros.
Avant de partir, les enquêteurs ont pris soin de tout remettre exactement comme avant leur arrivée, et Panzeri n’a rien appris de la perquisition. Dans un premier temps, aucune charge n’a été retenue. Les enquêteurs ont averti le procureur fédéral Frédéric Van Leeuw, dans une lettre datée du 26 avril 2022, qu’ »une enquête criminelle pourrait potentiellement nuire aux enquêtes en cours des services de renseignement. »
Panzeri a continué comme avant – désormais sous la surveillance étroite de la VSSE. Les enquêteurs ont recueilli encore plus de preuves indiquant que son réseau travaillait apparemment en secret pour influencer les institutions de l’UE, en particulier le Parlement européen, au profit du Maroc.
Andrea Cozzolino, parlementaire européen
Dès le début de l’enquête, le service de renseignement extérieur marocain DGED est apparu sur le radar. En effet, le chef de la DGED, Yassine Mansouri, aurait lui-même été directement impliqué dans la tentative d’influencer les parlementaires européens. Selon les preuves recueillies par les enquêteurs, Mansouri a rencontré l’eurodéputé Andrea Cozzolino , qui ferait également partie du réseau de Panzeri, et peut-être Panzeri lui-même.
L’implication potentielle de la DGED est un détail politiquement sensible. Si elle était avérée, elle signifierait que les tentacules du scandale s’étendent jusqu’aux plus hauts niveaux de l’État marocain.
Mansouri était l’un des enfants triés sur le volet choisis pour fréquenter le Collège Royal en compagnie de l’actuel roi du Maroc Mohammed VI. Le Collège Royal est une école du palais royal qui n’ouvre une nouvelle classe que lorsque l’enfant d’un roi atteint l’âge scolaire. Plus tard, le prince et Mansouri ont étudié le droit. Lorsque Mohammed est monté sur le trône, il a nommé Mansouri à la tête du service de renseignement extérieur du pays.
Dans une sorte d’organigramme de la filière marocaine que l’on retrouve dans les dossiers des enquêteurs belges, Mansouri est tout en haut. Juste en dessous de lui se trouve Abderrahim Atmoun, l’ambassadeur du Maroc en Pologne, qui a d’excellentes relations à Bruxelles et à Paris. Les enquêteurs pensent qu’il a piloté les activités du groupe Panzeri sur le terrain. En 2014, il a publié sur Facebook une photo le montrant en compagnie de son « cher ami » Panzeri.
L’amitié était apparemment profitable. Lorsqu’il se rendait à Paris via Bruxelles, Atmoun apportait fréquemment de l’argent, a déclaré Giorgi lors de l’interrogatoire du 10 décembre, selon le procès-verbal de l’interrogatoire. « De plus petites sommes, mais tout de même quelques dizaines de milliers d’euros ». Les personnes impliquées semblent avoir été pleinement conscientes que leurs actions étaient illégales, ce qui explique leur utilisation de mots codés. « Quand vous ramassiez de l’argent, vous parliez de ramasser des costumes ou des cravates », a déclaré Giorgi aux enquêteurs. Le gouvernement marocain et Atmoun ont refusé de répondre aux nombreuses demandes de commentaires.
Le fait que le gouvernement de Rabat soit apparemment prêt à déployer des manœuvres sournoises pour défendre ses intérêts à Bruxelles n’est pas sans raison. Les deux tiers du commerce extérieur du Maroc se font avec l’Union européenne, comme l’a récemment souligné Josep Borrell, Haut représentant de l’UE pour les affaires étrangères, lors d’un voyage dans la capitale marocaine. Il a également noté que plus de la moitié de tous les investissements étrangers au Maroc proviennent de l’UE, ce qui est, a-t-il dit, « difficile à dépasser. » En outre, a indiqué M. Borrell, le Maroc est le plus grand bénéficiaire des fonds de coopération de l’UE dans la région – avec un total attendu de 1,6 milliard d’euros de 2021 à 2027. La Commission européenne est chargée de décider de l’utilisation de cet argent.
Le Maroc est également désireux d’obtenir le soutien politique de l’UE dans le conflit en cours sur le Sahara occidental. Rabat a occupé de larges pans de la région pendant des décennies et continue de résister aux demandes d’indépendance du peuple sahraoui. De son côté, l’UE compte sur le gouvernement marocain pour empêcher les migrants africains d’atteindre l’Europe.
II. Les imitateurs : Le Qatar et la Mauritanie Par rapport au Maroc, les intérêts poursuivis par le Qatar semblent beaucoup plus banals. Selon les enquêteurs, le pays souhaitait avant tout redorer son image, ternie par des informations faisant état des conditions souvent proches de l’esclavage dans lesquelles se trouvaient de nombreux travailleurs migrants au cours des années précédant la Coupe du monde de football, organisée par le pays en novembre et décembre. Là aussi, le vaste réseau de connexions de Panzeri s’est avéré avantageux.
« Tout a commencé en 2018 », a déclaré son protégé Giorgi aux enquêteurs. Selon le récit de Giorgi, Panzeri a rencontré Ali bin Samikh Al Marri, qui était à l’époque à la tête du comité national des droits de l’homme du Qatar. Marri est ensuite devenu ministre du travail en octobre 2021, ce qui le rend directement responsable des conditions de travail sur les sites de construction liés à la Coupe du monde.
Heureusement pour Marri, sa relation avec Panzeri signifiait qu’il avait un accès direct à un réseau établi pour exercer une influence sur le Parlement européen. En d’autres termes, le Qatar a pu bénéficier des structures que le Maroc a mis plusieurs années à mettre en place.
En 2019, Panzeri et le Qatar sont parvenus à un accord – à l’automne, affirme-t-il, quelques mois après la fin de son mandat au Parlement européen. Giorgi, qui faisait alors partie du personnel de l’eurodéputé Cozzolino, affirme avoir personnellement lancé un « projet de lobbying » pour le Qatar. Un fichier Excel enregistré dans le cloud Google de Giorgi décrit une « approche en trois volets » : « Stopper les attaques des autres pays, souligner les aspects positifs, attaquer les autres pays ». Giorgi a déclaré qu’un accord a également été conclu concernant le paiement, bien qu’il ait dit aux enquêteurs qu’il ne se souvient plus des montants impliqués.
Giorgi a déclaré que le ministre du travail Marri jouait « à peu près le même rôle » que le Marocain Atmoun. Cela signifierait que le ministre du travail était directement responsable de l’orientation du groupe Panzeri et des paiements. La question de savoir si cela est vrai reste ouverte. Marri n’a pas répondu à plusieurs tentatives pour le contacter.
Les personnes impliquées étaient apparemment conscientes, dès le début, que leurs activités allaient bien au-delà du travail normal de lobbying. Cela semble évident au vu des méthodes de paiement clandestines utilisées. Giorgi a déclaré à ses interrogateurs que le système impliquait qu’il contacte une personne en Turquie qui avait apparemment un passé palestinien. La personne de contact lui fournissait ensuite un numéro de téléphone belge à composer pour accéder à l’argent. « La personne de contact était différente à chaque fois », a déclaré Giorgi, ajoutant qu’il supprimait ensuite tous les numéros de téléphone après chaque transaction « afin de ne laisser aucune trace. » Le processus se répétait au maximum deux ou trois fois par an, a-t-il précisé. « C’était stressant », s’est plaint Giorgi pendant son interrogatoire.
Puis, a-t-il dit aux enquêteurs, une idée a émergé de faire appel à une organisation non gouvernementale pour traiter l’argent. Cette suggestion a apparemment donné naissance à une ONG appelée Fight Impunity, qui prétend lutter pour que les violations des droits de l’homme ne restent pas impunies. Le site Internet de l’organisation mentionne toujours Panzeri comme président.
Presque en aparté, Giorgi a admis lors de son interrogatoire que l’équipe de Panzeri avait également travaillé pour le compte de la Mauritanie et peut-être même pour l’Arabie saoudite. Une semaine seulement avant son arrestation, il a affirmé que lui et Panzeri avaient rencontré l’ambassadeur saoudien à la mission mauritanienne auprès de l’Union européenne. Le diplomate « voulait des informations sur ce qui se disait sur son pays au Parlement européen », a déclaré Giorgi aux enquêteurs. La représentation diplomatique de l’Arabie saoudite n’a pas répondu à une demande de commentaire.
La Mauritanie elle-même a également « un problème d’image », a déclaré M. Giorgi, et c’est un problème que le pays voulait apparemment éliminer. « Ils ont engagé M. Panzeri pour obtenir des conseils sur ce qui pouvait être fait ». Le résultat, a-t-il dit, a été une coopération similaire à celle avec le Maroc et le Qatar – « mais n’impliquant pas les mêmes sommes d’argent. »
Il a déclaré aux enquêteurs qu’il avait feint la location d’un appartement à l’ambassadeur de Mauritanie, recevant 1 500 euros de loyer et 300 euros de frais annexes – une « compensation » qui est arrivée mois après mois, à partir de janvier 2021 au plus tard, selon les données du compte. Le montant pour la période couverte par ces chiffres s’élevait à près de 40 000 euros. Panzeri, selon Giorgi, a reçu 25 000 euros supplémentaires en espèces. L’avocat de Panzeri, Laurent Kennes, n’a pas répondu aux questions concernant cette allégation et d’autres.
III. Une réunion de comité scénarisée Les services fournis par Panzeri et ses alliés peuvent être reconstitués à l’aide d’une réunion de la sous-commission des droits de l’homme du Parlement européen le 14 novembre 2022. Le Marri qatari a été invité à la réunion en tant qu’invité, mais les préparatifs avaient commencé plusieurs semaines auparavant.
Le 3 octobre, les enquêteurs ont écouté une conversation téléphonique entre Panzeri et Giorgi dans laquelle ils planifiaient une réunion avec « nos gars » – une référence aux représentants du Qatar – dans l’hôtel de luxe bruxellois Steigenberger Wiltcher’s.
Le 9 octobre à 14 h 48, trois berlines noires se sont présentées à l’hôtel cinq étoiles, une Mercedes S 380 de la représentation diplomatique qatarie et deux Mercedes S 350 de location. Les images des caméras de surveillance montrent que Marri était l’un des trois premiers hommes à sortir des voitures. Cinq autres ont suivi avec des bagages et ont disparu dans la suite 412.
Le lendemain, à 17 h 50, Panzeri et Giorgi sont arrivés. Giorgi poussait un landau dans le hall moderne contenant sa fille et celle de Kaili. Huit minutes plus tard, un homme que Giorgi semble connaître les rejoint, suivi par un autre homme alors qu’ils attendent l’ascenseur. Ensemble, ils sont montés dans la suite 412. Comme les témoignages ultérieurs l’établiront, Panzeri, Giorgi et Marri ont profité de la réunion pour se préparer à la réunion du comité qui approchait.
La réunion dans la suite 412 s’est terminée à 19 h 21. Le sac de Panzeri semblait plus gros qu’avant la réunion, comme les enquêteurs l’ont noté dans leurs dossiers.
Trois jours avant la réunion du comité, le 14 novembre, Panzeri et Giorgi se sont de nouveau rencontrés, cette fois dans l’appartement de Panzeri. Et cette fois, les enquêteurs écoutaient. Panzeri a lu à haute voix le discours qu’il avait préparé pour le ministre qatari du travail Marri, Giorgi le traduisant de l’italien à l’anglais. Ce discours portait sur les progrès réalisés par le Qatar en matière de réforme du droit du travail et sur l’hypocrisie présumée des Européens qui critiquent le Qatar.
Panzeri avait également préparé des réponses aux questions que les députés européens pourraient poser. Que peut dire le ministre sur le traitement des membres de la communauté LGBTQ ? Qu’en est-il de l’empreinte écologique des stades ?
Le 14 novembre, la réunion de la commission a été très suivie. Il ne restait que six jours avant le début de la Coupe du monde et beaucoup voulaient entendre ce que le ministre qatari du travail avait à dire. La séance, dirigée par la présidente de la commission, Maria Arena, a été diffusée en direct sur Internet. Citoyenne belge aux racines italiennes, Arena est une proche confidente de Panzeri. Selon les dossiers d’enquête, tous deux se sont entretenus au téléphone 389 fois entre la mi-décembre 2021 et la mi-septembre 2022. Et Arena n’était pas la seule personne du comité sur laquelle Marri pouvait compter. Panzeri s’en était assuré.
Dans son discours d’introduction, Marri s’est félicité et a félicité son pays pour ses réformes sans précédent et a accusé les opposants du Qatar de faire deux poids deux mesures. Tout comme Panzeri l’avait écrit.
Panzeri, cependant, ne voulait rien laisser au hasard. À 16 h 55, il a appelé Giorgi, qui était assis au dernier rang. Selon les procès-verbaux de surveillance, Panzeri a demandé si la « nana » était arrivée, un mot qui peut également être traduit par « poussin ».
Il s’agissait de la députée européenne italienne Alessandra Moretti.
Elle est arrivée, chuchote Giorgi dans son téléphone, et demande s’il doit aussi demander à Marc Tarabella de parler. Les enquêteurs pensent que le parlementaire belge est également membre du réseau de Panzeri.
Oui, a répondu Panzeri, Tarabella devrait s’exprimer : « Je n’ai pas remarqué un tel intérêt lorsque la Coupe du monde s’est déroulée en Russie il y a quatre ans » – et qu’il espère qu’un intérêt similaire sera manifesté pour les droits de l’homme avant la prochaine Coupe du monde aux États-Unis et au Mexique.
Mais d’abord, Moretti a pris la parole. Elle a déclaré que des militants des droits de l’homme étaient également emprisonnés en Égypte. Et que des accidents de travail mortels, par centaines, se produisent également en Italie.
À 17 h 03, Arena a demandé à Tarabella de poser la dernière question de la session. Et il a répondu. Avant la Coupe du monde de 2018 et les Jeux olympiques d’hiver en Russie et à Pékin, a-t-il dit, il n’y a pas eu de critiques du type de celles qui sont actuellement adressées au Qatar. Certains, a-t-il poursuivi, semblent peindre une image du Qatar tel qu’il était il y a dix ans. Mais le pays a fait avancer les réformes, a-t-il poursuivi, et cela doit être respecté.
Il est « possible » que Panzeri ait suggéré à son ami Tarabella de « dire quelque chose de précis », admettra plus tard Maxim Töller, l’avocat de Tabella. Mais son client, insiste Töller, ne savait pas que Panzeri « avait monnayé leur amitié. »
Puis, l’interrogatoire de Marri est terminé. La commission a abordé un autre sujet avant qu’Arena ne mette fin à la séance à 18 h 41. Elle a appelé Panzeri 40 minutes plus tard – et a reçu les éloges qu’elle méritait. Marri, lui a dit Panzeri, était satisfaite.
IV. Contrôle des dégâts
La présidente du Parlement, Roberta Metsola, espère maintenant prendre des mesures immédiates pour empêcher de telles activités à l’avenir, ou du moins pour les rendre plus difficiles. Cette semaine, la politicienne conservatrice de Malte a présenté un plan en 14 points. Il comprend des mesures telles que l’interdiction pour les législateurs européens de poursuivre des activités de lobbying après avoir quitté le Parlement, tant qu’ils bénéficient d’une allocation transitoire. Le site Internet du Parlement fournira également à l’avenir des informations transparentes sur les cadeaux reçus par les députés européens, ainsi que sur leurs voyages et réunions.
Les « groupes d’amitié » controversés entretenus par certains parlementaires seront interdits afin de garantir que les pays non membres de l’UE ne puissent utiliser que les canaux officiels pour approcher le Parlement.
Les législateurs européens ont toujours été tenus d’enregistrer les cadeaux qu’ils ont reçus auprès du président. Mme Metsola a elle-même publié 142 de ces cadeaux la semaine dernière. Elle en a reçu 125 entre le début du mois de février et la fin du mois de novembre 2022, enfreignant ainsi 125 fois les règles parlementaires. Ces règles stipulent que les législateurs doivent enregistrer la réception d’un cadeau avant la fin du mois suivant.
Dans le cas de Metsola, en tout cas, les cadeaux étaient plutôt petits, comme des écharpes, des vases et des livres. D’autres députés européens, en revanche, ont semblé se souvenir soudainement de voyages entiers qu’ils avaient effectués lorsque le scandale de corruption a été dévoilé.
Le démocrate-chrétien roumain Cristian-Silviu Bușoi, par exemple, a pris un vol en classe affaires en février 2020 pour se rendre à une conférence au Qatar et a passé quatre nuits dans l’hôtel exclusif Ritz Carlton – l’addition étant payée par quelqu’un d’autre. Il n’a déclaré ce voyage que le 19 décembre 2022. Interrogé à ce sujet, il a déclaré qu’il n’avait pas soumis les formulaires requis en temps voulu parce qu’un membre du personnel avait supposé à tort que la participation de Bușoi à la conférence n’était pas couverte par la règle.
Le Qatar a également payé un voyage effectué par Marc Tarabella en février 2022 – qu’il a omis de déclarer. Maria Arena n’a pas non plus déclaré un voyage en mai 2022 payé par le Qatar, ce qui l’a conduite à renoncer la semaine dernière à son poste de présidente de la sous-commission des droits de l’homme. Dans une déclaration, elle a rejeté la faute sur le personnel de son bureau. Elle a déclaré à DER SPIEGEL qu’elle n’avait jamais reçu d’argent ou d’autres gratifications de la part de représentants du Qatar ou du Maroc.
Les violations du code de conduite peuvent être sanctionnées de différentes manières, y compris par la confiscation de l’ »indemnité journalière », mais cela n’arrive que rarement. Et ces violations ne constituent pas une preuve valable de corruption.
Jusqu’à présent, toutes les allégations de corruption ont été dirigées contre les sociaux-démocrates. La détention provisoire de Kaili a été une nouvelle fois prolongée jeudi. Panzeri est également toujours en détention, et les procureurs belges ont déclaré qu’il serait probablement condamné à une peine de prison et à une amende. En outre, le million d’euros qu’il a gagné grâce à ses activités illégales sera confisqué.
Le groupe Socialistes & Démocrates au Parlement européen a mis Tarabella et Cozzolino devant un choix cette semaine : Soit ils quittent le groupe de leur propre chef, soit ils seront mis à la porte. Cozzolino est parti, Tarabella a été mis à la porte. À la demande des autorités belges, le Parlement européen doit se prononcer à la mi-février sur la suspension de leur immunité, avec une majorité considérée comme certaine.
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La comptable de Panzeri assignée en résidence surveillée
L’Euro-corruption découvert par le juge belge Michel Claise conduit à une nouvelle arrestation : Monica Rossana Bellini est assignée à résidence depuis hier. Le parquet de Milan dirigé par Marcello Viola étudie actuellement l’opportunité d’ouvrir un dossier indépendant pour blanchiment d’argent.
La comptable, qui fait l’objet d’une demande d’extradition, est liée aux deux principaux protagonistes du « Qatargate », l’ancien député européen Pier Antonio Panzeri et son ancien assistant, Francesco Giorgi. Il faisait déjà l’objet d’une enquête du parquet belge en décembre dernier mais, comme nous le verrons, c’est le témoignage de Giorgi qui a conduit à son arrestation.
Mais Bellini’s n’est pas le seul nom sur lequel les Belges ont demandé à leurs collègues italiens d’enquêter.
Le 11 décembre, le juge d’instruction Claise a envoyé un dossier de 23 pages au parquet de Milan. À la page 6, il leur demande d’enquêter sur la comptable Monica Bellini – elle sera perquisitionnée par la Guardia di Finanza quelques jours plus tard – qui, deux pages plus loin, lorsque son bureau à Opera (dans la province de Milan) est mentionné, figure explicitement dans la boîte des suspects (en Italie, nous l’appellerions un suspect). La veille, Giorgi a mentionné le nom de Bellini pour la première fois : « Il y avait une demande du Qatar pour offrir des billets d’avion et des billets pour les matchs de la Coupe du monde à Panzeri, sa fille et Monica Bellini (la comptable de Panzeri…) ».
Vingt-quatre heures plus tard, le parquet belge a expliqué à ses collègues italiens qu’il avait identifié une « organisation criminelle » présumée qui se consacrait à la « corruption de membres du Parlement européen ».
Elle ajoute que « le Qatar envoie de l’argent », également en « espèces », à « l’organisation criminelle dont Panzeri est le chef, afin de corrompre ceux qui ont le pouvoir de prendre des décisions ou d’influencer la politique au sein du Parlement européen dans le but de ne pas nuire à l’image du Qatar ».
Puis il ajoute : « Le bénéfice de ces actes illicites est souvent transféré sur des comptes en Italie », voire pour « acquérir des biens immobiliers ». Les procureurs invitent leurs collègues italiens (le dossier sera ensuite confié au procureur adjoint Fabio De pasquale) à enquêter sur les comptes en Italie. A la page 8, deux autres noms sont mentionnés (non soumis à enquête, ndlr) : Luciano Giorgi et Iole Valli, les parents de Francesco Giorgi, que Claise invite à être entendus comme personnes ayant des informations sur les faits.
Il s’avère que Bellini gravite dans une entreprise où il y a Giorgi, mais c’est son frère Stefano (non mis en examen, ndlr), anciennement directeur d’Equality Consultancy srl, créée en 2018 et cédée en 2021. Et c’est précisément Equality Consultancy srl qui est au centre de l’arrestation de mardi. « Mme Bellini, lit-on dans le mandat d’arrêt international, semble avoir joué un rôle important dans le rapatriement d’argent liquide du Qatar. »
Pour l’accusation, Bellini aurait créé « avec Silvia Panzeri, la fille de Pier Antonio, une structure de société » destinée à donner « une apparence légale aux flux d’argent ».
C’est ce qu’a expliqué Francesco Giorgi lui-même : « Au début de 2019, a-t-il déclaré aux enquêteurs à Bruxelles, Panzeri a pensé qu’au lieu de prendre l’argent liquide, il serait préférable de créer une structure juridique au sein de laquelle nous pourrions participer » – surtout lui, car j’avais mon travail – et ainsi gérer les flux d’argent de manière légale. Pour cela, il s’est adressé à sa comptable, Monica Bellini, qui s’était d’ailleurs rendue au Qatar avec Panzeri pendant la Coupe du monde.
Une société de conseil, Equality, a été créée en Italie ». Il ajoute ensuite qu’Equality « a fourni des services à une société basée en Angleterre ».
Plus tard, il explique que le contact avec la société anglaise, dont il ne se souvient pas du nom, a été assuré par un citoyen palestinien.
Mon rôle, poursuit-il, était de mettre Panzeri, Bellini et sa fille Silvia (dont aucun ne parlait anglais) en contact avec un certain Hakan. « Silvia, conclut-il, a préparé les dossiers en tant qu’avocat, j’ai contribué à la création d’Equality sur la base de mes compétences linguistiques.
Le Maroc a confié la gestion de son réseau d’influence à son service secret extérieur, ce qui a suscité l’ouverture d’un débat au Parlement européen sur les allégations de corruption et d’ingérence étrangère de Rabat, alors même que l’institution s’apprête à voter pour la première fois depuis un quart de siècle une résolution critiquant la situation des droits humains dans ce pays.
À l’automne 2021, les 90 députés membres des commissions des affaires étrangères et du développement du Parlement européen ont dû, comme chaque année, choisir les trois candidats sélectionnés pour obtenir le prix Sakharov des droits de l’homme, le plus prestigieux de ceux que décernent les institutions européennes. Au premier tour sont arrivés ex aequo Jeanine Añez, l’ancienne présidente de la Bolivie, candidate présentée le parti d’extrême droite espagnol Vox au nom du groupe Conservateurs et réformistes, et l’activiste saharaouie Sultana Khaya, parrainée par Les Verts et le Groupe de gauche. La première des deux femmes purge une peine de prison dans son pays pour « terrorisme, sédition et conspiration » à la suite du coup d’État qui a mis fin à la présidence d’Evo Morales en novembre 2019. La deuxième était, en octobre 2021, depuis un an en réclusion à son domicile de Boujador (Sahara occidental) et affirme avoir été violée, ainsi que sa sœur, par les forces de l’ordre marocaines.
Pour départager les deux candidates, il a fallu revoter pour que l’une ou l’autre rentre dans la short list de trois sélectionné·es susceptibles de recevoir le prix. Tonino Picula, un ancien ministre socialiste croate, a alors envoyé un courriel urgent à tous les députés de son groupe, leur demandant de soutenir Jeanine Añez. Ce n’était pas une initiative personnelle. Il a précisé qu’il avait écrit ce courriel au nom de Pedro Marqués, député portugais et vice-président du groupe socialiste. Celui-ci agissait vraisemblablement à son tour sur instruction de la présidente du groupe, l’Espagnole Iratxe García. Añez est donc sortie victorieuse de ce deuxième tour de vote.
LES SOCIALISTES BLOQUENT LES RÉSOLUTIONS SUR LES DROITS HUMAINS
Cet épisode illustre à quel point le Maroc a été, depuis des décennies, l’enfant gâté du Parlement européen. Socialistes, surtout espagnols et français, et bon nombre de conservateurs, ont multiplié les égards vis-à-vis de la monarchie alaouite. Alors que de nombreux pays tiers ont fait l’objet de résolutions critiquant durement leurs abus en matière de droits humains, le Maroc a été épargné depuis 1996. « Pendant de longues années, les socialistes ont systématiquement bloqué tout débat ou résolution en séance plénière qui puisse déranger un tant soit peu le Maroc », regrette Miguel Urban, député du Groupe de gauche.
Rabat n’a été épinglé que dans de très rares cas pour sa politique migratoire. Il a fallu que plus de 10 000 immigrés irréguliers marocains, dont 20 % de mineurs, entrent le 17 et 18 mai 2021 dans la ville espagnole de Ceuta, pour que le Parlement européen se décide à voter, le 10 juin 2021, une résolution appelant le Maroc à cesser de faire pression sur l’Espagne. L’initiative est partie non pas des socialistes ni des conservateurs, mais de Jordi Cañas, un député espagnol de Renew Europe (libéraux). Elle a obtenu 397 votes pour, 85 contre et un nombre exceptionnellement élevé d’abstentions (196). Parmi les abstentionnistes et ceux qui s’y sont opposé figuraient nombre de députés français.
UN RÉSEAU DE CORRUPTION
Derrière la longue liste de votes favorables aux intérêts du Maroc, empêchant d’aborder les questions gênantes en matière de droits humains, ou sur des sujets plus substantiels comme les accords de pêche et d’association, il n’y a pas eu que le réseau de corruption que la presse appelle « Qatargate » alors que, chronologiquement, c’est davantage d’un « Marocgate » qu’il s’agit. Il y a eu d’abord ces idées répandues entre eurodéputés que le voisin du Sud est un partenaire soucieux de renforcer ses liens avec l’Union européenne ; qu’il est en Afrique du Nord, et même dans le monde arabe, le pays le plus proche de l’Occident et celui dont les valeurs et le système politique ressemblent davantage à une démocratie.
Nul besoin donc, apparemment, de mettre en place un réseau de corruption quand la partie était pratiquement gagnée d’avance. C’est pourtant ce que le royaume a fait depuis une douzaine d’années d’après les fuites sur l’enquête menée depuis juillet 2022 par le juge d’instruction belge Michel Claise, spécialisé dans la criminalité financière, et publiées par la presse belge et italienne depuis la mi-décembre. « Le Maroc ne se contentait pas de 90 %, il voulait les 100 % », expliquent, en des termes identiques, les députés espagnols Miguel Urban, du Groupe de gauche, et Ana Miranda, des Verts.
L’engrenage du Marocgate est né en 2011 quand s’est nouée la relation entre le député européen socialiste italien Pier Antonio Panzeri et Abderrahim Atmoun, député marocain du parti Authenticité et modernité, fondé par le principal conseiller du roi Mohamed VI, et coprésident de la commission parlementaire mixte Maroc-UE jusqu’en juin 2019. Cette année-là il fut nommé ambassadeur du Maroc à Varsovie.
RÉVÉLATIONS DE WIKILEAKS
Les révélations de ce que l’on a appelé le Wikileaks marocain révèleront, fin 2014, à quel point les autorités marocaines apprécient Panzeri. Des centaines de courriels et de documents confidentiels de la diplomatie marocaine et du service de renseignements extérieurs (Direction générale d’études de documentation) ont alors été diffusés sur Twitter par un profil anonyme qui se faisait appeler Chris Coleman. On sait aujourd’hui qui se cachait derrière cet anonymat : la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE). Les services secrets français se vengeaient ainsi de plusieurs coups bas que leur avaient infligés leurs collègues marocains, à commencer par la divulgation par Le 360, un journal proche du palais, du nom de leur cheffe d’antenne à Rabat.
Dans ces câbles diplomatiques marocains, Panzeri est décrit comme « un allié pour combattre l’activisme grandissant des ennemis du Maroc en Europe ». Il a occupé, pour cela, des postes clefs au Parlement, comme celui de président de la délégation pour les relations avec les pays du Maghreb et de la sous-commission droits de l’homme. Selon l’enquête du juge Claise, Panzeri a impliqué son ex-femme et sa fille, mais surtout Eva Kaili, vice-présidente socialiste du Parlement européen, et Francesco Giorgi, qui fut son assistant parlementaire et qui était en couple avec la députée grecque. Il a été le premier à avouer, lors d’un interrogatoire en décembre 2022, qu’il travaillait pour le Maroc. Il a signé mardi 17 janvier un mémorandum avec le procureur fédéral (en vertu de la loi sur les repentis) dans lequel s’engage à faire « des déclarations substantielles, révélatrices, sincères et complètes » dans le cadre de l’enquête pour corruption.
La justice belge a aussi demandé la levée de l’immunité parlementaire de deux autres socialistes, le Belge Marc Tarabella, et l’italien Andrea Cozzolino. Ce dernier avait partiellement pris le relais de Panzeri dans les deux organes qu’il présidait. Il s’était aussi montré très actif, tout comme Eva Kaili, au sein de la commission d’enquête parlementaire sur Pegasus et autres logiciels espions qui concerne de près le Maroc. « Kaili a cherché à freiner l’enquête sur le logiciel Pegasus », a affirmé, le 19 décembre, Sophie in’t Veld, la députée néerlandaise qui a rédigé le rapport préliminaire sur ce programme informatique d’espionnage, dans une interview au journal italien Domani.
L’« équipe Panzeri », qui compterait d’autres membres non encore dévoilés, aurait reçu 50 000 euros pour chaque amendement anti-Maroc torpillé, selon le quotidien belge De Standaard. La somme semble modeste en comparaison de celles supposément versées par Ben Samikh Al-Marri, ministre d’État du Qatar, pour améliorer l’image du pays qui s’apprêtait à accueillir la Coupe du monde de football à Doha. L’essentiel du million et demi d’euros en liquide saisi par la police fédérale belge lors des perquisitions effectuées à la mi-décembre proviendrait de l’émirat. Il s’est apparemment servi du réseau constitué par Panzeri. Celui-ci a continué à fonctionner après sa défaite aux élections européennes de 2019. Pour ce faire le député battu a d’ailleurs fondé une ONG bidon à Bruxelles, Fight Impunity.
En marge des bribes de l’enquête publiées par la presse, Vincent Van Quickenborne, le ministre belge de la Justice, a laissé entrevoir l’implication du Maroc dans ce réseau, le 14 décembre, sans toutefois le nommer. Il a fait allusion à un pays qui cherchait à exercer son influence sur les négociations de pêche menées par l’UE, or c’est avec le Maroc que la Commission a signé son plus gros accord, et sur la gestion du culte musulman en Belgique. Les immigrés marocains constituent la plus importante communauté musulmane en dans ce pays.
PASSAGE DE RELAIS AUX SERVICES
En 2019, Abderrahim Atmoun, l’homme politique marocain devenu ambassadeur, est passé au second plan. La DGED, le service de renseignements marocain à l’étranger, a pris le relais et commencé à chapeauter directement le réseau Panzeri, d’après les informations recueillies par la presse belge. Concrètement, c’est l’agent Mohamed Belahrech, alias M 118, qui en a pris les rênes. Panzeri et Cozzolino auraient d’ailleurs voyagé séparément à Rabat pour y rencontrer Yassine Mansouri, le patron de la DGED, le seul service secret marocain qui dépend directement du palais royal.
Belahrech n’était pas un inconnu pour les services espagnols et français. Sa femme, Naima Lamalmi, ouvre en 2013 l’agence de voyages Aya Travel à Mataró, près de Barcelone, selon le quotidien El Mundo. On le revoit après à Paris, en 2015, où il réussit à être le destinataire final des fiches « S », de personnes fichées pour terrorisme, qui passent entre les mains d’un capitaine de la police aux frontières en poste à l’aéroport d’Orly, selon le journal Libération.
L’intrusion des espions marocains dans les cercles parlementaires bruxellois attire rapidement l’attention des autres services européens. Vincent Van Quickenborne a confirmé que l’investigation a été menée, au départ, par la Sûreté de l’État belge, le service civil de renseignements, avec des « partenaires étrangers ». Puis le dossier a été remis, le 12 juillet 2022, au parquet fédéral. Il Sole 24 Ore, quotidien économique italien, précise que ce sont les Italiens, les Français, les Polonais, les Grecs et les Espagnols qui ont travaillé d’arrache-pied avec les Belges.
Ces derniers ont, tout comme les Français, des comptes à régler avec les Marocains. En 2018 ils avaient déjà détecté une autre opération d’infiltration de la DGED au Parlement européen à travers Kaoutar Fal. Ce fut le député européen français Gilles Pargneaux qui lui a ouvert les portes de l’institution pour organiser une conférence sur le développement économique du Sahara occidental. Elle a finalement été expulsée de Belgique en juillet de cette année, car elle constituait une « menace pour la sécurité nationale » et collectait des « renseignements au profit du Maroc », selon le communiqué de la Sûreté. En janvier 2022, il y a eu une autre expulsion : celle de l’imam marocain Mohamed Toujgani, qui prêchait à Molenbeek (Bruxelles). Il cherchait, semble-t-il, à mettre la main sur les communautés musulmanes de Belgique pour le compte de la DGED.
Si le réseau Panzeri avait fonctionné correctement au service du Maroc du temps où il était en apparence géré par Abderrahim Atmoun, quel besoin de recourir il y a quatre ans aux hommes de l’ombre pour le piloter au risque d’ameuter des services européens ? Aboubakr Jamai, directeur du programme des relations internationales de l’Institut américain universitaire d’Aix-en-Provence, ose une explication : « Les services secrets sont enhardis au Maroc ». « La diplomatie y est menée par le contre-espionnage et d’autres services intérieurs. L’État profond, le makhzen, est aujourd’hui réduit à sa plus simple expression : son expression sécuritaire ». Et cette expression manque de tact quand il s’agit de mener la politique étrangère du royaume. Le ministre marocain des affaires étrangères Nasser Bourita a, lui, un autre point de vue sur le scandale dont pâtit le Parlement. Son pays subit un « harcèlement et des attaques médiatiques multiples (…) qui émanent de personnes et de structures dérangées par ce Maroc qui renforce son leadership », a-t-il affirmé, le 5 janvier à Rabat, lors d’une conférence de presse avec Josep Borrell, le haut représentant de l’UE pour les affaires étrangères. Celui-ci n’a pas hésité à exprimer en désaccord : « Nous sommes préoccupés par ces événements rapportés par la presse ». Ils sont inquiétants et les accusations sont graves. La position de l’UE est claire : il ne peut y avoir d’impunité pour la corruption. Tolérance zéro.
Les propos de Borrell ne faisaient qu’anticiper un autre changement de ton, celui du Parlement européen. La conférence des présidents de groupes parlementaires a donné son accord, le 12 janvier, à ce que soit soumise à la séance plénière du 19 une résolution réprobatrice sur la liberté de presse au Maroc et les journalistes qui y sont emprisonnés, surtout les trois plus influents, Omar Radi, Souleiman Raissouni et Toufiq Bouachire. Ce sera la première fois, depuis plus d’un quart de siècle, que sera voté dans l’hémicycle un texte critique sur le premier partenaire arabe de l’UE qui ne concerne pas sa politique migratoire. Il a été précédé, le mardi 17, d’un autre débat, aussi en séance plénière, sur les « Nouveaux développements des allégations de corruption et d’ingérence étrangère, y compris celles concernant le Maroc ». Le temps de l’impunité semble terminé pour le Maroc.