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  • Mauritanie – Maroc : Le Tebraâ, une poésie des femmes du Sud, sauvé de l’oubli

    Forme d’expression poétique où la femme sahraouie manifeste son attrait à la beauté, au courage et à la loyauté de l’homme, le Tebraâ est une véritable ode à l’amour.

    Spécificité de la culture Hassanie, du sud du Maroc et de la Mauritanie, son contenu et son mode d’expression ont évolué au fil du temps.

    Il s’agit de poèmes intimes, chantés le plus souvent accompagné des tons de « tedinit » ; un instrument traditionnel de la musique hassanie de la famille des guembris ou des n’gonis, l’identité des autrices devaient rester secrète, tant les femmes ne pouvaient exprimer leurs sentiments du fait des interdits sociaux qui les empêchaient de dévoiler leur amour publiquement.

    Les poèmes devaient toutefois atteindre l’homme aimé, via un intermédiaire de confiance. Au fil du temps, au gré de l’émancipation des femmes, cette expression lyrique a été rendue publique, accédant au titre de genre littéraire à part entière.

    Paradoxalement, avec la levée des obstacles entravant l’interaction entre les hommes et les femmes, la pratique du Tebraâ peine à subsister. Dommage collatéral de la modernité, où les moyens de communication prennent d’autres formes.

    Un patrimoine immatériel inestimable, fait de poèmes d’expression orale, dont certains chefs d’œuvres transmis de génération en génération, illustrant la créativité des femmes qui les ont composés, lors de différents événements, de manière totalement spontanée.

    Un trésor que l’Académie du Royaume du Maroc, s’est attelé à sauver de l’oubli, avec un ouvrage de très bel facture. Dans ce beau livre, des femmes de différentes générations et régions de l’espace hassani sont célébrées, de l’Oued Noun au Nord, au fleuve Sénégal au Sud. Certaines d’entre elles sont décédées sans avoir enregistré leurs poèmes.

    « Dans une société où la transcription n’était pas systématique, la poésie, qui a été transmise de la bouche des femmes, a toujours représenté une source de grande valeur pour le chercheur, car elle n’est pas seulement la codification du style de vie et de l’esthétique des lieux, mais parce qu’elle reflète également la vision, les perceptions et les représentations de ce monde sahraoui.

    Par conséquent, la poésie hassanie est la meilleure incarnation du patrimoine immatériel du peuple du Sahara » précis-t-on du côté de l’Académie.

    Ce nouvel ouvrage qui documente la poésie féminine hassanie est le fruit d’un effort collectif de plusieurs chercheurs issus du Maroc, de France et de Mauritanie, ayant recueilli des poèmes et des partitions poétiques pour ensuite les transcrire, les catégoriser, les traduire et les enregistrer, sous la supervision de l’Académie du Royaume. Composé d’une centaine de « Tabri’a » (singulier), accompagné d’explications en arabe et en français, ce livre est une tentative de collecter et de documenter ce patrimoine littéraire oral qui porte la mémoire de la communauté marocaine sahraouie depuis plus d’un siècle.

    Un code QR est inséré sur la couverture du livre et permet d’accéder à une lecture audio des « Cent poèmes et poème ». La nouvelle publication a été présentée par l’Académie, lors de la journée internationale de la poésie, le 25 mars dernier.

    « L’objectif de ce travail littéraire s’inscrit principalement dans la retranscription et la préservation de l’héritage de la culture marocaine dans sa dimension Sahraouie, notamment ce genre de poésie oublié depuis longtemps, car associé aux femmes et aux contraintes de la société traditionnelle liées à la notion de la décence », a précisé, Aziza Aguida, professeure universitaire à la faculté des Langues, Arts et Sciences Humaines relevant de l’université Ibn Zohr, lors de cet évènement.

    Music in Africa, 12 mai 2021

    Etiquettes : Mauritanie, Maroc, musique, Hassania, Tebrâa,

  • Algérie/ Une statue à l’effigie d’Idir sera inaugurée par son village natal

    Un hommage est rendu au chanteur Idir dans son village natal Ath Lahcene dans la commune d’Ath Yenni au Sud de Tizi-Ouzou a l’occasion du 1er anniversaire de sa disparition le 2 mai 2020, a-t-on appris vendredi des organisateurs.

    Une statue a l’effigie de l’artiste a été inaugurée sur la place du village “pour marquer ce premier anniversaire” dira Smail Deghoul, président de l’Assemblé populaire communale (APC) d’Ath Yenni, qui souligne que “le programme de cette célébration a été réduit en raison de la crise sanitaire qui sévit”.

    Une exposition permanente sur l’oeuvre et la vie de l’icône de la chanson algérienne d’expression kabyle, des animations artistiques et témoignages de compagnons ainsi que des conférences d’universitaires, en soirée, sont au programme de cet hommage qui s’étale sur trois (3) jours.

    Né en 1949 a Tizi-Ouzou, Idir, de son vrai nom, Hamid Cheriet, est décédé le 2 mai 2020, dans un hôpital parisien, a l’age de 71 ans des suites d’une longue maladie.

    Auteur d’une prolifique discographie a succès dont certains titres (Vava Inouva, notamment) ont été repris dans plusieurs langues, Idir s’est produit sur de nombreuses scènes internationales, portant ainsi, la chanson algérienne a l’universalité.

    Dans son dernier album “Ici et ailleurs” sorti en 2017, il s’est associé a une panoplie de chanteurs de renom a l’instar de Charles Aznavour, Francis Cabrel ou encore Bernard Lavilliers.

    Le 12 janvier 2018, après une quarantaine d’années d’absence de la scène algérienne, l’artiste a renoué avec son public lors d’un concert a la Coupole du Complexe olympique Mohamed-Boudiaf, a l’occasion de la célébration du nouvel an amazigh, Yennayer.

    Echourouk online, 2 mai 2021

    Etiquettes : Algérie, Idir, chanteur, Tizi-Ouzou, Ath Lahcene, Ath Yenni, Kabylie, musique, amazigh, berbère,

  • L’Union européenne impose à Apple une taxe sur la diffusion de musique en continu et donne un coup de pouce à Spotify


    L’UE accuse Apple d’être responsable de la diffusion de musique en continu, ce qui donne un coup de pouce à Spotify


    Les autorités de régulation de l’UE ont accusé vendredi Apple (AAPL.O) de fausser la concurrence sur le marché du streaming musical, donnant ainsi raison à Spotify (SPOT.N) dans une affaire qui pourrait déboucher sur une lourde amende et des changements dans les pratiques commerciales lucratives du fabricant de l’iPhone.

    C’est la première fois que Bruxelles porte des accusations anticoncurrentielles à l’encontre d’Apple, même si les deux parties se sont déjà affrontées par le passé, notamment dans le cadre d’un litige fiscal de plusieurs milliards de dollars impliquant l’Irlande.

    Apple, Spotify et les autres parties peuvent maintenant répondre. Si l’affaire est poursuivie, l’Union européenne pourrait exiger des concessions et imposer une amende pouvant atteindre 10 % du chiffre d’affaires mondial d’Apple, soit jusqu’à 27 milliards de dollars, bien qu’elle applique rarement la sanction maximale.

    Apple s’est retrouvé dans le collimateur de la Commission européenne après que la société suédoise Spotify s’est plainte, il y a deux ans, que le géant américain de la technologie limitait injustement l’accès de ses rivaux à son propre service de streaming musical Apple Music sur les iPhones.

    Dans sa communication des griefs, l’autorité européenne de la concurrence a déclaré que le problème était lié aux règles restrictives d’Apple pour son App Store, qui obligent les développeurs à utiliser son propre système de paiement in-app et les empêchent d’informer les utilisateurs des autres options d’achat.

    La commissaire européenne à la concurrence, Margrethe Vestager, a déclaré qu’il existait des signes évidents que les règles de l’App Store d’Apple affectaient le développement commercial de ses rivaux de streaming musical et touchaient plus largement les développeurs d’applications.

    « Ils (les développeurs d’applications) dépendent de l’App Store d’Apple en tant que garde-barrière pour accéder aux utilisateurs des iPhones et iPads d’Apple. Ce pouvoir de marché important ne peut pas rester sans contrôle, car les conditions d’accès à l’App Store d’Apple sont essentielles pour le succès des développeurs d’applications », a-t-elle déclaré lors d’une conférence de presse.

    Mme Vestager a déclaré qu’Apple devait mettre fin aux pratiques restrictives et s’abstenir de toute action susceptible de les reproduire.

    Elle a également déclaré que d’autres autorités se penchaient sur la question.

    « Nous sommes en contact avec d’autres juridictions qui traitent des cas similaires, comme les Pays-Bas, l’Australie ou les États-Unis », a-t-elle déclaré, ajoutant qu’elle s’intéressait également au marché des jeux d’applications, même si ce n’était que le début.

    Apple a rejeté l’accusation de l’UE.

    « Spotify est devenu le plus grand service d’abonnement musical au monde, et nous sommes fiers du rôle que nous avons joué à cet égard », a déclaré Apple dans un communiqué.

    « Ils veulent bénéficier de tous les avantages de l’App Store mais ne pensent pas devoir payer quoi que ce soit pour cela. L’argument de la Commission en faveur de Spotify est à l’opposé de la concurrence loyale », a-t-elle ajouté.

    LES GARDIENS DE L’INTERNET

    Spotify s’est félicité de la décision de l’UE, la décrivant comme « une étape essentielle pour tenir Apple responsable de son comportement anticoncurrentiel, garantir un choix significatif pour tous les consommateurs et des conditions de concurrence équitables pour les développeurs d’applications ».

    Reuters a été le premier à faire état de l’imminence de l’accusation antitrust de l’UE en mars.

    Spotify, l’une des rares réussites mondiales de l’Europe dans le domaine des technologies grand public, est le leader du marché du streaming musical avec 356 millions d’utilisateurs actifs et 158 millions d’abonnés payants.

    Apple Music, lancé plus récemment en 2015, compterait plus de 70 millions d’abonnés, bien que l’entreprise ne donne pas de chiffre distinct pour cette partie de son activité.

    La concurrence entre les deux entreprises s’est intensifiée ces dernières semaines, chacune cherchant à développer sa base de clients via la suprématie sur le marché des podcasts. lire la suite

    « Les consommateurs européens attendent et méritent d’avoir accès à une gamme complète de services de diffusion de musique en continu, sans que leurs choix soient restreints ou que les prix soient injustement gonflés par les gardiens de l’Internet », a déclaré le BEUC, l’organisation européenne de consommateurs.

    L’accusation de l’Union européenne survient une semaine avant l’affrontement d’Apple avec Epic Games dans un procès antitrust aux États-Unis, à la suite d’une action en justice du créateur de « Fortnite » alléguant qu’Apple a abusé de sa position dominante sur le marché des applications mobiles. en savoir plus

    Epic a déposé une plainte auprès de la Commission sur les mêmes questions. en savoir plus

    Le mois dernier, l’autorité britannique de la concurrence et des marchés a ouvert une enquête sur Apple après avoir reçu des plaintes selon lesquelles les conditions générales du fabricant de l’iPhone pour les développeurs d’applications étaient injustes.

    Reuters, 30 avr 2021

    Etiquettes : Union Européenne, UE, Apple, Apple Music, Spotify, musique,

  • Serge Gainsbourg : ses 5 chansons les plus polémiques

    SERGE GAINSBOURG. Le chanteur Serge Gainsbourg, connu tant pour sa musique que pour ses frasques, est à l’origine de paroles qui font toujours débat en 2021.

    Peut-on encore écouter les chansons en 2021 de Serge Gainsbourg la conscience tranquille ? La question se pose, alors que le chanteur nous a quitté, ce mardi 2 mars, il y a trente ans jour pour jour, à 62 ans. Génie incontesté et incontestable de la musique, certaines de ses paroles sont aujourd’hui plus sensibles que de son vivant. « Mon père serait condamné, pour chaque chose qu’il a faite. Tout est si politiquement correct aujourd’hui. Si ennuyeux. Si prévisible. Et tout le monde a peur de ce qui se passerait s’il allait trop loin », confiait sa fille, Charlotte Gainsbourg, à propos des polémiques que pourrait soulever l’œuvre de son père aujourd’hui, dans les colonnes du site britannique The Guardian.

    Provocateur, Serge Gainsbourg l’a toujours été. Déjà, durant son vivant, le chanteur de Lemon Incest, ses textes et quasiment toutes ses apparitions publiques ont fait couler bien de l’encre. Alors en 2021, à l’heure de la libération de la parole, du #Metoo et #Balancetonporc, puis de l’affaire Olivier Duhamel et le flot de témoignages d’inceste, quelles sont les chansons de Serge Gainsbourg qui continuent de faire débat ?

    Lemon Incest, Charlotte et Serge Gainsbourg

    C’est la chanson polémique par excellence du répertoire de Serge Gainsbourg : Lemon Incest. Sorti en 1984, le titre, qui est selon lui une déclaration d’amour platonique à son enfant de 12 ans, créé un tollé. Serge Gainsbourg devra se défendre des accusations de pédophilie. Son clip est même censuré par MTV et reste toujours aujourd’hui, sujet à débats. « Bien sûr, il joue avec la provocation. Mais il est excessivement sincère et honnête dans son propos. Cette chanson, Lemon Incest, je voudrais la chanter à nouveau et en même temps, c’est vrai aujourd’hui, je comprends que ça soulève….. C’est un sujet tellement choquant que c’est délicat en fait, c’est très délicat », explique en ce sens Charlotte Gainsbourg, sa fille, face à Augustin Trapernard dans Boomerang sur France Inter ce mardi 2 mars. Et d’ajouter : « Je l’aime beaucoup parce que de mon côté, elle est tellement innocente, ça s’entend. »

    [youtube https://www.youtube.com/watch?v=OzYnJO6RAnA&w=560&h=315]

    Les Sucettes de France Gall et Serge Gainsbourg

    Parmi les autres tubes de Serge Gainsbourg à avoir fait polémique à l’époque et qui reposent question aujourd’hui, la chanson écrite en 1966 Les Sucettes, chantée par une France Gall âgée à l’époque de 18 ans. « Annie aime les sucettes, les sucettes à l’anis… », chantait la jeune femme, qui assure à l’époque ne pas avoir saisi le double sens des paroles de cette chanson qui deviendra pourtant l’une de ses plus connues. « Quand il a écrit la petite chanson, je me voyais. C’était l’histoire d’une petite fille qui allait chercher ses sucettes à l’anis. Mais en même temps, je sentais que ce n’était pas clair. C’était Gainsbourg quand même », confiait l’artiste au Parisien en 2015. Et de renchérir : « Je n’en comprenais pas le double sens et je peux vous certifier qu’à l’époque, personne ne comprenait le double sens. »

    [youtube https://www.youtube.com/watch?v=-6VLhNF6zRE&w=560&h=315]

    Aux armes et cætera et les accusations de racisme

    Outre ses amours pour des femmes très jeunes, Serge Gainsbourg a également été accusé de racisme après la chanson Aux armes et cætera, sortie en mars 1979. Une réinterprétation de l’hymne français, La Marseillaise, version reggae. A l’époque, le titre est taxé d’antimilitariste et l’homme à la tête de choux taxé d’antisémitisme par Michel Droit, journaliste au Figaro magazine. Une chanson et un scandale national pour le chanteur, qui se défend en disant que « la Marseillaise est un chant révolutionnaire », comme « le reggae ». La classe politique débat, les conservateurs et les militaires s’émeuvent : on ne touche pas à l’hymne national.

    Je t’aime… moi non plus, la censure de Serge Gainsbourg

    A l’origine, la chanson Je t’aime… moi non plus aurait dû être chantée par Brigitte Bardot. Mais l’époux de la chanteuse refuse et déjà, le scandale entoure ce titre. C’est finalement à Jane Birkin, 20 ans, que Serge Gainsbourg offrira le morceau, en 1968, début de leur romance. Je t’aime… moi non plus, qui mêle les râles charnels des deux artistes, sera qualifiée d’obscène par le Vatican et boycotté par les radios italiennes, suédoises et espagnoles. Le label Philips refuse de commercialiser la chanson et les radios françaises ne la diffusent pas. « Je vais, je vais et je viens. Entre tes reins. Je vais et je viens. Entre tes reins. Et je me retiens » : le texte, à l’époque, ne passe pas. Qu’en serait-il aujourd’hui ?

    [youtube https://www.youtube.com/watch?v=kZ2bXzlh2WM&w=560&h=315]

    Love and The Beat, sulfureux Gainsbourg

    Si Serge Gainsbourg se plaisait à provoquer son auditoire en écrivant des chansons qui parlent de sexe explicitement, la plus sulfureuse serait peut être Love and The Beat. Après les gémissements de Jane Birkin dans Je t’aime… moi non plus, ce sont les cris de Bambou, sa dernière compagne, que l’on entend derrière la voix de Serge Gainsbourg, qui chante : « D’abord je veux avec ma langue (…) Ma belle enfant écartelée. Là j’ai touché le point sensible. Attends je vais m’y attarder (…) Il est temps de passer aux choses. Sérieuses ma poupée jolie. Tu as envie d’une overdose. De baise voilà je m’introduis. »

    [youtube https://www.youtube.com/watch?v=E6BxGberajE&w=560&h=315]


    Source : L’Internaute, 2 mars 2021

    Tags : Serge Gainsbourg, musique, chansons,

  • Serge Gainsbourg, influent et incommode 30 ans après sa mort

    La France célèbre un artiste moderne de génie, mais se demande si certaines de ses attitudes et provocations seraient acceptées aujourd’hui

    Serge Gainsbourg aimait jouer avec l’image du Dr Jekyll et de M. Hyde, et son héritage, trois décennies après sa mort, est interprété sous ce signe ambivalent, à la fois lumineux et inconfortable.

    Gainsbourg a été l’un des derniers artistes totaux que la France ait eu, un musicien, compositeur, interprète et poète dont l’influence à l’intérieur et à l’extérieur du pays n’a cessé de croître depuis sa mort le 2 mars 1991, à l’âge de 62 ans, un homme qui à la télévision pouvait manquer de respect à une chanteuse comme Whitney Houston en lui disant, avec des mots offensants, qu’il voulait coucher avec elle, ou qu’il chantait à son amour pour sa fille adolescente Charlotte en des termes qui pouvaient sembler ambigus.

    « Je pense que maintenant mon père serait condamné pour chaque geste qu’il ferait », a déclaré la chanteuse et actrice Charlotte Gainsbourg, aujourd’hui âgée de 49 ans, au journal britannique The Guardian en 2019. « Tout est si politiquement correct, si ennuyeux, si prévisible. Et tout le monde a peur de ce qui se passera si cela va trop loin. « 

    L’épisode avec Whitney Houston, en 1986, est l’une de ces vidéos qui refait surface périodiquement sur les réseaux sociaux. Gainsbourg dit en anglais, faisant allusion à la chanteuse américaine, assise à côté de lui: I want to fuck her. La chanteuse américaine répond surprise: «My God». Le public rit.

    C’étaient les dernières années de lui, celles de son vrai succès populaire, dans lesquelles il avait pris le masque public du personnage qu’il baptisait Gainsbarre, un alter ego ivre et souscrit au scandale. En 1984, il a brûlé un billet de 500 francs lors d’une interview télévisée pour dénoncer ce que le Trésor prélevait sur ses revenus.

    Beaucoup de commentaires sur le caractère «gênant», comme le dit le magazine Les Inrockuptibles, que Gainsbourg pourrait se révéler en 2021 tournent autour d’une chanson que Serge et Charlotte ont enregistrée pour l’album de 1984 Love On The Beat. La chanson s’intitule Lemon Incest, jeu de mots sur « zeste de citron », zeste de citron. En français, cela ressemble à l’inceste au citron.

    L’inceste est le mot clé du débat français actuel sur les abus sexuels. Le mobile immédiat est le livre The Big Family, dans lequel l’auteur, Camille Kouchner, révèle les abus incestueux de son beau-père, le politologue bien connu Olivier Duhamel, à son frère alors qu’il était adolescent. Le livre a déclenché une vague de plaintes pour des cas similaires.

    Une lecture attentive des paroles de Lemon Incest apporte un peu de lumière. C’est ce que recommande de faire Chloé Thibaud, née l’année de la mort de Gainsbourg et vient de publier En relisant Gainsbourg, essai qui montre qu’il était un poète avec une connaissance précise de la tradition et de la versification. Thibaud regrette d’avoir critiqué Lemon Incest sans regarder les vers centraux, qui disent: « L’amour qu’on ne fera jamais ensemble / C’est le plus rare, le plus dérangeant / Le plus pur, le plus excitant. »

    «Faire dire à l’amour qu’on ne fera jamais ensemble est très important et les gens n’y prêtent pas assez attention», défend Thibaud, qui dans le livre souligne que Gainsbourg «n’a jamais commis d’actes pédophiles ou incestueux». «Heureusement, aujourd’hui, des problèmes comme l’inceste sont traités et signalés», dit-il. « Malheureusement, une chanson comme celle-ci ne pouvait pas exister, car aujourd’hui il y a une immense censure, le temps est plus radical. » Thibaud ajoute: «Lemon Incest est une chanson, comme Lolita est un roman. Il est important que dans l’art, les limites puissent être franchies, abordées des sujets tabous, provoquer ».
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    Charlotte Gainsbourg, dans une interview au magazine Télérama, déclare: «Un album comme celui-ci ferait-il plus de bruit aujourd’hui? Sûrement. Serait-il possible de l’enregistrer? Il le ferait. Et j’ai aussi. Lemon Incest est une déclaration d’amour pur et innocent d’un père à sa fille. Sans aucun doute, il joue avec les mots et ce qui est interdit, mais sa force n’était-elle pas là?

    « Vous ne pouvez pas prendre quelqu’un d’il y a cinquante ans et lui dire aujourd’hui: » Ce que je faisais était une honte, c’était un scandale.  » C’était une autre fois », raconte Constance Meyer, auteur de La jeune fille et Gainsbourg, un livre dans lequel elle raconte sa relation avec l’artiste au cours des cinq dernières années de sa vie. avait 16 ans et 57 ans.

    «Il faut dire les choses clairement: la majorité sexuelle en France a 15 ans. J’avais 16 ans. C’est moi qui ai approché Serge. Il n’y a jamais eu d’ambiguïté, ni de geste déplacé. Il n’y a pas de sujet », répond Meyer. «Je suis tombé amoureux d’un homme plus âgé, mais c’était légal. Il n’avait aucun ascendant sur moi. Il n’y a pas de problème « .

    Meyer passe presque tous les jours, sur le chemin du travail, devant le cimetière Montparnasse, où Gainsbourg est enterré, et lui parle. Le tombeau est couvert de pots de fleurs. L’autre sanctuaire de Gainsbourguian à Paris est la maison à la façade couverte de graffitis au numéro 5 bis rue de Verneuil, qui devrait bientôt ouvrir en tant que musée.

    «Je le remercie souvent», explique Meyer. «Parfois, je lui demande aussi de m’aider. Je lui dis: « J’ai un peu de souci, donne-moi ton énergie. » Et ça marche. J’ai l’impression d’être connecté avec lui ».

    ENTRE DALÍ ET HOUELLEBECQ

    Serge Gainsbourg avait quelque chose de Salvador Dalí, dont il a appris que la mise en scène d’un personnage voyou et provocateur fait partie de la pièce. Et aujourd’hui il a quelque chose de Gainsbourg, dans l’attitude publique de lui, l’écrivain Michel Houellebecq. Ils partagent l’image délavée et l’admiration pour le dandysme décadent du 19e siècle. Gainsbourg, le fils de Juifs russes qui ont dû porter l’étoile de David pendant l’occupation nazie, a toujours été moderne. Il a parcouru tous les genres de son temps: chanson française, ye-ye, «reggae», disco, «rap». Il a laissé des compositions mémorables pour France Gall, Françoise Hardy ou Brigitte Bardot. Et surtout pour son grand amour, Jane Birkin, la mère de Charlotte, avec qui il a interprété des classiques tels que «Je t’aime moi non plus» ou «L’histoire de Melody Nelson». [Sur la photo, Gainsbourg avec la chanteuse France Gall, pour qui il a composé des chansons à succès, à l’aéroport d’Orly, au lendemain de sa victoire à l’Eurovision en 1965].

    El País, 1 mars 2021

    Tags : Serge Gainsbourg, pédophilie, pédocriminalité, chanson, musique, Charlotte Gainsbourg,